Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


LEÏLA SEBBAR
D'UNE RIVE L'AUTRE, CROISER L'INTIME ET LE POLITIQUE


DU LUNDI 2 AOÛT (19 H) AU DIMANCHE 8 AOÛT (14 H) 2021

[ colloque de 6 jours ]


Une koubba près de Tiaret (aquarelle, mai 2010) © Sébastien Pignon


DIRECTION :

Aline BERGÉ, Sofiane LAGHOUATI

Avec la participation de Leïla SEBBAR


COMITÉ SCIENTIFIQUE :

Ferroudja ALLOUACHE, Catherine BRUN, Mireille CALLE-GRUBER, Anne DONADEY, Michel LARONDE, Martine MATHIEU-JOB, Christine PELTRE


ARGUMENT :

Née en 1941 dans l'Algérie coloniale, d'un couple mixte d'instituteurs qui l'éduquent dans la langue et la culture française laïque, Leïla Sebbar se rend en France pour ses études de lettres, puis s'engage dans le soulèvement de mai 1968, qui aiguise sa conscience des formes de domination sociale et genrée. Les mouvements de libération des femmes accompagnent son entrée dans le champ effervescent des littératures, des revues et de la critique des années 1970 et l'incitent à nouer durablement l'intime et le politique aux réalités du monde postcolonial : affirmation de nouveaux imaginaires, écritures inédites et métisses, personnelles et collectives, documentées et intermédiales. D'une rive l’autre, Leïla Sebbar lit, écrit, enquête, assemble. Essayiste, romancière, nouvelliste, elle interroge les liens complexes qui se trament à la croisée des temps, des guerres et des histoires d'exils, du local et du mondial, du féminin et du masculin, des langues et des cultures.

Doublé d'une exposition qui replacera le livre au carrefour des pratiques et des métiers, le colloque vise à réunir autour de l'auteure plusieurs témoins et relais de la genèse, de l'essor et des enjeux transculturels de l'œuvre : lectures, tables rondes et performances y feront ainsi entendre en langues, en gestes et en partage d'écoutes, la singularité et la portée de ses cheminements.


MOTS-CLÉS :

Algérie(s) / France, Archives, Arts / Littératures / Édition, Collectifs, Enfances, Exils, Féminismes, Genre(s), Imaginaires, Langues cultures, Minorités, Orients / Occident, Représentations / Situations (post)coloniales, Sebbar (Leïla), Violences


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 2 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants, ainsi que du Foyer de création et d'échanges


Mardi 3 août
Matin
Aline BERGÉ & Sofiane LAGHOUATI : Ouverture du colloque

RACONTER, TRAMER, FUGUER
Michel LARONDE : L'écriture en retenue : carrefours, nœuds, treillage

Après-midi
SHÉRAZADE, AUJOURD'HUI
Madeleine DOBIE : Shérazade en 1982 [visioconférence]
Mildred MORTIMER : Shérazade, la fugueuse et Isabelle Eberhardt, la vagabonde : deux personnages clés dans l'œuvre de Leïla Sebbar

Sofiane LAGHOUATI : Présentation de l'exposition "Ce qui se trame : sur le métier de Leïla Sebbar"

Vernissage de l'exposition


Mercredi 4 août
Matin
DIRE, INTERDIRE : ENTRE LES LANGUES
Martine MATHIEU-JOB : Écrire (sur) le silence [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

RÉSISTANCES ET TRANSGRESSIONS
Ferroudja ALLOUACHE : Celles qui disent non : voix de fugueuses, de rebelles dans l'œuvre de Leïla Sebbar

Après-midi
Manon PAILLOT : Leïla Sebbar au miroir d'Isabelle l'Algérien

Karima BERGER : Les fenêtres de Leïla Sebbar [lecture-performance]

Soirée
En commun avec le Foyer de création et d'échanges


Jeudi 5 août
Matin
IMAGES, IMAGINAIRES REVISITÉS, TEXTES / IMAGES / PASSAGES
Christine PELTRE : La "mémoire infidèle" : le regard d'un écrivain sur les peintres de l'Orient

FEMMES ET COLLECTIFS, L'INTIME ET LE POLITIQUE … ARCHIVES ET TÉMOIGNAGES
Martine SAGAERT : Leïla Sebbar - Michelle Perrot : chambres plurielles, chemins singuliers

Après-midi
Karin SCHWERDTNER : Des cartes postales et (des traces) du voyage chez Leïla Sebbar [visioconférence]

Femmes en mouvement, Années MLF, table ronde animée par Sofiane LAGHOUATI, avec Dominique DOAN & Luce PÉNOT (Éditions Textuel) [La forme et l'image à "Histoires d'elles"] et Leïla SEBBAR

Soirée
Adèle OAMSEL : Silences enfances [lecture-performance]


Vendredi 6 août
Matin
ÉDITION : RELAIS, TRANSMISSION
Anne DONADEY : Le généreux travail d'édition de Leïla Sebbar [texte lu par Anny Dominique CURTIUS]
Ida KUMMER : Une polyphonie de voix : réflexions sur les œuvres collectives et la mission éditoriale de Leïla Sebbar [visioconférence]

Après-midi
CHEMINS D'EXIL, COMPAGNIES NOMADES
Aline BERGÉ : Le détour de la Terre : écopoétique, écopolitique de Leïla Sebbar

Éditeurs, éditrices, table ronde animée par Sofiane LAGHOUATI, avec Marie-Noël ARRAS (Revue Étoile d'Encre & Éditions Chèvre-Feuille Étoilée), Elisabeth DALDOUL (Éditions Elyzad) [visioconférence], Patrice RÖTIG (Éditions Bleu Autour) et Leïla SEBBAR


Samedi 7 août
Matin
ALGÉRIES / FRANCES, MÉDITERRANÉES MONDES
Catherine BRUN : Le "s" d'Algéries [texte lu par Aline BERGÉ]

RELAIS, TRANSMISSIONS : ÉCOLES
Kamila SEFTA : Les paradoxes de l'école de la République

Après-midi
EXPOSER, DÉPOSER, RECONFIGURER
Dalila ABIDI : Étrangère au berceau
Anne SCHNEIDER : Mémoires du texte : l'œuvre de Leïla Sebbar au prisme de ses archives

Soirée
Lecture de textes créés à partir de l'exposition "Ce qui se trame : sur le métier de Leïla Sebbar", en commun avec le Foyer de création et d'échanges


Dimanche 8 août
Matin
Sabrinelle BEDRANE : Genèse des recueils algériens. Entretien avec Leïla SEBBAR
Aline BERGÉ & Sofiane LAGHOUATI : Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


TÉMOIGNAGES :

Un colloque de Cerisy autour de son œuvre. Rencontre avec Leïla SEBBAR, propos recueillis par Sylvain ALLEMAND.


RÉSUMÉS :

Dalila ABIDI : Étrangère au berceau
Je me suis inspirée du titre du recueil de Christian Bobin, Prisonnier au berceau, pour intituler le texte de ma communication. Prisonnier volontaire d'une terre jamais abandonnée, le poète y chante l'amour de sa ville natale. Leïla Sebbar se nourrit elle aussi du lien qui la rattache à son berceau, mais ce lien rappelle aussi qu'elle y est étrangère. Étrangère au berceau, Leïla Sebbar l'est assurément par l'exil linguistique que lui impose son père. Étrangère au berceau, elle l'est aussi par la distance sociale, culturelle et géographique qui l'éloigne de sa famille algérienne. Nous reviendrons sur des scènes qui se répètent sous sa plume. Ces scènes inscrites dans un rituel familial cher à l'auteure constituent de véritables motifs originels qui éclairent subtilement l'œuvre sebbarienne : il y est question de l'attachement à la terre natale, de l'exil de la langue, du sort des femmes, de la misère en terre colonisée…

Née en 1966 au Creusot, Dalila Abidi enseigne les lettres dans un lycée dijonnais. Sensible à la question de l'interculturalité entre les deux pays, elle a travaillé sur les traces de la migrance franco-algérienne dans les écrits de femmes. Elle a également publié des nouvelles dans la Revue Étoile d'encre (aux éditions du Chèvrefeuille étoilée) : L'exil ou la misère, La galette des rois, Les ballerines noires… Elle a participé à l'ouvrage collectif co-dirigé par Leïla Sebbar et Martine Mathieu-Job, L'Algérie en héritage.

Nora ACEVAL
C'est à l'Institut Charles Perrot d’Eaubonne, lors d'un colloque autour de "l'Imaginaire du Jeune Méditerranéen", que se fit ma rencontre avec Leila Sebbar. C'était il y a plus de vingt ans. Nous sommes originaires de la même région d'Algérie, celle des Hauts-Plateaux du Sud-Ouest dont la ville de Tiaret fut jadis la capitale administrative. Leila est née à Aflou, petite ville entourée des immenses terres steppiques et de pâturage où les nomades transhumants de Tousnina, mon village natal, se rendaient durant les périodes hivernales. Les contes que je présente en vidéo sont puisés du patrimoine oral de ces régions. Ils m'ont été transmis dans la langue de ma mère, l'arabe, qui est aussi la langue paternelle de Leila. Tous collectés et traduits en français par mes soins, le plus souvent je les raconte plutôt dans cette langue. Mais en hommage à mon amie je les dirai également dans la langue d'origine. Un conte grivois tiré des "Contes libertins du Maghreb" (auteure Nora Aceval, préface de Leila Sebbar et illustrations de S. Pignon, Ed. Al Manar) et un conte de sagesse inédit.

Nora Aceval conteuse et auteure est née dans une ferme en Algérie sur les Hauts Plateaux du Sud-Ouest, d'une mère arabe et d'un père français. Au sein de ce monde rural, parsemé de tentes nomades de sa tribu maternelle des Ouled Sidi Khaled, elle hérita de l'art de conter. Sa mémoire releva en arabe un riche répertoire de contes populaires qu'elle transmet en France, en français. Passionnée, elle continue d'arpenter sa terre natale pour enregistrer les récits traditionnels. Ce travail anthropologique vise à sauvegarder tout un imaginaire fertile ancestral ; tout un édifice que seule la mémoire peut cimenter. Nora a traduit et publié plusieurs Albums Jeunesse et recueils de contes.
noraaceval.com
Bibliographie
2020, Contes soufis de la tradition populaire, Ed. Al Manar Alain Gorius.
2018, Le moulin magique et autres contes du Maghreb, Illustrations : Diane de Bournazel, Ed. Al Manar.
2017, Réédition, Contes libertin du Maghreb, Illustrations : Sébastien Pignon, Ed. Al Manar Alain Gorius.
2013, La femme de Djha, Illustrations : Sébastien Pignon, Ed. Al Manar Alain Gorius (Neuilly/Seine).
2011, La chamelle et autres contes libertins du Maghreb, Illustrations : Sébastien Pignon, Ed. Al Manar.
2011, Contes d’Algérie, Livre CD, Illustrations : Marcellino Truong, Musique : Nasro Beghdad, Ed. Milan.
2007, Le prince tisserand, Illustrations : Laureen Topalion, Ed. du Sorbier, Album, PRIX SAINT-EXUPERY 2008.

Ferroudja ALLOUACHE : Celles qui disent non : voix de fugueuses, de rebelles dans l'œuvre de Leïla Sebbar
Si les femmes qui lisent sont dangereuses, celles qui racontent le sont tout autant. Les figures féminines, dans l'œuvre de Leïla Sebbar, occupent une place centrale dans l'espace discursif. La critique littéraire persiste à réduire les voix féminines à celles de femmes maghrébines, figures d'immigrées, de migrantes, de femmes de première ou de seconde génération. Cette approche, de tendance sociologique, situe et réduit l'œuvre et l'écrivaine à la croisée de deux cultures, deux langues: l'Algérie et la France, l'arabe et le français. Or, les conteuses et fugueuses, les rebelles et aventurières des récits de Sebbar participent à la fabrique d'une fiction jouant sur l'inattendu, rompant avec la conception binaire. Shérazade, Samira, Dalila racontent des histoires, déconstruisent les clichés, faisant voler en éclat la perception monolithique qui les catégorise. L'écriture est elle-même mise en abyme: plurielle, dialogique, métissée, elle invite à repenser les multiples ancrages fictionnels, les cadres spatio-temporels.

Ferroudja Allouache est Maître de conférences en Littératures française et francophones à l'université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis (EA 7322 Fablitt). Son domaine de recherche concerne la francophonie, l'histoire et la mémoire de la littérature, la généalogie et l'archéologie, les archives et la presse française en période coloniale. Elle a publié Archéologie du texte littéraire dit francophone 1921-1970 (2018) et est co-auteure de manuels de littérature parus chez CLE International.

Sabrinelle BEDRANE : Genèse des recueils algériens. Entretien avec Leïla SEBBAR
Leïla accepte de nous laisser pénétrer dans les coulisses de la création des recueils collectifs qu'elle a dirigés et auxquels elle a contribué. Nous en avons choisi quatre pour les étapes qu'ils représentent. Selon Leïla, le dernier en date L'Algérie en héritage (Bleu autour, 2020), correspond en effet à l'achèvement d'un parcours, celui de l'aventure algérienne commencée il y a vingt-trois ans, en 1997, avec Une enfance algérienne (Gallimard, Coll. "Haute Enfance"). En 2007, dix ans après, paraissait C'était leur France, en Algérie, avant l'Indépendance (Gallimard, Coll. "Témoins"), huit auteurs récidivant (dont Leïla) puis, neuf ans plus tard, Une enfance dans la guerre, Algérie 1954-1962 (Bleu autour, 2016), avec, cette fois, douze auteurs renouvelant l'aventure (toujours dont Leïla).
Nous lui poserons par conséquent les questions suivantes : Peut-on parler d'un vivier d'autrices/d'auteurs pour ces volumes collectifs, en somme d'un réseau constitué au fil des années ? Comment perçois-tu, chère Leïla, cette aventure algérienne : comme une succession de recueils distincts ou comme autant d'îles dessinant Al Djaza'ir ?
Nous avons choisi ces quatre ouvrages car s'y côtoient des communautés déchirées durant la guerre d'Algérie. Te vois-tu aux commandes d'une Singer imaginaire, cousant ensemble des vies séparées ? S'agissait-il pour toi de fixer un passé sans le figer et d'atténuer les différences entre ces communautés en les présentant à hauteur d'enfant ? Était-ce un but recherché ou une conséquence dans ton cheminement d'écrivaine ? Ces livres collectifs sont sur ton chemin pour venir à quelque chose de l'Algérie que tu ne connaissais pas. Y as-tu trouvé les Algéries différentes dont tu étais friande ? Qualifierais-tu ces recueils de boucliers (tu te protégeais) ou de tremplins (vers tes écrits personnels dont la récente Lettre à mon père) ?
D’autres questions surgiront sur la fabrique concrète de ces volumes : Les autrices/auteurs ont-ils voulu connaître leurs "voisins de recueil" ? J’ai cru comprendre, en tant que participante, que c'était secret. Confirmes-tu ? Quels refus as-tu essuyés et pour quelles raisons ? Tu as, je crois, chère Leïla, des histoires à raconter…

Sabrinelle Bedrane est maîtresse de conférences à l'université Sorbonne Nouvelle en littérature française/francophone, XXe/XXIe siècles. Elle a publié récemment un entretien avec Leïla Sebbar dans L'Algérie, traversées (Hermann, 2018, Actes d’un colloque de Cerisy) et codirigé Danièle Sallenave, une écriture impliquée (Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2018) ainsi que Le Format court. Récits d'aujourd'hui (Classiques Garnier, 2019, Actes d’un colloque de Cerisy) dans lesquels figure un entretien avec Leïla Sebbar sur le genre de la nouvelle. Elle a participé au numéro spécial de la revue CELAAN consacré à Leïla Sebbar publié à New York en 2016 ainsi qu'à L'Algérie en héritage, récits réunis par Martine Mathieu-Job et Leïla Sebbar (Bleu autour, 2020).

Aline BERGÉ : Le détour de la Terre : écopoétique, écopolitique de Leïla Sebbar
À la traversée de l'œuvre désormais fort ample et protéiforme de Leïla Sebbar, il est deux constantes de son écriture qui n'ont pas encore à ce jour retenu l'attention de la critique, alors qu'elles ont gagné en visibilité avec le temps, au fil des publications et à la lumière des ouvrages collectifs, des documents et des images qui les accompagnent : sa relation à la terre et au corps élémentaire du monde, et le motif du détour. En interrogeant la diversité et le croisement de leurs figures, on s'attachera en particulier à montrer que le détour de la Terre n'est pas seulement contraint — par les guerres, l'exil, les violences en tous genres — dans l'œuvre de Leïla Sebbar : qu'il est aussi choisi et cultivé comme tel, non seulement par les personnages de ses premiers livres, mais aussi dans la variété de ses écrits ultérieurs, dans les plus personnels comme dans ses collectifs. Qu'il ouvre selon les cas un horizon de fuite, un terrain d'enquête ou un lieu d'utopie, de travail, de vie et de poésie. L'écopoétique de Leïla Sebbar est aussi, en des instants de fulgurance, le lieu existentiel et réflexif d'une écopolitique qui s'invente et qui s'ancre par des gestes qui s'impriment dans la terre : qui ne sait qu'à l'initiative de Shérazade, à la sortie des arènes d'Orange, Jessye Norman chante pieds nus dans les vignes, la nuit, pour l'Afrique ?

Maître de conférences à l'université Sorbonne Nouvelle et membre de l'UMR 7172 THALIM, Aline Bergé mène des recherches interdisciplinaires en littératures et études françaises et francophones (poésie, récit, essai) et SHS, à la croisée des arts, des études culturelles, des études postcoloniales, des études de genre et des humanités environnementales.
Publications
Philippe Jaccottet, trajectoires et constellations – Lieux, livres, paysages, Lausanne, Payot, 2004.
En co-dir. avec M. Collot, Paysage & Modernité(s), Bruxelles, Ousia, 2007.
En co-dir. avec M. Collot et J. Mottet, Paysages européens et mondialisation, Seyssel, Champ Vallon, 2012.
En co-dir. avec B. Alazet, section "Littérature française XXe (France et francophonie)" du Dictionnaire universel des Créatrices, M. Calle-Gruber, B. Didier et A. Fouque (dir.), Paris, Éditions des femmes, 3 vol., 2013, édition numérique revue et augm. 2015.
Sur les relations entre la France et l'Algérie, articles sur les œuvres d'Assia Djebar et de Zahia Rahmani et communications sur l'œuvre de Leïla Sebbar et ses enjeux, à paraître : "Arrière-paysages des migrantes : compagnies de Leïla Sebbar" (autour de l'aventure collective d'Histoires d’elles, un parcours diachronique sur les ouvrages collectifs, 2014) ; "Du genre féminin à l'échelle du monde : quelques correspondances intercontinentales et transculturelles" (à partir de Lettres parisiennes, 2014) ; "Le parlement des mondes en FLE : la littérature et l'histoire en commun", Gayatri Chakarvorty Spivak dans le siècle. Politiques de lecture et écriture pour refonder l'imagination critique, M. Calle-Gruber et S.-A. Crevier-Goulet (dir.), Actes du Colloque international de l'université Sorbonne Nouvelle, 20-22 juin 2018, Calcutta / London / New York, Seagull Books.
A organisé en mars 2019 en Sorbonne une table ronde avec Leïla Sebbar, Silvia Baron Supervielle, Ying Chen et Maryam Madjidi, "Littératures francophones, langues du monde, formes de vie", dans le cadre du colloque interuniversitaire de l'université Sorbonne Nouvelle-USPC, Les francophonies dans la mondialisation, entre transmission et recherche (Films Productions Sorbonne Nouvelle).

Karima BERGER : Les fenêtres de Leïla Sebbar [lecture-performance]
Il s'agit d'un portrait libre de Leïla Sebbar, inspiré de ma lecture de son œuvre, et de ce que je sais de sa vie. Ce portrait ne sera pas une analyse littéraire. Il évoquera de façon sensible l'univers de l'écrivaine peuplé d'images (photos, dessins…) et de voix autres (les auteurs de la série des livres collectifs) comme autant de "fenêtres" éclairant ses chambres intérieures (le père, les femmes, la langue, la guerre…) et ses refus politiques de l'oubli et du déni.

Karima Berger est écrivain franco-algérienne. Ses romans et essais sont inspirés par sa double culture et la confrontation des langues, des sens et des croyances qu'elle implique. La figure de l'étranger la conduit à interroger l'épreuve de l'exil et ses capacités spirituelles d'enracinement.
Publications
Hégires, Actes Sud, 2017.
Mektouba, Albin Michel, 2016.
Les Attentives, Un dialogue avec Etty Hillesum, Albin Michel, 2014, Éd. de poche, 2018.
Toi, ma sœur étrangère. Algérie-France, sans guerre et sans tabou, Le Rocher, 2012, avec Christine Ray.
Rouge Sang Vierge (nouvelles), Éditions El Manar-Alain Gorius, 2010.
Éclats d'islam. Chroniques d'un itinéraire spirituel, Albin Michel, 2009.
Filiations dangereuses, Chèvrefeuille Étoilé, 2008, Prix Alain Fournier.
La chair et le rôdeur, Éd. de L'Aube, 2002.
L'enfant des deux mondes, Éd. de L'Aube, 1998, prix du Festival du premier roman.

Catherine BRUN : Le "s" d'Algéries
Dans "Procès d'une sous-culture dominante" (1984), Mostefa Lacheraf estimait Leïla Sebbar coupable de ne s'identifier nationalement à l'Algérie qu'à haute voix, quand son œuvre, complaisamment apatride, se délecterait de la condition exilique. Et de fait, Mes Algéries en France (2004), Journal de mes Algéries (2005) et ses suites (jusqu'en 2008), Voyage en Algéries autour de ma chambre (2008) outragent ostensiblement l'invariabilité codifiée des noms propres géographiques, qui n'ont couramment qu'un nombre, pour leur opposer un pluriel irrégulier. C'est à examiner les implications de ce coup de force linguistique et politique que cette communication s'attellera.

Catherine Brun est Professeure à l'université Sorbonne Nouvelle. Littéraire, ses travaux se situent au croisement des disciplines. Depuis son Pierre Guyotat. Essai biographique (Léo Scheer, 2005), ils portent sur les rapports de la littérature et du politique, le théâtre contemporain, l'écriture de la guerre d'Algérie, la littérature algérienne de langue française, la mémoire du terrorisme.

Dominique DOAN : La forme et l'image à "Histoires d'elles"
J'ai rejoint l’équipe d'"Histoires d'elles" (1977-1980) à la sortie du numéro zéro comme Luce Pénot avec qui je travaille comme graphiste indépendante. Nous mettons au point la maquette avec les contraintes de production d'un mensuel distribué en kiosque. C'est aussi l'occasion pour moi de m'exprimer en images, montages photos et reportages. À la suite de cette expérience nous participons à la réalisation du livre Des femmes dans la maison. Anatomie de la vie domestique (Nathan, 1981).

Madeleine DOBIE : Shérazade en 1982
Comme beaucoup de lecteurs et lectrices, les premiers textes de Leïla Sebbar que j'ai rencontrés furent les deux premiers tomes de la trilogie Shérazade. Celle-ci a fêté ses 17 ans en 1982 mais elle est restée jeune, incarnant la quête d'indépendance adolescente et une identité doublement minorisée qui n'a rien perdu de son actualité. Shérazade est tout de même le produit d'un contexte historique — celui du tournant des années 1980, et du parcours biographique, professionnel et intellectuel de sa créatrice. Cette intervention situe Shérazade dans ce contexte historique et biographique ; elle se penche notamment sur le rôle structurant des rapports intergénérationnels entre militants de la gauche et du mouvement des travailleurs immigrés et une nouvelle génération qui allait devenir celle des "beurs". Elle considère aussi le rapport entre le style saisissant du roman — par exemple l'incorporation de listes et de fragments — et les différents projets de recherche et d'écriture que Leïla Sebbar poursuivait à cette époque — en particulier son travail pour la revue spécialisée sur l'immigration Sans Frontière (1979-86). Shérazade est souvent lu en parallèle avec d'autres romans des années 1980 qui évoquent la marginalité sociale et la culture hybride des enfants d'immigrés en France, mais il prédate la plupart de ces textes. Le resituer dans le contexte de 1982 fait ressortir sa profonde originalité dans le paysage culturel de l'époque.

Madeleine Dobie est professeure de lettres françaises et de littérature comparée à la Columbia University. Ses recherches et son enseignement portent sur la culture dans des contextes coloniaux, sur les littératures maghrébines et antillaises et sur les dimensions culturelles de la migration et la diaspora. Elle est l'auteure de Foreign Bodies : Gender and Language in French Orientalism (2001, 2003), Trading Places : Colonization and Slavery in 18th-Century French Culture (2010) et, avec Myriam Cottias, Relire Mayotte Capécia, une femme des Antilles dans l'espace colonial français (2012) ainsi que de nombreux articles. Elle a édité/co-édité, entre autres, Maryse Condé, a Writer for Our Times (Yale French Studies, 2021), Remembering Assia Djebar (Romanic Review, 2017) et Africans in France, France in Africa (Comparative Studies in South Asia, Africa & the Middle East, 2006). Elle travaille actuellement sur un livre intitulé Beyond Violence : Culture, Politics and the Algerian New Wave.

Anne DONADEY : Le généreux travail d'édition de Leïla Sebbar
Peu d'écrivains font montre du mélange de générosité de cœur, d'humilité, et d'ouverture d'esprit nécessaires pour soutenir les œuvres d'autres auteur(e)s. Au fil des ans, Leïla Sebbar promeut les œuvres d'autres nouvellistes à travers la direction d'une dizaine de volumes collectifs. Ces volumes collectifs reviennent sur certains thèmes de prédilection de l'auteure comme l'enfance, le rapport aux parents, et la guerre d'indépendance algérienne. Surtout, ils reflètent la volonté de créer un territoire pluriel par la littérature. Ils rassemblent écrivains de tous bords, dépassent les clivages binaires, et offrent des espaces de "vivre ensemble" littéraire qui ouvrent des portes pour l'élaboration possible de reconceptualisations des relations multiculturelles.

Anne Donadey est professeure de français et d'études féminines à San Diego State University en Californie (États-Unis). Elle est l'auteure d'un livre sur les œuvres d'Assia Djebar et de Leïla Sebbar, Recasting Postcolonialism : Women Writing between Worlds (Heinemann, 2001), d'un livre sur les représentations de la guerre d'indépendance algérienne au cinéma, The Algerian War in Film Fifty Years Later, 2004-2012 (Lexington, 2020) et de l'article "L'expression littéraire de la transmission du traumatisme dans La Femme sans sépulture d'Assia Djebar", in Assia Djebar, littérature et transmission, W. Asholt, M. Calle-Gruber & D. Combe (dir.), Colloque de Cerisy (Presses Sorbonne Nouvelle, 2010).

Ida KUMMER : Une polyphonie de voix : réflexions sur les œuvres collectives et la mission éditoriale de Leïla Sebbar
Depuis 1996, Leïla Sebbar a dirigé une vingtaine d'ouvrages collectifs, rassemblant des écrivaines et des écrivains autour de thématiques prolongeant et amplifiant son propre travail. La démarche qui les sous-tendait m'a interrogée par sa singularité et sa complexité alors que je participais à trois d'entre eux : l'écrivaine les a conçus dans un désir d'archiver, de rassembler des souvenirs autobiographiques, accompagnés quelquefois de photos ou de textes courts et manuscrits, comme un écho à sa propre expérience. L'on y retrouve les questions chères à l'auteure : l'exil, l'enfance, la langue, le monde colonial et post-colonial, les questions de genres et de générations, le pays natal et le pays perdu. Cette approche qui s'inspire de l'archéologie consiste à réunir par l'écriture, des témoins aussi divers que possible, des traces (photos, objets, textes) d'un moment et d'un lieu précis, étroitement liés aux secousses de l'histoire du Maghreb. Elle offre donc une multiplicité de points de vue et produit une sorte de capsule spatio-temporelle d'un monde souvent disparu, comme par exemple : "C'était leur France, en Algérie avant l'indépendance", Éditions Gallimard, Coll. Travail éditorial de mémoire, à la croisée du personnel et du collectif, il engendre des ascendances et des descendances, il crée du semblable et du différent, du pluriel et du singulier ; il a en particulier pour mission, selon les mots de l'auteure elle-même de "lutter contre l'amnésie" et selon ceux de Denise Brahimi, "d'abolir ce qui divise". À propos de ces textes autobiographiques collectifs, Leïla Sebbar affirme : "Avec la présence des autres auteurs, je peux finalement me permettre de dire "je". Ils sont une espèce de protection. Il y a aussi le fait que ces textes collectifs sont conçus par des auteurs qui sont les derniers d'une situation coloniale qui n'existe plus. Ils représentent le passage d'un monde à un autre…" (Leïla Sebbar, entretien CELAAN, 2016).

Ida Kummer enseigne la littérature comparée à la New School University à New York. Elle dirige également la Section française à l'École Internationale des Nations Unies. Née en Tunisie, immigrée à Paris à l'âge de 12 ans, puis aux États-Unis à 25 ans, son écriture se concentre sur les flux entre ces trois lieux, leurs intersections avec l'Histoire et avec son itinéraire personnel. Elle co-dirige la revue CELAAN, publiée par Skidmore College (Centre d'études de la littérature et des arts d'Afrique du Nord). Elle a coordonné le numéro spécial de cette revue consacré à Leïla Sebbar en 2016. Elle a participé à trois des collectifs dirigés par Leïla Sebbar : Enfances tunisiennes, Elyzad 2010 ; Le Pays natal, Elyzad, 2013 ; Enfances juives en Méditerranée musulmane, Bleu Autour, 2013.

Sofiane LAGHOUATI
Conservateur et Chercheur qualifié au Musée Royal de Mariemont (Belgique), Sofiane Laghouati est coresponsable de la réserve précieuse (période 1830-aujourd'hui). Commissaire d'une dizaine d'expositions, il est également professeur invité à l'université de Louvain-La-Neuve en Belgique où il enseigne, depuis 2010, les littératures francophones ainsi que l'histoire du livre et de son graphisme. Éditeur scientifique et auteur d'ouvrages et d'articles portant tout aussi bien sur la littérature, les archives, les livres d'artistes que les arts graphiques, il codirige avec Myriam Watthee-Delmotte (Académie Royale de Belgique) et David Martens (Katholieke Universiteit Leuven) la plateforme numérique Littératures Modes d'emploi et, avec ce dernier, le groupe de recherche international RIMELL (Recherches Interdisciplinaires sur la Muséographie et l'Exposition de la Littérature et du Livre).

Michel LARONDE : L'écriture en retenue : carrefours, nœuds, treillage
Tout commence par la Parole. Toute parole, quelle qu'elle soit, intime et partagée, ruminative ou performative, se mue en écriture. Filtrée par le roman, la parole de Leïla Sebbar se transforme en histoire (racontée), puis en Histoire (vécue), directement (personnellement) et indirectement (collectivement). L'organisation et le fonctionnement de l'écriture de la parole sont abordés ici dans un esprit structural. J'observerai les effets que la parole produit sur la forme, qui vont du style parasitaire (conversations en suspens, phrases elliptiques, signes diacritiques, coupures, traces) à l'aspect ruminatif (mono- dia- pluri-logue) d'où ressort une écriture fortement marquée. Pour finir, je mentionnerai quelques exemples de l'extension du maillage de l'écriture du roman à d'autres genres de textes de l'auteure, une pratique que j'ai appelée ailleurs l'intratextualité de l'œuvre (Leïla Sebbar, 2003).

Michel Laronde, professeur émérite d'Études Françaises et Francophones à l'université d'Iowa, a introduit aux États-Unis le domaine des cultures postcoloniales des immigrations en France avec Autour du roman beur. Immigration et identité (1993). Suivent deux volumes d'articles sur le sujet, L'Écriture décentrée, La langue de l'Autre dans le roman contemporain en 1996 et Leïla Sebbar en 2003 puis Postcolonialiser la Haute Culture à l’École de la République en 2008. "L'Histoire dans la fiction. Les massacres du 17 Octobre 1961 à Paris" (titre provisoire) est en cours de publication.

Martine MATHIEU-JOB : Écrire (sur) le silence
Toute une partie de l'œuvre de Leïla Sebbar se trouve nouée à un manque, un silence fondateurs : ceux de l'arabe non transmis par le père. Les textes convoquent les moments volés qui ont permis l'interception de bribes de cette langue, restée délibérément incompréhensible, par une enfant dont la présence silencieuse pouvait être oubliée. À ces souvenirs premiers se superposent ceux d'autres situations d'interceptions à la dérobée de propos tenus entre immigrés arabes dans un square, dans un café parisien par une observatrice tout aussi silencieuse, toujours en retrait, avide de retrouver adulte l'émotion de l'enfant en présence de cette langue pénétrante et inintelligible : langue du secret et du sacré, entraperçue par effraction. Des récits fictifs doublent ces souvenirs par des anecdotes tout aussi symboliques aptes à circonscrire sans jamais les combler les trous, les blancs du discours paternel. Bien qu'obstinément liée au père, l'arabe devient langue imaginaire se situant sur la polarité symbolique du maternel, sorte de langue originelle à jamais perdue, se passant de toute élaboration en système parce que fondée sur l'immédiateté du sensible.

Martine Mathieu-Job est Professeur émérite de littératures française et francophones à l'université Bordeaux Montaigne.
Domaines de recherches : Littératures coloniales et postcoloniales de l'océan Indien et du Maghreb ; Écritures de la Méditerranée.
Ouvrages : Les littératures émergentes ; Axel Gauvin ; Mouloud Feraoun ; Albert Camus ; Les récits mémoriels liés à l'Algérie.
Derniers ouvrages publiés
Mon cher Albert. Lettre à Camus, Tunis, Elizad, "Sous les remparts", 2021.
L'Algérie en héritage (co-dir. avec Leïla Sebbar), Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu autour, 2020.
Albert Camus. Correspondance avec ses amis Bénisti. 1934-1958 (co-dir. avec Jean-Pierre Bénisti), Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu autour, 2019.
À l'école en Algérie. Des années 1930 à l'Indépendance (dir.), Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu autour, 2019.

Mildred MORTIMER : Shérazade, la fugueuse et Isabelle Eberhardt, la vagabonde : deux personnages clés dans l'œuvre de Leïla Sebbar
Shérazade, 17 ans, brune, frisée, les yeux verts (1982) et Les carnets de Shérazade (1985), deux romans consacrés aux pérégrinations d'une jeune fille d'immigrés maghrébins et un recueil de nouvelles, Isabelle l'Algérien (2005), retraçant la vie d'Eberhardt en Algérie ont des thèmes en commun : 1) le parcours de la jeune fille qui cherche à frayer son propre chemin en fuyant une société marquée par des contraintes ; 2) la lecture et l'écriture comme outils dans la quête identitaire ; 3) la découverte d'autrui ainsi que de nouveaux espaces géographiques à travers le voyage initiatique ; 4) la jeune fille marginalisée par sa naissance ; 5) l'Algérie vue comme une patrie à la fois réelle et imaginaire. Finalement, cette analyse qui comprend des écrits séparés par deux décennies nous permettra de discerner l'évolution littéraire de l'écrivaine.

Mildred Mortimer est professeure émérite de littérature francophone à l'université du Colorado (Boulder, États-Unis). Ses ouvrages critiques sur le Maghreb comprennent : Women Fight, Women Write : Texts on the Algerian War ; Maghrebian Mosaic : A Literature in Transition ; Mouloud Mammeri : écrivain algérien. Elle a traduit deux romans de Leïla Sebbar en anglais, La Seine était rouge et Le Silence des Rives.

Adèle OAMSEL : Silences enfances [lecture-performance]
Adèle Oamsel (Adeline Olivier), autrice et éducatrice spécialisée, propose une lecture-performance autour des essais de Leïla Sebbar : On tue les petites filles (Stock, 1978), Le pédophile et la maman (Stock, 1980), et du numéro 358 de la revue Les Temps Modernes que cette dernière a dirigé sous le titre Petites filles en éducation (mai 1976). Ces trois ouvrages constituent une des genèses de Silences enfances, roman en cours d'écriture. L'autre genèse se situe dans la période où elle a exercé en protection de l'enfance, auprès des juges des enfants du tribunal de Bobigny. À Cerisy, elle donnera à entendre le premier chapitre, centré sur l'archéologie des violences faites aux femmes, c'est à dire, celles faites aux petites filles, notamment les violences sexuelles, l'inceste.

Adèle Oamsel (Adeline Olivier) a été formée au CNR de Nantes, puis à l'ERACM, école nationale de théâtre. Elle performe, écrit des pièces, des poèmes : un second recueil a paru en novembre 2020 aux éditions Alidades. Elle anime des ateliers d'écriture et de jeu. Parallèlement, elle est éducatrice spécialisée. Elle a travaillé dans la protection de l'enfance en Seine-Saint-Denis puis aujourd'hui dans une unité de pédopsychiatrie, dans les Hauts-de-Seine. Tout en poursuivant l'écriture de Silences Enfances.
m-e-l.fr/adeline-olivier,ec,904
theatre-contemporain.net/biographies/Adeline-Olivier/

Manon PAILLOT : Leïla Sebbar au miroir d'Isabelle l'Algérien
Le personnage d'Isabelle Eberhardt traverse littéralement l'œuvre de Leïla Sebbar. Elle est "toujours là", "partout où [elle] écrit", au croisement de l'intime et du politique. Travestie en cavalier arabe, elle transgresse tous les interdits occidentaux, vivant en accord avec la terre d'exil qu'elle s'est choisie : l'Algérie. Elle est Si Mahmoud Saadi, jeune lettré arabe nomade parcourant à cheval le désert. Isabelle est une "compagne de route fidèle" permettant à Leïla Sebbar de renouer avec la terre paternelle, avec sa langue et son peuple. La jeune Russe apatride trouve en Algérie "l'exil heureux", le "pays selon son cœur", face inversée de l'exil problématique de Leïla Sebbar. Elle permet de faire le pont entre les deux rives de la Méditerranée en réalisant dans la fiction cette réconciliation intime. Comment Leïla Sebbar raconte-t-elle ce compagnonnage obsédant ? À la croisée de chemins menant invariablement au père, Isabelle est toujours une énigme à déchiffrer.

Manon Paillot est professeure agrégée de lettres modernes et exerce en lycée (Seine Saint-Denis). Elle a travaillé en Master à Paris IV-Sorbonne sur l'œuvre de Leïla Sebbar et plus particulièrement sur le rapport entre Isabelle Eberhardt et Leïla Sebbar dans les recueils Isabelle l'Algérien et Écrivain public.
Publications
"La quête du père", in Je ne parle pas la langue de mon père suivi de L'arabe comme un chant secret, Préface de Marie-Hélène Lafon, Illustrations de Sébastien Pignon, Bleu autour, 2016.
"Leïla Sebbar au miroir d'Isabelle l'Algérien, "Devenir l’autre, corps, plume et âme"", in Ida Kummer (ed.), CELAAN, vol. 13, n°2-3, Fall. 2016, "Leïla Sebbar".
Leïla Sebbar et Isabelle Eberhardt, Nouvelles et récits de Leïla Sebbar : Préface, édition et Postface de Manon Paillot, Illustrations de Sébastien Pignon, Bleu autour, 2021.

Christine PELTRE : La "mémoire infidèle" : le regard d'un écrivain sur les peintres de l'Orient
Dans le texte qu'elle a consacré au peintre Gustave Guillaumet, pour le catalogue de l'exposition de 2019, Leïla Sebbar a poursuivi le dialogue fécond qu'elle n'a cessé d'engager avec la peinture orientaliste, "si décriée" autour d'elle, pour "ce lien entre colonialisme, exotisme et orientalisme" : "j'entendais tout cela que je partageais en partie. Mais…". C'est à ce "mais" que l'on voudrait revenir ici en examinant le concours d'un écrivain à la réception de l'orientalisme artistique, en général réservée aux historiens de l'art. Très attaché aux motifs, aux textures, ce regard pourtant n'est pas celui d'un œil d'atelier et interprète les œuvres au miroir de débats contemporains, par exemple autour de l'image de la femme, l'un des fils rouges de la trilogie de Shérazade. On confrontera la voix singulière de Leïla Sebbar avec celle d'autres écrivains, tels Rachid Boudjedra ou Mathias Enard, qui se sont aussi exprimés sur les représentations de l'Orient.

Christine Peltre est Professeur émérite en Histoire de l'art contemporain à l'université de Strasbourg, agrégée de Lettres classiques.
Publications
Les arts de l'Islam. Itinéraire d'une redécouverte, Gallimard, 2006.
Femmes ottomanes et Dames turques. Une collection de cartes postales (1880-1930), Bleu autour, 2014.
Le Voyage en Afrique du Nord. Images et mirages d'un tourisme, Bleu autour, 2018.
Les Orientalistes, Hazan, 1997, 2018.
Directrice de l'ouvrage collectif : La Croisière. Imaginaires maritimes (XIXe-XXIe siècle), Mare&Martin, 2020.

Luce PÉNOT
Luce Pénot est graphiste indépendante en collaboration avec Dominique Doan, directrice de création à l'agence Textuel, et fondatrice des Éditions Textuel avec Marianne Théry. Graphiste à "Histoires d'elles", elle découvre le premier numéro zéro et adhère immédiatement à cette liberté de penser dans ce groupe de femmes. Plus tard, elle y propose une nouvelle forme visuelle, un objet entre presse quotidienne et magazine, adoptant ainsi une posture singulière dans le féminisme et dans le journalisme.

Martine SAGAERT : Leïla Sebbar - Michelle Perrot : chambres plurielles, chemins singuliers
Associant leur expérience et leur analyse singulière aux autres voix, puisant aux sources écrites et orales, picturales et photographiques, Leïla Sebbar et Michelle Perrot contribuent au récit historiographique des femmes. Elles participent d'une même "valorisation du collectif" et construisent une sorte d'"agora égalitaire" (Christine Bard). Dans son Histoire de chambres (2009) en neuf chapitres, Michelle Perrot élabore une typologie de "la chambre occidentale, surtout française". Du Silence des rives (1993) à Dans la chambre (2019), Leïla Sebbar fait vivre des chambres ancrées de part et d'autre de la Méditerranée. L'historienne et l'écrivaine écoutent les paroles muettes et les secrets retenus. Et Leïla Sebbar de partager la nostalgie d'une chambre véritablement privative, qui ne prive pas, qui ne restreigne pas, une chambre vide comme celle imaginée par la plasticienne Marion Baruch (Voir Michelle Perrot, Le Chemin des femmes, 2019), ouverte sur tous les possibles, matrice d'une "chambre à soi" avec vue sur la mer.

Martine Sagaert est professeure émérite à l'université de Toulon. Outre ses différentes publications sur la littérature du XXe siècle et en particulier sur l'œuvre d’André Gide, outre ses recherches sur "médecine et écriture", elle a travaillé sur l'histoire littéraire des femmes et publié avec Yvonne Knibiehler Les Mots des mères du XVIIe siècle à nos jours (Laffont, "Bouquins", 2016).

Anne SCHNEIDER : Mémoires du texte : l'œuvre de Leïla Sebbar au prisme de ses archives
Le dépôt en juillet et septembre 2013 des archives de Leïla Sebbar à l'IMEC, Institut des Mémoires de l'Édition Contemporaine dans l'abbaye d’Ardenne de Caen, m'a permis en tant que chercheuse de l'université de Caen-Normandie, sous partenariat avec l'IMEC, travaillant depuis longtemps sur cette autrice, d'effectuer des recherches sur son œuvre, de la revisiter et de la relire d'une façon différente. En effet, la cartographie opérée par la conservation des archives de Leïla Sebbar ouvre des perspectives touchant à la fois à la lecture de son œuvre dans sa globalité et dans le détail de sa création. Dans la mesure où Leïla Sebbar a elle-même classé ses documents : photographies, lettres, cartes postales, manuscrits, dessins, journaux, cartes, albums photos, notes, croquis, dessins, feuilles, contrats d'édition, coupures de presse issues d'Algérie ou de France, on peut considérer que cette architecture infra-textuelle a créé une mémoire du texte qui offre une focalisation renouvelée sur certains aspects de son œuvre. Cette redécouverte pour la chercheuse motive le dépôt d'un projet de recherches dont les premiers éléments seront présentés.

Anne Schneider est maîtresse de conférences en langue et littérature françaises à l'université de Caen-Normandie, LASLAR EA 4256. Elle travaille sur la littérature de jeunesse francophone et sur les questions de genre. Ses recherches sur Leïla Sebbar sont les suivantes : "Leïla Sebbar, des prémisses à la quête de soi", Association internationale des études françaises, LVIe Congrès, 6-9 juillet 2004, École normale supérieure, Paris, Actes du Congrès, in Revue de l'AIEF, 2 mai 2005, pp. 403-423 et Anne Schneider, La littérature de jeunesse migrante, Récits d'immigration de l'Algérie à la France, coll. "Espaces Littéraires", L'Harmattan, 2013.

Karin SCHWERDTNER : Des cartes postales et (des traces) du voyage chez Leïla Sebbar
Privilégiant la notion de photo-passage empruntée à Arlette Farge, nous souhaitons penser plus avant chez Sebbar, dans la perspective de la trace, le rapport entre texte, image et voyage, focalisant en particulier sur deux albums avec cartes postales : Voyage en Algéries autour de ma chambre (2008), dernier volet de "la trilogie du côté de [s]on père", et Femmes d'Afrique du Nord. Cartes postales (1885-1930) (2006), en collaboration avec Jean-Michel Belorgey. Il s'agira de montrer, d'une part, comment ces albums témoignent chez Sebbar de son expérience de "voyage" propre, et d'autre part, comment, à leur tour, ils se disposent à faire voyager.

Karin Schwerdtner est professeure agrégée à l'université Western, au Canada, où elle enseigne en Études françaises. Auteure de La femme errante (2005), elle a également codirigé La lettre trace du voyage à l'époque moderne et contemporaine (PU de Nanterre, 2019) et Risques et regrets. Les dangers de l'écriture épistolaire (Nota bene, 2015). Son livre Le (beau) risque d'écrire (Nota bene, 2018) comprend une interview avec Leïla Sebbar. Elle a récemment fait paraitre "Leïla Sebbar : son œuvre, ses lettres, ses fragments (entretien)" dans la revue Épistolaire (2020).

Kamila SEFTA : Les paradoxes de l'école de la République
Par paradoxes, j'entends la contradiction entre, d'une part, l'accès au savoir offert par l'école de la République, qui se veut universelle et, d'autre part, la négation de la diversité linguistique dans les écoles en Algérie, qui conduit certains élèves autochtones à éprouver un sentiment d'exclusion, car une partie de leur identité est occultée. De ce fait, certains élèves sont heureux d'aller à l'école et d'y recevoir un savoir, grâce au dévouement de leurs enseignants, mais ils sont en porte-à-faux vis-à-vis de l'enseignement qu'ils reçoivent. Leïla Sebbar esquisse cette situation dans son livre Je ne parle pas la langue de mon père : son père, instituteur à l'école de la République, lui parle le français, mais pas l'arabe. L'école de la République visait à former des élèves dont les cadres de pensée soient semblables à ceux des écoliers vivant sur le territoire métropolitain. Néanmoins, l'absence d'intégration des spécificités culturelles de l'Algérie coloniale a été l'une des causes de l'échec partiel de ce projet. Des enfants espagnols, italiens, algériens… ont été à cette école et maîtrisent aujourd'hui la culture française, mais nombre d'entre eux, tels Assia Djebar, Mouloud Feraoun, ou Kateb Yacine, soulignent qu'une partie de leur identité n'a pas été enseignée à l'école.

Née en Algérie en 1949, scolarisée à Alger de l'école maternelle à l'université, Kamila Sefta vit à Paris depuis 1971. Maître de conférences en didactique des langues à l'université Paris 3-Sorbonne Nouvelle, actuellement à la retraite.
Dernières publications relatives au colloque
"À la recherche de mon père", dans Une enfance dans la guerre. Algérie 1954-1962, Leïla Sebbar (dir.), Bleu autour, 2016.
"Le paradoxe de la République", dans À l'école en Algérie des années 1930 à l'Indépendance, récits inédits réunis par Martine Mathieu-Job, Bleu autour, 2018.


Exposition "Ce qui se trame : sur le métier de Leïla Sebbar"

Si les Moires de la mythologie grecque filent le destin de l'humanité, ce sont des tisserandes qui s'affairent sur le métier à tisser imaginaire de Leïla Sebbar : celles d'Aflou, sur le Djebel Amour où elle est née en 1941 d’un couple mixte d'instituteurs dans l'Algérie coloniale. À l'instar de ces licières réputées pour leurs tapis de haute laine, Leïla Sebbar travaille à nouer les fils de chaîne individuels aux fils de trame communs.

De l'essai à l'ouvrage collectif, de la nouvelle au roman jusqu'au récit de soi, il lui a fallu démêler l'écheveau des raisons qui l'ont menée à l'écriture en passant d'abord par la recherche en littérature, avec une thèse sur Le Mythe du bon nègre (1973), puis par l'engagement féministe dans l'aventure éditoriale d'Histoires d'elles (1977-1980) et deux enquêtes retentissantes sur les violences faites aux femmes depuis l'enfance.

Tout en cultivant son tropisme pour le travail collectif, Leïla Sebbar trace un chemin d'écriture singulier durant lequel elle fait passer des navettes entre la culture française de sa mère et celle de son père algérien qui ne lui est pas donnée d'emblée mais qu'elle recompose à force d'investigations. Avec une rare acuité, elle traque les traces indicielles et les objets qui témoignent ou éclairent, tour à tour, une communauté de destins, les chiasmes et les ressacs de l'histoire ou encore le parcours exceptionnel de personnalités qui, à l'image d'Isabelle Eberhardt, ont pris le risque de l'Autre.

L'exposition propose de s'intéresser aux livres et objets de Leïla Sebbar, colligés jusqu'au vertige du collectionnisme, qui accompagnent et interrogent dans "la chambre à soi" de l'écrivaine le travail de la mémoire et de l'écriture.


BIBLIOGRAPHIE :

• Site officiel et journal en ligne de Leïla Sebbar : leila-sebbar.fr
• Archives de Leïla Sebbar à l'IMEC (Abbaye d'Ardennes, Caen) [fonds de 78 boîtes en dépôt depuis 2013].
• Association Silence, on lit ! : silenceonlit.com
Féminismes en revue, de 1950 à nos jours (ouvert en juin 2020) : femenrev.persee.fr — Pour la revue Sorcières. Les femmes qui vivent : femenrev.persee.fr/collection/sorci
• Wafae Karzazi, Leïla Sebbar. Une écrivaine à la recherche de soi, Thèse de doctorat en études françaises, Université de Montréal, 2005 [en ligne, mars 2017].
• Ida Kummer (ed.), CELAAN, vol. 13, n°2-3, Fall. 2016 : "Leïla Sebbar".
• Audrey Lasserre, Histoire d'une littérature en mouvement : textes, écrivaines et collectifs éditoriaux du Mouvement des femmes en France (1970-1981), Thèse de doctorat en Littérature et civilisation françaises, Université Sorbonne Nouvelle, 2014 [en ligne, nov. 2017].
• Michel Laronde (dir.), Leïla Sebbar, Paris, L'Harmattan, 2003.
• Dominique Le Boucher, Traversières. Dialogues avec Leïla Sebbar, Paris, Marsa, 2015.
• Ghyslain Lévy, Catherine Mazauric, Anne Roche (dir.), L'Algérie, traversées, Actes du colloque de Cerisy (2017), Paris, Hermann Éditeurs, 2018.
• Anne Schneider, La littérature de jeunesse migrante. Récits d'immigration de l'Algérie à la France, Paris, L'Harmattan, 2013.
• Karin Schwerdtner, Le (beau) risque d'écrire. Entretiens littéraires, Québec, Nota Bene, 2017.


SOUTIENS :

THALIM (UMR 7172, CNRS) / Commission de la recherche [CR] / Direction des affaires internationales [DAI] | Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
Musée Royal de Mariemont (Belgique) — RIMELL
• Wallonie-Bruxelles International - Belgique (WBI)