Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


L'EUROPE DU CINÉMA


DU MERCREDI 29 SEPTEMBRE (19 H) AU DIMANCHE 3 OCTOBRE (14 H) 2021

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Vincent AMIEL, José MOURE, Benjamin THOMAS, David VASSE


ARGUMENT :

L'objectif de cette rencontre est de repérer et d'analyser ce qui, au XXe siècle, a pu construire, dans le domaine du cinéma, un espace de création transnational. Il ne s'agit pas tant de s'intéresser à des représentations de l'Europe, ou d'idées européennes, que de repérer des transferts effectifs (fortuits ou non) entre les créateurs de pays différents, et qui constituent de fait, au fil des décennies, un espace cinématographique européen.

Les directeurs allemands de la photographie quittent par exemple la République de Weimar ou le régime nazi naissant pour essaimer dans les pays alentour, les techniques de jeu théâtral s'étendent au-delà des expérimentations soviétiques pour toucher des acteurs et actrices de l'Ouest, les coproductions franco-italiennes des années 50-60 constituent un territoire de création presque autonome par rapport aux autres productions de l'époque, les militants politiques des années 70 font un va-et-vient entre Paris et Rome… Sans compter évidemment les innombrables adaptations de textes dramatiques ou romanesques qui, parfois massivement, déplacent des thématiques ou des dispositifs d'un pays à l'autre.

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2020, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2020 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Cinéma, Esthétique, Europe, Histoire, Histoire des formes, Transferts culturels, XXe siècle


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 29 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 30 septembre
Matin
OUVERTURES THÉORIQUES
Benjamin THOMAS : L'Homme et les choses. Statut du sujet figuré dans les premières théories européennes du cinéma
Katalin PÓR : Circulations transnationales : individus, réseaux, structures

Après-midi
ACTEURS
Christophe GAUTHIER : Une star transnationale en Europe au début des années 30 : Lilian Harvey
Christophe DAMOUR : Le jeu expressionniste : un motif européen ?

Soirée
Projection du film Liliom de Fritz Lang, présenté par Nedjma MOUSSAOUI


Vendredi 1er octobre
Matin
PRODUCTIONS ET CRÉATIONS (I)
Eurydice DA SILVA : L'apport de techniciens juifs allemands et autrichiens sur les premiers films parlants portugais (1933-1940)
Morgan LEFEUVRE : Les coproductions, une solution à la crise des studios français et italiens de l'immédiat après-guerre ?
Jean-François BAILLON : Basil Dearden : exécutant au service des studios Ealing ou auteur méconnu ?

Après-midi
PRODUCTIONS ET CRÉATIONS (II)
Hélène FRAZIK : Empreintes du cinéma allemand dans le fantastique cinématographique français
Nedjma MOUSSAOUI : De l'Allemagne vers la France… Les films d'exil des années 1930, un nouvel espace cinématographique européen [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Soirée
Federico LANCIALONGA : Coopérations et complicités entre les cinémas militants français et italien des années 1960-70 : une projection commentée


Samedi 2 octobre
Matin
CONTEXTES CULTURELS
Antonio SOMAINI : Le concept de "formule de pathos" chez Warburg et Eisenstein [visioconférence]
Vincent AMIEL : Rivages et jardins d'Europe

Après-midi
ŒUVRES
Camille BUI : Entre les territoires, l'Europe de Johan van der Keuken
David VASSE : Ici et (déjà) ailleurs : le cinéma box to box de Jerzy Skolimowski


Dimanche 3 octobre
Matin
PERSPECTIVES CONTEMPORAINES
José MOURE : Filmer et éprouver l'Europe à ses frontières

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Vincent AMIEL : Rivages et jardins d'Europe
L'œuvre de Wim Wenders a été, à la fin du XXe siècle, emblématique d'une position européenne, le cinéaste filmant à Paris, à Berlin, à Lisbonne, et se référant, par opposition ou comparaison, aussi bien au cinéma américain qu'au cinéma japonais. La question de l'identité parcourt ses films, et celle de l'identité européenne, en creux, ne cessent de saillir.

Jean-François BAILLON : Basil Dearden : exécutant au service des studios Ealing ou auteur méconnu ?
La réputation des studios britanniques (Ealing, Hammer, etc.) comme illustration d'une cottage industry fonctionnant sur un modèle familial encourage l'idée d'une production relativement standardisée et impersonnelle qui ne laisse guère de place à l'expression de visions singulières. Basil Dearden, qui a réalisé bon nombre de ses films — les meilleurs, diront certains — au sein de la Ealing avant de connaître une fin de carrière inégale, constitue un cas d'école. Il est temps de réhabiliter ce cinéaste encore mésestimé en France et, à travers lui, de défendre une vision pluraliste de la production d'un des studios les plus inventifs du milieu du vingtième siècle.

Jean-François Baillon enseigne les études britanniques et le cinéma à l'université Bordeaux Montaigne. Président d'honneur de la SERCIA (Société d'études et de recherches sur le cinéma anglophone), il a publié des articles sur le cinéma britannique, les acteurs et actrices britanniques, le cinéma gothique et d'horreur et le heritage cinema dans des recueils d'articles et des revues parmi lesquelles Mise au Point, Éclipses, Film Journal, CinémAction et Positif.
Publication
(dir.), E. M. Forster's Howards End (1910) and James Ivory's Howards End (1992), Paris, Ellipses, 2019.

Camille BUI : Entre les territoires, l'Europe de Johan van der Keuken
Lorsqu'il filmait les villes européennes de la deuxième moitié du XXe siècle, Johan van der Keuken refusait la logique de la frontière et de l'identité. Au tournage et au montage, le cinéaste néerlandais inventait des gestes de circulation et de mise en réseau, entre les lieux, les cultures, les subjectivités. Mais cette Europe multiple et ouverte au monde n'est pas seulement la géographie semi-imaginaire figurée par l'œuvre de van der Keuken, elle en constitue — dans le même mouvement — le milieu esthétique : un espace commun où se rencontrent et voyagent librement des qualités médiatiques (photographiques, filmiques, musicales) et des traditions formelles (cinéma direct, film expérimental, jazz…) hétérogènes.

Camille Bui est maître de conférences en études cinématographiques à l'université Paris 1 et membre de l'institut ACTE. Ses travaux portent principalement sur le cinéma documentaire, l'articulation entre le social et l'esthétique et les liens théorie-pratique.
Publication
Cinépratiques de la ville. Documentaire et urbanité après Chronique d’un été, Presses universitaires de Provence, 2018.

Christophe DAMOUR : Le jeu expressionniste : un motif européen ?
Nous nous intéresserons aux transferts stylistiques opérés à l'intérieur de certaines cinématographies européennes, et en particulier à la circulation d'un style de jeu spécifique (que nous appellerons pour le moment "expressionniste", mais qu'il s'agira de définir plus précisément), et qui pourrait constituer un motif (au sens de forme gestuelle codifiée, répétitive et reconnaissable) intrinsèquement européen. Nous réfléchirons ainsi à la potentielle européanité d'un style de jeu, à partir de l'analyse comparative de gestes et de postures dont l'inter-influence est notable dans de nombreux films de la première moitié du XXe siècle, à travers les analogies plastiques que l'on peut observer, notamment, entre des acteurs allemands (Conrad Veidt, Werner Krauss), français (Catherine Hessling vue par Jean Renoir), anglais (dans les premières œuvres d'Alfred Hitchcock) et soviétiques (Aleksandra Khokhlova chez Lev Koulechov ou Nikolai Tcherkassov chez S. M. Eisenstein).

Christophe Damour est maître de conférences en études cinématographiques à l'université de Strasbourg. Ses travaux sur le jeu de l'acteur et l'histoire des formes au cinéma ont été publiés au sein de monographies (Al Pacino, Montgomery Clift, The Swimmer) ou d'ouvrages collectifs (François Delsarte, Généalogies de l'acteur au cinéma, Jeu d'acteurs. Corps et gestes au cinéma), ainsi que dans différents volumes universitaires, revues (Positif, CinémAction, Ligeia, Eclipses, Double jeu, CiNéMAS) et dictionnaires (Nouveau Monde, Larousse).

Eurydice DA SILVA : L'apport de techniciens juifs allemands et autrichiens sur les premiers films parlants portugais (1933-1940)
Dès 1933, au générique des premiers films parlants portugais, figurent les noms de divers techniciens étrangers. Comment expliquer leur présence sur ces tournages, à un moment où les frontières du Portugal se referment progressivement avec l'avènement de l'État Nouveau de Salazar ? En partant de l'analyse de plusieurs génériques de films, nous suivrons le parcours de ces techniciens juifs allemands ou autrichiens, dont l'arrivée au Portugal coïncide avec la montée du national-socialisme. Il s'agira de révéler l'apport essentiel de cette main d'œuvre étrangère dans la production nationale, à un moment charnière de l'histoire du cinéma portugais, le passage du muet au parlant, alors que les bouleversements techniques induits par l'arrivée du cinéma sonore menaçaient le système cinématographique national.

Eurydice Da Silva est scénariste et docteure en Langues, Lettres et civilisations romanes de l'université Paris Nanterre. Sa thèse, soutenue en octobre 2019, traitait du cinéma portugais pendant l'État Nouveau de Salazar de 1933 à 1974. Ses travaux portent sur la question de la censure et sur les modes de contrôle exercés par l'État dans le milieu du cinéma au Portugal pendant la dictature.
Publications
"Les prémices du Nouveau cinéma portugais pendant l'État Nouveau : les années parisiennes", Reflexos, revue interdisciplinaire du monde lusophone, n°4, Université Toulouse Jean Jaurès, Mai 2019.
"Les rues lisboètes dans le cinéma portugais des années 60 : un espace de résistance pendant la dictature", Revue Crisol, Université Paris Nanterre, Février 2018.
"Au cœur des archives du SNI : le regard d'un organisme de l'État Nouveau sur le mouvement des ciné-clubs portugais", Revista da História da Sociedade e da Cultura, n°17, Université de Coimbra, 2017, pp. 337-354.

Hélène FRAZIK : Empreintes du cinéma allemand dans le fantastique cinématographique français
Lors des années 1930, les formes du fantastique cinématographique français, se caractérisant depuis le début du XXe siècle par leur hétérogénéité, se trouvent enrichies par l'influence du cinéma d'autres pays européens. Davantage que l'apport des Russes Blancs, des scandinaves comme Carl T. Dreyer ou de l'espagnol Luis Buñuel, c'est le cinéma allemand de l'entre-deux-guerres qui marque le plus durablement le fantastique français. Cette communication propose de voir quelles sont les origines et les modalités de ce transfert culturel s'accentuant considérablement lors des années 1930, période d'exil en France de nombreux cinéastes, techniciens et acteurs allemands. Il s'agira aussi d'analyser la manière dont le cinéma allemand de l'entre-deux-guerres a marqué l'esthétique des films du fantastique français à travers la création de formes hybrides dans des œuvres aussi différentes que Liliom (F. Lang, 1933), La Tendre ennemie (M. Ophuls, 1936), La Main du Diable (M. Tourneur, 1943), La Cité de l'indicible peur (J.-P. Mocky, 1963) et Alice ou la dernière fugue (C. Chabrol, 1977).

Hélène Frazik est docteure en études cinématographiques de l'université de Paris I-Panthéon-Sorbonne. Elle a soutenu en 2018 une thèse intitulée "Présences fantastiques dans le cinéma français de l'entre-deux-guerres" dont la publication est prévue pour 2021. Tout en se concentrant sur la notion de fantastique et sur la question de l'apparition dans les œuvres d'art, elle ouvre ses champs de recherche au jeu de l'acteur, au cinéma d'épouvante et au grotesque.
Publications
L'Apparition dans les œuvres d'art, Pascal Couté et Camille Prunet (codir.), Actes des journées d'études tenues à l'université de Caen et à l'ésam de Caen-Cherbourg les 15 et 16 mars 2015, Caen, Presses universitaires de Caen, à paraître début 2020.
"Noirs fantastiques dans le cinéma en noir et blanc : les noirs du cauchemar", dans Sophie Lécole Solnychkine, Du noir dont procèdent les figures. Cinéma et plasticité, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. "Formes cinématographiques", à paraître en 2020.
"Le stratagème du rideau : de la photographie des phénomènes occultes au cinéma fantastique", dans Baptiste Villenave et Julie Wolkenstein (dir.), L'image, le secret, Actes du colloque de Cerisy (28 septembre au 2 octobre 2016), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020.
"L'insolite dans le cinéma de Jean Grémillon", dans Yann Calvet et Philippe Roger (dir.), Jean Grémillon et les quatre Éléments, Actes du colloque de Cerisy (17 au 24 août 2013), Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2019, p. 71-83.
"Cicatrices de la Grande Guerre : résurgence des Mutilés et des Gueules Cassées dans le cinéma français de l'entre-deux-guerres", dans Pierre Arbus (dir.), 1914-1918 Grande Guerre ou contre-révolution ? : ce que disent les imaginaires, Paris, Téraèdre, coll. "Cinéma/Formes autonomes", 2019, p. 117-127.

Christophe GAUTHIER : Une star transnationale en Europe au début des années 30 : Lilian Harvey
Au tournant du Muet et du Parlant, Raoul Ploquin est directeur de la publicité de l'Alliance cinématographique européenne, l'une des plus grandes sociétés de distribution de films allemands en France. Parfaitement bilingue et au fait des conditions de production des films à Berlin, cet homme jeune, qui deviendra le premier directeur du Comité d'organisation de l'industrie cinématographique pendant l'Occupation, contribue en grande partie à la promotion d'une vedette volontiers présentée comme européenne parce que parlant couramment plusieurs langues : Lilian Harvey. À travers l'exemple de cette comédienne connue de plusieurs dizaines de millions de spectateurs (à la différence de ses partenaires masculins, son trilinguisme lui permettait de reprendre ses rôles dans les versions française, allemande et anglaise de ses films), il s'agira de voir comment se construit sur un mode publicitaire une star transnationale dans le champ d'un cinéma européen dominé par l'industrie allemande, et d'autre part comment la critique perçoit cette dimension européenne, à rebours de la promotion des productions nationales.

Christophe Gauthier est professeur d'histoire du livre et des médias à l'époque contemporaine à l'École nationale des chartes (Université PSL). Membre du Centre Jean-Mabillon (EA 3624), il est chargé de cours à l'École du Louvre en histoire du cinéma et il enseigne l'histoire des médias audiovisuels à l'INA ; il a créé et co-animé pendant vingt ans le séminaire d'histoire culturelle du cinéma. Ses recherches portent sur l'histoire de la critique et du patrimoine cinématographiques, ainsi que sur l'histoire des industries culturelles.
Publications
La Passion du cinéma. Cinéphiles, ciné-clubs et salles spécialisées à Paris. 1920-1929, Paris, École nationale des chartes-AFRHC, 1999.
Loin d'Hollywood. Cinématographies nationales et modèle hollywoodien. France, Allemagne, URSS, Chine, 1925-1935 (dir. Avec Anne Kerlan et Dimitri Vezyroglou), Paris, Nouveau Monde éditions, 2013.
L'Auteur de cinéma, histoire, généalogie, archéologie (dir. Avec D. Vezyroglou), Paris, AFRHC, 2013.
Histoires d'O. Mélanges d'histoire culturelle offerts à Pascal Ory (dir. Avec L. Martin, J. Verlaine, D. Vezyroglou), Paris, Publications de la Sorbonne, 2017.
Patrimoine et Patrimonialisation du cinéma (dir.), Paris, École nationale des chartes, 2020 (à paraître à l'automne).

Federico LANCIALONGA : Coopérations et complicités entre les cinémas militants français et italien des années 1960-70 : une projection commentée
Tout comme les cinématographies "officielles", le cinéma militant des années 1960-1970 s'est édifié grâce à un espace de création transnational. Le rapport entre France et Italie offre un cas de coopération et transfert intra-européen particulièrement intéressant. Les rapports entre ces deux cinématographies militantes se sont manifestés sous plusieurs formes : aides matérielles pour le développement de pellicules, échanges de films, transferts de stratégies esthétiques et politiques entre les cinéastes et les collectifs des deux pays. Dans le cadre d'une projection commentée, l'intervention propose une sélection d'extraits de films issus du catalogue de l'Archivio audiovisivo del movimento operaio e democratico [AAMOD] de Rome qui illustrent les diverses coopérations franco-italiennes : le projet de contre-information des Cinegiornali Liberi, les cinétracts, les images de Mai 68 en France développées par le Parti communiste italien, le cinéma ouvrier.

Federico Lancialonga est doctorant en études cinématographiques à l'université Paris 1 (ED. 279 APESA) et enseignant à la Sorbonne Nouvelle. Il prépare une thèse sur le documentaire politique italien des années 60-70, sous la direction de V. Amiel et S. Layerle. Chercheur associé à la Cinémathèque française, son travail a fait l'objet de communications diverses (Université Paris-Nanterre ; ENS Louis-Lumière), ainsi que de publications pour différentes revues françaises et italiennes (CinémAction, Studi Culturali, Alias, Zapruder).

Morgan LEFEUVRE : Les coproductions, une solution à la crise des studios français et italiens de l'immédiat après-guerre ?
En 1945, les infrastructures de production françaises et italiennes sortent exsangues de plusieurs années de conflit et les rares studios encore en activité fonctionnent au ralenti. Dans ce contexte matériel et économique tendu, le développement des coproductions apparaît aux yeux de nombreux professionnels comme un moyen efficace de relancer la production nationale et de lutter contre la concurrence du film américain qui fait son grand retour sur les écrans des deux pays. Il s'agira dans le cadre de cette communication d'analyser la manière dont les premières coproductions franco-italiennes qui se développent entre 1946 et 1950 ont contribué à redynamiser certains studios, mais également d'évoquer les difficultés d'application de l'accord de 1946 et les tensions que ce dernier suscite entre professionnels français et italiens.

Morgan Lefeuvre est chercheuse associée à la Queen Mary University de Londres au sein du projet Studiotec et membre du groupe de recherche "La création collective au cinéma". Elle enseigne par ailleurs à l'université de Lausanne. Ses travaux portent principalement sur l'histoire des studios français depuis 1930 et sur les coopérations cinématographiques franco-italiennes des années 1930 aux années 1960.
Publications
Les Manufactures de nos rêves. Les studios de cinéma français dans les années 30, préface de Jean-Pierre Berthomé, PUR, [à paraître en septembre 2020].
"Avant l'âge d'or des coproductions : vingt ans d'influences, d'échanges et de coopérations entre cinéma français et italien (1929-1949)", dans Mélisande Levantopoulos, Jean-Marc Leveratto, Katalin Pór et Caroline Renouard (dir.), Les échelles de la création cinématographique. L'individu, le collectif, l'industrie, Paris, AFRHC, [A paraître 2020].
"Quelle place pour le scénaristes dans les coproductions franco-italiennes de l'après-guerre", La Création collective au cinéma, n°5, sous la direction de Martin Fournier et Nedjma Moussaoui, 2020.
"L'Acteur : un travailleur des studios comme un autre ? Place des acteurs dans le système des studios français des années 1930", La Création collective au cinéma, n°4, sous la direction de Bérénice Bonhomme et Paul Lacoste, 2020.
"Grèves rouges et syndicats jaunes : mouvement social et divisions syndicales dans les studios français (1936-1939)" et "Les espoirs déçus de la Libération : retour sur la situation des techniciens et ouvriers de la production cinématographique de 1945 à 1952", dans Tangui Perron (dir.), L'Écran rouge. Syndicalisme et cinéma de Gabin à Belmondo, Paris, L'Atelier, 2018.
"Les grèves d'occupation de juin 1936 dans les studios : un tournant dans l'histoire sociale des travailleurs du film", dans Laurent Creton et Michel Marie (dir.), Le Front populaire et le cinéma français, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, coll. "Théorème", 2017.

Nedjma MOUSSAOUI : De l'Allemagne vers la France… Les films d'exil des années 1930, un nouvel espace cinématographique européen
L'avènement du nazisme conduit à l'exil de nombreux professionnels du cinéma venus d'Allemagne dans différents pays d'Europe. La France est le premier pays d'accueil et une cinquantaine de films d'exil y sont tournés entre 1933 et 1940. L'hypothèse avancée est que ces films ont pu constituer des lieux privilégiés pour la diffusion de pratiques spécifiques issues des studios de la Ufa dans la fabrique du film, et qu'ils ont sans doute aussi permis d'expérimenter de nouvelles modalités de collaboration transnationale entre professionnels du cinéma.

Nedjma Moussaoui est maître de conférences en études cinématographiques et audiovisuelles à l'université Lumière Lyon 2, membre du laboratoire "Passages XX-XXI" et du groupe de recherche "Création collective au Cinéma". Ses travaux concernent les transferts culturels et les phénomènes d'hybridation, et portent notamment sur les cinéastes germaniques exilés sous le nazisme.
Publications
"Le "mélodrame princier" ou l'expression d'une européanité dans le cinéma français des années 1930 ?", in Congrès AFECCAV "D'une Europe audiovisuelle", 5-7 juillet 2018, Université de Strasbourg (à paraître dans la revue Mise au Point).
"De l'impact du travail collectif "à l'allemande" dans la production française des années 1930 ?", in Colloque international "La création cinématographique – coopérations artistiques et cadrages industriels", 23-24 novembre 2017, Université de Metz (à paraître dans la revue de l'AFRHC : 1895)
"Fritz Lang : cinéma et machine(s) à produire des images", in D. Méaux (dir.), L'Art et la machine, PU de Pau et du Pays de l'Adour, Figures de l'art, n°32, 2016, p. 127-237.
"Aspects linguistiques du stéréotype de l'Allemand dans les comédies françaises des années 1960", in M. Barnier et I. Le Corff (dir.), Le cinéma européen et les langues, revue Mise au Point, n°5, 2013 [en ligne].
""Que les choses en soient venues là !" : Lola Montès, un retour aux sources", in M. Chabrol et P.-O. Toulza (dir.), Lola Montès. Lectures croisées, L'Harmattan, coll. "Champs visuels", 2011, p. 37-73.
"1933-1940 : Les cinéastes exilés et le système générique français", in R. Moine (dir.), Le cinéma français face aux genres, Paris, Association Française de Recherche sur l'Histoire du Cinéma, 2005.

Katalin PÓR : Circulations transnationales : individus, réseaux, structures
Hérité des études littéraires et de l'histoire culturelle, le modèle des transferts culturels, théorisé par Michel Espagne et Michael Werner, offre de précieux outils pour penser les phénomènes de circulation et d'échanges entre des espaces créatifs envisagés comme distincts. Une autre forme d'appréhension, relevant plutôt de l'histoire socio-économique, met d'avantage l'accent sur les phénomènes d'interdépendances structurelles entre les pays, insistant sur le caractère précocement mondialisé de l'industrie cinématographique. Comment peut-on articuler ces deux dimensions ? Entre trajectoires individuelles, réseaux de sociabilités et intégration industrielle, comment se construit un espace créatif transnational, et comment peut il s'envisager ?

Katalin Pór est maitresse de conférences HDR à l'université de Lorraine. Elle travaille principalement sur le cinéma hollywoodien, dans ses liens avec l'Europe ainsi qu'avec les formes spectaculaires qui lui sont proches. Elle codirige également, avec Bérénice Bonhomme, le groupe de recherche Création Collective au Cinéma.
Publications
De Budapest à Hollywood. Le théâtre et le cinéma hollywoodien. 1930-1943, Presses universitaires de Rennes, 2011.
Ernst Lubitsch au cœur des studios. Un exercice du pouvoir créatif à Hollywood, CNRS Éditions (à paraître).

David VASSE : Ici et (déjà) ailleurs : le cinéma box to box de Jerzy Skolimowski
Figure incontournable du Nouveau cinéma polonais des années 60, pourfendeur implacable du régime stalinien et de toutes formes d'oppression, Jerzy Skolimowski s'est très tôt retrouvé en situation d'exil, contraint de continuer le cinéma hors de Pologne dans quelques pays d'Europe de l'Ouest plus démocratiques comme la Belgique, l'Italie et surtout l'Angleterre où il réalisera deux de ses plus beaux films (Deep End en 1970 et Travail au noir en 1982). Il s'agira de montrer comment cette situation d'exilé assimile formellement une notion essentielle, à savoir le mouvement, plus exactement le déplacement, conjugué à la vitesse et à l'urgence d'échapper physiquement au conditionnement social, politique mais aussi névrotique. Partir aux quatre coins de l'Europe pour continuer à faire du cinéma, c'est non seulement en livrer un portrait actuel, oblique et acéré (principe même d'un regard d'artiste étranger sur un nouveau pays d'accueil) mais aussi décrire un mode de liberté fondé sur la projection mentale et physique, hors des limites imposées par un système de contrôle des comportements, sur la capacité à transformer un point de départ en pivot cardinal d'un retour sans cesse réorienté ailleurs.

David Vasse est maitre de conférences HDR en études cinématographiques à l'université de Caen Normandie. Spécialiste de la critique de cinéma et du cinéma français contemporain, il a publié plusieurs articles dans des revues comme Les Cahiers du cinéma, CinémAction, Vertigo, Double Jeu ou Contre-bande.
Publications
Catherine Breillat, un cinéma du rite et de la transgression, Arte/Complexe, 2004.
Le Nouvel âge du cinéma d'auteur français, Klincksieck, 2008.
Jean-Claude Brisseau, entre deux infinis, Rouge Profond, 2015.
A codirigé avec Antony Fiant, Le Cinéma de Hou Hsiao-hsien. Espaces, temps, sons, Presses universitaires de Rennes, 2013.

Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


POÉSIE ET POLITIQUE DANS LES MONDES NORMANDS MÉDIÉVAUX
( IXe - XIIIe SIÈCLE )


DU MERCREDI 29 SEPTEMBRE (19 H) AU DIMANCHE 3 OCTOBRE (14 H) 2021

[ colloque de 4 jours ]


Bern, Burgerbibliothek, Cod. 120.II, f. 139r (e-codices.ch). Petrus de Ebulo : Liber an honorem Augusti


DIRECTION :

Alban GAUTIER, Marie-Agnès LUCAS-AVENEL, Laurence MATHEY-MAILLE


ARGUMENT :

Le colloque interrogera les rapports entre poésie et pouvoir en favorisant les échanges entre historiens et spécialistes des littératures latines et vernaculaires des Mondes normands médiévaux du IXe au XIIIe siècle. On étudiera les poèmes composés sur un vaste territoire — celui des diasporas vikings et normandes, de l'Islande à l'Italie méridionale (Îles Britanniques, Scandinavie, Rus' kiévienne, une partie de l'Orient latin) — pour examiner la manière dont la poésie (1) s'inscrit dans un contexte politique particulier (poésie encomiastique, satirique) ; (2) est le lieu d'une représentation des pouvoirs politiques ou de transmission de conceptions morales ou religieuses (miroirs des princes, poésie didactique, gnomique…) ; (3) peut être préférée à la prose pour véhiculer des idées politiques.


MOTS-CLÉS :

Histoire, Langues et littératures, Langues vernaculaires, Latin, Moyen Âge, Normandie, Poésie, Politique, Scandinavie, Viking


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 29 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 30 septembre
Matin
Alban GAUTIER, Marie-Agnès LUCAS-AVENEL, Laurence MATHEY-MAILLE : Introduction

SESSION 1. VIKINGS, CHEVALIERS ET ROIS : LE POUVOIR, LES ARMES ET LES LETTRES
A. Batailles et poésie encomiastique

Klaus Johann MYRVOLL : Poetics and politics in the skaldic account of the battle of Hafrsfjord
Stéphane LAÎNÉ : Les enjeux de la bataille du Val-ès-Dunes

Après-midi
B. Poésie de cours dans le royaume anglo-normand et en Sicile
Philippa BYRNE : Poetry, dialogue, and court politics in later twelfth-century Sicily [visioconférence]
Roberto ANGELINI : Le poème "Vix loquar aut scribo, vix lingua manusque laborant" du ms. Oxford, Bodleian Library, Rawlinson G. 109
Laura CAMINO : Una fábula para la condesa. Historia y ficción en el poema epistolar que Baudri de Bourgueil compuso para Adela de Normandía


Vendredi 1er octobre
Matin
C. Paroles de rois et paroles aux rois
Alban GAUTIER : Commander et combattre : le roi et ses guerriers dans la poésie vernaculaire du long Xe siècle
Simon LEBOUTEILLER : Sigvatr Þórðarson, le "poète-diplomate". Les scaldes comme messagers, intermédiaires et négociateurs dans la Scandinavie médiévale [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]
Victor BARABINO : Les "rois scaldes" : la formation militaire des souverains dans la poésie scaldique des Xe-XIIIe siècles

Après-midi
D. Conquêtes et diasporas
Caitlin ELLIS : The politics of poetic preservation : the viking to Norman transition in the Irish Sea region [visioconférence]
Jean-Louis PARMENTIER : Conquêtes, invasions, violences : quels discours sur le traitement des captifs dans la poésie latine (IXe-XIe siècle) ?
Françoise LAURENT & Laurence MATHEY-MAILLE : Poésie et politique dans le prosimetrum de Dudon de Saint-Quentin
Marta CAMELLINI : Rollon et la perception de la conquête normande. Pistes pour l'étude de l'identité et de l'usage politique de la mémoire


Samedi 2 octobre
Matin
SESSION 2. POUVOIR ET RELIGION
A. Païens et chrétiens

Mikael MALES : Eddic poetry : the other type of pagan court poetry ?
Bianca PATRIA : Political and literary trends in skaldic style at the turn of the millennium

B. Pouvoir laïc et pouvoir religieux
Baptiste LAÏD : Du tirant emperur au roi chrétien : le pouvoir royal comme autorité religieuse dans Barlaam et Josaphat et Les sept dormants du poète anglo-normand Chardri (XIIe siècle)
Laura VANGONE : L'hagiographie en vers dans le duché de Normandie (911-1204)

Après-midi
"HORS LES MURS" — VISITE DE L'ABBAYE DE HAMBYE

Marie-Agnès LUCAS-AVENEL : Les satires socio-politiques de Serlon de Bayeux (An satira censes plus tela nocere vel enses ?)


Dimanche 3 octobre
Matin
Hélène TÉTREL, Ásdís Rósa Magnúsdóttir & Ingvil BRÜGGER BUDAL : Le fait poétique à l'épreuve de la traduction : l'exemple des sagas de chevaliers
Pierre BAUDUIN : Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Roberto ANGELINI : Le poème "Vix loquar aut scribo, vix lingua manusque laborant" du ms. Oxford, Bodleian Library, Rawlinson G. 109
Cette intervention consiste en l'édition et l'examen du poème inédit, inc. : Vix loquar aut scribo, vix lingua manusque laborant, transmis par le ms. Oxford, Bodleian Library, Rawlinson G. 109 (SC 15479), pp. 51-66 : une anthologie du type le plus ancien, copiée dans le nord de la France ou en Angleterre sur la base d'un antigraphe français. C'est un texte composé de 40 distiches élégiaques à la louange d'un roi reconnaissable par les grandes entreprises politiques et juridiques mentionnées, comme Henri Ier d'Angleterre, le "Lion de la Justice", spécialement pour la mention, aux vv. 40-43, de la conquête militaire paternelle des terres étrangères. On mettra en évidence les spécificités métriques, les sources et les références apprises, et également on fera progresser la reconstruction du contexte historique et politique de référence. Une comparaison avec d'autres textes poétiques, également inédits et non étudiés, présents dans le même manuscrit, nous permettra d'avancer quelques hypothèses d'attribution des vers.

Roberto Angelini a obtenu une maîtrise et un doctorat à l'université de Florence. Son institution d'affiliation est la Società Internazionale per lo Studio del Medioevo Latino, Firenze. Ses domaines de recherche sont la poésie du XIe-XIIe siècle, l'hagiographie, la philologie et la littérature latine du XVe-XVIe siècle.
Dernières publications
Il carme "Heu, sors, quam subito vela beatis" (Oxford, Bodleian Library, Rawlinson G. 109, f. 49), Edizione, commento e attribuzione a Ildeberto di Lavardin, "Medioevo e Rinascimento" 23 (2012), 1-11.
Il carme "Clauditur integra lux viginti quattuor horis" (Paris, BNF, lat. 7596 A). Analisi per l'attribuzione a Ildeberto di Lavardin in Le sens du temps. The Sense of Time, Actes du VIIe Congrès du Comité International de Latin Médiéval, Proceedings of the 7th Congress of the International Medieval Latin Committee (Lyon, 10-13.09.2014), Genève, Droz, 2017, pp. 721-740.
Il codice Firenze, Biblioteca Nazionale Centrale II.II.94, testimone autografo di Ugolino Verino in Collezioni d'autore nel medioevo. Problematiche intellettuali, letterarie ed ecdotiche, Firenze, SISMEL, Edizioni del Galluzzo, 2018, pp. 183-200.
Topographical and Thematic Perspectives in the Latin Poetry of the First Anglo-Norman Kings, "Tabularia" (2018).
L'ultimo Verino : i carmi in lode di san Giovanni Gualberto in La memoria del chiostro. Studi in ricordo di Padre Pierdamiano Spotorno O.S.B., archivista, bibliotecario e custode di Vallombrosa (1936-2015), Firenze, L.S. Olschki, 2019, pp. 585-637.

Victor BARABINO : Les "rois scaldes" : la formation militaire des souverains dans la poésie scaldique des Xe-XIIIe siècles
Dans la poésie scaldique composée en Islande et en Norvège à partir du Xe siècle, de nombreuses strophes sont attribuées à des souverains scandinaves, notamment aux rois de Norvège. Ces strophes, intégrées à des sagas royales au XIIIe siècle, se présentent donc comme la parole de souverains, bien qu'elles n'aient souvent pas été composées par les individus auxquelles elles sont attribuées. Elles constituent ainsi un témoignage de ce qu'on pourrait appeler une parole poétique des rois. Dans ce cadre, plusieurs strophes scaldiques servent en particulier à faire le récit de la formation militaire des souverains, étape essentielle de leur ascension au pouvoir qui sera au cœur de cette étude. En s'appuyant sur des outils d'édition numérique, cette contribution vise ainsi à donner un aperçu du vivier que constituent les sources scaldiques pour les historiens actuels de la Scandinavie médiévale.

Doctorant au CRAHAM (Université de Caen) sous la direction d'Alban Gautier et de Ryan Lavelle (University of Winchester), Victor Barabino s'intéresse aux relations entre guerre et religion en Scandinavie, en confrontant la poésie scaldique aux autres sources narratives et archéologiques des Xe-XIIIe siècles. Il s'appuie ici sur l'édition dirigée par Diana Whaley (Brepols, t. 1-2, 2009-2012) et l'édition numérique qui lui est associée (The Skaldic Project).

Philippa BYRNE : Poetry, dialogue, and court politics in later twelfth-century Sicily
This contribution examines how scholars might utilise scholastic dialogue and court poetry to access the most important intellectual and ethical debates of the later Norman Sicilian kingdom. It argues that the ethical concerns of the court under William I (r.1154-66) and William II (r.1166-89) were quite different from those of the earlier twelfth century. The intellectual productions of this later Norman period explore a unique set of theological, political, and "official" themes. Moreover, in this period, poetry and dialogue could be regarded as two parts of the same didactic enterprise. Both were an exercise in ethical training and refinement for members of the court. Finally, this paper argues that while there are some superficial similarities with the instructive poetry produced in other "Norman" kingdoms (such as, for example, Anglo-Norman England), by reason of its sources and the multilingual context, Sicily represents a distinctive intellectual tradition.

Philippa Byrne is a Departmental Lecturer in History at Somerville College, University of Oxford. She was previously a British Academy Postdoctoral Fellow. Her research concentrates on the intellectual history of the twelfth century, particularly legal and scholastic cultures in England and Sicily. She is currently preparing her second book, which explores intellectual exchange in later Norman Sicily.
Publications
Justice and Mercy : Moral Theology and the Exercise of Law in Twelfth-Century England, Manchester, MUP, 2018.
""Reddimus urbem" : Civic Order and Public Politics at the End of Norman Sicily", Al-Masāq : Journal of the Medieval Mediterranean 32:2 (2020), 125-39.
"The De viris illustribus tradition in the twelfth-century renaissance", Historical Research (forthcoming).

Marta CAMELLINI : Rollon et la perception de la conquête normande. Pistes pour l'étude de l'identité et de l'usage politique de la mémoire
Dans le récit du voyage de Rollon et de la conquête de la Normandie chez certains historiens normands de la fin du Xe au XIIe siècle, l'on décèle des différences et des similitudes. Dudon de Saint-Quentin rédigea en premier un récit très idéologique qui justifiait une conquête violente, encore bien présente à l'esprit de ses contemporains. Environ un demi-siècle après, Guillaume de Jumièges reprit le récit de Dudon, mais, motivé par un besoin de "normaliser" l’histoire du fondateur de la Normandie, il relata une version moins exaltée et dégagée des aspects idéologiques plus chargés de son prédécesseur. Enfin, au XIIe siècle, Robert de Torigny et Wace récupérèrent l'histoire de Dudon et ils réintroduisirent les parties effacées par Guillaume. Comment peut-on interpréter ces variations survenues au fil du temps ? La communication vise à montrer qu'elles sont des pistes à suivre pour étudier l'exploitation de la mémoire du passé normand afin de légitimer les seigneurs de Normandie, ainsi que les traces d'une variation de l'identité d'un peuple, proposée et vécue.

Marta Camellini est titulaire d'un diplôme de Master II mention Lettres et d'un diplôme de Master II mention Histoire délivrés par l'Università di Bologna. À présent, elle est inscrite à l'École doctorale en Histoire médiévale de l'Università del Piemonte Orientale, avec une thèse sur l'évolution de l'identité normande des origines au XIIe siècle en Normandie et dans les pays de l'expansion normande.
Publication
"L'ambasceria di Hasting nel De moribus di Dudone e la Chanson de Roland", in Quaderni di Filologia romanza, 26/27 (2018-2019).

Laura CAMINO : Una fábula para la condesa. Historia y ficción en el poema epistolar que Baudri de Bourgueil compuso para Adela de Normandía
Adèle de Normandie, comtesse de Blois, Chartres et Meaux, est la destinataire d'un long poème épistolaire écrit en latin par Baudri de Bourgueil datant environ de 1100. Ce poème, clairement élogieux, est un texte complexe qui conjugue Histoire et fiction poétique. Il comprend notamment la conquête de l'Angleterre par Guillaume Ier le Conquérant, le père d'Adèle. C'est l'un des rares récits conservés de la guerre qui a eu lieu en 1066, soit un an avant la naissance d'Adèle. Aux échantillons littéraires, il faudrait ajouter une "chronique visuelle" que nous conservons encore : la Tapisserie de Bayeux. On pense traditionnellement qu'elle a été confectionnée entre 1070 et 1080 pour exalter la victoire de Guillaume Ier. Cependant, une hypothèse récente soutient que la Tapisserie de Bayeux pourrait avoir été réalisée au début du XIIe siècle, du vivant d'Adèle de Normandie, dans le cadre d'un processus de construction d'une identité collective anglo-normande que la comtesse elle-même aurait parrainée. Cette œuvre vise à explorer les événements historiques présentés dans le poème épistolaire destiné à Adèle de Normandie à la lumière de son caractère littéraire, en mettant l'accent sur les liens que le texte pourrait avoir avec la politique de l'époque et, plus particulièrement, avec la tentative de la comtesse de renforcer l'image de sa famille.

Philologue classique et docteure en Études Littéraires et Culturelles de l'université de Saint-Jacques de Compostelle, sa thèse s'intitulait "Carteándose con mujeres: tradición literaria, género y afectos en el círculo del Loira (Francia, ss. XI-XII)" (2019). Elle y a entrepris l'étude du corpus épistolaire latin adressé aux femmes par les auteurs Baudri de Bourgueil, Marbodo de Rennes et Hildeberto de Lavardin d’un point de vue théorico-littéraire, historique et sociologique, en mettant l'accent sur l'analyse des stratégies de représentation émotionnelle et des dynamiques de genre présentes dans les lettres ; sa thèse comprend également la première traduction espagnole des textes. Elle fait des recherches sur la littérature latine médiévale, la tradition classique, le genre, les émotions et les sciences humaines numériques.

Caitlin ELLIS : The politics of poetic preservation: the viking to Norman transition in the Irish Sea region
The medieval Irish Sea region was a culturally diverse, multilingual zone. While Viking and Norman activity abroad is often considered separately, or Normandy itself merely seen as part of the Viking diaspora, this paper focuses on the intersection of the two diasporas. Very little Old Norse poetry survives from the Irish Sea region, but it will be argued that more was produced than has been preserved, due to decreasing contact with Iceland. This paper will also examine Irish references to the Normans and the French-language poem "Song of Dermot and the Earl", which is a crucial source for the Anglo-Norman invasion of Ireland in 1169. This paper will consider what the varied preservation of poetry in different languages from this region reveals about connectivity and power dynamics.

Caitlin Ellis is Lecturer in Early Medieval History, Durham University (2020/1) and an affiliated researcher at the Centre for Medieval Studies, Stockholm University. She has previously taught at the Universities of Oxford, Cambridge and East Anglia. Her research focuses on identity, the expression of power, and cross-cultural relations, particularly in Britain, Ireland, Scandinavia and the North Atlantic.
Publications
"Remembering the Vikings : Violence, Institutional Memory, and the Instruments of History", History Compass (December 2020) [en ligne].
"Degrees of Separation : Icelandic perceptions of other Scandinavian settlements in the Faroes, Orkney, Ireland and the Hebrides", Viking and Medieval Scandinavia 16 (2020), 1–26 [en ligne].
"Impressions of a twelfth-century maritime ruler—Somerled : viking warrior, clan chieftain or traitor to the Scottish king ?", Northern Studies 51 (2020), 1–14.
"A plausible eleventh-century Welsh-Orcadian alliance", Notes & Queries 67:3 (September 2020), 336–8 [en ligne].
"Reassessing the career of Óláfr Tryggvason in the Insular world", Saga-Book of the Viking Society for Northern Research 43 (2019), 59–82.
"Perceptions of the Slave Trade in Britain and Ireland : "Celtic" and "Viking" Stereotypes", Quaestio Insularis 19 (2018), 127–57.

Alban GAUTIER : Commander et combattre : le roi et ses guerriers dans la poésie vernaculaire du long Xe siècle
À travers l'ensemble des régions marquées par le phénomène viking, la période qui s’étend de la fin du IXe aux environs de l'an 1000 correspond à une important développement de la poésie vernaculaire : des compositions originales sont attestées, particulièrement en anglais et en norrois, mais aussi dans les langues germaniques continentales ou encore en gallois. La période voit ainsi se développer une poésie encomiastique qui honore des souverains, singulièrement pour leur rôle au combat. Cette communication proposera un traitement comparatif du portrait du prince guerrier et de la manière dont il mène les siens au combat ; elle portera une attention particulière aux pratiques de communication et de réciprocité mises en avant dans les textes pour signifier les liens affectifs censés circuler entre le souverain, le petit groupe d'hommes en armes qui l'entoure, et la masse des combattants.
Parmi les textes qui seront pris en compte, on peut d'ores et déjà mentionner le Ludwigslied, les poèmes de la Chronique anglo-saxonne ("Brunanburh", "Capture des Cinq Bourgs", etc.), la Bataille de Maldon, le poème gallois Armes Prydein Vawr, ainsi qu'une sélection de poèmes scaldiques habituellement attribués à ce long Xe siècle ("Rachat de la tête" d'Egill, vísur en l'honneur des jarls de Lade ou d'Olaf Tryggvason). On pourra aussi esquisser quelques comparaisons avec la poésie latine contemporaine (par ex. les poèmes en l'honneur d'Æthelstan ou les certains passages en vers de l'œuvre de Dudon).

Ancien élève de l'École Normale Supérieure, agrégé et docteur en histoire, Alban Gautier est professeur d'histoire médiévale à l'université de Caen Normandie. Ses travaux portent sur l'histoire de l'Angleterre et de l'Europe du Nord au début du Moyen Âge, à travers des thématiques telles que l'alimentation, les relations entre païens et chrétiens ou encore le rapport à l'histoire et aux figures héroïques du passé. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, spécialisés ou à destination du grand public.
Publications
Le festin dans l'Angleterre anglo-saxonne, Rennes, PUR, 2006.
Arthur, Paris, Ellipses, 2007 (rééd. poche 2013).
Alimentations médiévales, Ve-XVIe siècle, Paris, Ellipses, 2009.
Beowulf au paradis. Figures de bons païens dans l'Europe du Nord au haut Moyen Âge, Éditions de la Sorbonne, 2017.

Baptiste LAÏD : Du tirant emperur au roi chrétien : le pouvoir royal comme autorité religieuse dans Barlaam et Josaphat et Les sept dormants du poète anglo-normand Chardri (XIIe siècle)
Les deux hagiographies en vers de Chardri (fin XIIe s.), Barlaam et Josaphat et Les sept dormants, figurent parmi les premières traductions en français de vies latines au décor exotique (l'Inde, Éphèse) largement diffusées au XIIe siècle. C'est peut-être leur parenté de structure qui a attiré l'attention du poète anglo-normand : dans chacune d'elles, le futur saint est initialement confronté au pouvoir tyrannique d'un roi païen mais, suite à des miracles et des conversions spectaculaires, meurt couvert d'honneur par son successeur chrétien, mettant donc particulièrement en scène le rapport parfois conflictuel entre pouvoir royal et religion. Cette communication examinera comment, en s'appuyant sur des sources latines qui sont loin d'opposer bon et mauvais souverains dans un schéma simpliste, Chardri soigne particulièrement le portrait du tirant emperur, ennemi de la chrétienté, en particulier dans sa fonction d'autorité religieuse.

Baptiste Laïd, agrégé de Lettres classiques et docteur en langues et littératures médiévales, dédie ses recherches à la littérature animalière et aux récits courts du Moyen Âge. Ses travaux sur le recueil de fables de la poétesse anglo-normande Marie ont récemment paru sous la forme d'une monographie, L'élaboration du recueil de fables de Marie de France (Champion, 2020), et d'une édition de fables latines : Le Romulus de Nilant (Champion, 2020).

Stéphane LAÎNÉ : Les enjeux de la bataille du Val-ès-Dunes
Quelle place faut-il accorder à la bataille du Val-ès-Dunes dans l'histoire de la Normandie ? Comment a-t-elle été présentée par les chroniqueurs rédigeant en latin ? En quoi le récit de l'événement fait en langue vernaculaire par Wace est-il "révolutionnaire" ? Le même récit, fait par Benoît de Sainte-Maure, est-il différent et apporte-t-il des éléments nouveaux ? Dans quelle mesure ces différentes relations de la bataille sont-elles dictées par des impératifs politiques et de quelle façon ces impératifs varient-ils selon l'époque où les textes ont été rédigés ? Voici quelques-unes des questions auxquelles nous tenterons d'apporter de possibles réponses après un examen scrupuleux des textes, dans une approche linguistique.

Stéphane Laîné est spécialiste de l'histoire de la langue française et de la dialectologie normande. L'ensemble de ses travaux publiés questionne les rapports entre la langue écrite et la langue orale, la pratique populaire et la norme savante ou officielle. Ses recherches l'ont aussi conduit à traiter de l'histoire de la Normandie par le prisme de la littérature et de la linguistique.
Dernières publications
"Sur les sources de Wace : "Le cas Grimout du Plessis"", in Actes du colloque Wace et l'Église, les princes et la foi (Bayeux, 19-20 octobre 2012), Denis Hüe et Michel Vital Le Bossé (dir.), Orléans, Éditions Paradigme, collection "Medievalia", n°87, 2019, p. 159-178.
"Les Parlers normands dans l'ensemble linguistique français", in Actes du colloque La Normandie existe-t-elle ? Être Normand au fil des siècles (Saint-Lô, Archives départementales - Maison de l'histoire de la Manche, 22-25 novembre 2017), Jean-Baptiste Auzel (dir.), Saint-Lô, Conseil départemental de la Manche, 2019, p. 217-242.
"La Toponymie normande à l'épreuve des créations de communes nouvelles", Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, Tome LXXVII, Caen, Société des antiquaires de Normandie, 2020, p. 161-200.
"La langue de Gilles de Gouberville", in Le Journal Gilles de Gouberville, Vol. I, Édition du Comité Gilles de Gouberville, Saint-Lô, Archives départementales - Maison de l'histoire de la Manche, Conseil départemental de la Manche, 2020, p. 451-467.

Françoise LAURENT & Laurence MATHEY-MAILLE : Poésie et politique dans le prosimetrum de Dudon de Saint-Quentin
Au tout début du XIe siècle, Dudon de Saint-Quentin, un clerc natif du Vermandois, rédige une histoire des ducs de Normandie, le De moribus et actis primorum Normanniae ducum. Son œuvre se coule dans un moule formel original, un prosimetrum, savant mélange de prose et de pièces en vers aux mètres variés. Or, sur les treize manuscrits qui nous ont conservé le De moribus, sept ne contiennent pas les parties versifiées : ne seraient-elles alors qu'un simple ornement ?
Nous nous proposons de montrer que ces parties versifiées sont bel et bien indispensables à la compréhension globale de l'œuvre, et que la distribution des vers et de la prose répond à une répartition fonctionnelle précise. Loin d'être ornementale, l'écriture poétique présente une dimension politique qui pourrait avoir pour dessein de commenter l'histoire normande et de dévoiler les jeux et enjeux du pouvoir ducal.

Françoise Laurent est Professeur de Langue et de Littérature médiévales à l'université Clermont Auvergne. Son domaine de recherche est la littérature religieuse et didactique, et ses travaux portent sur l'hagiographie et l'historiographie des XIIe et XIIIe siècles composées en particulier en territoire anglo-normand.
Publications
"Pour Dieu et pour le roi". Rhétorique et idéologie dans l'Histoire des ducs de Normandie de Benoît de Sainte-Maure, Champion, 2010.
Édition et traduction de La Vie de saint Gilles par Guillaume de Berneville, Champion, "Classiques", 2003.
Collaboration à l'édition-traduction de Wace : Vie de sainte Marguerite, Conception Nostre Dame, Vie de saint Nicolas, Champion, "Classiques", 2019.
Codirection de l'ouvrages collectif : Des saints et des rois. L'hagiographie au service de l'histoire, Champion, collection "Colloques, congrès et conférences sur le Moyen Âge", 2014.

Ancienne élève de l'École normale supérieure, Laurence Mathey-Maille est professeur de langue et littérature du Moyen Âge à l'université Le Havre Normandie. Elle a publié des ouvrages et études consacrés aux textes fondateurs de la littérature arthurienne et à l'historiographie anglo-normande, en particulier Écritures du passé - Histoires des ducs de Normandie, Paris, Champion, 2007, collection "Essais sur le Moyen Âge", n°35.

Simon LEBOUTEILLER : Sigvatr Þórðarson, le "poète-diplomate". Les scaldes comme messagers, intermédiaires et négociateurs dans la Scandinavie médiévale
Les scaldes ont joué un rôle politique de premier plan au sein des milieux élitaires de la Scandinavie médiévale. Dès la fin du IXe siècle, et ce jusqu'à la fin du XIIIe siècle, ils se mettaient au service de rois et chefs nordiques pour lesquels ils remplissaient les fonctions de mémorialistes et de propagandistes en composant des poèmes sur leurs prouesses et leurs qualités. Ce rôle des scaldes est aujourd'hui bien connu et a constitué un fil conducteur dans nombre de recherches. Un aspect a toutefois moins retenu l'attention des spécialistes. Au-delà de ces activités, les sources indiquent que certains poètes ont également eu un rôle politique plus actif, notamment en officiant comme messagers, informateurs voire espions, intermédiaires ou négociateurs entre les groupes. Occasionnellement, il apparaît même que ces "scaldes-diplomates" ont eu recours à l'expression poétique dans le cadre de ces échanges et pourparlers. Parmi ces personnages, Sigvatr Þórðarson (première moitié du XIe siècle) est certainement le plus emblématique et le mieux connu. Dans cette communication, nous nous concentrerons ainsi sur la carrière et l'œuvre de Sigvatr, ce qui nous mènera à nous intéresser aux relations entre le statut de scalde, la poésie et la diplomatie dans la Scandinavie médiévale.

Docteur en Histoire médiévale et spécialiste de la Scandinavie, Simon Lebouteiller consacre notamment ses recherches aux pratiques et aux relations diplomatiques dans le monde scandinave entre le VIIIe et le XIIIe siècle, ainsi qu'à l'historiographie norroise des XIIe et XIIIe siècles. Il a enseigné l'histoire et les études nordiques dans les universités de Caen, d'Oslo et à la Sorbonne et a récemment publié une traduction française d'une saga islandaise composée au XIIIe siècle, la Saga des Knýtlingar (La Saga des rois de Danemark. Knýtlinga saga, traduit du norrois, présenté et commenté par S. Lebouteiller, Toulouse, Anacharsis, 2021, 264 p.).
Publications
Articles et chapitres d'ouvrages
S. Lebouteiller, "Le serment dans la Scandinavie païenne et chrétienne : entre continuité et adaptation", in Les transferts culturels dans les mondes normands médiévaux (VIIIe-XIIe siècle) : objets, acteurs et passeurs, dir. par P. Bauduin, L. Bourgeois, S. Lebouteiller, Turnhout, Brepols, en cours de publication.
S. Lebouteiller, "Prosperity and Peace : Glorification of Rulers in Medieval Scandinavia", in Nordic Elites in Transformation, 1050-1250, vol. 3 : Strategies of Legitimacy and Glorification, dir. par W. Jezierski, K. Esmark, H. J. Orning, Jón Viðar Sigurðsson, New York, Routledge, 2020, p. 61-82.
S. Lebouteiller, "Le meurtre de Mathilde de Flandre par Guillaume le Conquérant : itinéraire d'une légende dans la littérature islandaise médiévale", Annales de Normandie, 67(1), 2017, p. 15-41.
S. Lebouteiller, "Négocier et faire la paix avec les Vikings : entre familiarité et pragmatisme", Revue d'Histoire Nordique, 22, 2017, p. 249-270.
S. Lebouteiller, "Les "boucliers de paix" et les "boucliers de guerre" dans la littérature norroise : invention littéraire ou réalité matérielle ?", Tabularia "Études", 16, 2016, p. 279-304.
S. Lebouteiller, "Les droites extrêmes et populistes scandinaves et les vikings : constructions, formes et usages d'un mythe identitaire contemporain", Nordiques, 29, mai 2015, p. 111-123.
Direction d'ouvrages
P. Bauduin, L. Bourgeois, S. Lebouteiller (dir.), Les transferts culturels dans les mondes normands médiévaux (VIIIe-XIIe siècle) : objets, acteurs et passeurs, Turnhout, Brepols, en cours de publication.
S. Lebouteiller, L. Taylor (dir.), Peacemaking and the Restraint of Violence in Medieval Europe (1100-1300). Practices, Actors and Behaviour, Londres, New York, Routledge, en cours de publication.

Jean-Louis PARMENTIER : Conquêtes, invasions, violences : quels discours sur le traitement des captifs dans la poésie latine (IXe-XIe siècle) ?
En analysant un corpus réduit de poèmes épiques et satiriques, cette communication vise à présenter le contexte d'écriture de ces sources, l'implication de leurs auteurs dans les sphères politiques, leurs discours concernant la question des captifs et des châtiments, ainsi que leurs jugements portés vis-à-vis de ces actes. Le genre poétique semble, en effet, plus propice à la description des faits et à l'ajout de détails, et permet entre autres aux auteurs de s'épancher davantage. Elle nous amène donc également à réfléchir sur le crédit que nous pouvons accorder à ces informations supplémentaires, dont la présence s'explique peut-être tout autant par les habitudes d'écriture que par les attentes propres aux divers genres poétiques. En conséquence, le choix du corpus est volontairement axé sur quatre textes de genres différents, afin d'y établir ou des parallèles ou des différences sur la construction poétique et le traitement des faits : le récit du Siège de Paris par Abbon de Saint-Germain, le Carmen de Hastingae Proelio par Guy d'Amiens, Moriuht par Garnier de Rouen et une vita versifiée composée par Walahfrid Strabo.

Jean-Louis Parmentier est professeur certifié d'histoire-géographie au collège de Fruges (62310) et doctorant à l'université de Caen sous la direction d'Alban Gautier, ses recherches portent sur la pratique de la rançon et du rachat des captifs dans l'espace septentrional européen du VIIe au XIIe siècle.
Publication
J.-L. Parmentier, "Les vikings et leurs captifs Britanniques : entre violences infligées et violences fantasmées", Criminocorpus [En ligne], Châtiments symboliques et imaginés, Les moyens symboliques et imaginés du châtiment, 2020.

Bianca PATRIA : Political and literary trends in skaldic style at the turn of the millennium
Skaldic poetry produced in the last quarter of the tenth century for the "champion of paganism", Hákon jarl Sigurðarson "the powerful", is characterized by unprecedented stylistic experimentation based on enhancement of mythological imagery, an element connected to the political and ideological dimensions of Hákon’s supremacy over Norway. The degree of blending of literary and religious-political motifs in tenth century skaldic diction is further testified by the radical change in style pursued just a few decades later by skalds active at the court of Christian kings. The new generation of skalds had to re-interpret originally poetical generic conventions, in a subtle subversion of their previous models. The prominence of the traditional kenning-style was re-negotiated and old forms were adapted to new meanings. Poetical choices thus mirror the political, religious and literary concerns of a genre straddling the divide between paganism and Christianity.

Bianca Patria graduated in Historical Linguistics at the University of Pisa in 2017, with a thesis on skaldic poetry. She is currently a PhD fellow in Old Norse Philology at the Institute for Linguistics and Nordic Studies (ILN) of the University of Oslo, where she is working on a project about stylistic features of early skaldic verse.
Bianca Patria a obtenu son diplôme en linguistique historique à l'université de Pise en 2017, en discutant une dissertation sur la poésie scaldique. Elle est maintenant chercheure doctorante en philologie norroise à l'Institut de linguistique et études nordiques (ILN) de l'université d'Oslo, où elle travaille sur un projet concernant les caractéristiques stylistiques de la première poésie scaldique.
Publications
Kenning Variation and Lexical Selection in Early Skaldic Verse, Doctoral Thesis, University of Oslo (forthcoming).
"Quotations with a Twist : Aware Intertextuality in Skaldic Verse", Quaestio Insularis, Selected Proceedings of the Cambridge Colloquium in Anglo-Saxon, Norse and Celtic, Vol. 19, 71-92, 2018.
"La lingua del mito. Osservazioni su alcuni heiti dell'Edda di Snorri Sturluson", Studi Germanici, Vol. 9, 147-164, 2016.

Hélène TÉTREL, Ásdís Rósa Magnúsdóttir & Ingvil BRÜGGER BUDAL : Le fait poétique à l'épreuve de la traduction : l'exemple des sagas de chevaliers
Proposition de communication triple…

Partie 1 — Hélène Tétrel : Le "style du traducteur" : les traductions médiévales des poèmes narratifs anglo-normands dans l'histoire littéraire scandinave. Approche épistémologique
Chansons de geste ou roman: les "sagas de chevaliers" (textes en prose) ont été traduites en Scandinavie médiévale à partir de pièces narratives en vers. Or cette caractéristique n'a jamais été véritablement prise en compte, dans les classifications génériques ou dans les études portant sur le style qui ont vu le jour depuis la fin du XIXe siècle. On trouve par exemple des théories sur les caractéristiques du "style des traducteurs", qui mettent en lumière les effets utilisés par les traducteurs comme mécanisme de compensation (le "style courtois"). Et on a pu, à certains moments de l'histoire littéraire, opposer le "style courtois" au "style des sagas", pour appuyer des discours culturellement, voire idéologiquement marqués. Mais ces éléments de discours sont généralement articulés à partir du seul texte traduit. C'est ce qui les rend intéressants, au plan épistémologique.

Partie 2 — Ásdís Rósa Magnúsdóttir : Réécriture poétique et invention dans les sagas de chevaliers : l'exemple de la Saga de Tristram et Ísönd et la Saga de Parceval
Dans cette seconde partie, nous examinerons les aspects lyriques de la prose des romans en vers traduits en norrois. Après avoir présenté brièvement les caractéristiques de l'art poétique norrois de l'époque, et signalé quelques figures du "style courtois" (hefðarstíll) sur lequel les critiques ont appuyé leurs classifications, nous regarderons des exemples tirés, surtout, de la Saga de Tristam et Ísönd, adaptation norroise de Tristan de Thomas d'Angleterre, et la Saga de Parceval, qui correspond à la partie "Perceval" du Conte du Graal. Les effets créés — et peut-être recherchés — par cet aspect du texte traduit correspondent non seulement à une recherche poétique de la part du traducteur (ou scribes) mais aussi à la volonté de donner une valeur particulière aux passages en question.

Ásdís Rósa Magnúsdóttir est professeur de littérature française à l'université d'Islande à Reykjavík. Ses recherches actuelles portent sur la réception de la littérature française en Islande.
Publications
Quatre sagas légendaires d'Islande, Ellug, 2002, 2021.
La Petite Saga de Tristan et autres sagas islandaises inspirées de la matière de Bretagne, Avec Hélène Tétrel, Centre de Recherche Bretonne et Celtique, 2012.
Chrétien de Troyes : Perceval eða Sagan um gralinn, HÍB, 2010.
Elle a collaboré à l'édition des Lais du Moyen Âge (Gallimard, 2018).

Partie 3 — Ingvil Brügger Budal : La transformation du loup-garou de Bisclavret : un nez perdu et des erreurs du scribe
Dans cette troisième partie, Ingvil Brügger-Budal étudie un dernier exemple pris dans un corpus traduit très particulier : les lais bretons traduits des vers français en prose norroise. Elle prendra appui sur une analyse de Bisclavret, l'un des récits des Strengleikar. Le chevalier transformé en loup-garou de Bisclaret se venge de sa femme infidèle en lui arrachant le nez. La vengeance correspondante dans la traduction norroise, le Bisclavret du recueil Strengleikar, est d'abord l'arrachement de l'habit de l'infidèle, suivi par la pénitence familiale: tous ses descendants, comme dans le modèle français, sont nés sans nez. Plusieurs explications à la modification ont été proposées, dont la plus fréquente est la négligence, soit d'un traducteur, soit d'un scribe. On considérera la possibilité d'acculturation de textes et leurs motifs vers la culture cible, en mettant l'accent sur le passage du vers à la prose, tout en gardant une approche philologique de textes, afin d'évaluer les variantes et les erreurs de scribes.

Ingvil Brügger Budal est professeure en linguistique nordique au Western Norway University of Applied Sciences. Elle est docteure de philologie norroise, et a publié de nombreux articles sur la littérature et la langue norroises, en particulier sur les sagas de chevalier et les relations franco-scandinaves. Elle prépare actuellement un ouvrage sur santé, traitement et médecine dans les pays nordiques au Moyen-Âge.

Laura VANGONE : L'hagiographie en vers dans le duché de Normandie (911-1204)
"La réécriture en vers est pour les médiévaux le moyen par excellence de rénover en façade sans s'attirer le reproche de modifier en profondeur" (Goullet, 2005, p. 151). Cela est encore plus vrai en ce qui concerne l'hagiographie latine dans laquelle la pratique de loin la plus répandue est celle du passage de la prose au vers. Pourtant, si la production hagiographique métrique ou rythmique plus ancienne, mérovingienne, carolingienne, a été publiée dans la série des Poetae latini des MGH, la production successive, c'est-à-dire pour celle contenue dans des manuscrits du XIe siècle ou postérieurs, n'a pas rencontré la même fortune éditoriale (Dolbeau, 2002, p. 130-131). C'est donc là que notre attention va se pencher, sur un corpus bien défini mais méconnu : celui des textes hagiographiques en vers rédigés dans le duché de Normandie (911-1204). Il s'agit plus précisément d'un ensemble de onze pièces dédiées à plusieurs saints et rédigées au cours des XIe-XIIe siècles. Si certains de ces textes ont récemment fait l'objet d'études et/ou d'éditions, d'autres n'ont suscité aucun intérêt et surtout aucune étude d'ensemble. Cette communication va donc jeter un regard sur cette production pour donner un aperçu inédit du processus de réécriture en vers tel qu'il a été pratiqué dans la Normandie des ducs et notamment sur la façon dont la "transtylisation" de la prose en vers d'un récit hagiographique permet de modifier un modèle de sainteté : par exemple, les réécritures en vers des biographies en prose de saint Romain (BHL 7311/7310) et de saint Ouen (BHL 754) les présentent, à la différence de leurs homologues en prose, comme des modèles d'évêque alternatifs aux évêques simoniaques sous l'influence de la réforme du XIe siècle mettant en lumière les enjeux de l'opposition entre la cathédrale et l'abbaye de Saint-Ouen de Rouen. En plus de cela, nous tenterons de concentrer notre attention sur les aspects formels de ces textes et en particulier sur leur structure métrique afin d'essayer de construire un discours en termes comparatifs, en prenant en considération des textes jusqu'ici inédits ou mal édités.

Docteure en Histoire médiévale à l'université de Caen Normandie en 2019 avec une thèse sur l'hagiographie latine du duché de Normandie, Laura Vangone est actuellement en post-doc à l'université Alma Mater Studiorum de Bologne où elle travaille au projet OPA. Opere perdute e opere anonime.


BIBLIOGRAPHIE :

SOURCES
• BAUDRI DE BOURGUEIL, Poèmes, Jean-Yves Tilliette (éd.), Paris, Les Belles Lettres (Auteurs latins du Moyen Âge), 2 vol., 1998-2002.
Barlaam et Josaphat et Les sept dormants du poète anglo-normand Chardri.
• DUDON DE SAINT-QUENTIN, De moribus et actis primorum Normanniae ducum, Jules Lair (éd.), Caen, F. Le Blanc-Hardel (Mémoires de la société des antiquaires de Normandie ; XXIII), 1865.
• ÉTIENNE DE ROUEN, Draco Normannicus, Richard Howlett (éd.), Londres, Longman et Co, Trübner et Co, 1885.
• GUI D'AMIENS, The Carmen de Hastingae Proelio of Guy Bishop of Amiens, Franck Barlow (éd. et trad.), Oxford, Clarendon Press (Oxford medieval texts), 1999.
• GUILLAUME DE POUILLE, La Geste de Robert Guiscard, Marguerite Mathieu (éd. et trad.), Palerme, Istituto siciliano di studi bizantini e neoellenici (Testi ; 4), 1961.
The Anglo-Saxon chronicle, Michael James Swanton (éd.), New York, Routledge, 1998.
Skaldic Poetry of the Scandinavian Middle Ages, Turnhout, Brepols, 8 volumes parus.
• WACE, Le roman de Rou, Anthony J. Holden (éd.), Paris, A. et J. Picard (Publications de la Société des anciens textes français), 1970-1973.

ÉTUDES
• Autour de Serlon de Bayeux : la poésie normande aux XIe-XIIe siècles, Actes du colloque tenu à Caen et à Bayeux les 21-22 mars 2014, P. BAUDUIN, E. D'ANGELO, M.-A. LUCAS-AVENEL (dir.), Tabularia, sources écrites des mondes normands médiévaux, 2016-2018 [en ligne].
• Bernhard PABST, Prosimetrum. Tradition und Wandel einer Literaturform zwischen Spätantike und Spätmittelalter, Köln-Weimar-Wien, 1994.
• Pierre BOUET, "Dudon de Saint-Quentin et Virgile : L'Énéide au service de la cause normande", Annales de Normandie, 90, 23, p. 215-236.
• Laurence MATHEY-MAILLE, Écritures du passé – Histoires des ducs de Normandie, Paris, Champion, 2007, collection "Essais sur le Moyen Âge", n°35.
• Elizabeth M. TYLER, England in Europe. English Royal Women and Literary Patronage, c. 1000-c. 1150, Toronto-Buffalo-Londres, University of Toronto Press, 2017.
• Elisabeth M.C. VAN HOUTS, "Latin poetry and the Anglo-Norman court 1066–1135 : The Carmen de Hastingae Proelio", Journal of Medieval History, 15/1, 1989, p. 39-62.


SOUTIENS :

• Direction régionale des affaires culturelles Normandie (DRAC)
• Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Centre Michel de Boüard - CRAHAM (UMR 6273) | Université de Caen Normandie
• Office universitaire d'études normandes (OUEN) | Université de Caen Normandie
• Laboratoire Groupe de recherche identités et cultures (GRIC) | Université Le Havre Normandie
• UFR Lettres et Sciences humaines (UFR LSH) | Université Le Havre Normandie

Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


BÉBÉ SAPIENS, NŒUD DE CRISES ?


DU MARDI 21 SEPTEMBRE (19 H) AU LUNDI 27 SEPTEMBRE (14 H) 2021

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Drina CANDILIS, Natacha DUGNAT-COLLOMB, Michel DUGNAT, Mickaële LANTIN-MALLET


ARGUMENT :

Son exploration a beau croître en intensité et les savoirs produits à son sujet être de plus en plus pointus, le bébé demeure, sous bien des aspects, une terra incognita : que se passe-t-il pour lui et en lui ? De l'individu à la famille et aux institutions, en passant par les sciences qui l'étudient, il suscite, à de multiples échelles, des interrogations voire des bouleversements. Cet étrange sujet-objet mettrait-il en crise la société tout entière ?

En périnatalité, la naissance et la métamorphose accélérée du bébé, dans sa relation avec ses parents, font parler de crises développementales. Par ailleurs, les mouvements des savoirs théoriques entraînent des crises épistémiques. Ensemble, ces mouvements et ces crises influent, par des mécanismes complexes, sur l'évolution des pratiques professionnelles et inversement. De plus, les organisations qui prennent soin des bébés et de leurs parents traversent des crises institutionnelles qui affectent l'écosystème du bébé et jettent le trouble dans le champ de la périnatalité.

Alors qu'une pandémie affecte encore davantage les multiples équilibres fragilisés par la venue au monde et tandis que le politique, pour orienter l'attention qu'il entend porter à la période dite des 1000 jours, convoque des savoirs d'experts ou de demi-habiles, il est urgent de prendre le temps d'une réflexion engagée dans les théories comme les pratiques. D'où ce deuxième colloque de Cerisy qui invite des chercheurs de tous bords (en psychologie du développement, neurosciences, sciences humaines et sociales…), des praticiens du soin, des acteurs socio-politiques, et tous ceux qu'intéressent ce sujet), à nourrir cette enquête pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle sur ce qu'est le bébé et ce qu'il nous donne à penser, à dire et à faire.

Elle sera l'occasion pour Cerisy d'une expérimentation de renforcement mutuel entre le présentiel et le distanciel afin d'ouvrir largement les échanges.


MOTS-CLÉS :

Bébé, Crises, Développement, Épistémologie, Institutions, Périnatalité, Politiques publiques, Pratiques, Réflexivité, Théories


NOTE EXPLICATIVE DU DÉROULEMENT :

LOGIQUES
Pour tous les intervenants, 20 minutes de parole sur un thème commun à partir des logiques professionnelles et/ou disciplinaire et pour chacune et chacun, 20 minutes de discussion par les tables rondiers, un grain de sel, des résidents et quelques poignées de télé-participants actifs. Les autres télé-participants bénéficient d'une transmission HD en direct

DIALOGIQUES
Nous rebattons les cartes. Plus de durée imposée, des échanges, des débats et l'espoir qu'émergent des envies, voire des projets, de collaborations interdisciplinaires interprofessionnelles futures. Tout est filmé et rien n'est diffusé… avant un possible après-coup, l'intimité et la confidentialité des rencontres sont préservées.

Les Logiques et les Dialogiques feront l'objet de regards alternatifs : une ethnographie filmée par Laura TAUBMAN (anthropologue filmique), un documentaire sonore par Mylène HERNANDEZ (anthropologue) et elles seront croquées sur le vif par Maxime JEUNE (BDiste).
Les Dialogiques seront filmées par Alain CASANOVA (réalisateur) et ne seront pas diffusées en direct et en l'état.

Chaque intervention des Logiques a été suivi d'une synthèse en BD réalisée par Maxime JEUNE (du 21 au 23).

Chaque fin des Logiques a été suivi d’une synthèse par les organisateurs de ce qui s’était raconté dans les Dialogiques.


PARTICIPATION EN DISTANCIEL :

L'ARIP, le CCIC et les co-directeurs du colloque vous proposent d'assister en direct et à distance à cette rencontre qui se déroulera à Cerisy, du 21 au soir au 27 septembre 2021.

Vous pouvez vous inscrire comme :
- téléspectateurs et assister aux conférences des "Logiques" avec la possibilité de poser des questions par écrit aux intervenants ;
- participants actifs des "Logiques" en pouvant intervenir au cours des visioconférences.

Dès votre inscription, vous bénéficierez de l'envoi des actes du colloque de Cerisy : Bébé Sapiens (2017) ; vous serez accueillis lors de la soirée du 21 ; des comptes-rendus en BD, des synthèses des "Dialogiques" vous seront régulièrement proposés… Attention, le nombre de places est limité !

Pour tout renseignement complémentaire et inscription, voir le site internet de l'ARIP.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mardi 21 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mercredi 22 septembre
Matin
LOGIQUES
Nourrissons savants et savants naissants ?, table ronde avec :
Philippe ROCHAT (Pr de psychologie du développement, Université Emory d'Atlanta) : Sortir de ses propres ornières : pour une fertilisation croisées des perspectives empiriques sur le nourrisson
Jacques DAYAN (Pr associé de pédopsychiatrie, Rennes) : Méta-épistémologie et périnatalité : d'où l'on regarde le bébé et ce qu'on ne peut y voir
Claude MARTIN (Sociologue, DR CNRS, chaire "Lien social et santé" à l'EHSP) : Des usages politiques de la question de l'enfance à sa politisation. Réflexions sur les politiques publiques en direction de l'enfance
Heidi KELLER (Pr en psychologie, Onasbrueck) : "The 21first century Western middle — class baby : science or illusion ?" [visioconférence]
Présidence de séance : Michel DUGNAT (Pédopsychiatre en psypérinatalité, AP-HM et CHM)

Après-midi
LOGIQUES
Décisions critiques ou fins de partie, table ronde avec :
Anne BRISSON (Psychologue clinicienne, psychanalyste), Christel DENOLLE (Psychologue clinicienne, psychanalyste), Jean-Marie de LÉPINAY (Orthophoniste), Pascaline MARPEAU (Infirmière puéricultrice) : La stratégie du coucou : le transfert malmené, la transmission expulsée
Lynda LOTTE HOAREAU (Dr en psychologie et psychanalyse, ingénieure CNRS, Cermès3) : Situations d’enfance en danger et équipes de soin psychique en périnatalité
Sylvie SÉGURET (Psychologue clinicienne, CHU Necker) & Fabrice LESAGE (Pédiatre réanimateur, CHU Necker) : Parents et équipes de réanimation en crise : décisions critiques et critique des décisions
Présidence de séance : Mickaële LANTIN-MALLET (Socio-anthropologue, intervenante en analyse des conditions de travail et des risques professionnels)

DIALOGIQUES — En parallèle
Avec Graziela FAVA-VIZZIELLO, Anne-Sophie GIRAUD, Maï LE DÛ… et d'autres se rencontrent autour de la fragilité et de l'étrangeté du bébé en projet, à naître et juste arrivé, animé par Drina CANDILIS

Soirée
PSYNÉ CLUB
"Percevoir le bébé autrement grâce à Colwyn Trevarthen", par Oguz OMAY (psychiatre en périnatalité, Lausanne), discussion par Maya GRATIER


Jeudi 23 septembre
Matin
LOGIQUES
Angles morts sur les destins, table ronde avec :
Mylène HERNANDEZ (Anthropologue, post-doctorante au Centre Norbert Elias) : Se ressaisir de l'inconnu·e. Histoires d’adoptions et crises d'intelligibilité
Graziela FAVA-VIZZIELLO (Pr de psychopathologie, Padoue) : Agonies des identités, même avant la naissance
Brigitte BORSONI (Psychologue, psychanalyste) : Des bébés prématurés, nés sous masques, dans des villages aux portes closes
Michel DUGNAT (Pédopsychiatre en psypérinatalité, AP-HM et CHM) : Mille & un jours pour réduire les inégalités de destin ?
Présidence de séance : Drina CANDILIS (Psychanalyste, psychologue clinicienne, HDR, Université de Paris-Diderot)

DIALOGIQUES — En parallèle
Avec Olivia TROUPEL, Pascale GUSTIN, Fabrice LESAGE… et d'autres tricotent autour des papas des bébés, mais aussi des pères et des géniteurs, animé par Mickaële LANTIN-MALLET

Après-midi
LOGIQUES
Écologies des soins, table ronde avec :
Eve LUMBROSO (Pédopsychiatre en périnatalité, CH Saint-Cyr au Mont d'or) : Parler du bébé mais de quel bébé au fait ? Que faudrait-il en savoir pour le rencontrer ?
Maï LE DÛ (Sage-femme, docteure en sociologie rattachée au CRESPPA-CSU) : Toucher pour soigner. L'évolution dans le toucher des corps des nourrissons, France, 1950 à aujourd'hui
Sarah SANANÈS (Pédopsychiatre en périnatalité, CH Brumath) : Soins bioinspirés des bébés
Présidence de séance : Natacha DUGNAT-COLLOMB (Anthropologue, CR CNRS, Centre Norbert Elias)

DIALOGIQUES — En parallèle
Avec Anne BRISSON, Christel DENOLLE, Jean-Marie de LÉPINAY… et d'autres se demandent ce que les bébés font aux scientifiques et aux institutions, animé par Michel DUGNAT

Soirée
PSYNÉ CLUB
Images d'archives choisies et présentées par Joëlle ROCHETTE


Vendredi 24 septembre
Matin
LOGIQUES
La pandémie, mais pas que…, table ronde avec :
Pascale GUSTIN (Psychologue clinicienne, Bruxelles) : Accueillir la vie en temps de pandémie
Olivia TROUPEL (MCF en psychologie du développement, Université de Toulouse 2) : Naître pendant la COVID
Joëlle ROCHETTE (Dr en psychologie et psychopathologie, associée au Centre de Recherche en Psychologie et Psychopathologie, Lyon) : Les acquis des cinquante glorieuses du bébé à l'épreuve de la pandémie
Michel BOUZON : Sur les recommandations de bonne pratique
Présidence de séance : Mickaële LANTIN-MALLET (Socio-anthropologue, intervenante en analyse des conditions de travail et des risques professionnels)

DIALOGIQUES — En parallèle
Avec Maya GRATIER, Sarah SANANÈS… et d'autres se penchent sur les affres des mères des bébés, animé par Natacha DUGNAT-COLLOMB

Après-midi
DÉTENTE

Soirée
PSYNÉ CLUB
Les "autres écritures" de Bébé Sapiens : dialogues entre Alain CASANOVA, Mylène HERNANDEZ, Maxime JEUNE et Laura TAUBMAN


Samedi 25 septembre
Matin
LOGIQUES
De l'homonculus au cyborg, table ronde avec :
Maaike VAN DER LUGT (Pr en histoire médiévale, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines) : La mort en couches et la "césarienne" à la fin du Moyen Âge
Julie BRUMBERG-CHAUMONT (DR CNRS, Laboratoire d'Études sur les Monothéismes) : "Comme le visage ne se reflète pas dans une eau mouvante" : la nescience du bébé dans la pensée médiévale
Stéphane VAN DAMME (Pr d’histoire moderne, ENS) : Bébés parfaits entre théories cyborg et sciences de la reproduction
Présidence de séance : Natacha DUGNAT-COLLOMB (Anthropologue, CR CNRS, Centre Norbert Elias)

DIALOGIQUES — En parallèle
Avec Sylviane GIAMPINO… et d'autres s'interrogent sur l'éthique, une intersection possible ?, animé par Drina CANDILIS & Michel DUGNAT

Après-midi
LOGIQUES
Mille & un jours… vous avez dit mille & un jours ?, table ronde avec :
Sylviane GIAMPINO (Psychologue clinicienne, psychanalyste, vice-présidente du Haut Conseil de la Famille, de l'Enfance et de l'Âge-HCFEA) : Les attentions politiques autour du bébé, nœuds, discordances et avancements
Umberto SIMEONI (Pr ordinaire de l'UNIL, chef du service de pédiatrie du CHUV, Suisse) : Le développement de l'enfant, entre génome et environnement [visioconférence]
Francesco PANESE (Pr ordinaire en études sociales de la médecine et des sciences, UNIL, Suisse) : Enjeux, difficultés et possibilités de l'institutionnalisation de l'hypothèse DOHaD dans les dispositifs sanitaires : perspective de sciences sociales de la santé [visioconférence]
Présidence de séance : Michel DUGNAT (Pédopsychiatre en psypérinatalité, AP-HM et CHM)

DIALOGIQUES — En parallèle
Avec Ayala BORGHINI, Julie BRUMBERG-CHAUMONT… et d'autres se demandent ce qu'il faut à un bébé pour bien grandir, animé par Natacha DUGNAT-COLLOMB & Mickaële LANTIN-MALLET

Soirée
PSYNÉ CLUB
"Vous avez dit Brazelton ?" de Alain CASANOVA et Drina CANDILIS, discussion par Ayala BORGHINI


Dimanche 26 septembre
Matin
LOGIQUES
"Bébéïtés", table ronde avec :
Ayala BORGHINI (Dr en psychologie, psychologue clinicienne, Pr à la Haute École de Travail Social, Genève) : L'irritabilité sensorielle : symptômes d'une crise existentielle ?
Maya GRATIER (Pr de psychologie du développement, Université Paris Nanterre) : Intersubjectivité et atmosphère : comprendre le bébé pour mieux connaitre le monde
Présidence de séance : Drina CANDILIS (Psychanalyste, psychologue clinicienne, HDR, Université de Paris-Diderot)

DIALOGIQUES — En parallèle
Avec Stéphane VAN DAMME, Sylvie SÉGURET, Noémie MERLEAU-PONTY… et d'autres secouent les savoirs et regardent ce qui sort, animé par Mickaële LANTIN-MALLET

Après-midi
LOGIQUES
(Af)filiations assistées, table ronde avec :
Anne-Sophie GIRAUD (Anthropologue, CR CNRS, LISST) : Transmission, connaissance, et statut génétique : avoir un enfant grâce au diagnostic préimplantatoire (DPI) en France
Noémie MERLEAU-PONTY (Anthropologue, CR CNRS, IRIS) : Une sociologie de la gamétogenèse in vitro
Sarah BYDLOWSKI (Psychiatre d'enfant, psychanalyste, HDR) : Potentialité traumatique des nouvelles pratiques et technologies autour de la naissance [visioconférence]
Présidence de séance : Natacha DUGNAT-COLLOMB (Anthropologue, CR CNRS, Centre Norbert Elias)

DIALOGIQUES — En parallèle
Avec Lynda LOTTE HOAREAU, Eve LUMBROSO… et d'autres devisent sur l'intérêt supérieur du bébé, animé par Drina CANDILIS

Soirée
PSYNÉ CLUB
Bébés d'ailleurs, images de la vidéothèque "Santé, maladie, malheur" (Centre de production multimédia, MNHM), discussion par Natacha DUGNAT-COLLOMB et Paul LUCIANI (Doctorant en anthropologie)


Lundi 27 septembre
Matin
LOGIQUES
Retours sur des trajectoires de chercheurs
Claude MARTIN [visioconférence], avec Sarah SANANÈS

Homo sapiens deus, conclusions avec Drina CANDILIS, Natacha DUGNAT-COLLOMB, Michel DUGNAT et Mickaële LANTIN-MALLET

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Anne BRISSON, Isabelle CAILLAUD, Christel DENOLLE, Jean-Marie de LÉPINAY, Pascaline MARPEAU & Sabine LITWAK : La stratégie du coucou : le transfert malmené, la transmission expulsée
En 2019, un service dédié à la périnatalité a traversé une grave crise institutionnelle qui s'est soldée par l'expulsion brutale de toute une équipe de professionnels investie dans la clinique du bébé depuis de nombreuses années, entrainant la rupture brutale des soins engagés avec de très nombreux enfants et familles. Afin d'expliquer la souffrance au travail ressentie par les soignants, déterminante dans le développement et l'issue de cette crise, nous tenterons de repérer de quelle façon les enjeux politiques, économiques et d'organisation sont entrés en contradiction avec les valeurs des professionnels. Nous ferons l'hypothèse que ce sont aussi des représentations du développement du bébé et de la parentalité qui ont été mises en tension dans le déni de la conflictualité, d'autant plus que les ressorts en ont été constamment dissimulés. Ainsi cette institution, qui a longtemps incarné une clinique prévenante des interactions précoces qu’elle avait contribué à inventer, a-t-elle été le théâtre du drame d'une transmission impossible et d'une rupture de son histoire.

Jean-Marie de Lépinay, orthophoniste en C.M.P.P. dans l'Essonne et jusqu'en 2019 au sein de l'équipe de la Guidance Infantile de l'Institut de Puériculture de Paris.
Publication
"Entre mère et bébé : voix, rythmes et mélodies", en collaboration avec Pascaline Marpeau (puéricultrice), Enfance & Psy, n°78, Éd. Erès, 2018.

Sarah BYDLOWSKI : Potentialité traumatique des nouvelles pratiques et technologies autour de la naissance
La fertilité humaine résulte d'une étroite intrication entre fonctions biologiques et psychiques de l'individu. Le désir d'enfant trouve son ancrage dans l'inconscient de chacun. Certaines situations d'infertilité restent inexpliquées et des projets d'enfant résistent au projet affiché. Ainsi, l'infertilité en soi et ses soubassements psychopathologiques aux nombreux effets d'après-coup, est à risque pathogène pour la grossesse et l'accueil du bébé. D'autant que la rapidité des propositions techniques risque de court-circuiter les défenses psychiques, l'AMP d'apparaître comme une transgression coupable et l'enfant d'être alors porté et rencontré comme un malentendu, attracteur de fantasmes et de projections. L'ambivalence en jeu dans toute relation à son enfant, devient difficile à éprouver, réactivant la blessure narcissique de la stérilité. Seule l'idéalisation de l'enfant constitue un aménagement permettant d'atténuer l'inquiétante étrangeté. L'enfant idéal se doit d'être une source d'émerveillement continuel, la réalité à tout moment risque d'objecter ses déceptions. Le parent est entravé dans son accès à l'élaboration de ses difficultés dans le présent, surtout lorsqu'il ne peut se reconnaître dans cet enfant trop différent de lui qui ne représente plus le prolongement de son narcissisme, mais une menace pour ce dernier. Ces rationalisations masquent des blessures inhérentes à l'histoire familiale empêchant tout retour vers le passé. Ces ressentis risquent d'anéantir les capacités d'émerveillement et de rêverie, et d'entraver l'anticipation parentale. Les représentations des parents associées à l'enfant vont faire écho à leur propre histoire infantile, l'organisation de leurs conflits intrapsychiques, leurs exigences surmoïques. Les liens parents-enfant portent les marques de la fracture traumatique quand elle fait écho à d'autres ruptures enfouies dans les limbes de l'histoire familiale et risquent d'en entraver profondément la construction. Nous illustrerons notre réflexion par une histoire clinique périnatale.

Sarah Bydlowski est psychiatre d'enfant, psychanalyste (Institut de la Société Psychanalytique de Paris), Directeur Général de l'Association de Santé Mentale du 13ème arrondissement de Paris. Directeur du Département de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de l'ASM13, responsable de l'équipe de la consultation parents-bébés. Enseignant, chercheur, HDR à l'université de Paris, Laboratoire Psychologie Clinique, Psychopathologie, Psychanalyse, École Doctorale Cognitions, comportements, conduites humaines.
Domaines de recherche : périnatalité, nouvelles pratiques et technologies autour de la naissance.

Anne-Sophie GIRAUD : Transmission, connaissance, et statut génétique : avoir un enfant grâce au diagnostic préimplantatoire (DPI) en France
L'objectif du DPI, technique autorisée en France depuis les premières lois de bioéthique en 1994, est de faire naître un enfant "sain", indemne de la maladie ou de l'anomalie recherchée. Si dans le cas des maladies dominantes, la maladie sera "éradiquée" des générations futures ainsi que l'expriment certains couples, dans le cas des maladies récessives et des anomalies chromosomiques, des embryons hétérozygotes — autrement dit indemnes de la maladie mais porteurs de la mutation — ainsi que des embryons dits équilibrés — porteurs de l'anomalie chromosomique mais dont l'ensemble du "matériel chromosomique" est présent —, peuvent être transférés, contribuant à "perpétuer" la présence potentielle de la maladie ou de l'anomalie au sein de la famille. Cette information n'étant pas communiquée actuellement aux couples par les professionnels, à ces moments, se pose la question de la transmission de l'information à l'enfant à naître, potentiellement porteur de la mutation ou de l'anomalie, mais aussi de la communication aux couples. C'est sur ces moments de questionnements que portera cette communication.

Anne-Sophie Giraud, est chargée de recherche au LISST-Centre d'anthropologie sociale (UMR 5193), à Toulouse. Ses recherches portent sur la constitution de la personne dans le processus d'engendrement, avec une attention portée aux technologies reproductives et à l'intervention humaine dans la reproduction. Elle travaille désormais sur le diagnostic préimplantatoire.

Maï LE DÛ : Toucher pour soigner. L'évolution dans le toucher des corps des nourrissons, France, 1950 à aujourd'hui
Les études historiques et ethnologiques prouvent à quel point les soins apportés au petit humain sont chargés de représentation symbolique traduisant — entre autres — la façon de penser le corps dans une société. La permanence historique et l'universalité de la préoccupation sociale pour le soin corporel au nourrisson font de ces "façons de soigner" un miroir reflétant le rapport de l'individu au corps. Cette communication explore la relation au toucher des corps dans les rapports de soin aux nourrissons en France depuis les années 1950 : cette période a en effet été le théâtre d'un inédit changement de paradigme dans le rapport au corps des bébés, et nous apprend beaucoup sur nos représentations anthropologiques et sur les nouveaux usages du corps…

Lynda LOTTE HOAREAU : Situations d'enfance en danger et équipes de soin psychique en périnatalité
Pour beaucoup d'acteurs du champ de la périnatalité psychique se pose la question du positionnement des équipes devant les situations d'enfance en danger. Dès la maternité les professionnels peuvent être confrontés à des situations où le bébé court un risque de maltraitance ou de négligence. Aussi, en fonction des éléments de gravité et d'urgence, les professionnels doivent prendre des décisions pouvant conduire à la mise en place d'une mesure de protection à travers la rédaction d'une information préoccupante ou d'un signalement. Ces décisions se discutent le plus souvent en équipe, lors de staff de parentalité, et quand la situation est extrêmement préoccupante et urgente, l'écrit est communiqué de façon concomitante à la cellule départementale de signalement (et au procureur de la République. Les acteurs de soin que nous avons rencontrés et qui dans le cadre de leurs missions de soins et d'accompagnement ont eu affaire à ces situations "difficiles", insistent tous sur la nécessité de travailler en amont — c'est-à-dire dès le moment de la grossesse — à l'établissement des liens de proximité entre les différents partenaires institutionnels autour de la future mère surtout lorsque le réseau primaire de la famille est inexistant. Certains d'entre eux dénoncent les résistances inter et intra-institutionnelles ainsi que les problèmes de coordination qui participent grandement à l'isolement des mères et des bébés, rendant la prise en charge et les continuités soignantes pour le moins chaotiques. C'est de ces résistances intra institutionnelles et des modalités de prise en soin de la dyade à travers la mise en place d'un projet d'accompagnement thérapeutique précoce que cette communication souhaite rendre compte en observant les pratiques des professionnels en situation à travers les dispositifs d'intervention et de réflexion mis en place.

Lynda Lotte Hoareau est Docteure en psychologie et psychanalyse. Ingénieure CNRS au Centre de recherche médecine sciences, santé mentale et société (CERMES3) (CNRS UMR 8211, Université de Paris, Inserm U988, EHESS). Psychanalyste (EPOC).

Francesco PANESE : Enjeux, difficultés et possibilités de l'institutionnalisation de l'hypothèse DOHaD dans les dispositifs sanitaires : perspective de sciences sociales de la santé
La modulation contextuelle des trajectoires en santé et en maladie est un constat très ancien qui a été réactualisé récemment par l'hypothèse des Developmental Origins of Health and Disease (DOHaD) et les avancées de l'épigénétique. Toutes deux permettent en effet de mettre en évidence des mécanismes du façonnage précoce de ces trajectoires, celui-ci étant particulièrement important lors des 1000 jours s'étendant de la conception à la première enfance. Ces évidences biologiques ont pour corollaire sanitaire la possibilité d'interventions pour orienter les modifications et adaptations de l'organisme induites par les stimuli environnementaux, les conditions sociales et les expériences vécues au cours de la vie. En démontrant que la qualité du développement précoce est essentielle non seulement pour la santé à l'âge adulte, mais également pour la transmission de la programmation épigénétique aux générations futures, les résultats récents de l'épigénétique couplés à l'hypothèse DOHaD renforcent ainsi la pertinence et l'importance des dispositifs de prévention précoces. Au niveau individuel, on peut faire l'hypothèse qu'ils orienteront progressivement la manière dont les individus eux-mêmes conçoivent leur santé non seulement sous l'aspect de leur patrimoine biologique mais aussi sous celui de leur capacité à agir de manière à tenter de moduler les effets de l'héritabilité épigénétique pour eux-mêmes et leur descendance. Sur le plan collectif, la traduction de l'hypothèse DOHaD en politique sanitaire risque toutefois d'ébranler la vision et la division traditionnelles du travail de prévention. Nous tenterons de mettre en évidence du point de vue des sciences sociales de la santé quelques-unes de ces difficultés et aussi des tentatives de les dépasser.

Sarah SANANÈS : Soins bioinspirés des bébés
S'il faut tout un village pour élever un enfant, pour le soigner avec ses parents, que faut-il ? Tout un réseau ? La coquille Saint-Jacques témoigne du milieu dans lequel elle a grandi, elle garde la trace dans les stries de sa coquille de la composition et de la température de l'eau qui l'a environnée depuis sa naissance. L'épigénétique nous sensibilise de plus en plus à la dimension absolument essentielle de l'environnement du bébé sur son développement. De notre place de clinicienne, nous tenterons de réfléchir à l'environnement des bébés que nous rencontrons, ces bébés pour lesquels le soin vient déposer une nouvelle strie sur la coquille. Comment penser nos dispositifs de soins comme une tentative de préserver l'environnement des bébés en soin lorsque l'adversité survient (troubles psychiques parentaux, troubles du lien) ? Pourrions-nous les penser comme un réseau bioinspiré ? C'est ce que nous nous proposons de discuter.

Sarah Sananès est pédopsychiatre en psychiatrie périnatale, à l'EPSAN (Établissement Public de Santé Alsace Nord), responsable d'un hôpital de jour et d'une équipe mobile de soins conjoints bébés-parents, au sein d'un intersecteur de pédopsychiatrie. Elle est également porte-parole de l'Alliance francophone pour la santé mentale périnatale.
Publications
"L'Alliance, une promesse à tenir ensemble", in Spirales, 2019/4, n°92.
"Santé mentale périnatale outre-Manche : une inspiration possible pour la France ?", avec Natacha Collomb, Michel Dugnat, François Poinso, Alain Grégoire, in Spirales, 2019/4, n°92.
"PIkler à la Frimousse", avec Ambre Winter, Caroline Roesch, Elsa Terzic-Câlin, et l'ensemble de l'équipe de la Frimousse, in Soigner ensemble en psypérinatalité, sous la direction de Natacha Collomb, François Poinso, Michel Dugnat.

Sylvie SÉGURET & Fabrice LESAGE : Parents et équipes de réanimation en crise : décisions critiques et critique des décisions
L'enfant en réanimation, plus que tout autre, ne peut s'exprimer. Quand son avenir se joue autour de décisions de Limitation et Arrêt des Traitements, il revient à d'autres que lui de se projeter dans son avenir et de défendre son intérêt supérieur qui, au regard de la loi Clayes Leonetti, est le cœur de ces décisions. Mais qui est le mieux placé pour défendre l'intérêt supérieur de cet être qui ne peut exprimer ses souhaits ? Parfois les avis des soignants et des parents divergent totalement… et survient la crise… la confiance se rompt… le dialogue s'effrite… la perspective d'une éventuelle résolution judiciaire émerge. Comment comprendre les ressorts de cette crise, comment conserver le dialogue possible, comment continuer à cheminer ensemble ? Comment, par delà les divergences, se retrouver sur un projet commun qui représente le meilleur avenir possible pour cet enfant…

Fabrice Lesage est Pédiatre réanimateur, Responsable de l'UF Réanimation, Service de Réanimation et Surveillance Continue Médico-Chirurgicales Pédiatriques, CHU Necker Enfants Malades, Paris.
Publications
De Saint Blanquat L., Cremer R., Elie C., Lesage F., Dupic L., Hubert P., pour le Groupe francophone de réanimation et urgences pédiatriques (GFRUP), "French law related to patient's rights and end of life : pediatric intensive care unit's health professionals' opinions", Arch Pediatr, 2014 Jan ; 21(1): 34-43.
Lesage F., Séguret S., "Soignants de Réanimation : machines, cauchemars et rires de soin", in L'art d’accompagner les bébés, ARIP, Eres 2014, p. 169-178.
Lesage F., Séguret S., Dupic L., Oualha M., De Saint Blanquat L., Hubert P., Améliorer la qualité des entretiens familiaux en réanimation pédiatrique et néonatale : rôle d’une réflexion de groupe, 41ème congrès de la Société de Réanimation de Langue Française, Paris 2013.
Lesage F., Séguret S., "Imagerie médicale : doutes croyances et certitudes chez les pédiatres réanimateurs", in Bébé sapiens, ARIP, Colloque de Cerisy, Eres 2017, p. 221-26.

Sylvie Séguret est Psychologue clinicienne, psychanalyste. Activité libérale, 50 avenue de Saxe 75015. Expérience de 30 ans en service de réanimations néonatale et pédiatrique, dont 10 ans dédiée exclusivement au soutien des soignants à l'intérieur d'un service de réanimation pédiatrique, Hôpital Necker, APHP.
Publications
Bébés en réanimation, avec Bernard Golse et Mostapha Mokhtari, Odile Jacob, 2001.
Le consentement éclairé en périnatalité et en pédiatrie (sous la direction de), Eres, 2007.
La pédopsychiatrie de liaison, avec Bernard Golse et Pierre Canouï, Eres, 2012.
"Analyse des pratiques en réanimation pédiatrique. Travail d'une psychologue dédiée à l'équipe soignante", avec Bernard Golse et Philippe Hubert, La psychiatrie de l'enfant, 2012/2, Vol. 55.
"Se laisser atteindre, être atteint : la "fonction d'altérance" au cœur du métier de soignant", La psychiatrie de l'enfant, 2020/2, Vol. 63.

Olivia TROUPEL : Naître pendant la COVID
Le 14 Mars 2020, la France est entrée dans une situation épidémique de stade 3 en raison de la pandémie COVID-19. Les femmes enceintes au 3e trimestre de grossesse ont été considérées comme personnes à risque présumé de développer une forme sévère de COVID-19 (Avis HCSP du 20 Avril 2020). Dans les centres hospitaliers, les services de maternité et de néonatologie ont dû mettre en place, pour protéger le personnel et les patients, des mesures de distanciation physique. Au vue de la détresse maternelle, il nous a semblé essentiel de mettre en place une recherche CoV-PERINAT afin d'évaluer l'impact de cette crise sanitaire sur le stress parental et la construction du lien parent enfant mais aussi le rôle du support social. Cette recherche que nous vous présenterons est multicentrique et longitudinale et regroupe 4 maternités et/ou Néonatologie. Elle repose sur une association de questionnaires validés complétés en ligne par des mères et des pères (128 parents) en phase 1 (Avril-Mai 2020) et 60 parents dans la phase 2 (Mars-Avril 2021) et 25 parents en phase 3 (avril 2021) par entretiens cette fois. Nous vous présenterons les résultats les plus saillants et les prolongements et questionnements qui s'en dégagent.

Olivia Troupel est Maître de Conférences en Psychologie de l'enfant et de l'adolescent, Université Toulouse Jean-Jaurès, UMR 5193 - Lisst-Cers (lisst.univ-tlse2.fr), Co-responsable de l'Axe 5 : "Parcours de vie et Inégalités : GESTES (GEnre, Santé, TErritoire et RelationS)", Membre du GIS-BECO (beco.univ-tlse2.fr) et Responsable du Projet CoV-PERINAT dont l'objectif est d'étudier l'impact de la Covid-19 et distanciation physique et sociale : Impact sur la parentalité en Maternité et Néonatologie (Toulouse, Tours, Nantes, Clamart).
Publications
Troupel, O., Benard, M., Paul, O. & Koliouli, F. (2021), "La mise en place du peau à peau dans l'unité de néonatologie en maternité (UNM) : représentations parentales et professionnelles", Anne Dupuy (éd.), Socialisation familiale des jeunes enfant (pp. 241-252), Toulouse, France, Érès (en ligne).
Troupel, O. & Zaouche Gaudron, C. (2017), "Environnement de l'enfant", C. Zaouche Gaudron, Enfants de la précarité (pp. 103-120), Toulouse, France, Érès.
Troupel, O. (2017), "Comment fonctionnent les relations fraternelles ?", Spirale, 81, 45-54 (en ligne).
Trichet, J., Cardon, A., Troupel, O. & Zaouche Gaudron, C. (2017), "L'influence de la fratrie sur la socialisation des enfants âgés de 24 à 36 mois et gardés en crèche collective", Spirale, 81, 166-167 (en ligne).
Pinel-Jacquemin, S., Zaouche Gaudron, C., Troupel, O. & Raynaud, J. P & Kelly-Irving, M. (2016), "Adversités, enfance et famille : les apports de l'approche écosystémique", Revue Éducation, Santé, Sociétés, 2(2), 93-111.
Lamarque, M. & Troupel, O. (2015), "Mères et pères d'enfants jumeaux : quelles spécificités ?", Dialogue, 207, 117-126 (en ligne).


"Percevoir le bébé autrement grâce à Colwyn Trevarthen", par Oguz OMAY
Colwyn Trevarthen, un chercheur éminent, a un regard sur le bébé qui pourrait nous surprendre. Son approche et sa conceptualisation mettent en valeur des aspects inattendus des compétences du bébé, nous forcent à voir l'être humain autrement. Certain.e.s collègues se souviendront de l'intervention de Colwyn Trevarthen au Congrès de l'ARIP en 2014. Nous avions eu le plaisir de le traduire en direct, de manière ludique, cherchant à capter et rendre accessible son style inimitable.
Au décours de son intervention publique d'ARIP, nous avons eu l'occasion de lui poser en privé plusieurs questions pour mieux comprendre sa pensée. Cet échange intimiste à deux a été filmé par Alain Casanova mais n'a jamais été rendu publique.
Lors de notre présentation, nous proposons de projeter ce film de 1h qui est, à notre avis, une synthèse remarquable et rare des travaux de Colwyn Trevarthen. Le débat avec les participants nous permettra de mettre sa pensée en perspective point par point et d'en tirer les éclairages pour notre travail clinique. Son apport changera le regard que nous posons sur les bébés.

Oguz Omay est psychiatre en périnatalité à Lausanne, Suisse. Membre actif de la Société Marcé Francophone, il est également le président de la Société Internationale de la Psychothérapie Interpersonnelle. Il a eu la chance de collaborer avec Colwyn Trevarthen entre 2014 et 2016 autour de plusieurs ateliers de formation.


SOUTIENS :

• Association pour la Recherche et l'(In)formation en Périnatalité (ARIP)
Centre Norbert Elias
• École des hautes études en sciences sociales (EHESS)
Clinéa Cliniques

Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


LE THÉÂTRE DES GENRES DANS L'ŒUVRE DE MOHAMMED DIB


DU LUNDI 6 SEPTEMBRE (19 H) AU VENDREDI 10 SEPTEMBRE (14 H) 2021

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Charles BONN, Mounira CHATTI, Naget KHADDA


COMITÉ SCIENTIFIQUE :

Zineb ALI-BENALI, Guy BASSET, Sabeha BENMANSOUR, Reda BENSMAÏA, Charles BONN, Denise BRAHIMI, Mireille CALLE-GRUBER, Mounira CHATTI, Ali CHIBANI, Assia DIB-CHAMBON, Guy DUGAS, Naget KHADDA, Fritz-Peter KIRSCH, Abdellah ROMLI, Hervé SANSON, Habub TENGOUR, Mourad YELLES


ARGUMENT :

L'œuvre de Mohammed Dib, principal écrivain algérien francophone avec Kateb Yacine, a trop souvent été déformée par des lectures de circonstance. On n'a ainsi perçu que tardivement que cette œuvre était d'abord une réflexion originale et sans cesse renouvelée sur les pouvoirs du langage face au défi de l'indicible.

Le colloque tentera de montrer que cette réflexion passe d'abord par une mise en scène des langages, et principalement des genres littéraires, entre lesquels cette œuvre est en constante alternance, à l'intérieur même des textes. Genres soumis par cette théâtralisation à une sorte de distanciation qui amène le lecteur à leur prêter parfois autant d'attention qu'aux thèmes qu'ils développent. Mais il permettra également de montrer que les "genres", au sens sexuel cette fois, sont aussi un de ces langages que l'œuvre de Dib théâtralise, et qu'on peut ainsi, malicieusement, traiter en parallèle avec les genres littéraires et leurs jeux de séduction.

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2020, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2020 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Conte, Dib (Mohammed), Essai, Genre littéraire, Insignifiance, Intertextualité, Intratextualité, Langage, Lecture critique, Littérature francophone, Oralité, Photographie, Poésie, Roman, Sens, Théâtre


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 6 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mardi 7 septembre
Matin
Charles BONN, Mounira CHATTI & Naget KHADDA : Ouverture du colloque

SCÉNOGRAPHIE DE LA FICTION DIBIENNE — Modérateur : Charles BONN
Réda BENSMAÏA : Faire feu de tout genre : le pas philosophique de Mohammed Dib
Naget KHADDA : D'un genre, l'autre : vers une esthétique de l'abstraction [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
MOBILISATION DES SENS ET PRODUCTION DU SENS DANS LE THÉÂTRE DES GENRES CHEZ MOHAMMED DIB — Modératrice : Naget KHADDA
Lamia OUCHERIF : L'écriture du "visuel" [visioconférence]
Manel ZAIDI AÏT-MÉKIDÈCHE : L'œil cosmique et l'ouïe, œil du cœur : hypostases dibiennes [visioconférence]
Mounira CHATTI : Les bocages du genre et du sens : Simorgh


Mercredi 8 septembre
Matin
LE THÉÂTRE DES GENRES : LA POÉSIE AVANT TOUT — Modératrice : Mounira CHATTI
Regina KEIL-SAGAWE : Lyyli des quatre saisons : les correspondances du genre, entre poème et prose [visioconférence]
Zineb ALI-BENALI : Le genre comme construction dans l'œuvre dibienne : l'importance du poème

Après-midi
THÉÂTRALITÉ ET ÉCRITURE ROMANESQUE — Modératrice : Réda BENSMAÏA
Nasrin QADER : Le théâtre de l'écrit : jouer avec/jouer de… [visioconférence]
Amel MAÂFA : De la polyphonie théâtrale à la narration romanesque. Le cas de Mille hourras pour une gueuse et de La Danse du roi de Mohammed Dib [visioconférence]
Hanane LAGUER : La théâtralité du geste dans L'infante maure : outil de scénarisation de l'oralité


Jeudi 9 septembre
Matin
INTERACTIONS GÉNÉRIQUES : ENTRE EXISTENCE ET HÉRITAGE — Modératrice : Lucy STONE McNEECE
Inès KREMER : Problématique de l'autobiographie dans l'œuvre de Dib
Hervé SANSON : La nébuleuse de La Fiancée du printemps : construction et déconstruction du mythe

Après-midi
MOBILISATION DES ARTS ET PRODUCTION DU SENS DANS LE THÉÂTRE DES GENRES CHEZ MOHAMMED DIB — Modératrice : Zineb ALI-BENALI
Maya BOUTAGHOU : Les paysages visuels et sonores de Mohammed Dib [visioconférence]
Toufik HADJI : Mohammed Dib se ressource, en écriture et en photographie, dans une ville plurielle : Tlemcen
Lucy STONE McNEECE : L'écriture de Mohammed Dib : la plume comme un pinceau


Vendredi 10 septembre
Matin
LES INTERACTIONS GÉNÉRIQUES : ENTRE EXISTENCE ET HÉRITAGE — Modérateur : Hervé SANSON
Guy BASSET : Le tissage des traditions [visioconférence]

Naget KHADDA & Charles BONN : Synthèse des travaux & Clôture du colloque

Après-midi
DÉPARTS


TÉMOIGNAGES :

Cerisy… vécu en ligne !. Rencontre avec Guy BASSET, Maya BOUTAGHOU, Regina KEIL-SAGAWE, Amel MAÂFA et Lamia OUCHERIF.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Zineb ALI-BENALI : Le genre comme construction dans l'œuvre dibienne : l'importance du poème
Une lecture des textes dibiens dans la perspective des questions de genre est-elle possible ? Pour le poète Dib, la femme est porteuse du rêve de liberté et de l'élan qui l'anime. Elle est (la mère, l'aimée, l'enfant…) celle qui inspire et dit un verbe de profonde vérité. Pour l'écrivain attentif à ce qui se passe dans sa société, puis dans les sociétés de l'ailleurs, les relations entre les hommes et les femmes s'inscrivent dans une histoire, sociale et politique, héritière d'un patriarcat qui sait s'adapter. Mais cette histoire est aussi celle d'un mouvement de changement et de création d'inédit.

Guy BASSET : Le tissage des traditions
L'œuvre de Dib comporte un volume rassemblant cinq contes algériens, qui paraît peu de temps après l'installation de Dib en métropole en 1959 et quelques autres contes parus principalement en revues, ou même certains qui sont restés inédits. Cette face méconnue de son œuvre la traverse souterrainement d'un bout à l'autre et entretient avec ses fictions des relations étroites. Dib n'hésite pas à faire référence de temps en temps à toute cette tradition orale transmise par les contes et aussi les proverbes. Quelle articulation faut-il faire entre la création littéraire pure et le recours à cette littérature populaire qui peut mettre en scène des animaux et des hommes dans leurs relations réciproques ?

Docteur ès lettres (Paris 3 Sorbonne Nouvelle 2016), Guy Basset a publié de nombreux articles sur la vie intellectuelle, universitaire et artistique à Alger entre 1880 et 1970, et s'est plus particulièrement intéressé à l'œuvre d'Albert Camus.
Publications dans des ouvrages collectifs
Dictionnaire L'Algérie et la France, Jeannine Verdès-Leroux (dir.), Robert Laffont, 2009.
Dictionnaire Albert Camus, Jeanyves Guérin (dir.), collection "Bouquins", 2013.

Réda BENSMAÏA
Prof. Réda Bensmaïa is University Professor Emeritus of French and Francophone literature in the French Studies Department and in the Department of Comparative Literature at Brown University. He has published numerous articles on French and Francophone literature of the Twentieth century as well as on film theory and contemporary philosophy.
He is the author of The Barthes Effect, Introduction to the reflective text (Minnesota, THL, 1987) ; The Years of Passages (Minnesota, in the Theory out of Bounds Series, 1995) ; Alger ou la Maladie de la Mémoire (L'Harmattan, 1997) ; Experimental Nations or The Invention of the Maghreb (Princeton University Press, Spring 2003) and Gilles Deleuze, Postcolonial Theory and the Philosophy of limits (Bloomsbury 2017). He is also the Editor of Gilles Deleuze (Lendemains, Germany, 1989), Recommanding Deleuze (Discourse, USA, 1998), Prolégomènes à une esthétique future : Gilles Deleuze et le cinéma (Cinémas, Montréal, Canada, 2006) and Littérature et Philosophie (Sites 2011).

Charles BONN
Charles Bonn a exercé dans les universités de Constantine, Fès, Lyon 3, Paris 13, et enfin Lyon 2 et Leipzig. Il a dirigé le Centre d'études littéraires francophones et comparées à l'université Paris 13, et co-dirigé les revues Itinéraires et contacts de cultures et Expressions maghrébines. Il a créé le programme documentaire informatisé Limag et le site limag.com. Il a dirigé de nombreuses thèses sur les littératures du Maghreb et de l'émigration, et a été également co-directeur de plusieurs publications collectives, dont la collection "Littératures francophones" (Hatier/AUPELF, 1997 et 1999).
Principales publications
La Littérature algérienne de langue française et ses lectures, Naaman, 1974.
Le Roman algérien de langue française, L'Harmattan, 1985.
"Nedjma", de Kateb Yacine, PUF, 1990.
Anthologie de la littérature algérienne, Livre de poche, 1990.
Lectures nouvelles du roman algérien. Essai d’autobiographie intellectuelle, Paris, Classiques Garnier, 2016.
Littérature algérienne : Itinéraire d'un lecteur, Alger, El Kalima, 2019.

Maya BOUTAGHOU : Les paysages visuels et sonores de Mohammed Dib
Dans L'Arbre à dires, Mohammed Dib déclare : "Il y a dans la langue une transparence obscure qui me convient". Cette image s'ajoute à celles régulièrement et brillamment exprimées par les auteurs maghrébins de la génération de Dib. Pour le poète, la langue française permettait ce voyage intérieur et le retour à son paysage autant sonore que visuel. Dans cette contribution, il sera question de l'écriture "transparente obscure" de la poésie de Mohammed Dib, à partir de deux recueils qui affichent son rapport au voyage et au retour à ses lieux d'écriture, mais aussi à la photographie. Dans Tlemcen ou les lieux de l'écriture (1992) ainsi que dans L.A Trip (2003) deux dimensions du voyage se manifestent, le voyage intérieur pour retrouver la douceur du foyer et de l'enfance, mais aussi le voyage de la langue et des langues pour saisir l'image juste par le mot juste. Par l'analyse de l'énonciation, du rythme, et des tropes, nous traiterons le texte poétique comme le punctum, ou point d'origine de l'émotion qui révèle un paysage fait d'images sonores et visuelles.

Maya Boutaghou est Associate Professor of French à l'université de Virginie et Andrew Mellon Fellow, elle est l'auteure d'Occidentalismes, Romans historiques postcoloniaux et identités nationales au XIXe siècle (Honoré Champion, 2016) qui propose une approche comparatiste poétique pour l'étude des littératures postcoloniales au XIXe siècle ; ses articles sont parus dans des revues et ouvrages consacrés à la littérature comparée et à la francophonie.

Mounira CHATTI : Les bocages du genre et du sens : Simorgh
Dans Simorgh, Mohammed Dib aborde les thèmes de la langue, de l'étranger ou du potentiel du rêve en mêlant la poésie, le conte, la nouvelle, l'essai, le journal. La réactualisation du mythe et du symbole du Simorgh et d'Œdipe permet d'interroger, de manière novatrice et oblique, la condition humaine et la création contemporaines. Dib "brise le mur" entre les genres littéraires puisque, ainsi qu'il le suggérait dès 1961, le roman est "une sorte de poème inexprimé" et la poésie "le noyau central du roman". Ce texte ultime fait éclater les limites entre les genres, les langues, les imaginaires, les patrimoines littéraires et philosophiques. Le fragment, le discontinu, le double, l'indécidable, autant de figures et de caractéristiques qui fondent la poétique dibienne. Celle-ci renvoie, comme le montre Naget Khadda, "les reflets tantôt dissociés, tantôt décalés, tantôt superposés ou même fondus d'un monde ancré dans une double référence culturelle, mythique et linguistique" et "porte l'estampille de cet entre-deux de la circulation du sens".

Mounira Chatti est professeure à l'université Bordeaux Montaigne (et membre de l'équipe d'accueil TELEM, EA 4195).
Publications
La fiction hérétique. Créations littéraires arabophones et francophones en terre d'islam, Classiques Garnier, 2016.
La traduction comme expérience des limites. Les écritures franco-arabes, PUB, 2016.
Co-directions
Littératures plein Suds. Langues, histoire, mémoire, Marsa Éditions, 2015.
Sexe, genre, identité, L'Harmattan, 2013.
Femmes et création, L'Amandier, 2012.
Elle a publié un roman, Sous les pas des mères, L'Amandier, 2009.
En collaboration avec Marie Virolle, elle prépare l'édition d'un ouvrage collectif : Littératures du monde arabe : traduction, intertextualité, exil (à paraître en 2020).

Toufik HADJI : Mohammed Dib se ressource, en écriture et en photographie, dans une ville plurielle : Tlemcen
Certains diront que Mohammed Dib publie Tlemcen ou les lieux de l'écriture [1994] dans le but d'une autobiographie, ou plutôt d'une "Phautobiographie". D'autres expliqueront son texte illustré par une démarche photo-littéraire. Or, Mohammed Dib parle souvent des lieux qui n'existent plus dans le présent. Il nous les montre grâce à la photographie, car il a besoin d'un autre élément, conjointement à l'écriture, pour se ressourcer. Tlemcen n'est pas seulement sa ville natale mais aussi la source de son écriture et de ses photographies : Tlemcen est issu du berbère "Tilmas", qui veut dire "source". À partir de l'origine du mot "Tlemcen", Dib nous raconte d'autres lieux qui lui sont chers : par exemple le "Médresse", qui a une origine turque. D'autre part, grâce aux photographies de Philippe Bordas en 1993, nous verrons une autre période de "l'histoire" de l'Algérie : la décennie noire. Pour cela, les deux photographes, Dib et Bordas, utilisent un jeu de lumière pour raconter ce qui reconstruit la mémoire d'une ville algérienne. Par rapport à l'écriture, les photographies prises par Mohammed Dib et Philippe Bordas viennent jouer ici une manière différente de réagir aux émotions, une manière de transmission d'un monde autochtone, distincte de celle connue dans les livres dits "orientalistes", et de la fixer par la notation. Par ailleurs, cette représentation de l'autochtone est problématique : en réalité, il s'agit d'un mélange de plusieurs cultures que, par paresse ou par légèreté, on ne différenciait pas.

Toufik Hadji est en 2e année de doctorat "littérature générale et comparée" à l'université Côte d'Azur, CTEL.
Corpus
DIB Mohammed, Tlemcen ou les lieux de l'écriture, Paris, Revue noire, 2003.
Critiques
BARTHES Roland, La chambre claire. Note sur la photographie, Gallimard, 1980.
DÉJEUX Jean, Mohammed Dib, écrivain algérien, Naaman, Sherbrook, 1977.
KHADDA Naget (dir.), Mohammed Dib : 50 ans d'écriture, Publications de l'université de Montpellier 3, 2002.
MÉAUX Danièle, Voyages de photographes, Saint-Étienne, Publications de l'université de Saint-Étienne, CIEREC-Travaux 141, 2009.

Naget KHADDA : D'un genre, l'autre : vers une esthétique de l'abstraction
On le sait, les genres littéraires se créent dans une histoire à la fois politique et culturelle. Lorsque des écrivains algériens ont pris la plume en langue française et dans la forme romanesque pendant la période coloniale, ils répondaient à une exigence du seul champ culturel patenté — celui du pouvoir colonial — en marge de leur habitus familial. Ce faisant, ils ajoutaient à l'histoire littéraire de leur territoire (elle-même complexe par ses héritages multiples) une nouvelle branche : la littérature algérienne de langue française. On a beaucoup glosé sur le mixte culturel constitutif de toutes les littératures francophones (pour nous en tenir à celles-là) et sur leur "bilangue". Or, chacun des auteurs de ce vaste corpus a eu à négocier, à sa façon, les termes de son existence, à conquérir son espace de liberté au cœur des contraintes imposées par la doxa dominante et à y inventer son univers propre. Dib, qui a la particularité d'avoir mené de front une réflexion critique et le geste d'écriture, nous offre un texte disparate qui donne à voir la scénographie de l'interaction de ses multiples références (philosophiques, linguistiques, mythiques, génériques…). Je m'attacherai à montrer comment, sur la scène de ce théâtre des compétitions culturelles, se dessine, chemin faisant, la tension vers une esthétique du signe qui récuse toute description mimétique du monde.

Professeure de langue et littérature françaises, Naget Belkaïd-Khadda, aujourd'hui à la retraite, a enseigné dans les universités d'Alger et de Montpellier III. Elle a effectué de brefs passages par les universités de Paris XIII (à titre d'invitée) et de Paris VIII (comme professeure associée). Spécialiste de l'œuvre de Mohammed Dib et, plus largement, des grands auteurs algériens des années 1950 qui ont consacré la littérature de langue française en Algérie ; elle s'intéresse aussi aux arts plastiques pour avoir accompagné la réflexion et la création de son mari, Mohammed Khadda, un des pionniers de la peinture moderne en Algérie, décédé en 1991. N. Khadda est, plus généralement, attentive au champ culturel maghrébin et à ses formes d'art nouvelles, indexées sur l'histoire culturelle européenne et amarrées à l'héritage ancestral. Membre fondateur de La Fondation Mohammed Dib ("La grande maison") de Tlemcen et du prix Mohammed Dib qu'elle a présidé jusqu'en 2014, elle a aussi présidé en 2016 et 2017 le jury du prix Assia Djebar. Naget Khadda a publié plusieurs études, dirigé des ouvrages collectifs et produit de nombreux articles dans des revues spécialisées.

Regina KEIL-SAGAWE : Lyyli des quatre saisons : les correspondances du genre, entre poème et prose
Dans mes archives, se trouve le typoscript d'un recueil de poèmes de Mohammed Dib publié seulement post mortem, dans le premier volume de l'édition de ses Œuvres Complètes, "Poésies" (Paris, La Différence 2007), rassemblé par Habib Tengour. Il est intéressant de suivre la piste des résurgences de Lyyli entre poèmes et prose, dans les différents écrits dibiens, et de voir surgir Lyyli comme chiffre, non seulement de l'élément féminin parmi d'autres figures féminines emblématiques de l'œuvre dibien, mais aussi comme symbole d'un avenir autre, imprégné par l'imbroglio des civilisations et cultures, et comme esquisse d'un(e) alter ego permettant à l'auteur/au narrateur d'élaborer, dans un va-et-vient méditatif, sa propre pensée.

Enseignante à l'université de Heidelberg pendant de longues années, de nos jours traductrice littéraire libre, spécialisée dans les littératures francophones du Maghreb, Regina Keil-Sagawe a beaucoup travaillé sur les problèmes de traduction/réception du texte maghrébin.
Publication
A traduit, entre autres, L'Infante Maure de Mohammed Dib en allemand (Die Maurische Infantin, Cologne 1997 et 2016).
A édité le numéro spécial de la revue Expressions maghrébines consacré à "Mohammed Dib poète" (2009).

Inès KREMER : Problématique de l'autobiographie dans l'œuvre de Dib
Profondément ancrée dans la tradition littéraire française et européenne, l'écriture autobiographique marque l'émergence et l'évolution de la littérature maghrébine d'expression française. Même si les textes en prose de Mohammed Dib n'admettent pas ouvertement leur dimension autobiographique — ne proposant pas de pacte autobiographique dans le sens de Lejeune — plusieurs d'entre eux sont fondés sur des expériences vécues qui ont marqué l'auteur. Après sa trilogie algérienne qui transmet ses idéaux communistes, Dib publie des romans moins explicitement engagés et d'autant plus personnels qu'ils thématisent l'exil, l'isolement et le déchirement identitaire. Parmi eux, il semble que ce sont surtout Habel (1977) et la trilogie nordique (Les terrasses d'Orsol, 1985 ; Le sommeil d'Ève, 1989 ; Neiges de marbre, 1990), dont le fondement autobiographique joue un rôle prépondérant, qui sont les plus appropriés à l'étude de cette problématique. Cette contribution propose d'analyser la signification de la composante autobiographique dans l'œuvre de Mohammed Dib tout en s'interrogeant sur la réflexion poétologique qu'elle inspire à l'auteur.

Inès Kremer est titulaire d'un master en langues et littératures romanes, Université Johannes-Gutenberg, Mayence (2015). Depuis mars 2016, elle est doctorante et enseignante à l'université de Duisburg-Essen (équivalent à A.T.E.R.), le titre provisoire du projet de sa thèse est "Entre assimilation et rébellion — stratégies et transformations au sein du champ littéraire français et algérien des années 1940 et 1950".
Publications
"Taos Amrouche und die Transformation des Diskurses im literarischen Feld Algeriens", dans Transformationen. Wandel, Bewegung, Geschwindigkeit. Beiträge zum XXXIII. Forum Junge Romanistik in Göttingen (15.-17. März 2017), München, Akademische Verlagsgesellschaft München, 2019, 161-173.
"Zwischen Assimilation und Rebellion : die algerische "Avantgarde" und das Paris der Nachkriegszeit", dans Migration und Avantgarde, Berlin, De Gruyter, 2020, 345-364 (à paraître).

Hanane LAGUER : La théâtralité du geste dans L'infante maure : outil de scénarisation de l'oralité
Ce que nous désignons par théâtralité est la forme spéculaire d'un théâtre(1), d'un art repris et représenté par le texte littéraire : "La théâtralité n'est pas le privilège de la chose représentée, mais du mouvement d'écriture par lequel on représente"(2). Très présente dans la littérature algérienne (poésie et roman), elle contribue à amplifier le sens et la signification. Chez Mohamed Dib, elle est souvent présentée comme une pratique de mise en scène d'une parole poétique véritablement imprégnée de la culture orale, et qui trouve sa complétude dans le geste du corps, l'emplacement de ce dernier dans l'espace ainsi que dans l'ensemble des éléments du décor qui l'accompagne. Dans L'Infante maure, la question de la gestuelle instille la théâtralité de cette écriture où se révèle le sens d'une oralité. Il s'agit de la gestuelle d'un corps primé, qui se conjugue dans la danse et le geste de Lyyli Belle. Son corps inspire sa théâtralité et abrite son théâtre dans le processus de recréation de son propre monde. Outrepassant le geste, Lyyli Belle s'adonne à une poétique de la géométrie. Celle-ci établit le lien entre le geste scriptural et la voix dans le roman. Autrement dit, notre réflexion se base aussi bien sur la scénarisation du geste/de la voix que celle de l'écriture. Pour ce faire, toute une dramatisation est déployée pour traiter l'aventure de l'écriture.
(1) Ici le mot théâtre renvoie au spectacle ou à la mise en pratique d'un spectacle ; autrement dit, mettre en scène un événement, un sentiment, dans le but d'être vu par les autres pour y contribuer. Dans cette intention, l'on retrouve forcément une forme d'exagération (amplification, dramatisation, paraphrase, redondance…), pour l'accomplissement de ce spectacle.
(2) Piemme Jean‐Marie, "Théâtralité", in Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Larousse-­Bordas, 1998, p. 1614-­1615.

Hanane Laguer est doctorante à l'Inalco sous la direction de Mourad Yelles. Son projet porte sur les poétiques de l'exil et la question identitaire, abordées à partir d'un corpus multilingue (français-arabe littéraire et arabe maghrébin – melhûn -) et transgénérique (poésie/roman) dans le champ littéraire algérien. Elle est chargée de cours de littératures maghrébines à l'Inalco. Elle a participé à de nombreuses manifestations scientifiques sur la littérature maghrébine, notamment sur sa place au sein de la littérature comparée. Elle prépare un ouvrage collectif à partir d'une journée d'études qu'elle a co-organisée avec Mourad Yelles intitulée Poétiques de l'exil : Maghreb et diaspora, en 2016.
inalco.fr/sites/default/files/asset/document/prg_lacnad_15-12-2016_0.pdf

Amel MAÂFA : De la polyphonie théâtrale à la narration romanesque. Le cas de Mille hourras pour une gueuse et de La Danse du roi
Montée au festival d'Avignon en 1977, Mille hourras pour une gueuse est une expérience de théâtre menée par Mohammed Dib. Longtemps considérée comme une adaptation du roman La danse du Roi (1967), les travaux effectués par Isabelle Mette sur les manuscrits de l'auteur (disponibles à la BNF) ont démontré l'antériorité de la pièce sur le roman. Dans les deux œuvres, nous retrouvons le personnage de Arfia, une ancienne maquisarde, déchirée entre un passé glorieux et un présent désenchanté. Les personnages évoluent dans un univers éclaté, dans un va-et-vient entre passé et devenir. Le présent se voit transcendé dans la narration, accentuant ainsi le jeu dramatique du récit. Dans cette communication, nous essayerons d'étudier ce que Charles Bonn appelait "la fonction romanesque de représenter une représentation" en mettant l'accent sur le personnage de Arfia dans les deux œuvres.

Amel Maâfa est maître de conférences, HDR, à la faculté des lettres et des langues, Université 8 Mai 1945 Guelma, Algérie. Elle s'intéresse tant à la littérature qu'aux arts. Elle a participé à de nombreuses rencontres scientifiques autour de ces thématiques dans de nombreux pays. Elle a publié de nombreux articles, et a co-dirigé un ouvrage sous forme d'entretiens avec Charles Bonn, Littérature algérienne. Itinéraire d'un lecteur (El Kalima, 2019).

Lamia OUCHERIF : L'écriture du "visuel"
Nous avons choisi de réfléchir sur la conception de l'écriture chez Mohammed Dib et surtout sur le rapport qui existe entre ce qu'il appelle lui-même "le visuel" et le monde. Dans un passage de L'Arbre à dires, il précise : "Ce qui est sûr, c'est que je suis un visuel, un œil. Cela ressort dans mes écrits et quel que soit le genre d'écrit : poème, roman, nouvelle" (p. 107). Qu'entend Mohammed Dib par l'expression "je suis un visuel" ? Même si l'expression paraît simple, elle ne l'est pas pour autant, surtout que l'écrivain la rattache à tous ses écrits et tous genres confondus.

Lamia Oucherif est maître de conférences en littérature au département de français de l'École normale supérieure de Bouzaréah, Alger. A soutenu son doctorat en mars 2010. L'intitulé de sa thèse est "Pour une poétique de la relation père/fille chez M. Dib, A. Djebbar et S. de Beauvoir". Chef d'équipe au sein du laboratoire LISODIP, à l'ENS de Bouzaréah. Les recherches de l'équipe portent sur la littérature francophone du XXIe siècle.
Publications
"L'invention d'une langue littéraire dans un milieu plurilingue", revue Socles (revue du laboratoire LISODIP), n°2, Janvier 2013.
"L'écriture comme dissimulation ou l'écriture de la dissimulation dans les littératures contemporaines, francophone et française (fin du XXe et XXIe siècles)", revue Socles (revue du laboratoire LISODIP), n°8, Janvier 2016.

Nasrin QADER : Le théâtre de l'écrit : jouer avec/jouer de…
Cette communication prend son élan dans le simple constat que Mohammed Dib est un grand joueur. Malgré le grand sérieux de son œuvre, autant du point de vue politique et éthique que poétique, l'écriture de Dib joue avec les mots et des mots et ainsi joue avec et de nous, joyeusement. Commençant par une lecture précise du rapport entre le jeu et l'écriture dans Neige de marbre, cette analyse la relie en même temps avec la question de la perspective plus généralement dans l'œuvre de Mohammed Dib et l'intérêt qu'elle manifeste à la visualité et à ses enjeux, cherchant ainsi à souligner que le jeu en tant que l'ouverture d'un espace de visibilité et de communication constitue le cœur de l'imagination et de la pensée de Mohammed Dib.

Nasrin Qader enseigne la littérature francophone et la littérature comparée à Northwestern University, aux États-Unis. Elle est auteur de Narratives of Catastrophe : Boris Diop, Ben Jelloun, Khatibi et des articles sur la littérature francophone et arabe du Maghreb. Elle travaille actuellement sur un projet de livre autour de la question de la visualité et le jeu, dans lequel Mohammed Dib occupe une place importante.

Hervé SANSON : La nébuleuse de La Fiancée du printemps : construction et déconstruction du mythe
La réécriture des mythes a toujours constitué dans l'écriture dibienne un motif essentiel. Jamais publiée, sans cesse reprise de 1960 à 1986, la pièce de théâtre La Fiancée du printemps n'échappe pas à la règle et mobilise notamment le rite berbère de Guendja, "La fiancée de la pluie" ; ce qui importe à l'écrivain algérien réside dans le fait d'"essayer de saisir ce moment particulier où le mythe émerge dans la vie quotidienne et où, détruisant nos particularités de caractère, de sentiment, de pensée, il nous agrège aux autres en un vaste corps anonyme mû par une force qui lui est à lui-même inconnue" ("Notes sur La Fiancée du printemps ou le théâtre à l’état naissant", inédit). À partir des différents tapuscrits dont nous disposons, tant les versions théâtrales successives que le scénario que Dib en a tiré avec Marcel Moussy au début des années soixante, mais aussi du roman Si Diable veut, dernier avatar — romanesque — de cette entreprise théâtrale, et en mobilisant les outils de la génétique des textes, nous nous attacherons à dégager les enjeux du travail de réécriture dibien quant au mythe, et l'évolution que celui-ci subit au long des différentes versions.

Après avoir soutenu une thèse de doctorat sur Mohammed Dib en 2005, Hervé Sanson a publié de nombreux articles sur Dib, notamment dans Expressions maghrébines ("L. A. Trip : la troisième voie ou : D'un rocking-chair", EM, "Dib poète", vol. 4, n°2, hiver 2005 ; "Une esthétique du bazar", EM, Varia, col. 18, n°1, été 2019), ou dans Apulée ("Dans l'œil du cyclone", n°2, "De l'imaginaire et des pouvoirs", Zulma, 2017). Il a coordonné le numéro de la revue Europe consacré à Dib, paru en mai 2020. Il prépare avec Habib Tengour l'édition critique et génétique des nouvelles de l'écrivain, à paraître prochainement aux éditions du CNRS.

Lucy STONE McNEECE : L'écriture de Mohammed Dib : la plume comme un pinceau
Cette communication démontrera la fonction du principe du féminin chez Dib comme agent de démantèlement des codes de la représentation conventionnels. Dib a compris que les genres littéraires et sexuels partagent une structure hiérarchique et binaire qui limite notre manière d'être au monde et notre capacité de créer les conditions éthiques propices à l'épanouissement de l'être humain. Ainsi Dib met en scène le "féminin" libéré de sa biologie et les clichés associés aux femmes, et en révisant les structures il transforme ses récits en découvertes épistémologiques et éthiques. Le féminin l'amène aussi à puiser dans la culture populaire orale, pour en extraire sa sagesse. Chez Dib le principe du féminin engendre une révolution qui abolit les frontières entre les oppositions telles que le féminin et le masculin, le moi et l'autre, la raison et la folie, le sujet et l'objet, la poésie et la prose, le Nord et le Sud, pour mettre en scène une vision plus inclusive et plus égalitaire.

Lucy Stone McNeece est diplômée de Harvard University. Elle a enseigné les littératures francophones ainsi que le théâtre et le cinéma à l'université du Connecticut puis à l'université de Mohammed V à Rabat. Elle a travaillé sur les littératures comparées au centre des Études maghrébines et du Moyen Orient et au C.E.M.A.T à Tunis. Depuis sa retraite, elle a fait une maîtrise en littérature arabe à l'INALCO, enseigné à l'université américaine de Beyrouth et passé une année de recherche à l'IFPO (Institut français du Proche Orient). Ses publications portent sur des écrivains francophones du Maghreb, de l'Afrique de l'ouest, et sur des auteurs du Moyen-Orient.

Manel ZAÏDI AÏT-MÉKIDÈCHE : L'œil cosmique et l'ouïe, œil du cœur : hypostases dibiennes
Dans cette communication, nous nous proposons d'examiner les fondements de l'écriture dibienne et la résurgence des multiples voix qui peuplent son œuvre du fait de l'importance que revêtent pour lui la Vision et l'Ouïe comme génératrices de sens. Nous commencerons par interroger le désert dans son essence dissolvante, capable de neutraliser le pouvoir testamentaire de l'écriture. Dans cet esprit, nous aborderons l'importance de la récitation et la sublimation de la vision par l'ouïe dans l'œuvre dibienne. Nous montrerons comment la vision relève d'un œil cosmique sublimé par le verbe récité et donc, systématiquement, par l'ouïe comme forme ésotérique de connaissance. Nous évoquerons par ailleurs un des atavismes du style dibien, lié à la parole qui traverse son œuvre sans qu'elle s'astreigne à la toute-puissance de l'écrit. Cet atavisme sera rapproché, dans la même lancée, de l'importance de l'ouïe et de ces traces qui aident à chercher et à reconstruire du sens à partir de bribes de paroles.

Manel Zaïdi Aït-Mékidèche est docteure en Sciences des Textes Littéraires à l'École Normale Supérieure d'Alger. Elle est autrice d'une thèse de doctorat dédiée à "L'Imagination de l'Ailleurs dans l'œuvre de Mohammed Dib" et d'un mémoire de magistère sur le "Symbolisme thériomorphe et l’imaginaire animé de Mohammed Dib". Ses publications et ses travaux de recherche portent sur l'imaginaire dibien et ses rapports avec le politique, la mythologie et la philosophie, notamment la philosophie illuminative et spirituelle.


SOUTIENS :

• Textes, littératures : écritures et modèles (TELEM, EA 4195) | Université Bordeaux Montaigne
• Réseau mixte algéro-français de recherche-formation et de recherche sur la langue française et les expressions francophones (LaFEF)
• Société internationale des Amis de Mohammed Dib (SIAMD)
• Coordination internationale des chercheurs sur les littératures maghrébines (CICLIM)
Université Paris 8 | Vincennes - Saint-Denis
• Direction régionale des affaires culturelles Normandie (DRAC)

Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


Colloque annulé

À l'initiative de Pascal Quignard rejoint par Mireille Calle-Gruber et Anaïs Frantz, ce colloque est annulé en raison de la situation sanitaire. Toutefois, une publication reprenant les interventions prévues paraîtra en 2023 dans la collection "Colloques de Cerisy" aux éditions Hermann. Le CCIC, informé de cette annulation, présente ses regrets à tous et notamment aux auditeurs inscrits à cette rencontre.

La direction du CCIC


MORPHOGENÈSE : DONNER LIEU AU PATRIMOINE ORIGINAIRE

AVEC ARNO STERN ET PASCAL QUIGNARD


DU LUNDI 6 SEPTEMBRE (19 H) AU DIMANCHE 12 SEPTEMBRE (14 H) 2021

[ colloque de 6 jours ]


Grotte Chauvet. Homme-Bison s'approchant de la matriarche © Carole Fritz / Ministère de la Culture


DIRECTION :

Mireille CALLE-GRUBER, Anaïs FRANTZ, Pascal QUIGNARD

Avec la participation d'Arno STERN

Sous le patronage de la Commission nationale française pour l'UNESCO


ARGUMENT :

L'originaire fait signe — il fait signe dans les découvertes scientifiques, dans l'art, dans les rêves, dans la langue littéraire, dans l'amour, dans le jeu des enfants, dans la vie sauvage. Mais comment accueillir ces signes — ces traces — dont la manifestation précède le logos (le langage de la raison) et les sciences régies par le logos ?

Ce qui se donne à penser, avec les travaux d'Arno Stern et de Pascal Quignard, ce sont autant les conditions d'expression de l'"Homo vulcanus" (Stern) dont, sans répit, Quignard guette l'éruption dans les images et les textes qu'il collecte, que celles de la réception des traces de l'ancienne "vie aquatique" (Quignard) dont l'atelier de peinture créé par Arno Stern à Paris au lendemain de la Seconde Guerre mondiale reconstitue l'état de plénitude. C'est, dans toute son amplitude, la question de la morphogenèse envisagée sous l'angle de la sémiologie (Stern) ou du rêve (Quignard).

À partir des œuvres d'Arno Stern et de Pascal Quignard, de l'exposé de leurs singularités respectives et de leur rencontre, le Centre culturel international de Cerisy se propose d'être le lieu d’une méditation transdisciplinaire, à l'intersection de la paléontologie, de l'embryologie, de la psychanalyse, des sciences du langage, de la danse, de la peinture, de la littérature, autour des conditions d'accueil et d'expression du patrimoine originaire.

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2020, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2020 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Danse, Images originaires, Lascaux, Littérature, Mémoire archaïque, Morphogenèse, Paléontologie, Psychanalyse, Quignard (Pascal), Sémiologie, Stern (Arno), Traces


CALENDRIER PROVISOIRE :

Lundi 6 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 7 septembre
Matin
Mireille CALLE-GRUBER, Anaïs FRANTZ & Pascal QUIGNARD : Ouverture
Emmanuel ANATI : La décodification de l'art préhistorique et l'origine de l'écriture
Amélie BALAZUT : Du secret des images endogènes : retour aux sources animales de l'esthétique

Après-midi
Performance de Pascal QUIGNARD
Marie-Christine LALA : Aux tréfonds de l'être inexprimer l'exprimable encore
Mireille CALLE-GRUBER : Le corps archaïque. Urszenen de Pascal Quignard

Soirée
Projection d'archives visuelles d'Emmanuel Anati


Mercredi 8 septembre
Matin
Chantal LAPEYRE : Le Mur de Planck
Stefano GENETTI : Autour d'un ballet imaginaire des origines

Après-midi
Geneviève HAAG : La morphogenèse au croisement du jaillissement et des rebonds de la rencontre
François FARGES : Scènes de la vie fœtale
Nicole FARGES : À l'origine, la nuit fœtale

Soirée
Projection puis discussion autour du film Marie Morel, une vie de peintre (2020), en présence de Marie MOREL


Jeudi 9 septembre
Matin
Catherine DOLTO : La vie dans les plis
Dimitrios KRANIOTIS : Jerome Andrews : la danse profonde, la joie d'être en mouvement
Victor PITRON : Bases cognitives de la perception corporelle

Après-midi
Pascal QUIGNARD : Morphée

Soirée
Projection autour de Jérôme Andrews et la danse profonde


Vendredi 10 septembre
Matin
Eberhard GRUBER : De la morphogenèse à partir de l'informe
Joël BALAZUT : L'ordre symbolique et son envers
Éric MARTY : Le Travesti

Après-midi
Hugo RUDY : À la recherche de l'universalité psychique : Georges Devereux et l'approche ethnopsychiatrique
Anaïs FRANTZ : "Et ce n’est pas de l’art…"

Soirée
Projection puis discussion autour du film Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines) d'Arnaud Desplechin (2013)


Samedi 11 septembre
Matin
Arno STERN : Le Tracé révélateur d'une mémoire archaïque

Après-midi
Arno STERN : Genèse d'une découverte

Soirée
Projection puis discussion autour du film Alphabet d'Erwin Wagenhofer (2013)


Dimanche 12 septembre
Matin
Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Emmanuel ANATI : La décodification de l'art préhistorique et l'origine de l'écriture
L'art rupestre est une expression de l'esprit humain, répandue dans le monde entier, qui se perpétue depuis des millénaires. Dans le cadre du rapport mondial de l'UNESCO de 2008, "Art rupestre : état de la recherche", l'auteur avait présenté un système mondial de typologie de l'art rupestre. Depuis, plusieurs modifications se sont révélées nécessaires. Dans cette intervention, l'auteur présentera successivement la formule réactualisée de cette typologie en considérant les points suivants : les concepts élémentaires de la typologie ; la définition de "site" d'art rupestre ; la grammaire de l'art rupestre : typologie des graphèmes ; les catégories d'après le mode de vie : chasseurs-récolteurs archaïques, chasseurs utilisant arc et flèche, éleveurs et économie pastorale, économie agricole complexe, autres ; la syntaxe, les systèmes associatifs : associations, compositions, séquences, scènes, etc. ; les archétypes et les variantes ; enfin les buts et les issues de la typologie.

Amélie BALAZUT : Du secret des images endogènes : retour aux sources animales de l'esthétique
En faisant le choix délibéré et asocial de se "rencoigner" dans l'ombre de cette enclave ancêtre prolongée que constitue la grotte, les artistes paléolithiques ont ainsi trouvé l'occasion de "recoïncider" avec le secret de leur origine. Une autre intrigue linguistique se propose alors où ce qui se joue, ou plutôt se rejoue, est autre et pour autant en rien nouveau, puisqu'il s'agit du retour à l'initialité sauvage de leur condition, dans l'aparlance originaire, silencieuse et secrète du premier royaume. Dans cette intrigue préhumaine, le dénouement prendra nécessairement la forme d'images venues de l'ombre elle-même, celles échappées et rêvées de la sauvagerie source. C'est en ce sens, nous dit Pascal Quignard, que "les images sont préhumaines. Elles datent d'avant les langues naturelles dans les bouches humaines". Pour bien comprendre la pré-humanité de ce pré-langage, dans l'immersion sensorielle de laquelle les images nous replongent, il importe de prendre la pleine mesure de ce qui-vive animal, imprédictible et extravagant, qui fait le fond de l'activité créatrice comme de l'activité onirique où ce qui s'exalte et s'hallucine, puis s'évade et s'exvague, au travers de cette motricité fantôme qui engage le corps du rêveur comme celui du graveur ou encore du danseur, est pareil à l'élan dissident qui emporte tous ceux qui osent lâcher la corde de la langue pour regagner cette animalité antérieure, dont cette enclave ancêtre, reconstituée, garde les plus saisissantes archives.

Amélie Balazut est Docteur en Arts plastiques — sciences de l'art et Membre associé du Museum National d'Histoire Naturelle, UMR 7194 - Histoire naturelle de l'homme préhistorique. Après sa thèse "Origine de l'art — art des origines", sa recherche s'est prolongée par la publication d'un livre Portrait de l'homme en animal, PUP (préface de J.-L. Nancy) et celle de plusieurs articles et actes de colloque ayant pour sujet la représentation de la duplicité homme/animal dans l'art, des origines à nos jours. Une approche plus spécifique de ces questions, dans l'œuvre de Pascal Quignard, l'amène aujourd'hui à faire entrer en résonance leurs pensées et leurs sensibilités sur le secret auquel ouvrent ces images paléolithiques — une recherche qui a déjà donné lieu à plusieurs productions : contribution au Dictionnaire sauvage Pascal Quignard, Hermann, "L'amont animal de l'histoire", intervention au colloque L'Art paléolithique au risque du sens, à Cerisy, et écriture d'un essai, In illo tempore. Voyage imaginaire dans le dernier royaume de Pascal Quignard, en cours de publication.

Joël BALAZUT : L'ordre symbolique et son envers
L'ordre symbolique, cet ensemble de règles et d'interdits culturels portés par le langage, est par un aspect essentiel le véhicule d'un "dressage" qui nous coupe non seulement de notre singularité mais aussi d'une ouverture primaire au monde en médiatisant notre relation à celui-ci qui est tenu à distance. Nous sommes ainsi séparés du réel par une grille de lecture, conventionnelle et imposée, propre à le "cartographier". Or, il est une autre dimension du symbolique, trop souvent méconnue mais non moins importante, par laquelle il se rapporte, au contraire et paradoxalement, à son propre envers, ménageant ainsi un espace de transgression permettant de regagner l'immédiateté, le Jadis fusionnel dont il nous avait d'abord coupé. Nous nous proposons alors de montrer qu'une telle ouverture du symbolique à son envers, laquelle est véhiculée par les arts dans leurs productions les plus fortes (ainsi que Lacan avait essayé de le montrer dans le Séminaire VII) est si essentielle qu'elle est ce à partir de quoi seulement celui-ci peut être compris en son origine.

Joël Balazut est Docteur en Philosophie et auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la pensée de Heidegger, mais également sur Bataille et Lacan. Il s'efforce de mettre en œuvre un questionnement ontologique originaire qui permettrait de rétrocéder en deçà de la pensée représentative (du clivage sujet objet). D'où l'intérêt qu'il porte à la relation qu'entretient l'ordre symbolique avec son envers, avec l'immédiateté dont il nous a d'abord séparé.
Principales publications
L'impensé de la philosophie heideggérienne, Paris, L'Harmattan, 2007.
Art, tragédie et vérité, Paris, L'Harmattan, 2011.
Heidegger : une philosophie de la présence, Paris, L'Harmattan, 2013.
Georges Bataille ou l'envers de la philosophie, sous le pseudonyme de Frédéric Altberg, Camion noir, 2014.
Les racines secrètes de l'ontologie ou la question de la chose, Paris, L'Harmattan, 2016.
Heidegger et l'essence de la poésie, Paris, L'Harmattan, 2017.
Lacan. Une lecture philosophique, Paris, L'Harmattan, 2018.
Descartes et l'essence de la métaphysique, Paris, L'Harmattan, 2019.

Catherine DOLTO : La vie dans les plis
Ce titre est un hommage à Henri Michaux, poète qui savait presque dire l'indicible. Ma pratique de l'haptonomie, et en particulier l'accompagnement pré et postnatal m'ont donné accès à des espaces/temps minuscules mais majestueux comme le sont souvent les fondations. Même si la science les scrute avec de plus en plus d'acuité, le mystère de ce qui se joue là demeure. Dans les plis l'œuf se nide, la petite mûre se transforme en un disque plat formé de trois feuillets qui est le lieu d'une migration cellulaire très rapide, très intense. À 21 jours de vie commence le grand geste primitif : l'enroulement, qui donnera au petit humain sa forme embryonnaire spécifique. La courbe, tracé humain par excellence, est déjà là. D'instants en instants se posent des actes très brefs dont les effets dureront pour toujours dans la vie de celui ou celle qui se prépare dans cette obscurité liquide, à faire son entrée dans le monde des respirants aériens pour y jouer sa part. Tout est interaction, réaction, adaptation. Les antennes du sensible sont déployées. Le programme génétique prévoit et organise mais la rencontre avec le monde extérieur sculpte et modèle. L'Affectif, l'épigénétique et la plasticité neuronale œuvrent silencieusement conduits par la quête des échanges, propre au petit humain, qui à travers eux sort de son statut de spécimen de l'espèce pour acquérir celui d'autre véritable. Peu à peu dans le passage du mouvement incontrôlé au geste mu par une intention surgit le Sujet.

François FARGES : Scènes de la vie fœtale
L'échographie obstétricale a pour effet latéral de faire sortir le fœtus de sa caverne. Il surgit sur l'écran et avec lui les traces de l'origine de la vie. À côté et souvent après l'examen médical, François Farges filme le fœtus, les fœtus. Le but étant, in fine, d'accueillir, avec les parents, la vie fœtale. Surgissent alors des scènes de la vie fœtale en lien avec ce qui se produit dans le sein maternel ou dans l'environnement. En particulier les observations de grossesses gémellaires montrent en direct les relations intra-utérines avec un "autre". François Farges a sélectionné de courtes séquences significatives de cette émergence de la vie fœtale, à l’origine.

François Farges est obstétricien, gynécologue et échographiste, spécialisé en AMP. Après une longue carrière d'obstétricien, il travaille maintenant spécifiquement avec des couples en situation d'infertilité. Il pratique des observations échographiques dans le cadre de recherches sur la vie fœtale et les relations entre jumeaux in utero.
Publications
Farges F. et Farges N. (1994), Paroles d'échographiste, Film primé au festival médical d'Amiens et aux entretiens de Bichat.
Farges F. et Groupe Echo (2001), "D'une certaine pratique de l'échographie obstétricale", in Linguistique et psychanalyse, Colloque de Cerisy, Éditions In Press, p.195-231 (réédition Hermann Éditeurs, 2013).
Farges F. (2012), "Dépistage de la trisomie 21 au premier trimestre, incertitude et iatrogénie" in Médecine et psychanalyse, Entre autorité et incertitude : moments critiques, Paris, Éd. Études freudiennes, pp. 265-271.
Farges F., Farges N. et Missonnier S. (2016), "L'observation échographique prénatale. Vers une clinique du fœtus ?", in Journal de la psychanalyse de l'enfant, Paris, Puf, n°2, vol. 6, pp. 203-223.
Farges F. et Farges N. (2017), "La fratrie in utéro. Des frères et sœurs dans la chambre obscure", in Petite sœur et petit frère, revue Spirale, n°81, Paris, érès, pp. 55-64.
Farges F. (2017), "La clinique du fœtus", in Bébé Sapiens, Colloque de Cerisy, érès, 2017.
Farges F. et Farges N. (2018), "Sa majesté le fœtus", in Quand les temps changent, les bébés changent-ils ?, Paris, érès, 1001BB, pp. 25-39.

Nicole FARGES : À l'origine, la nuit fœtale
Si la psychanalyse revient inlassablement vers l'Ur, préfixe difficile à traduire, il s'agit de penser la scène primitive, les fantasmes originaires, le père de la horde, la séduction précoce. Mais la vie prénatale, plus précisément la nuit fœtale est restée terra incognita pour Freud, interdit persistant suivi par de nombreux analystes. Or la nuit fœtale, suite de la nuit sexuelle, est mouvement, traces, sensation, recherche. Elle nous habite de la conception jusqu'à la mort. Les images échographiques nous donnent à voir cette activité incessante. La succion en est un prototype à déchiffrer.

Nicole Farges est psychanalyste, de formation psychologue clinicienne. Elle accueille des couples infertiles dans le cadre de la PMA, questionnant le mystère de la fécondité. En collaboration avec François Farges, échographiste, elle travaille depuis plusieurs années sur ce que donne à voir les films échographiques sur la vie fœtale.
Publications
Farges F. et Farges N. (1994), Paroles d'échographiste, Film primé au festival médical d'Amiens et aux entretiens de Bichat.
Farges F., Farges N. et Missonnier S. (2016), "L'observation échographique prénatale. Vers une clinique du fœtus ?", in Journal de la psychanalyse de l'enfant, Paris, Puf, n°2, vol. 6, pp. 203-223.
Farges F. et Farges N. (2017), "La fratrie in utéro. Des frères et sœurs dans la chambre obscure", in Petite sœur et petit frère, revue Spirale, n°81, Paris, érès, pp. 55-64.
Farges F. et Farges N. (2018), "Sa majesté le fœtus", in Quand les temps changent, les bébés changent-ils ?, Paris, érès, 1001BB, pp. 25-39.

Anaïs FRANTZ : "Et ce n’est pas de l’art…"
En usant de la forme négative pour présenter les tableaux qui sont réalisés dans son atelier de peinture, le Closlieu, Arno Stern invite à poser sur la trace un autre regard que celui qui est habituellement porté sur le dessin des enfants et, par extension, sur l'enfance et sur l'enfance de l'art. Formulée en l'occurrence de façon spontanée, la tournure négative ("ce n'est pas") peut dès lors être entendue comme une stratégie soucieuse de préserver un potentiel que l'affirmation limiterait aux catégories linguistiques. Trouvant appui en l'œuvre de Pascal Quignard, l'intervention souhaite s'attarder sur les enjeux méthodologiques, pédagogiques et théoriques de cette approche "négative" de la trace par Arno Stern.

Anaïs Frantz est docteure en littérature et civilisation françaises de la Sorbonne Nouvelle Paris 3. Elle enseigne la littérature française à Paris. En 2018, elle a publié La Mémoire et l'Expression aux éditions Regard, livre où elle dialogue avec Arno Stern. En 2019, elle a organisé à la Sorbonne un après-midi d'étude et d'hommage consacré aux travaux d'Arno Stern sous le patronage de l'UNESCO.

Stefano GENETTI : Autour d'un ballet imaginaire des origines
Entre morphogenèse et métamorphose, les figures du mouvement originaire se multiplient dans les entretiens avec Pascal Quignard ayant trait au corps dansant et à ses expériences théâtrales. Tour à tour amniotiques et volcaniques, antéhistoriques et chamaniques, elles dessinent un parcours qui va de l'évocation de la danse perdue à l'é-motion performative dont il est question dans L'Origine de la danse et dans Performances de ténèbres. Celle-ci sera illustrée par une présentation du Ballet de l'origine de la langue et de la littérature françaises (2016) en termes de dispositio scénique et de danse de la lumière et des ombres, en termes de dramatisation de la lecture et de transcription du chant des oiseaux. Tout en soulignant le rapport qui lie ces fragments du "noyau de nuit" aux pages de Les Larmes et de Dans ce jardin qu'on aimait, il s'agira d'interroger cet étrange ballet d'images et de phrases-sons en tant que mise en espace et en mouvement du patrimoine originaire.

Stefano Genetti enseigne la littérature française à l'université de Vérone. Ses recherches, concernant l'œuvre de Pascal Quignard, portent sur l'écriture fragmentaire et sur les Petits traités, sur les figures d'Ulysse et de Médée, ainsi que sur les collaborations chorégraphiques et les expériences scéniques de l'auteur et non moins sur sa pensée-écriture.

Geneviève HAAG : La morphogenèse au croisement du jaillissement et des rebonds de la rencontre
À partir d'observations du premier développement et de séances de psychothérapie psychanalytique avec des enfants autistes en reprise de communication et de développement, quelques éléments se rassemblent autour de la proposition de Pascal Quignard concernant l'accueil nécessaire du patrimoine originaire : "Le temps ne séjourne comme Origine dans le monde qu'à la condition que, de la part de ceux qui tirent profit de son jaillissement, il obtienne l'hospitalité". Les formes semblent en effet prendre leur origine dans cette rencontre du jaillissement et du retour qu'en organise l'environnement. J'en donnerai quelques exemples dans l'organisation tonico-psychomotrice précoce pré et post natale (les dialogues tonico-émotionnels), dans les émergences de langage (les dialogues sonores), dans les théâtralisations gestuelles des relations dans la première année de la vie (dialogue entre les deux côtés du corps), et dans les composants du dessin préfiguratif spontané des trois premières années.

Publications
Le moi corporel, autisme et développement, PUF, 2018.
"Construction du moi corporel dans les niveaux archaïques du transfert", in Autismes, transferts et langage, dir. Tristan Garcia-Fons, éd. Campagne Première, Paris, 2016.
"Processus psychothérapiques psychanalytiques au long cours avec des enfants autistes : réflexions et approfondissements entre reprises et particularités du développement psychique", in Autismes : spécificités des pratiques psychanalytiques, Autismes et psychanalyses – II, Toulouse, Eres, p.35-73, 2016.

Dimitrios KRANIOTIS : Jerome Andrews : la danse profonde, la joie d'être en mouvement
"La danse au plus profond de moi, ma danse profonde, cette nécessité personnelle, d'où vient-elle ? Et votre danse, celle qui est au plus profond de vous, d'où vient-elle ? Dans le dictionnaire, il est dit que les danses sont des pas rythmés. La danse profonde, c'est autre chose. Il y a des gens qui n'ont jamais appris des pas de danse et qui se sont éveillés du moment qu'ils se sont mis à danser. La danse profonde, ce n'est pas un système, c'est quelque chose que vous connaissez avant même de naître, c'est une chose profonde en vous. Mais vous pouvez passer toute votre vie à éviter ce que vous êtes…"
Figure majeure de la danse moderne aux États-Unis puis en France, influencé intimement par Martha Graham, Mary Wigman ou bien Joseph Pilates, le danseur, chorégraphe et pédagogue Jerome Andrews (1908-1992) a marqué de nombreux artistes contemporains. Entre 1968 et 1980, à l'invitation d'Arno Stern, pionnier en matière éducative, il donne des conférences sur sa conception de la danse et sa pratique pédagogique. Dans ces interventions affleurent son humilité, sa spiritualité, sa fantaisie. On y découvre surtout la subtilité et l'exigence de sa quête, celle d'un épanouissement personnel à travers le mouvement, et son désir de libérer en chacun les possibilités d'une "danse profonde".

Dimitrios Kraniotis est né à Athènes en 1950. Après des études de mathématiques et de philosophie à l'université de Paris il séjourne pendant deux ans au Mont Athos, où il compose son premier receuil de poèmes. En 1980 il s'initie à la danse moderne auprès du chorégraphe américain Jerome Andrews. En 1992-1994, il travaille pour le Wuppertaler Tanztheater de Pina Bausch en tant que dramaturge. Depuis il enseigne la danse contemporaine et crée en collaboration avec Christine Kono plusieurs évènements chorégraphiques : If out of Paris (2002), Sacred Dances Jena (2004), Impromptus Paris (2006), L'altra svolta Rosazza (2007), Nothing always returns Paris (2009), Aporia Athènes (2014).
Il est membre de la Fondation Yannis Tsarouchis à Athènes.
Publications
Il a publié à Athènes neuf recueils de poèmes : Eros Allogenis (1979), Alitis Moira (1985), Avyssos Anoixis (1989), Dithyramboi tis siopis (1994), Archaios Rythmos (2005), Ap'tis rodias to soï (2013), Meteora (2016), Hairetismoi (2016), Pina au rythme des oracles (2017).
Il a traduit en grec Soubresauts et Comment dire de Samuel Beckett, Amours d'écume de Jacques Lacarrière.
Michel Volkovitch a traduit en français des extraits de son œuvre sous le titre Éros Étrange Étranger pour les éditions Desmos, Paris, 1997.
kraniotis.com

Marie-Christine LALA : Aux tréfonds de l'être inexprimer l'exprimable encore
Que le patrimoine originaire réside en nous ne fait nul doute. Là où la fin et le commencement se rejoignent, au juste point de l'aube, le tout-humain s'enquiert des premiers signes de l'univers. Cet éveil à la source, Lascaux me l'inspira un jour à égale distance de l'enfant du rivage grec saisissant la pointe pour tracer d'un seul geste sur la page vierge du livre les lignes entrelacées de la prose du monde. La rencontre de Pascal Quignard et Arno Stern fait la part du silence dans les blancs du stade créateur et ravive le saisissement où plongent les gravures de Lascaux. Retour obligé au lieu natal d'un berceau de l'humanité. Ici règne l'inconnu. Lieu de commencement où l'origine se démarque en signant son absence de départ. Nous dirons cette incroyable proximité au fond de la grotte qui n'est pas abolition du temps, mais le Temps lui-même vécu et accueilli au point du "jadir" quand la peinture, la danse ou l'écriture rend à la profondeur de la disparition définitive la sauvagerie de l'intime. Nous pourrons ainsi discuter des enjeux qui sont les nôtres entre onto- et morphogenèse.

Marie-Christine Lala est maître de conférences-HDR en sciences du langage et en langue et littérature françaises à l'université de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Ses publications portent en particulier sur les écritures des XX-XXIe siècles et sur l'analyse linguistique du texte littéraire. Elle est responsable de séminaires au Collège international de philosophie.
Publications
Georges Bataille, Poète du réel, Bern, Peter Lang, 2010.
"De l'élan du réel au mouvement du monde", Pascal Quignard, Translations et métamorphoses, Colloque de Cerisy, Herman Éditeurs, 2015.
A contribué au Dictionnaire sauvage Pascal Quignard, Herman Éditeurs, 2016.
"(L') Impossible", Dictionnaire Bataille, Les Cahiers Bataille, 2019.
"Blanc (typographique)", "Silence" et "Solitude", Dictionnaire Duras, À paraître, 2020.

Marie MOREL
L'œuvre censurée de Marie Morel de Pascal Quignard, Éditions J'en suis bleue, 2019.
Marie Morel, la peinture libre d'Anaïs Frantz, Éditions J'en suis bleue, 2016.
Visages de Marie Morel d'Anaïs Frantz, Éditions J'en suis bleue, 2017.
La peinture de Marie Morel nous regarde d'Anaïs Frantz, Éditions J'en suis bleue, 2016.
Une vie de peintre (textes de Pascal Quignard et peintures de Marie Morel), Éditions J'en suis bleue, 2014.
Peintures de Marie Morel, peindre à livre ouvert d'Anaïs Frantz, Éditions J'en suis bleue, 2011.

Victor PITRON : Bases cognitives de la perception corporelle
La perception que chacun a de son corps peut sembler inaltérable tant notre corps constitue notre identité. "Ce bon vieux corps toujours là" disait le philosophe William James, avec lequel nous entretenons un sentiment "de chaleur et d'intimité" (1890). Pourtant, les anomalies de la perception du corps sont fréquentes notamment dans les maladies neurologiques et psychiatriques. Se pose alors la question : comment se forme (et se déforme) la perception du corps ? Dans cette intervention, nous nous pencherons sur les déterminants cognitifs de la perception corporelle. Nous tracerons les contours d'un modèle qui rende compte de la construction de la perception du corps dans le cerveau, pour finalement tenter de mieux caractériser ce qu'il a de particulier à percevoir son propre corps.

Victor Pitron est psychiatre et chercheur en sciences cognitives. Il s'intéresse particulièrement aux interactions entre maladies corporelles et mentales. Il est actuellement Chef de Clinique à la Pitié Salpêtrière à Paris après avoir passé plusieurs années à développer des thématiques de recherche autour des mécanismes cognitifs de la perception du corps à l'École Normale Supérieure (Ulm).

Hugo RUDY : À la recherche de l'universalité psychique : Georges Devereux et l'approche ethnopsychiatrique
Georges Devereux (1908-1985) anthropologue et psychanalyste, est considéré comme le père fondateur de l'approche transculturelle en psychiatrie. En nous appuyant sur l'œuvre de Devereux, notamment l'idée du complémentarisme entre anthropologie et psychanalyse, et en illustrant le propos de situations cliniques rencontrées dans notre pratique auprès d'adolescents kanaks en Nouvelle-Calédonie, nous tenterons d'approcher la notion d'originaire et son lien aux contenants culturels qui entourent la vie psychique d'un être humain.

Hugo Rudy est psychiatre d'adolescents à Nouméa (Nouvelle-Calédonie). Il a été formé à l'hôpital Avicenne de Bobigny, berceau de l'approche ethnopsychiatrique et a participé à la prise en charge d'adolescents et de familles migrants au sein de dispositifs de consultations transculturelles.
Bibliographie
Georges Devereux, Psychothérapie d'un Indien des Plaines : réalités et rêve (1951), Paris, Fayard, 1998 ; 2013.
Georges Devereux, Essais d'ethnopsychiatrie générale, Paris, Gallimard, 1970.

Arno STERN : Le Tracé révélateur d'une mémoire archaïque
Arno Stern est le créateur du Closlieu, où il exerce le rôle de Servant depuis 1948. La Trace, qui se produit dans les conditions spécifiques de ce lieu, appartient à un code appelé la Formulation. Arno Stern a prolongé son étude par des séjours dans des contrées lointaines (déserts, brousse, forêt vierge) et démontre que la Formulation est un code universel. Il révèle aussi l’origine de la Formulation, la Mémoire Organique, dont l'existence est, aujourd'hui, confirmée par les chercheurs dans le domaine de la neurobiologie l'embryologie, la génétique… Arno Stern forme, à travers le monde, de nombreux Praticiens-Servants du Jeu de Peindre. Cette formation, ainsi que l’information pour faire connaître ses découvertes sont, à côté de son rôle dans le Closlieu, des activités incessantes d'Arno Stern, auteur de nombreux livres et d'articles traduits dans une dizaine de langues.

Bibliographie résumée en français
Le Jeu de Peindre, Actes Sud.
Heureux comme un enfant qui peint, Éditions du Rocher.
Le Closlieu, le Jeu de Peindre et la Formulation, Hermann Éditeurs.
L'Âge d’or de l'Expression, DDB.
Les Enfants du Closlieu, Éditions Hommes & Groupes


BIBLIOGRAPHIE :

• AMEISEN Jean-Claude, La Sculpture du vivant. Le suicide cellulaire ou la mort créatrice, Seuil, 2003.
• ANATI Emmanuel, Aux origines de l'art, 50000 ans d'art préhistorique et tribal, préface d'Yves COPPENS, Fayard, 2003.
• ANDREWS Jerome, La Danse profonde, de la carcasse à l'extase, avec un texte d'Arno STERN, éd. CND, 2017.
• BONNEFIS Philippe, LYOTARD Dolorès (dir.), Pascal Quignard, figures d'un lettré, Colloque de Cerisy, Éditions Galilée, 2005.
• BONNET BALAZUT Amélie, Portrait de l'homme en animal, de la duplicité de la figure humaine dans l'art pariétal, PUP, 2014.
• CALLE-GRUBER Mireille, DEGENÈVE Jonathan, FENOGLIO Irène (dir.), Pascal Quignard. Translations et métamorphoses, Colloque de Cerisy, Hermann, 2015.
• CALLE-GRUBER Mireille, FRANTZ Anaïs (dir.), Dictionnaire sauvage Pascal Quignard, Hermann, 2016.
• CALLE-GRUBER Mireille, Pascal Quignard ou Les leçons de ténèbres de la littérature, Galilée, 2018.
• FRANTZ Anaïs, STERN Arno, La Mémoire et l'Expression, éd. Marie Morel Regard – J'en suis bleue, 2018.
• FRANTZ Anaïs, Marie Morel la peinture libre, éd. Marie Morel Regard – J'en suis bleue, 2019.
• HAAG Geneviève, Le Moi corporel : autisme et développement, PUF, 2018.
• QUIGNARD Pascal, Le Sexe et l'Effroi, Gallimard, 1994.
• QUIGNARD Pascal, Sur le jadis, Dernier Royaume, Tome II, Grasset, 2002.
• QUIGNARD Pascal, Les Paradisiaques, Dernier Royaume, Tome IV, Grasset, 2005.
• QUIGNARD Pascal, La Nuit sexuelle, Flammarion, 2007.
• QUIGNARD Pascal, Sur l'image qui manque à nos jours, Arléa, 2014.
• QUIGNARD Pascal, Marie Morel, Marie Morel une vie de peintre, éd. Marie Morel Regard –J'en suis bleue, 2014.
• QUIGNARD Pascal, Angoisse et beauté, Seuil, 2018.
• QUIGNARD Pascal, La Vie n'est pas une biographie, Galilée, 2019.
• QUIGNARD Pascal, Marie Morel, L'œuvre censurée de Marie Morel, éd. Marie Morel Regard – J'en suis bleue, 2019.
• STERN Arno, Aspects et technique de la Peinture d'enfants, éd. Delachaux & Niestlé, 1956.
• STERN Arno, Compréhension de l'Art enfantin, préface de Françoise DOLTO, éd. Delachaux & Niestlé, 1959.
• STERN Arno, Une grammaire de l'Art enfantin, éd. Delachaux & Niestlé, 1966.
• STERN Arno, L'Expression ou l'Homo Vulcanus, éd. Delachaux & Niestlé, 1973.
• STERN Arno, Le Monde des Autres, éd. Delachaux & Niestlé, 1974.
• STERN Arno, Antonin ou la Mémoire organique, éd. Delachaux & Niestlé, 1978.
• STERN Arno, Les Enfants du Closlieu, éd. Hommes & Groupes, 1989/2007.
• STERN Arno, Heureux comme un enfant qui peint, éd. du Rocher, préface d'Albert JACQUART, photographies de Peter LINDBERGH.
• STERN Arno, Le Jeu de peindre, Actes Sud, 2011.
• STERN Arno, L'Âge d’or de l'Expression, Desclée de Brouwer, 2014.

VIDÉOS :

Hommage rendu à Arno Stern en Sorbonne le 9 septembre 2019 : une conférence d'Arno Stern précédée par les discours du Président de l'université la Sorbonne Nouvelle-Paris 3, d'un représentant de la Commission nationale française pour l'UNESCO, d'André Stern, d'Anaïs Frantz et de Zelda Egler :
- Discours d'hommage précédant la conférence : voir la vidéo
- Conférence d’Arno Stern en Sorbonne, 9 septembre 2019 : voir la vidéo


SOUTIENS :

• Direction régionale des affaires culturelles Normandie (DRAC)
• Direction des Affaires Internationales (DAI) & Commission de la Recherche (CR) | Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
• Institute for the International Education of Students (IES), Paris

Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


LA MODE COMME INDISCIPLINE :
TERRITOIRES D'EXPRESSIONS ET DE RECHERCHES


DU MARDI 31 AOÛT (19 H) AU SAMEDI 4 SEPTEMBRE (14 H) 2021

[ colloque de 4 jours ]


Carte blanche à Zoé Guédard / Invitation aux musées week-end #1 /
Centre National de Danse (Pantin, novembre 2018)


DIRECTION :

Mathieu BUARD, Denis DARPY, Céline MALLET, Aurélie MOSSE


ARGUMENT :

Exposée, médiatisée, encensée ou critiquée, la mode définit une partie conséquente de l'histoire matérielle et est un indéniable agent d'intelligibilité du contemporain. À l'image de son industrie complexe et mobile, la mode constitue une discipline en devenir, un champ de recherche interdisciplinaire qui s'est progressivement approprié les grilles d'analyse et les outils critiques des sciences voisines tout en se nourrissant de ses propres paradoxes et ambiguïtés.

Entre permanence et nouveauté, matérialité et immatérialité, ce colloque a pour vocation de témoigner de la richesse de ce champ de la création en esquissant un état des lieux de la pensée sur, par et pour la mode. Il est articulé autour de quatre thématiques centrales : un premier temps se consacre à la formation des styles entre poncifs, normes et transgressions ; un deuxième temps aborde la question de l'industrie et du mal, où la mode déploie un système de création et de production divers, redoutable, mais aussi ambitieux et prospectif ; un troisième temps offre d'explorer les processus actuels de création à l'aune d'une nécessaire perspective écologique et de résilience ; enfin ce colloque se conclue sur la question de la transmission des savoir-faire et des formes de la conservation de la mode, avec sa dimension artistique et patrimoniale.

Chercheurs, philosophes, créateurs, auteurs de performance, collectionneurs et directeurs artistiques sont ainsi conviés pour interroger ensemble ces territoires.


MOTS-CLÉS :

Conservation, Création, Éco-conception, Industrie et mal, Métiers, Patrimoine, Procédés ingénieux, Style image poncif


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mardi 31 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mercredi 1er septembre
TEMPS 1 — STYLE IMAGE PONCIF
Véhicules et formes du style, du paraître, nouveaux monstres et nouvelles natures… Où il est question de la dimension artistique de la mode, du vêtement manifeste ; mais encore de la manière et de l'air du temps, des corps et de leur représentation, entre normes et transgressions, culture
camp ou poncifs.
Modérateurs : Mathieu BUARD & Céline MALLET

Matin
Emanuele COCCIA : Vie et mort du lifestyle. L'histoire du concept entre mode, marketing et cultural studies
Odile BLANC : Classiques & basiques : des poncifs dans le vêtement ?
Claire BRUNET : Pourquoi Baudelaire… une archéologie du poncif [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
Gabrielle SMITH : L'avant-dernière mode
Guillaume BLANC : L'habit fait-il l'auteur ? Photographie, livre et mode au tournant du XXe siècle

Table ronde avec les intervenants

Soirée
Zoé GUÉDARD : "Basic" [performance]


Jeudi 2 septembre
Matin
TEMPS 2 — L'INDUSTRIE ET LE MAL
Industrie cachée, réalité ou rêve industriel… Où il est question du système industriel de la mode pris dans l'écart entre le créateur et le "marketeur", des relations exiguës et ambiguës entre économie et société, système et marché, artisan et auteur.
Modérateurs : Mathieu BUARD & Céline MALLET

Colette DEPEYRE : Regards croisés sur le "marché de la mode" et ses controverses
Eléna JOUFFE : Western moderne : les postures contemporaines dans l'industrie de la mode [visioconférence]
Cyril CABELLOS : Stratégies de communication industrielles d'un monde de luxe

Après-midi
TEMPS 3 — ÉCO-CONCEPTION, PROCÉDÉS INGÉNIEUX ET INDUSTRIEUX
Où il s'agit d'aborder, d'interroger les matériaux, les procédés, les modes de fabrication, les usages et mes-usages de la mode, avec un angle écologique et de résilience.
Modératrice : Aurélie MOSSE

Jesse MARSH : Is the fashion industry too disciplined, or not enough ? [visioconférence]
Rebecca EARLEY : From sustainable to circular fashion textile design [visioconférence]
Agnès LABOUDIGUE : Quelles innovations technologiques, de procédé, d'organisation pour une mode durable ? Créer le lien entre la recherche et les entreprises de la mode

Table ronde avec les intervenants

"HORS LES MURS" — À GRANVILLE
Visite du parc et de l'exposition du Musée Christian Dior, animée par Brigitte RICHART


Vendredi 3 septembre
Matin
TEMPS 3 — ÉCO-CONCEPTION, PROCÉDÉS INGÉNIEUX ET INDUSTRIEUX
Modératrice : Aurélie MOSSÉ

Aurélie MOSSE : Recherche par le design : indisciplinée résilience par la matière ?
Laetitia FORST : Le design textile comme outil de recherche pour une économie circulaire
Pauline VAN DONGEN : Becoming-with nature through soft and embodied solar design [visioconférence]

Après-midi

Table ronde avec les intervenants

TEMPS 4 — PATRIMOINE ET MÉTIERS : CONSERVATION ET CRÉATION
Où il s'agit de parler de l'évolution des bases de connaissances et des pratiques, du vécu de ces pratiques, des permanences et des nouveautés au niveau de l'artisan, du commerçant, de l'industriel, du directeur artistique, "des gardiens du temple" exerçant leurs métiers, et au niveau de la communication industrielle et culturelle.
Modérateurs : Mathieu BUARD & Céline MALLET

Jeanne VICERIAL : Clinique Vestimentaire. "Prêt-à-mesure", conserver des méthodes de couture ancestrale dans un processus de création innovant
Olivier CHATENET : Une collection des collections — du vintage au patrimoine

Gabrielle SMITH & Samuel BARDAJI : "Poliche" [performance]


Samedi 4 septembre
Matin
TEMPS 4 — PATRIMOINE ET MÉTIERS : CONSERVATION ET CRÉATION
Modérateurs : Mathieu BUARD & Céline MALLET

Émilie HAMMEN : La mode et son "devenir art" au passage du siècle (XIXe-XXe) [visioconférence]
Marlène VAN DE CASTEELE : Processus définitionnels des objets photographiques de mode dans les collections muséales françaises

Clôture, par Mathieu BUARD, Céline MALLET & Aurélie MOSSE

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS :

Guillaume BLANC : L'habit fait-il l'auteur ? Photographie, livre et mode au tournant du XXe siècle
Au seuil des années 1970, le champ de la photographie se restructurait autour de la figure de l'auteur, pour affirmer la valeur artistique du médium. L'auteur entendait livrer une expression subjective par la série, qui trouvait tout naturellement sa place dans la forme du livre. Dans le même temps, la photographie de mode explorait de nouvelles approches esthétiques, se libérant petit à petit du carcan imposé par les grands magazines. Les photographes de mode voulaient eux aussi affirmer leur regard et ne plus seulement passer pour d'excellents fabricants d'images de rêve. Mais ce n'est que bien plus tard, au tournant du siècle, que le livre fut plus systématiquement investi par les photographes de mode. En parcourant la constellation de quelques propositions marquantes où l'édition photographique a rencontré la photographie de mode, on essaiera de concevoir le livre comme le lieu d'un échange entre une photographie appartenant au champ de la mode, et une autre appartenant à celui de l'art.

Odile BLANC : Classiques & basiques : des poncifs dans le vêtement ?
Certaines pièces de nos vestiaires défient l'offre pléthorique de renouvellement comme l'épreuve du temps. Tee-shirt — ce "basique" incontournable des années 80 — jean, marinière, trench coat… la liste est longue des vêtements incessamment proposés, de saison en saison, par les enseignes de luxe comme de prêt-à-porter. Quand leur existence parfois longue semblait les frapper d'obsolescence, quand leur omniprésence dans des vestiaires bon-chic-bon-genre fleurait l'ennui, les voilà à nouveau célébrés. Non plus à côté voire à rebours de la mode, mais bien consubstantiels. Non plus répétition poussive d'un schéma usé, mais modèle absolu. Rebaptisés "icônes", les classiques seraient-ils des poncifs qui ont réussi ? Ces termes méritent réflexion, interrogent le rapport de la mode au temps, à la matérialité du vêtement, au corps. Quelques invariants de nos vestiaires présents et passés m'aideront à en questionner le sens.

Claire BRUNET : Pourquoi Baudelaire… une archéologie du poncif
Aux premières pages du Peintre de la vie moderne, Charles Baudelaire considère "le beau, la mode et le bonheur", et son départ vaut lecture :
"Il y a dans le monde des gens qui vont au musée du Louvre, passent rapidement et sans leur accorder un regard devant une foule de tableaux très intéressants quoi que de second ordre et se plantent rêveurs devant un Titien ou un Raphael, (…) puis sortent satisfaits se disant 'je connais mon musée.'."
À ces "gens", Baudelaire oppose la classe de ceux qui savent regarder le "second ordre", d'un regard flottant, mais vif. Ceux qui savent voir la banalité.
Or celle-ci, au dix-neuvième siècle se fait poncif, pour autant que ce terme noue les pôles d'une difficulté alors élaborée en anglais, français et allemand —, à savoir que le présent a son plan de lecture privilégié dans le vêtement et que le vêtement est tiraillé entre présence du présent, ou modernité, et représentation du présent, ou mode.
Le poncif est le passage de l'un à l'autre, voilà ma thèse —
Qui sera confrontée à la question du "style" tel que la formulent deux articles — de F. Schwartz & M. Wigley. Le premier documente la défaite des adhérences de tradition, la perte des formes anciennes, dont la Mode est le nom; le second démontre comment la "querelle du vêtement" fait paradoxalement prélude aux doctrines de l'architecture moderne.
Côté mode, ces articles trouvent un équivalent dans la description baudelairienne du dandy comme dans la généalogie de sa "mort" chez Barthes.
Parfaitement cristallisé par la mode, le poncif pose donc une question à la fois formelle et métaphysique : "à l'âge du capitalisme", la différence est-elle encore possible.

Ancienne élève de l'ENS, docteur en philosophie, maître de conférences à l'ENS Paris-Saclay, Claire Brunet a d'abord traduit Michael Fried (La place du spectateur & Le modernisme de Manet), Rosalind Krauss (Passages, pour une histoire de la sculpture) et Oskar Bätschman (Poussin, dialectiques de la peinture). Elle édite depuis 2008 le séminaire de Charles Melman (psychanalyste), et travaille aujourd'hui à penser le design historiquement, — notamment autour de l'héritage du moderne baudelairien. Elle est actuellement membre du jury de la bourse Agora en design (responsable pour les écritures critiques) et membre du Centre de recherche en Design (CRD — ENS Paris-Saclay — ENSCI). Paraîtra en juin un numéro spécial de la revue Critique autour des questions d'architecture et de design qu'elle a coordonné avec Elie During, elle y publie un texte intitulé "La grille et le sérial killer, stratégies pour l'histoire du design". Et sera bientôt mis en ligne sur la plateforme PROBLEMATA un texte sur les photographies de Bunker Archéologie de Paul Virilio, "L'adieu aux images".

Colette DEPEYRE : Regards croisés sur le "marché de la mode" et ses controverses
L'industrie de la mode est bousculée: standardisation de l'offre, épuisement des ressources, gaspillage des vêtements, perte de savoir-faire, mise en danger de la main d'œuvre, discriminations… À partir d'une série de conversations avec des acteurs professionnels et académiques, nous reviendrons sur les débats qui questionnent aujourd'hui les pratiques et les contours du marché de la mode. Nous proposerons de les mettre en perspective à partir de plusieurs regards ancrés en sciences de gestion.

Colette Depeyre est maître de conférences à l'université Paris Dauphine-PSL et membre du laboratoire Dauphine Recherches en Management (UMR CNRS 7088). Ses recherches portent sur les processus d'adaptation des capacités des organisations et les dynamiques de marché associées, dans le contexte de projets industriels complexes et dans le domaine du textile, de la mode et du luxe. Ses projets s'intéressent aux transformations stratégiques sur des marchés contestés et aux dynamiques de savoir d'activités intellectuelles et créatives. Engagée depuis 2016 dans la préfiguration de l'EnaMoMa by PSL, elle est depuis 2020 responsable du Master Mode & Matière de l'université PSL. Elle a également participé au projet pédagogique Erasmus+ "Re-frame fashion" en partenariat avec l'université Erasmus de Rotterdam et l'université polytechnique de Gdansk.

Rebecca EARLEY : From sustainable to circular fashion textile design
Textile design has changed rapidly in the last decade, as the climate emergency has gathered pace and become the most pressing issue of our time. In this talk, Professor Becky Earley will look back through the archive of twenty-five years of making textiles and remaking second-hand polyester shirts, bringing them back to life to discover the new slow design stories we need to write for the industry. Circular design has the potential to offer us the opportunity to create roadmaps to sustainable, equitable cultures and economies that value people and planet over profit. Designers can build new bridges between the sciences, economics, politics and industry — creatively framing emergent spaces for discourse and action — challenging us through new modes of making, thinking and sharing. In this talk Becky uses her portfolio of textile research and teaching to help us understand more about the value of the emerging roles of textile design and practice researchers, in creating material systems fit for our circular futures.

Professor Rebecca Earley is UAL Chair of Sustainable Fashion Textile Design and co-founder/director of Centre for Circular Design at Chelsea College of Arts. She is an award-winning researcher, designer, maker and communicator. Her creative fashion textile work has been widely exhibited over the last twenty years; her prints and garments are collected by museums across the globe including MFIT in New York, RISD Museum, as well as the V&A and Crafts Council in London and the Pitt Rivers Museum (Oxford). In October 2021 she co-founded World Circular Textiles Day 2050 — a collaborative global platform working towards environmental, socio-economic change.

Laetitia FORST : Le design textile comme outil de recherche pour une économie circulaire
Le rôle du designer textile est souvent réduit à ses aspects esthétiques et techniques de construction et de décors d'un matériau. Pourtant une nouvelle cohorte de designer matières transperce les frontières de la discipline pour mettre en œuvre les connaissances et capacités liées aux textiles afin de répondre aux grands enjeux du design et de la recherche dans le contexte d'une transition écologique et de la mise en place des systèmes permettant une économie circulaire. Cette présentation tirera des liens entre trois projets distincts relevant du design durable pour le textile et la mode. Les méthodes spécifiques au design textile telles que la création de planches d'inspiration, l'échantillonnage et le développement de prototypes sont mises en avant pour leur capacité à répondre aux enjeux complexes du design pour une économie circulaire.

Après un master en design textile de l'ENSAD complété en 2015 et une thèse de l'University of the Arts London (UAL) explorant le design pour le désassemblage complétée en 2020, Laetitia Forst travaille maintenant sur deux projets de recherche à UAL. Le premier avec le Centre for Sustainable Fashion explore de nouvelles approches au développement de produits, services et business models, et le second avec le Centre for Circular Design, s'applique à l'innovation en matériaux bio-sourcés à partir de déchets agricoles.

Zoé GUÉDARD : "Basic" [performance]
S'habiller. Puis se déshabiller. Puis se rhabiller de la même tenue en laissant seuls les gestes du vêtement écrire une série de silhouettes distinctes. Sur l'idée d'une performance pensée pour le Centre National de la Danse en 2018, laquelle faisait état d'un "infini" défilé de silhouettes écrites en regardant les passants de rues, de villes ou de pays différents. "BASIC" est une performance pensée pour ce colloque, celle-ci soumettra le "re-jeu" d'une silhouette unique, d'un uniforme, d'une silhouette du quotidien indéfiniment composée et produite en direct. S'habiller tous les jours à l'intersection des habitudes et de la performance de soi.
Scénographie : Romy Texier

Émilie HAMMEN : La mode et son "devenir art" au passage du siècle (XIXe-XXe)
À partir du milieu du XIXe siècle, l'industrie de la mode connaît une progressive et déterminante transformation : ses marchandises qui se distinguent par leur nouveauté, matérielle et technique, retiennent l'attention des critiques et historiens d'art. Là s'esquisse une première étape de son "devenir art", alors qu'à leur suite les entreprenant grands couturiers investissent une rhétorique artistique, empruntée aux beaux-arts, pour mieux définir leur acte de création. Il s'agira ainsi de revenir sur ces changements d'appréciation de la mode et son processus d'artification dont le dialogue avec les avant-gardes, au début du XXe siècle, constitue une forme de parachèvement.

Émilie Hammen est docteure en histoire de l'art de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeure à l'Institut français de la mode. Ses recherches portent sur les rapports entre art et mode aux XIXe et XXe siècles ainsi que sur des questions d'historiographie. Elle a co-écrit l'ouvrage Les Grands textes de la mode (2017) et poursuit son activité de designer et de chercheure au sein de l'industrie.

Eléna JOUFFE : Western moderne : les postures contemporaines dans l'industrie de la mode
La mode est une industrie qui excelle dans l'art de marketer l'image de l'artisan, de sa main, de son savoir-faire. Ce "tabou" industriel inhibe les prouesses en série qui permettent aux marques une diffusion mondiale. L'industrie est devenu le mal. Ce phénomène est exacerbé par l'obligation de mutation des maisons vers l'éco-responsabilité, qui est désormais un prérequis à la survie du modèle. Comment tenir ce nouvel objectif industriel et responsable, tout en le rendant encore plus désirable ? L'éco-conception se transforme en nouvel eldorado marketing.

Bibliographie ou références
IFM, Mode de recherche, n°18, "L'artisanat, la main et l'industrialisation".
Fashionnetwork (compilation).
Li Edelkoort, Anti Fashion Manifesto.
Sylvie Brunel, Que sais-je, le développement durable.

Agnès LABOUDIGUE : Quelles innovations technologiques, de procédé, d'organisation pour une mode durable ? Créer le lien entre la recherche et les entreprises de la mode
Pour concilier croissance économique et intérêt général (environnemental, social, etc.), les entreprises de la mode doivent innover à tous les maillons de la chaîne de valeur de leurs productions et services. De nouveaux champs d'innovation associés à une mode responsable et durable ont été identifiés lors des ateliers IDFI1. Les recherches alimentent ces différents champs en connaissances nouvelles ; elles adressent le sourcing, avec notamment les matériaux biosourcés, ou encore la valorisation des ressources locales. À l'autre bout de la chaîne, le concept de surcyclage vise à transformer chutes, rebuts et invendus en augmentant leur valeur dans leur nouvelle vie. Entre les deux, l'organisation de la production, le transfert des savoir-faire, la digitalisation, … sont autant d'objets de recherche au service d'une mode plus vertueuse. Un panorama de recherches récentes du réseau CARATS sera dressé en réponse à ce défi socio-économique.

(1) Cabanes B. (Éds), 2019, Innovation et recherche dans la mode et le luxe : exploration de champs d'innovation et programmes de recherche, Rapport de recherche : Programme CARATS, MINES ParisTech - PSL Université, p. 88.

Jesse MARSH : Is the fashion industry too disciplined, or not enough ?
Indiscipline : rebellion against a regime that is too tight, too demanding on textile and clothing businesses, with ever shorter times and lower costs only to produce repetitive novelty. But the suffocating discipline imposed by global brands on the people who actually make fibres, weave and knit textiles, and design and produce clothes is only a mechanical discipline, based on a false sense of efficiency. We are told of ambitious transformations of the fashion system. All the brands from luxury to fast fashion proclaim to lead the way towards a circular economy, promoting the male-dominant myths of Industry 4.0 for "progress towards sustainability". But we all know the truth: there can be no real progress in a system which is hard-wired for over-production. There is another way, indisciplined towards the current system while defining a new discipline based on ethics, on values, on vision. Independent, truly sustainable brands who once held quiet niches are connecting with new business models, open collaborative platforms, and a genuine shift in societal trends to begin to shape a new and different business ecosystem. We at TCBL saw this coming since the launch of our four-year European project in 2015. Our role as a common home for those wishing to build an alternative system has resonated with a community of over 50 innovation labs and over 250 small businesses. Our talk will tell this story and how we're scaling up and across with new structures and initiatives to explore together sustainable and respectful ways of working, producing, and believing.

Jesse Marsh a étudié les beaux-arts aux États-Unis avant de travailler à Milan comme architecte et designer industriel pour toute une série de produits, du mobilier de bureau aux poumons artificiels. À la fin des années 1980, il se tourne vers l'innovation technologique, et a participé depuis à plus de 40 projets de recherche européens concernant des politiques et des expérimentations concrètes sur des thèmes allant du télétravail à la diversité culturelle ou aux Smart Cities. Après son installation à Palerme en 1995, son champ d'action s'est élargi pour inclure la politique régionale et l'innovation sociale dans une perspective axée sur le citoyen et le territoire. À partir de 2014, il a mis sur pied et dirigé un projet Horizon 2020 de quatre ans sur l'innovation dans le secteur du textile et de l'habillement : "TCBL : Textile and Clothing Business Labs", dont il assure maintenant le déploiement.

Aurélie MOSSE : Recherche par le design : indisciplinée résilience par la matière ?
Parce qu'elle offre un espace de réflexion critique incarné par la création d'artefacts s'inscrivant en dehors des contraintes du marché, la recherche par la pratique du design textile et vêtement permet d'explorer d'autres manières plus radicales de concevoir et fabriquer le vêtement. Alors qu'une réorganisation fondamentale de l'industrie du textile et de l'habillement s'impose aujourd'hui, il s'agira par cette présentation d'évoquer d'une part comment la mode se constitue en tant que discipline de recherche par la pratique du design mais aussi de questionner comment cette recherche active de nouveaux champs d'investigation qui bousculent les pratiques actuelles de la mode. À travers des exemples issus des recherches du groupe Soft Matters, nous discuterions — de la conception zéro chute en passant par le biodesign — quelques unes des principales opportunités créatives offertes par le défi écologique dans le champ du design textile et vêtement et dans une perspective de résilience aussi bien matérielle que culturelle.

Aurélie Mosse, PhD., est une designer-chercheuse travaillant à l'intersection du design textile, de l'architecture et des nouvelles technologies. Co-responsable du groupe de recherche Soft Matters au sein de l'Ensadlab, École des Arts Déco Paris, ses recherches actuelles explorent comment matériaux actifs et microbiologie peuvent informer des perspectives d'habitations plus poétiques et résilientes du monde. Ayant co-dirigé la première thèse par la pratique de la mode en France (Jeanne Vicerial), elle a rejoint en 2021 le comité consultatif de Shemakes.eu, projet européen visant "l'empouvoirment" de futures innovatrices pour une industrie de la mode durable.

Gabrielle SMITH : L'avant-dernière mode
Sublime devenu ridicule, intuition juste devenue malentendu, nouveauté devenue retard, le démodé suit la mode comme son ombre et ne peut s'en détacher. Ses espaces (ville éloignée de la cour, province éloignée de la ville, pays éloigné d'un autre), ses temporalités (générationnelles, saisonnières voire hebdomadaires) et ses mots (ringardise, dépassement, désuétude) varient historiquement avec ceux de la mode, sans pour autant se contenter d'en donner le double négatif. Il faut s'y pencher, non pas comme sur une série d'anecdotes, mais comme une catégorie de la perception, un ordre de sensations renvoyant à une "horreur préhistorique", selon les termes de W. Benjamin.

Bibliographie
Walter Benjamin, Paris, Capitale du XIXe siècle. Livre des passages, trad. Jean Lacoste, Paris, Cerf, 1989.
Roger Caillois, L'homme et le sacré, Paris, Gallimard, 1950.
Mircea Eliade, Le mythe de l'éternel retour, Paris, Gallimard, 1949.
Caroline Evans & Alessandra Vaccari, Time in Fashion. Industrial, Antilinear and Uchronic temporalities, Londres, Bloomsbury, 2020.
François Hartog, Chronos. L'Occident aux prises avec le temps, Paris, Gallimard, 2020.
Hans-Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, trad. C. Maillard, Paris, Gallimard, 1978.
Reinhart Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, trad. J. Hoock et M.-C. Hoock, Paris, EHESS éditions, 2016.
George Kubler, Formes du temps : remarques sur l'histoire des choses, trad. Yana Kornel et Carole Naggar, Paris, Champ Libre, 1973.

Gabrielle SMITH & Samuel BARDAJI : "Poliche" [performance]
Le mannequin, la "potiche" spécialiste de la séduction et du charisme muet, s'hybride avec le bon vieux personnage de Commedia Dell'Arte Polichinelle qui, lui non plus, ne possède pas le langage. Pas de regards aguicheurs ni de chorégraphies muettes des hanches de son côté, il souffle plutôt dans un petit sifflet qui fait d'affreux bruits d'oiseaux et qui sont en fait autant d'insultes déguisées au public. Elle fait des aller-retours qui ne vont nulle part, prend des poses étranges. Il fait des cabrioles, bêtises, lazzis, et se voue à une errance joyeuse : ils étaient fait pour se rencontrer. Ici, ils se confondent et se transforment en un personnage hybride de mannequin au corps difforme, "Poliche".
Avec : Anna Carraud, Cécile Chatignoux, Jean-Charles Dumay, Boris Grzeszczak, Thomas Kergot.
Costumes : Constance Tabourga, Paul Kaplan, Pia Dary.

Marlène VAN DE CASTEELE : Processus définitionnels des objets photographiques de mode dans les collections muséales françaises
Cette présentation s'attache à retracer une biographie culturelle et matérielle des images de mode entreposées dans les collections photographiques publiques françaises (Palais Galliera, MEP, MAD). Il s'agit de suivre leur trajectoire, de leur entrée dans le musée jusqu'à leur évolution au sein des collections d'objets de mode et de photographie, de regarder leur mode d'acquisition, leur passage ou non à l'inventaire, leur conditionnement, et les différentes politiques de valorisation mises à l'œuvre avant que ces images ne se transmuent en un artefact isolé. Étant donné que ces images reproductibles destinées à être publiées dans des magazines éphémères n'ont alors aucune vocation à être conservées, comment ces photographies ont pu s'extraire du circuit économique dans lequel elles évoluaient, et perdre leur valeur d'usage, pour gagner en valeur culturelle en intégrant une collection muséale ? On peut aussi s'interroger sur le système de valeur et la hiérarchie instituée entre les objets du musée, démontrant que le hiatus entre photographie commerciale et photographie artistique persiste encore au sein de certaines institutions ; et ce bien que la photographie de mode ait été reconnue comme une forme d'expression artistique(1).
(1) En témoignent les nombreuses manifestations et expositions qui ont eu lieu en France ces dernières années (l'exposition Dora Maar au centre Pompidou, Peter Knapp à la Cité de la Mode et du Design, Harper's Bazaar au Musée des Arts Décoratifs et prochainement l'exposition célébrant le centenaire du Vogue Paris au Palais Galliera) ; ces expositions ayant été relayées aussi par des ventes aux enchères, des foires internationales, ou des festivals sur la photographie de mode, et faisant échos à l'épanouissement d'un marché de la photographie de mode.

Docteure en histoire de l'art contemporain et enseignante en histoire de la mode et des médias à l'ENSAD, Marlène Van de Casteele est conseillère scientifique au Palais Galliera, Musée de la Mode de la Ville de Paris, pour l'exposition célébrant le centenaire du Vogue Paris (septembre 2021-février 2022) et assistante d'exposition pour le suivi de l'exposition "Gabrielle Chanel, Manifeste de mode" à l'international.
Publications
"La photographie de mode aux XXe et XXIe siècles", in Mode et vêtement. Études visuelles et culture matérielle, anthologie codirigée par Philippe Sénéchal et Damien Delille, Paris, Éditions Les Arts Décoratifs (à paraître).
"Frog, un magazine transatlantique (1920-1939)", in Vogue Paris 100 ans, Paris, Palais Galliera, Musée de la Mode de la ville de Paris (à paraître).
"La photographie de mode, une image plurielle", in Les collections photographiques du Musée des Arts Décoratifs, Paris, Éditions Les Arts Décoratifs (à paraître).
"Power, Competition, Conflict : The Collective Labour of Fashion Photography at American Vogue (1940-1942)", numéro special "Fashion Labor Through and Beyond Organizations", The International Journal of Fashion Studies (à paraître).
"Fashioning the Beaton Portraits : 1928-1968 exhibition", in Museum Exhibition Design : Histories and Futures, ouvrage scientifique sous la direction de Claire Wintle, Londres, Éditions Routledge (à paraître).

Pauline VAN DONGEN : Becoming-with nature through soft and embodied solar design
The prevailing vision in which people see themselves as separate from and superior to the natural world is at the root of the ecological crisis. The fashion industry being a striking and painful example of the ongoing violation of planetary boundaries. Based on her own design practice, Van Dongen will discuss the ways in which soft and embodied solar design can invite a becoming-with nature that society has long lost. Solar technology not only immediately raises questions of sustainability and self-sufficiency as well as about the longevity of garments, but also opens up new avenues to rethink the relationship between humans, the sun and nature in a broader sense. Using several case studies, she will explain how a focus on the material-aesthetics qualities of solar technology makes it possible to break with a technocratic, functional understanding. In doing so, she promotes a relational view that enables us to attend to the connectedness between body and sunlight and how it shapes everyday practices.

Pauline van Dongen (1986, Amsterdam) is a fashion designer and researcher specialised in smart clothing and textiles. Her design studio develops alternatives for fashion by exploring how technology, such as electronics and smart materials, can add new value and meaning to clothing and can enhance the way we experience the world around us. Her studio received international recognition with projects such as the Solar Shirt, Phototrope and Issho.
paulinevandongen.nl

Jeanne VICERIAL : Clinique Vestimentaire. "Prêt-à-mesure", conserver des méthodes de couture ancestrale dans un processus de création innovant
Aujourd'hui, nous connaissons principalement deux techniques de création et de réalisation vestimentaire : le sur-mesure et le prêt-à-porter. Celles-ci sont habituellement opposées. Si l'on compare ces deux modèles de conception vestimentaire, on constate que: pour le prêt-à-porter, l'individu doit appartenir à une taille et s'y adapter, alors qu'en sur-mesure, c'est le vêtement qui s'adapte à la personne. La présente recherche étudie ces différentes approches afin de les faire converger vers de nouveaux systèmes de création et réalisation vestimentaire qui prennent la forme d'un nouveau paradigme : le "prêt-à-mesure". Dans la conception prêt-à-porter, le vêtement peut-être considéré comme un produit consommable alors qu'avec le sur-mesure, le vêtement acquiert un statut particulier de par son rapport avec la main de celui qui l'a conçu/fabriqué. Le prêt-à-mesure tend vers ce statut de vêtement-objet en lien avec le corps de celui qui le porte. Le paradigme de la conception en prêt-à-mesure concilie les avantages des deux approches : la rapidité d'obtention du prêt-à-porter et le caractère unique et spécifique du vêtement en sur-mesure. Ce travail est abordé en recherche par le faire, une recherche par le design.

Née en 1991, Jeanne Vicerial se tourne dès l'adolescence vers la confection vestimentaire. Après des études aux Arts Décoratifs, elle engage un travail de recherche en design vêtement qui prendra la forme d'une thèse de doctorat SACRE, questionnant les moyens de conception vestimentaire contemporains, et proposant une alternative à la dichotomie sur mesure/prêt-à-porter liée au système de la fast fashion. Elle approfondit cette recherche par la mise au point, grâce à un partenariat avec le département de mécatronique de Mines-ParisTech, d'un procédé robotique breveté permettant de produire des vêtements sur mesure, sans chute. Parallèlement, elle engage une démarche artistique qui la pousse à fonder, après un passage chez Hussein Chalayan, le studio de design Clinique Vestimentaire. Développant de nouveaux principes de création textile, elle s'inspire principalement des fibres musculaires afin de créer ses propres tissages. Pensionnaire à l'Académie de France à Rome - Villa Médicis en 2019-2020, elle développe un travail proche de la sculpture, exposé à Rome, à la Fondation Lambert (Avignon) et entré dans les collections du CNAP. En 2021 aura lieu une exposition personnelle aux Magasins Généraux (Pantin).


BIBLIOGRAPHIE :

• Blanc O., 1997, Parades et parures. L'invention du corps de mode à la fin du Moyen Âge, Paris, Gallimard, "Le temps des images".
• Blanc O., 2009, Vivre habillé, Klincksieck, Collection "50 questions".
• Bruggeman D., 2018, Dissolving the ego of fashion : engaging with human matters, ArtEZ Press.
• Earley B., Goldsworthy K., 2019, "Circular Textile Design : Old Myths and New Models", in Charter, M., (ed.), 2019, Designing for the circular economy, Londres, Routledge.
• Ewans C., 2013, The Mechanical Smile : Modernism and the First Fashion Shows in France and America, 1900-1929, Yale University Press.
• Chenoune F., Müller F., 2010, Yves Saint Laurent, La Martinière.
• Chenoune F., 1993, Des modes et des hommes - Deux siècles d'élégance masculine, Flammarion.
• Delille D. & Senechal P., 2020, Modes et vêtements. Retour aux textes, UCAD.
• Granata F., 2017, Experimental Fashion - Performance Art, Carnival and the Grotesque Body, I.B. Tauris.
• Hammen E., Simmenauer B., Les Grands Textes de la Mode, Éditions du Regard, IFM.
• Mosse A., Bassereau J.-F., 2019, "Soft Matters : en quête d'un design textile et matière plus résilient", Sciences du Design, n°9 "Développement durable" (Mai 2019), Paris, Presses universitaires de France.
• Niinimäki K., Peters G., Dahlbo H., Perry P., Rissanen T., Gwilt A., 2020, "The environmental price of fast fashion", Nature Reviews Earth & Environment, Volume 1.
• Rissanen T. & McQuillan H., 2016, Zero waste fashion design, London, Bloomsbury.
• Rocamora A., Smelik A. (eds), 2015, Thinking Through Fashion : A Guide to Key Theorists, London, I.B.
• Van Dongen P., 2019, A designer's material-aesthetics reflections on Fashion and Technology, ArtEZ Press.
• Vicerial J., 2019, Clinique Vestimentaire : Pour un nouveau paradigme de la création & réalisation vestimentaire sur-mesure, Thèse doctorale, Paris, École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs.

Modes pratiques. Revue d'histoire du vêtement et de la mode, Créée et soutenue depuis 2015 par l'École Duperré, l'Institut de Recherches Historiques du Septentrion (IRHiS) de l'université de Lille et depuis 2019 par le Laboratoire InVisu (CNRS-INHA).


SOUTIENS :

École Duperré ParisHESAM Université
• École nationale supérieure des Arts Décoratifs (EnsAD)
MINES ParisTech — Université PSL (Paris, Sciences & Lettres) | PSL

Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


PSYCHANALYSE ET MÉDECINE, ENTRE CORPS ET LANGAGE


DU SAMEDI 21 AOÛT (19 H) AU SAMEDI 28 AOÛT (14 H) 2021

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Martine DOMBROSKY, Agnès DUTHOIT, Houchang GUILYARDI, Josette OLIER, Geneviève VIALET-BINE


ARGUMENT :

"La psyché est étendue. N'en sait rien…"
S. Freud

Dans le livre Qu'est-ce que le corps pour la psychanalyse ? nous pouvons lire sous la plume du Dr. Houchang Guilyardi que "Le corps ne ment pas, sous-entendant que, à travers ses organes éprouvés, le corps énonce une vérité du sujet, invisible à la conscience". Un tourbillon secoue en permanence les mondes de la médecine et de la psychanalyse. Deux mondes qui se côtoient depuis plus d'un siècle, depuis que Freud et les analystes freudiens posèrent la question de leurs relations : Ferenczi pensait que "pour la médecine, divisée en tant de spécialités, la psychanalyse est une bénédiction, car elle recommande, dans toute forme de maladie, de traiter le malade aussi bien que la maladie". La pratique médicale travaille à la disparition du symptôme en tant que dysfonctionnement organique, la psychanalyse, quant à elle, considère le symptôme comme porteur de la vérité du sujet. De quelles complexités inconscientes les corps tentent-ils de s'extraire en multipliant symptômes, passages à l'acte, actes manqués et maladies ? Patients, médecins, psychanalystes parlent-ils du même corps ?

Ce colloque sera l'occasion, au fil de la semaine, de confronter les différentes approches et pratiques dont la clinique hospitalière, et d'aborder, développer en quoi (le) corps et (le) langage sont irrémédiablement tissés à tous les âges de la vie d'un sujet.


MOTS-CLÉS :

Acte analytique, Cancer, Conversion, Corps, Désir, Deuil, Épigénétique, Éthique, Freud (Sigmund), Jouissance, Lacan (Jacques), Libido, Maladies auto-immunes, Psychosomatique, Pulsions, Pulsion de mort, Somatose, Structure, Symptômes, Transfert, Trauma


CALENDRIER DÉFINITIF :

Samedi 21 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Dimanche 22 août
PSYCHANALYSE ET MÉDECINE : QUELS RAPPORTS ? — Animatrice : Josette OLIER
Matin
Houchang GUILYARDI & Patrick GOUDOT : Chassés-croisés. Discours médical et discours analytique
Michelle MOREAU RICAUD : Écoute analytique (et) écoute médicale "augmentée" : l'effet Balint

Après-midi
Arlette MEYER : Loi Santé et bioéthique
Thierry du PUY-MONTBRUN : Pavane pour un corps défunt ?

Exposition de photographies, avec Candice CELLIER

Soirée
Projection du film De la défiguration à la refiguration


Lundi 23 août
CORPS ET JOUISSANCE — Animateur : Jean-Jacques CHAPOUTOT
Matin
Danièle LÉVY : Organique, psychique, quelle articulation ?
Geneviève VIALET-BINE : Conversions hystériques et "somatoses"

Après-midi
Madeleine GUEYDAN : De la trace au langage, l'objet "a" dans le dessin d'enfant ou la création artistique
Marielle DAVID : Le corps, le tissu, le langage

Soirée
"Donner corps au langage musical - transmission et transformation", concert avec Antoine PIERLOT (violoncelle)


Mardi 24 août
CORPS ET STRUCTURE — Animatrice : Agnès DUTHOIT
Matin
Psychanalystes à l'hôpital. Cartel de clinique analytique hospitalière, table ronde avec Nathalie ALVAREZ [Le désir, et alors ?], Martine DOMBROSKY [Deux corps en présence], Agnès DUTHOIT [D'une plainte à l'autre : "ça fait mal ! j'ai mal de-dents, je n'en peux plus de ne pas dire…"] et Christian JODEAU [L'inflammation intra-oculaire : un phénomène psychosomatique ?]

Houchang GUILYARDI : Névrose, psychose et somatose

Après-midi
Jean-Pierre LEBRUN : Le transgenre : enfant modèle de la société des individus [visioconférence]
Josette OLIER : États de corps

Soirée
Lectures par Florient AZOULAY & Nathalie ALVAREZ : "Les infortunes de Violette"


Mercredi 25 août
LANGAGE ET CORPS — Animatrice : Josette OLIER
Matin
Josette OLIER : Le désir du patient

Présentation clinique : cancer et lichen plan, "Les infortunes de Violette", atelier de clinique analytique avec Jean-Jacques CHAPOUTOT, Martine DOMBROSKY et Josette OLIER

Jean-Pierre WINTER : Que profane la laïcité de la psychanalyse [visioconférence]

Après-midi
DÉTENTE

Soirée
Lecture d'extraits de Mars de Fritz Zorn


Jeudi 26 août
ÉTHIQUE ET CORPS — Animatrice : Geneviève VIALET-BINE
Matin
Florence FREDOUILLE : Les enjeux de passage d'un discours à un autre dans la prise en charge par le médecin de l'infertilité
Catherine VANIER : Psychanalyse auprès des bébés prématurés

Après-midi
Sophie DUNOYER de SEGONZAC : Chirurgie de l'obésité. Une intervention dans le réel qui ferait castration symbolique ?
Richard BRODA : De l'être du corps au corps de la lettre : proposition pour un récit de cure

Soirée
Lectures par Florient AZOULAY & Nathalie ALVAREZ avec Antoine PIERLOT (violoncelle)


Vendredi 27 août
PSYCHANALYSE ET MÉDECINE : QUELLE ÉTHIQUE ? — Animatrice : Josette OLIER
Matin
Ghislaine BOUSKELA : Urgence et fin de vie, une clinique du paradoxe
Anne-Laure BOCH : La médecine moderne entre hyperpuissance et désillusions [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
Alain VANIER : Le corps et son double
Hélène C. PRIEST : Expériences langagières de rencontre auprès des réanimés

Soirée
Laurent CAPELLE : Psychanalyse et neurochirurgie [vidéo présentée par Anne-Laure BOCH]
Christine FARDEAU : Interactions maladies inflammatoires chroniques endoculaires et psychisme


Samedi 28 août
LE MOMENT DE CONCLURE… — Animatrice :  Josette OLIER
Matin
Houchang GUILYARDI : Le moment de conclure…

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Anne-Laure BOCH : La médecine moderne entre hyperpuissance et désillusions
La médecine moderne est formidable. Mais… Il semble qu'il y ait un mais! Ce mais est à l'origine de l'immense questionnement de l'éthique biomédicale, qu'on peut résumer de la sorte : "La médecine soigne-t-elle bien l'homme ?". Dans cette phrase, "bien" peut être entendu sous l'acception de "correctement". De façon plus angoissante, on peut aussi se demander si c'est bien "l'homme" que soigne la médecine moderne. Analysé, objectivé, réduit à un tas moléculaire ou à un réseau de neurones, ce à quoi la médecine apporte tous ses soins est-il encore digne de tant d'efforts, de tant d'amour ?

Anne-Laure Boch est neurochirurgien, docteur en philosophie, praticien hospitalier, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.
Publications
Médecine technique, médecine tragique, Séli Arslan, 2009.
"Généalogie de l'amour en médecine", in Geoffroy M. et Fiat E. (éd.), Questions d'amour. De l'amour dans la relation soignante, Paris, Lethielleux, "Parole et Silence", 2009.
"Le Frankenstein de Mary Shelley : pas d'amour pour la créature technoscientifique", Alliage, n°65, 2009, p. 124-135.
"Quand la médecine engendre des handicapés. Une nouvelle Némésis médicale", Le Débat, n°174(2), mars 2013, p. 146-158.
"État végétatif chronique : que "construit" la médecine ?, Éthica Clinica, n°72, 2013, p. 18-28.
"La médecine technoscientifique dépassée par ses monstres", in C. Masson et C. Desprats-Péquignot (éd.), Monstres contemporains : médecine, société et psychanalyse, Paris, In Press, 2015.
"Confusion des malades, confusion des médecins : la perplexité anxieuse règne dans nos hôpitaux", Approches, n°167, septembre 2016, p. 77-84.
"L'homme augmenté, l'homme diminué : fascination/répulsion face au sujet neurochirurgical", in C. Lindenmeyer (éd.), L'Humain et ses prothèses. Savoirs et pratiques du corps transformé, CNRS Éditions, 2017.

Ghislaine BOUSKELA : Urgence et fin de vie, une clinique du paradoxe
La médecine désinvestit le moment de la fin de vie, le percevant plutôt comme le signe de son échec. La psychanalyse, en se distinguant des différents modèles ayant contribué à la création des soins palliatifs, offre au sujet l'occasion de prendre son temps, de s'en saisir. C'est dans l'articulation du corps au langage, grâce à une modification de la temporalité, que quelque chose de la vérité du désir, peut émerger.

Ghislaine Bouskela est psychanalyste et psychologue clinicienne. Elle est membre de l'Association Psychanalyse et Médecine et analyste praticienne d'Espace analytique. Elle travaille depuis 10 ans dans l'unité de soins palliatifs et équipe mobile de l'hôpital d'Arpajon.

Marielle DAVID : Le corps, le tissu, le langage
Après l'épreuve de la naissance, le bébé est soutenu dans les bras de sa mère: il perçoit un filet, un tissu qui le sauve d'une chute et de l'angoisse. S'y inscriront les traces des expériences de plaisir et l'entrelacement des mots constitueront sa psyché.

Publication
Marielle David, Champ de l'amour et du désir, PUF, 2003.
Site
lefauteuildupsychanalyste.com

Sophie DUNOYER de SEGONZAC : Chirurgie de l'obésité. Une intervention dans le réel qui ferait castration symbolique ?
Comment prendre en charge des patients qui n'ont pas de demande et veulent court-circuiter la question de la castration en s'en remettant à l'Autre médical ? Celui qui le fera à leur place, pensent-ils. Chimère bien sûr qu'il s'agira de déjouer en introduisant de la pensée et du questionnement analytique. Il faut les accueillir là où ils en sont, même si c'est par le biais d'un dispositif médical et les amener à construire une demande par eux-mêmes, se confronter à la douloureuse question des pulsions, faire reculer la dépendance, renoncer à la jouissance tyrannique de l'aliment, pour accéder à une position de sujet désirant, sujet qui serait alors en position de choisir et non plus d'être l'objet de l'Autre. Mais, changer les habitudes alimentaires n'est pas si simple, changer de corps non plus. Nous tentons de repérer ce qui opère ou ce qui échoue dans ce montage.

Psychologue et psychanalyste, Sophie Dunoyer travaille dans un centre de consultation en addictologie, drogues licites et illicites, depuis 1980 (CSAPA) à Saint Denis (93) puis dans un service de maladies infectieuse (SMIT) depuis 1995 à l'hôpital Delafontaine à Saint Denis. Depuis 2010, dans le service de chirurgie bariatrique de Saint Denis toujours, elle s'occupe de patients en obésité morbide ayant des troubles addictifs alimentaires. Elle a écrit de nombreux articles sur les addictions, le VIH et l'obésité.

Christine FARDEAU : Interactions maladies inflammatoires chroniques endoculaires et psychisme
Les maladies inflammatoires chroniques endoculaires, dites uvéites auto-immunes, sont la cinquième cause de cécité dans les pays riches, et se caractérisent par une évolution sous forme de poussées par récidive inflammatoire. En de multiples aspects, elles interagissent avec le psychisme. Tout d'abord par la menace anxiogène de la fonction visuelle. Ensuite par l'aspect récidivant de l'uvéite qui peut surprendre le patient qui peut se sentir menaçé en permanence. Par les modifications de situation socio-professionnelle souvent destabilisantes, déclassantes. Par les effets psychotropes de nombreux médicaments anti-inflammatoires, en première ligne la corticothérapie prise par voie générale. Enfin le caractère rare, chronique, récidivant, de ces entités ophtalmologiques, peut générer un sentiment de culpabilité. Les rencontres Psychanayse et Médecine sont l'occasion de construire une évaluation de ces interactions.

Christine Fardeau est Consultant Référent concernant les Uvéites, pour la prise en charge médicale et chirurgicale ; Rapporteur pour le site d'Ophtalmologie de l'Hôpital Pitié-Salpétrière auprès de la Haute Autorité de Santé pour intégrer le Centre de Maladies Rares OPHTARA, en 2011 et 2017 ; Porteur du projet de création du programme d'"Éducation Thérapeutique du Patient atteint d'uvéite" dans le 3ème plan national Maladies Rares, accepté par la DGOS en janvier 2020.

Florence FREDOUILLE : Les enjeux de passage d'un discours à un autre dans la prise en charge par le médecin de l'infertilité
Vérité, sujet, jouissance, voilà ce qui aura pu échapper à la médecine lorsqu'elle aura eu à répondre à la demande de faire disparaître une situation clinique d'infertilité en utilisant les outils dont elle dispose, ceux de la médecine moderne, et qui pourra être retrouvé incarné dans des situations inexpliquées d'échec thérapeutique, autant d'impasses, comme un effet de retour du discours dans lequel elle est prise. Aidé de l'outil d'investigation qu'est la psychanalyse, le médecin devrait pouvoir saisir la signification de la demande qui lui est faite. Ainsi, dans son mode de réponse à cette demande, il devrait pouvoir dans certains cas quitter le discours du Maître dans lequel sa fonction le place, pour se placer dans un autre discours, adressé à l'Autre désirant qu'est le sujet qui formule cette demande. Quels pourraient être les enjeux de passage entre ces discours?

Florence Fredouille est gynécologue, psychanalyste, doctorat de recherche en psychopathologie et psychanalyse.
Travaux
Le don d'ovocytes en France : une question pour la psychanalyse, Thèse soutenue sous la direction d'Alain Vanier, Inédite, 2017.
"La procréation médicale assistée: les enjeux de passage entre médecine et psychanalyse", in Figures de la psychanalyse, n°39, p. 209-222, 2020.

Madeleine GUEYDAN : De la trace au langage, l'objet "a" dans le dessin d'enfant ou la création artistique
L'homme tient son humanité d'un certain régime symbolique ou signifiant. Le développement technique contemporain et la digitalisation suggèrent que tout ce qui possède un corps peut être transformé en une structure de données, mais la dématérialisation consiste à libérer les signes des liens qu'ils entretiennent avec leur origine. C'est ainsi que les choses disparaissent en tant qu'incarnées. Lacan au contraire souligne que "l'inconscient est un savoir, un savoir-faire avec lalangue. Et ce qu'on sait faire avec lalangue dépasse de beaucoup ce dont on peut rendre compte au titre du langage". Lalangue, qui a des effets sur le corps, nous amène à la clinique de la trace chez l'enfant avec le dessin, chez l'adulte avec des créations singulières. Décrypter, en pistant l'objet "a", le passage de la trace au langage sera notre recherche.

Bibliographie
Freud S., 1895, Esquisse d'une psychologie scientifique, Érès, 2011.
Freud S., 1919, L'inquiétante étrangeté, Paris, Gallimard, 2005.
Lacan J., Encore, Le séminaire XX, Paris, Le Seuil, 1975.
Lacan J., Le transfert, Le séminaire VIII, Paris, Le Seuil, 1991.
Pesenti-Irrmann M., "La direction de la cure avec l'enfant", in Figures de la psychanalyse, Érès, 2011.

Houchang GUILYARDI & Patrick GOUDOT : Chassés-croisés. Discours médical et discours analytique
Dialogue, confrontation, interaction de deux discours qui s'entrecroisent et interagissent au chevet du patient.
Le Pr Goudot, ancien chef du service de Stomatologie et Chirurgie maxillo-faciale à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, nous fera part de son expérience de chirurgien face à des situations aussi variées que la reconstruction faciale, les dysmorphies, les cancers, les problèmes fonctionnels, qui attentent à l'intégrité du visage et touchent au regard.
Le psychanalyste dira ce qu'il en est pour lui de la place et de la vie du sujet au milieu de ces fracas, dans lequel le visage ne coïncide souvent pas à l'image qu'il s’en fait.
Nous entendrons le choc de ce qui constitue le quotidien d'un service de chirurgie dans lequel une équipe de psys a su trouver sa place, depuis de nombreuses années.

Dr. Houchang Guilyardi est ancien psychiatre des Hôpitaux, psychanalyste, fondateur et président de l'Association Psychanalyse et Médecine.

Pr. Patrick Goudot est ancien Chef du service de Stomatologie et Chirurgie Maxillo-faciale à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

Houchang GUILYARDI : Névrose, psychose et somatose
La vie des corps… Petits bobos et grandes douleurs. Rhumatismes et fracas mortels, maladies auto-immunes et impasses, répétitions, dépressions… Les positions psychiques y sont radicalement dissemblables.
Et l'on persévère, malgré tout, à se faire croire que le corps est indépendant du psychique. Déconnecté.
Tache aveugle de la théorie, l'hôpital est un continent de somatoses, à la dérive. Loin d'incarner un jeu intellectuel, méconnaître les positions psychiques dans la structure véhicule de pesantes conséquences cliniques, thérapeutiques et sociales.

Publications
"La psychose somatique", in Le trimestre psychanalytique, n°5, Publications de l'Association freudienne, 1988.
"Clinique du fracas et pulsion de mort : lésions, sutures et jouissances", in La Clinique lacanienne, n°6, 2003/1, p. 165-182.
"Fracture et renaissance", in Le Coq-Héron, n°180, 2005/1, p. 35-41.
"Cristaux d'angoisse I", in La livre de chair au vif du sujet, Paris, A.P.M. Éditions, 2012, p. 43-55.
"Psychoses somatiques et psychoses psychiques" , in Corps en discordance. Somatoses & psychoses, Paris, edpsciences/APM, Collection "Le Corps a ses raisons", 2017, p. 63-90.
"Guérison et structure : frustration, castration, privation", in Analyse Freudienne Presse, n°25, 2018/1, p. 47-53.

Danièle LÉVY : Organique, psychique, quelle articulation ?
Freud n'a jamais séparé le psychique de l'organique. Mais il a démontré par la pratique que l'un et l'autre ne marchent pas d'un même pas. La notion de pulsion devait servir d'intermédiaire ("concept-limite entre le psychique et le somatique" et "mesure de la quantité de travail imposée au psychique en conséquence de sa liaison au corporel"), Métapsychologie, mais selon Freud lui-même elle n'a jamais atteint le stade du concept, celui qui induit de nouvelles découvertes. "Les pulsions sont notre mythologie", déplore-t-il encore en 1932. Lacan s'efforcera d'avancer le travail de conceptualisation dans son séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (1964). En prenant appui sur sa lecture, n'y aurait-il pas moyen de déceler dans la clinique de Freud et dans les textes explorant l'Au-delà du principe de plaisir (1921-1929), une ou plusieurs idées sous-jacentes de la façon dont l'organisme et le psychique agissent l'un sur l'autre ? Encore faut-il admettre qu'il existe une vie psychique et qu'elle a sa dynamique propre…

Danièle Lévy est psychanalyste, à Paris et Troyes. Agrégée de philosophie (1969). Assistante à l'université Paris VIII (1970-1977). Membre de l'École freudienne de Paris jusqu'à sa dissolution en 1981. Membre du Cercle freudien depuis 2000 et du Comité de rédaction de la Revu Che Vuoi ? de 2006 à 2016. Entre-temps, 1999-2000, elle travaille dans une association destinée à penser la place de la psychanalyse et des psychanalystes dans le monde d'aujourd'hui (APUI, Association pour une instance), 1999 à 2010. Séminaires de formation dans plusieurs associations psychanalytiques. Tous explorent les relations entre la clinique psychanalytique et le travail de conceptualisation. Assure des supervisions d'équipes dans diverses institutions de soin et de soutien : Emmaüs, ADAPEI (enfants handicapés), Solidarité femmes, Soins palliatifs à domicile, Cancérologie, SOS Amitiés...
Publications
D. Levy, "Le savoir agit, la vérité surgit", in L'Acte entre transfert et savoir, Ed. APM, 2011.
D. Levy, "À propos des articulations entre corps et langage", in La livre de chair, Ed. APM, 2012.
D. Levy, "Charcot, Freud et le transfert", in Folies à la Salpêtrière, Ed. APM-EDP Sciences, 2015.
D. Levy, "La vérité qui guérit", in Qu'est-ce que le corps pour la Psychanalyse ?, Ed. APM-EDP Sciences, 2016.
D. Levy, Quel genre de psychothérapie est la psychanalyse ? Communication au Cercle freudien, Dijon, 2 décembre 2017.
D. Levy, "De la voix à l'extase", in Vous avez dit Jouissance ?, Ed. APM-Erès, 2019.
Et de nombreux articles dans plusieurs revues de psychanalyse (Le discours psychanalytique, Ornicar, L'information psychiatrique, Che Vuoi ? Ainsi que L'Agenda de la psychanalyse (87-88), une recension du mouvement psychanalytique dans la France de ces années-là (épuisé).

Michelle MOREAU RICAUD : Écoute analytique (et) écoute médicale "augmentée" : l'effet Balint
Si la psychanalyse a fécondé tous les champs de la culture, la médecine scientifique, résistant de toutes ses forces, n'a longtemps pas été influencée par elle. Ces deux champs, Psychanalyse et Médecine, se sont séparés depuis l'invention freudienne. Mais depuis la deuxième guerre mondiale et jusqu'à nos jours, le mouvement freudien a fait un certain retour dans sa patrie d'origine et a pu, par exemple, modifier l'écoute des patients par les médecins praticiens : c'est l'œuvre d'un pionnier, Michael Balint, qui a créé une formation spécifique via le groupe qui porte son nom. Je souhaite aborder avec vous cette innovation dans l'éducation médicale, toujours actuelle et interroger les voies par lesquelles cela a pu se produire.

Michelle Moreau Ricaud est Psychanalyste, membre du Quatrième Groupe. Chercheuse associée du CRMPS Université Denis Diderot. Membre de la Société Médicale Balint.
Bibliographie
Balint, M. (1930), "Crise de la pratique médicale", traduction de J. Dupont, Le Coq Héron, n°95, 1985.
Balint, M. (1957), Le Médecin, son malade, la maladie, Paris, Payot, traduction de J.-P. Valabrega, 1960, PUF ; Payot, 1961.
Balint, M., Balint, E. (1961), Techniques psychothérapeutiques en médecine, traduction de J. Dupont, J.-P. Valabrega, Paris, Payot, 1970.
Balint, M. (1965), Amour primaire et technique psychanalytique, traduction de J. Dupont, R. Gelly, S. Kadar, Paris, Payot, 1972.
Balint, M. (1968), Le défaut fondamental, traduction de J. Dupont, M. Viliker, Paris, Payot, 1971.
Missenard, A. & coll., L'expérience Balint : histoire et actualité, Paris, Dunod, 1982.
Moreau Ricaud, M., Michael Balint. Le renouveau de l'École de Budapest, Toulouse, Erès, 2000 et 2007.
Moreau Ricaud, M., "Michael Balint : un pont entre la psychanalyse et la médecine", Le corps a ses raisons…, Actes du Colloque, 2001, A.P.M. Éditeur.
Moreau Ricaud, M., "Cinquante ans de groupe Balint", Topique, 2001.
Moreau Ricaud, M., "Balint", in Contou Terquem (Dir.), Dictionnaire Freud, Robert Laffont, "Bouquins", 2015.
Moreau Ricaud, M., "The Ferenczi - Balint filiation", Chapter 25, Influence on Contemporary Psycho-analytic Traditions, A. Dimitrijevic, G. R. M. Cassullo, J. Frankel (Eds.), New York, Routledge, 2018.

Josette OLIER : États de corps
"Nous sommes un redoutable mélange d'acides nucléiques et de souvenirs, de désirs et de protéines. Le siècle qui se termine s'est beaucoup occupé d'acides nucléiques et de protéines. Le suivant [le 21ème siècle donc] va se concentrer sur les souvenirs et les désirs. Saura-t-il résoudre de telles questions ?" disait François Jacob en 1997. À l'hôpital, l'écoute psychanalytique de la parole de sujets atteints de maladies organiques nous a donné à ressentir, en effet, que "le corps et l'esprit sont une seule et même chose vue sous deux angles différents", ainsi que l'écrivait Spinoza. Ceci, pour le plus grand bénéfice des patients. Et des soignants.

Josette Olier, psychologue clinicienne, psychanalyste, co-fondatrice de l'A.P.M., ancienne consultante en Oncologie Médicale à la Pitié-Salpêtrière (Paris) d'abord ; puis dans le Service de soins de suite de l'Hôpital "Les Cheminots" de Ris-Orangis (91).
Bibliographie
"Le corps comme lieu de savoir", in L'Acte, entre transfert et savoir, A.P.M. éditions, Collection "Le Corps a ses raisons", 2011.
"Lorsque les marqueurs montent… hiéroglyphes du corps ?", in Le Corps a ses raisons…, A.P.M. éditions, 2001.

Hélène C. PRIEST : Expériences langagières de rencontre auprès des réanimés
À partir de mon expérience clinique auprès des malades en réanimation et en m'appuyant sur les travaux de Joseph Gazengel, La psychanalyse et les réanimés : les vêtir de paroles, il s'agit de montrer comment les paroles, les mots, la voix et les silences qu'on peut offrir au corps des réanimés les font renaître. Comment devenir lucidement attentif à ce que disent ou crient les corps allongés des malades en réanimation, si perdus qu'ils soient. Interroger à partir des vécus sensoriels et émotionnels des malades réanimés et de ceux des psychologues cliniciens qui s'aventurent à leur chevet, leurs expériences langagières de rencontre. Comment le psychanalyste, auprès des réanimés privés de la capacité de communiquer avec l'outil qu'est le langage parlé, va devoir faire œuvre de création avec l'offre de ses propres paroles ?

Hélène C. Priest est psychologue clinicienne, psychanalyste, et présidente de l'Association pour le Maintien du Lien psychique en Soins intensifs.
Bibliographie
Actes des Journées d'étude d'AML Soins intensifs, sous la direction d'Hélène C. Priest : La parole en réanimation, 28 février 2013 ; Les corps en réanimation. Que nous apprennent-ils ?, 10 avril 2015.
Joseph Gazendel, La psychanalyse et les réanimés : les vêtir de paroles, L'Harmattan, 2017.
Hélène C. Priest, Hélène Vienet & Joseph Gazendel (coord.), Le soin psychique en réanimation, Éditions Seli Arslan, 2019.
Hélène C. Priest, "Expériences de sensorialités, entre douleur et désir de vivre", in Revue In Analysis, Revue Transdisciplinaire de Psychanalyse et Sciences, sous le direction de Raphaël Minjard, publiée par Elsevier Masson, Ms. Réf. N° INAN-D-20-00051, juin 2020.

Thierry du PUY-MONTBRUN : Pavane pour un corps défunt ?
La pratique médicale montre que la maladie se substitue au malade, que le corps n'est plus qu'un objet de science, oubliant que c'est l'homme lui-même dans son entièreté qu'on abandonne à ce processus réducteur. Le corps n'est plus entendu : la science est sourde à son langage. Elle a quitté son statut d'incontournable et précieux serviteur pour celui de maître — d'un maître absolutiste faisant de la "réalité" scientifique la totalité du réel. Comment en est-on arrivé là, à cette exterritorialité du corps qui menace aujourd'hui le fondement même de notre humanité ? C'est ici que la philosophie vient en aide en montrant le rôle de la doctrine dualiste dans ce clivage radical. Heureusement, il reste à la médecine d'autres approches philosophiques qui disent le "corps-chair", corps totalité de l'être — insaisissable par la science. Les méconnaître sonnerait le chant d'un corps et, partant, d'un homme défunt.

Thierry du Puy-Montbrun est médecin (Proctologie médico-chirurgicale) et docteur en philosophie pratique (Université Paris-Est Gustave Eiffel).
Bibliographie
Platon, "Phédon, Timée, Lois", in Platon Œuvres complètes I et II, Gallimard, La Pléiade, 1989.
Descartes, "Méditations, Discours de la Méthode", in Descartes, Œuvres et lettres, Gallimard, La Pléiade, 1953.
Renaud Barbaras, La perception, Hatier, "Optiques philosophiques", 1994.
Michel Henry, Incarnation, une philosophie de la chair, Seuil, 2000.
Thierry du Puy-Montbrun, La confusion des corps, Connaissances et Savoirs, 2017.

Alain VANIER : Le corps et son double
Ces phénomènes qui ont beaucoup intéressé les cliniciens au XIXe siècle et au début du XXe ne sont pas sans éclairer les liens du sujet à son corps. Leur relatif oubli aujourd'hui n’est pas sans rapport avec les évolutions récentes de la médecine scientifique.

Alain Vanier est Psychanalyste, membre d'Espace analytique (A.F.P.R.F.) ; professeur émérite des Universités, ancien directeur du Centre de Recherches psychanalyse, Médecine et Société (CRPMS), IHSS, Université de Paris ; ancien psychiatre des hôpitaux.

Catherine VANIER : Psychanalyse auprès des bébés prématurés
Comment comprendre la place du psychanalyste dans un service aussi technique et de médecine de pointe que celui de la réanimation néonatale où sont hospitalisés les grands prématurés ? Nous aborderons les aléas du travail possible avec les médecins, l'impact des machines et des soins sur le corps d'un bébé, et les effets de la réanimation sur la constitution du sujet.

Catherine Vanier est Docteur en Psychologie, psychanalyste et membre d'Espace analytique.

Geneviève VIALET-BINE : Conversions hystériques et "somatoses"
Je tenterai quelques réflexions sur ces états du corps que sont les conversions hystériques et "somatoses" ainsi que sur les mécanismes psychiques qui en rendent compte. Si les conversions font large consensus dans la communauté analytique, leur fonctionnement méritait d'être rappelé pour marquer la différence d'avec les "somatoses". Cet effort d'éclaircissement s'impose tant la confusion règne si on n'y apporte pas un peu de rigueur. Je vous propose donc au travers de la clinique de frayer un chemin dans les différentes références théoriques rendant compte de la désorganisation des fonctions somatiques et lésions d'organe. Avec comme fil rouge cette interrogation : ces atteintes du corps ne tentent-elles pas une suppléance dans le Réel au signifiant non advenu dans le symbolique ?

Geneviève Vialet-Bine est maître de conférences honoraire des universités, membre de l'APM en charge des Enseignements, Membre du CRDP et psychanalyste.
Publications
"Conversions hystériques et somatoses", in Revue de Psychologie Clinique, n°45 - "Quand le corps fait signe", Éditions EDPScience, 2018.
"Corps et langage, quand la parole prend corps", in Revue de la clinique lacanienne, n°22 - "Psychosomatique", Éditions Érès, 2013.
"Paroles singulières du Corps", in Qu'est-ce que le corps pour la psychanalyse?, sous la direction de H. Guilyardi, APM Éditions, 2013.
"Masochisme et pulsion de mort : les 3 masochismes", in CHE VUOÏ, n°32, Éditions L'Harmattan, 2009.
"La structure dans tous ses états", in Revue de la clinique lacanienne, n°13, Éditions Érès, 2006.


Psychanalystes à l'hôpital. Cartel de clinique analytique hospitalière, table ronde avec Nathalie ALVAREZ [Le désir, et alors ?], Martine DOMBROSKY [Deux corps en présence], Agnès DUTHOIT [D'une plainte à l'autre : "ça fait mal ! j'ai mal de-dents, je n'en peux plus de ne pas dire…"] et Christian JODEAU [L'inflammation intra-oculaire : un phénomène psychosomatique ?]
Être psychanalyste dans un service hospitalier de chirurgie est une gageure. Bien que très différent, le dispositif asymétrique de la séance d'analyse mis en place par Freud (patient allongé, tournant le dos au thérapeute), reste le cœur de l'entretien avec le malade dans sa chambre d'hôpital. Par sa présence, par son attention et son écoute large, sans questionnement, sans jugement, le psychanalyste recrée, dans un lieu différent, les éléments indispensables de la séance type, facilitant une relation de parole qui laisse les signifiants vivre et se déplacer librement d'un inconscient à l'autre. L'un parle, l'autre se tait… ou en tout cas l'autre se fait support silencieux (ou presque) d'une parole inédite, toujours nouvelle, la parole du patient.

Nathalie ALVAREZ : Le désir, et alors ?
La maladie somatique n'épargne aucune structure. Elle est parfois celle qui fait tenir ensemble le Réel, le Symbolique et l'Imaginaire et souvent l'agent désintricateur de la pulsion de vie et de la pulsion de mort. Les patients dont je parlerai ne témoignent pas d'entame corporelle. Le corps souffrant qu'ils livrent à la médecine est présenté comme un corps purement organique qu'il s'agit de guérir, sans détour par la vérité. Si le psychanalyste tient le bout du désir et le médecin le bout de la demande et dans bien des cas la demande recouvre le désir, alors il convient d'interroger ce désir. Désir inconscient du sujet souffrant et désir de l'analyste.

Publications
"La bouche et l'oreille : d'un bord à l'autre", in Corps en discordance, sous la direction de Houchang Guilyardi, Éditions APM/EDP Sciences, 2017.
"Peut-on empêcher Saturne de dévorer son fils", in Vous avez dit jouissance ?, sous la direction de Houchang Guilyardi, Éditions APM/Erès, 2019.

Martine DOMBROSKY : Deux corps en présence
À l'hôpital, ça se balade : d'un point du corps à l'autre, d'un organe à l'autre, d'un symptôme à l'autre, mais au bout du compte il s'agit toujours de la même chose : des points de fixations inconscients qui freinent ou arrêtent la dérivation nécessaire des pulsions… Que l'on soit à l'hôpital ou en cabinet, il y a toujours deux corps en présence… Il y a du corps, toujours. Même dans une chambre d'hôpital, froide, si peu hospitalière, il y a du corps et, dès que vous entrez dans cette pièce, il y a deux corps en présence, celui de l'analyste et celui du patient. Celui de l'analyste tente de se faire léger, discret, mais sa présence, son épaisseur, sa consistance s'imposent dès le premier instant. Et ça, le patient en est atteint, il l'entend. Je donnerai compte de ceci, au travers de plusieurs situations cliniques ; de ces rencontres surprenantes dans des lieux parfois improbables, de cette diversité, de ce chaos que contient l'hôpital ; des odeurs, des bruits, des silences où un peu de vérité du sujet va trouver son chemin.

Publications
"Le corps en première ligne", in Corps en discordance, sous la direction de Houchang Guilyardi, Éditions APM/EDP Sciences, 2017.
"Sois sage, Ô ma douleur…", in Vous avez dit jouissance ?, sous la direction de Houchang Guilyardi, Éditions APM/Erès, 2019.

Agnès DUTHOIT : D'une plainte à l'autre : "ça fait mal ! j'ai mal de-dents, je n'en peux plus de ne pas dire…"
Qu'est-ce qu'une bouche lorsqu'il n'y a pas de réponse universelle de la douleur à un symptôme ? Là où "ça" parle (les maux) nécessite d'être entendu, déposé. La bouche, carrefour aérodigestif, lieu de satisfaction des besoins, élue dans les rites amoureux, écrin des dents qui disent notre jeunesse comme notre fin, nous convoque médecin, psychanalyste, auprès d'un être en souffrance aux prises avec son angoisse. Expériences cliniques : Je partirai de l'itinéraire de patients atteints de maladies dites "sans cause" jusqu'à leur arrivée erratique en consultation de psy à l'hôpital général et, présenterai ces parcours suivis pour certains d'entre eux pendant plus de cinq ans.

Agnès Duthoit est psychanalyste, membre de l'Association Psychanalyse et Médecine et, de l'A.L.I.
Publication
"Entre vie et mort, histoire d'un fil", in Corps en discordance, sous la direction de Houchang Guilyardi, Éditions APM/EDP Sciences, 2017.

Christian JODEAU : L'inflammation intra-oculaire : un phénomène psychosomatique ?
Lors de leur rencontre avec le psychanalyste, les patients hospitalisés pour des uvéites ou des inflammations intra-oculaires parlent de ce qui vient bouleverser leur vie, une perte de vision brutale et imprévue, la crainte de la cécité, l'angoisse face à la dépendance. Ces patients parlent également des circonstances d'apparition du trouble visuel et de ce qu'ils y rattachent, d'une histoire familiale souvent marquée par un deuil ou une séparation, de l'hospitalisation et de ce qu'elle représente pour eux. La présence du psychanalyste à l'hôpital rend possible une parole sur soi moins contrainte et un discours singulier qui viennent dessiner un contexte psychique aux frontières du corps et du langage.

Christian Jodeau est psychanalyste, membre de l'Association Lacanienne Internationale.
Publications
"Du forclusif au discordant", in Corps en discordance, sous la direction de Houchang Guilyardi, Éditions APM/EDP Sciences, 2017.
"Encore … mais pas trop !", in Vous avez dit jouissance ?, sous la direction de Houchang Guilyardi, Éditions APM/Erès, 2019.


Présentation clinique : cancer et lichen plan, "Les infortunes de Violette", atelier de clinique analytique avec Jean-Jacques CHAPOUTOT, Martine DOMBROSKY et Josette OLIER
La "présentation de malade" est une tradition, aussi bien dans la médecine classique que dans la psychiatrie. Dans le cadre des activités de l'Apm, et dans un but de transmission, Houchang Guilyardi a pratiqué cette discipline à la Salpêtrière, avec des patients atteints de maladie somatique, devant un public averti, psy confirmés et psy en formation.
C'est à partir de l'un de ces longs entretiens analytiques, celui d'une patiente prise en charge à l'hôpital, depuis une dizaine d'années, pour un cancer de la langue et un lichen plan, que nous avons tenté d'aborder la clinique du somatique. Elle a subi nombre de traitements, d'interventions chirurgicales et présente de fortes tendances suicidaires qui alertent les médecins.
Nous avons là un matériel d'une richesse inouïe qui nous a servi de pré-texte pour un travail de longue haleine… et nous avons tenté, dans un aller et retour permanent entre la théorie qui nous nourrit et la clinique qui nous enseigne, d'enrichir nos questionnements, et de laisser surgir certaines trouvailles.


"Donner corps au langage musical - transmission et transformation", concert avec Antoine PIERLOT (violoncelle)
J'ai imaginé un programme sur le thème de la transmission articulé autour des suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach. La transmission d'un langage musical à travers les siècles, la transmission des savoir-faire qui permettent à ce langage de se faire entendre, la passation d'interprète à interprète, la transformation… Ainsi se joindront à Bach Pablo Casals, Gaspar Cassado et Benjamin Britten.

Nommé aux victoires de la musique dans la catégorie "révélation soliste instrumental", élu "révélation classique" par l'ADAMI, Antoine Pierlot est lauréat de la fondation de France et de la fondation Natixis. Concertiste soliste, chambriste, sa discographie reflète l'éclectisme de ses choix musicaux, de Bach à Beffa, en passant par Mendelssohn, Chopin, Fauré, Britten…


BIBLIOGRAPHIE :

• Sous la direction d'Houchang Guilyardi, ouvrages collectifs dans la collection "Le Corps a ses raisons", APM éditions :
- "L'Anorexique, le médecin et le psychanalyste", 2010.
- "L'Acte, entre transfert et savoir", 2012.
- "La Livre de chair, au vif du sujet", 2012.
- "Qu'est-ce que le corps pour la psychanalyse ?”, 2013.
- "Folies à la Salpêtrière. Charcot, Freud, Lacan" (EDP Sciences), 2015.
- "Qu’est-ce que la guérison pour la psychanalyse ?" (EDP Sciences), 2016.
- "Corps en discordance. Somatoses et Psychoses" (EDP Sciences), 2017.
- "Vous avez dit Jouissance ?" (Erès), 2019.

• Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, PUF, 1966.
• Jean Clavreul, L'ordre médical, Seuil, 1978.
• Sandor Ferenczi, Introduction à la question de l'analyse profane de S. Freud, "Essaim", érès, 2005.
• Sigmund Freud, Psychanalyse et médecine, ou la Question de l'analyse profane, "Folio", Gallimard, 1998.
• Jacques Lacan, "La place de la psychanalyse dans la médecine”, Intervention au Collège de médecine, 1966.
• Jacques Lacan, "Le symptôme", Conférence de Genève, 1975, Le Bloc-notes de la psychanalyse, 1985.
• Jean-Pierre Lebrun, De la maladie au malade. Psychanalyse et médecine dans la cité, érès, 2017.
• Joyce McDougall, Le théâtre du corps, "Folio", Gallimard, 2003.
• Donald Winnicott, "La maladie psychosomatique", La Lettre de la SPF, 2020.


SOUTIEN :

• Association Psychanalyse et Médecine (APM)

Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


MANDIARGUES : ÉCRIRE ENTRE LES ARTS


DU MERCREDI 11 AOÛT (19 H) AU MERCREDI 18 AOÛT (14 H) 2021

[ colloque de 7 jours ]


Photographie de Bona, André Pieyre de Mandiargues, Plage de Tecolutla, Veracruz, 1958 [détail], in André et Bona Pieyre de Mandiargues, Correspondances, Mexique-Italie, 1958-1959, Éditions Filigranes, coll. "Saison", 22, 2005.


DIRECTION :

Alexandre CASTANT, Pierre TAMINIAUX, Iwona TOKARSKA-CASTANT


ARGUMENT :

Ce colloque étudie l'œuvre littéraire (romans et nouvelles, poésie, théâtre), mais aussi esthétique (écrits sur l'art) d'André Pieyre de Mandiargues (1909-1991), dans sa relation à la modernité, aux avant-gardes historiques puis à l'époque contemporaine et actuelle. Il propose une approche transversale des études mandiarguiennes, évidemment liées à la littérature mais aussi aux autres arts (peinture, photographie, cinéma, théâtre, musique, son, radiophonie…), en développant des perspectives et des points de vue originaux et novateurs.

Ainsi l'on abordera d'abord l'œuvre de Mandiargues en liaison avec les avant-gardes ou les mouvements littéraires qu'elle revisite, traverse ou annonce (baroque, fantastique, surréalisme, nouveau roman…) en véhiculant des notions qui restent d'une particulière modernité dans le récit, la poétique, le langage (intertextualité, visualité, images mentales, spécularité…) et, en analysant aussi ses rencontres avec de nombreux écrivains et poètes contemporains. Puis, l'on dépassera les fondations surréalistes de Mandiargues pour étudier ses références classiques, par exemple élisabéthaines, romantiques ou impressionnistes, et, symétriquement, pour se projeter dans le futur et penser son actualité poétique et fictionnelle.

Dès lors, seront proposées des analyses de l'œuvre, poétique et esthétique, de Mandiargues en liaison avec la peinture (de l'École métaphysique italienne au surréalisme, de l'art brut au matiérisme), mais aussi avec la photographie, le cinéma ou le théâtre (à travers les adaptations cinématographiques de ses récits ou les mises en scène de ses pièces) ainsi que des études, en relation avec l'art le plus actuel, qui développeront des points de vue novateurs sur des sujets, reconnus comme procédant de la poétique mandiarguienne, ou résolument inédits.

Enfin, une attention sera tout particulièrement portée à son cosmopolitisme (l'Italie, le Mexique, Barcelone, le Japon…) et à la traduction qu'il a pratiquée à de nombreuses reprises (Octavio Paz, W.B. Yeats, Filippo De Pisis, Yukio Mishima…).

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2020, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2020 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Arts, Baroque, Cabinet de curiosités, Cinéma, Cosmopolitisme, Fantastique, Fiction, Images, Intertextualité, Livre d'artistes, Mystère, Peinture, Photographie, Poésie, Surréalisme, Théâtre, Traduction


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 11 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants, ainsi que du Foyer de création et d'échanges


Jeudi 12 août
POÉSIE, FICTION
Matin
Alexandre CASTANT, Pierre TAMINIAUX & Iwona TOKARSKA-CASTANT : Introduction
Iwona TOKARSKA-CASTANT : Poésie, cristallisation, abstraction
Claude LEROY : Fleurs de Pieyre. Les trois naissances de la Jacinthe [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
Claire PAULHAN : Les "Archives Mandiargues" de l'IMEC
Marie-Paule BERRANGER : Poésie scopique et genèse de l'écriture
Marie-France BOROT : La ville est un songe, Mandiargues entre Éros et Thanatos

Soirée
Voyage dans les images, projections d'un documentaire et du film Fragments de familles - Bona & André Pieyre de Mandiargues puis discussion avec par Sibylle PIEYRE DE MANDIARGUES et Patrick LE BESCONT [visioconférence]


Vendredi 13 août
CORRESPONDANCES LITTÉRAIRES
Matin
Anne GARRIC : Détraquement textuel et "hachis de mots" : Le Musée noir de Mandiargues, un style de décadence
Eugenia GRAMMATIKOPOULOU : Dans le sillage de l'écriture mandiarguienne : filiations et affinités

Après-midi
Cédric MONG-HY : Les démons de l'anatomie : orgies et organes imaginaires. Jeux d'influence chez André Pieyre de Mandiargues, Leonor Fini et Georges Bataille [vidéo puis visioconférence]
Jean-Claude MARCEAU : Esthétique du baroque et affirmation du désir : la perversion revisitée par André Pieyre de Mandiargues et Gilles Deleuze
Bahia DALENS : Constellations épistolaires mandiarguiennes

Soirée
Entretien inédit avec Gérard Macé, À propos d'André Pieyre de Mandiargues, documentaire radiophonique d'Alexandre Castant et L'Atelier sonore d'esthétique de l'École nationale supérieure d'art de Bourges


Samedi 14 août
CABINET DE CURIOSITÉS (ESTHÉTIQUES, POÉTIQUES)
Matin
Lecture de textes critiques de Mandiargues à propos de l'art moderne, par Pierre TAMINIAUX
Alain CHEVRIER : Un gastropoète : l'art culinaire chez Mandiargues

Après-midi
DÉTENTE


Dimanche 15 août
COSMOPOLITISME
Matin
Birgit WAGNER : L'Archéologue, Gradiva et l'impact des images
Kacper Wiktor NOWACKI : Mandiargues et ses traces argentines

Après-midi
Pierre TAMINIAUX : Mandiargues et le Mexique : de l'art à la poésie
Antonio LAVIERI : Une communauté de traducteurs. Bona, Pieyre de Mandiargues et les autres
Marc KOBER : Le Japon nu et simple raconté par Mandiargues


Lundi 16 août
ARTS
Matin
Julie BERNARD : Quand la plume devient pinceau : itinéraire d'un écrivain-peintre dans la cité métaphysique
Roberta SAPINO : "L'imposant, redoutable et prodigieux théâtre" : André Pieyre de Mandiargues écrivain et dramaturge

Après-midi
Inmaculada ILLANES ORTEGA : Mandiargues - Dubuffet : relations esthétiques
Marie JOQUEVIEL-BOURJEA : "…cet effort tendu vers la merveille…" : accompagner Les Rougets d'André Pieyre de Mandiargues [vidéo]
Suzanne DUMOULIN : Bona : au-delà du surréalisme

Soirée
Échanges avec le Foyer de création et d'échanges sur le rêve


Mardi 17 août
PROSPECTIVE
Matin
Misao HARADA : Autogénération du récit dans Marbre ou les mystères d'Italie d'André Pieyre de Mandiargues [visioconférence]
Lise CHAPUIS : Isabella Mora, la mort, la poésie : scénographie italienne

Après-midi
Cæcilia TERNISIEN : L'érotisme et le fantastique chez Mandiargues… dans quelques œuvres captives ou chez quelques auteurs captifs
Alexandre CASTANT : L'autre cinéma ou Le Film (sonore) qui n'a pas eu lieu
Stéphanie JAMET : La syncope ou Le théâtre de la mort

Soirée
Érik BULLOT : Le Quatuor ambigu (2020), film inspiré par l'œuvre et la vie de Mandiargues


Mercredi 18 août
Matin
Alexandre CASTANT, Pierre TAMINIAUX & Iwona TOKARSKA-CASTANT : Conclusion
Discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS :

Julie BERNARD : Quand la plume devient pinceau : itinéraire d'un écrivain-peintre dans la cité métaphysique
En 1926, André Pieyre de Mandiargues (1909-1991) erre dans les rues de Paris avec son ami Henri Cartier-Bresson et voit, dans la vitrine d'une galerie d'art, un tableau de Giorgio de Chirico. Cette rencontre fortuite avec "le mythe moderne" cristallise celle plus personnelle, celle d'un artiste en devenir. En 1933, Mandiargues "le myope" se rapproche donc de l'Italie, déambule dans la "Cité métaphysique" et exprime l'idée que "la vision doit précéder le mot". Dans ces "années sordides", Mandiargues "le muet", s'émerveille, laisse libre cours à son imagination, expérimente la pratique intermédiale où l'écriture devient peinture. Sa parole devient plastique, ses mots, des couleurs, sa plume, un pinceau.

Certifiée en Lettres Modernes, Julie Bernard prépare actuellement une thèse en littérature italienne sous la direction de Marie-José Tramuta (Université Caen Normandie) intitulée "Les mots et les choses dans l'œuvre théâtrale d'Alberto Savinio". Son mémoire de Master Recherche, soutenu en 2012 et dirigé par Marie-Paule Berranger, interrogeait les relations entre André Pieyre de Mandiargues et l'École métaphysique et avait pour titre "André Pieyre de Mandiargues : rencontre(s) avec l'École métaphysique".
Publications
"Angélique ou la nuit de mai, roman protéiforme d'Alberto Savinio", Actes de la journée d'études des jeunes chercheurs du LASLAR - EA 4256, organisée le 23 mars 2017 à la MRSH de l'université de Caen Normandie, p.27-40 [en ligne].
"L'intermédialité au service du "dilettantisme" chez Alberto Savinio", Journée d'études des jeunes chercheurs organisée le 16 juin 2016, Congrès SIES 2016 à Amiens (à paraître).
"Ronconi à l'œuvre de Savinio", Colloque international “Luca Ronconi, maître d'un théâtre sans limites", Paris, 1-2 décembre 2016, organisé par l'université Paris 8 et le Labex Arts-H2H (à paraître).

Marie-Paule BERRANGER : Poésie scopique et genèse de l'écriture
Dans ses nombreux carnets, Mandiargues inscrit des associations de mots où l'on reconnaît, rétrospectivement, les matrices de récits, de poèmes en vers ou en prose. Un même caractère "visionnaire", pour reprendre un terme que la critique picturale du Deuxième Belvédère érige en critère d'élection. Mandiargues dit procéder par "cristallisation d'images maintenues en état de vibration" : leurs ondes de choc ne semblent pas se propager de la même façon vers le récit et vers le poème. Cette puissance d'engendrement de la vision nous servira de point de départ pour examiner la façon dont les sons prenant le relais deviennent conducteurs, soit que l'élaboration de scènes visuelles évolue par amplifications et associations vers le conte, soit que substitutions de mots et combinaisons de sonorités conduisent au poème. Tout est affaire de degrés, cependant, comme le montrent, tantôt l'incrustation de séquences sonores récurrentes et de mots-emblèmes dans le récit, tantôt l'enchâssement d'une liste de noms, noyau matriciel du poème dans une structure temporelle, non sans tremblements de genre.

Marie-Paule Berranger est professeure à l'université de la Sorbonne Nouvelle.
Publications
"À quoi tient la poésie dans le récit : les contes cruels d'André Pieyre de Mandiargues", Actes du colloque de 2013 réunis par Christine Dupouy, La Poésie entre vers et prose, Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2016, p. 171-187.
"Le Croiseur noir : de la guerre froide au soleil d'Éros", Communication au colloque André Pieyre de Mandiargues, le poète, Abbaye d’Ardenne, déc. 2012.
"Les Carnets de création", in Plaisir à Mandiargues, Colloque du centenaire de la naissance du poète (mai 2009), textes réunis par Marie-Paule Berranger et Claude Leroy, Hermann, juin 2011, 411 pages.
"Je mourrai sans désaimer", Bernard Noël, André Pieyre de Mandiargues, Europe, janvier-février 2011, p. 285-288.
"André Pieyre de Mandiargues sur son Belvédère", in Tradizione e constestazione III, Canon et anti-canon. À propos du surréalisme et de ses fantômes, textes réunis par Catherine Maubon, Alinea editrice, 2009.

Marie-France BOROT : La ville est un songe, Mandiargues entre Éros et Thanatos
"Obstinément visuelle", selon les termes d'Alexandre Castant, l'œuvre d'André Pieyre de Mandiargues manifeste un certain désir d'écrire comme on peint en établissant entre les éléments des rapports de tonalité capables de faire surgir l'évidence du transitoire et du contingent. Dans le labyrinthe des bas-fonds exotiques du Barrio chino (Quartier chinois) de Barcelone, le narrateur de La Marge n'a de cesse de lier les fils de son histoire aux accidents du paysage urbain qu'il regarde en coloriste coruscant. Après Jean Genet, Claude Simon et bien d'autres, c'est en analyste des formes et des composantes chromatiques qu'il participe à la construction du mythe de Barcelone qui, chez lui, relève du mythe sacrificiel.

Marie-France Borot, professeur à l'université de Barcelone, membre de l'École de psychanalyse des Forums du Champ Lacanien, explore un espace critique qui confronte esthétiques et poétiques à une perspective analytique.
Publications récentes
"Un rêve d'Eugène Delacroix : végéter auprès de George Sand", in Evocar la literatura francesa y francófona de la modernidad, M. Carmen Figuerola (éd.), Universidad de Lleida, Pagès editor, 2019.
"Parcours du Voleur", in Les grains de sable seront doux comme le sucre, Christophe Balagna, Gérard Dasturgue (éd.), Ceres, Les Presses Universitaires, Institut Catholique de Toulouse, 2017.
"Stendhal, une âme rêveuse", in Sous le regard de Stendhal. Promenade à travers la nature et les arts, Encarna Medina Arjona (éd.), Euredit, 2017.
"Le voyage des arts : Dalí renaissant", in Entre l'Italie et l'Espagne. Les arts du voyage, Giovanni Dotoli, Encarnación Medina, Mario Selgaggio (éd.), Edizioni Universitarie Romane, Roma, 2017.
"Délires géologiques et autres. Les paysages de Salvador Dalí", in Jardins littéraires et méditerranéens, Encarna Medina Arjona (éd.), Peter Lang, Berne 2016.
"Les Thyrses d'Éros", in Périples & parages. L'œuvre de Frédéric Jacques Temple, Colloque de Cerisy, Marie-Paule Berranger, Pierre-Marie Héron, Claude Leroy (éd.), Hermann Éditeurs, 2016.
/

Érik BULLOT : Le Quatuor ambigu
À la suite d'ateliers, de rencontres et d'échanges menés au cours d'un séminaire qui s'est tenu en 2019-2020 à l'École nationale supérieure d'art de Bourges, les étudiants ont réalisé un film collectif, intitulé Le Quatuor ambigu, inspiré par l'œuvre et la vie de Mandiargues, sous la direction d'Érik Bullot. Il convoque la présence fantomatique de quatre artistes qui ont accompagné la vie et l'œuvre de Mandiargues : Leonor Fini, Bona, Leonora Carrington, Meret Oppenheim. Langage d'objets, lecture télégraphique, puissance visionnaire, dissonance, et ornement sont quelques-uns des motifs de ce film qui tente l'impossible saut entre littérature et cinéma.

Érik Bullot est cinéaste et théoricien. Auteur de nombreux films à mi-chemin entre le documentaire et le film d'artiste, il enseigne le cinéma à l'École nationale supérieure d'art de Bourges.
Publications
Le film et son double. Boniment, ventriloquie, performativité, Mamco, 2017.
Roussel et le cinéma, Nouvelles Éditions Place, 2019.

Alexandre CASTANT : L'autre cinéma ou Le Film (sonore) qui n'a pas eu lieu
Cette communication aura pour sujet le cinéma : dans la biographie de Mandiargues (sa découverte du septième art), dans son œuvre (il en est parfois question), et, à travers évidemment les adaptations de ses récits à l'écran (La Marée, La Marge, La Motocyclette, Tout disparaîtra…). De nombreuses questions apparaîtront alors, aussi bien sur la difficulté qui existe à adapter une écriture aussi "visuelle", mais aussi à travers la restitution que l'on trouve, dans son écriture, du rapport audiovisuel (entre l'image et le sonore, donc). Si les archives audiovisuelles de l'écrivain, les films qui ont été faits à propos de ou autour de lui, procèderont aussi de notre corpus pour mieux appréhender, précisément, cette relation entre l'image, le texte et le son, un élément, topographique, en sera enfin le symbole sémiologique : le Passage Pommeraye, sa fortune poétique et cinématographique.

Alexandre Castant est Professeur d'histoire de l'art contemporain à l'École nationale supérieure d'art de Bourges, il a soutenu une thèse de doctorat, en 2000, sur l'esthétique de l'image d'André Pieyre de Mandiargues (Esthétique de l'image, fictions d'André Pieyre de Mandiargues, Publications de la Sorbonne, coll. "Esthétique", Paris, 2001) et publié de nombreux articles sur l'œuvre de l'écrivain. Il est par ailleurs l'auteur de plusieurs livres sur l'histoire de l'art et l'esthétique de l'image et des arts sonores.

Lise CHAPUIS : Isabella Morra, la mort, la poésie : scénographie italienne
Publiée en 1973, créée en 1974 par la Compagnie Renaud-Barrault, la pièce Isabella Morra agence dans le lieu et le temps réduits du théâtre un ensemble de lignes de force italiennes qui sous-tendent l'œuvre d'André Pieyre de Mandiargues. On verra comment l'auteur y fait jouer topos, références et résonances entre les arts en un texte charnu, une langue hybride aux registres divers. Mise à mort d'une poétesse, cette pièce est aussi et surtout mise en scène de la poésie, et en particulier des poèmes d'Isabella di Morra dans la traduction d'André Pieyre de Mandiargues, dont on étudiera les choix poétiques avant d'évoquer la version italienne de la pièce réalisée par Bona, épouse de l'auteur, comme en reflet.

Lise Chapuis a soutenu une thèse de doctorat en littérature comparée intitulée "La "matière" d'Italie dans l'œuvre d'André Pieyre de Mandiargues" et publié divers articles sur l'auteur. Après une carrière enseignante, elle se consacre aujourd'hui à la traduction d'œuvres littéraires italiennes.
Dernières traductions parues
Borgo vecchio, de Giosuè Calaciura, Éditions Notabilia, 2019.
Robledo, de Daniele Zito, Éditions Christian Bourgois, 2019.
Malacqua, de Nicola Pugliese, Éditions Do, 2018.
Le livre des monstres, de J. Rodolfo Wilcock, Éditions de l'Arbre vengeur, 2018.

Alain CHEVRIER : Un gastropoète : l'art culinaire chez Mandiargues
L'art culinaire chez Mandiargues est infiltré par une sensualité et une sexualité se voulant transgressive, comme il se doit dans les parages du surréalisme, mais toujours très contrôlée. On passera en revue et on analysera les descriptions d'aliments exotiques, de plats singuliers, de repas baroques, et de conduites alimentaires perverses qu'il a proposées dans ses œuvres en vers et en prose, sans omettre de les confronter aux goûts que manifestait ce voyageur hédoniste dans la vie réelle.

Alain Chevrier a publié des travaux sur l'histoire des formes poétiques et sur le surréalisme. Il est membre de l'Oucuipo (Ouvroir de Cuisine Potentielle).
Dernières publications
La Matière et l'esprit : la littérature scatologique au XVIIIe siècle (2018).
Quelques (Couacs 6) (2019).
Zuppa inglese. Menus / poèmes (2020).
Quoi (Couacs 7) (2021).

Bahia DALENS : Constellations épistolaires mandiarguiennes
Parmi les correspondants d'André Pieyre de Mandiargues, on trouve des écrivains et des poètes, mais aussi des peintres et sculpteurs, des critiques, des journalistes, des éditeurs, ou encore des cinéastes et des compositeurs. L'auteur, pourtant réservé, s'y révèle dans ses sujets et dans son style, à la fois pudique et chaleureux, et des constellations épistolaires se déploient à travers ses lettres, faites d'échanges portant sur la création et d'entrelacements d'affects privés et de considérations artistiques ou professionnelles. Observer ces correspondances permet ainsi de cartographier un réseau de sociabilités propre à une famille artistique choisie, et d'y observer la circulation d'idées et d'affects, support à de nombreux commentaires critiques pour l'auteur des Belvédère.

Bahia Dalens prépare depuis 2015 une thèse de doctorat intitulée "André Pieyre de Mandiargues ou l'écriture du trouble", inscrite à l'université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle sous la direction de Marie-Paule Berranger. En 2019, elle est intervenue à plusieurs reprises lors d'événements scientifiques, portant notamment sur la notion d'invention, l'avant-garde ou encore les études génétiques, pour présenter les œuvres d'André Pieyre de Mandiargues et de Bona.

Suzanne DUMOULIN : Bona : au-delà du surréalisme
Après son mariage avec André Pieyre de Mandiargues en 1947, Bona s'installe à Paris en 1950 et fréquente le groupe surréaliste. Cette communication visera d'abord à présenter la proximité de Bona avec le groupe surréaliste, puis la manière dont l'artiste développe la singularité de son œuvre dès la fin des années 1950. Si les œuvres de Bona sont encore aujourd'hui peu visibles, un magnifique texte d'André Pieyre de Mandiargues nous révélait déjà les évolutions du travail de l'artiste en 1971. Les récentes recherches ont montré l'activité prolixe de cette artiste méconnue, soulignant l'originalité du travail de Bona, au-delà de son appartenance au groupe surréaliste. Nous étudierons notamment le cosmopolitisme de Bona et ses influences mexicaines, ainsi que sa technique artistique unique, les tableaux cousus collés.

Bibliographie
Croset Magali, "Bona, l'art et la littérature : les enjeux d'une poétique du fil", Thèse de doctorat, Université de Chambéry, 2005.
Dumoulin Suzanne, "Bona, Artiste surréaliste ?", Mémoire de Master 1 recherche en Histoire de l'Art, sous la direction de Fabrice Flahutez, Université de Paris Nanterre, 2018.
Mandiargues Bona de et Alain Vircondelet, Bonaventure, Éditions Stock, Paris, 1977.
Pieyre de Mandiargues André, Bona, l'amour et la peinture, Skira, Les Sentiers de la création, Genève, 1971.
Ponge Francis, Bona : panorama de vingt-cinq ans d'imagination et de création, Galerie de Seine, Paris, 1976.

Anne GARRIC : Détraquement textuel et "hachis de mots" : Le Musée noir de Mandiargues, un style de décadence
Le Musée noir révèle le goût prononcé d'André Pieyre de Mandiargues pour les thèmes de prédilection de la littérature fin-de-siècle des années 1890. Aussi choisira-t-on d'interroger, dans ce recueil de 1946, certains faits de style que l'on qualifiera de "décadents", en s'appuyant plus précisément sur la lecture du "Tombeau d'Aubrey Beardsley ou Les fashionables chinois". Il conviendra d'étudier une sorte d'hystérie du style mandiarguien, à travers plusieurs formes d'outrance linguistique, de surenchère syntaxique et, sur le plan lexical, dans la quête du mot rare et son jaillissement. On s'attachera par ailleurs à commenter les processus de dégradation référentielle et de perversion sémantique, opérés notamment au moyen de systèmes analogiques, dans les parties descriptives et dans le traitement des références intertextuelles. On verra ainsi comment l'écriture des contes met en œuvre, dans une représentation "métadécadente", un protocole stylistique de frelatage et de détraquement.

Agrégée de lettres modernes, Anne Garric prépare actuellement une thèse de doctorat en langue française dont la perspective est stylistique, sous la direction de Christelle Reggiani (Sorbonne Université). Intitulée "Styles de la malséance", elle porte sur un corpus d'œuvres de prose narrative de Georges Bataille, Jean Genet et André Pieyre de Mandiargues.
Publication
Anne Garric, ""L'homme du parc Monceau" d'André Pieyre de Mandiargues. Dénaturation du référent humain, altération linguistique et dépravation discursive", Roman 20-50, vol. 66, n°3, 2018, p. 143-155.

Eugenia GRAMMATIKOPOULOU : Dans le sillage de l'écriture mandiarguienne : filiations et affinités
Les récits d'Olivier Perrelet "Philine" (1967) et de Jacques Almira "Anna O'Hara" (1979) rendent hommage à André Pieyre de Mandiargues de manière bien plus complexe que nous laisse soupçonner la dédicace laconique qu'ils mettent en exergue à leurs textes. L'allure des deux héroïnes "en communication avec l'animal, le végétal et le minéral" et leur cheminement irrévocable vers un éclatement catastrophique, "panique et funèbre" (Deuxième Belvédère, 1958), reprennent des thèmes et des motifs récurrents chez Mandiargues. De même, la cadence et le style des deux épris (ou héritiers) de ce "surréaliste des marges" (Leroy, 1984) répercutent la "poétique du désastre" (Castant, 2001) qu'a élaborée Mandiargues et célèbrent sa figure préférentielle de "délicieuse(s) et sale(s) gamine(s)" (préface d'APM aux Petites filles criminelles) victime(s) du "terrorisme" de la nature et du merveilleux.

Professeure assistante et directrice du laboratoire de littérature comparée du département de langue et de littérature françaises de l'université Aristote de Thessalonique, Eugenia Grammatikopoulou a soutenu sa thèse "La création selon André Pieyre de Mandiargues : une "cosmogonie individuelle"" en 2007. Elle a contribué au n°5 de la revue Roman 20-50 (2009) consacré à Mandiargues ; elle a aussi préfacé et traduit un choix de poèmes et récits de l'auteur dans des revues littéraires grecques.

Misao HARADA
Docteure, professeure à l'université internationale Kaïchi (Japon), Misao Harada a soutenu sa thèse en mars 2013, sur "La Cohérence du texte chez André Breton" à l'université Paris III, sous la direction du Professeur Henri Béhar. Elle s'intéresse notamment aux relations entre les éléments graphiques et l'écriture de l'œuvre d'André Breton et a participé aux colloques de Cerisy : Poésie et politique au XXe siècle (2010) et L'or du temps — André Breton 50 ans après (2016).
Publications
"André Breton et l'"illustration photographique" - découverte d'un médium", dans Études de langue et littérature françaises, n°64.
"L'amour compassionnel" chez André Breton ou exprimer autrement le politique", dans Poésie et politique au XXe siècle, Henri Béhar & Pierre Taminiaux (dir.), Colloque de Cerisy, Hermann Éditeurs, 2011.
"André Breton critique d'art : l'exemple de Watteau", dans L'or du temps — André Breton 50 ans après, Henri Béhar & Françoise Py (dir.), Colloque de Cerisy, Mélusine, n°XXXVII, Éditions L'Âge d'Homme, 2017.

Inmaculada ILLANES ORTEGA : Mandiargues - Dubuffet : relations esthétiques
Mandiargues a déclaré son admiration pour l'œuvre de Jean Dubuffet dans plusieurs articles et textes critiques consacrés à la création d'un artiste qu'il qualifie de "visionnaire". Bien des aspects sembleraient pourtant éloigner l'art brut prôné par Dubuffet, volontairement simple et refusant toute érudition des spécialistes, de l'artifice et la théâtralité chers à l'écrivain. Mais, malgré toutes les différences qui les séparent, on retrouve dans les œuvres de ces deux créateurs des traces d'une sensibilité commune, que nous nous proposons d'étudier, et qui concerne trois questions particulières : l'importance du regard (sur les objets et sur la nature), le goût de la matière (formes, couleurs et textures, surtout minérales), et un commun intérêt pour le mur comme espace privilégié d'expression esthétique.

Inmaculada Illanes Ortega est Professeure titulaire au Département de Philologie Française de l'université de Séville et membre du groupe de recherche Littérature-Image-Traduction (Universités de Séville et de Cadix), sa recherche en littérature contemporaine s'articule autour de trois axes principaux : les relations écriture-peinture et les études sur la nouvelle et sur le genre fantastique. Dans ce cadre, plusieurs de ses travaux ont été consacrés à l'œuvre narrative d'André Pieyre de Mandiargues.
Publications
(2009) "Monsieur Mouton ou l'amour des sens", Roman 20-50. Revue d'étude du roman du XXe siècle, Hors série 5, 91-106.
(2006) "Escritura e imagen en la narrativa de André Pieyre de Mandiargues", Literatura-Imagen 3. Estudios comparativos : Representaciones culturales, cromáticas y visuales en la escritura, Sevilla, Secretariado de Publicaciones, 41-64.
(2005) "Del poema en prosa al relato poético", Anales de Filología Francesa, 13, 201-211.
(2004) "Un homenaje literario a Aubrey Beardsley", Estudios de Lengua y Literatura Francesas, 15, 211-247.

Stéphanie JAMET : La syncope ou Le théâtre de la mort
Les derniers soubresauts de vie de Dona Lavinia d'Alba donnent lieu au Théâtre de la mort. Par la syncope, mais surtout par l'état de présence-absence qui la caractérise, André Pieyre de Mandiargues révèle la puissance érotique d'un corps qui se meurt. Quels liens possibles peuvent être tissés entre l'image de l'évanouie et la représentation de la syncope dans l'art contemporain ?

Historienne de l'art, Stéphanie Jamet est professeure à l'École Nationale Supérieure d'Art de Bourges. Ses recherches actuelles portent sur les états résistance et les notions de production/dé-production dans la représentation du sommeil et de la syncope.
Publications
Out-and-Out (Ecstasies) d'Istvan Balogh, Éditions des presses du réel, 2012.
Regards sur le sommeil, en collaboration avec l'historienne de l'art moderniste Véronique Dalmasso, Éditions Le Manuscrit, 2015.
Actes de la journée d'étude La syncope dans la performance et les arts visuels / Syncope in Performing and Visual Arts (2017), avec le philosophe et performer Fred Dalmasso.
Continuant ses interrogations en dialogue avec Véronique Dalmasso, elle travaille actuellement à l'écriture de La syncope. Vertige de l'art à paraître aux Presses universitaires du Septentrion, publication qui prolonge l'exposition Syncopes et Extases. Vertiges du temps qu'elle a organisée au Frac Franche-Comté en 2019.

Marie JOQUEVIEL-BOURJEA : "…cet effort tendu vers la merveille…" : accompagner Les Rougets d'André Pieyre de Mandiargues
Étrange collaboration d'André Pieyre de Mandiargues avec plus d'une centaine de peintres et de plasticiens contemporains… Paradoxale, surtout, puisque posthume. L'entreprise revient aux éditions Fata Morgana qui, au début des années 2000, ont proposé à plusieurs artistes de fêter le mille et troisième ("mille et tre") numéro de la Maison en accompagnant Les Rougets de Pieyre de Mandiargues. Initialement engagée auprès d'une douzaine de plasticiens, l'aventure s'est poursuivie d'elle-même, pour compter, aujourd'hui, cent six collaborations ayant donné lieu à des volumes au format invariable (vingt pages de format 24x16 cm), dont les exemplaires constituent tous des originaux (entre six et trente par artiste). La collection est désormais clôturée, au terme d'une "pêche miraculeuse" qui aura duré une quinzaine d'années… Cette communication cherchera à comprendre comment le texte de Mandiargues, sorte de petit poème en prose, a pu générer et entretenir autant d'enthousiasme créatif, et susciter, à partir de ces "ravissants animaux" dont la couleur "hésite entre le bronze et le vermeil", des collaborations aussi diversifiées qu'inventives.

Agrégée de Lettres Modernes, Marie Joqueviel-Bourjea est Professeure des Universités à l'université Paul-Valéry Montpellier 3. Spécialiste de poésie contemporaine, elle s'intéresse plus largement aux écritures d'aujourd’hui. Sa recherche, que relaie un enseignement en Lettres et en Esthétique, s'attache également aux arts plastiques et aux relations qu'entretiennent poésie et peinture à la Modernité, singulièrement dans les dialogues qu'elles mettent en œuvre dans l'espace du livre d'artiste.
Dernières publications (sous sa direction)
NU(e) : une revue, des voix, la poésie. Une esth/éthique de la rencontre, Actes, Hermann, 2019.
Revue NU(e), n°67 : Paul Louis Rossi, Collectif, 2018.
Poésie sur les ondes. La voix des poètes-producteurs à la radio, P.-M. Héron, M. J.-B. & C. Pardo (éd.), PUR, 2018.
Philippe Claudel, un art du silence, M. J.-B., J. Cauville & P. Bonnet (éd.), Hermann, 2017.
Dany Laferrière, écrirevoir, Hermann, 2017.
Dernières études
"&", in Gérard Titus-Carmel : l'épreuve & la nécessité, (sld) S. Bédouret-Larraburu, M.-A. Bissay, I. Chol & S. Forero Mendoza, Actes du colloque organisé à l'U. de Pau (novembre 2018), revue Triages, 2019.
"Jacques Réda : l'imminence et l'extravagance de danser", in Articuler danse et poème : enjeux contemporains, (sld) B. Bonhomme, A. Godfroy, R. Lefort & J. Vellet, Actes du colloque organisé à l'U. Nice Côte d'Azur (octobre 2017), L'Harmattan, 2018.
"[…] des éclats qui captent et retiennent les regards […]", in Jean-Paul Michel. « La surprise de ce qui est », (sld) M. Bishop & M. Gosztola, Actes du colloque de Cerisy (juillet 2016), Classiques Garnier, 2018.

Marc KOBER : Le Japon nu et simple raconté par Mandiargues
La relation de Mandiargues au Japon semble évidente par une commune esthétisation de la mort et du sexe. Comme l'écrit Mandiargues, tout cela est d'une "simplicité impitoyable". Or, rien n'est simple dans le processus d'acculturation du monde japonais au monde de Mandiargues : aucune culture asiatique ne le séduit aussi durablement. Mascarets, Sous la lame et Le Deuil des roses forment un itinéraire déconcertant. Pourtant, les arts visuels et scéniques du Japon ont sans doute favorisé ici la mutation générale du style de Mandiargues vers un récit de plus en plus cruel et froid, où l'intrigue s'estompe au profit d'une approche géométrique de la mort. Nous voudrions indiquer dans notre communication la fécondité et les limites de la médiation culturelle des arts japonais dans l'œuvre de Mandiargues en interrogeant la notion de "simplicité" mise en avant par l'auteur.

Co-fondateur en 1990 de la revue La Révolte des chutes, puis membre actif des revues Supérieur Inconnu et La Sœur de l'Ange, Marc Kober est par ailleurs auteur d'une monographie sur l'écrivain égyptien Georges Henein (Éditions H. Champion, 2014), de L'Archipel des Osselets (Fayard, 2000) et de trois recueils de poèmes (Rougier V. Éditions). Normalien, agrégé de lettres modernes, maître de conférences en littérature française et comparée à l'université Paris 13.

Antonio LAVIERI
Professeur de Linguistique française et traduction à l'université de Palerme, Antonio Lavieri est Honorary Fellow à l'université d'Oxford (Magdalen College). Fondateur et Président de la Société Italienne de Traductologie et membre de l'équipe "Multilinguisme, Traduction, Création" de l'Institut des textes et manuscrits modernes (ENS-CNRS), il dirige en Italie les collections d'études traductologiques et comparatistes "Strumenti Nuova Serie" et "DieciXuno" (Mucchi). À partir des fonds manuscrits de l'IMEC, il a eu l'occasion de travailler sur les pratiques hybrides, multilingues et collaboratives de Bona de Mandiargues et des Surréalistes.
Publications
Esthétique et poétiques du traduire, 2005.
Translatio in fabula. La letteratura come pratica teorica del tradurre, 2016 [2007].
Il a traduit en italien le théâtre de Paul Valéry (Mondadori, Milano 2014).

Claude LEROY : Fleurs de Pieyre. Les trois naissances de la Jacinthe
Entre fin 1965 et début 1966, dans le malaise que provoque en lui chaque tournant, André Pieyre de Mandiargues a composé Jacinthes. Cette suite de treize poèmes, recueillie dans Ruisseau des solitudes (1968), garde trace d'une traversée initiatique au cours de laquelle le parfum érotique des jacinthes blanches se mêle à leurs métamorphoses. Selon la légende, la fleur est née du sang d'Hyacinthe, amant d'Apollon. Puis le nom de la hyacinthe a passé de la fleur à une pierre précieuse, tandis que la fleur se voyait attribuer le nom "terrible" de jacinthe. La deuxième métamorphose n'étant soutenue par aucun mythe, le poète comble cette lacune par une alchimie des signes. Brouillant sexes et règnes, joignant l'art du lapidaire à celui du fleuriste, il a "retourné comme un sac/ Le sexe pâle de la jacinthe". La plantant enfin sur son église, par une troisième métamorphose il change la jacinthe en fleur de Pieyre.

Claude Leroy est Professeur émérite à l'université Paris Nanterre.
Publications sur Mandiargues
Ouvrage personnel : Le mythe de la Passante de Baudelaire à Mandiargues, PUF, 1999.
Articles : "Le passage Mandiargues", Cahiers du XXe siècle, n°6, 1976 ;
"Éros palimpseste", Revue des Sciences Humaines, n°193, 1984 ;
"André Pieyre de Mandiargues ou le montreur de merveilles", dans La Beauté du merveilleux, dir. A. Gaillard, Presses universitaires de Bordeaux, 2011.
Édition : Écriture ineffable et autres poèmes, Poésie / Gallimard, 2010.
Ouvrage collectif : Plaisir à Mandiargues, dir. avec M.-P. Berranger, colloque du centenaire, Hermann, 2011.

Jean-Claude MARCEAU : Esthétique du baroque et affirmation du désir : la perversion revisitée par André Pieyre de Mandiargues et Gilles Deleuze
Si, pour Mandiargues, "l'écrivain est une sorte de voyant émerveillé", il s'en faut que son écriture, souvent marquée par l'excès, puisse être rabattue sur cette seule maxime surréaliste. Son œuvre participe en effet pleinement du mouvement de la culture, en traduisant les forces pulsionnelles qui l'animent en ses profondeurs, et entre par là même en résonance avec les débats qui, dans le champ de la psychanalyse et de la philosophie, renouvellent le freudisme en repensant, à partir de l'œuvre de Sade, le concept de perversion. Il s'agira, à travers la lecture de ses deux romans : La Motocyclette et La Marge, qui reçut le prix Goncourt en 1967, d'examiner comment l'écriture mandiarguienne développe une esthétique du baroque qui recroise les affinements du concept de perversion chez Jacques Lacan et Gilles Deleuze.

Jean-Claude Marceau, docteur en philosophie de l'université Paris 1, a soutenu une thèse intitulée "Deleuze et Lacan : l'entre-deux de l'inconscient". Ses champs d'intérêts sont la phénoménologie, la psychanalyse lacanienne, la schizo-analyse et le surréalisme, sur lequel il a publié divers articles dans des revues littéraires, ainsi qu'un livre intitulé Unica Zürn et l'Homme-Jasmin : le dit-schizophrène.

Cédric MONG-HY : Les démons de l'anatomie : orgies et organes imaginaires. Jeux d'influence chez André Pieyre de Mandiargues, Leonor Fini et Georges Bataille
Mandiargues, Fini et Bataille se connurent et se croisèrent sous les auspices d'un érotisme noir qui se traduit dans des images littéraires et picturales conversant les unes avec les autres par citation, allusion ou glissement. Cette communication se propose d'explorer les relations entretenues dans ce trio sulfureux. Plus particulièrement, elle s’attardera ici sur les délires organiques et anatomiques qui se déploient tant dans l'œuvre peint et dessiné de Fini que dans les récits de Mandiargues (entre autres "Les mines de Carmaux" et "Le sang de l'agneau") et de Bataille (notamment Histoire de l'œil et Histoire de rats). Il s'agirait ainsi de détecter et de savourer, dans ces trajectoires singulières, le goût des écarts informes de la nature et le souci de leur mise en vue.

Cédric Mong-Hy est docteur en littérature française et diplômé des Beaux-Arts. Il est professeur à l'École Supérieure d'Art de La Réunion, où il a enseigné l'esthétique et la sémiologie de l'image. Une large partie de ses écrits publiés porte actuellement sur l'œuvre de Bataille, lire principalement : Bataille cosmique – Georges Bataille : du système de la nature à la nature de la culture (Lignes, 2012).

Kacper Wiktor NOWACKI : Mandiargues et ses traces argentines
Cette communication essayera d'examiner l'empreinte argentine dans l'œuvre cosmopolite de Mandiargues. Tout d'abord, nous voudrions expliquer son début littéraire en Argentine et les circonstances de la publication de ses premiers récits en espagnol dans la revue Sur dans les années 1950. Nous tracerons ce parcours grâce aux correspondances de Roger Caillois, Octavio Paz ou José Bianco. Puis, nous analyserons un choix de textes critiques inédits de Mandiargues concernant les écrivains argentins comme Borges, Cortazar et Pizarnik et leur fascination commune pour Edgar Allan Poe et la figure du double. Nous étudierons de quelle façon les récits brefs de Mandiargues inscrivent ou rejettent les éléments du réalisme magique argentin. Enfin, nous présenterons le sort des traductions de Mandiargues à la lumière de ses correspondances avec Alejandra Pizarnik publiées en 2019 et les échanges critiques entre les deux écrivains.

Kacper Wiktor Nowacki, docteur en littérature comparée, a soutenu sa thèse "La dynamique de l'érotisme : étude comparative des romans La Marge d'André Pieyre de Mandiargues et La Pornographie de Witold Gombrowicz" (cotutelle université de Perpignan / université de Bergame). Passionné par l'œuvre d'André Pieyre de Mandiargues, il a participé aux colloques "Plaisir à Mandiargues" organisé en 2009 par l'université de Caen et "Mandiargues, le poète" organisé par l'IMEC en décembre 2012. En 2014, il a collaboré à l'organisation du premier colloque international sur Witold Gombrowicz à Buenos Aires, où il a effectué les recherches. Il a publié des articles sur André Pieyre de Mandiargues (Roman 20-50, "La Rencontre", "Actes" 2014 ; La décomposition : dynamiques et horizons, ouvrage collectif, PUP, 2019).

Roberta SAPINO : "L'imposant, redoutable et prodigieux théâtre" : André Pieyre de Mandiargues écrivain et dramaturge
Cette communication a pour ambition de mettre en avant une composante de la personnalité artistique de Mandiargues qui demeure en grande partie à découvrir : son activité d'écrivain pour le théâtre et de dramaturge. À travers l'analyse non seulement des pièces écrites et publiées par Mandiargues, mais aussi de quelques mises en scène de textes mandiarguiens réalisées du vivant de l'auteur, nous souhaitons mettre en valeur la participation de Mandiargues à un réseau de professionnels de l'art dramatique qui l'aurait aidé à développer une certaine conscience artistique dans le domaine théâtral, voire une véritable identité de dramaturge.

Roberta Sapino est chercheuse postdoctorale à l'université de Turin. Elle a soutenu une thèse de doctorat intitulée "André Pieyre de Mandiargues : une éthique du témoignage" (Université de Turin, Université de Nantes) et publié divers articles sur l'auteur.
Publications
""Pour mon plaisir à moi d'user de mon langage" : Isabella Morra entre l'Italie et la France", in Seduzioni teatrali nelle culture romanze, dir. P. Adinolfi & F. Bermejo Calleja, 2019.
""Un enfant des vagues et du cri des mouettes" : rencontres de l'homme avec la nature dans l'œuvre d'André Pieyre de Mandiargues", in Crossways Journal, n°2.1, 2018.
"Mythes, souvenirs, amours vénitiens. Reflets lagunaires dans l'œuvre d'André Pieyre de Mandiargues", in Profili romanzi. Modelli strutture e paradigmi di uno spazio culturale, dir. P. Calef, 2018.
""Nous passions entre des réalités étranges" : André Pieyre de Mandiargues lecteur de Filippo de Pisis", in Intrecci romanzi. Trame e incontri di culture, dir. O. Abbati, 2016.

Pierre TAMINIAUX : Mandiargues et le Mexique : de l'art à la poésie
Cette intervention se concentrera sur les Pages Mexicaines, un ouvrage publié à titre posthume qui traite du voyage long de quatre mois que Mandiargues et Bona firent au Mexique en 1958. Le voyage occupe en effet une place importante dans les écrits critiques de Mandiargues, et l'Amérique latine dans son ensemble, se place au premier plan de ses préoccupations à la fois artistiques et littéraires. Dans la mesure où l'auteur se situe à bien des égards dans une mouvance esthétique qu'on pourrait qualifier de post-surréaliste, on insistera ainsi sur la relation constante et soutenue de la culture mexicaine au surréalisme et, plus spécifiquement, à un imaginaire baroque et magique qui ne pouvait qu'attirer Mandiargues, notamment à travers l'œuvre d'Octavio Paz dont il sera question, même de manière succincte, dans cette communication. Celle-ci sera également établie sur une série de photographies personnelles de différents lieux qui sont représentatifs de l'espace culturel mexicain, marqué depuis toujours par l'art précolombien. En conclusion, on insistera sur le fait que le voyage, chez Mandiargues, s'incarne de manière privilégiée dans la forme du fragment autobiographique, plutôt que sous la forme du récit linéaire proprement dit. Le fragment est ainsi constitutif d'une expérience humaine et culturelle saisie dans son caractère éphémère. En ce sens, il renvoie à une perception poétique du monde de l'autre.

Pierre Taminiaux est professeur de littérature française et francophone du XXe et du XXIe siècles à Georgetown University.
Publications
Surmodernités : entre rêve et technique, L'Harmattan, 2003.
Littératures modernistes et arts d'avant-garde, Honoré Champion, 2013.
Du surréalisme à la photographie contemporaine : au croisement des arts et de la littérature, Honoré Champion, 2016.
Révolte et Transcendance : Surréalisme, situationnisme et arts contemporains, L'Harmattan, 2018.

Cæcilia TERNISIEN : L'érotisme et le fantastique chez Mandiargues… dans quelques œuvres captives ou chez quelques auteurs captifs
Quels écrivains André Pieyre de Mandiargues hante-t-il ? Explorant à sa suite les formes littéraires qui émeuvent, questionnant à sa manière la conscience mythique et la surnature, ou imitant son style baroque, ses thèmes obsessionnels et son érotisme noir…, Gérard Macé, Alain Jouffroy et Bernard Noël, mais aussi Dominique Noguez, Claude Mathieu, Pascal Quignard, Georges Olivier Châteaureynaud, Hubert Haddad et encore Simon Libérati, sont les auteurs qui, parfois nourris de littérature symboliste, surréaliste et romantique, souvent contre la réglementation de l'imaginaire et pour une écriture dissidente au-delà des genres, nous permettront de mettre en lumière la modernité de l'œuvre de Mandiargues. Nous nous proposons ainsi de relire son œuvre dans les interlignes des écrivains qui la citent, lui rendent hommage, écrivent en palimpseste et revendiquent son héritage.

Cæcilia Ternisien, agrégée et docteur en littérature et langues françaises, a consacré sa thèse à l'œuvre d'André Pieyre de Mandiargues (L'Entrelacs du corps et du romanesque, Hermann, 2016). Ses travaux sont consacrés en particulier à la poétique narrative, au romanesque, à la genèse textuelle, à la phénoménologie chez les romanciers des XXe et XXIe siècles. Elle est l'auteur d'une vingtaine d'articles parus notamment dans les revues Littérature, Poétique, Roman 20-50. Elle est membre du comité de rédaction des revues Roman 20-50 et nord'.

Iwona TOKARSKA-CASTANT : Poésie, cristallisation, abstraction
À suivre l'évolution, sur près d'un demi-siècle, des recueils poétiques de Mandiargues, leur métamorphose apparaît comme évidente : elle tend vers une concision formelle, parfois à la limite de l'abstraction, vers une forme de jeu avec les mots, proche des combinatoires. C'est cette évolution que la présente communication étudiera. D'une poésie inspirée par les élizabéthains, les romantiques allemands ou encore Lautréamont, l'écrivain évoluera, avec le temps, vers plus de dépouillement dans une écriture qui, dans Jacinthes par exemple, et malgré son chromatisme, deviendra en quelque sorte blanche. À cet égard, les poètes à propos desquels il écrit dans les décennies 1960-1970 (Bernard Noël, Denis Roche ou Jacques Roubaud) témoignent aussi de cette évolution inattendue, mais toujours féconde.

Après une thèse de doctorat en lettres sur André Pieyre de Mandiargues en 1997 (Université Paris X Nanterre), et publié de nombreux articles sur son œuvre, Iwona Tokarska-Castant a co-dirigé, avec Éric Dussert, l'édition de la correspondance entre André Pieyre de Mandiargues et Jean Paulhan (Gallimard, coll. "Les Cahiers de la NRF", Paris, 2009).

Birgit WAGNER : L'Archéologue, Gradiva et l'impact des images
Le récit L'Archéologue, dans Soleil des loups (1951), est évidemment une réécriture de Gradiva de Jensen (1903), déjà le titre l'indique, puisque le protagoniste de Gradiva, Norbert Hanold, fait aussi la profession d'archéologue. Or, si dans Gradiva, le parcours du protagoniste est un chemin vers la guérison de son trouble, magistralement analysé par Freud, le récit de Mandiargues prend exactement la direction contraire, c'est-à-dire d'un état de perfection statuaire à la déliquescence corporelle.
En plus, il y a l'impact des images (dans un sens large, des statues sont aussi des images, une réalité visible) : la Gradiva de Jensen et "la bella cesarina di cera" chez Mandiargues, dont le narrateur et Bettina subissent la vision plutôt qu'ils la contemplent (vision mortelle pour les deux). Quel est le rôle de l'image visuelle pour la littérature ?

Birgit Wagner, professeur des littératures française et italienne à l'université de Vienne. Présidente de l'Association Internationale Blaise Cendrars de 2012 à 2014.
Publications
"Strates de la mémoire. Une lecture de la trilogie "Les Eaux mortes", "Un cimetière indien" et "L'Enclos"", in M.-P. Berranger, P.-M. Héron et C. Leroy (éd.), Périples & parages. L'œuvre de Frédéric Jacques Temple, Colloque de Cerisy, Paris, Hermann, 2016, p. 443-453.
"Lis de mer et tours aux Sarrasins. Mandiargues et Ernst Jünger", in M.-P. Berranger et C. Leroy (éd.), Plaisir à Mandiargues, Paris, Hermann, 2011, p. 297-310.
Contribution au colloque "André Pieyre de Mandiargues le poète", Université de Caen Normandie (6-7 décembre 2012), Titre de l'intervention : "L'Âge de craie : glissements progressifs des pronoms personnels" (actes du colloque pas encore publiés).


BIBLIOGRAPHIE :

Œuvre d'André Pieyre de Mandiargues

Poésie
L'Âge de craie, suivi de Dans les années sordides, Astyanax et Le Point où j'en suis, Poésies complètes, Tome I, Poésie / Gallimard, 2009.
Écriture ineffable, précédé de Ruisseau des solitudes, de L'Ivre Œil et suivi de Gris de perle, Poésies complètes, Tome II, édition établie par Claude Leroy, Poésie / Gallimard, 2009.

Récits, nouvelles et romans
La Motocyclette, Gallimard, 1963.
La Marge, Gallimard, 1967.
L'Anglais décrit dans le château fermé, Gallimard, 1979.
Tout disparaîtra, Gallimard, 1987.
Récits érotiques et fantastiques, vie et œuvre par Sibylle Pieyre de Mandiargues, avant-propos de Gérard Macé, Gallimard, coll. "Quarto", 2009.

Théâtre
Isabella Morra, Gallimard, 1973.
La Nuit séculaire, Gallimard, 1979.
Arsène et Cléopâtre, Gallimard, 1981.

Essais
Les Monstres de Bomarzo, avec des photographies de Glasberg, Grasset, 1957.
Le Belvédère, Grasset, 1958.
Deuxième Belvédère, Grasset, 1962.
Troisième Belvédère, Gallimard, 1971.
Bona l'amour et la peinture, Skira, coll. "Les Sentiers de la création", 1971.
Le Cadran lunaire, Gallimard, 1972.
Arcimboldo le merveilleux (en coll. avec Yasha David), Robert Laffont, 1977.
Aimer Michaux, Fata Morgana, 1983.
Quatrième Belvédère, Gallimard, 1995.
Ultime Belvédère, Fata Morgana, 2002.
Les Rougets, Fata Morgana, 2003.

Traductions
• Octavio Paz, La Fille de Rappacini, Mercure de France, 1972.
• Filippo de Pisis, 11 + 1 poèmes, Fata Morgana, 1983.
• W. B. Yeats, Le Vent parmi les roseaux, Fata Morgana. 1984.
• Yukio Mishima, Madame de Sade, Gallimard, 1976.
• Yukio Mishima, L'Arbre des tropiques, Gallimard, 1984.

Entretiens
Le Désordre de la mémoire, entretiens avec Francine Mallet, Gallimard, 1975.
Un Saturne gai, entretiens avec Yvonne Caroutch, Gallimard, 1982.

Correspondance
• Bona et André Pieyre de Mandiargues, Correspondances, Filigranes, coll. "Saison", n°22, 2005.
• "Écris-moi tes hauts faits et tes crimes", correspondance avec Nelly Kaplan, 1962-1991, Tallandier, 2009.
• André Pieyre de Mandiargues et Jean Paulhan, Correspondance 1947-1968, édition établie, annotée et préfacée par Éric Dussert et Iwona Tokarska-Castant, Gallimard, coll. "Les Cahiers de la NRF", 2009.
• Leonor Fini et André Pieyre de Mandiargues, L'Ombre portée. Correspondance 1932-1945, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Le Promeneur, 2010.
• André Pieyre de Mandiargues et Alejandra Pizarnik, Correspondance Paris - Buenos Aires 1961-1972, commentaires de Mariana Di Cio, Ypsylon, 2018.
• André Pieyre de Mandiargues et Francis Ponge, Lettres familières 1950-1980, édition établie, annotée et présentée par Gérard Farasse, La Rochelle, Éditions Himeros, 2011.

Bibliographie critique (sélection)

• Bona et André Pieyre de Mandiargues, Correspondances, Filigranes, coll. "Saison", n°22, 2005.
• Castant Alexandre, Esthétique de l'image, fictions d'André Pieyre de Mandiargues, Publications de la Sorbonne, 2001.
• Castant Alexandre et Tokarska-Castant Iwona, Visions de Mandiargues – Modernité, avant-garde, expériences, Filigranes Éditions, coll. "Essai", Trézélan, 2020.
• Gras-Durosini Dominique, Mandiargues et ses récits : L'écriture en jeu, L'Harmattan, 2006.
• Grossman Simone, L'œil du poète. Pieyre de Mandiargues et la peinture, Paris-Caen, Lettres Modernes-Minard, coll. "Archives des lettres modernes", n°273, 1999.
• Laroque-Texier Sophie, Lecture de Mandiargues, L'Harmattan, 2005.
• Leroy Claude, Le mythe de la passante de Baudelaire à Mandiargues, PUF, 1999.
• Mallard Alain-Paul et Pieyre de Mandiargues Sibylle, André Pieyre de Mandiargues / Pages mexicaines, Gallimard / Maison de l'Amérique latine, 2009.
• Patriarca Francesco et Sibylle Pieyre de Mandiargues, L'Appartement, Filigranes, 2004.
• Pierre José, Le Belvédère Mandiargues, Adam Biro / Galerie Artcurial, 1990.
• Stétié Salah, Mandiargues, Seghers, 1978.
• Taminiaux Pierre, Littératures modernistes et arts d'avant-garde, Honoré Champion, 2013.
• Ternisien Caecilia, Mandiargues. L'Entrelacs du corps et du romanesque, coll. "Savoir Lettres", Hermann, 2016.

Ouvrages collectifs, revues, catalogues (sélection)

De la bibliothèque de Bona et André Pieyre de Mandiargues, catalogue de la Librairie galerie Emmanuel Hutin, 2005.
• André Pieyre de Mandiargues, De La Motocyclette à Monsieur Mouton, sous la direction d'Yves Baudelle et de Caecilia Ternisien, Roman 20-50, n°5, avril 2009.
• André Pieyre de Mandiargues, Europe, n°981-982, janvier-février 2011.
Plaisir à Mandiargues, sous la direction de Marie-Paule Berranger et de Claude Leroy, Hermann, 2011.
L'Œil d’un poète, collection André et Bona Pieyre de Mandiargues, catalogue de la vente chez Christie’s, 24 octobre 2011.


PARTENARIAT :

• Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC)


SOUTIEN :

• École nationale supérieure d'art de Bourges (ENSA Bourges)

Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


LEÏLA SEBBAR
D'UNE RIVE L'AUTRE, CROISER L'INTIME ET LE POLITIQUE


DU LUNDI 2 AOÛT (19 H) AU DIMANCHE 8 AOÛT (14 H) 2021

[ colloque de 6 jours ]


Une koubba près de Tiaret (aquarelle, mai 2010) © Sébastien Pignon


DIRECTION :

Aline BERGÉ, Sofiane LAGHOUATI

Avec la participation de Leïla SEBBAR


COMITÉ SCIENTIFIQUE :

Ferroudja ALLOUACHE, Catherine BRUN, Mireille CALLE-GRUBER, Anne DONADEY, Michel LARONDE, Martine MATHIEU-JOB, Christine PELTRE


ARGUMENT :

Née en 1941 dans l'Algérie coloniale, d'un couple mixte d'instituteurs qui l'éduquent dans la langue et la culture française laïque, Leïla Sebbar se rend en France pour ses études de lettres, puis s'engage dans le soulèvement de mai 1968, qui aiguise sa conscience des formes de domination sociale et genrée. Les mouvements de libération des femmes accompagnent son entrée dans le champ effervescent des littératures, des revues et de la critique des années 1970 et l'incitent à nouer durablement l'intime et le politique aux réalités du monde postcolonial : affirmation de nouveaux imaginaires, écritures inédites et métisses, personnelles et collectives, documentées et intermédiales. D'une rive l’autre, Leïla Sebbar lit, écrit, enquête, assemble. Essayiste, romancière, nouvelliste, elle interroge les liens complexes qui se trament à la croisée des temps, des guerres et des histoires d'exils, du local et du mondial, du féminin et du masculin, des langues et des cultures.

Doublé d'une exposition qui replacera le livre au carrefour des pratiques et des métiers, le colloque vise à réunir autour de l'auteure plusieurs témoins et relais de la genèse, de l'essor et des enjeux transculturels de l'œuvre : lectures, tables rondes et performances y feront ainsi entendre en langues, en gestes et en partage d'écoutes, la singularité et la portée de ses cheminements.


MOTS-CLÉS :

Algérie(s) / France, Archives, Arts / Littératures / Édition, Collectifs, Enfances, Exils, Féminismes, Genre(s), Imaginaires, Langues cultures, Minorités, Orients / Occident, Représentations / Situations (post)coloniales, Sebbar (Leïla), Violences


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 2 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants, ainsi que du Foyer de création et d'échanges


Mardi 3 août
Matin
Aline BERGÉ & Sofiane LAGHOUATI : Ouverture du colloque

RACONTER, TRAMER, FUGUER
Michel LARONDE : L'écriture en retenue : carrefours, nœuds, treillage

Après-midi
SHÉRAZADE, AUJOURD'HUI
Madeleine DOBIE : Shérazade en 1982 [visioconférence]
Mildred MORTIMER : Shérazade, la fugueuse et Isabelle Eberhardt, la vagabonde : deux personnages clés dans l'œuvre de Leïla Sebbar

Sofiane LAGHOUATI : Présentation de l'exposition "Ce qui se trame : sur le métier de Leïla Sebbar"

Vernissage de l'exposition


Mercredi 4 août
Matin
DIRE, INTERDIRE : ENTRE LES LANGUES
Martine MATHIEU-JOB : Écrire (sur) le silence [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

RÉSISTANCES ET TRANSGRESSIONS
Ferroudja ALLOUACHE : Celles qui disent non : voix de fugueuses, de rebelles dans l'œuvre de Leïla Sebbar

Après-midi
Manon PAILLOT : Leïla Sebbar au miroir d'Isabelle l'Algérien

Karima BERGER : Les fenêtres de Leïla Sebbar [lecture-performance]

Soirée
En commun avec le Foyer de création et d'échanges


Jeudi 5 août
Matin
IMAGES, IMAGINAIRES REVISITÉS, TEXTES / IMAGES / PASSAGES
Christine PELTRE : La "mémoire infidèle" : le regard d'un écrivain sur les peintres de l'Orient

FEMMES ET COLLECTIFS, L'INTIME ET LE POLITIQUE … ARCHIVES ET TÉMOIGNAGES
Martine SAGAERT : Leïla Sebbar - Michelle Perrot : chambres plurielles, chemins singuliers

Après-midi
Karin SCHWERDTNER : Des cartes postales et (des traces) du voyage chez Leïla Sebbar [visioconférence]

Femmes en mouvement, Années MLF, table ronde animée par Sofiane LAGHOUATI, avec Dominique DOAN & Luce PÉNOT (Éditions Textuel) [La forme et l'image à "Histoires d'elles"] et Leïla SEBBAR

Soirée
Adèle OAMSEL : Silences enfances [lecture-performance]


Vendredi 6 août
Matin
ÉDITION : RELAIS, TRANSMISSION
Anne DONADEY : Le généreux travail d'édition de Leïla Sebbar [texte lu par Anny Dominique CURTIUS]
Ida KUMMER : Une polyphonie de voix : réflexions sur les œuvres collectives et la mission éditoriale de Leïla Sebbar [visioconférence]

Après-midi
CHEMINS D'EXIL, COMPAGNIES NOMADES
Aline BERGÉ : Le détour de la Terre : écopoétique, écopolitique de Leïla Sebbar

Éditeurs, éditrices, table ronde animée par Sofiane LAGHOUATI, avec Marie-Noël ARRAS (Revue Étoile d'Encre & Éditions Chèvre-Feuille Étoilée), Elisabeth DALDOUL (Éditions Elyzad) [visioconférence], Patrice RÖTIG (Éditions Bleu Autour) et Leïla SEBBAR


Samedi 7 août
Matin
ALGÉRIES / FRANCES, MÉDITERRANÉES MONDES
Catherine BRUN : Le "s" d'Algéries [texte lu par Aline BERGÉ]

RELAIS, TRANSMISSIONS : ÉCOLES
Kamila SEFTA : Les paradoxes de l'école de la République

Après-midi
EXPOSER, DÉPOSER, RECONFIGURER
Dalila ABIDI : Étrangère au berceau
Anne SCHNEIDER : Mémoires du texte : l'œuvre de Leïla Sebbar au prisme de ses archives

Soirée
Lecture de textes créés à partir de l'exposition "Ce qui se trame : sur le métier de Leïla Sebbar", en commun avec le Foyer de création et d'échanges


Dimanche 8 août
Matin
Sabrinelle BEDRANE : Genèse des recueils algériens. Entretien avec Leïla SEBBAR
Aline BERGÉ & Sofiane LAGHOUATI : Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


TÉMOIGNAGES :

Un colloque de Cerisy autour de son œuvre. Rencontre avec Leïla SEBBAR, propos recueillis par Sylvain ALLEMAND.


RÉSUMÉS :

Dalila ABIDI : Étrangère au berceau
Je me suis inspirée du titre du recueil de Christian Bobin, Prisonnier au berceau, pour intituler le texte de ma communication. Prisonnier volontaire d'une terre jamais abandonnée, le poète y chante l'amour de sa ville natale. Leïla Sebbar se nourrit elle aussi du lien qui la rattache à son berceau, mais ce lien rappelle aussi qu'elle y est étrangère. Étrangère au berceau, Leïla Sebbar l'est assurément par l'exil linguistique que lui impose son père. Étrangère au berceau, elle l'est aussi par la distance sociale, culturelle et géographique qui l'éloigne de sa famille algérienne. Nous reviendrons sur des scènes qui se répètent sous sa plume. Ces scènes inscrites dans un rituel familial cher à l'auteure constituent de véritables motifs originels qui éclairent subtilement l'œuvre sebbarienne : il y est question de l'attachement à la terre natale, de l'exil de la langue, du sort des femmes, de la misère en terre colonisée…

Née en 1966 au Creusot, Dalila Abidi enseigne les lettres dans un lycée dijonnais. Sensible à la question de l'interculturalité entre les deux pays, elle a travaillé sur les traces de la migrance franco-algérienne dans les écrits de femmes. Elle a également publié des nouvelles dans la Revue Étoile d'encre (aux éditions du Chèvrefeuille étoilée) : L'exil ou la misère, La galette des rois, Les ballerines noires… Elle a participé à l'ouvrage collectif co-dirigé par Leïla Sebbar et Martine Mathieu-Job, L'Algérie en héritage.

Nora ACEVAL
C'est à l'Institut Charles Perrot d’Eaubonne, lors d'un colloque autour de "l'Imaginaire du Jeune Méditerranéen", que se fit ma rencontre avec Leila Sebbar. C'était il y a plus de vingt ans. Nous sommes originaires de la même région d'Algérie, celle des Hauts-Plateaux du Sud-Ouest dont la ville de Tiaret fut jadis la capitale administrative. Leila est née à Aflou, petite ville entourée des immenses terres steppiques et de pâturage où les nomades transhumants de Tousnina, mon village natal, se rendaient durant les périodes hivernales. Les contes que je présente en vidéo sont puisés du patrimoine oral de ces régions. Ils m'ont été transmis dans la langue de ma mère, l'arabe, qui est aussi la langue paternelle de Leila. Tous collectés et traduits en français par mes soins, le plus souvent je les raconte plutôt dans cette langue. Mais en hommage à mon amie je les dirai également dans la langue d'origine. Un conte grivois tiré des "Contes libertins du Maghreb" (auteure Nora Aceval, préface de Leila Sebbar et illustrations de S. Pignon, Ed. Al Manar) et un conte de sagesse inédit.

Nora Aceval conteuse et auteure est née dans une ferme en Algérie sur les Hauts Plateaux du Sud-Ouest, d'une mère arabe et d'un père français. Au sein de ce monde rural, parsemé de tentes nomades de sa tribu maternelle des Ouled Sidi Khaled, elle hérita de l'art de conter. Sa mémoire releva en arabe un riche répertoire de contes populaires qu'elle transmet en France, en français. Passionnée, elle continue d'arpenter sa terre natale pour enregistrer les récits traditionnels. Ce travail anthropologique vise à sauvegarder tout un imaginaire fertile ancestral ; tout un édifice que seule la mémoire peut cimenter. Nora a traduit et publié plusieurs Albums Jeunesse et recueils de contes.
noraaceval.com
Bibliographie
2020, Contes soufis de la tradition populaire, Ed. Al Manar Alain Gorius.
2018, Le moulin magique et autres contes du Maghreb, Illustrations : Diane de Bournazel, Ed. Al Manar.
2017, Réédition, Contes libertin du Maghreb, Illustrations : Sébastien Pignon, Ed. Al Manar Alain Gorius.
2013, La femme de Djha, Illustrations : Sébastien Pignon, Ed. Al Manar Alain Gorius (Neuilly/Seine).
2011, La chamelle et autres contes libertins du Maghreb, Illustrations : Sébastien Pignon, Ed. Al Manar.
2011, Contes d’Algérie, Livre CD, Illustrations : Marcellino Truong, Musique : Nasro Beghdad, Ed. Milan.
2007, Le prince tisserand, Illustrations : Laureen Topalion, Ed. du Sorbier, Album, PRIX SAINT-EXUPERY 2008.

Ferroudja ALLOUACHE : Celles qui disent non : voix de fugueuses, de rebelles dans l'œuvre de Leïla Sebbar
Si les femmes qui lisent sont dangereuses, celles qui racontent le sont tout autant. Les figures féminines, dans l'œuvre de Leïla Sebbar, occupent une place centrale dans l'espace discursif. La critique littéraire persiste à réduire les voix féminines à celles de femmes maghrébines, figures d'immigrées, de migrantes, de femmes de première ou de seconde génération. Cette approche, de tendance sociologique, situe et réduit l'œuvre et l'écrivaine à la croisée de deux cultures, deux langues: l'Algérie et la France, l'arabe et le français. Or, les conteuses et fugueuses, les rebelles et aventurières des récits de Sebbar participent à la fabrique d'une fiction jouant sur l'inattendu, rompant avec la conception binaire. Shérazade, Samira, Dalila racontent des histoires, déconstruisent les clichés, faisant voler en éclat la perception monolithique qui les catégorise. L'écriture est elle-même mise en abyme: plurielle, dialogique, métissée, elle invite à repenser les multiples ancrages fictionnels, les cadres spatio-temporels.

Ferroudja Allouache est Maître de conférences en Littératures française et francophones à l'université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis (EA 7322 Fablitt). Son domaine de recherche concerne la francophonie, l'histoire et la mémoire de la littérature, la généalogie et l'archéologie, les archives et la presse française en période coloniale. Elle a publié Archéologie du texte littéraire dit francophone 1921-1970 (2018) et est co-auteure de manuels de littérature parus chez CLE International.

Sabrinelle BEDRANE : Genèse des recueils algériens. Entretien avec Leïla SEBBAR
Leïla accepte de nous laisser pénétrer dans les coulisses de la création des recueils collectifs qu'elle a dirigés et auxquels elle a contribué. Nous en avons choisi quatre pour les étapes qu'ils représentent. Selon Leïla, le dernier en date L'Algérie en héritage (Bleu autour, 2020), correspond en effet à l'achèvement d'un parcours, celui de l'aventure algérienne commencée il y a vingt-trois ans, en 1997, avec Une enfance algérienne (Gallimard, Coll. "Haute Enfance"). En 2007, dix ans après, paraissait C'était leur France, en Algérie, avant l'Indépendance (Gallimard, Coll. "Témoins"), huit auteurs récidivant (dont Leïla) puis, neuf ans plus tard, Une enfance dans la guerre, Algérie 1954-1962 (Bleu autour, 2016), avec, cette fois, douze auteurs renouvelant l'aventure (toujours dont Leïla).
Nous lui poserons par conséquent les questions suivantes : Peut-on parler d'un vivier d'autrices/d'auteurs pour ces volumes collectifs, en somme d'un réseau constitué au fil des années ? Comment perçois-tu, chère Leïla, cette aventure algérienne : comme une succession de recueils distincts ou comme autant d'îles dessinant Al Djaza'ir ?
Nous avons choisi ces quatre ouvrages car s'y côtoient des communautés déchirées durant la guerre d'Algérie. Te vois-tu aux commandes d'une Singer imaginaire, cousant ensemble des vies séparées ? S'agissait-il pour toi de fixer un passé sans le figer et d'atténuer les différences entre ces communautés en les présentant à hauteur d'enfant ? Était-ce un but recherché ou une conséquence dans ton cheminement d'écrivaine ? Ces livres collectifs sont sur ton chemin pour venir à quelque chose de l'Algérie que tu ne connaissais pas. Y as-tu trouvé les Algéries différentes dont tu étais friande ? Qualifierais-tu ces recueils de boucliers (tu te protégeais) ou de tremplins (vers tes écrits personnels dont la récente Lettre à mon père) ?
D’autres questions surgiront sur la fabrique concrète de ces volumes : Les autrices/auteurs ont-ils voulu connaître leurs "voisins de recueil" ? J’ai cru comprendre, en tant que participante, que c'était secret. Confirmes-tu ? Quels refus as-tu essuyés et pour quelles raisons ? Tu as, je crois, chère Leïla, des histoires à raconter…

Sabrinelle Bedrane est maîtresse de conférences à l'université Sorbonne Nouvelle en littérature française/francophone, XXe/XXIe siècles. Elle a publié récemment un entretien avec Leïla Sebbar dans L'Algérie, traversées (Hermann, 2018, Actes d’un colloque de Cerisy) et codirigé Danièle Sallenave, une écriture impliquée (Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2018) ainsi que Le Format court. Récits d'aujourd'hui (Classiques Garnier, 2019, Actes d’un colloque de Cerisy) dans lesquels figure un entretien avec Leïla Sebbar sur le genre de la nouvelle. Elle a participé au numéro spécial de la revue CELAAN consacré à Leïla Sebbar publié à New York en 2016 ainsi qu'à L'Algérie en héritage, récits réunis par Martine Mathieu-Job et Leïla Sebbar (Bleu autour, 2020).

Aline BERGÉ : Le détour de la Terre : écopoétique, écopolitique de Leïla Sebbar
À la traversée de l'œuvre désormais fort ample et protéiforme de Leïla Sebbar, il est deux constantes de son écriture qui n'ont pas encore à ce jour retenu l'attention de la critique, alors qu'elles ont gagné en visibilité avec le temps, au fil des publications et à la lumière des ouvrages collectifs, des documents et des images qui les accompagnent : sa relation à la terre et au corps élémentaire du monde, et le motif du détour. En interrogeant la diversité et le croisement de leurs figures, on s'attachera en particulier à montrer que le détour de la Terre n'est pas seulement contraint — par les guerres, l'exil, les violences en tous genres — dans l'œuvre de Leïla Sebbar : qu'il est aussi choisi et cultivé comme tel, non seulement par les personnages de ses premiers livres, mais aussi dans la variété de ses écrits ultérieurs, dans les plus personnels comme dans ses collectifs. Qu'il ouvre selon les cas un horizon de fuite, un terrain d'enquête ou un lieu d'utopie, de travail, de vie et de poésie. L'écopoétique de Leïla Sebbar est aussi, en des instants de fulgurance, le lieu existentiel et réflexif d'une écopolitique qui s'invente et qui s'ancre par des gestes qui s'impriment dans la terre : qui ne sait qu'à l'initiative de Shérazade, à la sortie des arènes d'Orange, Jessye Norman chante pieds nus dans les vignes, la nuit, pour l'Afrique ?

Maître de conférences à l'université Sorbonne Nouvelle et membre de l'UMR 7172 THALIM, Aline Bergé mène des recherches interdisciplinaires en littératures et études françaises et francophones (poésie, récit, essai) et SHS, à la croisée des arts, des études culturelles, des études postcoloniales, des études de genre et des humanités environnementales.
Publications
Philippe Jaccottet, trajectoires et constellations – Lieux, livres, paysages, Lausanne, Payot, 2004.
En co-dir. avec M. Collot, Paysage & Modernité(s), Bruxelles, Ousia, 2007.
En co-dir. avec M. Collot et J. Mottet, Paysages européens et mondialisation, Seyssel, Champ Vallon, 2012.
En co-dir. avec B. Alazet, section "Littérature française XXe (France et francophonie)" du Dictionnaire universel des Créatrices, M. Calle-Gruber, B. Didier et A. Fouque (dir.), Paris, Éditions des femmes, 3 vol., 2013, édition numérique revue et augm. 2015.
Sur les relations entre la France et l'Algérie, articles sur les œuvres d'Assia Djebar et de Zahia Rahmani et communications sur l'œuvre de Leïla Sebbar et ses enjeux, à paraître : "Arrière-paysages des migrantes : compagnies de Leïla Sebbar" (autour de l'aventure collective d'Histoires d’elles, un parcours diachronique sur les ouvrages collectifs, 2014) ; "Du genre féminin à l'échelle du monde : quelques correspondances intercontinentales et transculturelles" (à partir de Lettres parisiennes, 2014) ; "Le parlement des mondes en FLE : la littérature et l'histoire en commun", Gayatri Chakarvorty Spivak dans le siècle. Politiques de lecture et écriture pour refonder l'imagination critique, M. Calle-Gruber et S.-A. Crevier-Goulet (dir.), Actes du Colloque international de l'université Sorbonne Nouvelle, 20-22 juin 2018, Calcutta / London / New York, Seagull Books.
A organisé en mars 2019 en Sorbonne une table ronde avec Leïla Sebbar, Silvia Baron Supervielle, Ying Chen et Maryam Madjidi, "Littératures francophones, langues du monde, formes de vie", dans le cadre du colloque interuniversitaire de l'université Sorbonne Nouvelle-USPC, Les francophonies dans la mondialisation, entre transmission et recherche (Films Productions Sorbonne Nouvelle).

Karima BERGER : Les fenêtres de Leïla Sebbar [lecture-performance]
Il s'agit d'un portrait libre de Leïla Sebbar, inspiré de ma lecture de son œuvre, et de ce que je sais de sa vie. Ce portrait ne sera pas une analyse littéraire. Il évoquera de façon sensible l'univers de l'écrivaine peuplé d'images (photos, dessins…) et de voix autres (les auteurs de la série des livres collectifs) comme autant de "fenêtres" éclairant ses chambres intérieures (le père, les femmes, la langue, la guerre…) et ses refus politiques de l'oubli et du déni.

Karima Berger est écrivain franco-algérienne. Ses romans et essais sont inspirés par sa double culture et la confrontation des langues, des sens et des croyances qu'elle implique. La figure de l'étranger la conduit à interroger l'épreuve de l'exil et ses capacités spirituelles d'enracinement.
Publications
Hégires, Actes Sud, 2017.
Mektouba, Albin Michel, 2016.
Les Attentives, Un dialogue avec Etty Hillesum, Albin Michel, 2014, Éd. de poche, 2018.
Toi, ma sœur étrangère. Algérie-France, sans guerre et sans tabou, Le Rocher, 2012, avec Christine Ray.
Rouge Sang Vierge (nouvelles), Éditions El Manar-Alain Gorius, 2010.
Éclats d'islam. Chroniques d'un itinéraire spirituel, Albin Michel, 2009.
Filiations dangereuses, Chèvrefeuille Étoilé, 2008, Prix Alain Fournier.
La chair et le rôdeur, Éd. de L'Aube, 2002.
L'enfant des deux mondes, Éd. de L'Aube, 1998, prix du Festival du premier roman.

Catherine BRUN : Le "s" d'Algéries
Dans "Procès d'une sous-culture dominante" (1984), Mostefa Lacheraf estimait Leïla Sebbar coupable de ne s'identifier nationalement à l'Algérie qu'à haute voix, quand son œuvre, complaisamment apatride, se délecterait de la condition exilique. Et de fait, Mes Algéries en France (2004), Journal de mes Algéries (2005) et ses suites (jusqu'en 2008), Voyage en Algéries autour de ma chambre (2008) outragent ostensiblement l'invariabilité codifiée des noms propres géographiques, qui n'ont couramment qu'un nombre, pour leur opposer un pluriel irrégulier. C'est à examiner les implications de ce coup de force linguistique et politique que cette communication s'attellera.

Catherine Brun est Professeure à l'université Sorbonne Nouvelle. Littéraire, ses travaux se situent au croisement des disciplines. Depuis son Pierre Guyotat. Essai biographique (Léo Scheer, 2005), ils portent sur les rapports de la littérature et du politique, le théâtre contemporain, l'écriture de la guerre d'Algérie, la littérature algérienne de langue française, la mémoire du terrorisme.

Dominique DOAN : La forme et l'image à "Histoires d'elles"
J'ai rejoint l’équipe d'"Histoires d'elles" (1977-1980) à la sortie du numéro zéro comme Luce Pénot avec qui je travaille comme graphiste indépendante. Nous mettons au point la maquette avec les contraintes de production d'un mensuel distribué en kiosque. C'est aussi l'occasion pour moi de m'exprimer en images, montages photos et reportages. À la suite de cette expérience nous participons à la réalisation du livre Des femmes dans la maison. Anatomie de la vie domestique (Nathan, 1981).

Madeleine DOBIE : Shérazade en 1982
Comme beaucoup de lecteurs et lectrices, les premiers textes de Leïla Sebbar que j'ai rencontrés furent les deux premiers tomes de la trilogie Shérazade. Celle-ci a fêté ses 17 ans en 1982 mais elle est restée jeune, incarnant la quête d'indépendance adolescente et une identité doublement minorisée qui n'a rien perdu de son actualité. Shérazade est tout de même le produit d'un contexte historique — celui du tournant des années 1980, et du parcours biographique, professionnel et intellectuel de sa créatrice. Cette intervention situe Shérazade dans ce contexte historique et biographique ; elle se penche notamment sur le rôle structurant des rapports intergénérationnels entre militants de la gauche et du mouvement des travailleurs immigrés et une nouvelle génération qui allait devenir celle des "beurs". Elle considère aussi le rapport entre le style saisissant du roman — par exemple l'incorporation de listes et de fragments — et les différents projets de recherche et d'écriture que Leïla Sebbar poursuivait à cette époque — en particulier son travail pour la revue spécialisée sur l'immigration Sans Frontière (1979-86). Shérazade est souvent lu en parallèle avec d'autres romans des années 1980 qui évoquent la marginalité sociale et la culture hybride des enfants d'immigrés en France, mais il prédate la plupart de ces textes. Le resituer dans le contexte de 1982 fait ressortir sa profonde originalité dans le paysage culturel de l'époque.

Madeleine Dobie est professeure de lettres françaises et de littérature comparée à la Columbia University. Ses recherches et son enseignement portent sur la culture dans des contextes coloniaux, sur les littératures maghrébines et antillaises et sur les dimensions culturelles de la migration et la diaspora. Elle est l'auteure de Foreign Bodies : Gender and Language in French Orientalism (2001, 2003), Trading Places : Colonization and Slavery in 18th-Century French Culture (2010) et, avec Myriam Cottias, Relire Mayotte Capécia, une femme des Antilles dans l'espace colonial français (2012) ainsi que de nombreux articles. Elle a édité/co-édité, entre autres, Maryse Condé, a Writer for Our Times (Yale French Studies, 2021), Remembering Assia Djebar (Romanic Review, 2017) et Africans in France, France in Africa (Comparative Studies in South Asia, Africa & the Middle East, 2006). Elle travaille actuellement sur un livre intitulé Beyond Violence : Culture, Politics and the Algerian New Wave.

Anne DONADEY : Le généreux travail d'édition de Leïla Sebbar
Peu d'écrivains font montre du mélange de générosité de cœur, d'humilité, et d'ouverture d'esprit nécessaires pour soutenir les œuvres d'autres auteur(e)s. Au fil des ans, Leïla Sebbar promeut les œuvres d'autres nouvellistes à travers la direction d'une dizaine de volumes collectifs. Ces volumes collectifs reviennent sur certains thèmes de prédilection de l'auteure comme l'enfance, le rapport aux parents, et la guerre d'indépendance algérienne. Surtout, ils reflètent la volonté de créer un territoire pluriel par la littérature. Ils rassemblent écrivains de tous bords, dépassent les clivages binaires, et offrent des espaces de "vivre ensemble" littéraire qui ouvrent des portes pour l'élaboration possible de reconceptualisations des relations multiculturelles.

Anne Donadey est professeure de français et d'études féminines à San Diego State University en Californie (États-Unis). Elle est l'auteure d'un livre sur les œuvres d'Assia Djebar et de Leïla Sebbar, Recasting Postcolonialism : Women Writing between Worlds (Heinemann, 2001), d'un livre sur les représentations de la guerre d'indépendance algérienne au cinéma, The Algerian War in Film Fifty Years Later, 2004-2012 (Lexington, 2020) et de l'article "L'expression littéraire de la transmission du traumatisme dans La Femme sans sépulture d'Assia Djebar", in Assia Djebar, littérature et transmission, W. Asholt, M. Calle-Gruber & D. Combe (dir.), Colloque de Cerisy (Presses Sorbonne Nouvelle, 2010).

Ida KUMMER : Une polyphonie de voix : réflexions sur les œuvres collectives et la mission éditoriale de Leïla Sebbar
Depuis 1996, Leïla Sebbar a dirigé une vingtaine d'ouvrages collectifs, rassemblant des écrivaines et des écrivains autour de thématiques prolongeant et amplifiant son propre travail. La démarche qui les sous-tendait m'a interrogée par sa singularité et sa complexité alors que je participais à trois d'entre eux : l'écrivaine les a conçus dans un désir d'archiver, de rassembler des souvenirs autobiographiques, accompagnés quelquefois de photos ou de textes courts et manuscrits, comme un écho à sa propre expérience. L'on y retrouve les questions chères à l'auteure : l'exil, l'enfance, la langue, le monde colonial et post-colonial, les questions de genres et de générations, le pays natal et le pays perdu. Cette approche qui s'inspire de l'archéologie consiste à réunir par l'écriture, des témoins aussi divers que possible, des traces (photos, objets, textes) d'un moment et d'un lieu précis, étroitement liés aux secousses de l'histoire du Maghreb. Elle offre donc une multiplicité de points de vue et produit une sorte de capsule spatio-temporelle d'un monde souvent disparu, comme par exemple : "C'était leur France, en Algérie avant l'indépendance", Éditions Gallimard, Coll. Travail éditorial de mémoire, à la croisée du personnel et du collectif, il engendre des ascendances et des descendances, il crée du semblable et du différent, du pluriel et du singulier ; il a en particulier pour mission, selon les mots de l'auteure elle-même de "lutter contre l'amnésie" et selon ceux de Denise Brahimi, "d'abolir ce qui divise". À propos de ces textes autobiographiques collectifs, Leïla Sebbar affirme : "Avec la présence des autres auteurs, je peux finalement me permettre de dire "je". Ils sont une espèce de protection. Il y a aussi le fait que ces textes collectifs sont conçus par des auteurs qui sont les derniers d'une situation coloniale qui n'existe plus. Ils représentent le passage d'un monde à un autre…" (Leïla Sebbar, entretien CELAAN, 2016).

Ida Kummer enseigne la littérature comparée à la New School University à New York. Elle dirige également la Section française à l'École Internationale des Nations Unies. Née en Tunisie, immigrée à Paris à l'âge de 12 ans, puis aux États-Unis à 25 ans, son écriture se concentre sur les flux entre ces trois lieux, leurs intersections avec l'Histoire et avec son itinéraire personnel. Elle co-dirige la revue CELAAN, publiée par Skidmore College (Centre d'études de la littérature et des arts d'Afrique du Nord). Elle a coordonné le numéro spécial de cette revue consacré à Leïla Sebbar en 2016. Elle a participé à trois des collectifs dirigés par Leïla Sebbar : Enfances tunisiennes, Elyzad 2010 ; Le Pays natal, Elyzad, 2013 ; Enfances juives en Méditerranée musulmane, Bleu Autour, 2013.

Sofiane LAGHOUATI
Conservateur et Chercheur qualifié au Musée Royal de Mariemont (Belgique), Sofiane Laghouati est coresponsable de la réserve précieuse (période 1830-aujourd'hui). Commissaire d'une dizaine d'expositions, il est également professeur invité à l'université de Louvain-La-Neuve en Belgique où il enseigne, depuis 2010, les littératures francophones ainsi que l'histoire du livre et de son graphisme. Éditeur scientifique et auteur d'ouvrages et d'articles portant tout aussi bien sur la littérature, les archives, les livres d'artistes que les arts graphiques, il codirige avec Myriam Watthee-Delmotte (Académie Royale de Belgique) et David Martens (Katholieke Universiteit Leuven) la plateforme numérique Littératures Modes d'emploi et, avec ce dernier, le groupe de recherche international RIMELL (Recherches Interdisciplinaires sur la Muséographie et l'Exposition de la Littérature et du Livre).

Michel LARONDE : L'écriture en retenue : carrefours, nœuds, treillage
Tout commence par la Parole. Toute parole, quelle qu'elle soit, intime et partagée, ruminative ou performative, se mue en écriture. Filtrée par le roman, la parole de Leïla Sebbar se transforme en histoire (racontée), puis en Histoire (vécue), directement (personnellement) et indirectement (collectivement). L'organisation et le fonctionnement de l'écriture de la parole sont abordés ici dans un esprit structural. J'observerai les effets que la parole produit sur la forme, qui vont du style parasitaire (conversations en suspens, phrases elliptiques, signes diacritiques, coupures, traces) à l'aspect ruminatif (mono- dia- pluri-logue) d'où ressort une écriture fortement marquée. Pour finir, je mentionnerai quelques exemples de l'extension du maillage de l'écriture du roman à d'autres genres de textes de l'auteure, une pratique que j'ai appelée ailleurs l'intratextualité de l'œuvre (Leïla Sebbar, 2003).

Michel Laronde, professeur émérite d'Études Françaises et Francophones à l'université d'Iowa, a introduit aux États-Unis le domaine des cultures postcoloniales des immigrations en France avec Autour du roman beur. Immigration et identité (1993). Suivent deux volumes d'articles sur le sujet, L'Écriture décentrée, La langue de l'Autre dans le roman contemporain en 1996 et Leïla Sebbar en 2003 puis Postcolonialiser la Haute Culture à l’École de la République en 2008. "L'Histoire dans la fiction. Les massacres du 17 Octobre 1961 à Paris" (titre provisoire) est en cours de publication.

Martine MATHIEU-JOB : Écrire (sur) le silence
Toute une partie de l'œuvre de Leïla Sebbar se trouve nouée à un manque, un silence fondateurs : ceux de l'arabe non transmis par le père. Les textes convoquent les moments volés qui ont permis l'interception de bribes de cette langue, restée délibérément incompréhensible, par une enfant dont la présence silencieuse pouvait être oubliée. À ces souvenirs premiers se superposent ceux d'autres situations d'interceptions à la dérobée de propos tenus entre immigrés arabes dans un square, dans un café parisien par une observatrice tout aussi silencieuse, toujours en retrait, avide de retrouver adulte l'émotion de l'enfant en présence de cette langue pénétrante et inintelligible : langue du secret et du sacré, entraperçue par effraction. Des récits fictifs doublent ces souvenirs par des anecdotes tout aussi symboliques aptes à circonscrire sans jamais les combler les trous, les blancs du discours paternel. Bien qu'obstinément liée au père, l'arabe devient langue imaginaire se situant sur la polarité symbolique du maternel, sorte de langue originelle à jamais perdue, se passant de toute élaboration en système parce que fondée sur l'immédiateté du sensible.

Martine Mathieu-Job est Professeur émérite de littératures française et francophones à l'université Bordeaux Montaigne.
Domaines de recherches : Littératures coloniales et postcoloniales de l'océan Indien et du Maghreb ; Écritures de la Méditerranée.
Ouvrages : Les littératures émergentes ; Axel Gauvin ; Mouloud Feraoun ; Albert Camus ; Les récits mémoriels liés à l'Algérie.
Derniers ouvrages publiés
Mon cher Albert. Lettre à Camus, Tunis, Elizad, "Sous les remparts", 2021.
L'Algérie en héritage (co-dir. avec Leïla Sebbar), Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu autour, 2020.
Albert Camus. Correspondance avec ses amis Bénisti. 1934-1958 (co-dir. avec Jean-Pierre Bénisti), Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu autour, 2019.
À l'école en Algérie. Des années 1930 à l'Indépendance (dir.), Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu autour, 2019.

Mildred MORTIMER : Shérazade, la fugueuse et Isabelle Eberhardt, la vagabonde : deux personnages clés dans l'œuvre de Leïla Sebbar
Shérazade, 17 ans, brune, frisée, les yeux verts (1982) et Les carnets de Shérazade (1985), deux romans consacrés aux pérégrinations d'une jeune fille d'immigrés maghrébins et un recueil de nouvelles, Isabelle l'Algérien (2005), retraçant la vie d'Eberhardt en Algérie ont des thèmes en commun : 1) le parcours de la jeune fille qui cherche à frayer son propre chemin en fuyant une société marquée par des contraintes ; 2) la lecture et l'écriture comme outils dans la quête identitaire ; 3) la découverte d'autrui ainsi que de nouveaux espaces géographiques à travers le voyage initiatique ; 4) la jeune fille marginalisée par sa naissance ; 5) l'Algérie vue comme une patrie à la fois réelle et imaginaire. Finalement, cette analyse qui comprend des écrits séparés par deux décennies nous permettra de discerner l'évolution littéraire de l'écrivaine.

Mildred Mortimer est professeure émérite de littérature francophone à l'université du Colorado (Boulder, États-Unis). Ses ouvrages critiques sur le Maghreb comprennent : Women Fight, Women Write : Texts on the Algerian War ; Maghrebian Mosaic : A Literature in Transition ; Mouloud Mammeri : écrivain algérien. Elle a traduit deux romans de Leïla Sebbar en anglais, La Seine était rouge et Le Silence des Rives.

Adèle OAMSEL : Silences enfances [lecture-performance]
Adèle Oamsel (Adeline Olivier), autrice et éducatrice spécialisée, propose une lecture-performance autour des essais de Leïla Sebbar : On tue les petites filles (Stock, 1978), Le pédophile et la maman (Stock, 1980), et du numéro 358 de la revue Les Temps Modernes que cette dernière a dirigé sous le titre Petites filles en éducation (mai 1976). Ces trois ouvrages constituent une des genèses de Silences enfances, roman en cours d'écriture. L'autre genèse se situe dans la période où elle a exercé en protection de l'enfance, auprès des juges des enfants du tribunal de Bobigny. À Cerisy, elle donnera à entendre le premier chapitre, centré sur l'archéologie des violences faites aux femmes, c'est à dire, celles faites aux petites filles, notamment les violences sexuelles, l'inceste.

Adèle Oamsel (Adeline Olivier) a été formée au CNR de Nantes, puis à l'ERACM, école nationale de théâtre. Elle performe, écrit des pièces, des poèmes : un second recueil a paru en novembre 2020 aux éditions Alidades. Elle anime des ateliers d'écriture et de jeu. Parallèlement, elle est éducatrice spécialisée. Elle a travaillé dans la protection de l'enfance en Seine-Saint-Denis puis aujourd'hui dans une unité de pédopsychiatrie, dans les Hauts-de-Seine. Tout en poursuivant l'écriture de Silences Enfances.
m-e-l.fr/adeline-olivier,ec,904
theatre-contemporain.net/biographies/Adeline-Olivier/

Manon PAILLOT : Leïla Sebbar au miroir d'Isabelle l'Algérien
Le personnage d'Isabelle Eberhardt traverse littéralement l'œuvre de Leïla Sebbar. Elle est "toujours là", "partout où [elle] écrit", au croisement de l'intime et du politique. Travestie en cavalier arabe, elle transgresse tous les interdits occidentaux, vivant en accord avec la terre d'exil qu'elle s'est choisie : l'Algérie. Elle est Si Mahmoud Saadi, jeune lettré arabe nomade parcourant à cheval le désert. Isabelle est une "compagne de route fidèle" permettant à Leïla Sebbar de renouer avec la terre paternelle, avec sa langue et son peuple. La jeune Russe apatride trouve en Algérie "l'exil heureux", le "pays selon son cœur", face inversée de l'exil problématique de Leïla Sebbar. Elle permet de faire le pont entre les deux rives de la Méditerranée en réalisant dans la fiction cette réconciliation intime. Comment Leïla Sebbar raconte-t-elle ce compagnonnage obsédant ? À la croisée de chemins menant invariablement au père, Isabelle est toujours une énigme à déchiffrer.

Manon Paillot est professeure agrégée de lettres modernes et exerce en lycée (Seine Saint-Denis). Elle a travaillé en Master à Paris IV-Sorbonne sur l'œuvre de Leïla Sebbar et plus particulièrement sur le rapport entre Isabelle Eberhardt et Leïla Sebbar dans les recueils Isabelle l'Algérien et Écrivain public.
Publications
"La quête du père", in Je ne parle pas la langue de mon père suivi de L'arabe comme un chant secret, Préface de Marie-Hélène Lafon, Illustrations de Sébastien Pignon, Bleu autour, 2016.
"Leïla Sebbar au miroir d'Isabelle l'Algérien, "Devenir l’autre, corps, plume et âme"", in Ida Kummer (ed.), CELAAN, vol. 13, n°2-3, Fall. 2016, "Leïla Sebbar".
Leïla Sebbar et Isabelle Eberhardt, Nouvelles et récits de Leïla Sebbar : Préface, édition et Postface de Manon Paillot, Illustrations de Sébastien Pignon, Bleu autour, 2021.

Christine PELTRE : La "mémoire infidèle" : le regard d'un écrivain sur les peintres de l'Orient
Dans le texte qu'elle a consacré au peintre Gustave Guillaumet, pour le catalogue de l'exposition de 2019, Leïla Sebbar a poursuivi le dialogue fécond qu'elle n'a cessé d'engager avec la peinture orientaliste, "si décriée" autour d'elle, pour "ce lien entre colonialisme, exotisme et orientalisme" : "j'entendais tout cela que je partageais en partie. Mais…". C'est à ce "mais" que l'on voudrait revenir ici en examinant le concours d'un écrivain à la réception de l'orientalisme artistique, en général réservée aux historiens de l'art. Très attaché aux motifs, aux textures, ce regard pourtant n'est pas celui d'un œil d'atelier et interprète les œuvres au miroir de débats contemporains, par exemple autour de l'image de la femme, l'un des fils rouges de la trilogie de Shérazade. On confrontera la voix singulière de Leïla Sebbar avec celle d'autres écrivains, tels Rachid Boudjedra ou Mathias Enard, qui se sont aussi exprimés sur les représentations de l'Orient.

Christine Peltre est Professeur émérite en Histoire de l'art contemporain à l'université de Strasbourg, agrégée de Lettres classiques.
Publications
Les arts de l'Islam. Itinéraire d'une redécouverte, Gallimard, 2006.
Femmes ottomanes et Dames turques. Une collection de cartes postales (1880-1930), Bleu autour, 2014.
Le Voyage en Afrique du Nord. Images et mirages d'un tourisme, Bleu autour, 2018.
Les Orientalistes, Hazan, 1997, 2018.
Directrice de l'ouvrage collectif : La Croisière. Imaginaires maritimes (XIXe-XXIe siècle), Mare&Martin, 2020.

Luce PÉNOT
Luce Pénot est graphiste indépendante en collaboration avec Dominique Doan, directrice de création à l'agence Textuel, et fondatrice des Éditions Textuel avec Marianne Théry. Graphiste à "Histoires d'elles", elle découvre le premier numéro zéro et adhère immédiatement à cette liberté de penser dans ce groupe de femmes. Plus tard, elle y propose une nouvelle forme visuelle, un objet entre presse quotidienne et magazine, adoptant ainsi une posture singulière dans le féminisme et dans le journalisme.

Martine SAGAERT : Leïla Sebbar - Michelle Perrot : chambres plurielles, chemins singuliers
Associant leur expérience et leur analyse singulière aux autres voix, puisant aux sources écrites et orales, picturales et photographiques, Leïla Sebbar et Michelle Perrot contribuent au récit historiographique des femmes. Elles participent d'une même "valorisation du collectif" et construisent une sorte d'"agora égalitaire" (Christine Bard). Dans son Histoire de chambres (2009) en neuf chapitres, Michelle Perrot élabore une typologie de "la chambre occidentale, surtout française". Du Silence des rives (1993) à Dans la chambre (2019), Leïla Sebbar fait vivre des chambres ancrées de part et d'autre de la Méditerranée. L'historienne et l'écrivaine écoutent les paroles muettes et les secrets retenus. Et Leïla Sebbar de partager la nostalgie d'une chambre véritablement privative, qui ne prive pas, qui ne restreigne pas, une chambre vide comme celle imaginée par la plasticienne Marion Baruch (Voir Michelle Perrot, Le Chemin des femmes, 2019), ouverte sur tous les possibles, matrice d'une "chambre à soi" avec vue sur la mer.

Martine Sagaert est professeure émérite à l'université de Toulon. Outre ses différentes publications sur la littérature du XXe siècle et en particulier sur l'œuvre d’André Gide, outre ses recherches sur "médecine et écriture", elle a travaillé sur l'histoire littéraire des femmes et publié avec Yvonne Knibiehler Les Mots des mères du XVIIe siècle à nos jours (Laffont, "Bouquins", 2016).

Anne SCHNEIDER : Mémoires du texte : l'œuvre de Leïla Sebbar au prisme de ses archives
Le dépôt en juillet et septembre 2013 des archives de Leïla Sebbar à l'IMEC, Institut des Mémoires de l'Édition Contemporaine dans l'abbaye d’Ardenne de Caen, m'a permis en tant que chercheuse de l'université de Caen-Normandie, sous partenariat avec l'IMEC, travaillant depuis longtemps sur cette autrice, d'effectuer des recherches sur son œuvre, de la revisiter et de la relire d'une façon différente. En effet, la cartographie opérée par la conservation des archives de Leïla Sebbar ouvre des perspectives touchant à la fois à la lecture de son œuvre dans sa globalité et dans le détail de sa création. Dans la mesure où Leïla Sebbar a elle-même classé ses documents : photographies, lettres, cartes postales, manuscrits, dessins, journaux, cartes, albums photos, notes, croquis, dessins, feuilles, contrats d'édition, coupures de presse issues d'Algérie ou de France, on peut considérer que cette architecture infra-textuelle a créé une mémoire du texte qui offre une focalisation renouvelée sur certains aspects de son œuvre. Cette redécouverte pour la chercheuse motive le dépôt d'un projet de recherches dont les premiers éléments seront présentés.

Anne Schneider est maîtresse de conférences en langue et littérature françaises à l'université de Caen-Normandie, LASLAR EA 4256. Elle travaille sur la littérature de jeunesse francophone et sur les questions de genre. Ses recherches sur Leïla Sebbar sont les suivantes : "Leïla Sebbar, des prémisses à la quête de soi", Association internationale des études françaises, LVIe Congrès, 6-9 juillet 2004, École normale supérieure, Paris, Actes du Congrès, in Revue de l'AIEF, 2 mai 2005, pp. 403-423 et Anne Schneider, La littérature de jeunesse migrante, Récits d'immigration de l'Algérie à la France, coll. "Espaces Littéraires", L'Harmattan, 2013.

Karin SCHWERDTNER : Des cartes postales et (des traces) du voyage chez Leïla Sebbar
Privilégiant la notion de photo-passage empruntée à Arlette Farge, nous souhaitons penser plus avant chez Sebbar, dans la perspective de la trace, le rapport entre texte, image et voyage, focalisant en particulier sur deux albums avec cartes postales : Voyage en Algéries autour de ma chambre (2008), dernier volet de "la trilogie du côté de [s]on père", et Femmes d'Afrique du Nord. Cartes postales (1885-1930) (2006), en collaboration avec Jean-Michel Belorgey. Il s'agira de montrer, d'une part, comment ces albums témoignent chez Sebbar de son expérience de "voyage" propre, et d'autre part, comment, à leur tour, ils se disposent à faire voyager.

Karin Schwerdtner est professeure agrégée à l'université Western, au Canada, où elle enseigne en Études françaises. Auteure de La femme errante (2005), elle a également codirigé La lettre trace du voyage à l'époque moderne et contemporaine (PU de Nanterre, 2019) et Risques et regrets. Les dangers de l'écriture épistolaire (Nota bene, 2015). Son livre Le (beau) risque d'écrire (Nota bene, 2018) comprend une interview avec Leïla Sebbar. Elle a récemment fait paraitre "Leïla Sebbar : son œuvre, ses lettres, ses fragments (entretien)" dans la revue Épistolaire (2020).

Kamila SEFTA : Les paradoxes de l'école de la République
Par paradoxes, j'entends la contradiction entre, d'une part, l'accès au savoir offert par l'école de la République, qui se veut universelle et, d'autre part, la négation de la diversité linguistique dans les écoles en Algérie, qui conduit certains élèves autochtones à éprouver un sentiment d'exclusion, car une partie de leur identité est occultée. De ce fait, certains élèves sont heureux d'aller à l'école et d'y recevoir un savoir, grâce au dévouement de leurs enseignants, mais ils sont en porte-à-faux vis-à-vis de l'enseignement qu'ils reçoivent. Leïla Sebbar esquisse cette situation dans son livre Je ne parle pas la langue de mon père : son père, instituteur à l'école de la République, lui parle le français, mais pas l'arabe. L'école de la République visait à former des élèves dont les cadres de pensée soient semblables à ceux des écoliers vivant sur le territoire métropolitain. Néanmoins, l'absence d'intégration des spécificités culturelles de l'Algérie coloniale a été l'une des causes de l'échec partiel de ce projet. Des enfants espagnols, italiens, algériens… ont été à cette école et maîtrisent aujourd'hui la culture française, mais nombre d'entre eux, tels Assia Djebar, Mouloud Feraoun, ou Kateb Yacine, soulignent qu'une partie de leur identité n'a pas été enseignée à l'école.

Née en Algérie en 1949, scolarisée à Alger de l'école maternelle à l'université, Kamila Sefta vit à Paris depuis 1971. Maître de conférences en didactique des langues à l'université Paris 3-Sorbonne Nouvelle, actuellement à la retraite.
Dernières publications relatives au colloque
"À la recherche de mon père", dans Une enfance dans la guerre. Algérie 1954-1962, Leïla Sebbar (dir.), Bleu autour, 2016.
"Le paradoxe de la République", dans À l'école en Algérie des années 1930 à l'Indépendance, récits inédits réunis par Martine Mathieu-Job, Bleu autour, 2018.


Exposition "Ce qui se trame : sur le métier de Leïla Sebbar"

Si les Moires de la mythologie grecque filent le destin de l'humanité, ce sont des tisserandes qui s'affairent sur le métier à tisser imaginaire de Leïla Sebbar : celles d'Aflou, sur le Djebel Amour où elle est née en 1941 d’un couple mixte d'instituteurs dans l'Algérie coloniale. À l'instar de ces licières réputées pour leurs tapis de haute laine, Leïla Sebbar travaille à nouer les fils de chaîne individuels aux fils de trame communs.

De l'essai à l'ouvrage collectif, de la nouvelle au roman jusqu'au récit de soi, il lui a fallu démêler l'écheveau des raisons qui l'ont menée à l'écriture en passant d'abord par la recherche en littérature, avec une thèse sur Le Mythe du bon nègre (1973), puis par l'engagement féministe dans l'aventure éditoriale d'Histoires d'elles (1977-1980) et deux enquêtes retentissantes sur les violences faites aux femmes depuis l'enfance.

Tout en cultivant son tropisme pour le travail collectif, Leïla Sebbar trace un chemin d'écriture singulier durant lequel elle fait passer des navettes entre la culture française de sa mère et celle de son père algérien qui ne lui est pas donnée d'emblée mais qu'elle recompose à force d'investigations. Avec une rare acuité, elle traque les traces indicielles et les objets qui témoignent ou éclairent, tour à tour, une communauté de destins, les chiasmes et les ressacs de l'histoire ou encore le parcours exceptionnel de personnalités qui, à l'image d'Isabelle Eberhardt, ont pris le risque de l'Autre.

L'exposition propose de s'intéresser aux livres et objets de Leïla Sebbar, colligés jusqu'au vertige du collectionnisme, qui accompagnent et interrogent dans "la chambre à soi" de l'écrivaine le travail de la mémoire et de l'écriture.


BIBLIOGRAPHIE :

• Site officiel et journal en ligne de Leïla Sebbar : leila-sebbar.fr
• Archives de Leïla Sebbar à l'IMEC (Abbaye d'Ardennes, Caen) [fonds de 78 boîtes en dépôt depuis 2013].
• Association Silence, on lit ! : silenceonlit.com
Féminismes en revue, de 1950 à nos jours (ouvert en juin 2020) : femenrev.persee.fr — Pour la revue Sorcières. Les femmes qui vivent : femenrev.persee.fr/collection/sorci
• Wafae Karzazi, Leïla Sebbar. Une écrivaine à la recherche de soi, Thèse de doctorat en études françaises, Université de Montréal, 2005 [en ligne, mars 2017].
• Ida Kummer (ed.), CELAAN, vol. 13, n°2-3, Fall. 2016 : "Leïla Sebbar".
• Audrey Lasserre, Histoire d'une littérature en mouvement : textes, écrivaines et collectifs éditoriaux du Mouvement des femmes en France (1970-1981), Thèse de doctorat en Littérature et civilisation françaises, Université Sorbonne Nouvelle, 2014 [en ligne, nov. 2017].
• Michel Laronde (dir.), Leïla Sebbar, Paris, L'Harmattan, 2003.
• Dominique Le Boucher, Traversières. Dialogues avec Leïla Sebbar, Paris, Marsa, 2015.
• Ghyslain Lévy, Catherine Mazauric, Anne Roche (dir.), L'Algérie, traversées, Actes du colloque de Cerisy (2017), Paris, Hermann Éditeurs, 2018.
• Anne Schneider, La littérature de jeunesse migrante. Récits d'immigration de l'Algérie à la France, Paris, L'Harmattan, 2013.
• Karin Schwerdtner, Le (beau) risque d'écrire. Entretiens littéraires, Québec, Nota Bene, 2017.


SOUTIENS :

THALIM (UMR 7172, CNRS) / Commission de la recherche [CR] / Direction des affaires internationales [DAI] | Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
Musée Royal de Mariemont (Belgique) — RIMELL
• Wallonie-Bruxelles International - Belgique (WBI)

Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


LES AUTRES NOMS DU TEMPS


DU SAMEDI 24 JUILLET (19 H) AU VENDREDI 30 JUILLET (14 H) 2021

[ colloque de 6 jours ]


"Le changement d'heure" (n°59) © Gilbert Garcin - Galerie Camera Obscura


DIRECTION :

Vincent BONTEMS, Étienne KLEIN


ARGUMENT :

Nous méditons sur le temps sans vraiment savoir à quoi nous avons affaire : est-il une substance ? un fluide ? une invention ? une illusion ? De nombreuses locutions familières suggèrent qu'il s'agirait d'une entité physique autonome, tandis que d'autres, aussi nombreuses et non moins éloquentes, laissent penser qu'il ne serait qu'une production de notre conscience, ou bien un aspect des processus naturels, voire une simple construction culturelle.

Au fond, à quoi le temps ressemble-t-il vraiment ? Est-il tel que le langage le raconte ? Comme nous croyons le percevoir ou le vivre ? Comme le représentent les équations des physiciens ? Comme le pensent les philosophes ? Comme le mesurent les horlogers ? Est-il même raisonnable de supposer que toutes ces conceptions renvoient à une réalité unique ?

Le but de ce colloque est de procéder à une expérience de pensée collective et transdisciplinaire : si l'on se passait du mot "temps" dans telle ou telle discipline ou domaine, que se passerait-il ? Quels autres mots faudrait-il utiliser ? Quel bénéfice en escompter en termes d'élucidation conceptuelle ? Quel serait le prix à payer en termes d'obscurité ou de contre-intuitivité ?

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2020, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2020 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Culture, Évolution, Histoire, Irréversibilité, Langage, Mémoire, Processus, Rythme, Tempo, Temps


CALENDRIER DÉFINITIF :

Samedi 24 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Dimanche 25 juillet
Matin
Alain CONNES : Y a-t-il du temps dans les mathématiques ?
Étienne KLEIN : Et si le paramètre t n'était pas le temps ? [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
François JULLIEN : Peut-on se passer de penser le temps ? [visioconférence]
Francis WOLFF : Fiat nunc. "Que le maintenant soit ! Et le monde fut". Le big bang métaphysique

Soirée
K2, une journée particulière, projection puis discussion avec François DAMILANO (cinéaste et alpiniste) [visioconférence]


Lundi 26 juillet
Matin
Vincent BONTEMS : Le temps comme obstacle épistémologique
Roland LEHOUCQ : Que devient le temps dans l'espace-temps ?

Après-midi
Jean-Pierre DUPUY : Le terme [visioconférence]
Isabelle SERÇA : Qu'a perdu et retrouvé Marcel Proust ?


Mardi 27 juillet
Matin
Virginie van WASSENHOVE : Le temps est-il un "cas" de conscience ? [visioconférence]
Gérard BERRY : Le temps formel, de la physique à l'informatique et à la musique

Après-midi
DÉTENTE


Mercredi 28 juillet
Matin
Pierre-Marie POUGET : L'idonéisme : un autre nom du temps, indissociable de la compréhension des autres
Hartmut ROSA : Aliénation et Résonance. Trois niveaux et deux modes d'expérience du temps

Après-midi
Daniel S. MILO : Les autres noms du futur. De l'invention de demain ou réchauffement climatique [visioconférence]
Armand HATCHUEL : L'autre nom du temps : l'inconnu. Chronicité, chrononomie, chronométrie
Gilles COHEN-TANNOUDJI : Cosmogonie quantique, le nom de l'autre temps ?

Soirée
Le temps suspendu, par Chloé MOGLIA (artiste et trapéziste)


Jeudi 29 juillet
Matin
Jacques JACOT : Réflexions d'horloger en guise d'introduction à la journée
Silvia de CESARE : Peut-on penser l'évolution en biologie sans le temps ?

Après-midi
François ROUSSEL : Le tempo d'une pensée. Descartes à contretemps
Alexei GRINBAUM : Le non-temps des machines apprenantes

Soirée
L'essence du tempo, par Geneviève LAURENCEAU (violoniste)


Vendredi 30 juillet
Matin
Christophe BOUTON : Existe-t-il un plus petit dénominateur commun aux différents discours scientifiques et philosophiques sur le temps ?
Elie DURING : La simultanéité e(s)t la forme du temps

Après-midi
DÉPARTS


TÉMOIGNAGES :

D’une oasis à une société de la décélération et de l'écoute. Rencontre avec Hartmut ROSA, propos recueillis par Sylvain ALLEMAND.

Participation de deux lycéens à un colloque de Cerisy. Rencontre avec Lyna FATAH et Léo PHAN CAO, propos recueillis par Sylvain ALLEMAND.


PRESSE / MÉDIAS :

• À propos des autres noms du temps. Entretien avec Étienne KLEIN (co-directeur du colloque) réalisé par Sylvain ALLEMAND [en ligne sur le site L'EPA Paris-Saclay | 23 août 2021].


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Gérard BERRY : Le temps formel, de la physique à l'informatique et à la musique
Le temps est évidemment essentiel dans toutes les théories et pratiques de la physique, comme le montreront plusieurs autres présentations à ce Colloque. Il y est généralement présenté sous la forme d'une flèche linéaire, la flèche du temps. Mais, si elle est naturelle pour les phénomènes physiques, cette représentation s'avère trop limitée à la fois pour l'informatique et pour la musique, les deux se rejoignant dans l'informatique musicale. Nous montrerons d'abord que la répétition d'événements quelconques à des instants quelconques (mètres, pas, battement de cœur, clics souris, réception de messages réseau) gagne beaucoup à être traitée de façon homogène avec celle de la seconde, ce que les approches liées à la flèche du temps ne font pas en général. Cette constatation a conduit à la création de nouvelles logiques temporelles pour bien en parler, ainsi qu'à de nouveaux langages informatiques permettant de décrire formellement, de programmer et de vérifier le comportement temporel des circuits et des logiciels informatiques. Ces nouveaux langages, créés pour la plupart en France sont devenus essentiels pour les systèmes cyber-physiques, ceux qui commandent et contrôlent informatiquement de façon très précise des processus matériels complexes (avions, trains, robots, etc.). Nous étendrons ces approches et techniques au domaine apparemment bien différent de la synthèse de musique par logiciel et ordinateur. Nous verrons comment utiliser nos approches généralisées des phénomènes temporels pour coupler harmonieusement interprètes humains et musiques synthétiques dans deux domaines, la musique contemporaine et la co-improvisation homme / machine en jazz. Pour la musique contemporaine, un sujet d'importance majeure est la relation entre rigueur formelle de la partition et liberté temporelle de l'interprétation, pour laquelle les variations de tempo jouent un rôle prépondérant. Nous présenterons le système Antescofo d'accompagnement automatique qui permet de faire suive en temps réel les musiciens par l'accompagnement synthétique au lieu faire l'inverse comme au XXe siècle, ce qui limitait grandement l'expressivité. Antescofo est maintenant disponible pour les amateurs et conservatoires, sous la forme de l'application Metronaut sur téléphones et tablettes. Nous présenterons enfin le système ImproteK qui permet une co-improvisation dynamique entre l'interprète et l'ordinateur en jazz. Ces deux systèmes, développés à l'IRCAM, peuvent aussi travailler ensemble et seront illustrés par des démonstrations en vidéo.

Vincent BONTEMS : Le temps comme obstacle épistémologique
Le recours au mot temps constitue-il un obstacle épistémologique pour la réflexion scientifique ? Dans "Le problème du temps historique", l'historien de l'art Erwin Panofsky proposait de distinguer entre un temps chronologique et un temps historique afin de ne pas confondre ce qui relève de la simultanéité chronologique et de la contemporanéité historique. Il définissait ainsi la "contemporanéité relative" comme objet de son analyse. En radicalisant son dispositif théorique par l'abandon définitif du mot temps et en le prolongeant par l'élaboration de règles de changement de référentiels historiques au sein de l'ordre chronologique (dans l'esprit des analyses de Reinhart Koselleck sur le présentisme et l'historicisme), nous défendrons que le mot "temps" conserve néanmoins une application légitime, quoique limitée, dans les sciences historiques en tant que conjonction du repérage d'un événement (ou de durées) et de la restitution d'une dissymétrie entre le passé et l'avenir (obligeant à envisager plusieurs futurs de l'événement). En nous appuyant sur une réflexion de Jules Vuillemin, consécutive aux discussions autour de son ouvrage Nécessité ou Contingence, nous montrerons que cette position conduit à un dilemme entre deux métaphysiques opposées qui font probablement un usage abusif de la notion de temps. Cette stratégie de déflation des usages légitimes du mot temps est-elle réservée aux sciences historiques ? En nous basant sur une expérience de pensée du mathématicien Émile Borel, nous tâcherons au contraire de montrer qu'elle est transposable aux sciences physiques et qu'elle éclaire des dérives métaphysiques analogues au sein de certaines interprétations de la cosmologie relativiste (univers-bloc) ou de la mécanique quantique (mondes multiples) qui tendent à en faire une éternité ou un "hyper-temps".

Christophe BOUTON : Existe-t-il un plus petit dénominateur commun aux différents discours scientifiques et philosophiques sur le temps ?
La notion de temps est utilisée dans des champs très divers, qui vont de la philosophie aux sciences de la nature en passant par les sciences humaines. On parle ainsi de "temps physique", de "temps géologique", de "temps biologique", de "temps historique", de "temps social", etc. Cette plurivocité soulève plusieurs questions qui seront abordées à partir de quelques études de cas : les différents sens du temps impliqués dans ses différents usages réfèrent-ils à la même chose ? Sont-ils compatibles entre eux ? Et si oui, permettent-ils de dégager un ou des points communs, des invariants, qui permettrait de préciser ce que veut dire le mot "temps" ?

Christophe Bouton est professeur de philosophie à l'université Bordeaux Montaigne, membre du centre SPH. Ses recherches portent sur l'histoire de la philosophie allemande, les théories de l'histoire (XIXe et XXe siècles) et sur la question du temps dans la philosophie contemporaine.
Principales publications sur le temps
Temps et liberté, Presses Universitaires du Mirail, 2007 (trad. anglaise Time and Freedom, Northwestern University Press, 2014).
Le temps de l'urgence, Le Bord de l'eau, 2013.
Temps de la nature, nature du temps. Études philosophiques sur le temps dans les sciences naturelles, Volume collectif édité avec Philippe Huneman, CNRS éditions, 2018.
L'accélération de l'histoire. Des Lumières à l’Anthropocène, Éditions du Seuil, À paraître en 2021.

Elie DURING : La simultanéité e(s)t la forme du temps
Tout serait plus simple s'il nous manquait un mot pour dire le "temps" ! Pour notre malheur, ce mot existe, aiguisant notre perplexité devant l'objet fuyant qu'il paraît désigner. Ce sentiment se dissipe quelque peu si l'on s'avise que le temps n'est pas un objet, une sorte d'"éther" processuel dont il y aurait sens à se demander s'il "existe", s'il est "un" ou "multiple", comment il s'y prend pour "passer", ou s'il est susceptible d'"accélérer" ou de "ralentir", etc. Les difficultés resurgissent si l'on reconnaît qu'il n'est peut-être pas davantage un concept, un instrument intellectuel permettant de catégoriser et de classifier une diversité de phénomènes ou de traits "temporels" en les rapportant à des plans d'expérience hétérogènes (vécu et mesure, consciences et horloges, etc.). Je montrerai que s'il n'est pas un concept, le temps est pourtant à coup sûr une forme. Comme tel, il a moins affaire à des objets ou des domaines d'expérience qu'à des significations. Il y a deux grandes manières d'envisager cette forme temps. On peut le faire, classiquement, en y voyant la forme du changement, articulant succession et permanence : c'est le problème de la persistance. On peut le faire, et c'est plus rare, en y voyant une enveloppe du devenir rassemblant en faisceau une multiplicité de flux de durée plus ou moins dispersés : c'est le problème de la coexistence. Je m'intéresserai à ce second problème du point de vue d'une question aiguisée par la théorie de la relativité : quelle réalité accorder à la simultanéité à distance ? Je défendrai l'idée que c'est précisément au moment où la simultanéité est réputée relative au choix d'un système de référence que son usage temporel acquiert une véritable portée formelle, en nous forçant à en généraliser le concept au-delà de ses figures locales ou globales: telle est la vraie leçon des jumeaux de Langevin. Enfin j'indiquerai comment un certain nombre de caractères habituellement associés à la seule dimension du successif (tels que la continuité, l'indétermination ou l'accélération) sont mieux compris si on les réfère d'emblée à la dimension du simultané. En renversant une formule de Kant, le "temps" pourrait bien s'avérer la plus intéressante des idées dérivées du simultané.

Elie During est maître de conférences en philosophie à l'université Paris Nanterre.
Publications
Faux raccords : la coexistence des images, Actes Sud, 2010.
Le Futur n'existe pas, B42, 2014.
Plusieurs éditions critiques de Bergson : Durée et Simultanéité (Puf, 2009), Le Souvenir du présent et la fausse reconnaissance (Puf, 2012).
Avec E. Alloa, a dirigé Choses en soi : métaphysique du réalisme, PUF, 2018.
À paraître en 2021 : une nouvelle édition de La Dialectique de la durée de Bachelard.

Alexei GRINBAUM : Le non-temps des machines apprenantes
Un phénomène qui, dans le langage du mythe, est exprimé par la locution "révéler un choix divin", se dit différemment à un autre niveau d'interprétation, dans l'explication des décisions prise par l'intelligence artificielle. Sur l'exemple de xAI (Explainable AI), problème d'explication dans l'apprentissage machine, cette intervention mettra en évidence un mélange intriqué des temporalités qui accompagne toute construction d'un récit explicatif.

Alexei Grinbaum est philosophe et physicien. Chercheur au laboratoire Larsim du CEA-Saclay, il est spécialiste de l'information quantique. Depuis 2003, il s'intéresse aux questions éthiques liées aux nouvelles technologies, notamment aux nanotechnologies, à l'intelligence artificielle et à la robotique. Il a été coordinateur pour la France de l'Observatoire européen des nanotechnologies et partenaire du projet européen "Recherche et innovation responsables en pratique" (RRI-Practice). Il est également Membre du Comité national pilote d'éthique du numérique et de l'IA et de la Commission d'éthique de la recherche en numérique (Cerna).
Publications
Mécanique des étreintes, Encre Marine, 2014.
Les robots et le mal, Desclée de Brouwer, 2019.

Jacques JACOT : Réflexions d'horloger en guise d'introduction à la journée
L'histoire des techniques utilisées en horlogerie est marquée par la recherche de la meilleure stabilité de marche d'une montre à une époque où les bateaux n'avaient pas d'autre moyen qu'une horloge pour repérer leur longitude sur le globe terrestre. De nos jours, les fonctions de la montre sont fort diverses : reflet de l'appartenance de son propriétaire à une catégorie de personnes dans la société, instrument servant à la ponctualité de son détenteur, indication sur le style de vie de son propriétaire, etc… Notre besoin de précision de la marche de la montre existe encore, mais il va de soi que la montre doit indiquer l'heure qu'il est sans défaillance! À celui qui la fabrique de trouver les bons critères pour concevoir un produit qui plaira à ses clients. En général nous souhaitons que notre montre soit toujours à l'heure sans jamais devoir la régler, même si elle reste quelques jours sur notre table de nuit. Nous verrons quelques écueils à vaincre pour que cet instrument soit robuste et comment les ingénieurs doivent analyser les fonctions à satisfaire pour y parvenir. Nous devons formaliser clairement les besoins des clients, même s'ils ne les ont jamais exprimés et nous serons jugés sur l'attractivité des produits mis sur le marché. Ce challenge requiert la mise en pratique de méthodes de conception qui se rapprochent fortement de celles de la démarche scientifique : définir clairement les objectifs à atteindre, construire une réponse à la demande formulée et mettre à l'épreuve la solution trouvée. Ici point de vérité à découvrir sur la nature du "temps", mais des réponses plus ou moins idoines aux besoins de se repérer dans des rythmes et des durées qui vont évoluer avec le public cible.

Ingénieur de formation, Jacques Jacot a travaillé à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne dans les asservissements pour robots d'assemblage de haute précision avant de faire 20 ans dans l'industrie dans la conception d'installations de production et de produits microtechniques alliant de la mécanique de précision, de l'électronique de mesure et du logiciel embarqué. Engagé ensuite comme professeur à l'EPFL à Lausanne il a mené un groupe de chercheurs travaillant sur mandats de l'industrie et s'est occupé de la formation d'ingénieurs universitaires. Depuis sa retraite, il continue de remplir des mandats de consulting en technologie de pointe pour des entreprises.

Étienne KLEIN : Et si le paramètre t n'était pas le temps ?
Chacun sait en effet que c'est Isaac Newton qui a introduit en physique la variable t dans les équations de la dynamique et qu'il a choisi de la baptiser "temps". Nous sommes tellement habitués à cette représentation qu'elle nous semble naturelle, au point que nous ne pensons plus à poser cette simple question : à partir de quelles connaissances antérieures a-t-il pu reconnaître le temps même sous les traits d'un être mathématique aussi rachitique ? En toute logique, il aurait dû nommer le paramètre t d'une autre manière, puisque ce temps physique, qu'il inventait, n'a aucune des propriétés que nous attribuons d'ordinaire à l'idée de temps. S'agit-il là du vrai temps, ou seulement d'une mutilante caricature ? Le paramètre t ne désigne-t-il qu'un temps amaigri, amputé ou incomplet, voire tout à fait autre chose que le temps ?

Étienne Klein est philosophe des sciences, directeur de recherches au CEA. Il dirige le Laboratoire de recherche sur les sciences de la matière du CEA et est membre de l'Académie des technologies. Il anime tous les samedis sur France-Culture "La conversation scientifique".
Publications
Matière à contredire, essai de philo_physique, Champ-Flammarion, 2018.
Ce qui est sans être tout à fait, essai sur le vide, Actes Sud, 2019.

Roland LEHOUCQ : Que devient le temps dans l'espace-temps ?
La notion de chronologie est fondée sur une échelle de temps construite par accumulation de durées successives, réputées identiques. Elle a été totalement chamboulée par l'espace-temps des relativités restreinte et générale d'Einstein : l'ordre chronologique peut être renversé, la durée dépend de l'observateur, des horizons peuvent limiter la possibilité même d'une mise en relation des événements. En outre, dans la cosmologie moderne, dérivée de la relativité générale, il est question d'un "temps cosmique". Comme l'expansion de l'Univers est accélérée, il existe un "horizon des événements" que les objets lointains finiront par franchir, faisant petit à petit disparaître les indices de cette expansion et la possibilité même de la définition d'un temps cosmique.

Daniel S. MILO : Les autres noms du futur. De l'invention de demain ou réchauffement climatique
Trahir le temps I : le siècle. Le temps et un et indivisible ; pour le rendre intelligible, il faut le charcuter. Inventé vers 1600, le siècle a été adopté en 1800, quand la fin d'une ère coïncida avec la raison métrique. Depuis, les historiens ne cessent d'en nier le sens tout en étant incapables de s'en priver. Ils ont raison : plus les tranches temporelles sont arbitraires, donc neutres, plus elles sont heuristiques. L'histoire comme science est concomitante à la périodisation en siècles.
Trahir le temps II : le futur. La flèche du temps commence au Big Bang et s'arrête au présent ; le futur appartient au néant. La faculté de se projeter dans ce néant, de faire des plans, et de les partager avec autrui, a jailli en Afrique il y a 60000 ans. Parce qu'inexistant, l'à-venir sécrète des options à la chaîne. L'excès est né de la cuisse du futur.

Daniel S. Milo est né en Israël en 1953. Ex-EHESS, il compte à son actif neuf livres, trois vidéoarts et quatre productions théâtrales.
Aspects de la survie culturelle (thèse, 1986) traite du jugement de la postérité.
Trahir le temps (histoire) (1991) étudie en les manipulant quelques modes de découpage du temps : siècle, génération, décade, coupure avant-après JC, l'An Mil.
L'Invention de demain (2011) propose de voir en ce moment le small bang. Le livre développe le lien causal entre futur et excès.
Voir TooMuch.Us et Good Enough : The Tolerance for Mediocrity in Nature and Society (2019).

Pierre-Marie POUGET : L'idonéisme : un autre nom du temps, indissociable de la compréhension des autres
Le mathématicien-philosophe Ferdinand Gonseth (1890-1975) pense "en plein champ". Sa philosophie se caractérise au premier chef par le souci de l'idoine, de ce qui, dans la situation, convient au mieux. Pareil souci la tourne vers l'avenir à même son présent enrichi des leçons du passé. Elle place tout acquis, si élaboré et fiable soit-il, sous le sceau du révisable. Un "je ne sais quoi que l'on atteint d'aventure" la tient constamment ouverte à une éventuelle remise en question qui peut l'atteindre jusqu'en ses bases. De tels remaniements se sont produits et rien n'empêche qu'il s'en produira encore. Ils retentissent si profondément sur tous les aspects de l'expérience humaine, qu'ils entraînent le passage d'une époque à une autre. Dans ces conditions, tout nous laisse penser que l'idonéisme soit un autre nom du temps, indissociable de quelques autres. Nous nous proposons de le confirmer en nous appuyant sur les grandes lignes de cette philosophie.

Pierre-Marie Pouget, docteur en philosophie et professeur émérite, est président de l'Association Ferdinand Gonseth, fondée en 1971. Auteur de 28 ouvrages et de nombreux articles, il s'est spécialisé dans l'étude de la pensée gonséthienne. Ses centres d'intérêt tournent autour de l'histoire des sciences et de leur méthodologie.
Publications
Pour un nouvel esprit philosophique d'après l'œuvre de Ferdinand Gonseth, L'Aire 1994.
Haltes sur des chemins de campagne, une approche de Heidegger, L'Aire, 1995.
Ferdinand Gonseth, une manière suisse de philosopher, Muse 2014.
L'individualisme, source de danger et d'espoir, L'Harmattan, 2015.
Migrants, incarner les valeurs humaines. Mondialiser l'hospitalité, Chronique sociale, 2017.
Remise en question des croyances monothéistes. Croire autrement, Edilivre, 2019.

Hartmut ROSA
Directeur du Max-Weber-Kolleg / Institut d'études avancées à l'université de Erfurt, Harmut Rosa est titulaire d'une chaire de sociologie générale et théorique à l'université Friedrich-Schiller de Iéna, en Allemagne. Docteur honoris causa de l'université de sciences humaines d'Utrecht, il a travaillé comme professeur associé à la New School for Social Research de New York et à la FMSH/EHESS de Paris. De 2008 à 2018, il co-dirige également le journal Time and Society.
Publications
Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive (2012, 2014).
Résonance : une sociologie de la relation au monde (2018).

François ROUSSEL : Le tempo d'une pensée. Descartes à contretemps
Dans le cadre d'un colloque consacré aux "autres noms du temps", les raisons de se pencher sur quelques cheminements cartésiens tiennent à leur complexité et à leur équivocité eu égard à diverses dimensions temporelles entrecroisées, et ce sous un double éclairage :
- un aspect proprement philosophique et métaphysique qui a été naguère l'objet d'analyses fort denses, voire techniques sinon scolastiques, où les rapports entre les notions d'instant, de moment, de durée, de mémoire, d'accoutumance sont loin d'être simples et où, de manière schématique, s'opposent une interprétation "instantanéiste" des thèses cartésiennes les plus radicales concernant l'idée d'une "création des vérités éternelles" reliée à celle d'une "création continuée", et une interprétation plus complexe faisant droit aux significations équivoques que recouvre le terme de "temps" selon qu'il relève de la "substance étendue" (res extensa) ou de la "substance pensante" (res cogitans) ;
- un aspect rhétorique et politique qui manifeste une stratégie d'écriture, de circulation, de diffusion et éventuellement de publication des thèses cartésiennes très attentive aux contextes de réception et à leurs effets escomptés ou redoutés. Dans l'enchaînement ordinaire qui va de l'écriture à la publication (s'exposer aux jugements d'un public "lettré"), les textes projetés et promis par Descartes ont souvent fait l'objet de retards, de retardements, de contretemps parfois très calculés, parfois imprévus sinon imprévisibles, jusqu'à en suspendre indéfiniment la publication. Et au delà d'une éventuelle tendance à la procrastination, cette attitude ne tient pas seulement à une "prudence" par ailleurs compréhensible et légitime face aux risque de censure et de possible persécution relativement à telle thèse métaphysique, physique ou théologique. Il y a un étrange voire paradoxal rapport de Descartes au temps de la promesse et simultanément de la défiance à l'égard de toute projection ou anticipation qui retrancherait quelque chose d'une libre disposition de soi, comme si le moment propice à l'exposition d'une idée devait toujours être différé ou suspendu, comme en attente.

Isabelle SERÇA : Qu'a perdu et retrouvé Marcel Proust ?
Le temps est le personnage principal de l'œuvre de Proust, comme le montre le titre général, À la recherche du temps perdu ou le titre du dernier tome, Le Temps retrouvé. La Recherche se termine d'ailleurs par le mot "temps", qui résonne avec celui qui ouvre l'œuvre — "longtemps". Il est donc légitime de se tourner vers ce spécialiste du temps, d'étudier la représentation thématique et la mise en forme stylistique qu'il en donne pour apporter une contribution littéraire à ce colloque interdisciplinaire. Ce faisant, on s'empare des enjeux cognitifs de la littérature, qui nous permet de penser quelque chose d'aussi insaisissable que le temps. C'est le pari du programme ProusTime, "penser le temps avec Marcel Proust, des sciences humaines aux sciences exactes en passant par les arts", dont on dira un mot.

Isabelle Serça est professeure à l'université de Toulouse-Jean Jaurès. Elle a participé au Dictionnaire Marcel Proust (Champion, 2004), a publié Les coutures apparentes de la Recherche (Champion, 2010) et a dirigé (avec G. Henrot) Marcel Proust et la forme linguistique de la Recherche (Champion, 2013) et, avec M. Bonazzi et C. Narjoux, La langue de Maylis de Kerangal : "Étirer l'espace, allonger le temps" (EUD, 2017). Son dernier livre (Esthétique de la ponctuation, Gallimard, "Blanche", 2012) pose la ponctuation comme un objet esthétique en littérature et dans les arts. Elle anime le programme transdisciplinaire Idex ProusTime qui vise à penser le temps à partir de la Recherche avec une équipe de chercheurs de tous horizons ; la publication du Dictionnaire ProusTime est prévue en janvier 2022 aux éditions Le Pommier. Elle organise régulièrement des manifestations interdisciplinaires sur le temps et sur la mémoire qui conjuguent des points de vue divers pour le public universitaire comme pour le grand public.

Virginie van WASSENHOVE : Le temps est-il un "cas" de conscience ?
Si l'on se passe du mot "temps" en neurosciences, le cerveau devient une architecture figée sans conscience, sans souvenir, sans perception, sans attente, sans pensée, bref sans "moi". Le cerveau, matière organique molle, est aussi un système à la dynamique endogène complexe qui doit être explicable selon les lois de la physique. Une approche physicaliste pourrait considérer que le cerveau permet, métaphoriquement, le mouvement — de la motricité corporelle aux constructions logiques de la pensée. Cependant, elle n'explique pas la phénoménologie, la réalité psychologique, ou même la signification de la pensée qui accompagnent la vie consciente humaine (et aussi, en grande partie, animale). Le temps n'échappe pas à cette limitation : décrire l'entropie du système cerveau dans le référentiel de l'observateur externe fournit une description de son vieillissement ou de son entropie sans rendre compte de la phénoménologie associée (consciente ou non). L'approche fonctionnaliste en neurosciences de la cognition considère que la structure et les règles endogènes qui régissent les capacités mentales — génératrices de la conscience — reposent sur des cartes cognitives. Ces cartes générées par l'activité des neurones permettent la construction d'un système de coordonnées espace-temps abstrait au sein du cerveau. L'hypothèse est donc que le temps psychologique, comme cas de conscience, implique la génération neuronale d'une carte cognitive mesurable.

Publications
Gauthier B., Pestke K., van Wassenhove V. (2019), "Building the Arrow of Time… Over Time : A Sequence of Brain Activity Mapping Imagined Events in Time and Space", Cerebral Cortex, 29(10), 4398-4414.
Kononowicz T. W., Roger C., van Wassenhove V. (2019), "Temporal metacognition as the decoding of self-generated brain dynamics", Cerebral Cortex, 29(10), 4366-4380.
Grabot L., van Wassenhove V. (2017), "Time order as psychological bias", Psychological science, 28(5), 670-678.
Van Wassenhove V. (2016), "Temporal cognition and neural oscillations", Current Opinion in Behavioral Sciences, 8, 124-130.
Kösem A., Gramfort A., van Wassenhove V. (2014), "Encoding of event timing in the phase of neural oscillations", Neuroimage, 92, 274-284.
Van Wassenhove V. (2009), "Minding time in an amodal representational space", Philosophical Transactions of the Royal Society B : Biological Sciences, 364(1525), 1815-1830.

Francis WOLFF : Fiat nunc. "Que le maintenant soit ! Et le monde fut". Le big bang métaphysique
Le temps est-il définissable ? Autrement dit, le temps est-il conceptualisable ou relève-t-il d'une intuition inanalysable ? Pourrait-on faire entendre à un esprit parfaitement rationnel mais hors du temps ce qu'est le temps ? La plupart des philosophes modernes en ont douté. Encore faut-il montrer ce qui, du temps, résiste au concept. C'est ce que nous nous proposons d'abord de faire en recourant à une méthode négative : mener le plus loin possible la réduction logique du temps et mesurer l'impasse à laquelle cette entreprise se heurte. On réduit donc d'abord les déterminations du temps-devenir (présent, passé, futur), qui dépendent de la situation temporelle d'un sujet, aux relations objectives entre entités temporelles (simultanéité, antériorité). On réduit ensuite ces relations elles-mêmes à des relations logiques (relation d'équivalence et relation d'ordre). On réduit ensuite ces relations à des principes rationnels. On parvient finalement à trois concepts et à trois principes rationnels : d'un côté les concepts d'existence (qui n'est pas un concept stricto sensu), celui d'état du monde (comme ensemble des états de choses compatibles), et celui de monde (comme ensemble des états du monde incompatibles) ; et d'un autre côté le principe de contradiction et les principes que j'appellerai de raison identificatrice et de raison "altérisatrice". On se heurte alors à deux difficultés insurmontables qui signent la réintroduction nécessaire du temporel dans le logique : les différents états du monde ne peuvent pas à la fois exister et déterminer le suivant ; un même état de chose ne peut pas à la fois exister dans le monde et dans un état du monde. Or ces deux contradictions sont dues l'une et l'autre à l'impossibilité de conceptualiser le "maintenant". Mais inversement, elles révèlent qu'il suffirait de se donner l'existence du "maintenant" pour se donner l'existence du temps et même celle du monde. Un seul fiat nunc s'avère ainsi suffisant à produire l'existence d'un monde spatio-temporel. On en conclut que le "maintenant" est l'équivalent métaphysique du big bang physique.

Francis Wolff est professeur émérite de philosophie à l'École normale supérieure (Paris). Il a aussi été professeur aux universités de São Paulo (Brésil) et de Nanterre.
Publications sur le temps
"Aristote face aux contradictions du temps", in Aristote et la pensée du temps, Presses de l'université de Nanterre.
A dirigé le numéro spécial de la Revue de métaphysique et de morale, 4, 2011 sur "Temps physique, temps métaphysique", avec une contribution intitulée : "Le temps comme concept hybride".
Dire le monde, 3ème ed. augmentée, Hachette-Pluriel, 2020.


Le temps suspendu, par Chloé MOGLIA (artiste et trapéziste)
La suspension du corps, comme celle du souffle, entraîne la sensation que le temps aussi se suspend, voire se dilate. Suspension rime avec cessation. En effet, une certaine activité s'arrête : on a cessé de courir partout. On n'avance plus, ayant troqué le plan horizontal de nos habitudes et de nos cheminements pour une verticale sèche qui ne mène nulle part. Dans ce nulle part, il n'y a finalement qu'à bien se tenir pour survivre et, si la magie opère, pour observer. Notre rapport à l'agir change : agitation, action et cogitation tendent à se dissoudre. Si nous y prêtons attention, un espace et un temps s'ouvrent. Cela se déploie dans le silence, entre le lourd et le léger, entre le grave et le moins grave, entre des matières à forte densité et le si peu palpable des nuages. Afin de partager ces observations, je présenterai la performance Horizon et raconterai plus en détail où me mènent ces observations qui relient l'effort, le souffle, le poids, les idées et les récits, l'attention, le corps, les sens, le temps, le vertige et les peurs

Chloé Moglia étudie suspendue dans le vide. Elle s’intéresse particulièrement aux sensations de dilatation et de contraction du temps, aux variations du poids et aux fluctuations de l’attention dans les différents régimes d’activité qu’offre la suspension. Elle déploie une grande part de ses activités dans le domaine du spectacle, des arts visuels et de la performance, au sein du Rhizome (rhizome-web.com)
Publication
Pratiquer la question, Revue Esquisse(S), n°15.


SOUTIENS :

• Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
Fondation suisse d'études
Horlogerie Audemars Piguet