Foyer de création et d'échanges 2022


Une formule unique
proposant aux écrivains, artistes et chercheurs
qui œuvrent à un projet personnel,
de prendre le temps de "penser avec ensemble".


DU MARDI 2 AOÛT AU VENDREDI 19 AOÛT 2022



LE FOYER ACCUEILLE EN RÉSIDENCE DES ARTISTES, CHERCHEURS, ÉCRIVAINS, qui conduisent un projet personnel, et leur propose de s'accorder des temps d'échanges collectifs, tout en profitant du cadre et de l'hospitalité de Cerisy. Cette troisième édition, encore expérimentale, souhaite consolider une formule de résidence proprement cerisyenne.


Un climat propice à la création individuelle

Les résidents bénéficient d'un temps assez long pour explorer les lieux et s'imprégner des rythmes de vie de Cerisy. De nombreux espaces intérieurs et extérieurs sont mis à leur disposition : de la chambre allouée à chacun et chacune aux bibliothèques (plus 20 000 ouvrages) ou salons du château, de l'orangerie et de la ferme ; de la terrasse nord face à l'étang au potager et à ses serres, autant de lieux inspirants pour que chacun puisse avancer dans son propre travail. De plus, les rythmes propres à Cerisy sont assouplis pour le Foyer selon un agenda aménagé en fonction des souhaits des résidents au regard de leurs projets.


Des échanges pour "vivre et penser avec ensemble"

Par ailleurs, sont proposés des temps collectifs (échauffements corporels, lectures de textes, ateliers d'écriture, témoignages…) et des débats autour de la thématique 2022 (Que peut la littérature pour les arbres ?). Il est également possible d'assister à certaines séances des colloques parallèles Édouard Glissant et Francisco Varela avec lesquels des soirées communes sont parfois organisées. Enfin, des moments de détente peuvent agrémenter le séjour : ping-pong ou danse dans les caves, promenades dans le parc, découverte des plages ou des sites naturels et culturels du département.


La sociabilité cerisyenne et l'hospitalité du lieu

L'accueil, la qualité de service, le partage des repas, annoncés par la cloche, les conversations informelles, les "bibliothèques éphémères" présentant les publications de Cerisy, offrent l'occasion de rencontres imprévues aptes à stimuler les travaux personnels des résidents et à enrichir la réflexion collective.


QUE PEUT LA LITTÉRATURE POUR LES ARBRES ?

Thématique de réflexion collective proposée par
Colette Camelin (professeur émérite de littérature)

Le bon déroulement et l'accompagnement de l'ensemble du Foyer
seront assurés par Sylvain Allemand et Nada Essid


BILAN

QUE PEUT LA LITTÉRATURE POUR LES ARBRES ?
Colette Camelin, avec Sylvain Allemand

Il fallait d'abord vivre avec les arbres : l'importance d'observer les arbres, de les nommer, de leur rendre visite à différents moments, pendant la journée, au crépuscule. Élire quelques "kins", selon l'expression de Donna Haraway, étudier leur situation (en relation avec la pente, l'eau, avec leurs voisins) et leur histoire (les marques de l'entretien des haies dans les chemins creux par exemple), mener avec eux "une conversation silencieuse" (David Abram). La carte fournie par le Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE de la Manche) était utile (découvrir les aulnes glutineux, les saules fragiles, les houx hérisson…) [télécharger la carte].

Nous connaissions déjà le magnolia entouré de soins divers comme des pierres en granit ; nous lui rendions visite chaque jour avec respect et affection. Il a sûrement apprécié le groupe qui s'est rassemblé autour de lui pour écouter un texte sur les pins de Sibérie comme le gros tilleul de l'Orangerie le poème qu'il avait inspiré à Gérard Granier [lire le poème]. Les érables proches de l'étang ont-ils perçu la douce énergie de nos "échauffement corporels" matinaux ?

Ces expériences ne sont possibles que si un travail de pensée développe l'attention qu'on leur porte, la sensibilité à "la valeur intrinsèque de chaque individu vivant". La bibliothèque sur les arbres mise à la disposition dans le hall de l'Orangerie a été utilisée pour nourrir ces réflexions : plusieurs ouvrages sur les arbres d'un point de vue botanique (Hallé, Tillon, Tassin, Wohlleben, Debono, Mure…), ce qui aide à rencontrer chaque arbre en fonction de son milieu, de sa croissance propre.

Anne-France Rihoux a montré combien la vie des arbres dépend étroitement de conditions économiques dans son exposé sur la protection des arbres au niveau européen et a développé les aspects complexes de la protection des forêts. La réflexion éthique est aussi importante. L'intervention d'Alain Kaufmann "Vers un nouveau statut moral et cosmopolitique pour les végétaux" a mis en valeur la "dignité" des végétaux : chaque être vivant a le droit éthique de "persévérer dans son être". Aussi notre relation aux arbres est-elle liée à notre imaginaire et à notre affectivité, comme l'a montré Guillaume Seydoux dans son analyse du livre d'Alain Corbin La douceur de l'ombre. L'arbre, source d'émotions de l'Antiquité à nos jours.

L'imaginaire joue un rôle essentiel pour rendre sensibles la "personnalité" de chaque être vivant, ainsi Gisèle Bienne a-t-elle évoqué le saule de son enfance, personnage puissant (Conversation avec un saule). Alice Pintaux a lu un beau texte de Paul Valéry, Dialogue avec l'arbre. Étaient proposés chaque matin sur le tableau du secrétariat un poème sur petit carton vertical accompagné d'une citation issue de textes sur les arbres selon des points de vue éthiques, scientifiques, écologiques… Il s'agissait d'articuler notre perception des vivants dans la journée avec ces mots qui accentuaient l'intensité de nos relations avec eux. Les œuvres plastiques d'Élisabeth Faublée ont fait revivre la variété des fougères et la série de photographies recomposées de Prisca Lobjoy nous a fait éprouver les métamorphoses des plantes dans la nuit. Dans son parcours sensible parmi les arbres qu'il a choisis, Pierre Angot a tissé des liens entre la complexité des arbres et celle des relations humaines [en savoir plus]. Béatrice Caron de Fromentel a réalisé des dessins d'un vieux châtaignier et de quelques autres arbres remarquables.

Il s'agissait aussi de réfléchir au projet paysager du parc de Cerisy dans une perspective ontologique. Une discussion a eu lieu à ce sujet avec des responsables du CAUE. Comment faire évoluer le parc et ses arbres à la fois en fonction de critères écologiques et poétiques, ainsi que de sociabilités ouvertes hors des murs du château ?

D'une manière générale l'écoute, l'art de la conversation, et la qualité des échanges entre les participants ont permis à chacune et à chacun de poursuivre son projet avec des apports utiles et amicaux.

La principale difficulté m'a semblé être de trouver un équilibre entre les temps de travail individuel et les apports collectifs auxquels se sont ajoutés la participation partielle aux colloques Édouard Glissant, la relation mondiale et Francisco Varela, une pensée actuelle.

L'objectif consistant à articuler les expériences directes (sensorielles) avec les arbres, la pensée et les expériences artistiques (poèmes, fictions, œuvres plastiques…) a été atteint. À la différence des colloques où les arbres ne sont qu'un décor, là ils étaient présents à nos corps et à nos esprits. C'est une leçon à garder en mémoire pour le colloque Que peut la littérature pour les vivants ? (Cerisy, 2023).

Il s'agissait aussi de réfléchir au projet paysager du parc de Cerisy dans une perspective ontologique. Une discussion a eu lieu à ce sujet avec des responsables du CAUE. Comment faire évoluer le parc et ses arbres à la fois en fonction de critères écologiques et poétiques, ainsi que de sociabilités ouvertes hors des murs du château ? [Lire le texte de Stéphanie Langevin, "Des cartes pour rendre visite aux arbres"].