Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


ARTS ET ÉCRITS REBELLES

IMAGES DISSIDENTES ET RÉSISTANCES DE LA LANGUE


DU MERCREDI 11 MAI (19 H) AU DIMANCHE 15 MAI (14 H) 2022

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Idoli CASTRO, Sonia KERFA, Sophie LARGE, Evelyne LLOZE, Yolaine PARISOT


ARGUMENT :

Se rebeller, c'est repartir en guerre selon l'étymologie. Repartir implique un acte de réinvention des pratiques tant artistiques que littéraires, et il faut faire crédit à la rébellion et à la dissidence d'une capacité d'inventivité qui atteint l'ensemble des créations humaines, y compris les arts. Plus de soixante-dix ans après la célèbre définition de l'"artiste engagé" par Sartre, ce colloque propose d'analyser les reconfigurations actuelles de la résistance dans les arts et les écrits, et ainsi d'étudier en quoi l'émergence de nouvelles épistémologies ont pu profondément les modifier en faisant entrer dans le champ de la connaissance certaines pratiques. Les travaux s'intéresseront non pas à une aire culturelle mais à un réseau de relations : celles du monde dit occidental articulé aux mondes des "Suds" qui ont expérimenté des formes de rébellions et des révolutions multiples et diverses, mais aussi des manières de vivre la démocratie et de revendiquer des libertés individuelles qui ont été fécondes pour la création.

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2021, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2021 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Arts visuels, Émancipation, Littérature, Rébellion, Réinvention


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 11 mai
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 12 mai
Matin
PERFORMANCES, UNE CORPOPOLITIQUE DES ARTS ?
Juan ALBARRÁN : Santiago Sierra et les sujets de la résistance
Béatrice JOSSE : Contre l'art des œuvres d'art
Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Transformisme et politique dans les Caraïbes hispanophones (Cuba et Porto Rico)

Après-midi
LES CONTRE-NARRATIVITÉS
Paula BARREIRO LÓPEZ : De retour à l'archive visuelle révolutionnaire : pratiques artistiques mondialisées et leurs spectres tricontinentaux
Michèle SORIANO : Corps, production, signatures : créations collectives dans le cinéma contre-hégémonique argentin
Pascale THIBAUDEAU : Contre la normativité du visible : les nouveaux paris cinématographiques d'Ainhoa Rodríguez

Soirée
Hommage à Anne-Laure BONVALOT (1983-2022) — Lecture de textes


Vendredi 13 mai
Matin
RÉSISTANCE DE LA LANGUE, À L'INTERSECTION DES VOIES/X REBELLES
Florian ALIX : Réécriture de l'Histoire coloniale au féminin : médiation et sensation chez Assia Djebar (La Femme sans sépulture), Anna Moï (Riz noir) et Léonora Miano (La Saison de l'ombre)
Sylvie SERVOISE : Les "romans à voix" de Lyonel Trouillot ou la polyphonie adressée
Patrick SAVIDAN : Résister avec Adorno : l'art et la manière

Après-midi
PRATIQUES ARTISTIQUES DU SUD GLOBAL, ENTRE DÉCOLONIALITÉ ET NORMALISATION
Julia RAMÍREZ-BLANCO : Vers une iconographie des contre-cultures anti-industrielles
Valérie MAGDELAINE-ANDRIANJAFITRIMO : Créer et éditer depuis l'océan Indien : pratiques rebelles ou normalisation de l'expression artistique ?
María RUIDO : Autour de Estado de malestar, film-essai sur la folie comme forme de résistance [visioconférence]

Soirée
Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Cabaret tropical [performance de Lola Von Miramar]


Samedi 14 mai
Matin
"ON SE LÈVE ET ON SE CASSE" (VIRGINIE DESPENTES)
Claire LAGUIAN : Les nouvelles Guérillères lesbiennes dans la poésie espagnole contemporaine
Meri TORRAS : Se rebeller pour écrire et pour aimer : La insumisa de Cristina Peri Rossi
Nathalie WATTEYNE : Femmes, colère et poésie au Québec : Carole David, Monique Deland et Natasha Kanapé Fontaine

Après-midi
DÉTENTE


Dimanche 15 mai
Matin
SUBJECTIVITÉS ET ESTHÉTIQUES REBELLES
Romuald FONKOUA : Léon-Gontran Damas, les voies rebelles de l'anthropologie et de la poésie
Nadia LOUAR : Les postures insolentes de Virginie Despentes
Inès HORCHANI (Ines ORCHANI) : Gazelle théorie, une expérience d'écriture rebelle [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Atelier de clôture du colloque, avec les doctorantes Cristina GARCIA MARTINEZ (S. Kerfa - UGA), Sihong LIN (E. Lloze - UJM) et Juliette STELLA & Murielle VAUTHIER (Y. Parisot - UPEC)

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Juan ALBARRÁN : Santiago Sierra et les sujets de la résistance
Les plus connus (et les plus polémiques) projets de l'artiste espagnol Santiago Sierra ont été construits à partir d'un recrutement de travailleurs rémunérés pour faire des tâches absurdes, improductives, voire humiliantes. De cette manière, Sierra se place dans la position d'un entrepreneur qui exploite ses employés pour produire de l'art. Face à ces œuvres qui veulent formuler une critique du capitalisme actuel, on se demande quel type de sujet-artiste incarne Sierra ? Quelle marge d'action reste aux travailleurs, ou performeurs délégués ? Comment peuvent-ils résister aux relations de travail conçues par l'artiste ? Et, finalement, quelle est la position du spectateur dans ce type de performances ? Cette contribution tentera de répondre à ces questions en prenant en considération certains des plus importants apports théoriques qui ont transformé le concept de sujet/subjectivité pendant les dernières décennies.

Juan Albarrán est professeur d'histoire de l'art à l'universidad Autónoma de Madrid. Il s'intéresse aux rapports entre art et politique depuis les années 70. Il est membre du projet international MoDe(s) et dirige le magazine Utopía. Revista de crítica cultural (Madrid-Ciudad de México).
Dernières publications
Disputas sobre lo contemporáneo, Exit, 2019.
Performance y arte contemporáneo, Cátedra, 2019.

Florian ALIX : Réécriture de l'Histoire coloniale au féminin : médiation et sensation chez Assia Djebar (La Femme sans sépulture), Anna Moï (Riz noir) et Léonora Miano (La Saison de l'ombre)
Dans cette communication, on se proposera de lire l'œuvre de trois romancières contemporaines à l'aune du concept postcolonial de writing back, conçu par Bill Ashcroft, Garreth Griffiths et Helen Tiffin, comme une réécriture critique d'un corpus européen depuis des espaces marqués par l'implantation coloniale. Dans le cas qui nous occupe, l'approche prendra une coloration intersectionnelle puisqu'à cette question politique s'ajoute dans les romans une réflexion sur le genre et, dans une certaine mesure, sur les groupes sociaux (sinon sur les classes). Le writing back doit alors être conçu dans toute sa complexité : les romancières ne mobilisent pas simplement une reconfiguration littéraire mais aussi d'autres arts ou médias. En même temps, ce travail passe aussi par une tentative de se détacher d'un cadre épistémique au profit de la mise en œuvre d'une écriture de la sensation, comme outil stratégique de déplacement de la pensée de l'Histoire. L'écriture romanesque des trois romancières se situe donc entre complexité de la médiatisation et usage de la sensation (apparemment) immédiate : c'est cet entre-deux que nous nous proposons d'explorer

Florian Alix est maître de conférences à la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université, rattaché au CIEF / CELLF. Il travaille en particulier sur les littératures africaines et caribéennes. Il est membre du collectif "Write back".
Publications
A co-dirigé Postcolonial Studies : modes d'emploi, P.U.L., 2013.
A co-dirigé, avec Evelyne Lloze et Romuald Fonkoua, Poésies des francophonies : état des lieux (1960-2020), Hermann, 2021.
L'Essai postcolonial, Karthala, 2022.

Paula BARREIRO LÓPEZ : De retour à l'archive visuelle révolutionnaire : pratiques artistiques mondialisées et leurs spectres tricontinentaux
Avec la première conférence tricontinentale à La Havane (1966), la configuration d'un mouvement transnational de résistance et de soutien aux luttes de libération dans le sud global (Amérique latine, Afrique et Asie) s'est formée. Ce mouvement a fourni une structure qui allait au-delà des tactiques politiques et militaires, s'étendant au-delà du champ de bataille paysan et urbain pour devenir une tactique utile dans le domaine de l'art et de la culture en Europe, aux États-Unis et en Amérique latine dans les années soixante et soixante-dix. Quarante années plus tard, l'archive tricontinentale et son arsenal d'images, longtemps oubliés, sont en train de renaître à travers des pratiques rebelles d'une multitude d'artistes visuels et réalisateurs afin de contrecarrer la colonialité du pouvoir et le capitalisme cognitif de notre monde actuel.

Paula Barreiro López est professeure d'histoire de l'art contemporain à l'université de Grenoble-Alpes (LARHRA UMR 5190). Elle dirige la plateforme internationale MoDe(s) et, dans ce cadre, le projet Résistance(s) Partisane(s).
Publications
Atlántico Frío. Historias transnacionales del arte y la política en los tiempos del telón de acero, 2019.
Avant-garde Art and Criticism in Francoist Spain, 2017.
Modernidad y vanguardia : rutas de intercambio entre España y Latinoamérica, 2015 (édité avec Fabiola Martínez).
Crítica(s) de arte : discrepancias e hibridaciones de la Guerra Fría a la globalización, 2014 (avec Julian Díaz).

Inès HORCHANI (Ines ORCHANI) : Gazelle théorie, une expérience d'écriture rebelle
En interrogeant l'espace vide entre "écrits" et "rebelles", Orchani propose un retour à l'expérience d'écriture rebelle. En tant que chercheuse, mais aussi en tant qu'écrivain, elle s'essaie ici à une phénoménologie de l'écriture rebelle. Elle se demande si l'on peut écrire et se rebeller en même temps, si l'on peut écrire au lieu de se rebeller, et s'il existe un âge de la rébellion. Ces questions liées à l'expérience rebelle conduisent Orchani à revenir aux formes de l'art rebelle. La rébellion, allant de l'antinomie à l'anomie, de l'anticonformisme à l'invention de formes nouvelles. Orchani montre qu'il n'y a peut-être pas d'écrits rebelles, mais seulement de l'écriture rebelle. Parce que l'écrit, dans sa forme recevable, définitive, est figé, assagi. En partant d'exemples francophones, arabophones et anglophones, et de l'expérience de Gazelle Théorie, Orchani conclut que la rébellion et l'amour sont deux exceptions à l'intentionnalité chère à la phénoménologie : l'amour serait une inconscience de (expérience du tout objet) et la rébellion serait une prise de conscience sans objet (expérience du tout sujet). Car le rebelle dit "je". Ce "je" n'est pas nécessairement un "ego". Il peut l'être, parce l'ego est l'expérience première du soi, mais lorsque le rebelle dit "je", puis lorsqu'il l'écrit, c'est de façon plus réflexive qu'égocentrée. Car ce "je" est un "soi" qui tend vers le "nous". Un "je" qui déborde, et qui dépasse l'indicible humiliation. Orchani parle ici d'ipse, d'un soi comme conscience commune, nourrie d'expériences singulières.

Inès Horchani enseigne la littérature à la Sorbonne Nouvelle depuis 2006 et a pour nom de plume Ines Orchani. Agrégée de langue arabe, Inès Horchani est la co-auteure de Marhaba Grand manuel d'arabe (Dunod, 2022, 592 pages). Elle a par ailleurs traduit une vingtaine d'auteurs/autrices arabophones. Ines Orchani a publié Gazelle Théorie, chez Fayard, dans la collection "Pauvert", dans le sillage de King Kong Théorie de Despentes. Sous le pseudonyme NES, aux éditions Les Centres du Monde, elle a fait paraître deux recueils de poésie trilingue arabe-français-anglais, intitulés Lâm et Sîn. Sa nouvelle "L'homme de lointaine tendresse et de silence" obtient le Prix spécial du jury du jeune écrivain francophone, son poème "La femme au miroir" figure dans l'Anthologie de la poésie mondiale (Éditions Caractères, 2021), et Gazelle Théorie est sélectionné pour le prix Livre et Droits humains. Ses recherches actuelles portent sur la sécularisation des textes sacrés, sur la fonction critique de la poésie et sur la place du poète dans l'espace public.

Béatrice JOSSE : Contre l'art des œuvres d'art
Évincées de l'histoire de l'art académique, la performance ainsi que les autres formes d'œuvres protocolaires ou collectives n'ont guère eu de place dans les collections muséales, focalisées exclusivement sur les aspects matériels des œuvres. Alors que la notion de patrimoine immatériel est officialisée par l'Unesco à la fin des années 90, j'intègre des œuvres performatives, souvent conjuguées au féminin, au Fonds régional d'art contemporain de Lorraine basé à Metz. Il constitue ainsi la première collection publique en France à entériner cette forme d'acquisitions de formes live à réactiver, à interpréter. Animée par une démarche profondément féministe qui permet de révéler plus largement les questions d'invisibilité, je poursuis au MAGASIN des horizons à Grenoble la sape d'un certain monde de l'art arc-bouté sur la valeur marchande.

Béatrice Josse s'est formée en droit et en histoire de l'art avant d'être nommée au 49 Nord 6 Est - Frac Lorraine en 1993 puis au MAGASIN à Grenoble en 2006, destiné à collectionner des œuvres d'art. Elle a réussi à infléchir considérablement le nombre d'artistes masculins tout en y infiltrant des pratiques immatérielles (performances, protocoles…). Outre des monographies d'artistes femmes historiques : Vera Molnar, Nil Yalter, Cécilia Vicuna, Tania Mouraud…, elle a aussi organisé de nombreuses expositions collectives en lien avec ses engagements féministes : "Territoire occupé", "2 ou 3 choses que j'ignore d'elles", "Les Immémoriales"… Dorénavant à la direction du Magasin des horizons à Grenoble, elle s'oriente vers une nouvelle définition du rôle de l'artiste dans la société en proposant des projets pluridisciplinaires, ainsi qu'une formation professionnelle ouverte aux questions art/société/climat…

Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Transformisme et politique dans les Caraïbes hispanophones (Cuba et Porto Rico)
Quelle est la politique de la performance de drag dans les Caraïbes hispaniques ? Dans cette communication, nous nous concentrerons sur deux artistes : Mickey Negrón (Porto Rico) et Pedro Manuel González Reinoso, mieux connu sous le nom de Roxana Rojo (Cuba). Nous contextualiserons leur travail par rapport à une politique de résistance dissidente qui négocie selon des contextes spécifiques. Dans le cas de Mickey Negrón, nous parlerons de sa performance PonerMickeytarme : ritual de pluma y purificación (2015), qui a été réalisée comme une intervention et protestation contre une marche menée par les églises pentecôtistes et évangéliques qui s'opposent à l'éducation avec une perspective de genre à Porto Rico. Dans le cas de González Reinoso, nous discuterons de son livre Vidas de Roxy, ó el aplatanamiento de una rusa en Cuba (2010) et sa participation à deux documentaires du jeune cinéaste Lázaro González González, Máscaras (2014) et Villa Rosa (2016), dans lesquels l'artiste drag discute de son incarnation d'un personnage russe à Cuba. Travaillant avec l'idée que la performance remet en question le genre et que la culture peut servir dans le cadre d'un processus décolonial, nous examinerons comment ces artistes questionnent et défient les cadres hégémoniques et les relations de pouvoir en lien avec la sexualité et l'État.

Lawrence La Fountain-Stokes est professeur de culture américaine et de langues et littératures romanes à la University of Michigan, Ann Arbor (États Unis). Ses recherches portent sur la littérature, le théâtre et la performance queer des Caraïbes hispanophones et de la diaspora.
Publications
Queer Ricans : Cultures and Sexualities in the Diaspora (2009).
Uñas pintadas de azul/Blue Fingernails (2009).
Abolición del pato (2013).
A Brief and Transformative Account of Queer History (2016).
Keywords for Latina/o Studies (2017).
Escenas transcaribeñas : ensayos sobre teatro, performance y cultura (2018).

Claire LAGUIAN : Les nouvelles Guérillères lesbiennes dans la poésie espagnole contemporaine
La poésie espagnole contemporaine est marquée par l'avènement de nombreuses poètes qui explorent dans leurs vers les identités lesbiennes et queer. Ces dissidences langagières et vitales sont influencées par l'apparition de courants de pensée récents qui ont surgi bien après les féminismes européens des années 70. Nous pensons par exemple aux perspectives queer et aux études de genre qui inspirent ces poètes dont la radicalité s'aventure sur des terrains relativement neufs dans l'histoire des féminismes, tels que le postporn ou le pornoterrorisme. Néanmoins, nous verrons comment cette dissidence contemporaine s'inscrit également dans la continuité des générations théoriques et artistiques antérieures, en reconfigurant la figure fondamentale des Guérillères poétisée par Monique Wittig en 1969, et en conservant la viscéralité wittiguienne (Le corps lesbien) et sa déconstruction générique du langage.

Claire Laguian est docteure en littérature espagnole contemporaine et MCF à l'université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. Elle a entre autres travaillé sur les créations de nombreuses écrivaines espagnoles depuis la perspective des désirs lesbiens et de l’écriture des luttes féministes et queer. Par ailleurs, elle a dirigé des ateliers d'écriture créative et d'autotraduction autour des stéréotypes et représentations de genre en littérature.
Pour plus d'informations : https://etudes-romanes.univ-paris8.fr/?Claire-Laguian-MCF.

Nadia LOUAR : Les postures insolentes de Virginie Despentes
Dans le cadre de ce colloque axé sur la rébellion et la dissidence, je me propose d'interroger la fable concoctée par la critique d'une Virginie Despentes "assagie". Si Baise-moi a assuré à la jeune auteure punk un lectorat fidèle et a invité des perspectives critiques nouvelles, ce premier roman a dessiné du même coup un horizon d'attente à l'aune duquel on a parfois jugé durement son ascension littéraire. Il ne s'agira donc pas de retracer ici un remarquable parcours de la marge au centre mais d'analyser une entreprise littéraire qui a radicalement altéré le paysage culturel français et instauré un nouveau discours sur les femmes, les genres, et la sexualité.

Nadia Louar est professeure de français et co-directrice du Département de Langues et Littératures à l'université Wisconsin-Oshkosh. Ses recherches portent sur les littératures francophones et les études féminines et de genres.

Valérie MAGDELAINE-ANDRIANJAFITRIMO : Créer et éditer depuis l'océan Indien : pratiques rebelles ou normalisation de l'expression artistique ?
Des revues artistiques, culturelles et littéraires contemporaines des îles du sud-ouest de l'océan Indien comme Indigo, Fragments, Project'îles, Lettres de Lémurie, Kanyar ou Point barre, résolument plurielles et pluridisciplinaires, rendent compte des productions artistiques des îles en s'appuyant sur un postulat : l'idée d'une Relation indianocéane ou "lémure". Ces revues contribuent-elles à poser un acte politique fort, en proposant une recomposition des champs artistiques internationaux devant prendre en considération des espaces anciennement minorés, ou bien contribuent-elles à une certaine normalisation des pratiques littéraires et artistiques ? Ces nouveaux regards sur les arts offrent ainsi l'occasion de réfléchir à une redéfinition de ce que peuvent être la rébellion et la résistance d'un "Sud global".

Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo est Maître de conférences en littératures françaises et francophones à l'université de La Réunion. Rédactrice en chef de la revue NEF - Nouvelles Études Francophones de 2014 à début 2022, directrice des Presses universitaires Indianocéaniques. Francophoniste spécialisée dans les littératures de l'océan Indien. A codirigé ou dirigé plusieurs ouvrages ou numéros de revues, dont, avec G. Armand et Y. Parisot, TROPICS, n°4, Discours artistiques du contemporain au prisme de l'océan Indien : fictions, critique et politiques (2018).

Julia RAMÍREZ-BLANCO : Vers une iconographie des contre-cultures anti-industrielles
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, une multitude de groupes et d'individus dans différents pays se sont engagés dans la recherche d'une vie plus "naturelle", s'opposant à la transformation radicale de la vie induite par la première révolution industrielle. La lebensreform en Allemagne, en Suisse et en Autriche, le transcendantalisme aux États-Unis et le simple life movement au Royaume-Uni convergeaient dans nombre de leurs propositions. En France et en Belgique prolifèrent les "milieux libres", petites communautés anarchistes que l'on peut considérer comme les précurseurs de l'environnementalisme. Dans la péninsule ibérique, le naturisme, le végétarisme et la culture libre ont, pour leur part, emprunté des chemins idéologiques différents. À partir d'une approche transnationale centrée sur les pays du Sud, cet article traite des formes d'autoreprésentation de ces communautés à partir d'images photographiques fortement mises en scène, qui donnent souvent lieu également à la production de cartes postales. Ce corpus visuel fait dialoguer des groupes de différents endroits et génère une sorte d'iconographie de la contre-culture anti-industrielle qui perdure encore aujourd'hui.

Julia Ramírez-Blanco, professeur à l'université de Barcelone, travaille sur la relation entre art, utopie et activisme. Elle a été co-commissaire de l'exposition Grande Révolution Domestique-Guise, est membre du comité de la Society for Utopian Studies, du Centre for Artistic Activism et codirige le groupe de travail Aesthetics & Technics between Prefiguration and Revolution (Université américaine de Paris). Elle travaille actuellement sur les mouvements de retour à la terre de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
Publications
Artistic Utopias of Revolt, Palgrave, 2018.
"Non Textual Utopias" (ed.), Regac Journal, 2018.
Pequeño bestiario de monstruos políticos (ed.), Cendeac, 2020.
15M. El tiempo de las plazas, Alianza, 2021.
Amigos, disfraces y comunas (Cátedra, sous presse, 2022).

María RUIDO : Autour de Estado de malestar, film sur la folie comme forme de résistance
"Le capital rend le travailleur malade, puis les multinationales pharmaceutiques lui vendent des médicaments pour qu'il aille mieux. Les causalités sociales et politiques de la détresse mentale sont mises de côté en même temps que le mécontentement est individualisé et intériorisé." [Mark Fisher, Réalisme capitaliste]
Estado de malestar ["État de détresse"] (2019) prend comme point de départ une série de textes de Mark Fisher, Franco Berardi "Bifo" et Santiago López Petit, ainsi que des conversations avec des philosophes, des psychiatres et des patients ou des personnes diagnostiquées, notamment le collectif militant InsPiradas, à Madrid. Il se présente comme un essai visuel sur la symptomatologie et la souffrance psychique à l'ère du réalisme capitaliste, sur la douleur que notre mode de vie nous inflige et sur les lieux et modalités de résistance et/ou de changement que nous pouvons construire pour le combattre.
Estado de malestar - María Ruido - Video HD, super 8mm, 16 mm - 63 mn - 2019 - VO : espagnol - Sous-titres : anglais

Maria Ruido est réalisatrice, artiste, chercheure et enseignante. Elle vit à Madrid et à Barcelone, où elle enseigne au département d'Arts visuels depuis 2002, et où elle participe à plusieurs études sur les représentations et leurs contextes de production. Ses travaux des recherches portent sur les imaginaires du travail dans le capitalisme post-fordiste, sur les mécanismes qui construisent la mémoire et ses relations avec les différents récits historiques et, actuellement, sur l'imaginaire décolonial et ses possibilités d’émancipation.
Filmographie
2002 - La memoria interior (33 mn)
2003 - Tiempo real (43 mn)
2005 - Ficciones anfibias (33 mn)
2008 - Plan Rosebud 1 (114 mn) + Plan Rosebud 2 (120 mn)
2009 - Zona Franca (20 mn)
2010 - Le paradis (4 mn)
2010 - Lo que no puede ser visto debe ser mostrado (12 mn)
2011 - ElectroClass (53 mn)
2014 - Le rêve est fini / The dream is over (47 mn)
2015 - L'œil impératif / The imperative eye (63 mn)
2017 - Mater Amatísima (55 mn)
2019 - Estado de malestar (63 mn)

Pascale THIBAUDEAU : Contre la normativité du visible : les nouveaux paris cinématographiques d'Ainhoa Rodríguez
Dans le cinéma d'"auteur" espagnol actuel, plusieurs cinéastes s'attachent à filmer l'"Espagne vide" et les processus de désertification des zones rurales. Il s'agit de montrer, depuis un régime documentaire, fictionnel ou mixte, des personnes — le plus souvent âgées —, des lieux et des modes de vie en voie de disparition. Souvent de tonalité crépusculaire et mélancolique, ces films (depuis Le ciel tourne (2005) de Mercedes Álvarez, jusqu'à Face au vent (2018) Meritxell Colell, en passant par Elogio de la distancia (2009) de Julio Llamazares y Felipe Vega) rendent compte de l'attente d'une fin déjà à l'œuvre en adoptant un rythme le plus souvent contemplatif. Si le premier long métrage d'Ainhoa Rodríguez s'inscrit dans la liste des films qui prennent pour objet la mort annoncée d'un village, il le fait en réinvestissant certains codes des films cités (longs plans fixes, refus de la transparence narrative, effets soustractifs) mais en les faisant exploser par l'émergence de forces enfouies sous les apparences tranquilles d'une ruralité fantasmée : forces occultes, libido et violences patriarcales refont surface à la veille d'une catastrophe annoncée (ici la fin sera brutale et cosmique, non dilatée dans le temps ni mélancolique). Outre l'articulation peu commune entre les approches anthropologique, fantastique et expérimentale, la réalisatrice — qui a vécu un an dans le village — vient bousculer les habitudes spectatorielles contemporaines en exposant des visages, des nudités et des corps non normatifs, rarement montrés au cinéma. Cette intervention s'intéressera à la façon dont ce film déconstruit à la fois les regards normés par la photogénie dominante, les codes du cinéma mainstream autant que de certaines formes de cinéma plus exigeantes.

Pascale Thibaudeau est agrégée d'espagnol, professeure à l'université Paris 8 et spécialiste du cinéma hispanique. Ses recherches actuelles portent sur les rapports entre cinéma, histoire et mémoire, depuis une perspective spectrale. Elle a écrit plusieurs articles et coordonné deux numéros de revues sur ces questions : "Spectres de la guérilla dans les cinémas hispaniques", HispanismeS, n°7, 2016 ; "Fantasmas, justicia y reparación en Guatemala. La Llorona de Jayro Bustamante", Pandora, n°16, 2021. Elle dirige actuellement le Laboratoire d'Études Romanes de l'université Paris 8.

Meri TORRAS : Se rebeller pour écrire et pour aimer : La insumisa de Cristina Peri Rossi
Cristina Peri Rossi (Montevideo 1941) a récemment reçu les prestigieux prix José Donoso (2019) et Cervantes (2021). Entre les deux, La insumisa (2020) est apparue comme la première publication autobiographique de l'auteure uruguayenne. Le texte se concentre sur les années d'enfance à Montevideo et se termine par l'exil à Barcelone. Ainsi, on assiste au développement d'une enfance et jeunesse queer, où le sujet résiste à sacrifier son désir et son objectif de devenir écrivaine, parallèlement à son insoumission à la norme, sa résistance à obéir aveuglément aux commandements sexuels, ainsi qu'à une rébellion consciente et qui perdure jusqu'à maintenant, reconnaissable dans toute son œuvre. Si l'étymologie de rébellion nous conduit à la guerre, sans complètement abandonner ce champ sémantique, l'étymologie de insoumission imprime un geste de résistance et nous conduit à celui qui n'est pas soumis(e), qui ne fait pas preuve de soumission, de docilité, d'obéissance, qui ne se soumet pas à l'autorité et qui réaffirme son non, sans pour autant être moins combatif.

Nathalie WATTEYNE : Femmes, colère et poésie au Québec : Carole David, Monique Deland et Natasha Kanapé Fontaine
Une colère contre la violence faite aux femmes se fait entendre depuis la prise de parole collective "Moi aussi". Mais le phénomène ne date pas d'hier et on peut l'observer dans plusieurs écrits au Canada français depuis le XIXe siècle, comme l'a fait Lori Saint-Martin en 1989. Analysé comme "moteur textuel" dans la prose narrative des femmes au Québec par Ariane Gibeau (2018), un tel phénomène est-il bien différent en vers ? Nous aimerions cerner des modalités de la colère dans trois recueils contemporains, à partir des dynamiques propres à chacun, en faisant ressortir un décalage entre "tableau" et "cadre", pour reprendre la terminologie du linguiste Dominique Maingueneau. La prise en compte des deux plans langagiers permettra de dégager l'aspect novateur inhérent à la construction des recueils et, si possible, les éléments d'une convergence des trois paroles poétiques rebelles de Carole David, Monique Deland et Natasha Kanapé Fontaine.

Spécialiste de la poésie des femmes au Québec, Nathalie Watteyne est professeure de littérature et directrice du Centre Anne-Hébert à l'université de Sherbrooke. Après avoir dirigé les Œuvres complètes d'Anne Hébert en cinq tomes publiés aux Presses de l'université de Montréal (2013 à 2016), elle a fait paraître deux collectifs, dont, avec Amir Biglari, Scènes d'énonciation de la poésie lyrique moderne (Classiques Garnier, 2019). Son quatrième recueil de poèmes, Le sourire des fantômes, a paru aux éditions du Noroît en octobre 2021. Elle est codirectrice du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ).


BIBLIOGRAPHIE :

• BALASINSKI Justyne, "Art et constestation", in Olivier FILLEULE (éd.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, pp. 67-73.
• BALASINSKI Justyne & MATHIEU Lilian, "Introduction", in Justyne BALASINSKI & Lilian MATHIEU (éd .), Art et contestation, Rennes, PUR, 2010, pp. 9-27.
• BRETON André & RIVERA Diego, Pour un art révolutionnaire indépendant, Mexico, le 25 juillet 1938 [Manifeste de la Fédération internationale des Artistes révolutionnaires indépendants / rédigé avec la collaboration de Léon Trotsky], Service d'édition et de librairie du Parti communiste internationaliste (IVe Internationale), 1938, 4 p.
• DELEUZE Gilles, "Qu'est-ce que l'acte de création ?", Conférence donnée dans le cadre des mardis de la fondation Femis 17/05/1987 [Disponible sur https://www.webdeleuze.com/].
• DEWITTE Jacques, Le Pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit, essai sur la résistance au langage totalitaire, Michalon, 2007.
• SAID Edward, L'Orientalisme : L'Orient créé par l'Occident, Paris, Éditions du Seuil [1980], 2005.
• SARTRE Jean-Paul, "Qu'est-ce que la littérature ?", Les Temps modernes, 1947.
• SCOTT James C., La domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne, Paris, Éditions Amsterdam [1992], 2008.
• TARROW Sidney, "La mondialisation des conflits : encore un siècle de rébellion ?", Études internationales, n°24, vol. 3, 1993, p. 513–531.


SOUTIENS :

• Laboratoire de recherche "Lettres, idées, savoirs" (LIS, EA 4395) | Université Paris-Est Créteil (UPEC)
ANR-18-EURE-0015 FRAPP
• Unité de recherche "Études du Contemporain en Littératures, Langues, Arts (ECLLA) | Université Jean Monnet Saint-Étienne
• Laboratoire Passages XX-XXI | Université Lumière Lyon 2
• Unité de recherche interdisciplinaire "Interactions culturelles et discursives" (ICD, EA 6297) | Université de Tours
• Institut des langues et cultures d'Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie (ILCEA4) | Université Grenoble Alpes (UGA)
• Genre et Arts dans une perspective poét(h)ique et politique | GAPP
• Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA, UMR 5190) | Université Grenoble Alpes (UGA)

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


ART ET ARGENT : IMAGER, RACONTER, CRÉER


DU MERCREDI 11 MAI (19 H) AU DIMANCHE 15 MAI (14 H) 2022

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Patrice BAUBEAU, Martial POIRSON


ARGUMENT :

La réflexion collective engagée avec Yann Thomas depuis plusieurs années à l'occasion de séminaires à la BNF, puis à l'INHA, portant sur les relations entre les arts et l'économie d'hier à aujourd'hui viendra à maturité lors de ce colloque de clôture de Cerisy, qui faite suite au colloque "Hors les murs" tenu en mai 2021 (voir le blog hypothèses "Art et Argent"). Le principe initiateur consiste dans l'idée que les formes de production, de représentation et de réception de l'art à travers les âges sont indissociables du système économique de leur temps, sans en être pour autant une simple transposition. De même, la mise en fiction de l'économie, sa réalité parfois portée à la critique, sublimée ou transformée par l'art, autorisent de subtiles stratégies d’infiltration, de détournement, de subversion de l'attribution de la valeur d'une part, des tropes de l'économie comme science et instance de légitimation d'autre part. D'où l'existence d'un rapport de fascination et de répulsion mutuelle entre art et argent. Ce dialogue complexe s'éclaire en interrogeant la position des œuvres, des artistes et des publics, mais aussi, de façon symétrique, les modalités de captation des gestes artistiques au sein de l'activité économique proprement dite. Le travail créateur s'insère ainsi dans la production de valeur marchande comme dans ses processus de créance, tout en interrogeant ses modalités d'évaluation, de distribution ou d'appropriation, sous leurs formes économiques, sociales, politiques, culturelles et symboliques.

À la suite du colloque interdisciplinaire tenu du 11 au 17 mai 2021 en Sorbonne et qui a apporté une riche moisson d'interventions, l'atelier-colloque organisé à Cerisy propose une forme originale de commun intellectuel, consistant dans la mise en forme, la mise en relation et l'intertextualité des différentes contributions. Ce format, réunissant artistes, universitaires et acteurs de l'économie, permettra de laisser une large place au débat, à la recherche-création et à l'expérimentation artistique des objets et mécanismes économiques. Il a pour objectif, non seulement de collationner et donner à voir textes canoniques ou œuvres moins connues, de toutes disciplines, mais encore de concevoir une publication commune autour des contributions de 2021 et des corpus, outils et méthodes d'investigation.


MOTS-CLÉS :

Argent, Arts, Créance, Crise, Économie, Fiction, Littérature, Monnaie, Théâtre


PARTICIPANTS :

Xavier GREFFE, Marius Warholm HAUGEN, Romain JOBEZ, Agnieszka KOMOROWSKA, Agnès LONTRADE, Marie-Laure MASSEI-CHAMAYOU, Éric MÉCHOULAN, Yann MOULIER-BOUTANG, Annika NICKENIG, Alexandre PÉRAUD, Claire PIGNOL, Béatrice SCHUCHARDT, Slaven WAELTI


COMPTE-RENDU :

Ce colloque a pris un format un peu inusuel mais c'est avéré particulièrement fécond. À la suite du report de la manifestation prévue en 2020 et en anticipation d'un nouveau report en 2021, il avait été décidé de tenir une partie scientifique du colloque en Sorbonne, en partenariat avec Cerisy, en mai 2021. Mais cette partie académique, qui s'est tenue avec succès et a donné lieu à de riches échanges, ne représentait qu'un aspect de ce qui avait été envisagé.

La décision a donc été prise, en concertation avec l'équipe de Cerisy, de monter une manifestation moins cadrée et davantage axée sur les échanges et l'élaboration des travaux écrits futurs. Ces débats ont été très réussis et fructueux, grâce au cadre convivial de Cerisy et à la présence constante des participants, grâce aussi à la variété des formats : conférences, tables rondes, et la projection d'un film méconnu de Jean Giono, Crésus

Les actes de 2021, enrichis, seront publiés sous l'égide des Colloques de Cerisy ; une publication supplémentaire, illustrée, viendra compléter la première. Enfin, une ressource bibliographique partagée sera déployée progressivement sur le blog hypothèses "Art et Argent", donnant naissance à la constitution d’une base de donnée ouverte sur les croisements entre économie et littérature.


BIBLIOGRAPHIE :

• Cinla Akdere and Christian Biet (ed.), Economics and Literature. A comparative and interdisciplinary Approach, London and New York, Routledge, 2018.
• Christine Baron (dir.), "Littérature et économie", Épistémocritique, n°12, Printemps 2013.
• Daniel Bell, Les contradictions culturelles du capitalisme [1976], Paris, PUF, 1979.
• Walter Benjamin, Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l'apogée du capitalisme [1923], Paris, Payot, 1982.
• Christian Biet, Stéphanie Loncle, Martial Poirson et Geneviève Sicotte (dir.), Fiction et économie : représentations de l'économie dans la littérature et les arts du spectacle, XIXe-XXIe siècles, Presses universitaires de Laval, 2013.
• Christian Biet, Yves Citton et Martial Poirson (dir.), Les Frontières littéraires de l'économie (XVIIe-XXe siècles), Paris, Desjonquères, 2008.
• Pierre Bras et Claire Pignol (dir.), Économie et littérature, L'Homme et la Société, n°200, 2016.
• Yves Citton, Portrait de l’économiste en physiocrate. Critique littéraire de l'économie politique, Paris, L'Harmattan, 2000.
• Pierre Force, Molière, ou le prix des choses. Morale, économie et comédie, Paris, Nathan, 1994.
• Pierre Force, Self-Interest before Adam Smith : A Genealogy of Economic Science, Cambridge University Press, 2003.
• Pierre Force (dir.), De la morale à l’économie politique : dialogue franco-américain sur les moralistes français, Revue Op. Cit., n°6, 1996.
• Frederic Jameson, Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif [1991], Beaux Arts de Paris éditions, 2011.
• D. N. McCloskey, "The Rhetoric of Economics", Journal of Economic Literature, vol. 31, 1983, p. 482-517.
• D. N. McCloskey, The Rhetoric of Economics, Madison, The University of Wisconsin Press, 1998.
• Éric Méchoulan, La crise du discours économique, Paris, Éditions Nota Bene, 2013.
• Martial Poirson, Art et argent au temps des Premiers Modernes, Oxford, SVEC, 2004:10, 2004.
• Martial Poirson, Politique de la représentation : littérature, arts du spectacle, discours de savoir, Paris, Champion, 2014.
• Martial Poirson, Spectacle et économie à l'âge classique, Paris, Classiques Garnier, 2011.
• Marc Shell, Money, Language and Thought : Literary and Philosophical Economies from the Medieval to the Modern Era, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1993.
• Marc Shell, Art and Money, Chicago-London, University of Chicago Press, 1995.
• Marc Shell, The Economy of Literature, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1996.
• Georg Simmel, Philosophie de l'argent [1900], Paris, PUF, 1987.
• Michael Watts, The Literary Book of Economics, ISI Books, 2003.

Témoignage

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"CERISY… VÉCU EN LIGNE !"

RENCONTRE AVEC GUY BASSET, MAYA BOUTAGHOU, REGINA KEIL-SAGAWE,
AMEL MAÂFA ET LAMIA OUCHERIF


Prévu en septembre 2020, le colloque Le théâtre des genres dans l’œuvre de Mohammed Dib s'est tenu un an plus tard en petit comité en raison des difficultés d'un bon nombre de contributeurs à se rendre à Cerisy. Intervenus en visioconférence, plusieurs d'entre eux ont suivi régulièrement une grande partie des séances à distance. Et nous avons observé que de nouvelles formes d'échanges et de convivialité se mettaient en œuvre. C'est la raison pour laquelle nous leur avons demandé de bien vouloir nous faire part de leurs impressions.

Photo de groupe du colloque


Quand on participe à un colloque, on est forcément poussé par un esprit de curiosité, de découverte mais surtout de partage. Ces instants vécus entre chercheur(e)s de différents horizons, sont des moments riches en émotion, où chaque participant(e) se trouve confronté(e) à un déluge d'informations, de nouvelles pistes de travail et aussi d'amitiés solides (re)nouées.

Avec la pandémie, les frontières sont de plus en plus difficiles à briser. Le voyage devient un luxe ! Organiser un colloque dans les conditions actuelles est un grand défi. Les organisateurs sont confrontés à de multiples obstacles et poussés à faire des choix : n'accepter que les propositions des chercheurs habitant dans le même pays, voire la même région, ou ouvrir la voie à une participation virtuelle et casser ainsi une tradition longuement conservée pour garder cet aspect de convivialité, de présence, de partage ?

À Cerisy, on a opté pour la deuxième option. Après deux ans de préparation pour le centenaire de Mohammed Dib, la pandémie ne nous a pas laissé le choix que d'ouvrir la voie/voix à une participation hybride entre présentiel et distanciel.

Comme le dit si bien Charles Bonn, l'expérience "fut de l'avis général une merveilleuse réussite".

Même de loin, les communicants à distance ont pu vivre des moments agréables avec ceux présents à Cerisy. Une "formidable complicité" entre présents et absents (reliés par la vidéoconférence) a pris place dès la première connexion. Mieux encore, les apartés ratés en présentiel étaient bien présents en ligne avec des discussions et des débats pendant la pause.

Ainsi, nous avons particulièrement apprécié que les participants à distance soient souvent sollicités par les animateurs. Ce qui nous a permis d'avoir le sentiment d'être dans le colloque et non d'y intervenir ponctuellement, seulement pour présenter une communication. Nous étions bien présent(e)s, et notre demande a été acceptée pour pouvoir suivre les séances qui n'étaient pas programmées en vidéoconférence.

Ce qui nous semble aussi important de souligner, c'est la composition géographique du groupe : France (Orléans), Algérie (lieux multiples), États-Unis, Allemagne…, un régal multigénérationnel brisant toute frontière d'âge et de lieu ! Nous avons constitué, en distanciel, nous connaissant préalablement ou non, un vrai groupe. C'était comme si nous y étions, à nous promener dans le parc ou à discuter à table.

N'est-ce pas agréable d'être écouté, sollicité pour chaque débat ? En fait, nous avons pu avoir un échange de qualité toute relative bien entendu, mais un échange certain. Le son était excellent dans la salle et à l'écran. Toutefois, nous avions parfois du mal à reconnaître les personnes prenant la parole en présentiel. Rappeler de manière (plus) systématique (encore) aux personnes présentes de donner leur nom au début pour reconnaître les voix aurait sans doute amélioré les échanges entre les deux groupes, en présentiel et en distanciel. Sur le plan technique, l'image de la salle n'était pas toujours lisible : une caméra qui s'oriente et zoome sur la personne qui parle pouvait être une solution pour ceux en ligne.

Nous avons vécu une très belle expérience. Si elle est à renouveler à Cerisy, nous nous permettons de suggérer quelques améliorations.

Nous savons qu'au début, il n'était nullement prévu que nous participions par vidéoconférence à toutes les sessions. Nous avons regretté que la séance inaugurale avec le discours sans doute super stimulant de Réda Bensmaïa ne nous soit pas ouverte. Cela nous aurait permis d'entrer de plain-pied dans le colloque. Cela aurait contribué à nous intégrer et à gommer un certain sentiment d'exclusion ou de marginalisation. Heureusement que nous avons pu assister ensuite aux autres sessions en vidéoconférence ! La direction devrait à l'avenir rendre accessible le colloque à tou(te)s ceux dont la communication avait été retenue comme pouvant se tenir à distance…

Toutefois, l'aventure a été dans l'ensemble grandement fructueuse à tous les niveaux. L'esprit dibien nous a accompagné tout au long du colloque. Nous remercions les organisateurs ainsi que Cerisy pour leur générosité et leur bienveillance.

Témoignage

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"UN COLLOQUE DE CERISY AUTOUR DE SON ŒUVRE"

RENCONTRE AVEC LEÏLA SEBBAR


Du lundi 2 au dimanche 8 août 2021, se déroulait le colloque Leïla Sebbar. D’une rive l’autre, croiser l’intime et le politique. Leïla Sebbar, l'auteure de Mon père, du Ravin de la femme sauvage ou encore de Shérazade, a bien voulu répondre à nos questions sur la manière dont elle a vécu toute cette semaine au milieu de personnes venues parler de son œuvre et de son parcours, de surcroît dans le cadre si singulier que l'on sait.

Aline Bergé, Leïla Sebbar, Sofiane Laghouati


Comment appréhendiez-vous la perspective d'un colloque consacré à votre œuvre, autrement dit le fait de passer toute une semaine à entendre des intervenants interpréter vos écrits et votre parcours ?

Leïla Sebbar : Je trouvais qu'une semaine, cela risquait d'être un peu long (sourire). Moi, je suis plutôt encline à fuir les mondanités. Bien sûr, la perspective de revenir à Cerisy me plaisait. D'un autre côté, je me suis dit que la Covid pouvait empêcher la tenue du colloque et que, s'il devait en être ainsi, ce serait tout aussi bien ! (Rire)

Ces hésitations ne vous ont pas empêchée de vous montrer particulièrement disponible à l'égard des deux co-directeurs, Aline Bergé et Sofiane Laghouati. Tout en leur laissant une totale liberté, vous les avez accompagnés, y compris pour le montage d'une exposition…

L. S. : Oui et ce avec d'autant plus de plaisir qu'il y avait entre nous une estime et une confiance réciproques. La préparation n'en a été que plus agréable et m'aura motivée à venir. J'étais en particulier curieuse de savoir ce que Sofiane allait bien pouvoir faire avec tous ces petits objets personnels (broches, figurines, cartes postales…) que j'ai collectionnés et que j'ai mis à disposition à sa demande, en plus de manuscrits.

Et finalement, arrivée au terme de ce colloque, quelles sont vos impressions ?

L. S. : L'exposition "Ce qui se trame : sur le métier de Leïla Sebbar" m'a particulièrement surprise. Je mesure à quel point cela a été un difficile numéro d'équilibrisme. Sofiane l'a réussi et je lui en suis reconnaissante. Son exposition a aussi permis de tisser des liens avec le Foyer de création et d'échanges qui se tenait en parallèle — elle aura notamment inspiré à l'une de ses participantes, Jacqueline, un appel à textes à rédiger à partir d'un des objets exposés, au choix ; il en a résulté une dizaine de textes qui ont ensuite été lus à l'occasion de la dernière soirée du colloque. Quant au fait que l'on n'ait cessé de parler de moi, de me nommer, je n'en ai pas été gênée plus que cela car, au fond, j'avais l'impression que c'est de quelqu'un d'autre dont on parlait…

… au sens où vous ne vous reconnaissiez pas dans ce qui était dit de vous, de vos écrits ?

L. S. : Non, la personne dont on parlait, c'était bien moi de toute évidence. Mais j'ai eu le sentiment de découvrir mes écrits sous un autre jour. Certes, il est encore trop tôt pour tirer des enseignements de ce colloque. Je n'ai pas assez de recul. Mais d'ores et déjà, je peux dire que j'ai découvert un certain nombre d'éléments auxquels je n'avais pas pensé. Et je trouve cela intéressant car cela donne de la profondeur à un travail qui est probablement singulier et que je ne pensais pas susceptible d'intéresser des personnes aussi différentes.

Encore un mot sur l'exposition qui me semble avoir bien résumé l'esprit du colloque et son titre, "D'une rive l'autre, croiser l'intime et le politique". Elle nous faisait entrer dans votre intimité à travers des objets que vous collectionnez, mais en les articulant à des écrits relatifs à des engagements politiques… Est-ce ainsi que vous l'avez reçue ?

L. S. : Pas exactement. Je n'ai pas perçu ce lien immédiat entre intime et politique. J'ai davantage vu le lien entre objet, pratique de la collection, fétichisme sans oublier l'écriture que je considère comme une pratique fétichiste… Du moins quand elle vire, comme chez moi, à l'obsession !

Un moment m'a particulièrement touché : c'est l’échange de haute volée entre deux jeunes femmes, l'une française (Manon Paillot) intervenue sur le thème "Leïla Sebbar au miroir d'Isabelle l'Algérien", l'autre gallo-néerlandaise (Rebekah Vince) qui présidait la séance ; et vous, assise au premier rang les écoutant avec attention. On imagine le bonheur que cela a dû être pour vous de voir ainsi votre œuvre traverser les générations…

L. S. : Comment ne pas éprouver du plaisir, en effet ? Forcément, c'est gratifiant de voir deux intellectuelles, qui pourraient être mes filles, s'intéresser à ce que j'écris et en parler avec autant d'intelligence, de pertinence et de sensibilité.

Un autre moment m'a intéressé, c'est celui où Aline Bergé s'est employée à montrer combien votre œuvre, l'air de rien, avait à voir avec l'éco-critique et en quoi elle pouvait donc être convoquée pour instruire la défense et illustration de nouveaux rapports des humains au vivant non humain…

L. S. : Cela m'a aussi intéressée. Je n'ai pas pour habitude de renier ce que j'ai écrit, mais suite à cette intervention, j'aimerais relire quelques-uns des textes qu'elle a cités, ceux où il est question justement du rapport à la terre, au jardin. Car si ces textes peuvent s'inscrire dans la veine de l'éco-critique, je n'en avais pas conscience jusqu'alors. Il n'y a pas eu de ma part de claire volonté d'écrire ceci ou cela pour afficher une inscription dans ce qu'il est convenu d'appeler plus généralement l'éco-littérature.

Je trouve amusant d'ailleurs de voir que la dernière diapositive projetée à ce colloque ait donné à voir la couverture du Ravin de la femme sauvage : on y voit notamment tout un espace de verdure…

L. S. : Ce ravin de la femme sauvage est d'abord le nom d'un quartier d'Alger. Enfant et adolescente, j'en entendais souvent parler. L'école du Clos-Salembier dont mon père fut directeur, s'y trouvait. La formule m'a toujours paru mystérieuse, énigmatique. Bien plus tard, elle me revint en mémoire dans des circonstances particulières : c'était à l'occasion d'une exposition organisée en 2020 par le musée Jacquemart-André sur des peintres et la Méditerranée. J'appris ainsi que Renoir avait séjourné à Alger et qu'il y a peint notamment un petit tableau : on peut y voir des plantes exotiques, dans un fond verdoyant. Ce n'est autre qu'une représentation du ravin de la femme sauvage !

Ce colloque aurait-il pu avoir lieu ailleurs ? En quoi le cadre de Cerisy, avec son château et son parc, a contribué à sa réussite ?

L. S. : A-t-il contribué à la réussite du colloque, je ne saurais le dire. En revanche, une chose est sûre : Cerisy est un lieu d'exception. Les colloques, a fortiori quand ils sont universitaires, se déroulent rarement dans un tel cadre, un château, avec un jardin arboré, propice à des promenades. Quand je participe à un colloque, je ne peux prétendre exiger de pouvoir jouir d'un tel environnement ! (Rire)

Je ne résiste pas à l'envie d'évoquer l'anagramme que vous m'avez inspirée, car ce jeu littéraire a à voir avec ce sens de l'observation dont au cours de la dernière matinée on vous a caractérisé : "Et Leïla Sebbar et Cerisy" qui donne "S'y écrit et relie sa Babel". Fait-elle sens pour vous ?

L. S. : Oui. Je prends ! J'aime le principe de l'anagramme, car c'est un exercice à la fois intellectuel et poétique.

Propos recueillis par Sylvain ALLEMAND
Secrétaire général de l'AAPC

D'après Jacques Perry-Salkow, l'un de nos plus éminents anagrammistes, l'anagramme ne se décrète pas : il faut la laisser advenir à force d'observation des mots, des lettres.

Témoignage

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"D'UNE OASIS À UNE SOCIÉTÉ DE LA DÉCÉLÉRATION ET DE L'ÉCOUTE"

RENCONTRE AVEC HARTMUT ROSA


Une "oasis de décélération", c'est ainsi que nous avons pris l'habitude de caractériser les colloques de Cerisy. La formule a été directement inspirée de la lecture des ouvrages du sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa, à commencer par Accélération, une critique sociale du temps (La Découverte, 2013) et Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive (La Découverte, 2017). Mais qu'en pense le principal intéressé ? Le colloque Les autres noms du temps, auquel il participait, nous a fourni l'occasion de le savoir à travers l'entretien qui suit.

Vincent Bontems, Sylvain Allemand, Edith Heurgon,
Étienne Klein, Hartmut Rosa


Ici, on parle de Cerisy comme d'une "oasis de décélération" — une métaphore utilisée par Edith Heurgon (sa directrice), qu'elle dit lui avoir été directement inspirée de sa lecture de vos ouvrages sur l'accélération. Qu'en pensez-vous ? Vous qui faites l'expérience d'un colloque de Cerisy, — nous en sommes au cinquième jour — validez-vous l'usage de cette métaphore pour caractériser le lieu où nous sommes ?

Hartmut Rosa : Oui, la métaphore est tout à fait juste. Le château de Cerisy est un lieu où on dispose de beaucoup de temps pour réfléchir avec d'autres, à l'occasion des conférences, mais aussi en se promenant dans le parc, comme nous le faisons en ce moment. Pour parvenir à une décélération, il faut encore ne pas être exposé à trop de distractions. Et c'est bien le cas ici : j'ai observé qu'il n'y avait pas de TV (*) ; on y a bien accès à internet, mais de manière restreinte… Tout cela crée le sentiment d'être dans une "oasis de décélération". J'ajouterai que c'est aussi une oasis de résonance et, forcément, cela me rend le lieu encore plus appréciable. Pour autant, il ne s'agit pas de s'en tenir à cela : créer des oasis de décélération, c'est bien, mais en transposer les principes à l'échelle de toute une société, c'est mieux.
(*) En fait, si, mais elle se trouve dans un salon auquel les colloquants n'ont guère de motif de se rendre sauf à ce que leur chambre se trouve en proximité immédiate, qu'un événement y soit organisé.

Ici, pas de distractions qui nous détournent de la réflexion, avez-vous dit. Vous oubliez les tables de ping-pong installées dans la cave et dont Anthony Giddens était un grand amateur, considérant qu'elles contribuaient à la sociabilité cerisyenne. Vous-même y avez joué, y compris la veille de votre intervention !

H. R. : (Rire) Je suis totalement d'accord avec le propos d'Anthony Giddens ! Dès l'instant où j'ai découvert ces tables, j'y ai joué chaque soir ! D'ailleurs, je vous l'annonce : j'ai bien l'intention de le faire encore ce soir ! Pour moi, c'est tout sauf une simple distraction. J'estime que quand on prétend faire de la philosophie, réfléchir, il n'est pas sain de le faire en restant assis trop longtemps. Il est important de bouger, de penser avec son corps. Le ping-pong est une manière de le faire, de surcroît en interaction avec d'autres. Sachez que je suis aussi un grand amateur de Babyfoot. S'il y en avait un ici, ce serait pour moi un argument supplémentaire pour accepter le principe d'un colloque ! (Rire)

Je m'engage à relayer la suggestion ! En attendant, je souhaiterais revenir sur la notion de "société d'écoute" que vous avez utilisée au cours de votre communication. Il semble que c'est une notion nouvelle dans votre réflexion. En tout cas, je n'ai pas souvenir de l'avoir rencontrée lors de ma lecture de vos ouvrages. Ai-je manqué d'attention ou est-ce bien quelque chose de nouveau dans votre réflexion ?

H. R. : C'est effectivement quelque chose de nouveau. J'ai déjà écrit un article à ce sujet, mais qui, je crois, n'a pas encore été publié. C'est pour moi une manière de nuancer l'idée que j'entends parfois, selon laquelle la résonance serait une affaire purement individuelle. Or, mon intention a toujours été d'en faire un concept social et même politique. Je réfléchis actuellement sur la manière de convertir la résonance en une "énergie sociale".

Pour en rester à la "société d'écoute", j'aimerais savoir dans quelle mesure le cadre de Cerisy et ses colloques en sont à vos yeux un archétype ?

H. R. : Je n'y avais pas pensé. Mais maintenant que vous me posez la question, je dirai qu'effectivement Cerisy s'apparente à une "micro société d'écoute". La vocation de ce lieu est bien, à travers la tenue de colloques, programmés sur plusieurs jours, de créer un espace où on prend le temps d'écouter (des conférenciers), mais aussi de "répondre" : ces mêmes conférences interagissent entre elles, répondent aux questions des auditeurs. En cela, les colloques de Cerisy sont différents des séminaires ou colloques académiques où les intervenants se succèdent, dans une ambiance de compétition, sans réellement échanger entre eux. Ici, on échange après les communications, mais aussi pendant les repas qu'on prend ensemble. J'ajoute que les colloques de Cerisy sont interdisciplinaires — c'est du moins le cas de celui auquel je participe. On peut ainsi y entendre des idées nouvelles, y participer avec le risque d'en sortir "transformé". Cependant, pas plus qu'on ne peut se satisfaire d'une oasis de décélération, on ne peut se satisfaire d'une "oasis d'écoute". C'est toute la société qu'il nous faut transformer en société d'écoute.

Nada Essid, stagiaire à Cerisy (et étudiante en master design urbain) assiste à notre entretien. Permettez-moi de lui laisser le privilège de l'ultime question…

Nada Essid : Ma question a trait au premier colloque auquel j'ai assisté ici, à savoir : L'enchantement qui revient. Je trouve qu'il y a beaucoup de correspondance entre cette idée d'enchantement et celle de résonance telle que vous l'avez définie [dans Résonance. Une sociologie de la relation au monde, La Découverte, 2018]. Ainsi qu'il a été dit au cours de ce premier colloque, l'enchantement suppose tout à la fois un dispositif propice, mais aussi que les participants soient disposés à faire en sorte que cela marche. Qu'en pensez-vous ? Faites-vous vôtre cette notion d'enchantement ?

H. R. : Il se trouve que j'ai travaillé sur la notion non pas d'enchantement, mais de désenchantement en l'interprétant comme une forme d'aliénation. J'ajoute que son contraire, l'enchantement donc, a certes à voir avec la résonance, mais qu'elle revêt aussi une connotation romantique que je juge plutôt dangereuse au plan politique. Si l'enchantement a aussi une valeur de concept, il n'est pas dénué d'ambiguïté. C'est précisément pour cela que je me suis employé à définir la résonance en distinguant jusqu'à quatre caractéristiques (l'affection : être touché, saisi par quelqu'un ou quelque chose ; l'émotion : répondre, faire l'expérience d'être connecté avec le monde ; la transformation : la relation résonante transforme le moi ; enfin, l'indisponibilité : la résonance ne peut être imposée, garantie ou contrôlée, prédite) et trois catégories d'axes (horizontaux, verticaux et diagonaux). Pour le dire autrement, je dirai que, si sur un plan purement existentiel, enchantement et résonance peuvent sembler synonymes, en revanche, sur un plan conceptuel, je trouve préférable de distinguer les deux.

Propos recueillis par Sylvain ALLEMAND
Secrétaire général de l'AAPC

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"PARTICIPATION DE DEUX LYCÉENS À UN COLLOQUE DE CERISY"

RENCONTRE AVEC LYNA FATAH ET LÉO PHAN CAO


Du samedi 24 au vendredi 30 juillet 2021, se déroulait le colloque Les autres noms du temps. En voici un écho à travers le témoignage de ses benjamins : deux lycéens de seize ans, qui ont pris l'initiative de s'y inscrire. Voici leurs impressions.

Léo Phan Cao, Étienne Klein, Lyna Fatah


Si vous deviez commencer par vous présenter…

Léo Phan Cao : J'ai seize ans, j'en aurai dix-sept en septembre prochain. Je suis élève au lycée d'Argentan. À la rentrée prochaine, je serai en Terminale générale, en spécialité NSI (numérique et sciences informatiques), option maths expertes. Je me destine plus tard à l'informatique, plus précisément au métier de développeur, dans le domaine du jeu vidéo.

Lyna Fatah : Comme Léo, j'ai seize ans, je suis au lycée et passe en terminale générale à la rentrée prochaine. J'ai choisi la spécialité "maths, physique-chimie", option "maths expertes". Plus tard, j'aimerais être mathématicienne et physicienne. Maintenant, si je devais choisir, ce serait mathématicienne.

Nous réalisons l'entretien à Cerisy à l'occasion du colloque Les autres noms du temps. Comment y êtes-vous arrivés ?

L. F. : En train !

(Rire) Je voulais dire comment vous êtes-vous retrouvés à participer à ce colloque ? Il est peu courant que des élèves de votre âge prennent l'initiative de s'inscrire à un colloque de Cerisy !

L. F. : Les choses se sont passées simplement. Sur mon fil de recherche YouTube, j'avais repéré une "carte blanche à Étienne Klein", organisée par l'Espace des sciences de Rennes. J'ai cliqué dessus. C'est comme ça que j'ai appris la tenue du colloque (Étienne Klein avait conclu sa conférence en annonçant ce colloque). Je suis donc allée voir sur le site de Cerisy et j'ai pu voir que cela se trouvait dans un environnement magnifique, un château, qui n'était pas très loin de la ville où j'habite. J'en ai parlé à mes parents. Ils m'ont donné leur accord, mais en me suggérant d'y aller avec quelqu'un. J'ai aussitôt pensé à Léo, qui a accepté de m'accompagner.

Léo, qu'est-ce qui vous a vous-même motivé à accepter d'y participer ?

L. P. C. : Lyna m'avait envoyé le lien du colloque. J'ai trouvé le programme intéressant. Comme je souhaite faire des études en informatique, une conférence avait tout particulièrement retenu mon attention, celle de Gérard Berry. D'autres m'intéressaient aussi comme, par exemple, celle de Roland Lehoucq sur "Que devient le temps dans l'espace-temps ?".

À votre âge, je doute que j'aurais pris l'initiative de m'inscrire à un colloque, de surcroît d'un tel niveau et dans un cadre aussi prestigieux… Comment avez-vous vécu la différence d'âge avec les autres participants ?

L. F. : Pour moi, la différence d'âge ne devrait pas compter. Elle n'a finalement guère de sens quand on songe au début de l'aventure humaine. Le big bang s'est produit il y a 13,8 milliards d'années. Je ne vois donc pas pourquoi on devrait accorder autant d'importance à la différence d'âges entre un adolescent et un adulte ! Si on fait un rapport entre cette différence et l'âge de la Terre, cela fait pratiquement zéro !

L. P. C. : Je ne me suis pas posé la question de savoir si c'était de mon âge ou pas. Pour moi, ce colloque, c'était d'abord une opportunité à saisir…

Nous en sommes au cinquième jour. Quelles sont vos impressions ?

L. P. C. : Je n'ai pas été déçu par les conférences que j'avais repérées, à commencer par celle de Roland Lehoucq. C'était passionnant ! En dehors des conférences, j'ai aussi beaucoup apprécié les discussions avec les intervenants. C'était très enrichissant.

Les discussions qui font suite aux communications et qui se prolongent de manière plus informelle au cours des repas qu'intervenants et auditeurs prennent ensemble…

L. P. C. : En fait, je me suis le plus souvent retrouvé avec des participants qui n'étaient ni informaticiens, ni mathématiciens, ni physiciens. Hormis cette fois où j'ai pu échanger avec Gérard Berry ou encore Mathieu — un auditeur, comme moi, avec qui j'ai pu parler d'informatique.

L. F. : C'est précisément ce que, moi, j'ai apprécié : pouvoir discuter avec les intervenants, dès le petit-déjeuner.

Léo, on m'a dit qu'à l'un des repas, vous avez demandé à votre voisin de table ce qu'il faisait dans la vie, lequel voisin se trouvait être le philosophe Hartmut Rosa… Si j'évoque cela, c'est pour illustrer aussi cette autre expérience qu'on peut faire de se retrouver sans le savoir aux côtés de sommités…

L. F. : Pareil pour moi. J'ai échangé avec mon voisin sans savoir qu'il s'agissait de Thierry Weil… Ou encore, cette personne-ci [elle désigne le physicien Gilles Cohen-Tannoudji] : j'ai partagé le petit-déjeuner avec lui, Roland Lehoucq et Jacques Jacot.

L. P. C. : Je me souviens d'avoir mangé à côté de cet intervenant allemand. Nous avons même joué au ping-pong. Mais, vraiment, il est aussi connu que cela ?

Oui, mais soyez assuré du fait qu'au même âge, je n'en aurais pas su plus ! Et vous, Lyna, quelles sont les conférences que vous avez particulièrement appréciées ?

L. F. : Les conférences scientifiques : celles d'Alain Connes, de Roland Lehoucq, de Gilles Cohen-Tannoudji, sans oublier celle d'Étienne Klein…

J'ai pu observer que vous suiviez ces conférences avec beaucoup d'attention… Quand j'ai voulu m'assurer que tout se passait bien, vous m'avez dit, Lyna, qu'ici, c'est quand même mieux qu'à l'école. En quoi ?

L. F. : En fait, c'est incomparable. À l'école, je trouve que ce qu'on nous enseigne en sciences, mais aussi en histoire, etc., n'a guère à voir avec la réalité… Et puis, comme je l'ai dit, c'est à ma propre initiative que je suis venue ici.

Pourtant, ici, dans ce château perdu dans le fin fond du Cotentin, vous n'avez pas eu le sentiment d'être un peu déconnecté ?

L. F. : Si vous voulez dire que ce serait élitiste, je dirai non.

L. F. et L. P. C. : (en chœur) La preuve, nous avons pu y assister !

Voulez-vous ajouter quelque chose qui vous tiendrait à cœur ?

L. F. : À tous ceux qu'il ne l'ont pas encore fait, je n'ai qu'une chose à dire : il faut venir à Cerisy car, Cerisy, c'est proprement génial. Si j'ai une recommandation à faire, c'est de veiller à cette diversité générationnelle du public. Cela dit, il faut reconnaître qu'ici, les personnes même les plus âgées ont tout sauf l'esprit lent.

Propos recueillis par Sylvain ALLEMAND
Secrétaire général de l'AAPC

Publication 2021 : un des ouvrages


Le goût du noir dans la fiction policière contemporaine

LE GOÛT DU NOIR DANS LA FICTION POLICIÈRE CONTEMPORAINE

LITTÉRATURE ET ART DE L'IMAGE


Gilles MENEGALDO, Maryse PETIT (dir.)


D'abord roman avec le gothique qui se développe au cours du XIXe siècle et trouve son apogée au XXe, le "noir", récit de mort, de violence et de terreur, mais aussi de résolution de cette tension mortifère, ne tarde pas à se décliner en films, faisant de la figure du détective un arcane majeur du cinéma à partir des années 1940. Romans et films mettent en évidence les noirceurs des crimes et des environnements sociaux qui les génèrent ou les capacités déductives d'enquêteurs de papier devenus icônes de l'écran : Sherlock Holmes, Hercule Poirot. Le genre et son immense succès populaire se propagent dans d'autres médias (BD, séries).
Les articles réunis ici tentent de faire la lumière sur cette extension du Noir, travaillant les codes pour les adapter comme Tardi, transposant les romans de J.-P. Manchette ou Black Sad, dont les auteurs reprennent les images du film noir dans le roman graphique. Le Noir se fait le porte-parole de réalités criminelles à l'œuvre dans nombre de sociétés, et utilise sa "fiction" pour les dénoncer, et ceci aussi bien dans les romans (D. Meyer, H. Mankell, A. Indridason) que dans les films (J. Gray, M. Scorsese, A. Egoyan) ou les séries (The Wire).
Né dans l'Angleterre du XVIIIe siècle, le Noir, ses stratégies, ses codes et son pouvoir se sont infiltrés puis développés comme moyen privilégié d'exprimer l'angoisse et la fascination de la violence et de la mort, sur tous les continents, de l'Europe aux États Unis, du Mexique à l'Afrique du Sud.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (2013) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°649]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Presses universitaires de Rennes

Collection : Interférences

ISBN : 978-2-7535-8257-6

Nombre de pages : 398 p.

Illustrations : Couleurs et N & B

Prix public : 28,00 €

Année d'édition : 2021

PRESSE / MÉDIAS

• Cette publication a reçu le prix Maurice Renault décerné par la revue 813 (septembre 2022) [en savoir plus]


Publication associée


Publication 2021 : un des ouvrages


L'USAGE DES AMBIANCES

UNE ÉPREUVE SENSIBLE DES SITUATIONS


Didier TALLAGRAND, Jean-Paul THIBAUD, Nicolas TIXIER (dir.)

Ryma HADBI (coord. éditoriale)

À l'initiative de l'Unité de recherche de l'ESAAA (design & espace) et de l'équipe CRESSON (UMR AAU)


Les ambiances et les atmosphères sensibles se prêtent à une grande diversité d'usages, que ce soit dans le domaine de l'art, de l'urbain ou des sciences sociales. Comment les ambiances contribuent-elles à mettre les situations ordinaires à l'épreuve du sensible ? En quoi ouvrent-elles de nouvelles pistes en matière de pratique artistique, d'expérimentation méthodologique ou d'exploration théorique ? Qu'en est-il d'une socio-esthétique située, attentive aux percepts et aux affects qui imprègnent nos milieux de vie et infusent les sensibilités contemporaines ?
De telles questions ont traversé un colloque organisé à Cerisy (2018) selon une triple exigence : d'une part, une attention particulière était portée aux échanges, apports réciproques et questionnements communs entre le monde de l'art et celui des sciences sociales ; d'autre part, il a s'agit d'ouvrir un dialogue inédit avec la pensée anglo-saxonne en la matière, mettant en résonance et en discussion l'approche des ambiances et celle des atmosphères ; enfin, l'usage des ambiances a été passé aussi bien au filtre des enquêtes et des théories qu’à celui des pratiques effectives et des expériences situées.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (2018) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°648]


Articles à l'unité également disponibles en accès payant sur CAIRN.INFO


Enregistré le : 10/05/2021 — Durée : 2mn05s
Montage : Naïm Aït-Sidhoum — Musique : Giuseppe Gavazza & Julien Clauss

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Hermann Éditeurs

Collection : Colloque de Cerisy

ISBN : 979-1-0370-0623-3

Nombre de pages : 500 p.

Illustrations : Couleurs et N & B

Prix public : 28,00 €

Année d'édition : 2021

PRESSE / MÉDIAS

• Échanges autour de l'ouvrage : Mardi 22 juin 2021 (18h-19h30), avec Luc BABOULET (architecte), Véronique NAHOUM-GRAPPE (anthropologue) et Christian RUBY (philosophe), emmenés par Laurent DEVISME (sociologue, urbaniste)

Note de lecture, dans "Pratiques curatoriales : un appel à l'action critique en architecture", article de Rute FIGUEIREDO, dans la revue Critique d'art, n°57, automne-hiver 2021, pp. 67-81 [en ligne].

Article de revue, par Carolina E. SANTO, dans la revue cultural geographies, 2021-11-17 [en ligne].

Note de lecture, par Anne ROCHE, dans la revue Europe, n°1113-1114 – James Joyce et "Ulysse" (1922), janvier-février 2022, pp. 362-364.

"Voyage au pays des ambiances", par Olivier GAUDIN, dans Ambiances, Comptes-rendus, 01 avril 2022 [en ligne].

Note de lecture. Langue, discours, par Christian RUBY, dans la revue Questions de communication, n°40, "Plateformiser, un impératif" | 2021 [en ligne].


Publication associée


Publication 2021 : un des ouvrages


PRÉSENCES DE REMY DE GOURMONT


Thierry GILLYBŒUF, Vincent GOGIBU, Julien SCHUH (dir.)


Remy de Gourmont (1858-1915) est une figure majeure de la littérature au tournant des XIXe et XXe siècles, à la fois comme critique, écrivain et animateur de revues. On ne peut évoquer Cendrars, Jarry, Gide, Léautaud, Saint-Pol-Roux ou Vallette, sans prendre conscience de la place singulière qu'il occupe dans la vie littéraire. Créateur de valeurs, "dissociateur d'idées" empruntant à tous les genres, Gourmont est poète, romancier, journaliste multipliant les collaborations aux périodiques en France et à l'étranger, essayiste infatigable usant de quantité de pseudonymes : jamais on n'a vu d'"ours à écrire" (Maeterlinck), de "reclus" (Rouveyre) aussi prolifique. Les Actes ici rassemblés, reprenant principalement le colloque tenu à Cerisy en 2015, analysent au plus près son œuvre toujours actuelle.


Ouvrage issu des colloques de Cerisy :
Remy de Gourmont (2002) & Présences de Remy de Gourmont (2015)
et de la journée d'études :
(Re)Lire Remy de Gourmont — 1915-2015 (Paris-VII-BNF, 2015)

Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°647]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Éditions Classiques Garnier

Collection : Colloques de Cerisy - Littérature, n°10

ISBN : 978-2-406-10674-6

Nombre de pages : 899 p.

Illustrations : N & B

Prix public : 39,00 €

Année d'édition : 2021

Publication 2021 : un des ouvrages


L'esthétique des Trente glorieuses. De la Reconstruction à la croissance industrielle

L'ESTHÉTIQUE DES TRENTE GLORIEUSES

DE LA RECONSTRUCTION À LA CROISSANCE INDUSTRIELLE


Gwenaële ROT, François VATIN (dir.)


On considère avec nostalgie les Trente glorieuses comme si, dans les années 1945-1975, avait régné l'abondance économique, alors qu'il fallait d'abord reconstruire un pays en ruine, mais on dénigre son bilan idéologique et culturel, qui aurait été dominé par une croyance illusoire au progrès. Pollution, urbanisme sans âme, matières plastiques imputrescibles, tels seraient les seuls legs de ce temps d'inconscience. Aussi, l'architecture et l'art monumental des Trente Glorieuses, encore mal-aimés, ont subi beaucoup de destructions et commencent à peine à être patrimonialisés.
Or, comme le montrent les études réunies ici, en dépit de l'urgence de la reconstruction, on a accordé à cette époque une grande importance aux questions esthétiques. On faisait confiance aux nouveaux moyens techniques pour faire du beau moins cher à destination du plus grand nombre. Esthétique fonctionnelle et démocratisation artistique sont étroitement liées. On comprend dès lors le rôle central de l'industrie dans les représentations de ce temps. Contre l'opposition romantique du beau et de l'utile, il fallait réinstaller le monde industriel dans les valeurs humaines. Les usines, aussi, devaient être belles comme fonctionnelles, et constituer un objet d'intérêt pour l'art. La démocratisation du beau exigeait qu'il s'impose dans les lieux de travail. Inversement, l'expérience industrielle de la simplicité, de la cohérence, pouvait nourrir l'inspiration artistique.
Réunissant vingt-quatre spécialistes qui croisent leurs multiples terrains, cet ouvrage vise, non à défendre l'esthétique des Trente glorieuses, mais à la restituer dans sa complexité. Il invite le lecteur à regarder un peu différemment un passé trop proche pour qu'on puisse encore pleinement l'estimer.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (2019) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°646]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Illustria - Librairie des Musées

ISBN : 978-2-35404-089-5

Nombre de pages : 296 p.

Illustrations : Couleurs et N & B

Prix public : 45 €

Année d'édition : 2021