Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


VULNÉRABILITÉ DU TRAVAIL DANS UN MONDE EN QUÊTE D'AVENIR


DU MARDI 11 JUIN (19 H) AU LUNDI 17 JUIN (14 H) 2024

[ colloque de 6 jours ]



ARGUMENT :

Depuis le dernier colloque de Cerisy sur le travail en 2018, les questions de numérisation, d'autonomisation croissante et du brouillage travail/hors travail ont été les principaux points de discussion. Cependant un enchaînement d'événements a posé au travail de nouvelles questions : les gilets jaunes, avec l'éclatement au grand jour des fracturations du monde du travail, la crise de l'ascenseur social, les débats sur "fin du monde vs fin du mois" ; la Covid (et l'opposition entre métiers "essentiels" et métiers "inutiles" ou, a minima, ceux dont on pourrait se passer quelque temps), puis l'expérimentation à grande échelle du télétravail ; l'accélération brutale de la prise de conscience écologique, et de notre fragilité énergétique, avec ses conséquences en termes d'éco-anxiété ; le "big quit", dans de nombreux domaines, qui repose la question du partage de la richesse et renouvelle les interrogations sur la "crise de sens", en particulier pour des jeunes générations considérées comme en rupture ; la guerre enfin, et sa perspective nucléaire, venue accentuer l'angoisse de la "fin du monde" déjà nourrie par la question écologique et le thème de l'"effondrement".

Tous ces événements font que nos certitudes et nos conceptions de l'avenir ont été sérieusement ébranlées. L'utopie d’un monde du travail qui glisserait doucement vers un labeur de plus en plus numérisé, autonome, réalisé dans des organisations de plus en plus flexibles et engagées vers le bien-être individuel (utopie en grande partie importée de la Silicon Valley), sans avoir disparu, paraît aujourd'hui presque irénique compte tenu des fragilités de nos sociétés révélées par l'enchaînement des crises. La vulnérabilité et l'avenir du travail sont les thèmes que nous mettons au cœur du troisième colloque de Cerisy sur cette thématique. Il réunira chercheurs et praticiens, avec des auditeurs intéressés par les sujets traités afin d'imaginer ensemble les transformations nécessaires et désirables du travail. L'avenir du travail à l'échelle nationale et internationale sera abordé sous trois angles complémentaires : d'une part les nouvelles attentes adressées au travail, d'autre part les critiques que font peser ces attentes sur les cadres institutionnels du travail d'aujourd'hui, enfin les nouvelles responsabilités qui pèsent sur les organisateurs du travail de demain.


MOTS-CLÉS :

Développement des sujets, Digitalisation, Enjeux écologiques, Histoire du travail, Numérisation, Organisation alternative, Quête d'avenir, Santé mentale, Solidarité, Transformation digitale, Travail, Vulnérabilité


CALENDRIER PROVISOIRE (03/04/2024) :

Mardi 11 juin
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mercredi 12 juin
HISTOIRE DE L'AVENIR DU TRAVAIL | Présentation
Matin
Patrick FRIDENSON : Le "moment années 1970" : une crise du travail ?
Christel FREU : Un Empire au travail : la variété des statuts de travail des populations sous la Rome ancienne

Après-midi
François VATIN : Dans quel sens travaille-t-on ?
Cyril COSME : OIT. Une perspective historique du travail
Frantz ROWE : L'intelligence artificielle au travail, en perspective et en question

Soirée
Sonia ADAM-LEDUNOIS & Sébastien DAMART : De Blade Runner à The expanse ou les figures du travail revisitées ?


Jeudi 13 juin
LES SOLIDARITÉS DU TRAVAIL | Présentation
Matin
David SANSON : Expertise, vulnérabilité et (dé-)politisation dans l'action syndicale
Henri BERGERON & Patrick CASTEL : Sociabilité, coopération et satisfaction au travail. Une hypothèse de sociologie des organisations

Après-midi
Cécile BRIEC : Travailler au sein d'une SCOP, une organisation favorable à l'émancipation ?

Syndicats / RH, table ronde avec Anne-Florence QUINTIN et Stéphane VEYER (Passé et devenir du mouvement coopératif)


Vendredi 14 juin
LE TRAVAIL FACE AU DÉFI ÉCOLOGIQUE | Présentation
Matin
Alexis CUKIER : Travail vivant et écologie politique
Haud GUÉGUEN : Travail, plaisir et nature. Retour sur l'utopie socialiste de Herbert Marcuse

Après-midi
VISITES "HORS LES MURS"

Soirée
Film sur le travail et l'écologie


Samedi 15 juin
Matin
LE TRAVAIL FACE AU DÉFI ÉCOLOGIQUE | Présentation
Stéphane LE LAY : Pourquoi est-il impossible de comprendre les transformations écologiques sans prise en compte de la centralité du travail ?
Philippe ASKENAZY : Défi climatique et démocratie au travail

Après-midi
ACCROISSEMENT SUBJECTIF ET SANTÉ AU TRAVAIL | Présentation
Frédérique DEBOUT COSME : Construction de l'avenir et engagement dans le travail au présent
Cédric DALMASSO
Frédéric GARCIAS

Invisibilité du travail, invisibilité au travail, tyrannie de la transparence, table ronde avec Dominique MASSONI et Elisabeth PÉLEGRIN-GENEL


Dimanche 16 juin
L'AVENIR DU TRAVAIL : NUMÉRISATION, DIGITALISATION ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE | Présentation
Matin
Anca BOBOC : La vulnérabilité du travail face au numérique : la capacité d'agir des acteurs
Marc-Eric BOBILLIER CHAUMON : La travail a-t-il encore un avenir avec les technologies émergentes ?
Pierre QUESSON : Travail, transformation digitale et monde industriel

Après-midi
Sophie HOOGE : Comment penser collectivement un travail productif désirable hors du cadre de performance de l'industrie X.0
Justine RAYSSAC : Transformation industrielle 4.0 : la figure de l'opérateur 4.0 face à la figure de l'artisan horloger
Marine BACONNET : Convertir des exigences RSE en pratiques industrielles (À l'origine d'un découplage entre une stratégie de réindustrialisation et son déploiement)

Soirée
Démonstration de réalité immersive


Lundi 17 juin
Matin
Synthèse et conclusions

Après-midi
DÉPARTS


PRÉSENTATIONS DES THÉMATIQUES :

HISTOIRE DE L'AVENIR DU TRAVAIL
Si l'entreprise repose sur la vision d'un avenir à construire, qu'il s'appelle "projet", "mission", ou plus classiquement "stratégie", l'engagement dans le travail ne peut exister sans une promesse d'avenir. Participer à une œuvre commune, croire en un salut (théologique chez Weber, ou révolutionnaire chez Marx), espérer une ascension sociale (dans une vision plus libérale) ont été les véhicules de cette promesse. Les tendances de ces dernières décennies avaient déjà posé la question du rapport à l'avenir dans un capitalisme de plus en plus court-termiste et financiarisé qui érodait sérieusement la notion même de projet collectif. Tout désigne une "crise de l'avenir" qui se manifeste de multiples manières : grande démission et fuite du salariat, débat fin du monde/fin du mois, éco-anxiété, incapacité des démocraties occidentales à proposer un projet mobilisateur et crédible. Le populisme et les tentations nostalgiques d'un retour en arrière s'en nourrissent. La multiplication de l'appel à des "transitions" incertaines renforce l'impression d'un enfermement collectif dans un système économique dans l'impasse. Mais quelles ont été, à différentes époques, les visions de l'avenir du travail et comment celles-ci peuvent-elles nous permettre d'envisager des imaginaires mobilisateurs ?

LES SOLIDARITÉS DU TRAVAIL
Au début des années 1980, les philosophes post-modernes parlaient de la "crise des grands récits". Ces récits semblent aujourd'hui s'être définitivement effondrés. La mobilisation autour d'une vision libérale et déverrouillée de la société (startup nation, retour de l'ascension sociale par l'entrepreneuriat, valorisation de la mobilité, etc.) se heurte au mur de la réalité. Réfléchir à l'avenir du travail, c'est questionner ce qui fonde et solidarise les communautés d'action et l'engagement des citoyens. La nature du travail, sa place dans la vie, ses modes d'organisation et de management, les principes de solidarité associés à ceux-ci renvoient à ses dimensions sociale, technique et politique du travail. Comment ont évolué les différents temps "du travail, de l'œuvre et de l'action" ? Quelles sont les nouvelles sociabilités en gestation, notamment entre générations ? Quelles réinventions des dispositifs de solidarités seraient en mesure de pérenniser ses sociabilités et d'éviter la fragmentation des collectifs de travail ?

LE TRAVAIL FACE AU DÉFI ÉCOLOGIQUE
Le récit écologique semble aujourd'hui le candidat le plus sérieux à la constitution d'un grand récit alternatif et mobilisateur, bien que potentiellement très déstabilisant. La "transition écologique" (si elle existe) conduira-t-elle à remettre du monde dans les champs pour un travail plus manuel (faute d'énergie), des secteurs entiers sont-ils appelés à s'effondrer avec la suppression de millions d'emplois (l'automobile, l'aérien…), les caisses de solidarité fondées sur le principe d'une croissance matérielle sont-elles inexorablement amenées à s'épuiser ? La "transition" pourrait tout autant mobiliser que décourager. Ce questionnement général, précipité par la confluence de plusieurs chocs brutaux, participe à la transformation du monde des affaires. Par exemple, la prise de conscience du changement climatique et la pandémie de la Covid-19 ont initié un processus de reconfiguration des chaînes de valeur à l'échelle mondiale. En parallèle, dans un contexte anxiogène, des appels répétés à l'instauration de fonctionnements plus démocratiques signalent une remise en cause de la légitimité des pouvoirs établis. Les débordements du travail contemporain, mus par la progression des sciences, des techniques et des technologies, mais aussi par le changement des mentalités, questionnent la pertinence des nomenclatures qui permettent de décrire les activités humaines et bousculent les pratiques de régulation qui les font exister.

ACCROISSEMENT SUBJECTIF ET SANTÉ AU TRAVAIL
Le monde du travail et les enjeux qui lui sont associés évoluent. L'histoire récente de la santé au travail nous offre, par exemple, l'occasion d'observer deux ruptures importantes. D'une part, nous voyons la place grandissante prise en Occident par les enjeux de santé mentale dans le déroulement de l'activité laborieuse ; d'autre part, les réflexions sur le travail, traditionnellement orientées sur le salariat de production de biens et de services, s'étendent à des activités moins étudiées comme les activités de conception, les activités libérales ou indépendantes ou encore le cumul d'activités. L'articulation entre le travail et l'activité hors emploi comme les occupations domestiques ou ludiques deviennent également une préoccupation majeure. Quelle est l'étendue de la souffrance et des problèmes de santé mentale dans le monde du travail ? Quelles sont les répercussions économiques et organisationnelles de ces situations délétères ? Comment permettre à l'entreprise et aux salariés de s'en prémunir ? Comment lutter contre la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale au travail ? Comment sensibiliser les employés, les employeurs et la société en général à l'importance de la santé mentale au travail ? Comment les technologies numériques et l'automatisation affectent-elles la santé mentale ? Comment peut-on s'assurer que l'utilisation de la technologie ne contribue pas à des problèmes de santé mentale, mais plutôt à des environnements de travail plus sains ?

L'AVENIR DU TRAVAIL : NUMÉRISATION, DIGITALISATION ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
L'évolution du travail vers un monde numérisé et digitalisé où se diffuse l'intelligence artificielle suscite des interrogations majeures. Les avancées technologiques redéfiniront-elles le travail ? Les opportunités innovantes compenseront-elles les préoccupations liées à l'automatisation du travail intellectuel et à la perte des emplois traditionnels ? La numérisation permet-elle de concilier travail et vie personnelle ? Comment les nouvelles technologies, comme la réalité immersive et l'intelligence artificielle générative, modifieront-elles le travail créatif ? Ces changements seront-ils compatibles avec un fonctionnement démocratique et inclusif dans l'entreprise ? Repenser les questions éthiques, la protection des données, la confidentialité et la responsabilité, apparaît comme crucial en vue d'assurer le respect des droits individuels. En somme, penser l'avenir du travail requiert de poser de nouveau les fondements de ce qui permet de faire société.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Cédric DALMASSO
Cédric Dalmasso est Directeur du Centre de gestion scientifique, Mines Paris - PSL. Il est président du Conseil scientifique de l'Agence national d'Amélioration des Conditions de Travail et membre élu du Conseil d'administration de l'université PSL, Président du Conseil d'orientation de l'Institut du Travail et du Développement Durable et membre du cercle de l'innovation au sein de la Fondation Paris Dauphine. Chercheur intervenant, il a mené plus d'une vingtaine de recherches collaboratives et est l'auteur de nombreux articles sur le lien entre stratégie, organisation et santé au travail.

Frédérique DEBOUT COSME : Construction de l'avenir et engagement dans le travail au présent
S'interroger de l'avenir du monde nous invite à d'une part, revenir sur ce qui constitue le monde et d'autre part, sur ce qui définit l'histoire. Parler de l'avenir inscrit nos réflexions sur le futur et le temps du côté de l'histoire, et non du côté de l'hérédité. Tout comme parler de monde inscrit le périmètre de nos réflexions du côté du côté de l'expérience du sens plutôt que du côté de l'objectivité d'un environnement physique et matériel. Inscrire nos réflexions du côté de l'avenir du monde nous contraint ainsi à penser le rapport au temps et à l'environnement naturel dans une perspective humaniste et donc fondamentalement critiquer la notion d'adaptation. Ce sera finalement l'objectif de notre propos : alimenter une critique de la notion d'adaptation pour penser le rapport de l'individu humain à la société comme à la nature. Ce point de vue se fondera sur les apports de la psychopathologie et de la psychodynamique du travail car selon nous, il n'y a pas d'avenir du monde envisageable si nos organisations du travail portent atteinte, voir déconstruisent la santé mentale.

Frédérique Debout Cosme est maîtresse de conférences en psychopathologie et psychodynamique du travail au Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris (Centre de recherche sur le travail et le développement). Elle est membre de la chaire de psychologie du travail mais aussi de l'Institut de Psychodynamique du Travail à Paris. Après une maîtrise de philosophie et de phénoménologie à la Sorbonne sous la direction de Jean-Luc Marion, elle a entamé un cursus de psychologie clinique. Ses premiers travaux portaient sur le corps, la technique et la psychose. Elle a travaillé quatre ans en ESAT puis douze ans en psychiatrie adulte, dans une unité d'accueil familial thérapeutique pour patients adultes de psychiatrie ; clinique sur laquelle a porté sa thèse de doctorat, sous la direction de Christophe Dejours. Elle mène des interventions collectives en psychopathologie et psychodynamique du travail et elle a également une activité de psychologue, psychothérapeute. Ses domaines de recherche et ses publications concernent la psychopathologie, le corps, le travail, le genre, le soin et l'écologie. Elle est membre de diverses sociétés savantes dont les société française et internationale de psychopathologie et psychodynamique du travail.

Frédéric GARCIAS
Frédéric Garcias est maître de conférences en sciences de gestion à l'IAE Lille (Université de Lille) et chercheur au LUMEN. Ses travaux portent sur les mécanismes de constitution et de perte des capacités organisationnelles, envisagées en particulier sous l'angle cognitif. Initialement, il a étudié le phénomène de "perte de compétences" à l'œuvre au sein des organisation de la filière nucléaire, et leur impact sur le travail des ingénieurs notamment. Plus récemment, il s'est intéressé à des formes émergentes d'organisation (plateformes de travail indépendant, sociétés à mission…) en cherchant à mieux comprendre les liens entre organisation du travail et dynamiques d'apprentissage ou de désapprentissage. Il est co-rédacteur en chef de la revue Entreprises et Histoire.

Christian GUIBERT
Christian Guibert est titulaire d'un DEA de didactique des disciplines et d'un DEA de sociologie du travail à l'université Paris 7. Il a occupé le poste de développement socio-organisationnel à la Direction des Ressources Humaines de la RATP, pris la responsabilité de l'observatoire social décentralisé de France Télécom, de la Direction du management du groupe France Télécom-Orange et enfin la direction de l'Institut des métiers, instance partenariale direction-syndicats, du Groupe Orange. Aujourd'hui retraité, il est membre du CA de L'Institut du Travail et du Management Durable, du conseil scientifique de l'Observatoire des cadres de la CFDT et du Cercle des partenaires de Cerisy.


Sonia ADAM-LEDUNOIS & Sébastien DAMART : De Blade Runner à The expanse ou les figures du travail revisitées ?
La science-fiction est un genre très hétérogène. Son histoire a montré les nombreuses voies empruntées depuis la fascination pour les sciences et la technologie jusqu'aux dystopies révélant les travers de nos sociétés contemporaines. Le travail est représenté dans les œuvres de science-fiction. Essentiellement, deux grandes catégories d’objectifs pointent. D'abord, la science-fiction révèle le design dominant des formes contemporaines du travail. Ce faisant, elle met au jour des invariants et les dimensions fondamentales de la relation de travail, ce qui, au passage, a pour effet d'affaiblir le potentiel de dépaysement de l'œuvre. Ensuite, elle met en scène une éthique du travail, pensée comme alternative et visant une critique et une dénonciation.

Titulaire d'un doctorat en sciences de gestion et management, Sonia Adam-Ledunois est maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches et directrice de la House of entrepreneurship à l'université Paris Dauphine-PSL. Ses travaux de recherche portent sur les coopérations en contexte de diversité, les problématiques d'intégration et d'inclusion sociale. Elle a plus particulièrement développé une expertise sur le dialogue entre science-fiction, management et prospective. Elle est investie dans des projets de recherche à visée d'impact sur la société et s'appuie centralement sur des démarches de recherche intervention ou recherche collaborative, en lien étroit avec des acteurs publics ou socio-économiques.

Sébastien Damart est Professeur à l'université Paris Dauphine-PSL. Ses travaux portent sur les formes innovantes de management. Dans cette perspective, il est conduit à mener ou co-animer différentes recherches sur l'histoire des pratiques et des idées en management. Il travaille également la thématique du management innovant sous d'autres angles. Récemment, il participe à différents projets de recherche sur le lien entre management et science-fiction.

Marine BACONNET : Convertir des exigences RSE en pratiques industrielles (À l'origine d'un découplage entre une stratégie de réindustrialisation et son déploiement)
Transformer la filière textile mondiale en réindustrialisant et en invitant ses acteurs à penser des programmes de formation innovants et de haut niveau éducationnel, telle est l'ambition socio-environnementale du groupe étudié dans cet article. Cette stratégie de recomposition de la filière passe par une étape transitoire de réapprentissage des métiers de la confection. Traversé par des exigences contradictoires de nature économique, sociale et technique, le déploiement de cette stratégie industrielle est incontournable bien que difficile. Cette communication explore les origines de ces tensions, à la frontière entre le management stratégique et le management opérationnel, afin de mieux comprendre les découplages possibles entre les intentions déclarées et les réalisations effectives. Ces décalages proviendraient de la complexité à appréhender la pluralité des cibles d’apprentissage et des formes d’apprentissage. Notre recherche-intervention renseigne sur les chemins d’une réindustrialisation textile favorable au développement humain.

Marine Baconnet est doctorante en Sciences Humaines, humanités nouvelles (CNAM) et en Management (Mines Paris-PSL). Ses recherches supervisées par les Pr. Cynthia Fleury et Cédric Dalmasso, portent sur les tensions industrielles autour des métiers traditionnels et le bien être professionnel du point de vue opérationnel. Son objectif est d'accompagner la mise en place d'un nouveau dispositif de management avec toutes les parties prenantes d'un projet de réorganisation industrielle. Sa démarche, sachant que les transformations stratégiques (en l'occurrence une réindustrialisation textile) peuvent être déstabilisantes pour le bien être des personnes et la préservation du savoir-faire, est celle de ne pas déstabiliser les individus tout en développant une logique de professionnalité accrue.

Henri BERGERON & Patrick CASTEL : Sociabilité, coopération et satisfaction au travail. Une hypothèse de sociologie des organisations
Ce que certains nomment la crise du travail n'a jamais été autant médiatisée depuis la survenue de l'épidémie de Covid : problèmes d'attractivité, quête/perte de sens au travail, turn-over, absentéisme, quiet quitting, etc. Les réponses promues de manière privilégiée par les employeurs ou les pouvoirs publics sont connues et de différentes natures : symbolique (par exemple, la marque employeur) ; matérielle (augmentation des salaires, mesures liées à la QVT ou qualité de vie au travail, etc.) ; fonctionnelle (l'enrichissement des tâches, l'élargissement des responsabilités, etc.), ou encore managériale (nouveaux styles de management et de leadership). Il se peut toutefois que ces mesures ne répondent pas à une dimension essentielle, plus sociologique, du travail : le besoin de coopération. Dans cette intervention, nous défendrons l'idée que la coopération au travail est fragilisée par trois grands mouvements.

Henri Bergeron est sociologue, directeur de recherche au CNRS au Centre de sociologie des organisations et titulaire de la chaire Transformation des organisations et du travail de Sciences Po. Il codirige le domaine Travail aux Presses de Sciences Po. Il est notamment l'auteur, avec Olivier Borraz, Patrick Castel et François Dedieu, de Covid-19 : une crise organisationnelle (Presses de Sciences Po, 2020) et avec Constance Nathanson de The social production of crisis : blood politics in France and in the US (Oxford University Press, 2023).

Patrick Castel est sociologue, directeur de recherche FNSP au Centre de sociologie des organisations et coordinateur scientifique de la chaire Transformation des organisations et du travail de Sciences Po. Il codirige le domaine Travail aux Presses de Sciences Po. Il a notamment coécrit Covid-19 : une crise organisationnelle (Presses de Sciences Po, 2020) et coordonné, avec Marie-Emmanuelle Chessel, À la recherche de la décision : études cas en sciences sociales (Presses Universités du Septentrion, 2024).

Marc-Eric BOBILLIER CHAUMON : La travail a-t-il encore un avenir avec les technologies émergentes ?
Les nouvelles formes de travail (travail hybride et distanciel, algorithmisation de l'activité, flex-office…) et l'arrivée de technologies émergentes (IA, robot, technologies immersives et ubiquitaires…) bousculent profondément notre rapport au travail, à nous-mêmes ainsi qu'aux autres. Ce n'est pas seulement le contenu et la nature du travail à faire qui se reconfigurent, c'est également la manière de le faire qui se trouve remaniée. Les professionnels sont encore trop peu associés à ces projets de changements qui les touchent pourtant au premier chef. Ils sont vus, au mieux, comme une simple variable d'ajustement ; au pis, comme les exécutants dociles d'une technologie qui devient le maître de ceux qu'elle était censée servir. Ce qui est alors souvent présenté comme un vecteur de progrès et d'efficacité, impose en fait des renoncements à ce que le sujet s'efforce de construire à l'échelle de son métier : en matière de compétences et de gestes professionnels, de règles de travail et de critères de qualité, d'initiatives individuelles et collectives. Ces empêchements dégradent alors les conditions d'exercice de son activité, fragilisent son engagement subjectif et compromettent sa santé au travail. Cette intervention abordera la question des transformations digitales et des mutations du travail qui en découlent, en portant une réflexion critique sur les évolutions sociotechniques qui touchent le monde professionnel contemporain et qui le rendent plus vulnérable. Elle tâchera d'exposer aussi un cadre d'analyse et d'intervention — la clinique des usages — qui vise à accompagner la conception d'un futur du travail qui soit socialement acceptable, professionnellement responsable et humainement soutenable.

Marc-Eric Bobillier Chaumon est professeur du Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam) à Paris, titulaire de la Chaire de Psychologie du Travail. Il est responsable national du diplôme de psychologue du travail et préside l'Association Internationale de Psychologie du Travail de Langue Française (AIPTLF). Ses travaux portent sur les conditions d'usage des technologies et les incidences des transformations digitales sur l'activité et la santé au travail. Il s'intéresse notamment aux nouvelles modalités de travail (travail hybride, nomade, flex-office…) qui accompagnent ces mutations technologiques ainsi qu'aux conditions d'acceptation des dispositifs émergents. Il est l'auteur de 15 ouvrages et de plus de 300 publications scientifiques sur ces questions.
Publications
Bobillier Chaumon M.E. (2023), Psychologie du travail Digitalisé - Nouvelles formes du travail et Clinique des usages, Dunod.
Bobillier Chaumon M.E. (2021), Les transformations digitales à l'épreuve de l'activité et du travail : comprendre et accompagner les mutations technologiques émergentes, ISTE Éditions.
Bobillier Chaumon, M.E. & Sarnin P. (2021, seconde édition), Manuel de Psychologie du travail et des organisations : Les enjeux Psychologiques du travail, Bruxelles, DeBoeck.
Bobillier Chaumon M.E., Gangloff, B., Gilbert, P. & Vonthron A.M. (2021), Les incidences psycho-sociales et socio-organisationnelles de la crise sanitaire Covid sur le travail et la santé des salariés, Paris, L'Harmattan.
Valléry, G., Bobillier Chaumon, M.E., Brangier, E. & Dubois, M. (2019, seconde édition), Psychologie du Travail et des Organisations : 110 notions clefs, Paris, Dunod.
Bobillier Chaumon, M.E., Dubois, M., & Retour, D. (2010), Relations de service : nouveaux usages, nouveaux usagers, Bruxelles, De Boeck.

Anca BOBOC : La vulnérabilité du travail face au numérique : la capacité d'agir des acteurs
Loin des discours prophétiques et normatifs concernant les "effets du numérique" sur le travail, cette présentation insistera sur la capacité d'agir des acteurs, aussi bien dans la reconfiguration des activités et des liens sociaux autour de ces outils numériques, que dans le paramétrage de ces outils en fonction de leur activité. Elle soulignera l'importance des facteurs collectifs et organisationnels dans le développement des usages et, par conséquent, l'importance d'un accompagnement permettant un ajustement fin entre numérique et activité. En ce sens, elle pointera la nécessité des constructions sociotechniques, de plus en plus collectives et locales et de plus en plus complexes face à l'hétérogénéité des IA.

Anca Boboc est chercheure en sociologie du travail et des organisations au département de sciences sociales d'Orange Innovation (SENSE). Ses recherches portent notamment sur les transformations du travail avec les usages du numérique (télétravail, déconnexion, environnement de travail, formation professionnelle, appropriation des outils collaboratifs et de l'IA…) et leur accompagnement, notamment au niveau managérial.
Publications
Benedetto-Meyer M., Boboc A., Sociologue du numérique au travail, Éd. Armand Colin, 2021.
Boboc A., Metzger J.-L., "La formation professionnelle entre injonction à la numérisation et impératif de sobriété", Distances et Médiations des Savoirs, 2023.

Alexis CUKIER : Travail vivant et écologie politique
Cette intervention présentera un livre en cours d'écriture, Écologie politique du travail vivant, qui défend qu'il n'y aura de bifurcation écologique sans écologisation et démocratisation du travail à partir de la logique du travail vivant — redéfinie à partir de Marx et de Dejours comme l'implication corporelle et affective des travailleurs dans leur activité. Je montrerai, à partir d'une critique de l'oubli du travail dans les projets de planification écologique, que la nécessaire redirection écologique de l'économie nécessite la conquête par les travailleurs de nouveaux pouvoirs de décision, droits et outils économiques et institutionnels. J'examinerai ensuite des alliances entre travailleurs, syndicalistes, habitants et militants écologistes (Appel pour des forêts vivantes et lutte de la raffinerie Total de Grandpuits en France, reconversion écologique autogestionnaire de Vio.Me à Thessalonique et GKN à Florence) en analysant les façons dont le travail vivant permet de rediriger l'activité en la subordonnant aux besoins.

Alexis Cukier est maître de conférences en philosophie, membre du laboratoire MAPP, à l'université de Poitiers. Il est l'auteur, notamment, de Qu'est-ce que le travail ? (Vrin, 2018) et Le travail démocratique (Puf, 2018), ainsi qu'en co-direction Le sujet du travail. Théorie critique, psychanalyse et politique (avec Katia Genel et Duarte Rolo, PUR, 2022) et Travail et écologie (avec David Gaborieau et Vincent Gay, Les Mondes du travail, n°29, 2023).

Christel FREU : Un Empire au travail : la variété des statuts de travail des populations sous la Rome ancienne
À la fin de la République, "le plus savant des Romains", Varron, notait que si l'esclavage (ou le travail contraint) pour dettes avait été aboli de son temps en Italie romaine, il subsistait dans d'autres parties de l'Empire. Les Romains, en conquérant l'Orient où le contrat de travail pour dettes était courant, ont aussi développé dans leurs provinces le contrat de louage pour les embauches de court terme. L'objet de la communication est donc de présenter la variété des conditions de travail et des types de contrats d'engagement du travail et de travail forcé que les employeurs — Romains, élites indigènes ou autres — avaient à disposition sous l'Empire.

Christel Freu, professeure d'histoire romaine à l'université d'Évry-Paris Saclay, est spécialiste de l'histoire sociale et économique de l'Empire romain et s'intéresse particulièrement à l'histoire du travail et des métiers. Croisant le droit, les papyrus et la littérature d'époque impériale, elle a publié plusieurs articles sur l'apprentissage, les contrats de travail et les rapports de travail sous l'Empire, notamment en Égypte romaine. Son dernier livre, Les salariés de l'Égypte romano-byzantine. Essai d'histoire économique, Paris 2022 (StudPap 3), a reçu la médaille Diehl de l'Académie des Inscriptions et Belles lettres.

Patrick FRIDENSON : Le "moment années 1970" : une crise du travail ?
Le début des années 1970 aux États-Unis signale au monde la vulnérabilité du travail dans un univers social en quête de robots. Quel a été l'impact du blues des cols bleus en 1972 à l'usine automatisée de Lordstown (General Motors) ? Comment expliquer le succès mondial du livre de Harry Braverman, Travail et capitalisme monopoliste (1974, traduction française 1976) qui promeut l'idée de dégradation du travail ? Y a-t-il des rapports avec les compromis sur l'emploi annoncés pour la première usine automatisée de moteurs de Ford à Cleveland à la fin des années 1950 ? C'est une critique de ces critiques que l'on tentera.

Patrick Fridenson est ancien élève de l'École Normale Supérieure, historien des entreprises et du travail, directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales.
Publications
"Un tournant taylorien de la société française (1904-1918)", Annales ESC, septembre-octobre 1987, p. 1031-1060.
"Taylorism", in Guillaume Carnino, Liliane Hilaire-Pérez and Jérôme Lamy (eds.), Global History of Techniques (Nineteenth to Twenty-First Centuries), Turnhout, Brepols, 2024, p. 613-626.
"Les transformations des pratiques de subordination dans les entreprises et l'évolution du tissu productif en France", in Héloïse Petit et Nadine Thévenot (dir.), Les nouvelles frontières du travail subordonné. Approche pluridisciplinaire, Paris, La Découverte, 2006, p. 21-46.
Patrick Fridenson, François Monnier, Albert Rigaudière (dir.), Concurrence et marchés. Droit et institutions du Moyen Âge à nos jours, Paris, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 2023.

Haud GUÉGUEN : Travail, plaisir et nature. Retour sur l'utopie socialiste de Herbert Marcuse
Dans son ouvrage de 1955 Eros et civilisation, Marcuse se propose d'envisager l'accès à une société "non-répressive" sous l'angle d'une transformation du travail en jeu et en plaisir, dont il souligne qu'elle exige une transformation radicale du rapport à la nature où cette dernière ne soit plus perçue comme un "objet" mais comme un partenaire et une part centrale des êtres humains eux-mêmes. Procédant d'une filiation trouvant sa source chez des auteurs comme Fourier, Marx ou encore Schiller, c'est cette idée que ne cessa ensuite de développer Marcuse à travers ses réflexions sur la contre-culture et sa teneur révolutionnaire, et qui le conduisit à partir de Vers la révolution (1969) à poser la nécessité d'une "reconnaissance de la nature" entendue comme sujet/objet, allant, dans Contre-révolution et révolte (1972), jusqu'à affirmer que "La nature, elle aussi, attend la révolution !". À travers ces différents textes, se dégage ainsi une sorte d'utopie du travail, dont Marcuse perçoit très clairement que sa réalisation exige une transformation qualitative des institutions et de la technique ne passant pas seulement par un dépassement du capitalisme, mais par la création de "nouvelles valeurs" et de nouvelles "formes de vie" qu'il voyait à l'œuvre au sein des mouvements écologistes et féministes des années 1960. C'est sur cette réflexion marcusienne concernant le rapport entre travail, plaisir et nature que je me propose de revenir ici, en vue de montrer qu'elle se révèle aujourd'hui porteuse d'un très haut coefficient d'actualité à l'heure du capitalisme néolibéral et de la catastrophe écologique en cours. Ce faisant, il s'agira donc aussi de montrer l'intérêt majeur de la philosophie d'Herbert Marcuse pour la thèse de la "centralité du travail".

Haud Guéguen est maîtresse de conférences en philosophie au Conservatoire National des Arts et Métiers, membre du laboratoire CRTD et membre associée du laboratoire Sophiapol. Elle est en particulier l'autrice, avec Laurent Jeanpierre, de La perspective du possible. Comment penser ce qui peut nous arriver et ce que nous pouvons faire ? (Paris, La Découverte, 2022), et travaille sur les philosophies et sciences sociales du possible et de l'utopie, avec une attention toute particulière à la manière dont la conjoncture "capitalocénique" invite à en relire l'histoire à nouveaux frais.

Stéphane LE LAY : Pourquoi est-il impossible de comprendre les transformations écologiques sans prise en compte de la centralité du travail ?
Si, d'un point de vue social et politique, la mainmise des propriétaires des moyens de production capitalistes sur le travail et son organisation se sont révélées globalement délétères pour les travailleurs et leur santé, les conséquences en matière écologique apparaissent de plus en plus clairement comme catastrophiques. Pour bien comprendre les dynamiques entre ces différents phénomènes, la prise en compte de la "centralité du travail", c'est-à-dire la place incontournable du travail dans le déploiement de la subjectivité humaine et dans la transformation matérielle et symbolique du monde, est incontournable. Pour analyser cette question avec précision, il convient donc de spécifier les différences entre le "travail mort", le "travailler" et le "travail vivant" dans leurs impacts en matière écologique et non seulement subjectif, comme s'y est initialement attelée la clinique du travail. Ces distinctions, étayées sur plusieurs enquêtes récentes, permettent de comprendre par quoi passent concrètement les destructions écologiques et les obstacles subjectifs et sociaux qui se dressent sur le chemin d'un desserrement de l'emprise capitaliste sur la planète : renoncer à la centralité du travail revient à accepter que les actionnaires des entreprises et les membres du management supérieur qui les dirigent au quotidien continuent d'utiliser leurs moyens financiers, matériels et humains dans une optique extractiviste destructrice.

Stéphane Le Lay est sociologue du travail, spécialisé sur les questions de santé au travail, en particulier dans les activités professionnelles des membres des classes populaires. Depuis plusieurs années, il prête une attention précise aux dimensions écologiques du travail, à partir de terrains variés comme la prise en charge des déchets ou la gestion forestière. Actuellement, il mène, sous la direction d'Isabelle Gernet et Frédérique Debout, une thèse de psychologie clinique (Paris-Cité/Ademe) consacrée à la place de l'éco-anxiété dans les choix de bifurcations professionnelles vers des organisations du travail alternatives aux formes dominantes.

Justine RAYSSAC : Transformation industrielle 4.0 : la figure de l'opérateur 4.0 face à la figure de l'artisan horloger
Quels sont les impacts de l'industrie 4.0 sur le travail artisanal ? Voici la question que nous nous posons en arpentant les ateliers d'assemblage "mouvement" (le mécanisme des montres mécaniques) d'une entreprise de Haute Horlogerie Suisse. En effet, la transformation industrielle en cours au sein de ce secteur vient bouleverser les pratiques de travail, fait évoluer le métier horloger, les compétences associées et le sens de celui-ci. Comment piloter cette transformation industrielle horlogère en agissant positivement sur la qualité du travail ? Dans le cas d'une activité artisanale, telle que l'horlogerie, reposant sur des savoir-faire complexes et un patrimoine fort, le bien-être de l'horloger dépend notamment des compétences qu'ils mobilisent au quotidien et de ses perspectives d'évolution. Cela nous invite à réfléchir aux dynamiques d'apprentissages en jeu face à la transformation du travail.

Justine Rayssac est doctorante en sciences de gestion (CGS – Mines Paris). Ses recherches supervisées par Cédric Dalmasso et Sophie Hooge portent sur les impacts de la transformation industrielle sur les métiers de l'horlogerie que cela soit au niveau des savoir-faire ou au niveau de la qualité du travail. Son objectif est de réfléchir à un pilotage de la transformation industrielle 4.0 au niveau du management stratégique permettant le développement du patrimoine industriel et le bien-être des collaborateurs.

Frantz ROWE : L'intelligence artificielle au travail, en perspective et en question
L'automatisation du travail se poursuit aujourd'hui de façon accélérée avec les intelligences artificielles génératives (IAG). Pour autant le travail humain reste nécessaire pour assurer la qualité de la production et des services, de sorte que l'humain doit collaborer avec les intelligences artificielles plus qu'il ne se trouve substitué par la machine. Nous mettrons en perspective historique le développement des intelligences artificielles au travail, puis nous discuterons leurs apports pour les collaborateurs dans les entreprises, leurs limites et les risques associés au regard de la littérature scientifique et du déploiement récent des IAG que nous accompagnons dans les entreprises. Nous illustrerons comment le management algorithmique, la datafication des collaborateurs et du travail remettent en question les adaptations de l'outil à l'homme et les apprentissages dans les systèmes socio-techniques que sont les systèmes d'information et les organisations, pour le meilleur et pour le pire.

Professeur à Nantes Université (IAE de Nantes) et chercheur au LEMNA, Frantz Rowe a été Professeur à Telecom Paris, visiting professor à Bentley University, Cape Town University et Harvard University. Fellow de l'Association for Information Systems, il a dirigé 30 doctorants et actuellement responsable du Master Métiers du Conseil et de la Recherche. Il est membre de l'Institut Universitaire de France, titulaire d'une chaire fondamentale sur la dynamique de l'enfermement dans le numérique.

David SANSON : Expertise, vulnérabilité et (dé-)politisation dans l'action syndicale
Alors que les organisations syndicales au sein des grandes entreprises sollicitent régulièrement des experts externes pour soutenir les élus dans le cadre de leurs activités de représentation des salariés, l'usage de ce droit relativement récent éclaire de manière particulièrement révélatrice les transformations contemporaines du syndicalisme français. À ce titre, cette intervention appréhende la question de ce recours accru aux cabinets d'expertise comme un point d'entrée heuristique pour comprendre les transformations concrètes du travail syndical, ainsi que des registres cognitifs et revendicatifs du militantisme ouvrier d'usine. En effet, si les stratégies militantes tendent aujourd'hui à accorder une place centrale à ces expertises souvent cantonnées à des grilles de lectures économiques et financières, force est de constater la difficulté des élus à les réapproprier, à les mettre en discussion, ou bien à en faire des leviers efficaces de mobilisation des salariés. En mettant tout particulièrement en lumière la nature et la portée de ces débats (d')experts au sein desquels les équipes syndicales se trouvent aujourd'hui enfermées, cette communication invite ainsi, plus largement, à s'interroger sur les dynamiques ambiguës de (dé-)politisation de l'action militante au sein des organisations.

David Sanson, après un doctorat en sociologie à l'ENS de Lyon, est actuellement Maître de Conférences à Paris Dauphine-PSL au sein du laboratoire DRM-MOST, et chercheur associé à l'université du Québec à Montréal (UQAM). Prenant appui sur une ethnographie longitudinale réalisée au sein de collectifs ouvriers et militants, ses travaux explorent les effets politiques du management, et tout particulièrement les mécanismes d'aliénation que l'appareillage gestionnaire contemporain produit auprès des classes populaires. Attentifs aux multiples rapports de domination (re)produits en entreprise, ses travaux portent également sur les dynamiques de relations professionnelles et les pratiques de résistance des salariés, en abordant notamment la question des possibilités de formes alternatives, émancipatrices, d'organisation de la vie collective.
Publications
Chambost, I., Metzger, J-L., Nocenti, B., et Sanson, D. (dir.) (2024), Sociologie de la gestion et du management : des interactions de travail aux institutions du capitalisme et de l'État, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d,Ascq.
Béroud, S. & Sanson, D. (2023), "Le compromis salarial à l'épreuve du capitalisme financier", in Giraud, B. & Signoretto, C. (eds.), La (dé)construction du compromis salarial. Quelles réalités du dialogue social en entreprise ?, Éditions du Croquant, Paris.
Sanson, D. & Courpasson, D. (2022), "Resistance as a Way of Life : How a group of workers perpetuated insubordination to neoliberal management", Organization Studies, 43(11), 1693–1717.

François VATIN : Dans quel sens travaille-t-on ?
Depuis trente ans environ maintenant, une étrange épidémie semble s'être abattue sur la conscience morale occidentale moderne. On a lancé un avis de recherche : on veut le travail, "mort ou vif". Certains ont annoncé sa "fin". D'autres scrutent sa "valeur" "en voie de disparition". On voudrait le ranimer et pour cela lui redonner du "sens", le "supplément d'âme" qui lui permettrait de reprendre vie. Mais de quoi parle-t-on et de qui parle-t-on ? Qu'est donc d'autre le travail qu'une activité productive et comment entendons-nous vivre s'il n'y a plus d'activité productive ? Ou peut-être espérons-nous que d'autres travaillent pour nous ? Le "travail social", pour employer une expression commune à Marx et à Durkheim, est aujourd'hui mondialisé. C'est à cette échelle qu'il nous faudrait penser notre rapport collectif au monde, c'est-à-dire à la planète-terre et à la population qui l'habite. Est-ce le travail qui aurait perdu son sens ou, nous, notre lucidité sur les conditions matérielles de notre existence ?

Professeur de sociologie à l'université de Paris-Nanterre, François Vatin s'est notamment consacré, depuis la fin des années 1970, à étudier le travail sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions, du point de vue de l'histoire des sciences et de la philosophie, comme de celui de la sociologie de terrain. Parmi ses ouvrages, on peut citer son Traité de sociologie du travail avec Thierry Pillon, Toulouse, Octares, 2003 et 2008, Le travail et ses valeurs, Paris, Albin Michel, 2008, Le travail, activité productive et ordre social, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2014, Au fil du flux : la fonction de surveillance-contrôle dans l'industrie chimique et nucléaire, Paris, Presses de l'École des Mines, 2017 (avec Gwenaële Rot). Il a contribué à l'organisation de plusieurs colloques à Cerisy : L'Homme, point aveugle des sciences de l'homme avec Jacqueline Carroy et Nathalie Richard (2010), Sociologie économique et économie critique : à la recherche du politique avec Alexandra Bidet et Florence Jany-Catrice (2014) et Art, industrie et société au temps de la reconstruction et de la croissance d’après-guerre avec Gwenaële Rot (2019).

Stéphane VEYER : Passé et devenir du mouvement coopératif
Le mouvement coopératif est paradoxal. Ancien, structuré, son poids est loin d'être négligeable dans l'économie mondiale. Il est pourtant très mal connu et totalement invisibilisé dans la plupart des débats. La question du travail et la prospective sur le sujet n'échappent pas à ce paradoxe : à échelles micro ou méso, les récits d'expériences coopératives affichées comme emblématiques, originales ou simplement méritant de retenir l'attention, sont pléthores. Pour autant, la variable coopérative n'entre dans aucune équation macro-économique. Comment expliquer ce paradoxe, afin de pouvoir le dépasser ? Quels liens le mouvement coopératif peut-il, doit-il nouer avec le mouvement syndical afin de contribuer à l'émergence de nouvelles approches et de nouvelles pratiques dans le champ du travail ?

Diplômé de droit et de sciences politiques, Stéphane Veyer a co-fondé Coopaname et l'a co-dirigée pendant dix ans. Coopérateur invétéré, il a mis sur pied et est sociétaire d'une dizaine d'expériences coopératives de tout poil. Il est cogérant de la Manufacture coopérative, président du Conseil de surveillance de Startin'blox et intervient régulièrement dans différents cursus universitaires (CNAM, Le Mans, Paris 8, Grenoble, Beyrouth…) sur l'histoire de l'économie sociale, les problématiques de démocratie économique et de management coopératif.


SOUTIENS :

Orange
Veolia
CFDT Cadres
• Institut du Travail et du Management Durable (ITMD)
Chaire Fit2
• Institut pour une culture de sécurité industrielle (ICSI)


BULLETIN D'INSCRIPTION


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Ces renseignements sont utiles à la répartition des chambres. Le logement est assuré au château de Cerisy et ses dépendances, en chambres doubles ou individuelles. En cas de grande affluence, les inscrits tardifs se logeront aux alentours.