Programme 2021 : un des colloques

Programme complet


LE THÉÂTRE DES GENRES DANS L'ŒUVRE DE MOHAMMED DIB


DU LUNDI 6 SEPTEMBRE (19 H) AU VENDREDI 10 SEPTEMBRE (14 H) 2021

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Charles BONN, Mounira CHATTI, Naget KHADDA


COMITÉ SCIENTIFIQUE :

Zineb ALI-BENALI, Guy BASSET, Sabeha BENMANSOUR, Reda BENSMAÏA, Charles BONN, Denise BRAHIMI, Mireille CALLE-GRUBER, Mounira CHATTI, Ali CHIBANI, Assia DIB-CHAMBON, Guy DUGAS, Naget KHADDA, Fritz-Peter KIRSCH, Abdellah ROMLI, Hervé SANSON, Habub TENGOUR, Mourad YELLES


ARGUMENT :

L'œuvre de Mohammed Dib, principal écrivain algérien francophone avec Kateb Yacine, a trop souvent été déformée par des lectures de circonstance. On n'a ainsi perçu que tardivement que cette œuvre était d'abord une réflexion originale et sans cesse renouvelée sur les pouvoirs du langage face au défi de l'indicible.

Le colloque tentera de montrer que cette réflexion passe d'abord par une mise en scène des langages, et principalement des genres littéraires, entre lesquels cette œuvre est en constante alternance, à l'intérieur même des textes. Genres soumis par cette théâtralisation à une sorte de distanciation qui amène le lecteur à leur prêter parfois autant d'attention qu'aux thèmes qu'ils développent. Mais il permettra également de montrer que les "genres", au sens sexuel cette fois, sont aussi un de ces langages que l'œuvre de Dib théâtralise, et qu'on peut ainsi, malicieusement, traiter en parallèle avec les genres littéraires et leurs jeux de séduction.

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2020, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2020 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Conte, Dib (Mohammed), Essai, Genre littéraire, Insignifiance, Intertextualité, Intratextualité, Langage, Lecture critique, Littérature francophone, Oralité, Photographie, Poésie, Roman, Sens, Théâtre


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 6 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mardi 7 septembre
Matin
Charles BONN, Mounira CHATTI & Naget KHADDA : Ouverture du colloque

SCÉNOGRAPHIE DE LA FICTION DIBIENNE — Modérateur : Charles BONN
Réda BENSMAÏA : Faire feu de tout genre : le pas philosophique de Mohammed Dib
Naget KHADDA : D'un genre, l'autre : vers une esthétique de l'abstraction [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
MOBILISATION DES SENS ET PRODUCTION DU SENS DANS LE THÉÂTRE DES GENRES CHEZ MOHAMMED DIB — Modératrice : Naget KHADDA
Lamia OUCHERIF : L'écriture du "visuel" [visioconférence]
Manel ZAIDI AÏT-MÉKIDÈCHE : L'œil cosmique et l'ouïe, œil du cœur : hypostases dibiennes [visioconférence]
Mounira CHATTI : Les bocages du genre et du sens : Simorgh


Mercredi 8 septembre
Matin
LE THÉÂTRE DES GENRES : LA POÉSIE AVANT TOUT — Modératrice : Mounira CHATTI
Regina KEIL-SAGAWE : Lyyli des quatre saisons : les correspondances du genre, entre poème et prose [visioconférence]
Zineb ALI-BENALI : Le genre comme construction dans l'œuvre dibienne : l'importance du poème

Après-midi
THÉÂTRALITÉ ET ÉCRITURE ROMANESQUE — Modératrice : Réda BENSMAÏA
Nasrin QADER : Le théâtre de l'écrit : jouer avec/jouer de… [visioconférence]
Amel MAÂFA : De la polyphonie théâtrale à la narration romanesque. Le cas de Mille hourras pour une gueuse et de La Danse du roi de Mohammed Dib [visioconférence]
Hanane LAGUER : La théâtralité du geste dans L'infante maure : outil de scénarisation de l'oralité


Jeudi 9 septembre
Matin
INTERACTIONS GÉNÉRIQUES : ENTRE EXISTENCE ET HÉRITAGE — Modératrice : Lucy STONE McNEECE
Inès KREMER : Problématique de l'autobiographie dans l'œuvre de Dib
Hervé SANSON : La nébuleuse de La Fiancée du printemps : construction et déconstruction du mythe

Après-midi
MOBILISATION DES ARTS ET PRODUCTION DU SENS DANS LE THÉÂTRE DES GENRES CHEZ MOHAMMED DIB — Modératrice : Zineb ALI-BENALI
Maya BOUTAGHOU : Les paysages visuels et sonores de Mohammed Dib [visioconférence]
Toufik HADJI : Mohammed Dib se ressource, en écriture et en photographie, dans une ville plurielle : Tlemcen
Lucy STONE McNEECE : L'écriture de Mohammed Dib : la plume comme un pinceau


Vendredi 10 septembre
Matin
LES INTERACTIONS GÉNÉRIQUES : ENTRE EXISTENCE ET HÉRITAGE — Modérateur : Hervé SANSON
Guy BASSET : Le tissage des traditions [visioconférence]

Naget KHADDA & Charles BONN : Synthèse des travaux & Clôture du colloque

Après-midi
DÉPARTS


TÉMOIGNAGES :

Cerisy… vécu en ligne !. Rencontre avec Guy BASSET, Maya BOUTAGHOU, Regina KEIL-SAGAWE, Amel MAÂFA et Lamia OUCHERIF.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Zineb ALI-BENALI : Le genre comme construction dans l'œuvre dibienne : l'importance du poème
Une lecture des textes dibiens dans la perspective des questions de genre est-elle possible ? Pour le poète Dib, la femme est porteuse du rêve de liberté et de l'élan qui l'anime. Elle est (la mère, l'aimée, l'enfant…) celle qui inspire et dit un verbe de profonde vérité. Pour l'écrivain attentif à ce qui se passe dans sa société, puis dans les sociétés de l'ailleurs, les relations entre les hommes et les femmes s'inscrivent dans une histoire, sociale et politique, héritière d'un patriarcat qui sait s'adapter. Mais cette histoire est aussi celle d'un mouvement de changement et de création d'inédit.

Guy BASSET : Le tissage des traditions
L'œuvre de Dib comporte un volume rassemblant cinq contes algériens, qui paraît peu de temps après l'installation de Dib en métropole en 1959 et quelques autres contes parus principalement en revues, ou même certains qui sont restés inédits. Cette face méconnue de son œuvre la traverse souterrainement d'un bout à l'autre et entretient avec ses fictions des relations étroites. Dib n'hésite pas à faire référence de temps en temps à toute cette tradition orale transmise par les contes et aussi les proverbes. Quelle articulation faut-il faire entre la création littéraire pure et le recours à cette littérature populaire qui peut mettre en scène des animaux et des hommes dans leurs relations réciproques ?

Docteur ès lettres (Paris 3 Sorbonne Nouvelle 2016), Guy Basset a publié de nombreux articles sur la vie intellectuelle, universitaire et artistique à Alger entre 1880 et 1970, et s'est plus particulièrement intéressé à l'œuvre d'Albert Camus.
Publications dans des ouvrages collectifs
Dictionnaire L'Algérie et la France, Jeannine Verdès-Leroux (dir.), Robert Laffont, 2009.
Dictionnaire Albert Camus, Jeanyves Guérin (dir.), collection "Bouquins", 2013.

Réda BENSMAÏA
Prof. Réda Bensmaïa is University Professor Emeritus of French and Francophone literature in the French Studies Department and in the Department of Comparative Literature at Brown University. He has published numerous articles on French and Francophone literature of the Twentieth century as well as on film theory and contemporary philosophy.
He is the author of The Barthes Effect, Introduction to the reflective text (Minnesota, THL, 1987) ; The Years of Passages (Minnesota, in the Theory out of Bounds Series, 1995) ; Alger ou la Maladie de la Mémoire (L'Harmattan, 1997) ; Experimental Nations or The Invention of the Maghreb (Princeton University Press, Spring 2003) and Gilles Deleuze, Postcolonial Theory and the Philosophy of limits (Bloomsbury 2017). He is also the Editor of Gilles Deleuze (Lendemains, Germany, 1989), Recommanding Deleuze (Discourse, USA, 1998), Prolégomènes à une esthétique future : Gilles Deleuze et le cinéma (Cinémas, Montréal, Canada, 2006) and Littérature et Philosophie (Sites 2011).

Charles BONN
Charles Bonn a exercé dans les universités de Constantine, Fès, Lyon 3, Paris 13, et enfin Lyon 2 et Leipzig. Il a dirigé le Centre d'études littéraires francophones et comparées à l'université Paris 13, et co-dirigé les revues Itinéraires et contacts de cultures et Expressions maghrébines. Il a créé le programme documentaire informatisé Limag et le site limag.com. Il a dirigé de nombreuses thèses sur les littératures du Maghreb et de l'émigration, et a été également co-directeur de plusieurs publications collectives, dont la collection "Littératures francophones" (Hatier/AUPELF, 1997 et 1999).
Principales publications
La Littérature algérienne de langue française et ses lectures, Naaman, 1974.
Le Roman algérien de langue française, L'Harmattan, 1985.
"Nedjma", de Kateb Yacine, PUF, 1990.
Anthologie de la littérature algérienne, Livre de poche, 1990.
Lectures nouvelles du roman algérien. Essai d’autobiographie intellectuelle, Paris, Classiques Garnier, 2016.
Littérature algérienne : Itinéraire d'un lecteur, Alger, El Kalima, 2019.

Maya BOUTAGHOU : Les paysages visuels et sonores de Mohammed Dib
Dans L'Arbre à dires, Mohammed Dib déclare : "Il y a dans la langue une transparence obscure qui me convient". Cette image s'ajoute à celles régulièrement et brillamment exprimées par les auteurs maghrébins de la génération de Dib. Pour le poète, la langue française permettait ce voyage intérieur et le retour à son paysage autant sonore que visuel. Dans cette contribution, il sera question de l'écriture "transparente obscure" de la poésie de Mohammed Dib, à partir de deux recueils qui affichent son rapport au voyage et au retour à ses lieux d'écriture, mais aussi à la photographie. Dans Tlemcen ou les lieux de l'écriture (1992) ainsi que dans L.A Trip (2003) deux dimensions du voyage se manifestent, le voyage intérieur pour retrouver la douceur du foyer et de l'enfance, mais aussi le voyage de la langue et des langues pour saisir l'image juste par le mot juste. Par l'analyse de l'énonciation, du rythme, et des tropes, nous traiterons le texte poétique comme le punctum, ou point d'origine de l'émotion qui révèle un paysage fait d'images sonores et visuelles.

Maya Boutaghou est Associate Professor of French à l'université de Virginie et Andrew Mellon Fellow, elle est l'auteure d'Occidentalismes, Romans historiques postcoloniaux et identités nationales au XIXe siècle (Honoré Champion, 2016) qui propose une approche comparatiste poétique pour l'étude des littératures postcoloniales au XIXe siècle ; ses articles sont parus dans des revues et ouvrages consacrés à la littérature comparée et à la francophonie.

Mounira CHATTI : Les bocages du genre et du sens : Simorgh
Dans Simorgh, Mohammed Dib aborde les thèmes de la langue, de l'étranger ou du potentiel du rêve en mêlant la poésie, le conte, la nouvelle, l'essai, le journal. La réactualisation du mythe et du symbole du Simorgh et d'Œdipe permet d'interroger, de manière novatrice et oblique, la condition humaine et la création contemporaines. Dib "brise le mur" entre les genres littéraires puisque, ainsi qu'il le suggérait dès 1961, le roman est "une sorte de poème inexprimé" et la poésie "le noyau central du roman". Ce texte ultime fait éclater les limites entre les genres, les langues, les imaginaires, les patrimoines littéraires et philosophiques. Le fragment, le discontinu, le double, l'indécidable, autant de figures et de caractéristiques qui fondent la poétique dibienne. Celle-ci renvoie, comme le montre Naget Khadda, "les reflets tantôt dissociés, tantôt décalés, tantôt superposés ou même fondus d'un monde ancré dans une double référence culturelle, mythique et linguistique" et "porte l'estampille de cet entre-deux de la circulation du sens".

Mounira Chatti est professeure à l'université Bordeaux Montaigne (et membre de l'équipe d'accueil TELEM, EA 4195).
Publications
La fiction hérétique. Créations littéraires arabophones et francophones en terre d'islam, Classiques Garnier, 2016.
La traduction comme expérience des limites. Les écritures franco-arabes, PUB, 2016.
Co-directions
Littératures plein Suds. Langues, histoire, mémoire, Marsa Éditions, 2015.
Sexe, genre, identité, L'Harmattan, 2013.
Femmes et création, L'Amandier, 2012.
Elle a publié un roman, Sous les pas des mères, L'Amandier, 2009.
En collaboration avec Marie Virolle, elle prépare l'édition d'un ouvrage collectif : Littératures du monde arabe : traduction, intertextualité, exil (à paraître en 2020).

Toufik HADJI : Mohammed Dib se ressource, en écriture et en photographie, dans une ville plurielle : Tlemcen
Certains diront que Mohammed Dib publie Tlemcen ou les lieux de l'écriture [1994] dans le but d'une autobiographie, ou plutôt d'une "Phautobiographie". D'autres expliqueront son texte illustré par une démarche photo-littéraire. Or, Mohammed Dib parle souvent des lieux qui n'existent plus dans le présent. Il nous les montre grâce à la photographie, car il a besoin d'un autre élément, conjointement à l'écriture, pour se ressourcer. Tlemcen n'est pas seulement sa ville natale mais aussi la source de son écriture et de ses photographies : Tlemcen est issu du berbère "Tilmas", qui veut dire "source". À partir de l'origine du mot "Tlemcen", Dib nous raconte d'autres lieux qui lui sont chers : par exemple le "Médresse", qui a une origine turque. D'autre part, grâce aux photographies de Philippe Bordas en 1993, nous verrons une autre période de "l'histoire" de l'Algérie : la décennie noire. Pour cela, les deux photographes, Dib et Bordas, utilisent un jeu de lumière pour raconter ce qui reconstruit la mémoire d'une ville algérienne. Par rapport à l'écriture, les photographies prises par Mohammed Dib et Philippe Bordas viennent jouer ici une manière différente de réagir aux émotions, une manière de transmission d'un monde autochtone, distincte de celle connue dans les livres dits "orientalistes", et de la fixer par la notation. Par ailleurs, cette représentation de l'autochtone est problématique : en réalité, il s'agit d'un mélange de plusieurs cultures que, par paresse ou par légèreté, on ne différenciait pas.

Toufik Hadji est en 2e année de doctorat "littérature générale et comparée" à l'université Côte d'Azur, CTEL.
Corpus
DIB Mohammed, Tlemcen ou les lieux de l'écriture, Paris, Revue noire, 2003.
Critiques
BARTHES Roland, La chambre claire. Note sur la photographie, Gallimard, 1980.
DÉJEUX Jean, Mohammed Dib, écrivain algérien, Naaman, Sherbrook, 1977.
KHADDA Naget (dir.), Mohammed Dib : 50 ans d'écriture, Publications de l'université de Montpellier 3, 2002.
MÉAUX Danièle, Voyages de photographes, Saint-Étienne, Publications de l'université de Saint-Étienne, CIEREC-Travaux 141, 2009.

Naget KHADDA : D'un genre, l'autre : vers une esthétique de l'abstraction
On le sait, les genres littéraires se créent dans une histoire à la fois politique et culturelle. Lorsque des écrivains algériens ont pris la plume en langue française et dans la forme romanesque pendant la période coloniale, ils répondaient à une exigence du seul champ culturel patenté — celui du pouvoir colonial — en marge de leur habitus familial. Ce faisant, ils ajoutaient à l'histoire littéraire de leur territoire (elle-même complexe par ses héritages multiples) une nouvelle branche : la littérature algérienne de langue française. On a beaucoup glosé sur le mixte culturel constitutif de toutes les littératures francophones (pour nous en tenir à celles-là) et sur leur "bilangue". Or, chacun des auteurs de ce vaste corpus a eu à négocier, à sa façon, les termes de son existence, à conquérir son espace de liberté au cœur des contraintes imposées par la doxa dominante et à y inventer son univers propre. Dib, qui a la particularité d'avoir mené de front une réflexion critique et le geste d'écriture, nous offre un texte disparate qui donne à voir la scénographie de l'interaction de ses multiples références (philosophiques, linguistiques, mythiques, génériques…). Je m'attacherai à montrer comment, sur la scène de ce théâtre des compétitions culturelles, se dessine, chemin faisant, la tension vers une esthétique du signe qui récuse toute description mimétique du monde.

Professeure de langue et littérature françaises, Naget Belkaïd-Khadda, aujourd'hui à la retraite, a enseigné dans les universités d'Alger et de Montpellier III. Elle a effectué de brefs passages par les universités de Paris XIII (à titre d'invitée) et de Paris VIII (comme professeure associée). Spécialiste de l'œuvre de Mohammed Dib et, plus largement, des grands auteurs algériens des années 1950 qui ont consacré la littérature de langue française en Algérie ; elle s'intéresse aussi aux arts plastiques pour avoir accompagné la réflexion et la création de son mari, Mohammed Khadda, un des pionniers de la peinture moderne en Algérie, décédé en 1991. N. Khadda est, plus généralement, attentive au champ culturel maghrébin et à ses formes d'art nouvelles, indexées sur l'histoire culturelle européenne et amarrées à l'héritage ancestral. Membre fondateur de La Fondation Mohammed Dib ("La grande maison") de Tlemcen et du prix Mohammed Dib qu'elle a présidé jusqu'en 2014, elle a aussi présidé en 2016 et 2017 le jury du prix Assia Djebar. Naget Khadda a publié plusieurs études, dirigé des ouvrages collectifs et produit de nombreux articles dans des revues spécialisées.

Regina KEIL-SAGAWE : Lyyli des quatre saisons : les correspondances du genre, entre poème et prose
Dans mes archives, se trouve le typoscript d'un recueil de poèmes de Mohammed Dib publié seulement post mortem, dans le premier volume de l'édition de ses Œuvres Complètes, "Poésies" (Paris, La Différence 2007), rassemblé par Habib Tengour. Il est intéressant de suivre la piste des résurgences de Lyyli entre poèmes et prose, dans les différents écrits dibiens, et de voir surgir Lyyli comme chiffre, non seulement de l'élément féminin parmi d'autres figures féminines emblématiques de l'œuvre dibien, mais aussi comme symbole d'un avenir autre, imprégné par l'imbroglio des civilisations et cultures, et comme esquisse d'un(e) alter ego permettant à l'auteur/au narrateur d'élaborer, dans un va-et-vient méditatif, sa propre pensée.

Enseignante à l'université de Heidelberg pendant de longues années, de nos jours traductrice littéraire libre, spécialisée dans les littératures francophones du Maghreb, Regina Keil-Sagawe a beaucoup travaillé sur les problèmes de traduction/réception du texte maghrébin.
Publication
A traduit, entre autres, L'Infante Maure de Mohammed Dib en allemand (Die Maurische Infantin, Cologne 1997 et 2016).
A édité le numéro spécial de la revue Expressions maghrébines consacré à "Mohammed Dib poète" (2009).

Inès KREMER : Problématique de l'autobiographie dans l'œuvre de Dib
Profondément ancrée dans la tradition littéraire française et européenne, l'écriture autobiographique marque l'émergence et l'évolution de la littérature maghrébine d'expression française. Même si les textes en prose de Mohammed Dib n'admettent pas ouvertement leur dimension autobiographique — ne proposant pas de pacte autobiographique dans le sens de Lejeune — plusieurs d'entre eux sont fondés sur des expériences vécues qui ont marqué l'auteur. Après sa trilogie algérienne qui transmet ses idéaux communistes, Dib publie des romans moins explicitement engagés et d'autant plus personnels qu'ils thématisent l'exil, l'isolement et le déchirement identitaire. Parmi eux, il semble que ce sont surtout Habel (1977) et la trilogie nordique (Les terrasses d'Orsol, 1985 ; Le sommeil d'Ève, 1989 ; Neiges de marbre, 1990), dont le fondement autobiographique joue un rôle prépondérant, qui sont les plus appropriés à l'étude de cette problématique. Cette contribution propose d'analyser la signification de la composante autobiographique dans l'œuvre de Mohammed Dib tout en s'interrogeant sur la réflexion poétologique qu'elle inspire à l'auteur.

Inès Kremer est titulaire d'un master en langues et littératures romanes, Université Johannes-Gutenberg, Mayence (2015). Depuis mars 2016, elle est doctorante et enseignante à l'université de Duisburg-Essen (équivalent à A.T.E.R.), le titre provisoire du projet de sa thèse est "Entre assimilation et rébellion — stratégies et transformations au sein du champ littéraire français et algérien des années 1940 et 1950".
Publications
"Taos Amrouche und die Transformation des Diskurses im literarischen Feld Algeriens", dans Transformationen. Wandel, Bewegung, Geschwindigkeit. Beiträge zum XXXIII. Forum Junge Romanistik in Göttingen (15.-17. März 2017), München, Akademische Verlagsgesellschaft München, 2019, 161-173.
"Zwischen Assimilation und Rebellion : die algerische "Avantgarde" und das Paris der Nachkriegszeit", dans Migration und Avantgarde, Berlin, De Gruyter, 2020, 345-364 (à paraître).

Hanane LAGUER : La théâtralité du geste dans L'infante maure : outil de scénarisation de l'oralité
Ce que nous désignons par théâtralité est la forme spéculaire d'un théâtre(1), d'un art repris et représenté par le texte littéraire : "La théâtralité n'est pas le privilège de la chose représentée, mais du mouvement d'écriture par lequel on représente"(2). Très présente dans la littérature algérienne (poésie et roman), elle contribue à amplifier le sens et la signification. Chez Mohamed Dib, elle est souvent présentée comme une pratique de mise en scène d'une parole poétique véritablement imprégnée de la culture orale, et qui trouve sa complétude dans le geste du corps, l'emplacement de ce dernier dans l'espace ainsi que dans l'ensemble des éléments du décor qui l'accompagne. Dans L'Infante maure, la question de la gestuelle instille la théâtralité de cette écriture où se révèle le sens d'une oralité. Il s'agit de la gestuelle d'un corps primé, qui se conjugue dans la danse et le geste de Lyyli Belle. Son corps inspire sa théâtralité et abrite son théâtre dans le processus de recréation de son propre monde. Outrepassant le geste, Lyyli Belle s'adonne à une poétique de la géométrie. Celle-ci établit le lien entre le geste scriptural et la voix dans le roman. Autrement dit, notre réflexion se base aussi bien sur la scénarisation du geste/de la voix que celle de l'écriture. Pour ce faire, toute une dramatisation est déployée pour traiter l'aventure de l'écriture.
(1) Ici le mot théâtre renvoie au spectacle ou à la mise en pratique d'un spectacle ; autrement dit, mettre en scène un événement, un sentiment, dans le but d'être vu par les autres pour y contribuer. Dans cette intention, l'on retrouve forcément une forme d'exagération (amplification, dramatisation, paraphrase, redondance…), pour l'accomplissement de ce spectacle.
(2) Piemme Jean‐Marie, "Théâtralité", in Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Larousse-­Bordas, 1998, p. 1614-­1615.

Hanane Laguer est doctorante à l'Inalco sous la direction de Mourad Yelles. Son projet porte sur les poétiques de l'exil et la question identitaire, abordées à partir d'un corpus multilingue (français-arabe littéraire et arabe maghrébin – melhûn -) et transgénérique (poésie/roman) dans le champ littéraire algérien. Elle est chargée de cours de littératures maghrébines à l'Inalco. Elle a participé à de nombreuses manifestations scientifiques sur la littérature maghrébine, notamment sur sa place au sein de la littérature comparée. Elle prépare un ouvrage collectif à partir d'une journée d'études qu'elle a co-organisée avec Mourad Yelles intitulée Poétiques de l'exil : Maghreb et diaspora, en 2016.
inalco.fr/sites/default/files/asset/document/prg_lacnad_15-12-2016_0.pdf

Amel MAÂFA : De la polyphonie théâtrale à la narration romanesque. Le cas de Mille hourras pour une gueuse et de La Danse du roi
Montée au festival d'Avignon en 1977, Mille hourras pour une gueuse est une expérience de théâtre menée par Mohammed Dib. Longtemps considérée comme une adaptation du roman La danse du Roi (1967), les travaux effectués par Isabelle Mette sur les manuscrits de l'auteur (disponibles à la BNF) ont démontré l'antériorité de la pièce sur le roman. Dans les deux œuvres, nous retrouvons le personnage de Arfia, une ancienne maquisarde, déchirée entre un passé glorieux et un présent désenchanté. Les personnages évoluent dans un univers éclaté, dans un va-et-vient entre passé et devenir. Le présent se voit transcendé dans la narration, accentuant ainsi le jeu dramatique du récit. Dans cette communication, nous essayerons d'étudier ce que Charles Bonn appelait "la fonction romanesque de représenter une représentation" en mettant l'accent sur le personnage de Arfia dans les deux œuvres.

Amel Maâfa est maître de conférences, HDR, à la faculté des lettres et des langues, Université 8 Mai 1945 Guelma, Algérie. Elle s'intéresse tant à la littérature qu'aux arts. Elle a participé à de nombreuses rencontres scientifiques autour de ces thématiques dans de nombreux pays. Elle a publié de nombreux articles, et a co-dirigé un ouvrage sous forme d'entretiens avec Charles Bonn, Littérature algérienne. Itinéraire d'un lecteur (El Kalima, 2019).

Lamia OUCHERIF : L'écriture du "visuel"
Nous avons choisi de réfléchir sur la conception de l'écriture chez Mohammed Dib et surtout sur le rapport qui existe entre ce qu'il appelle lui-même "le visuel" et le monde. Dans un passage de L'Arbre à dires, il précise : "Ce qui est sûr, c'est que je suis un visuel, un œil. Cela ressort dans mes écrits et quel que soit le genre d'écrit : poème, roman, nouvelle" (p. 107). Qu'entend Mohammed Dib par l'expression "je suis un visuel" ? Même si l'expression paraît simple, elle ne l'est pas pour autant, surtout que l'écrivain la rattache à tous ses écrits et tous genres confondus.

Lamia Oucherif est maître de conférences en littérature au département de français de l'École normale supérieure de Bouzaréah, Alger. A soutenu son doctorat en mars 2010. L'intitulé de sa thèse est "Pour une poétique de la relation père/fille chez M. Dib, A. Djebbar et S. de Beauvoir". Chef d'équipe au sein du laboratoire LISODIP, à l'ENS de Bouzaréah. Les recherches de l'équipe portent sur la littérature francophone du XXIe siècle.
Publications
"L'invention d'une langue littéraire dans un milieu plurilingue", revue Socles (revue du laboratoire LISODIP), n°2, Janvier 2013.
"L'écriture comme dissimulation ou l'écriture de la dissimulation dans les littératures contemporaines, francophone et française (fin du XXe et XXIe siècles)", revue Socles (revue du laboratoire LISODIP), n°8, Janvier 2016.

Nasrin QADER : Le théâtre de l'écrit : jouer avec/jouer de…
Cette communication prend son élan dans le simple constat que Mohammed Dib est un grand joueur. Malgré le grand sérieux de son œuvre, autant du point de vue politique et éthique que poétique, l'écriture de Dib joue avec les mots et des mots et ainsi joue avec et de nous, joyeusement. Commençant par une lecture précise du rapport entre le jeu et l'écriture dans Neige de marbre, cette analyse la relie en même temps avec la question de la perspective plus généralement dans l'œuvre de Mohammed Dib et l'intérêt qu'elle manifeste à la visualité et à ses enjeux, cherchant ainsi à souligner que le jeu en tant que l'ouverture d'un espace de visibilité et de communication constitue le cœur de l'imagination et de la pensée de Mohammed Dib.

Nasrin Qader enseigne la littérature francophone et la littérature comparée à Northwestern University, aux États-Unis. Elle est auteur de Narratives of Catastrophe : Boris Diop, Ben Jelloun, Khatibi et des articles sur la littérature francophone et arabe du Maghreb. Elle travaille actuellement sur un projet de livre autour de la question de la visualité et le jeu, dans lequel Mohammed Dib occupe une place importante.

Hervé SANSON : La nébuleuse de La Fiancée du printemps : construction et déconstruction du mythe
La réécriture des mythes a toujours constitué dans l'écriture dibienne un motif essentiel. Jamais publiée, sans cesse reprise de 1960 à 1986, la pièce de théâtre La Fiancée du printemps n'échappe pas à la règle et mobilise notamment le rite berbère de Guendja, "La fiancée de la pluie" ; ce qui importe à l'écrivain algérien réside dans le fait d'"essayer de saisir ce moment particulier où le mythe émerge dans la vie quotidienne et où, détruisant nos particularités de caractère, de sentiment, de pensée, il nous agrège aux autres en un vaste corps anonyme mû par une force qui lui est à lui-même inconnue" ("Notes sur La Fiancée du printemps ou le théâtre à l’état naissant", inédit). À partir des différents tapuscrits dont nous disposons, tant les versions théâtrales successives que le scénario que Dib en a tiré avec Marcel Moussy au début des années soixante, mais aussi du roman Si Diable veut, dernier avatar — romanesque — de cette entreprise théâtrale, et en mobilisant les outils de la génétique des textes, nous nous attacherons à dégager les enjeux du travail de réécriture dibien quant au mythe, et l'évolution que celui-ci subit au long des différentes versions.

Après avoir soutenu une thèse de doctorat sur Mohammed Dib en 2005, Hervé Sanson a publié de nombreux articles sur Dib, notamment dans Expressions maghrébines ("L. A. Trip : la troisième voie ou : D'un rocking-chair", EM, "Dib poète", vol. 4, n°2, hiver 2005 ; "Une esthétique du bazar", EM, Varia, col. 18, n°1, été 2019), ou dans Apulée ("Dans l'œil du cyclone", n°2, "De l'imaginaire et des pouvoirs", Zulma, 2017). Il a coordonné le numéro de la revue Europe consacré à Dib, paru en mai 2020. Il prépare avec Habib Tengour l'édition critique et génétique des nouvelles de l'écrivain, à paraître prochainement aux éditions du CNRS.

Lucy STONE McNEECE : L'écriture de Mohammed Dib : la plume comme un pinceau
Cette communication démontrera la fonction du principe du féminin chez Dib comme agent de démantèlement des codes de la représentation conventionnels. Dib a compris que les genres littéraires et sexuels partagent une structure hiérarchique et binaire qui limite notre manière d'être au monde et notre capacité de créer les conditions éthiques propices à l'épanouissement de l'être humain. Ainsi Dib met en scène le "féminin" libéré de sa biologie et les clichés associés aux femmes, et en révisant les structures il transforme ses récits en découvertes épistémologiques et éthiques. Le féminin l'amène aussi à puiser dans la culture populaire orale, pour en extraire sa sagesse. Chez Dib le principe du féminin engendre une révolution qui abolit les frontières entre les oppositions telles que le féminin et le masculin, le moi et l'autre, la raison et la folie, le sujet et l'objet, la poésie et la prose, le Nord et le Sud, pour mettre en scène une vision plus inclusive et plus égalitaire.

Lucy Stone McNeece est diplômée de Harvard University. Elle a enseigné les littératures francophones ainsi que le théâtre et le cinéma à l'université du Connecticut puis à l'université de Mohammed V à Rabat. Elle a travaillé sur les littératures comparées au centre des Études maghrébines et du Moyen Orient et au C.E.M.A.T à Tunis. Depuis sa retraite, elle a fait une maîtrise en littérature arabe à l'INALCO, enseigné à l'université américaine de Beyrouth et passé une année de recherche à l'IFPO (Institut français du Proche Orient). Ses publications portent sur des écrivains francophones du Maghreb, de l'Afrique de l'ouest, et sur des auteurs du Moyen-Orient.

Manel ZAÏDI AÏT-MÉKIDÈCHE : L'œil cosmique et l'ouïe, œil du cœur : hypostases dibiennes
Dans cette communication, nous nous proposons d'examiner les fondements de l'écriture dibienne et la résurgence des multiples voix qui peuplent son œuvre du fait de l'importance que revêtent pour lui la Vision et l'Ouïe comme génératrices de sens. Nous commencerons par interroger le désert dans son essence dissolvante, capable de neutraliser le pouvoir testamentaire de l'écriture. Dans cet esprit, nous aborderons l'importance de la récitation et la sublimation de la vision par l'ouïe dans l'œuvre dibienne. Nous montrerons comment la vision relève d'un œil cosmique sublimé par le verbe récité et donc, systématiquement, par l'ouïe comme forme ésotérique de connaissance. Nous évoquerons par ailleurs un des atavismes du style dibien, lié à la parole qui traverse son œuvre sans qu'elle s'astreigne à la toute-puissance de l'écrit. Cet atavisme sera rapproché, dans la même lancée, de l'importance de l'ouïe et de ces traces qui aident à chercher et à reconstruire du sens à partir de bribes de paroles.

Manel Zaïdi Aït-Mékidèche est docteure en Sciences des Textes Littéraires à l'École Normale Supérieure d'Alger. Elle est autrice d'une thèse de doctorat dédiée à "L'Imagination de l'Ailleurs dans l'œuvre de Mohammed Dib" et d'un mémoire de magistère sur le "Symbolisme thériomorphe et l’imaginaire animé de Mohammed Dib". Ses publications et ses travaux de recherche portent sur l'imaginaire dibien et ses rapports avec le politique, la mythologie et la philosophie, notamment la philosophie illuminative et spirituelle.


SOUTIENS :

• Textes, littératures : écritures et modèles (TELEM, EA 4195) | Université Bordeaux Montaigne
• Réseau mixte algéro-français de recherche-formation et de recherche sur la langue française et les expressions francophones (LaFEF)
• Société internationale des Amis de Mohammed Dib (SIAMD)
• Coordination internationale des chercheurs sur les littératures maghrébines (CICLIM)
Université Paris 8 | Vincennes - Saint-Denis
• Direction régionale des affaires culturelles Normandie (DRAC)