Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


VERS DES POLITIQUES DES CYCLES DE L'EAU


DU JEUDI 16 MAI (19 H) AU MARDI 21 MAI (14 H) 2024

[ colloque de 5 jours ]



ARGUMENT :

"À la suite d'Aldo Leopold, tenter collectivement de penser comme un cours d'eau.
Développer nous aussi des politiques qui, comme l'eau, font toujours avec — contourne,
serpente et creuse. Cette eau qui n'est pas sans violence, entre crues et torrents,
mais dont les cycles sur le temps long construisent bien plus qu'ils ne détruisent."

M. Schaffner, M. Rollot, F. Guerroué, "Pour une intermondiale des bassins-versants",
dans Les Veines de la Terre, Wildproject, 2021.

En 1964, la France se dotait de véritables institutions de bassin-versant, qui ont aujourd'hui été transposées à toute l'Europe. Alors que ces Agences de l'eau fêteront leurs 60 ans en 2024, nous proposons de mettre en discussion, de façon fractale et diverse, ce que pourraient être non pas seulement des "politiques de l'eau", mais des "politiques des cycles de l'eau" qui soient aptes à accompagner les vies troublées par les bouleversements écologiques et sociaux, en cours et à venir.

Les cycles de l'eau, en effet, tout comme le climat, se dérèglent. Alors que déjà nous les comprenons mal dans toute leur complexité (de surface, souterrains, atmosphériques, bleus ou encore verts), les cycles de l'eau soutiennent pourtant l'ensemble de nos modes de vie — et même plus largement, toute forme de vie. À l'heure des bouleversements écologiques, ces cycles de l'eau apparaissent de moins en moins renouvelables et de moins en moins inépuisables. Dès lors, comment donc envisager des politiques, des pratiques et des représentations collectives qui se mettent à la hauteur de l'eau, de ses sagesses et des risques traité en elle ?

Pour en débattre, des artistes avec des chercheurs et chercheuses alterneront balades, conférences, études de cas, expositions, films…, ouverts à un large public intéressé par le sujet de la rencontre.


MOTS-CLÉS :

Agences de l'eau, Bassin-versant, Biorégion, Cycles de l'eau, Hydrologie, Hydropolitique, Partage de l'eau, Politiques de l'eau


CALENDRIER DÉFINITIF :

Jeudi 16 mai
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Vendredi 17 mai
RECONSIDÉRER L'IMPORTANCE DES CYCLES
Matin
Emma HAZIZA : Être à la hauteur des bouleversements, s'adapter à des cycles perturbés [visioconférence]
Jérôme GAILLARDET : L'enchevêtrement des cycles de l'eau dans l'espace et dans le temps

Après-midi
Présentation des travaux sur Le Rabec (TERREMER), par les 5e du collège Anne Heurgon-Desjardins de Cerisy-la-Salle

"HORS LES MURS" — À L'ABBAYE DE HAMBYE
Promenade dans et autour du site de l'abbaye de Hambye

Visite commentée de l'exposition "À la recherche de Constantia" et lectures d'extraits, par Marin SCHAFFNER (réalisée avec GANG, avec la participation du C|A.U.E de la Manche et de Territoires pionniers)

Soirée
Ciné-Débat
Méandres ou la rivière inventée (film de Marie Lusson et Émilien de Bortoli, 2022), suivi d'une discussion dessinée avec le collectif Hydromondes


Samedi 18 mai
LES INSTITUTIONS ET LES INFRASTRUCTURES FACE AUX CYCLES
Matin
Au fil de la journée : lectures de textes de Gary Snyder, Vandana Shiva et Hatakeyama Shigeatsu, par Marin SCHAFFNER

Ciné-Conférence
Return of the river, film de Jessica Plumb et John Gussman (2014)
Sophie GOSSELIN & David GÉ BARTOLI : Présentation du film Le fleuve Elwha : quand la nature reprend ses droits, suivie d'un débat

Après-midi
Visite commentée de l'exposition "Nous sommes Orne : d'un diagnostic paysager à une dynamique de bassin-versant", par Elisabeth TAUDIÈRE et Maël TRÉMAUDAN (Territoires pionniers)

Patrick LAIGNEAU : Le national vu de l'international — retour sur les 60 ans des Agences de l'eau
Roberto EPPLE : 50 ans de luttes européennes pour les cycles de l'eau (SOS Loire vivante) [visioconférence]

"Cycles de l'eau et communs", débat thématique animé par Caroline LEJEUNE


Dimanche 19 mai
LES EAUX SONT VIVANTES
Matin
Frédéric ROSSANO : Le retour de la vulnérabilité, ou comment vivre de nouveau avec les crues
Mathias ROLLOT : Architectures, eaux, et quelques manières de se perdre

Après-midi
Charles AMBROSINO & Nicolas TIXIER : Retrouver les voi(es)x de l'eau. Le cas de la métropole grenobloise

"Là où vont les eaux du château" : sortie collective dans le havre de Regnéville-sur-mer

"Architectures, urbanismes & eaux", débat thématique animé par les étudiants AUEP / Métrofablab de l'université Grenoble-Alpes

Soirée
Antoine DEVILLET : Là où nous emmène la redécouverte d'un ruisseau — un conte philosophique


Lundi 20 mai
NOUVELLES LIGNES DE PARTAGE
Matin
Plénière : point d'étape collectif

Lecture d'un extrait de Idées pour retarder la fin du monde d'Ailton Krenak, par Clément NOVARO

Visite commentée de l'exposition "Diagnostic biorégional du pays d'Uzès", par Maële GIARD et Clémence MATHIEU (Hydromondes)

Après-midi
Marine CALMET : Que peut le droit pour les bassins-versants ?

"Entre Loire et Rhône, sentir-penser depuis un canoë-kayak", discussion avec Julien CHAPUIS, Jean-Louis MICHELOT (Atelier des Confins, Écosphère) et Barbara RÉTHORÉ

Soirée
"… Rivières sans fin". Une lecture théâtrale de Gary Snyder, par Anna DESREAUX


Mardi 21 mai
BOUCLER LA BOUCLE
Matin
Présentation de la boîte TERREMER, par Clémence MATHIEU et Marin SCHAFFNER

Présentation de la Fondation Zoein, par Caroline LEJEUNE

Intervention de Philippe AUBERT

Discussion générale et conclusions

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS ET BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Mathias ROLLOT : Architectures, eaux, et quelques manières de se perdre
Depuis une analyse portant sur les manières qu'ont architectes et architectures de négocier avec l'eau (comme pur outil compositionnel et spectaculaire atopique, comme part d'une situation contextuelle avec son identité propre, ou encore comme élément écologique dynamique aux dimensions changeantes et multiples), on peut tirer de multiples enseignement pour la théorie de l'architecture. En d'autres termes : "dis moi ce que tu fais de l'eau et je te dirai quel architecte tu es !". Et parce qu'il ne saurait y avoir d'écologie autre que située et populaire, partagée et totale, l'enjeu est finalement d'envisager quels rapports à l'autochtonie et au plurivers nous sommes capables de tenir avec l'architecture (et l'eau) dans une optique décoloniale non métaphorique et dans une visée écologique radicale.

Architecte, Docteur et HDR en Théories et pratiques de l'architecture, Mathias Rollot est maître de conférences à l'ENSA de Grenoble. En tant que chercheur, auteur, éditeur ou traducteur, il a publié de nombreux ouvrages et articles sur l'architecture et le monde contemporain dans une perspective écologiste. Ses travaux appartiennent au champ des humanités écologiques, et ont notamment porté par le passé sur les doctrines de l'habitabilité, la théorie et l'histoire du biorégionalisme, les pratiques alternatives en architecture ou encore l'éthique et l'épistémologie architecturale. Ses recherches actuelles mettent au travail les écologies décoloniales et les philosophies éthiques, animalistes et environnementales, dans l'idée de contribuer à la production de formes de théories critiques de l'architecture pour l'époque anthropocène. Par ailleurs, il est à l'origine de la plateforme de science ouverte bioregions-bibliothèque.fr qu'il anime (occasionnellement) depuis le printemps 2020.
https://mathiasrollot.work/

Marin SCHAFFNER : Pour des imaginaires de bassins-versants
Depuis Hambye et en complément de la visite de l'exposition À la recherche de Constantia, Marin Schaffner proposera de s'immerger dans les réalités multiples des bassins-versants. À partir de la Sienne et de ses affluents — et dans une série d'allers-retours auprès d'autres rivières — cette intervention nous plongera à la confluence des sciences, des arts et des cultures habitantes pour tenter de sentir-penser comment les eaux connectent la vie à un mouvement permanent.

Originaire du Cotentin, Marin Schaffner est auteur, traducteur et éditeur aux côtés de Wildproject. Ethnologue de formation, il est membre fondateur du collectif Hydromondes et de l'Association pour l'écologie du livre. Tourné vers l'écofiction, il accompagne également plusieurs dynamiques liées à l'eau, et coopère avec Territoires pionniers I Maison de l'architecture - Normandie depuis plusieurs années. Après Un Sol commun (2019), Les Veines de la Terre (2021) et Qu'est-ce qu'une biorégion ? (2021), il vient d'écrire À la recherche de Constantia (2023) – livre sur le bassin-versant de la Sienne, sur lequel Cerisy se situe.


Charles AMBROSINO & Nicolas TIXIER : Retrouver les voi(es)x de l'eau. Le cas de la métropole grenobloise
Les paysages grenoblois de l'eau demeurent aujourd'hui très largement façonnés par les corps d'ingénieurs, les industriels et énergéticiens et dans une moindre mesure par les collectivités locales et les services de l'État, soucieux de maitriser les aléas en milieux urbanisés. Toutefois, des mouvements concomitants viennent bousculer cette mécanique experte, et témoignent tant d'un infléchissement des modes de conception de l'interface ville/eau en faveur de l'usage et de l'urbanité, que d'un élargissement des sphères de la gouvernance urbaine à des pans organisés de la société civile. Ce faisceau de signaux faibles augure-t-il une bifurcation territoriale vers une fabrique écologique et paysagère des espaces habités ?

Historien et urbaniste de formation, Charles Ambrosino est Professeur d'urbanisme à l'Institut d'Urbanisme et de Géographie Alpine et chercheur à l'UMR PACTE. Son dernier ouvrage La métropole géographique et ses urbanismes (POPSU Métropole 2018-2022) explore les modalités de réencastrement géographique du projet de sol de la métropole grenobloise et ouvre de nouveaux sillons de recherche fondamentale sur les disciplines du projet spatial et territorial. Ses recherches se prolongent actuellement dans le cadre du programme POPSU Transitions (2023-2026) "Grenoble XXI. Retrouver les voi(es)x de l'eau" dont il assure la coordination scientifique.

Nicolas Tixier est architecte, professeur à l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes) et professeur invité à l'École supérieure d'art Annecy Alpes. Il travaille comme chercheur au laboratoire Architectures, ambiances, urbanités (AAU) au sein de l'équipe CRESSON dont il est le directeur depuis 2018. Il mène parallèlement une activité de projet au sein du collectif BazarUrbain. Ses travaux actuels portent principalement sur le transect urbain, comme pratique de terrain, technique de représentation et posture de projet. Entre héritage et fiction, il interroge les territoires et leur fabrique par les ambiances.
Publications récentes
Rachel Brahy, Jean-Paul Thibaud, Nicolas Tixier, Nathalie Zaccaï-Reyners (dir.), L'enchantement qui revient, Colloque de Cerisy, Hermann Éditeurs, Paris, 2023.
Didier Tallagrand, Jean-Paul Thibaud, Nicolas Tixier (dir.), L'usage des ambiances. Une épreuve sensible des situations, Colloque de Cerisy, Hermann Éditeurs, Paris, 2021.

Marine CALMET : Que peut le droit pour les bassins-versants ?
Le mouvement pour la reconnaissance des droits de la nature connaît un essor mondial, de l'Equateur à l'Australie, de l'Ouganda à l'Espagne. Comment reconnaitre des droits fondamentaux à des entités et des écosystèmes naturels peut apporter des outils supplémentaires pour la défense des bassins versants ? Quels sont les enjeux juridiques et politiques et quels sont les impacts observés ?

Marine Calmet, avocate de formation, juriste spécialiste des droits de la nature, présidente de Wild Legal, porte parole du collectif Or de question opposé à l'industrie minière en Guyane et autrice du livre Devenir Gardiens de la Nature.

Jérôme GAILLARDET : L'enchevêtrement des cycles de l'eau dans l'espace et dans le temps
Le cycle de l'eau est spécifique de la planète Terre. On le croit simple, il est multiple ; il se décline en plusieurs boucles jamais parfaites. Nous proposons une vue renouvelée des rotations de l'eau sur la Terre et de leurs temporalités multiples et emboitées. Une politique des cycles de l'eau doit prendre en compte cette hétéro-temporalité. Elle doit aussi s'intéresser à la fine pellicule des terres émergées transformées par l'action de l'eau, que l'ont appelle la zone critique, un lieu particulier de l'habitabilité terrestre.

Jérôme Gaillardet est professeur à l'Institut de physique du globe de Paris et membre de l'Institut universitaire de France. Géochimiste, il mène des recherches sur les cycles biogéochimiques et la composition chimique des rivières. Il co-coordonne l'infrastructure de recherche nationale OZCAR (Observatoires de la zone critique, applications et recherche) et travaille au Centre des politiques de la Terre.

Sophie GOSSELIN & David GÉ BARTOLI : Présentation du film Le fleuve Elwha : quand la nature reprend ses droits, suivie d'une intervention sur "Vers des peuples de l'eau et des institutions-rivière : comment faire politique depuis les cycles de l'eau"
En nous appuyant sur l'exemple du processus social et politique qui a accompagné le démantèlement de deux barrages sur le fleuve Elwha (État de Washington, USA), nous nous intéresserons aux nouvelles manières de faire peuple depuis les cycles de l'eau. Nous explorerons la manière dont la prise en compte de la vie du fleuve induit une territorialisation écocentrée de l'espace social et politique, nous invitant à créer des institutions terrestres capables de prendre en charge des alliances entre humains et autres qu'humains et d'ouvrir l'horizon d'une cosmopolitique pluriverselle.

Sophie Gosselin est philosophe et enseigne dans le Master Études Environnementales de l'EHESS à Paris. Elle travaille actuellement sur les enjeux d'écologie politique, d'anthropocène, de droits et de personnifications de la nature. Elle est membre de la revue en ligne Terrestres, de l'université populaire pour la Terre (Tours) et du Parlement de Loire. Depuis 2022, elle est vice-présidente du conseil scientifique du bassin Loire-Bretagne.

David gé Bartoli, philosophe et auteur, enseigne à l'université de Tours. Il travaille sur les enjeux de reterritorialisation sensible et écologique des communautés habitantes ainsi que sur les manières de donner voix et agentivité aux autres qu'humains. Il explore ces questions dans le cadre de résidences d'auteur, sous la forme de conférences ou de performances. Il est membre de l'université populaire de la Terre (Tours) et du Parlement de Loire.

Sophie Gosselin et David gé Bartoli sont co-auteurs de deux ouvrages : La condition terrestre, habiter la Terre en communs (Éditions du Seuil, 2022), et Le toucher du monde, techniques du naturer (Éditions Dehors, 2019).

Patrick LAIGNEAU : Le national vu de l'international — retour sur les 60 ans des Agences de l'eau
Depuis les années 1990, des responsables associatifs, techniques et politiques brésiliennes et brésiliens se sont inspirés de l'expérience des agences de l'eau françaises pour construire des politiques de l'eau décentralisées et participatives dans les 26 États de leur fédération. Depuis Cerisy, Patrick Laigneau présentera une approche croisée des idées et des pratiques qu'il a observées ou auxquelles il a participé de part et d'autre de l'océan Atlantique, pour vous proposer un regard distancié sur les 60 ans d'histoire des agences. Initialement conçues comme des institutions correspondant à l'idéal des communs, nous verrons dans quelle mesure elles ont été accaparées par les logiques du marché et de l'État. Nous pourrons poursuivre ensemble ce voyage par les bassins versants vers d'autres continents ou vers des biorégions plus proches de nous, pour contribuer à l'invention de nouvelles "politiques des cycles de l'eau".

Patrick Laigneau se définit comme un hydro-anthropologue franco-brésilien. Il est consultant indépendant et chercheur "clandestin", poussé par le désir de rencontrer, connaître, comprendre, tisser des liens autour des pratiques et des politiques liées à l'eau. Il est particulièrement stimulé par les enjeux des cycles de l'eau et des défis de l'action collective de celles et ceux qui y vivent et/ou en vivent. Il a publié plusieurs articles avec Bernard Barraqué (CNRS) et Rosa Formiga (Université de Rio de Janeiro, Brésil) et travaille cette année à l'écriture d'un livre sur les 60 ans de la loi sur l'eau de 1964.
Publication
Laigneau P. ; Barraqué B ; Formiga-Johnson R.M., "Chapitre 13. Les redevances comme levier pour la gestion collective de l'eau : exemples au Brésil et en France", in Luttes pour l'eau dans les Amériques : Mésusages, arrangements et changements sociaux, Paris, Éditions de l’IHEAL, 2022.

Caroline LEJEUNE
De formation en philosophie environnementale, Caroline Lejeune est docteure en sociologie politique, ses travaux portent sur la diversité des expressions de la justice environnementale et écologique. Elle est directrice de la Fondation Zoein et coordonne le programme "Droits de la nature et communs" de la Fondation. Elle accompagne et prend part à diverses expérimentations. En 2021, elle a introduit et commenté les écrits de Françoise D'Eaubonne dans l'ouvrage Naissance de l'écoféminisme paru aux Presses universitaires de France. Elle enseigne enfin à l'université de Lausanne un cours au niveau Master sur la justice environnementale dans une perspective transnationale.

Frédéric ROSSANO : Le retour de la vulnérabilité, ou comment vivre de nouveau avec les crues
Face aux risques de saturation et de rupture des ouvrages d'endiguement conçus aux siècles passés, une nouvelle approche de la gestion des crues se développe aujourd'hui, qui cherche à faire de la place aux rivières et aux fleuves plutôt qu'à les contenir à tout prix. Plaines et vallées sont ainsi transformées pour restaurer une cohabitation nécessaire entre installations humaines et fluctuations naturelles. Ce retour à des pratiques adaptives impose de repenser le cours d'eau en dehors des oppositions classiques : il ne s'agit plus de le "dompter", pas plus que de le "libérer" sans réserve. Entre vieux réflexes d'endiguement et rêves frustrés de renaturation se dessinent des approches combinatoires, qui concilient les fluctuations naturelles des cours d'eau et les activités humaines — loisirs, agriculture et, parfois même, extension urbaine. L'eau longtemps gérée en silos, comme ressource à capter, déchet à évacuer et flux à contrôler, échappe ainsi au domaine réservé de l'ingénierie pour redevenir un enjeu par­tagé et central. Ce recentrage politique et socio-économique pose néanmoins la question de sa territorialisation : quels enjeux, quelles structures, quels périmètres sont à même de traduire ce tournant nécessaire et de l'ancrer durablement ?

Frédéric Rossano est paysagiste-urbaniste et maître de conférences à l'école d'architecture de Strasbourg. Diplômé de l'École du Paysage de Versailles en 1998, il s'est formé au projet urbain aux Pays-Bas où il a pratiqué durant douze ans au sein de l'agence KCAP Architects and Planners, avant de rejoindre l'équipe d’enseignants et chercheurs de l'Institute of Landscape Architecture du Polytechnique de Zurich. De ses expériences de praticien et de chercheur est issu son premier livre La Part de l'Eau. Vivre avec les crues en temps de changement climatique, paru en anglais sous le titre Floodscapes (La Vilette / Nai010, 2021). La même année est paru l'ouvrage collectif De la ville-port à la Métropole fluviale - Un portulan pour Strasbourg, qui analyse et détaille le redimensionnement de la métropole alsacienne par ses espaces portuaires et son vaste réseau hydrographique. Ce travail réalisé dans le cadre du programme POPSU Métropoles se poursuit aujourd'hui avec la création d'une plateforme inter-métropolitaine, mettant en comparaison trois grandes métropoles fluviales et portuaires : Lyon, Rouen et Strasbourg.


"Entre Loire et Rhône, sentir-penser depuis un canoë-kayak", discussion avec Julien CHAPUIS, Jean-Louis MICHELOT (Atelier des Confins, Écosphère) et Barbara RÉTHORÉ
Avec le projet Loire Sentinelle, Barbara Réthoré et Julien Chapuis (biologistes) ont descendu le cours intégral du fleuve de mai à juillet 2022. En collectant des données scientifiques (microplastiques et ADN environnemental) et en proposant des résidences artistiques au fil de l'eau, ils cherchent à explorer la Loire pour mieux la comprendre et ainsi, mieux la défendre. De son côté, Jean-Louis Michelot s'intéresse au Rhône depuis plusieurs décennies, en multipliant les approches : doctorat de géographie, kayak (descente intégrale), implication dans la gestion du territoire (travail au sein du bureau d'étude Écosphère), collaboration avec des artistes, écriture (Sur le Rhône. Rouergue, 2020)… Tous trois proposent une approche singulière des rapports aux fleuves. Entre science impliquée, recherche-création, immersion longue et alignement tête-corps, cette discussion croisée, animé par Marin Schaffner, permettra de ressaisir tous les enjeux du colloque à partir d'expériences in situ.

Jean-Louis Michelot, "À quoi sert le Rhône ? Une approche sensible des services hydrosystémiques", Colloque "Mémoires du Rhône", Sion, in Le Rhône. Territoire, ressource et culture, textes réunis par Emmanuel Reynard, Alain Dubois et Muriel Borgeat-Theler, Sion, 2020 (Cahiers de Vallesia, 33), p. 93-117.
Jean-Louis Michelot, Sur le Rhône. Explorations buissonnières et autres explorations sensibles, Le Rouergue, 2022, 288 p.
Jean-Louis Michelot, "Le Rhône, anthropisation et santé écologique", in Nous, les fleuves, Orsenna E., Le Bacquier M., Michelot J.L., Coiffier C., Catalogue de l'exposition du Musée des confluences, Réunions des musées nationaux, 2022, 96 p.


EXPOSITIONS :

"Diagnostic biorégional du pays d'Uzès", par Maële GIARD et Clémence MATHIEU (Hydromondes)

Maële GIARD
Il s'agira, à partir d'une enquête collective sur l'état des eaux dans le pays d'Uzès, de questionner ce que peut être et apporter un diagnostic biorégionaliste. Nous questionnerons les méthodologies, les créations, la dimension collective, l'ouverture et les limites de cette enquête. Puis, partant de cette étude, nous interrogerons en quoi le concept de biorégion peut devenir un outil, ou du moins une clé d'entrée, dans l'analyse des territoires et les formes d'habiter associées.

Maële Giard, doctorante à l'université Grenoble Alpes, laboratoire CRESSON, travaille sur le fait de réhabiter les territoires dans une perspective biorégionaliste et écoféministe. Par l'exploration d'une méthodologie de recherche qui embarque le corps et le mouvement, son travail se concentre sur les relations qui peuvent se nouer entre les individus et les lieux. Elle s'attache à la valorisation des pratiques ordinaires et de la quotidienneté comme cœur battant de création d'une société écologique. Membre du collectif de recherche Hydromondes, elle participe à la création d'un savoir hors les murs ainsi qu'à la constitution d'imaginaires écologiques notamment par des ateliers collectifs d'écofictions.
Publication
Giard Maële, Lhomme Raphaël et Faburel Guillaume, "Biorégion. Pour une écologie politique vivante", Carnet de la décroissance #4, AderOC, 2021.

Clémence MATHIEU
La résidence du collectif Hydromondes en pays d'Uzès réalisée en 2022-2023 avait pour objectif de dresser un état de santé du territoire du point de vue des eaux — et d'en rendre compte de façon à la fois sérieuse et festive. Cette enquête se matérialise notamment par une série de cartes et de textes, qui posent un état des lieux des eaux — leur santé, leurs usages et leurs imaginaires (présents, passés et futurs), sur le territoire de la communauté de communes. De là découle une lecture transversale et singulière des interdépendances hydrologiques dans la région d'Uzès, prise en tant qu'entité d'un bassin-versant plus large. La visite commentée présentera ces documents et cette expérience, ayant été restituée en Pays d'Uzès sous la forme d'une exposition itinérante dans le cadre d'une "fête des lavoirs".
Brochure : https://hydromondes.org/wp-content/uploads/2024/01/Brochure-Uzes.pdf

Clémence Mathieu exerce une activité de paysagiste conceptrice, ainsi qu'une activité artistique, d'écriture, de recherche et de dessin, avec un intérêt marqué pour l'observation des territoires fluviaux, des milieux humides et, de façon plus générale, des paysages où les relations entre mondes humains et non-humains sont entremêlées et rendues perceptibles. Dans ses différents projets, elle s'interroge sur les représentations et la fabrique des paysages, et sur l'implication des processus fictionnels dans l'élaboration des projets de transformation des territoires. Elle tente, par le biais du récit fictionnel décliné en dessins, textes et autres médiums portant un potentiel narratif, de proposer des outils capteurs et créateurs de soin, d’attachement et de mondes communs.
Publications
Clémence Mathieu et Jean-Alfredo Albert, Almanach de l'archipel, fictions estuariennes de Gironde, Éditions PhenicusaPress, 2023.
Clémence Mathieu, "Fictions potentielles de paysage et de design, recherche d'outils et de méthodes pour un atlas relationnel de Loire", in Voix Contemporaines, De quoi la Nature est-elle le nom ?, Plateforme Prairial, 2022.


SOIRÉES :

"… Rivières sans fin". Une lecture théâtrale de Gary Snyder, par Anna DESREAUX
Cheminer avec Gary Snyder est un enchantement. Il attire notre attention sur le lièvre qui nous enseigne, les arbres qui nous écoutent, la rivière qui chante. Ce n'est pas une poésie de naturaliste même s'il nomme précisément les plantes, les animaux, les rochers, les nuages. Avec Gary, on est toujours dans le concret des choses et, en même temps, dans l'esprit, le souffle de l'âme. Quelques objets et chansons nous serviront de viatiques pour cette traversée sur les flots d'une poésie et d'une pensée joyeuse, sauvage, profonde, aiguisée, à l'image de ce vieux sage rigolard !

Artiste de la scène, Anna Desreaux a travaillé avec de nombreux metteurs en scène (Jean-Louis Hourdin, Peter Schumann, Pierre Ascaride, Fred Personne) avant de créer sa compagnie "la boite à frissons" défendant un théâtre de proximité avec de la musique et toujours des textes exigeants. À présent, elle intervient avec le collectif "Hydromondes" sur le théâtre d'opérations écologiques et politiques liés à la question de l'eau.


BIBLIOGRAPHIE :

Les Veines de la Terre : une anthologie des bassins-versants, François Guerroué, Mathias Rollot & Marin Schaffner, Wildproject, 2021.
• "La biorégion, creuset d'une démocratie directe de l'eau", collectif Hydromondes, Bascules #3, 2023.
• "Crise de l'eau, planète terre invivable ?", Emma Haziza, Thinkerview, 2022 [https://www.youtube.com/live/5ysUySSNW3M].
La Terre habitable, ou l'épopée de la zone critique, Jérôme Gaillardet, La Découverte, 2023.
La Part de l'eau : vivre avec les crues en temps de changement climatique, Frédéric Rossano, Éditions de La Villette, 2021.
• "Restaurer des rivières à l'ère de l'Anthropocène : Controverses sociotechniques des pratiques réparatrices (Durance, Vistre, Gardons, Drac)", Marie Lusson, Thèse à l'université Lyon, 2021.


SOUTIENS :

POPSU Transitions | Grenoble Alpes Métropole
Institut pour la recherche | Groupe Caisse des Dépôts
• Centre de recherche sur l'espace sonore et l'environnement urbain (CRESSON)
Fondation Zoein