Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


LA MODE : LOIS, LOGIQUES ET FICTIONS DU PARAÎTRE


DU LUNDI 3 JUIN (19 H) AU SAMEDI 8 JUIN (14 H) 2024

[ colloque de 5 jours ]


Crédits : Photographie et stylisme, Victor Hanen
– Assistante, Manon Colin – Robe, Atelier François Tamarin – Modèle, Téo Comon, 2023.


ARGUMENT :

Après avoir parcouru les chemins d'une indiscipline de la mode en tant que territoire théorique et pratique, en 2021, nous proposons de regarder la mode sous l'angle du paraître pour ce second colloque. Lois, logiques et fictions du paraître donc, comme le désir d'étudier les régimes différenciés de nos apparitions, avec cette même pluridisciplinarité de voix que nous souhaiterions réunir pour ce nouveau volet à Cerisy, en 2024.

Qu'elles régissent les couleurs de la livrée des gens de la Maison du Roi ou qu'elles interdisent aux classes bourgeoises le port d'une étoffe précise, les lois somptuaires édictées par le pouvoir au cours de son histoire auront codifié les apparences, manifesté les hiérarchies et le faste, rappelant les fonctions primordiales de représentation du vêtement et des ennoblissements textiles.

Prises dans une acception large ou imagée, les lois somptuaires sont également régulièrement subverties. Que ce soit le phénomène glam, punk ou fluo, des communautés se dessinent depuis ces logiques d'élection. Les lois deviennent des codes qu'un groupe socio-culturel peut promulguer par lui-même, soucieux de construire pour et contre les autres un ensemble de signes d'identité, d'aura ou de puissance. Ainsi va la vie de cour, ainsi vont les cercles de sociétés plus ou moins confidentiels de la contre-culture, lorsque l'emplacement d'une mouche de velours ou le port d'un pantalon plus large qu'il ne le faudrait entrent en écho.

Il y aurait donc des logiques du paraitre, quand une silhouette s'invente à la croisée de la manifestation de soi et des parades sociales, quand cette même silhouette s'offre comme un écheveau complexe de choix et de renoncements, d'arrangements sinon de conflits ouverts avec l'époque.

Il y aurait enfin les fictions, les rôles que l'on projette, les personnages que l'on invente, dans la vie comme sur scène, en images. L'art du vêtement s'y affirme comme le support de narrations, le véhicule de métamorphoses, le motif d'un spectacle, la présence d'un costume. La mode donc, mais aussi tous les vêtements accumulés et collectionnés au-delà du programme et des cadences de production de cette industrie, peuvent alors transiter vers d'autres territoires, géographiques, créatifs, culturels, industriels, techniques… Pour creuser d'autres temporalités, anticiper d'autres perspectives, élaborant un regard second sur l'histoire et le contemporain.


MOTS-CLÉS :

Accessoire, Bal, Brevet, Cabaret, Carnaval, Cinéma, Corps, Costume, Coutume, Éditorial, Ennoblissement, Fiction, Image, Logique, Loi, Matière, Mode, Norme, Paraître, Parure, Performance, Représentation, Scène, Société, Standard, Style, Transgression, Uniforme, Us, Vêtement


CALENDRIER PROVISOIRE (29/04/2024) :

Lundi 3 juin
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants

Performance, par Clément COURGEON


Mardi 4 juin
CORPS PARÉS, CORPS POLITIQUES, CORPS UTOPIQUES
Matin
Mathieu BUARD, Colette DEPEYRE & Céline MALLET : Ouverture
Frédérique MATONTI : Les objets rusés. Savoir-faire domestiques féminins et messages cachés [visioconférence]
Nicole PELLEGRIN : Le vêtement religieux comme fait social total | Historienne et anthropologue

Après-midi
Performance, par Clément COURGEON

Vincent DOROTHÉE : Charles IV de Lorraine, ou le triple corps du prince | ENSAAMA
Odile BLANC : Retour sur Parades et Parures | Bibliothèque INP
Matthieu NICOL : Iconographie d'un vêtement militaire, un style ? | Éditeur Too many pictures

Performance, par Clément COURGEON

Exposition "Meta_physics", par Anaïs SANS & Margaux SALARINO | Magazine Temple (pendant toute la durée du colloque)

Soirée
Performance, par Marvin M'TOUMO


Mercredi 5 juin
MODE ET MATIÈRES : PROJECTIONS ET DEVENIR
Matin
Géraldine BLANCHE : Propriété intellectuelle : quand le droit éclaire les fictions de la mode | Sciences Po
Eva DELACROIX : Les pénalités de pauvreté sur le marché vestimentaire | Université Paris Dauphine - PSL
Benjamin CABANES : Les défis de la mode durable : vers une prospective de l'éthique et de l'esthétique | Mines - PSL

Après-midi
Sonia ADAM-LEDUNOIS : M. Spock, Onze et Princesse Leia à la fashion week. La science-fiction, outil de prospective et d'influence | Université Paris Dauphine - PSL
Dina RASOLOFOARISON : Hairy stories | Université Paris Dauphine - PSL

Exposition & présentation
Joséphine SCHMITT : Penser les nouveaux matériaux pour l'artisanat à travers le concept de "matières à création". Le cas de l'artisanat plumassier | PSL
Victor MOLINIÉ : Les hors champs de la broderie contemporaine | Baqué Molinié textile and embroidery studio


Jeudi 6 juin
NORMES, STYLES ET TRANSGRESSIONS
Matin
Claire BRUNET : Petite anatomie du style | ENS Paris Saclay
Corinne LEGOY : Vestiaires de fête au XIXe siècle : regard sur un siècle de masques et de travestissements | Université d'Orléans

Après-midi
Judith CLARK : Staging the Vulgar — fashion redifined | Curator
Francesca GRANATA : Fashioning the Grotesque in Contemporary Fashion | Parsons school New York
Jeanne GUIEN : La mode punk : une esthétique de la saleté ? | Université Paris 1

Performance, par Victor CLAVELLY et Fiasco club


Vendredi 7 juin
DÉPLACEMENTS ET MÉDIATIONS. LE VÊTEMENT EN SCÈNE : LA MODE REJOUÉE, LE COSTUME DÉPLOYÉ
Matin
Annabel POINCHEVAL : Créatures de cabaret : construction du costume, entre mode et patrimoine | Commissaire
Julien MAGALHÃES : Erratum — Pour en découdre avec les anachronismes à l'écran | Historien du costume pour le cinéma et journaliste

Le vêtement en scène, table ronde animée par Céline MALLET, avec
Bénédicte MOURET : Le costume contemporain au cinéma et dans les séries | Costumière et styliste
Salomé POLOUDENNY : Vêtement de danse, un stylisme documentaire ? | Costumière et styliste
Olivier CHÂTENET : Reconstitution autour d'Yves St Laurent et Bertrand Bonello (film de 2014) | Collectionneur et conseil

Après-midi
Mathieu BUARD : Mode, costume, vêtement : dancing on the edge | École Duperré
Raphaël BARONTINI : Déboulé, parade picturale et carnaval manifeste | Artiste

SORTIE "HORS LES MURS"

Soirée
"To Douve or not to douve"


Samedi 8 juin
Matin
Présentation des revues
Rapport d'étonnement des jeunes chercheurs
Table ronde et conclusion du colloque

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Mathieu BUARD
Mathieu Buard est professeur, commissaire, conseil. Commissaire indépendant d'art contemporain, il conçoit des expositions qui soutiennent l'émergence artistique et les pratiques croisées, notamment avec la revue Temple ou par le passé avec les cycles de l'outre avec Joël Riff. En 2022, il présente Danser l'image. Le Ballet National de Marseille direction (LA)HORDE au CNCS de Moulins, dont il assure le commissariat et la direction du catalogue. En tant que critique, il écrit pour différents supports éditoriaux : Magazine, Feu, Modes pratiques, Temple, ainsi que pour des artistes contemporains et leurs galeries (Almine Reich, Perrotin, The Pills,…). Agrégé d'arts appliqués de l'École Normale Supérieure de Cachan, il étudie et enseigne la mode, les pratiques artistiques contemporaines, les théories afférentes aux industries créatives et culturelles. En septembre 2021, il a co-dirigé à Cerisy le premier colloque sur la mode : La mode comme indiscipline. Il est responsable des diplômes de Master et Licence à l'École Duperré Paris, à l'université Gustave Eiffel et à Paris III Sorbonne Nouvelle, et intervient également à l'ENS Paris Saclay. Il exerce enfin un travail de conseil pour des maisons de luxe, et accompagne la création contemporaine, en particulier pour la Cité internationale de la tapisserie d'Aubusson où il développe une direction artistique pour le fonds contemporain.
Publications
Buard M., Mallet C. & Mosse A. (ed.), La mode comme indiscipline, Colloque de Cerisy, Éditions B42, 2024.
Buard M. (ed.), Danser l'image. Le Ballet National de Marseille direction (LA)HORDE, Éditions JBE Books, 2022.
Buard M., "Entre deux rives, la pratique solitaire d'une plasticienne", in Daniel LÉGER, VERA SZÉKELY, Éditions Norma, 2021.
Buard M., "Par delà, l'à venir. La couleur démultipliée ou les exercices cosmiques du peintre", in Raphaël BARONTINI, SOUKHOS Heng Long Leather, Éditions RVB BOOKS, 2020.

Colette DEPEYRE
Colette Depeyre est Maîtresse de conférences à l'université Paris Dauphine - PSL et membre du laboratoire Dauphine Recherches en Management (UMR CNRS 7088). Ses recherches portent sur les processus d'adaptation des capacités des organisations et les dynamiques de marché associées, dans le contexte de projets industriels complexes et dans le domaine de la mode et du luxe. Elle s'intéresse en particulier au rôle de l'innovation matière dans la transformation de la filière mode pour des pratiques plus responsables. Elle est responsable académique du Master Mode & Matière de l'université PSL et a participé au projet pédagogique Erasmus+ "Re-frame fashion". Elle coordonne également le projet de recherche ANR interdisciplinaire IDEOMM sur l'industriation de déchets organiques et minéraux pour la filière mode.
Publications
Depeyre C., "Regards croisés sur le "marché de la mode"", in Buard M., Mallet C. & Mossé A. (éd.), La mode comme indiscipline, Colloque de Cerisy, Éditions B42, 2024.
Depeyre C., Richter-Widhoff D. & Perret V., "Comment former pour transformer la mode", in Michaïlesco C., Lasri S. & Damart S. (éd.), L'état du management 2023, Repères La Découverte, Chapitre II, 2023.
Nicolas De Lamballerie E., Delacroix E. & Depeyre C., "Étude de cas : Vinted – Impact du marché de la seconde main en ligne", in Wiki AFM, Marketing pour une société responsable, Chapitre 8 - Partie 1, 2022.
Depeyre C., Richter-Widhoff D., "Le gaspillage des vêtements. Retour aux sources", in Guillard V. (éd.), Du gaspillage à la sobriété. Avoir moins et vivre mieux ?, De Boeck Supérieur, pp. 29-46, 2019.
Depeyre C., Rigaud E. & Seraidarian F., "Coopetition in the French luxury industry : five cases of brand-building by suppliers of luxury brands", Journal of Brand Management, vol. 25, n°5, pp. 463-473, 2018.
Depeyre C., Rigaud E. & Seraidarian F., "Quelles stratégies pour les sous-traitants face aux reconfigurations des chaînes de valeur ? Le cas de la joaillerie en France", Annales des Mines - Gérer et comprendre, vol. 1, n°127, pp. 3-14, 2017.
Depeyre C. & Seraidarian F., "Un luxe que la France ne peut plus se permettre ?", in Perret V. & Nogatchewsky G., L'état des entreprises 2015, Paris, La Découverte, pp. 25-34, 2015.

Céline MALLET
Formée à l'Ensad Paris aux disciplines de l'image et de la création audio-visuelle, Céline Mallet est professeur agrégé d'arts appliqués. Elle enseigne la mode et l'image, l'histoire des arts et du design à l'École Duperré Paris. Elle est auteur pour la revue Magazine dédiée à l'analyse du style, des media et des industries créatives ; elle est membre du comité de rédaction et auteur pour Modes Pratiques, Revue d'histoire du vêtement et de la mode (École Duperré, IRHiS, CNRS-INHA) ; elle a été co-directrice du colloque de Cerisy de 2021 intitulé La mode comme indiscipline, dont les actes sont à paraitre aux Éditions B42 en 2024.


Sonia ADAM-LEDUNOIS
Titulaire d'un doctorat en sciences de gestion et management, Sonia Adam-Ledunois est maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches et directrice de la House of entrepreneurship à l'université Paris Dauphine-PSL. Ses travaux de recherche portent sur les coopérations en contexte de diversité, les problématiques d'intégration et d'inclusion sociale. Elle a plus particulièrement développé une expertise sur le dialogue entre science-fiction, management et prospective. Elle est investie dans des projets de recherche à visée d'impact sur la société et s'appuie centralement sur des démarches de recherche intervention ou recherche collaborative, en lien étroit avec des acteurs publics ou socio-économiques.

Benjamin CABANES : Les défis de la mode durable : vers une prospective de l'éthique et de l'esthétique
Le concept de mode durable englobe une multitude de pratiques hétérogènes et de solutions parfois antagonistes : matériaux recyclés, matière biologique, économie circulaire, suppressions des soldes, diminution des collections, production à la demande, etc. Ce concept peut ainsi s'analyser sous l'angle de la contrainte ou de l'opportunité. Une contrainte car les enjeux de durabilité s'imposent à toute l'industrie textile, une opportunité car de plus en plus de marques mobilisent le concept de durabilité comme positionnement concurrentiel. Pour sortir de cette aporie, nous proposons de penser la mode durable comme une utopie ou un mythe rationnel, c'est-à-dire un futur à explorer qui combine la rigueur de la raison, le pouvoir mobilisateur du rêve collectif et qui réconcilie les enjeux d'éthique et d'esthétique.

Benjamin Cabanes est enseignant-chercheur en sciences de gestion à Mines Paris – PSL. Ses recherches portent sur le management de l'innovation, le management de la R&D, les collaborations science-industrie, le développement de nouveaux produits et l'éco-conception. Il est également chargé d'enseignement à l'École Polytechnique et co-dirige le MS Entrepreneuriat Deeptech et Innovation de Mines Paris – PSL.

Eva DELACROIX : Les pénalités de pauvreté sur le marché vestimentaire
Dans cette contribution, nous nous intéressons aux pénalités de pauvreté sur le marché vestimentaire en France. Nous questionnerons pour commencer le jugement porté par la société sur les achats vestimentaires des plus démunis, souvent jugés comme superflus, en particulier lorsqu'ils achètent du neuf ou des marques. Nous verrons ensuite que les populations défavorisées ont un rapport ambivalent à l'achat de seconde main, encore souvent considéré comme stigmatisant, et qu'elles préfèrent participer à ce marché en tant que vendeurs plutôt qu'en tant qu'acheteurs. Du côté de l'offre, nous aborderons les problématiques d'accessibilité, de justice sociale et d'adéquation de l'offre aux désirs des classes populaires.

Eva Delacroix est maitresse de conférences à Paris-Dauphine. Ses recherches portent sur les consommateurs et consommatrices défavorisés, et la manière dont le marché produit de l'exclusion au travers de son offre.

Julien MAGALHÃES : Erratum — Pour en découdre avec les anachronismes à l'écran
Gladiator, Titanic, Shakespear in love, Les Visiteurs : le vestiaire de fiction construit une image du passé pas souvent alignée avec la réalité historique. Barbes de trois jours, décolletés plongeants et cuissardes : quelle influence ces choix de costumes ont-ils sur la construction d'une imagerie historique commune ? Julien Magalhães passe au peigne fin les anachronismes qui ont bercé notre culture audiovisuelle. En épinglant les mauvais exemples d'armure, corset, chaussure, jupe, ou perruque, on revisite l'Histoire par ce qu'il y a de plus intime : l'apparence. Un double regard en aller-retour sur les mentalités d'autrefois et les obsessions de notre époque.

Julien Magalhães est auteur, et enseigne l'histoire des modes et du costume à l'ESAA Duperré. Son premier livre Erratum, édité chez Hoëbeke – Gallimard, se penche sur les costumes de fictions historiques, et il a co-écrit la série Damoiselle pour TV5 Monde. Il signe également le podcast Les Beaux Restes sur Spotify, sur l'histoire des standards de beauté, et le format parodique Visites Guindées pour Urbania. Ses articles paraissent régulièrement dans le Harper's Bazaar, et il a officié en tant que chroniqueur à l'antenne de France Inter. Julien Magalhães continue d'explorer les relations entre mode, Histoire, société et pop culture sur tous les terrains qui s'ouvrent à lui.

Frédérique MATONTI : Les objets rusés. Savoir-faire domestiques féminins et messages cachés
Cette communication partira d'une double recherche en cours : un travail sur les intellectuelles déportées dans les camps de concentration nazis et sur les techniques qu'elles ont mis au point pour se "divertir" au sens pascalien, c'est à dire pour essayer de ne pas penser à la mort ; une histoire et une sociologie des intellectuelLEs qui n'a été que très partiellement esquissée en France. En m'intéressant aux intellectuelles déportées (en réalité, vu le faible nombre de femmes accédant à des professions intellectuelles, j'ai été amenée à élargir la définition aux diplômées, ce qui englobe par exemple les institutrices et les détentrices du brevet supérieur), j'ai remarqué qu'au-delà de la récitation de poèmes, le chant voire la mise en scène de fragments de pièces de théâtre (Charlotte Delbo), et même l'écriture d'une opérette (Germaine Tillion), beaucoup d'entre elles fabriquaient de petits objets. Si cette pratique, dite "art des tranchées", est documentée pour les hommes de la première guerre mondiale, elle semble avoir été le fait avant tout des soldats des classes populaires. Surtout, ici ces objets n'ont pas qu'une valeur utilitaire (disposer d'une cuillère, d'un étui pour protéger son peu de pain) ou affective (poupée, figurines sculptées qui peuvent être offertes ou conservées pour les enfants), ils ont aussi une valeur de témoignage. La forme la plus usuelle mais non genrée en est le dessin ou la sculpture sur les conditions de détention — récemment l'exposition du mémorial de la Shoah ("La musique dans les camps nazis") a ainsi montré, outre des instruments fabriqués par les prisonniers, des petites sculptures de musiciens contraints de jouer pendant les appels ou les exécutions.
Mais il existe des formes plus complexes, où les apprentissages domestiques sont mis à profit pour rendre ces objets apparemment innocents et simplement utilitaires, porteurs de significations. C'est le cas des broderies d'un sac à main de Geneviève de Gaulle qui lui servent à mémoriser le nom des camps traversés, ou d'un livre de prières récupéré par Germaine Tillion dans lequel elle inscrit des recettes de cuisine. Apparemment simples exercices de mémoire, ces recettes sont en fait codées pour rendre compte des expérimentations médicales à Ravensbrück. Ces objets supposent des techniques domestiques apprises dans les familles ou lors du passage dans le système scolaire (pensionnats religieux pour les familles catholiques, enseignement ménager dans le système primaire…) et qui sont propres aux femmes, diplômées ou non : broderie, couture, cuisine et recours à des "écritures ordinaires", selon la formule de Daniel Fabre. Je les ai appelés "objets rusés". En effet, ce sont des objets qui parviennent à encapsuler des informations, éventuellement sensibles, sous une forme apparemment inoffensive. Parler de "ruse" me permettra de revenir sur cette logique de double sens mais aussi d'en montrer les limites. Comme la "littérature de contrebande", selon la formule d'Aragon, utilisée pendant la seconde guerre mondiale, par exemple par les poètes de la Résistance, qui supposent une capacité du récepteur à en découvrir le message caché, les objets rusés ont besoin d'être décryptés pour que leur sens soit accessible. Si Germaine Tillion n'avait pas survécu, son codage aurait été insoupçonnable et son message serait resté indéchiffré. Leur dimension genrée permet aussi en partie d'expliquer cette limite : pour paraphraser Lucien Bianco, les armes des faibles sont des faibles armes.
Cette communication sera l'occasion de distinguer les objets rusés, d'autres objets qui incorporent des savoir-faire domestiques comme les banderoles brodées des luttes féministes, ou les productions artistiques qui jouent sur la frontière avec l'artisanat. Elle sera aussi l'occasion de réfléchir aux parentés des productions intellectuelles de ces générations exclues durant une partie de leur existence des droits politiques, et formées dans des cursus distincts et séparés de ceux des hommes, avec les écritures et les lectures ordinaires.

Dina RASOLOFOARISON : Hairy stories
Le projet "Hairy stories" part du constat que les individus ont souvent un rapport compliqué avec leurs cheveux et/ou leurs poils. Nous nous intéressons aux récits de consommateurs et consommatrices (racontés souvent très spontanément dès la mention de l'idée de cheveux) tout comme aux récits de fournisseurs de services (coiffeuses, perruquières, esthéticiennes) pour identifier la nature des tensions existantes. Pour comprendre le sens, la symbolique et le poids derrière les histoires racontées, nous adoptons une perspective multidisciplinaire : sociologique pour comprendre les normes sociales en jeu, anthropologique pour comprendre le sens des rituels de beauté, histoire de l'art pour comprendre l'influence des représentations liées aux cheveux et aux poils dans l'art et la culture, et enfin marketing pour déterminer l'influence des marques et de l'industrie de la beauté sur les tendances capillaires et sur la construction identitaire des consommateurs et consommatrices. Nous observons que la consommation de produits et de services se révèle parfois être tout aussi bien perçue comme l'origine (ex : une coupe ratée chez le coiffeur) que comme la solution (ex : défrisage, coloration) à ces problèmes. Nous investiguons en particulier la dimension de Care que de nombreux fournisseurs de service doivent assumer, sans pour autant avoir une formation pour cela.

Dina Rasolofoarison est maitresse de conférences en marketing et communication à l'université Paris Dauphine-PSL. Elle s'intéresse aux cultures visuelles. Les cheveux et les poils forment un objet d'étude qui recoupe aussi bien la communication visuelle (par son aspect esthétique mais aussi symbolique) et les pratiques culturelles (par les rituels associés, les pratiques de consommation, et les stratégies de distinction par exemple). Ses recherches portent également sur les pratiques de fans au sein des industries culturelles et créatives.

Joséphine SCHMITT : Penser les nouveaux matériaux pour l'artisanat à travers le concept de "matières à création". Le cas de l'artisanat plumassier
Comme dans l'ensemble des secteurs, on assiste aujourd'hui dans la mode et le luxe, à une multitude de développements de nouveaux matériaux, afin de résoudre des problématiques éthiques et écologiques. Ils relèvent parfois de la recherche d'alternatives à des matières existantes, qui sont, elles, expérimentées et aimées depuis longtemps par les artisans. À travers le cas du savoir-faire plumassier, j'ai expérimenté comment penser de "nouvelles matières de plumasserie" qui trouvent notamment leur point commun avec les plumes, dans ce qu'elle révèle dans son potentiel et ses réflexes créatifs avec le plumassier, résumées dans le terme de "matières à création".


BIBLIOGRAPHIE :

Livres et catalogues

• Charles Baudelaire, Critique d'art suivi de critique musicale, Éditions Folio essais, 1992.
• Heidi Bivens, Euphoria fashion - The Art of Costume Design, Édition A24, 2022.
• Odile Blanc, Parades et Parures, l'invention du corps de mode à la fin du moyen âge, Édition Gallimard, 1997.
• Odile Blanc, Vivre habillé, Éditions Klincksieck, 2009.
• Denis Bruna, Tenues correctes exigées : Quand le vêtement fait scandale, Éditions des arts décoratifs, 2016.
• Claire Brunet, Catherine Geel, Le design : histoire, concepts, combats, Édition Gallimard Folio Essais, 2023.
• Mathieu Buard, Danser l'image - le Ballet national de Marseille direction (LA)HORDE, Éditions JBE books, 2022.
• Mathieu Buard, Céline Mallet, Aurélie Mosse, La mode comme indiscipline – territoires d’expressions et de recherches, Colloque de Cerisy (2021), Éditions B42, 2024.
• Marie Charlotte Calafat, Aurélie Samuel, Fashion folklore – Costumes populaires & haute couture, Co-édition du MUCEM et des Éditions Gallimard, 2023.
• Baldassare Castiglione, Le livre du courtisan, Éditions GF Flammarion, 1991.
• Judith Clark, Adam Philipps, Jane Alison, Sinéad McCarthy, The Vulgar – Fashion Redefined, Édition Koenig Books – Barbican Art Gallery, 2016.
• Mensitieri Giulia, Le Plus Beau Métier du Monde. Dans Les Coulisses de L'Industrie de la Mode, Éditions La Découverte, 2018.
• Francesca Granata, Experimental fashion : Performance art, Carnival and the Grotesque Body, Édition Bloomsbury Visual Arts, 2021.
• Catherine Guesde, Penser avec le punk, Éditions Presses universitaires de France, 2023.
• Frédéric Godart, Sociologie de la mode, Repères La Découverte, 2016.
• Emilie Hammen, L'idée de mode : Tome 1, Une nouvelle histoire, Éditions B42, 2023.
• Dick Hebdige, Sous-culture. Le sens du style, Éditions La Découverte, Paris, 2008.
• Adolf Loos, Comment doit-on s'habiller ?, Éditions Grasset - cahiers rouges, 2014.
• Marielle Macé, STYLES. Critique de nos formes de vie, Éditions Gallimard, 2016.
• Julien Magalhães, Erratum - Pour en découdre avec les anachronismes à l'écran, Éditions Hoëbeke, 2022.
• Stéphane Mallarmé, Écrits sur l'art, Éditions GF Flammarion, 1998.
• Francesco Masci, Hors mode, Éditions Allia, 2023.
• Nicole Pellegrin, Voiles – Une histoire du Moyen-Âge à Vatican II, Éditions du CNRS, 2017.
• Nicole Pellegrin, Tabliers au masculin, tabliers au féminin, Éditions Publi Chauvinoi, 2009.
• Olivier Saillard, Claude Arnaud, Valery Steele, Alexandra Bosc, La mode retrouvée – Les robes trésors de la comtesse Greffulhe, Éditions Palais Galliera, 2015.
• Tilda Swinton, Olivier Saillard, Embodying Pasolini, Éditions Rizzoli International, 2022.
• Alexandre Samson, Back side – Dos à la mode, Éditions Palais Galliera, 2019.
• Daniel Roche, La culture des apparences. Une histoire du vêtement (XVIIe – XVIIIe siècle), Éditions Fayard, 1989.

Revues et articles

• Modes pratiques I - Revue d'histoire du vêtement et de la mode, Normes et transgressions, Édition École Duperré - Institut de Recherches Historiques du Septentrion (IRHiS) de l'université de Lille - Laboratoire InVisu (CNRS-INHA), 2015.
• Modes pratiques II - Revue d'histoire du vêtement et de la mode, Sans la mode, Édition École Duperré - Institut de Recherches Historiques du Septentrion (IRHiS) de l'université de Lille - Laboratoire InVisu (CNRS-INHA), 2017.
• Modes pratiques III - Revue d'histoire du vêtement et de la mode, Saisons, Édition École Duperré - Institut de Recherches Historiques du Septentrion (IRHiS) de l'université de Lille - Laboratoire InVisu (CNRS-INHA), 2018.
• Modes pratiques IV - Revue d'histoire du vêtement et de la mode, Affections, Édition École Duperré - Institut de Recherches Historiques du Septentrion (IRHiS) de l'université de Lille - Laboratoire InVisu (CNRS-INHA), 2020.
• Modes pratiques V - Revue d'histoire du vêtement et de la mode, Les nuits, Édition École Duperré - Institut de Recherches Historiques du Septentrion (IRHiS) de l'université de Lille - Laboratoire InVisu (CNRS-INHA), 2023.
• Revue Critique, numéro Juin-Juillet 2022, 901-902, Manuel Charpy, Gabrielle Smith Hamilton, Corinne Legoy, Porter la mode, Les éditions de Minuit, 2022.
• De Lamballerie Edith & Guillard Valérie (2023), "Vers une prise de conscience des enjeux éthiques des matières textiles par les consommateurs dans le cadre de la transition écologique", Recherche et Applications en Marketing (French Edition), 38(3), pp. 7-34.
• Blanchet Vivien (2017), ""We make markets". Le rôle du salon Ethical Fashion Show dans la catégorisation de la mode éthique", Recherche et Applications en Marketing (French Edition), 32(2), pp. 27-47.


SOUTIENS :

École Duperré Paris
• Dauphine Recherches en Management (DRM - UMR 7088) | Université Paris Dauphine - PSL
• École normale supérieure Paris-Saclay (ENS Paris-Saclay)
Campus d'excellence des métiers d'art et du design


BULLETIN D'INSCRIPTION


Les inscriptions à ce colloque sont maintenant ouvertes. Au regard de notre capacité d'accueil, celles-ci pourront être mises sur une liste d'attente.


Avant de remplir ce bulletin, consulter la page Inscription de notre site.

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Précisions à nous communiquer pour l'agrément de votre séjour :
[par exemple : grande taille (plus de 1,80 m), problèmes de mobilité, partage d'une chambre ou voisinage de chambres, inscription groupée, régime médicalement surveillé, ...]
Ces renseignements sont utiles à la répartition des chambres. Le logement est assuré au château de Cerisy et ses dépendances, en chambres doubles ou individuelles. En cas de grande affluence, les inscrits tardifs se logeront aux alentours.