Publication 2023 : un des ouvrages


L'EUROPE DU CINÉMA


Vincent AMIEL, José MOURE, Benjamin THOMAS, David VASSE (dir.)


Depuis longtemps, il existe une Europe du cinéma qui dépasse naturellement les frontières nationales : les échanges technologiques, économiques, mais aussi artistiques ont produit des films, et parfois des courants entiers dont on peut dire qu'ils sont européens plutôt que nationaux. Ainsi les techniciens allemands et russes dans les années 1930 (exil oblige) impriment leur marque sur les productions des studios français jusqu'à fonder une esthétique particulière, le "réalisme poétique" ; de la même manière, ce sont les techniciens juifs allemands qui permettent aux premiers films portugais parlants de voir le jour. Après la Deuxième Guerre mondiale, les échanges entre la France et l'Italie se multiplient, donnant naissance à des œuvres majeures.
Les réalisateurs profitent des diversités culturelles sans les séparer vraiment : Antonioni tourne à Munich, Barcelone, Londres aussi bien qu'à Milan, Wenders tourne à Lisbonne comme à Berlin, Skolimovski plante sa caméra à Bruxelles et à Londres, comme Kieslowski à Genève et Paris…
Au travers de situations précisément documentées, d'analyses de films et d'enquêtes historiques, ce livre collectif veut montrer la réalité de cette Europe du cinéma, si vivante depuis plus d'un siècle.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (2021) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°665]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Les Impressions Nouvelles

Collection : Caméras subjectives

ISBN : 978-2-39070-030-2

Nombre de pages : 440 p.

Illustrations : N & B

Prix public : 25,00 €

Année d'édition : 2023

PRESSE / MÉDIAS

• Entretien avec Vincent AMIEL et José MOURE, réalisé par Eddy CAEKELBERGHS dans le cadre de l'émission "Le fin mot", en ligne sur RTBF Auvio | Publié le 24 mai 2023 (disponible jusqu'au 23/05/2024).

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


QUELLES TRAJECTOIRES VERS LA SOBRIÉTÉ ?


DU MERCREDI 27 SEPTEMBRE (19 H) AU DIMANCHE 1er OCTOBRE (14 H) 2023

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Isabelle LAUDIER, Diane de MARESCHAL

Colloque organisé par l'Institut pour la recherche | Groupe Caisse des Dépôts, dans le cadre du Cercle des partenaires


ARGUMENT :

Les deux années de la crise Covid et l'éclatement de la guerre en Ukraine, ayant entraîné la hausse des coûts de l'énergie et des matières premières ainsi que, plus globalement, l'urgence climatique, imposent des transformations indispensables à tous niveaux : valeurs, modes de vie, engagements citoyens, développement économique, politiques publiques, formes de gouvernance… La sobriété, notion philosophique et religieuse ancienne, offre aujourd'hui des pistes de réflexion et d'action. Tel est l'objectif de ce colloque qui veut engager une conversation entre chercheurs et acteurs pour transformer une contrainte inextricable en perspective désirable.

La sobriété rassemble un continuum de démarches qui promeuvent, à différents degrés et à diverses échelles, une modération de la consommation des ressources naturelles. Alors que son impact sociétal est encore méconnu au plan économique en raison de son application limitée, elle constitue un levier essentiel au regard des enjeux climatiques. Cependant, la sobriété a toujours en commun, dans ces définitions, d'être la réaction à une consommation qui excède les ressources disponibles. Elle promeut le "moins mais mieux" et, au-delà, pose la question des choix de vie en société, à la fois au plan individuel et collectif.

À partir des travaux de nombreux experts, ce colloque ouvre le débat avec les acteurs intéressés par le sujet et interroge cette notion à travers une diversité de ressources et d'approches : énergie, eau, alimentation, modèle économique, entreprises, territoires, abondance, frugalité, rapport au vivant… Les profondes transformations à enclencher nécessitent de se fixer des objectifs, voire des trajectoires de rupture, mais aussi d'identifier des leviers et des solutions nouvelles à déployer. Tel est le but ce colloque : être un lieu de conversation pour transformer une contrainte de court terme en perspective désirable.


MOTS-CLÉS :

Adaptation, Atténuation, Biodiversité, Écologie, Énergie, Climat, Local, Mode de vie, Ressources, Sobriété, Territoires, Trajectoires, Transition


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 27 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 28 septembre
Matin
INTRODUCTION À LA SOBRIÉTÉ
Lucile SCHMID : Histoire, généalogie et enjeux [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Mathieu SAUJOT : Vers un nouveau contrat social et écologique pour rester dans les limites de la planète

Après-midi
SCÉNARIOS DE SOBRIÉTÉ, TRAJECTOIRES ET CONTRAT SOCIAL
Lydie OUGIER : Quelles visions de la sobriété à horizon 2050 ?
Yves MARIGNAC : Sobriété énergétique. Entre nécessité et opportunité, un concept central pour la transition
Dominique BOURG : Sobriété : contexte, raisons, sens et conditions [visioconférence]

Soirée
Jean-Baptiste DE FOUCAULD : Réflexion sur le thème de l'Abondance frugale à un Pacte civique pour une sobriété créative, juste et fraternelle


Vendredi 29 septembre
Matin
NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES
Christian DU TERTRE : L'économie de la fonctionnalité, levier de sobriété [visioconférence]
Alexandre RAMBAUD : Compter ce qui compte vraiment
Sandra RIGOT : La prise en compte des enjeux climatiques par les institutions financières et ses limites

Après-midi
Atelier thématique : Usage sobre de la ressource en eau
François BAFOIL : L'eau. "Trop, pas assez, plus d'eau"
Nicolas IMBERT : Eaux, des vulnérabilités à la résilience
Aurélien MARION : Des pratiques agricoles durables

Atelier thématique : Les territoires au cœur des transformations
Laurence ROUX : Accompagner le développement territorial dans la trajectoire de la sobriété foncière
Sylvie LANDRIÈVE : Aller moins loin : proximité et sobriété
Florian LABOULAIS : Expérimenter la sobriété technique à partir de territoires low-tech et solidaires
Frédéric CHAUVEL [Directeur Général des services – Département de la Manche]

Soirée
Nicolas PORTIER : Transition écologique : quel rôle pour les collectivités et les acteurs économiques ?


Samedi 30 septembre
Matin
Atelier thématique : Entreprises vers la sobriété ?
Caroline GRANIER : Les nouvelles filières industrielles durables
Philippe MUTRICY : Les megatrends des PME ETI françaises

Atelier thématique : Énergie
Louis HENRY : 2023 débuts de la sobriété en énergie ?
Emmanuelle GONZALEZ : Sciences participatives & gouvernance démocratique. L'exemple des ENR
Françoise PAQUELOT : Pour une approche paysagère : le Collectif Paysages de l'Après-Pétrole

Après-midi
"HORS LES MURS" — AU PLESSIS-LASTELLE | Lieu-dit Le Donjon
Visite avec le Parc Naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin : présentation du projet de reconversion de la tourbière de Sèves, avec Denis LETAN (Directeur) et Julie JORANT (Chargée de mission "Projet de reconversion de la tourbière de Sèves")


Dimanche 1er octobre
Matin
Conclusion : rapport d'étonnement, valeurs, leviers et préconisations, avec Barbara BLIN-BARROIS, Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ, Maxime COUETTE, Nicolas HOSSARD et Jill MADELENAT

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Isabelle LAUDIER
Diplômée de l'École Nationale des Ponts et Chaussées, de l'Institut d'Études Politiques de Paris et du DEA "Monnaie et financement" de l'université de Paris Nanterre, Isabelle Laudier a occupé diverses fonctions en lien avec la recherche en économie au CEPII, au Cabinet du Ministre de l'Industrie et du Commerce Extérieur (1991-1993), et à la Caisse des Dépôts, au sein de la Direction Générale et de la Direction de la Stratégie. Isabelle Laudier a créé et dirige actuellement le programme de financement de recherche de la Caisse des Dépôts "Institut pour la Recherche", rattaché au pôle Communication corporate. Elle participe par ailleurs à des jurys de recherche, ainsi qu'à divers réseaux de soutiens à la recherche.
Publications
Le travail sans fin ? Réalités du travail et transformations sociales, Co-direction avec Thierry Ménissier, Revue Cités, n° 8-2001, Presses Universitaires de France, 2001.
Changement technique, changement social, sous la direction de RESEO, L'Harmattan – Sciences Humaines et Sociales, 2007.
Territoires et identités en mutation, sous la direction de RESEO (Collectif), Co-direction avec Catherine Gorgeon, L'Harmattan – Sciences Humaines et Sociales, 2009.
Politiques de développement territorial intégré : les circuits courts, Collectif avec Philippe Serizier, Frank Hovorka, Julien Woessner, Christophe Blavot et Pascal Hardy, Rapport Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts et Programme LEED de l'OCDE, 2013.
"Territoire et durabilité (point de vue 2)", in Dictionnaire de la pensée écologique, sous la direction de Dominique Bourg et Alain Papaux, Presses Universitaires de France, 2015.
Le financement des territoires, Co-direction avec André Torre, Revue d'Économie Financière, n°132, mars 2019.
Prospective et co-construction des territoires au XXIe siècle, Co-direction avec Lucie Renou, Colloques de Cerisy, Éditions Hermann, 2020.
"Quels liens entre recherche et expériences concrètes dans les territoires ?", in Aménagement économique des territoires, Théories et pratiques, Sous la direction de Jean Alduy, Vincent Gollain et Fabien Nadou, Publication CNER, 2021.


François BAFOIL : L'eau. "Trop, pas assez, plus d'eau"
Dans le cadre de l'étude que je conduis pour l'Institut de la recherche de la CDC et qui porte sur "la gouvernance de l'eau, et les adaptations de l'agriculture et de l'industrie", je présenterai les premiers éléments d'un cas d'étude qui porte sur l'activité d'un syndicat de rivière : le Smabacab. Situé dans le nord de la région aquitaine, il présente l'intérêt d'être inscrit dans une gouvernance de l'eau très complexe, de conduire des politiques de restauration des zones humides, ainsi que des négociations avec les acteurs agricoles pour une plus grande sobriété.

François Bafoil, directeur de recherche CNRS émérite. A conduit plusieurs études pour l'Institut de la recherche de la Caisse des Dépôts, notamment celle remise en juillet 2022.
Publication
François Bafoil, Adaptation des territoires au changement climatique. Étude comparative de territoires européens : I. Le cas de la France. Submersion, érosion littorales, sécheresse et inondations, Rapport de recherche, Caisse des dépôts - Institut pour la recherche et Banque des territoires, 2022, 415 p.

Barbara BLIN-BARROIS
Barbara Blin-Barrois a été cofondatrice de la Scic ôkhra à Roussillon (Provence), Pôle Territorial de Coopération Économique sur la couleur. Elle a longtemps accompagné et outillé la coopération multi-acteurs, à toutes échelles, et participe au comité de pilotage des Sociétés coopératives d'intérêt collectif auprès de leur Confédération Générale. Désormais, chercheure indépendante en coopération territoriale (Couleur Forêt), elle modélise les rôles tiers dans la transformation des territoires, particulièrement en espaces naturels ou forestiers. Elle anime notamment la prospective participative d'"Ensemble sauvons la forêt de Chantilly". Elle est membre des groupes de recherche OAC Organisations Alternatives et Citoyennetés (Isite Future - Université Gustave Eiffel) et de la Coop des Communs (Communs & Collectivités - Forêt & Communs) et du Conseil d'Orientation du Labo de l'ESS.

Dominique BOURG : Sobriété : contexte, raisons, sens et conditions
La modernité s'est construite sur la transgression et l'excès, au rebours des sociétés antérieures. Il en a d'abord découlé l'arrachement, pour une partie de l'humanité, à la vallée des larmes, puis la confrontation générale et éminemment dangereuse aux limites planétaires. À partir de ce constat, je chercherai à mettre en lumière les raisons, le sens profond mais également les conditions à la sobriété, en m'appuyant notamment sur la question de l'énergie.

Dominique Bourg est philosophe, professeur honoraire, Université de Lausanne. Il dirige aux Puf les séries "L'écologie en questions", "Nouvelles terres" avec Sophie Swaton, les grands textes de l'écologie et la revue en ligne La pensée écologique. Appartenance à : CFDD, Commission Coppens, CNDD, Grenelle de l'environnement, etc. ; aux conseils scientifiques : Ademe (2004-2006), Fondation pour la Nature et l'Homme (1998-2018, Paris) ; Organe de prospective de l'État de Vaud (2008-2017) ; Fondation Zoein (Genève, 2018-). Domaines de recherche : aspects politiques, économiques, écologiques et métaphysiques de la durabilité, risques et principe de précaution, démocratie écologique.
Derniers ouvrages parus
Nouvelle Terre, réédition Puf-Quadrige 2022 (2018).
Le Marché contre l'humanité, Puf, 2019.
Primauté du vivant. Essai sur le pensable, Puf, 2021, avec Sophie Swaton.
Climat. Une enquête de la revue La pensée écologique, Puf, 2023, avec Jean Jouzel et Hervé Le Treut.
Science et prudence. Du réductionnisme et autres erreurs par gros temps écologique, Puf, 2022, avec Nicolas Bouleau.
Manifeste contre l'impuissance publique, Tracts n°44, Gallimard, 2022, avec Johann Chapoutot.
Au cœur des années affreuses, sales et méchantes, à paraître aux Puf en septembre 2023.

Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ
Sabine Chardonnet-Darmaillacq est architecte dplg et docteure en urbanisme et dynamique des territoires, récemment retraitée de l'enseignement de l'architecture, elle est chercheure du Laboratoire ACS de l'ENSA Paris Malaquais. Elle est membre du groupe thématique MUP au sein du Labex Futurs Urbains de l'université Gustave Eiffel. Elle participe au projet interdisciplinaire "Ville Vivante" et à la Chaire "Ville Métabolisme" au sein de l'université Paris Sciences et Lettres.
Publications liées à des colloques de Cerisy
Villes et territoires résilients, Actes du colloque de Cerisy 2017 (co-direction), Hermann Éditeurs, 2020.
"La vi(ll)e à l'envers / Ville et résilience à l'ère Covid", in Villes et territoires résilients, Actes du colloque de Cerisy 2017 (co-direction), pp. 404-442, Hermann Éditeurs, 2020.
Le génie de la marche, Actes du colloque de Cerisy 2012 (co-direction), Hermann Éditeurs, 2016.
"La ville mobile au prisme de la marche", in Le génie de la marche, Actes du colloque de Cerisy 2012 (co-direction), pp. 186-207, Hermann Éditeurs, 2016.

Jean-Baptiste DE FOUCAULD : Réflexion sur le thème de l'Abondance frugale à un Pacte civique pour une sobriété créative, juste et fraternelle
Faute d'avoir corrigé à temps les déséquilibres que l'on sentait monter, nous voilà confrontés au défi de résoudre trois crises en même temps. Celle du chômage et de l'exclusion d'abord. La crise écologique ensuite. Les retombées de la crise financière enfin. La solution est-elle dans la quête illusoire du "toujours plus" ? Sûrement pas. Mais elle ne viendra pas non plus du "toujours moins" de solidarité. Bien au contraire. Les trois mots d'ordre de demain devront plutôt être : sobriété, justice et créativité. "Plus de sobriété pour plus de justice et plus de créativité pour plus de sens" : voilà les principes de l'"abondance frugale" qui, selon moi, doit inspirer le nouveau pacte civique à inventer ensemble, pour une sobriété créative, juste et fraternelle.

Christian DU TERTRE
Christian Du Tertre est Professeur des universités en sciences économiques à l'université Paris Diderot, Directeur scientifique du Laboratoire d'Intervention et de Recherche ATEMIS (Analyse du travail et des mutations des industries et des services) et Directeur scientifique du club "Économie de la fonctionnalité et développement durable". Il est spécialiste en économie du travail, économie servicielle, économie immatérielle, économie de la fonctionnalité dans une approche d'intégration territoriale. Dans ce cadre, Christian du Tertre développe des modèles économiques d'entreprises pour plus de résilience, reliant travail et développement durable et fondés sur les usages et fonctionnalités. Il appelle aussi à des territoires durables et de nouveaux dispositifs de régulation internationaux. Ses recherches s'appuient enfin sur des expériences d'accompagnement d'entreprises engagées dans des stratégies de développement durable, souhaitant changer de modèle économique.

Emmanuelle GONZALEZ : Sciences participatives & gouvernance démocratique. L'exemple des ENR
Alors que la notion de "sobriété énergétique" était encore récemment réservée aux prospectivistes et aux partisans de la décroissance, ce terme est aujourd'hui plus que jamais d'actualité. En effet, le déclenchement de la guerre en Ukraine a repositionné brutalement notre rapport à la consommation et plus particulièrement à celle de l'énergie. Ceci a pour conséquence de re-questionner nos modes de vie et notre interdépendance à l'échelle mondiale dans un contexte changeant de réchauffement climatique. Dans ce contexte, la sobriété choisie pourrait devenir le socle d'un apprentissage et de nouvelles pratiques transformant durablement notre rapport au monde.

Emmanuelle Gonzalez est Directrice adjointe sciences participatives au Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN). Pionnier des sciences participatives en France, le MNHN, en partenariat avec Sorbonne Université (SU), développent de nombreux sites de sciences participatives dans des champs disciplinaires très divers aujourd'hui recensées dans le portail "Science Ensemble". Forts de ce savoir-faire, afin de le développer et de le partager, le MNHN et SU ont créé en 2020 : Mosaic, un centre de compétences dédié aux sciences participatives. Mosaic expérimente des projets participatifs visant à co-construire des solutions innovantes pour répondre aux nouveaux enjeux contemporains. L'unité accompagne des porteurs de projets de la recherche et de la société civile (collectivités, entreprises, associations…) de tout horizon.

Caroline GRANIER : Les nouvelles filières industrielles durables
L'industrie, moteur de la transition écologique ? Cette intervention reviendra sur des cas concrets de transformation de process de production et de création de nouvelles filières ainsi que sur les freins à la décarbonation de l'industrie. Elle s'appuiera notamment sur les travaux menés par La Fabrique de l'industrie sur la transition énergétique et sur les témoignages recueillis dans le cadre de l'observatoire des Territoires d'industrie.

Caroline Granier est docteure en sciences économiques et cheffe de projet à La Fabrique de l'industrie. Elle est également chercheuse associée à la chaire énergie et prospérité. Ses recherches portent sur les dynamiques territoriales, la gouvernance d'entreprise et l'industrie du futur. Elle coordonne les activités de l'observatoire des Territoires d'industrie.

Louis HENRY : 2023 débuts de la sobriété en énergie ?
L'énergie c'est ce qui permet de fournir du travail, de produire un mouvement, de modifier la température ou de changer l'état de la matière.
Le mois de juillet 2023 a été le plus chaud jamais enregistré sur Terre (Copernicus).
La consommation de charbon n'a jamais été autant consommé sur Terre : 8300 millions de tonnes en 2022.
La demande en pétrole atteint également un record à 102,1 millions de barils par jour, en hausse prévue jusqu'en 2028.
Le record du nombre de vols quotidiens a eu lieu le 20 juillet 2023 avec plus de 262000 vols, en forte hausse.
Les renouvelables ne remplacent pas les fossiles, c'est un ajout (REN 21).
80% de l'énergie consommée dans le monde est toujours d'origine fossile. La transition énergétique n'a pas eu lieu.
En France la production d'énergies renouvelables se heurte à de nombreuses oppositions.
Comment aller vers une co-construction avec les citoyens ?

Nicolas IMBERT : Eaux, des vulnérabilités à la résilience
L'urgence EAU est au cœur de la création de Green Cross. À la CoP 22 Madrid, nous avons mis en évidence l'importance d'anticiper et d'atténuer les effets croisés entre vulnérabilités vis-à-vis de l’eau et dérèglement climatique. 2021 a été l'occasion de poser des solutions pour une meilleure résilience EAU via les territoires, à travers 14 propositions concrètes co-construites avec les territoires, les acteurs économiques et la société civile, autour de quelques mots clés : sobriété et multiplicité des usages, cartographie transparence et démocratie dans la gestion de la ressources, qualité de l'eau et respect des écosystèmes, droits humains et accès à l’eau. L'été 2022 a rendu encore plus concrète en France cette urgence de changer d'échelle dans nos actions de sobriété pour l’eau dans les territoires, et leurs effets, tant en réponse aux dérèglements climatiques et prévenir les conflits, que pour restaurer la résilience humaine et des écosystèmes.

Nicolas Imbert, ingénieur, dirige la branche française de Green Cross, dont le rôle est d'éclairer les choix permettant de passer des vulnérabilités à la résilience climatique, et de proposer des clés pour agir et accentuer la transformation écologique de nos sociétés. L'association œuvre dans une double perspective environnementale et humaniste, à l'échelle mondiale, et aux côtés de celles et ceux qui agissent sur les territoires. Cinq domaines d'interventions prioritaires structurent son action : eau et océan, d'alimentation, de villes et territoires durables, d'économie circulaire, de coopération et de solidarités. Et ceci, en mettant en avant l'urgence climatique, écologique, sanitaire, sociale et économique qui nous oblige à mettre en place des actions prioritaires à la hauteur des enjeux, et avec un capacitant essentiel : l'action sur les territoires.
Sites internet : gcft.fr | desclespouragir.fr
Publications
Auteur :
Plaidoyer pour un monde (plus) durable, Éditions David Reinharc, 2022.
Directeur de publication :
Eau, des clés pour agir, 2016, Green Cross.
Océan, des clés pour agir, 2017, Green Cross.
Acte II Dunkerque : des vulnérabilités à la résilience, 2021, Green Cross | agireau.eu.

Florian LABOULAIS : Expérimenter la sobriété technique à partir de territoires low-tech et solidaires
Sur la base de l'étude "Pour des métropoles low-tech et solidaires" (2022) du Labo de l'ESS, l'intervention visera à montrer pourquoi la démarche low-tech permet de mettre en cohérence nos choix et usages techniques avec l'impératif de sobriété et comment les territoires, à partir d'initiatives de l'économie sociale et solidaire (ESS) notamment, peuvent expérimenter une telle démarche.

Responsable Projets & Développement au sein du Labo de l'ESS, Florian Laboulais a notamment coordonné, aux côtés de Philippe Bihouix, l'étude "Pour des métropoles low-tech et solidaires", publiée en février 2022.

Sylvie LANDRIÈVE : Aller moins loin : proximité et sobriété
Les politiques de transport, d'emploi, de métropolisation, d'aménagement, … nous invitent à toujours plus de mobilité tout en émettant moins de gaz à effet de serre. Est-ce possible ? Et si on tentait autre chose en s'appuyant sur le désir des citoyens de vivre en plus grande proximité du quotidien.

Sylvie Landriève codirige le Forum Vies Mobiles. Auparavant, elle a monté et piloté des projets immobiliers et d'aménagement urbain privés et publics (BNP Real Estate, SNCF). Avec une formation en sciences humaines (Sorbonne et Sciences-Po Paris) et en recherche en management (Mines, Nanterre et ESCP), elle s'intéresse à l'évaluation des politiques publiques et à l'implication des citoyens dans leur élaboration.
Publications
L'Immobilier. Une passion française, Demopolis, 2016.
Pour en finir avec la vitesse, L'Aube, 2021.

Yves MARIGNAC
Yves Marignac est membre depuis 1996 et directeur de 2003 à 2019 du service d'études et d'information sur l'énergie WISE-Paris, membre en 2012-2013 du Secrétariat Général du "Débat national sur la transition énergétique", membre depuis 2014 des Groupes permanents d'experts de l'Autorité de sûreté nucléaire, et lauréat en 2012 du Nuclear Free Future Award pour sa contribution au scénario négaWatt, et depuis 2020 chef du Pôle énergies nucléaire et fossiles de l'Institut négaWatt.

Philippe MUTRICY
Philippe Mutricy, né en 1970, est titulaire d'une maîtrise d'histoire contemporaine, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris. Il est Conseiller technique (petites et moyennes entreprises, commerce, artisanat) au cabinet de Monsieur Jean-Pierre Raffarin (2004-2005) puis au cabinet de Monsieur Dominique de Villepin à Matignon (2005-2007). Directeur de Cabinet du Directeur Général de la Caisse des Dépôts et Consignations (2010-2011). Directeur général délégué en charge de la stratégie et de la prospective au sein de CDC Entreprises (2011-2013). Il est depuis novembre 2013, directeur de l'Évaluation, des Études et de la Prospective au sein de Bpifrance.

Lydie OUGIER : Quelles visions de la sobriété à horizon 2050 ?
Dans son travail de prospective Transition(s) 2050, l'ADEME a exposé quatre scénarios possibles pour conduire la France vers la neutralité carbone. La présentation portera sur la place donnée à la sobriété dans ces scénarios. Si la sobriété est un levier à considérer au regard de ses bénéfices, elle pose aussi des questions cruciales de nature socio-économiques.

Lydie Ougier, conseillère technique à la Direction de l'Expertise et des Programmes de l'ADEME a contribué au collectif ayant mené ces travaux de prospective. Dans de précédentes fonctions, elle a piloté des travaux sur la prévention des déchets en particulier sur le gaspillage alimentaire.

Françoise PAQUELOT : Pour une approche paysagère : le Collectif Paysages de l'Après-Pétrole
Le Collectif Paysages de l'Après-Pétrole est un think tank qui regroupe 70 professionnels de l'aménagement du territoire (agronomes, paysagistes, politistes, philosophes, géographes, architectes…) qui s'attachent à proposer des solutions nouvelles pour une transition heureuse et sobre. À partir d'études de cas de terrain, il imagine comment nos espaces et nos sociétés peuvent prendre des formes nouvelles et crée des outils d'aide à la réflexion sur le cadre de vie. Il prône le recours à la démarche paysagère pour aider les collectivités et leurs habitants à avoir une approche holistique pour leurs (a)ménagements.

Françoise Paquelot assure le secrétariat général du Collectif PAP.

Nicolas PORTIER : Transition écologique : quel rôle pour les collectivités et les acteurs économiques ?
Cette intervention portera sur la nécessaire territorialisation des transitions et la "descente d'échelle" de la planification écologique à organiser au niveau des régions et des bassins de vie. Elle intégrera à la réflexion les enjeux de transformation des systèmes productifs qu'il est nécessaire d'accompagner dans les territoires.

Nicolas Portier enseigne à Sciences Po au sein de l'École urbaine depuis 2005. Il a été Délégué général d'Intercommunalités de France (ex-AdCF) de 2004 à 2021. Il a travaillé au sein du service développement local de la Caisse des Dépôts en 2003-2004 et été Conseiller à la DATAR de 1997 à 2003 (chargé de la politique des contrats de pays, responsable du pôle développement territorial, membre de l'équipe en charge de la LOADDT). Il a été consultant indépendant de 1993 à 1997 après ses études (maîtrise de droit privé, Sciences Po, DEA de sociologie des organisations). Il préside le Cercle pour l'aménagement du territoire (CPAT) et participe aux instances d'orientation de plusieurs institutions et revues (IHEDATE, IHEDM, AJDA…).

Alexandre RAMBAUD
Alexandre Rambaud est Maitre de conférences à AgroParisTech, chercheur au CIRED (Centre Internationale de Recherches sur l'Environnement et du Développement) et chercheur associé à l'université Paris-Dauphine. Il est co-responsable de la chaire Comptabilité écologique (AgroParisTech, Université Paris-Dauphine, Université de Reims Champagne-Ardenne), dédiée au développement, à la modélisation, à la promotion et à l'expérimentation d'une comptabilité en durabilité forte, pour mettre les systèmes comptables au service de la transition écologique. Il est aussi membre de la commission Climat et Finance Durable de l'Autorité des Marchés financiers.

Sandra RIGOT : La prise en compte des enjeux climatiques par les institutions financières et ses limites
Au cours des deux dernières décennies, les acteurs économiques ont été incités à se comporter de manière plus responsable pour faire face aux défis à la fois économiques, sociaux et environnementaux. Autant de défis qui ont été progressivement reconnus par l'Organisation des Nations Unies (ONU) comme un enjeu majeur pour le développement durable de nos sociétés lors de la mise en place de la Commission Brundtland en 1987 puis précisés dans les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) au sein de l'Agenda 2030. Dans la mesure où le respect de ces objectifs implique des investissements considérables, estimés à $6,9 trillions par an d'ici à 2030 (OCDE/The World Bank/UN Environment, 2018), la mobilisation du système financier semble déterminante. Parce que les institutions financières jouent un rôle crucial dans le financement de l'économie en essayant d'allouer le plus efficacement l'épargne des agents économiques, elles peuvent accélérer la transition énergétique en investissant davantage dans les secteurs bas carbone relativement aux secteurs carbonés. Cette présentation vise à apporter un éclairage sur la manière dont les institutions financières prennent en considération les risques et opportunités climatiques dans leurs stratégies d’investissement (intégration des critères ESG, obligations vertes…) ainsi qu'à identifier les principales limites d'une telle démarche.

Mathieu SAUJOT : Vers un nouveau contrat social et écologique pour rester dans les limites de la planète
Nous pouvons faire le constat d'une double crise de notre contrat social actuel : d'une part l'abondance matérielle, un de ses piliers, n'est plus une source pérenne de progrès humain et ce contrat non tenu à bien des égards génère de plus en plus de tensions sociales ; d'autre part sa promesse d'abondance et de consommation n'est plus tenable d'un point de vue environnemental, de même qu'il va être de plus en plus déstabilisé par les crises environnementales. Comment penser et préparer un contrat social pour un monde fini ?

Mathieu Saujot dirige le programme "Modes de vie en transition" à l'Institut du développement durable et des relations internationales. Ses derniers travaux ont porté sur l'intégration des modes de vie dans les prospectives environnementales, la transition vers une alimentation durable et accessible à tous et la dimension sociale et démocratique de la transition. Il est diplômé de l'ENSTA ParisTech et docteur en économie. Il a réalisé sa thèse d'économie aux Mines Paristech sous la direction de P.N. Giraud sur la planification de la ville bas-carbone.

Lucile SCHMID : Histoire, généalogie et enjeux
Que la sobriété soit passée de l'éthique au champ des politiques publiques en quelques mois n'est pas anodin. L'invasion de l'Ukraine par la Russie a joué un rôle déterminant. Elle a permis la diffusion d'une notion portée par des cercles engagés jusqu'au pouvoir des gouvernements. Aujourd'hui le terme de sobriété renvoie à des contenus et des sens différents selon le contexte, les personnes qui l'emploient, le monde dans lequel il est utilisé. Des low techs aux éco-gestes en passant par la mise en œuvre de l'efficacité et des économies de coûts, c'est une notion attrape-tout qui pourrait devenir structurante pourvu qu'elle soit adossée à des référentiels et des objectifs clairs. Cela implique avant tout de l'articuler en amont à la justice sociale, de faire interagir toute mesure de sobriété avec des dispositifs adaptés de lutte contre les inégalités. Dans la ligne du sixième rapport du GIEC, différents scénarios (Ademe, negaWatt, RTE, IDDRI, Shift projet…) ont été élaborés pour dessiner les contours d'une société de la sobriété en visant la neutralité carbone à l'horizon 2050. Mais aujourd'hui les institutions et les politiques publiques qui permettraient d'offrir un cadre adéquat à l'évolution nécessaire des modes de vie restent à inventer.

Lucile Schmid est ancienne élève de l'ENA, administratrice de l'État au ministère de l'Économie. Elle a été élue locale socialiste puis écologiste en Ile de France. Cofondatrice du think tank La Fabrique écologique, elle est membre de longue date de la rédaction de la revue Esprit, et a été coprésidente de la fondation verte européenne (Green european Foundation) avec laquelle elle travaille régulièrement. Depuis 2019, elle anime avec la philosophe Catherine Larrère un séminaire sur les relations entre démocratie et écologie. Elle a créé en 2018 le Prix du roman d'écologie (PRE) un prix littéraire qui récompense des romans écrits en langue française où l'écologie occupe une part substantielle de l'intrigue. Elle est l'auteure de plusieurs essais portant sur les élites publiques, les enjeux écologiques et les relations franco-algériennes.


BIBLIOGRAPHIE :

• ADEME, Transition(s) 2050. Choisir maintenant. Agir pour le climat, novembre 2021, Horizons [en ligne].
• Dominique Bourg & Alain Papaux (dir.), Vers une société sobre et désirable, PUF, 2010, Développement durable et innovation institutionnelle.
• Collectif Fortes, sous la direction de Cécile Renouard, Rémi Beau, Christophe Goupil, Christian Koenig, Manuel de la grande transition ; former pour transformer, 14 octobre 2020, LLL Les liens qui libèrent [en ligne].
• Jean-Baptiste de Foucauld, L'abondance frugale. Pour une nouvelle solidarité, 16 avril 2020, Odile Jacob.
• Jean-Baptiste de Foucauld, Le choix des sobriétés. Des idées pour passer à l'action, 15 juillet 2020, Les éditions de l'Atelier.
• Nicolas Goldberg, Propositions pour une sobriété juste et efficace, 7 septembre 2022, Terra Nova, La Grande Conversation [en ligne].
• Nicolas Goldberg, Comment donner l'impulsion pour une sobriété collective, efficace et aller au-delà des symboles, 23 août 2022, Terra Nova, Transition énergétique [en ligne].
• Diana Ivanova, Dominik Wiedenhofer & Max Callaghan, 60 choix de consommation pour combattre le réchauffement climatique, 15 juillet 2020, Forum Vies Mobiles, Point de vue [en ligne].
• Bettina Laville, Sarah Dayan & Clara Beauvoir, La sobriété, fil vert de la transition, février 2022, Comité 21 [en ligne].
• Léon Leuser & Thomas Pellerin-Carlin, La sobriété énergétique, le levier manquant pour résoudre la crise de l'énergie, mai 2022, Institut Jacques Delors, Energie & climat, Décryptage [en ligne].
• Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse, avril 2010, Actes Sud.
• Mathieu Saujot & Andreas Rüdinger, Un besoin urgent de faire rimer sobriété et solidarité, octobre 2022, IDDRI, Décryptage [en ligne].
• Florian Tignol, Repenser notre rapport à la sobriété, septembre 2020, La Fabrique écologique, Décryptage [en ligne].
• Pierre Veltz, L'économie désirable, sortir du monde thermo-fossile, SEUIL, 7 janvier 2021, La République des Idées.

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


VERS UNE NOUVELLE ALLIANCE SCIENCES-SOCIÉTÉS ?

REVISITER LES RAPPORTS ENTRE CONNAISSANCES ET ACTION


DU MARDI 19 SEPTEMBRE (19 H) AU LUNDI 25 SEPTEMBRE (14 H) 2023

[ colloque de 6 jours ]



ARGUMENT :

Dans les sociétés à fort développement technologique, la recherche et l'innovation sont considérées comme des moyens privilégiés capables de répondre aux grands défis auxquels ces sociétés sont confrontées. Mais de quelles recherches et de quelles innovations s'agit-il ? Les transformations profondes des façons de produire, consommer, habiter, se déplacer, se nourrir, indispensables pour faire face à ces enjeux requièrent, selon nous, un renouvellement des rapports entre connaissances et action, c'est-à-dire une recherche inclusive et partagée, une innovation élargie. Penser à nouveaux frais la production de connaissances et les processus d'innovation en renouvelant l'alliance entre sciences et sociétés, tel est l'objectif central de ce colloque.

Pour explorer le potentiel de ces approches, mais aussi identifier leurs limites, l'on croisera différentes théories (études des sciences et des techniques, études d'innovation, épistémologie, histoire, économie politique de la connaissance) et diverses expériences de recherches participatives et collaboratives. Leur mise à l'épreuve se fera par la pratique : les participants seront invités à contribuer à des ateliers de conception consacrés à l'élaboration de projets de recherche. Enfin, l'on identifiera les principaux dispositifs institutionnels nécessaires pour soutenir la montée en généralité de ces approches. Pour ce faire, à côté des intervenants, le colloque accueillera toutes celles et tous ceux que les sujets traités intéressent et qui pourront participer aux ateliers et aux discussions.


MOTS-CLÉS :

Connaissances actionnables, Coproduction, Études des sciences et techniques, Expérimentation collective, Innovation élargie, Intermédiation recherche-société, Recherche-action, Recherche participative, Tiers-Secteur de la recherche, Transition profonde


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mardi 19 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mercredi 20 septembre
Matin
Pierre-Benoit JOLY & Laëtitia DELLA BIANCA : Introduction

QUE NOUS APPREND L'HISTOIRE DES RECHERCHES-ACTIONS PARTICIPATIVES ?
Jacques CHEVALIER : Repenser ensemble le vivre ensemble

MÉDIATION, INTERMÉDIATION, COCONCEPTION
Armand HATCHUEL : Penser l'alliance science-société comme une conception/sociation dans l'inconnu

Après-midi
Philippe TERRAL : L'enjeu d’une description fine des dynamiques socio-cognitives des "histoires de collaboration"

RECHERCHES DU TIERS SECTEUR ET TRANSITIONS | Animateur : Sylvain ALLEMAND
Baptiste BEDESSEM : Sciences et recherches participatives : quels risques, quels bénéfices pour l'objectivité scientifique ?
Cécile RENOUARD : Recherche-action sur les connaissances et compétences pour la Grande Transition : le cas du Campus de la Transition
Pierre-Benoit JOLY : Connaître et reconnaître les recherches citoyennes


Jeudi 21 septembre
Matin
LA QUESTION DE L'IMPACT
Jordi MOLAS-GALLART : Comment produire des connaissances pour des transformations souhaitables ? Comment généraliser à partir des transformations locales ?
Giulia VOLPINI : L'évaluation formative en temps réel : un moyen de repenser les associations entre science et société afin de contribuer à répondre aux défis sociétaux

Après-midi
L'EXPÉRIMENTATION COLLECTIVE COMME MODE DE RÉSOLUTION DE PROBLÈMES
Brice LAURENT : Politiques de l'expérimentation et fragilités constitutionnelles
Alix LEVAIN : Transformer les conditions de l'interlocution : expérimentation et parole radiophonique

CYCLO – Campus de la Transition, avec Florence DROUET & Cécile RENOUARD

Soirée
Présentation des Ateliers en parallèle
1. Sécurité sociale de l'alimentation (Julien COUAILLIER, Dominique PATUREL) | Présentation
2. Transitions énergétiques (Frédérick LEMARCHAND) | Présentation
3. Entre terre et mer (Alix LEVAIN) | Présentation


Vendredi 22 septembre
Matin
INTERDISCIPLINARITÉ, TRANSDISCIPLINARITÉ, CROISEMENT DES SAVOIRS
Tom DEDEURWAERDERE : Gouverner la co-production inter- et transdisciplinaire de connaissances sur les transitions sociales et écologiques
Laurent HAZARD : Au-delà de toute discipline, l'apprentissage mutuel dans l'action pour désamorcer un problème pernicieux
Geneviève DEFRAIGNE TARDIEU : Le Croisement des Savoirs : recherches participatives avec des personnes en situation de grande pauvreté

Après-midi
"HORS LES MURS" — À SAINT-CÔME-DU-MONT
Visite sur la thématique "La future Charte du Parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin (2025-2040) : modalités de co-construction et démarches participatives", avec Denis LETAN (Directeur), Joëlle RIMBERT (Chargée de mission et référente de la future Charte) et Anne HEBERT (Vice-présidente de la Communauté de communes Côte Ouest Centre Manche)

Soirée
Enjeux institutionnels, table ronde avec Mina KLEICHE-DRAY (La recherche-action participative au prisme de la géopolitique des savoirs), Selim LOUAFI (Transformer les organisations par l'expérimentation — l’exemple des pratiques d'échange des ressources génétiques) et Jean-Baptiste MERILHOU-GOUDARD (Jeux d'acteurs et d'engagements dans les co-recherches : qu'avons-nous de nouveau à en dire ?)


Samedi 23 septembre
Matin
QUELLES VALEURS ? LIBERTÉ ACADÉMIQUE, JUSTICE ÉPISTÉMIQUE
Sophie LEWANDOWSKI : Approches sensibles, objectivité et équité en RAP (Usages du Théâtre forum-Communication non violente)
Cécile BARNAUD : Asymétries de pouvoir et conflits de valeurs dans les recherches transformatives : chercheurs et chercheuses face à des dilemmes éthiques
Dominique DESCLAUX : Alliance sciences-sociétés : simple bague au doigt ou arche conservant les tables de la loi ?

Après-midi
Baptiste GODRIE : Des monocultures aux écologies des savoirs et des pratiques : justice cognitive et conditions d'actualisation dans le champ de la santé

Ateliers en parallèle

Soirée
Concert de jazz (Formation années 60), avec Frédérick LEMARCHAND


Dimanche 24 septembre
Matin
SUSTAINABILITY SCIENCE ? COMMENT LES CO-RECHERCHES RÉPONDENT-ELLES À L'ENJEU DE LA DURABILITÉ ?
Pierre CORNU : Les sustainability sciences, ultime métamorphose de l'économie de la connaissance ? Essai d'approche diachronique et critique [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Olivier DANGLES : Science de la durabilité : Sisyphe était-il heureux ?

Après-midi
Ateliers en parallèle (suite)

Soirée
Restitution des travaux réalisés lors des ateliers


Lundi 25 septembre
Matin
Rapports d'étonnement des jeunes chercheures : Florence DROUET et Giulia VOLPINI | Animateur : Jacques CHEVALIER

Discussion générale et conclusion

Après-midi
DÉPARTS


TÉMOIGNAGES :

Science de la durabilité : Sisyphe était-il heureux ?. Rencontre avec Olivier DANGLES, propos recueillis par Sylvain ALLEMAND.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Pierre-Benoit JOLY : Connaître et reconnaître les recherches citoyennes
La relation sciences-sociétés est le plus souvent considérée en sens unique, de la science vers la société. Penser la nouvelle alliance sciences-sociétés, c'est d'abord rompre avec cette perspective dominante et avec le paradigme de la culture scientifique et technique qui en est l'une des formes institutionnalisées. C'est l'un des enjeux de la coproduction des savoirs qui connaît un développement très important depuis une quarantaine d'années. Néanmoins, s'agissant spécifiquement des relations avec les acteurs de ce que l'on appelle le "tiers secteur de la recherche" (TSR), l'institutionnalisation de la coproduction des savoirs butte sur un défaut de (re)connaissance de leur capacité propre de production de connaissances. L'usage assez malheureux de l'expression "science citoyenne" est l'un des symptômes d'une conceptualisation immature. Cette expression nous conduit sur une fausse piste car elle pointe vers une assimilation de la production de connaissance du TSR à la production scientifique. En proposant d'utiliser le concept de recherche citoyenne, l'enjeu est ici de construire un cadre intellectuel qui permet de saisir les caractéristiques de ce mode de production de connaissances et, partant, de mieux saisir les enjeux, les modalités et les limites de la coproduction de savoirs.

Pierre-Benoit Joly, spécialiste d'études sociales des sciences, des techniques et des innovations (STS), est ingénieur agricole (1982), docteur en économie (1987) et habilité à diriger les recherches (1995). Directeur de recherche INRAE, il a été directeur de l'IFRIS, du Laboratoire d'Excellence SITES (2009-2014) et directeur du Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés (Lisis), UMR CNRS, INRAE, Université Gustave Eiffel (2015-2019). Depuis le 1er janvier 2020, il est Président du Centre INRAE Occitanie-Toulouse. Il est membre de l'Académie des Technologies et membre correspondant de l'Académie d'Agriculture.

Alain KAUFMANN
Alain Kaufmann a suivi une double formation en biologie et en sociologie, à l'université de Lausanne (UNIL). Après avoir été chercheur la Faculté de médecine, puis maître-assistant à la Faculté des sciences sociales et politiques de l'UNIL, il est chercheur invité à l'École des Mines de Paris, au Centre de sociologie de l'innovation. En 2002 il créé l'Interface sciences-société et en 2005 L'éprouvette, le laboratoire public de l'UNIL. En 2019 il crée Le ColLaboratoire de l'UNIL, une unité de recherche-action, collaborative et participative. Ses domaines de recherche et d'enseignement sont la sociologie des sciences et des techniques, l'approche interdisciplinaire des risques, l'éthique et la déontologie de la recherche, la recherche participative, et les aspects sociaux et anthropologiques de la médecine et de la recherche biomédicale. Il est membre des Conseils scientifiques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Il est membre du Bureau et du Conseil d'administration de l'Alliance Sciences-Sociétés qui œuvre en France et à l'international pour la reconnaissance et le développement du Tiers-Secteur de la recherche.


Cécile BARNAUD : Asymétries de pouvoir et conflits de valeurs dans les recherches transformatives : chercheurs et chercheuses face à des dilemmes éthiques
Dans les recherches participatives, co-construire des connaissances implique des arènes souvent caractérisées par des conflits de valeur et des asymétries de pouvoir. La question du positionnement des chercheurs dans ces arènes est délicate et trop rarement abordée de front. Elle les renvoie en effet à des dilemmes éthiques difficiles à résoudre. D'un côté, s'ils adoptent un positionnement neutre, sans parti pris, ils sont accusés d'être naïvement manipulés par les acteurs les plus influents, et de participer en fait à un renforcement des asymétries initiales. D'un autre côté, s'ils assument une posture non-neutre, en renforçant les voix des acteurs les moins influents, on interroge leur légitimité. Dans cette présentation, je reviendrai sur les résultats d'un travail collectif qui nous a permis d'identifier cinq grands types de posture, qui renvoient à différentes conceptions de la légitimité de la recherche participative. Je questionnerai ensuite la façon dont les recherches dites transformatives, qui portent un impératif normatif de transformation dans un contexte d'urgence écologique, font évoluer les postures et soulèvent de nouveaux dilemmes éthiques. Je m'appuierai pour cela sur l'exemple d'un projet de recherche en cours, le projet Just-Scapes, qui vise à co-construire avec les acteurs d'un territoire de montagne des transformations justes de l'élevage dans le contexte du changement climatique.

Cécile Barnaud est chargée de recherches à l'INRAE, membre de l'UMR Dynafor à Toulouse. Ses travaux s'intéressent à la façon dont l'interface entre agriculture, biodiversité et société est socialement construite et négociée à l'échelle des territoires, entre des acteurs aux valeurs multiples, dans le cadre de relations de pouvoir souvent asymétriques. Elle a conduit, encadré et évalué de nombreux projets de recherche participative, avec un souci de réflexivité sur ces approches.

Baptiste BEDESSEM : Sciences et recherches participatives : quels risques, quels bénéfices pour l'objectivité scientifique ?
L'objectivité des sciences (comme institutions, comme processus et comme ensemble d'individus) est considérée comme l'un des fondements de leur autorité sociale, et l'un des déterminants de la confiance placée par les citoyens dans les données, résultats et expertise qu'elles produisent. La question de la nature, des fondements et des limites de cette objectivité scientifique se doit donc d'accompagner toute réflexion sur le rôle et la place des sciences, comme institution et comme pratique, dans nos démocraties. En particulier, ces questions relatives à l'objectivité se voient renouvelées par les appels contemporains à une plus grande implication des citoyens dans les processus de production de savoirs et d'expertises : en effet, si l'objectivité est traditionnellement considérée comme étant garantie par des mécanismes régulateurs internes au champ scientifique (formation et sélection des chercheurs, publications dans des revues spécialisées, contrôle par les pairs), comment l'irruption de non-professionnels joue-t-elle sur l'objectivité — et la manière dont on la pense ? Cette question est rendue complexe à la fois par la diversité des pratiques de participation dans les sciences ("sciences participatives", "recherches participatives", "recherches-action participatives"…), et la polysémie du concept d'objectivité lui-même. Cette contribution se propose de développer un cadre conceptuel qui permette d'interroger la variété des défis et des opportunités épistémiques qui accompagnent les différentes formes de participations citoyennes. Ces analyses seront ensuite mobilisées pour identifier et discuter des points d'attention et des actions à mener pour faire des sciences et recherches participatives un outil de production de savoirs collectivement considérés comme objectifs.

Baptiste Bedessem est titulaire d'une thèse en biologie cellulaire (université de Grenoble-Alpes, 2015) d'une thèse en philosophie des sciences (Université de Grenoble-Alpes/Université du Québec à Montréal, 2018). Il est actuellement chargé de recherche INRAE au sein du laboratoire interdisciplinaire sciences, innovations, sociétés (LISIS). Ses recherches ont porté jusqu'à présent sur la manière dont les sciences et recherches participatives influent sur les modes de production des savoirs et de l'expertise scientifique. Cette interrogation d'ordre épistémologique s'accompagne d'une réflexion sur les débouchés politiques des sciences et recherches participatives.

Pierre CORNU : Les sustainability sciences, ultime métamorphose de l'économie de la connaissance ? Essai d'approche diachronique et critique
Dans la foulée du Rapport Brundtland de 1987 et du Sommet de Rio en 1992, un grand nombre d'initiatives se sont développées, souvent aux marges des mondes académiques, pour intégrer l'enjeu de la "soutenabilité" à la recherche scientifique en même temps qu'au débat public. Portées par des collectifs ou par des figures fondatrices, et ayant appris à confronter leurs visions lors des grands événements internationaux touchant aux maux du "système terre" et à ses possibles remédiations, ces initiatives ont peu à peu donné naissance à une véritable "conversation" mondiale sur la soutenabilité. Celle-ci a rapidement pris une configuration interdisciplinaire, puis transdisciplinaire, dans l'idée d'en renforcer le potentiel transformateur, dessinant un paysage global aux interconnexions complexes et à la densité croissante, à la fois opportunité et défi pour la recherche. Issue d'un travail d'investigation mené au sein d'INRAE, la mise en perspective diachronique et critique de cette "conversation" sera présentée sous la forme d'une invitation à penser la possibilité d'une nouvelle alliance sciences-société dans les termes d'une histoire du temps présent ouverte à la co-élaboration narrative.

Pierre Cornu est directeur de recherche en histoire du temps présent, spécialiste des enjeux croisant sciences, agriculture et environnement aux XXe et XXIe siècles. Inscrivant sa pratique de recherche dans une double dimension interdisciplinaire et collaborative, il vise par ses travaux à informer la question du statut singulier de la temporalité dans l'anthropocène. Il a notamment publié La systémique agraire à l'Inra, histoire d'une dissidence, Quae, 2021.

Olivier DANGLES : Science de la durabilité : Sisyphe était-il heureux ?
La science de la durabilité permet une meilleure compréhension globale des grands enjeux de durabilité de nos sociétés avec l'ambition d'apporter des éléments de réponse aux objectifs de développement durable. Les problèmes de durabilité apparaissent le plus souvent pernicieux (wicked), inextricables et insolubles, si bien que le chercheur engagé peut être atteint de découragement, tel Sisyphe condamné à pousser une pierre au sommet d'une montagne, d'où elle finit toujours par retomber. En proposant d'imaginer Sisyphe heureux, Albert Camus décrit un humain qui trouve son bonheur dans l'accomplissement de la tâche qu'il entreprend et non dans sa signification. Cette pensée servira de base à une réflexion sur le positionnement du chercheur en science de la durabilité dans un monde semé d'incertitudes : le poids de la pierre, la pente de la montagne, les effets non linéaires qui font que la pierre tombe vers un autre versant ou ne revient pas à sa position d'origine.

Olivier Dangles est Directeur de recherche à l'Institut de Recherche pour le Développement et actuellement directeur délégué adjoint à la Science, en charge de la science de la durabilité. Il est basé au Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive de Montpellier où il codirige un Laboratoire International entre l'Équateur, la Colombie et la France qui réalise des recherches interdisciplinaires sur la préservation de la Biodiversité et l'agriculture Durable dans les Andes tropicales.

Tom DEDEURWAERDERE : Gouverner la co-production inter- et transdisciplinaire de connaissances sur les transitions sociales et écologiques
Cette contribution présente un cadre d'analyse basé sur les théories des biens communs de connaissance pour analyser la gouvernance des collaborations dans les recherches inter- et transdisciplinaires. Ce cadre est introduit par une discussion des défis d'action collective à relever dans la mise en œuvre des collaborations. Ensuite, afin de souligner l'importance de la co-production des connaissances pour affronter les défis d'action collective, la contribution passe en revue les différents mécanismes de co-conception des cadres de recherche entre chercheurs scientifiques et acteurs sociétaux et les processus d'apprentissage social sur les valeurs de soutenabilité au sens fort. Finalement, quelques pistes sont présentées pour l'institutionnalisation de ces efforts collaboratifs qui résistent à la division traditionnelle du travail entre expertise scientifique d'une part et connaissances de terrain des acteurs sociétaux sur les dynamiques de transformation d'autre part.

Tom Dedeurwaerdere est professeur en philosophie des sciences à l'université de Louvain (UCLouvain). Ses recherches portent sur l'action collective pour les transformations vers la soutenabilité, publiées en particulier dans le livre en accès libre Sustainability Science for Strong Sustainability, l"article "A pragmatist approach to transdisciplinarity in sustainability research" et un ouvrage en préparation sur la Gouvernance de la recherche transdisciplinaire en partenariat.

Geneviève DEFRAIGNE TARDIEU : Le Croisement des Savoirs : recherches participatives avec des personnes en situation de grande pauvreté
Les injustices épistémiques sont l'une des causes de la grande pauvreté. Non seulement l'injustice du non accès à l'éducation, mais l'injustice de témoignage et l'injustice d'interprétation. Lutter contre ces injustices nécessite d'avoir recours à des épistémologies radicales, comme celle du Croisement des Savoirs. Il s'agit de construire des savoirs résultant d'un travail en commun entre les personnes en situation de grande pauvreté, des praticiens et des universitaires ayant le projet de construire des savoirs émancipatoires. L'Université populaire Quart Monde est le premier où des personnes en situation de grande pauvreté prennent conscience de l'importance de leur expérience de vie et ont la possibilité de la transformer en savoir émancipatoire. La Méthodologie du Croisement des Savoirs a été récemment expérimentée et reconnue dans l'espace collaboratif ATD Quart Monde, CNAM et CNRS afin de faire reconnaitre cette méthodologie de recherche, d'en asseoir les principes et les critères de validité. C'est un outil essentiel de l'alliance sciences-sociétés.

Geneviève Defraigne Tardieu est docteure en sciences de l'éducation et volontaire permanente du Mouvement international ATD Quart Monde depuis 1983. Elle a eu différentes missions en France et aux USA auprès de personnes vivant en grande pauvreté. Elle a animé l'Université populaire Quart Monde Ile de France et a réalisé une recherche participative avec les membres de l'Université populaire pour expliciter avec eux la construction de connaissances et autres transformations afférentes. Elle est actuellement attachée au pôle Recherche du Centre Joseph Wresinski.
Publications
"Quand le colloque de Cerisy se déplace : une soirée à l'Université populaire Quart Monde de Caen", in Ce que la misère nous donne à repenser, avec Joseph Wresinski, Bruno TARDIEU, Jean TONGLET (dir.), Colloque de Cerisy, Hermann Éditeurs, 2018.
"Les universités populaires Quart Monde", in Universités populaires, hier et aujourd'hui, Gérard POULOUIN (dir.), Colloque de Cerisy, Éditions Autrement, 2012.
L'Université populaire Quart Monde. La construction du savoir émancipatoire, Presses universitaires de Nanterre, 2011.
Bibliographie
« Les pauvres sont nos maîtres ! », David JOUSSET, Bruno TARDIEU, Jean TONGLET (dir.), Hermann Éditeurs, 2019.
Les injustices liées au savoir, Revue Quart Monde, n°265 | 2023/1.

Dominique DESCLAUX : Alliance sciences-sociétés : simple bague au doigt ou arche conservant les tables de la loi ?
Comment traiter cette alliance sciences-sociétés ? Faut-il la sceller ? la conclure ? la contracter ? la rompre ? la faire ? la célébrer ? la signer ? l'offrir ? l'instituer ?
Est-elle union béate de 2 entités que seraient les sciences et les sociétés, ou bien véritable lieu de l'entre-deux où s'instaure un lien fort et durable ?
Faut-il privilégier l'origine latine alligare (attacher) ou la traduction de l'hébreu בְּרִית ("berith") dont l'origine signifie aussi couper ou du grec διαθήκη ("diathèkè") dont la racine "dia", préférée au "sun"(sunthèkè) dans la Septante pour traduire "alliance", indique la rupture, l'écart et non le rassemblement.
L'alliance, n'est donc pas fusion, mais mise en tension. L'enjeu est de créer un intervalle faisant appel à la responsabilité de chaque partenaire. Cette alliance ne contraint pas, elle ouvre un espace de liberté où chacun met en œuvre ses propres capacités, talents, compétences, savoirs-être au service d'un objectif commun, d'une relation de solidarité. Elle implique des engagements pris pour en assurer la pérennité. Parler d’alliance Sciences-Sociétés revient à postuler le pluralisme de chaque entité et l'extériorité des sciences aux sociétés. Cette non-inclusion apparente devient recherche d'interactions. Interaction, non comme l'épistasie génétique, où l'expression de certains gènes masque ou empêche celle des autres, mais pourquoi pas à l'image de l'interaction GxE, où l'adaptation du génotype G à son environnement E, modifie aussi ce dernier et ouvre l'espace de la contribution. Tout comme la compétition entre plantes peut ouvrir à la facilitation.
Finalement pourquoi ne pas comparer Sciences et Sociétés à Plantes et Environnements ? L'un est dans l'autre et chacun a un impact sur l'autre. Au moment où l'agronomie pense l'interaction non plus seulement en termes "d'adaptation des plantes à leur environnement" ou encore de "réponses du G à E" mais en termes d'"effets du G sur E", ne passe-t-on pas aujourd'hui, de manière similaire mais inversée, des "effets des sciences sur les sociétés" aux "réponses des sciences aux sociétés"? Le "sur", le "aux" pouvant être, selon les valeurs de chacun, un "vers" condescendant ou un "dans", un "chez" ou mieux : un "avec"…
Comparer les sciences à des plantes, c'est finalement autoriser leur culture aussi bien par le jardinier amateur que par l'expert en botanique. C'est choisir entre bien commun et propriété intellectuelle, entre semences paysannes et OGM, entre le oui inconditionnel à la hiérarchie et l'objection de conscience, entre mannes financières et humanité, entre carriérisme et utilité. Les valeurs sont au cœur de l'alliance, elles la forgent. Elles ajustent (dans le sens de justice) les entités l'une à l'autre.
L'alliance sciences-sociétés n'est ni bague au doigt, ni arche conservant les tables de la loi édictées dans un ailleurs, mais bien espace de rencontres, de création, d'ouverture, dans lequel les valeurs ne sont pas négociées mais débattues, affirmées et tranchées.

Dominique Desclaux passerait son temps, si elle le pouvait, à contempler la nature, dialoguer avec les oiseaux et apprendre de tous. Elle se plait aussi à assurer des travaux de recherche dans le département de Biologie et Amélioration des Plantes d'Inrae, et d'appui aux équipes au sein du pôle Science en Société de la Direction pour la Science Ouverte d'Inrae. Maître es-Biologie, Ingénieur Agronome, Titulaire d'une thèse sur les interactions Génotype x Environnement et d'un Master en Management et Économie, elle accompagne, en tant que chercheure INRAE, divers projets de recherche participative. Elle est notamment à l'initiative depuis une vingtaine d'années, avec divers agriculteurs et acteurs des filières, de programmes de sélection participative de variétés adaptées à l'agriculture biologique qui ont été lauréats de la première édition du Prix National de la Recherche Participative.

Baptiste GODRIE : Des monocultures aux écologies des savoirs et des pratiques : justice cognitive et conditions d'actualisation dans le champ de la santé
Envisager le renouvellement des rapports entre connaissances et actions appelle une réflexion sur nos imaginaires épistémiques et les épistémologies dominantes qui les nourrissent. C'est ce que nous proposons de faire à la lumière du concept de justice cognitive proposé, entre autres, par l'anthropologue indien Shiv Visvanathan. Ce projet intellectuel repose sur l'identification des monocultures des savoirs et des disciplines ayant conduit à des impasses démocratiques, sanitaires et environnementales, au profit d'écologie des savoirs et des pratiques porteuses d'une plus grande justice sociale et épistémique. Comment soutenir l'émergence de telles écologies des savoirs et des pratiques ? Comment identifier et prioriser les savoirs à privilégier dans les différents contextes d'intervention pour ne pas tomber dans le piège du relativisme ? Cette intervention reviendra sur ces questions et enjeux, à partir d'exemples empruntés au champ de la santé.

Baptiste Godrie est sociologue, professeur à l'École de travail de l'université de Sherbrooke et directeur scientifique de l'Institut universitaire de première ligne en santé et services sociaux. Ses travaux portent sur les inégalités sociales, en particulier sur les enjeux de justice et d'injustices épistémiques dans le champ de la santé et des services sociaux, sur la participation citoyenne et les recherches participatives.

Armand HATCHUEL : Penser l'alliance science-société comme une conception/sociation dans l'inconnu
Penser l'alliance entre science et société exige un modèle d'action collective adapté. L'asservissement linéaire ou marchand convient rarement : la science ne vise pas à résoudre les problèmes immédiats de la société et les acteurs sociaux créent des savoirs utiles. Le modèle partenarial est plus adapté mais ce n'est pas un accord gagnant-gagnant : i) les "gains" ne sont ni prédictibles ni commensurables ; ii) la science vise un inconnu du savoir et les acteurs sociaux cherchent à améliorer leur cadre de vie ou d'activité. Le modèle adapté à ces réalités est celui de la conception collective (dans l'inconnu). Il s'éloigne des rationalités décisionnelle et organisationnelle classiques et permet des partenariats "à double impact". Chacun poursuit sa logique en puisant dans les connaissances (et les concepts) de l'autre. Il n'y a donc pas d'échange marchand mais une "sociation" particulière. La théorie de la conception collective est largement mobilisée. Elle s'étend aux alliances entre savoir expert et savoir profane, inter-épistémiques ou inter-civilisationnelles. Ces alliances créent des mondes qui ont des structures de Topos.

Armand Hatchuel est Professeur émérite à Mines Paris PSL (CGS-I3 UMR 9217) où il a co-fondé les chaires de théorie de la conception et de théorie de l'entreprise. Il a développé avec Benoit Weil et Pascal Le Masson une théorie de la conception (dite théorie C-K) internationalement enseignée et qui a eu un impact scientifique et industriel important. Ses travaux avec Blanche Segrestin, Kevin Levillain et le Collège des Bernardins, ont aussi inspiré la réforme du code civil et la création des "sociétés à mission" (loi Pacte). Ses derniers travaux portent sur l'action collective dans l'inconnu. Fellow de la Design Society et de l'European Academy of Management, il a reçu plusieurs distinctions scientifiques. Il est membre de l'Académie des Technologies et vice-président de l'Association des Amis de Pontigny-Cerisy.

Laurent HAZARD : Au-delà de toute discipline, l'apprentissage mutuel dans l'action pour désamorcer un problème pernicieux
Ces 20 dernières années, je n'ai cessé de m'interroger sur ma pratique de chercheur engagé en recherche-action. Cet engagement trouve son origine dans la mission qui m'a été confiée lors de mon recrutement à l'INRA : concevoir des variétés pour l'agriculture. Ma recherche ne visait donc pas à comprendre le monde mais à le transformer en produisant des innovations cessées anticiper les évolutions de l'agriculture à 15 ans, temps nécessaire pour la mise en marché d'une variété… J'ai alors développé des approches de co-conception pour mobiliser les utilisateurs pour créer des innovations utiles et utilisées et les citoyens pour valider le futur qu'elles construisent. Cependant, la complexité des problèmes que ces innovations ne parviennent pas à résoudre m'a amené à déployer des enquêtes dont l'objectif premier est de produire une intelligibilité des situations problématiques dans lesquelles il m'est demandé d'intervenir. La transdisciplinarité est à mes yeux un terme pour faire le deuil des disciplines afin d'aborder ces problèmes pernicieux. L'enquête déployée mobilise des compétences éloignées les unes des autres, détenues par des experts, chercheurs et acteurs de la situation explorée, de secteurs, métiers et disciplines différentes, qui doivent composer avec cette diversité. L'enquête réserve son lot de surprises qui met à l'épreuve leur agilité et leur capacité à s'écarter de leur zone de confort. Son déploiement est inféodé à l'action qui révèle les interrelations et participe à une meilleure intelligibilité de la situation problématique. Un tel processus transformatif doit alors se doter d'une éthique et d'un contrôle démocratique pour échapper à toute dérive technocratique.
Les scientifiques sont les premiers, et souvent les seuls, à être interrogés sur leur capacité à développer ou intégrer une telle enquête transdisciplinaire. En effet, celle-ci remet en cause la logique moderniste et positiviste à laquelle beaucoup d'entre eux se conforment : celle d'une réalité objective, d'une connaissance unifiée, des dualismes qui structurent la pensée, de la neutralité des méthodes scientifiques, d'une épistémologie de la possession, de la linéarité des processus considérés… S'engager dans des approches transdisciplinaires remet en cause tout cela. Elle projette les participants dans une épistémologie constructiviste et nécessite de traiter les asymétries et les jeux de pouvoirs. C'est une véritable acculturation qui s'impose à l'ensemble des participants dont la façon de penser et d'agir est façonnée par le rationalisme. L'enjeu est alors de créer les conditions d'un apprentissage mutuel tant sur le problème qui réunit les participants que sur la manière de conduire le processus. Cette expérience constituera alors le point de départ d'une action collective ou contribuera à accroître l'agentivité des participants.
Animer un processus transdisciplinaire ne va pas de soi et donne à voir d'autres compétences que celles des courtiers en connaissances ou autres passeurs de frontière. Il s'agit de créer et accompagner une communauté apprenante dans un processus indéterminé, aux antipodes de ce que proposent les formations à l'ingénierie de projet. Produire des connaissances scientifiques dans un tel dispositif ne va pas de soi non plus : désadhérence, décontextualisation, objectivation, administration de la preuve sont autant de paliers de décompression pour refaire surface dans l'Académie.

Laurent Hazard est Directeur de Recherche chez INRAE, après une thèse en génétique au début des années 90, il se détourne de la paillasse pour déployer une recherche de plein-air sur la gestion des ressources génétiques en restauration écologique puis en sélection paysanne. La semence, fondant les espoirs de transformation des acteurs aux prises avec des situations problématiques, déçoit. Son investigation s'oriente alors sur la manière d'appréhender ces situations problématiques, d'articuler l'action collective et les projets individuels de leurs acteurs et de penser l'accompagnement au changement dans de telles situations. Depuis 2021, Laurent Hazard dirige l'UMR AGIR à Toulouse dont le projet porte sur l'accompagnement des transitions agroécologiques.

Mina KLEICHE-DRAY : La recherche-action participative au prisme de la géopolitique des savoirs
Cette intervention vise à contribuer aux réflexions sur l'institutionnalisation des recherches participatives et collaboratives. Les rapprochements science-société que ces recherches supposent, objet à la fois de travaux critiques et réflexifs dynamiques et d'incitations nombreuses, notamment dans le cadre de la LPR, posent un certain nombre de questions sur l'organisation de la recherche, son pilotage et son évaluation. En s'engageant dans une politique volontariste de constitution d'une communauté de pratiques autour des recherches participatives et partenariales menées avec les Sud, l'IRD a dû relever de nouveaux défis aussi bien épistémiques, méthodologiques, financiers et institutionnels. Sera partagé dans cette table ronde, l'exploration des expériences de recherches participatives menées par l'IRD avec ses partenaires et qui a été réalisée par l'IRD en 2022. L'analyse de ces recherches menées en dehors de l'hexagone et associées à une multiplicité de systèmes de recherche variés d'une part, et une critique de la science issue des Sud d'autre part, seront mobilisées pour montrer comment la prise en compte de la géopolitique des savoirs contribue à mieux comprendre les conditions de possibilités de rapprochement institutionnel science-recherche-société au prisme de sociétés à développement technologique différencié.

Mina Kleiche-Dray est historienne et sociologue des sciences et des savoirs, directrice de recherche à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), affiliée à l'UMR Ceped (Université Paris Cité-IRD) et directrice adjointe du Département Société et Mondialisation de l'IRD. Ses travaux portent sur les dynamiques collectives et les dispositifs institutionnels de production de la science et leurs impacts sur la subalternisation et la valorisation des "savoirs autres" hors Occident sur le temps long : gouvernance de la science, construction des disciplines scientifiques, communautés scientifiques, généalogies des critiques sociales et productions intellectuels sur les sciences et les "savoirs autres" (autochtones, afrodescendants, paysans, ordinaires), en contextes situés [Afrique (à partir du Maroc) et en Amérique Latine (à partir du Mexique)].

Brice LAURENT : Politiques de l'expérimentation et fragilités constitutionnelles
Le terme "expérimentation" est utilisé pour décrire des tentatives collectives visant à faire face aux transformations du monde, mais aussi pour caractériser de nouvelles figures de l'action publique et privée faisant de l'innovation un moyen et une fin. Cette polysémie recouvre des situations très différentes, mais qui ont en commun de valoriser l'émergence et l'exploration. Cette communication invite à analyser les fragilités constitutionnelles des expérimentations, au double sens de leur instabilité ontologique et normative. Des instruments comme le bac à sable réglementaire, qui vise à créer des zones d'exception pour expérimenter des innovations, débouchent sur une politique fondée sur l'innovation délibérément conçue pour introduire des fragilités constitutionnelles. Dans d'autres situations expérimentales comme des tentatives de mesures citoyennes de pollution, la fragilité constitutionnelle apparaît comme une conséquence subie des modes d'organisation de l'expertise publique. Plutôt que de considérer l'expérimentation collective comme un mode d'action qui serait intrinsèquement désirable, l'analyse des fragilités constitutionnelles permet d'interroger les implications démocratiques de la gestion de la tension entre stabilité des institutions et émergence.

Brice Laurent est chercheur au Centre de Sociologie de l'Innovation de Mines Paris et directeur des sciences sociales à l'ANSES. Ses travaux de recherche sont inscrits dans le domaine des études sociales des sciences et s'intéressent aux relations entre science et démocratie.

Alix LEVAIN : Transformer les conditions de l'interlocution : expérimentation et parole radiophonique
Comment travailler l’audibilité de la parole dans un débat public saturé de discours et polarisé à l'extrême, comme celui qui entoure le problème des marées vertes en Bretagne ? En s'appuyant sur les multiples possibilités formelles et situationnelles qu'offre la production radiophonique de proximité, le collectif de recherche Paroles et chemins de l'agriculture littorale s'est livré, pendant 4 ans, à une série d'expérimentations collectives impliquant radios associatives, agriculteurs, militants associatifs, habitants, élus et chercheurs. Je propose à partir d'une présentation de cette expérience de discuter avec les participant.es des propriétés transformatrices de ces expérimentations formelles situées, de la portée et de la temporalité des déplacements qu'elles opèrent chez leurs protagonistes, de la façon dont elles peuvent modifier les conditions du débat public autour des orientations de politique agricole, et des activités agricoles quotidiennes elles-mêmes.
Les recherches interdisciplinaires menées par les équipes de l'UMR Sols, Agro et hydrosystème, Spatialisation (UMR 1069 SAS) et le Laboratoire Interdisciplinaire Sciences, Innovations, Sociétés (UMR 1326 LISIS) depuis les années 2000 sur les territoires touchés par les marées vertes en Bretagne sont à l'origine de la proposition de déplacement du regard qui fonde le projet Parchemins (Fondation de France-Région Bretagne), depuis la gestion de l'eau et des impacts environnementaux de l'agriculture vers les tensions qui traversent l'activité agricole en zone littorale et ses transformations. Ce déplacement explique le choix de travailler sur et à partir d'un réseau de sites d'étude dans lesquels lesquels la problématique de gestion des pollutions diffuses d'origine agricole est plus ou moins prégnante, et dont les caractéristiques sont emblématiques de grandes transformations qui traversent l'agriculture en zone littorale dans la région : le maintien d'une forte présence agricole aux prises avec des transformations agro-industrielles qui mettent en jeu la survie d'exploitations familiales conventionnelles, en particulier en élevage ; la spécialisation dans une production légumière d'exportation ; et le double mouvement de déprise et d'orientation multifonctionnelle de l'agriculture qui caractérise les territoires connaissant un très fort développement touristique.
L'un des axes du projet visait à créer des espaces de rencontre et de dialogue informels complémentaires aux espaces plus institutionnalisés et cadrés et à expérimenter, en mobilisant la fiction et la création, des formes de publication adaptées à la mise en débat et à l'apprentissage social sur les questions de recherche du programme Parchemins. C'est dans cette perspective qu'a été mis en place un partenariat avec la Coordination des radios locales et associatives de Bretagne (CORLAB) et son réseau de 18 radios adhérentes. Le partenariat avec les radios adhérentes s'est établi à deux niveaux : le programme Par les champs et par les grèves était proposé à toutes les radios adhérentes. Un partenariat privilégié était par ailleurs mis en place entre les chercheurs de terrain et les radios émettant sur les sites d'étude.
Les actions menées ont d'abord largement participé à remettre en culture l'agriculture sur des territoires sur lesquels elle tend à être soit patrimonialisée de façon très sélective, soit ignorée, soit dénoncée. La place importante qu'ont occupée, dans le quotidien du projet, la production radiophonique et audiovisuelle, l'organisation d'événements, l'ouverture d'espaces de dialogue libres et conviviaux, ont constitué pour les participants une forme de rupture : pour l'équipe scientifique, bien sûr, mais également pour les partenaires, dans le sens où le dialogue autour des sources, la mise en tension des phénomènes, l'expression des points de vue s'effectuaient prioritairement dans des cadres qui permettaient la symétrie et évitaient les phénomènes de disqualification. L'exposition par la parole produit cependant de l'inconfort, des déplacements inattendus, des innovations formelles dont les conséquences ne se donnent pas immédiatement à lire.

Sophie LEWANDOWSKI : Approches sensibles, objectivité et équité en RAP (Usages du Théâtre forum-Communication non violente)
Les savoirs académiques sont aujourd'hui soumis à diverses incitations politiques, productivistes, marchandes, morales et militantes. Ils sont également mis en perspective avec des savoirs produits dans une multiplicité de lieux. Ce contexte enjoint à la réaffirmation de l'indépendance académique et de savoirs savants propres à se distinguer du sens commun. Mais cette posture, si elle se rigidifie, comporte le risque du monisme épistémologique. Inversement, donner voix aux différents sphères et manières de produire du savoir permet d'honorer une forme de justice épistémique : sortir d'une science monolithique et monologue, inconsciente de ses conditions de production, socio et ethnocentrique, dominante, extractiviste… Mais la démarche risque le relativisme épistémologique.
Une relecture des travaux de Donna Haraway permet sans doute de sortir de ces écueils du monisme et du relativisme pour s'acheminer vers le pluralisme épistémologique. L'auteure incite le sujet producteur de savoir à assumer sa perspective partielle : reconnaitre son incarnation sociale, corporelle et émotionnelle, ainsi que les limites de cette perspective partielle. Cette reconnaissance devient alors une condition d'objectivité et d'équité, et une prise de responsabilité éthique en recherche.
La communication examine trois programmes de recherche-action menés en Amérique latine et en Méditerranée entre 2012 et 2023 sur des conflits sociaux autour de l'eau et de l'éducation. Dans ces programmes, nous avons cherché à croiser des points de vue entre chercheurs, experts, et habitants issus de différents continents. Chaque partie a expérimenté et exprimé aux autres (au travers du théâtre forum et théâtre forum-CNV) sa perspective incarnée et partielle de la problématique, ensuite mise en débat. Mais les innovations se sont parfois plutôt faites à bas bruit dans les actions des chercheurs (et non dans leurs pensées) ; et dans les réflexions des acteurs. Quant à la légitimation sociale des savoirs, les tendances n'ont pas été véritablement rééquilibrées dans les programmes. La question reste ainsi posée de qui se rend perméable, dans quel domaine, et qui parvient à changer ses institutions.

Sophie Lewandowski est chercheure en socio-anthropologie à l'IRD (UMR LPED). Ses travaux portent sur la circulation des savoirs dans des dispositifs d'éducation, de formation et de recherche-action (Méditerranée, Afrique subsaharienne, Amérique Latine). Elle s'intéresse aux enjeux socio-politiques des savoirs en lien avec le sensible (corps, émotions, intuition). Elle utilise des écritures alternatives en recherche (théâtre forum-CNV et approches filmiques). Elle est également formatrice certifiée en CNV (CNVC, AFFCNV) spécialisée sur l'approche systémique et les questions d'équité sociale et écologique. Elle développe dans ces deux milieux des espaces de dialogue science-société.

Jean-Baptiste MERILHOU-GOUDARD : Jeux d'acteurs et d'engagements dans les co-recherches : qu'avons-nous de nouveau à en dire ?
Quels enjeux institutionnels pour les co-recherches ? Puisque l'enjeu désigne la mise, et donc le risque de perdre ou de gagner, et l'institution une organisation installée pour répondre à un besoin déterminé, on peut s'interroger, dans le champ des relations sciences-sociétés, sur les craintes et les espoirs qui animent les acteurs de co-recherches. Six ans après la signature de la charte française des sciences et recherches participatives, les résultats d'enquêtes d'opinion sur la confiance de la société dans la science méritent d'être interrogés. Ces dernières pointent à la fois une défiance croissante, notamment chez les jeunes, et un attrait pour les co-recherches. À l'heure de l'affirmation du Tiers secteur de la recherche et des politiques institutionnelles ciblant une science et une innovation ouvertes, que dire de la réalité des transitions et donc des jeux d'acteurs à l'œuvre ? Les mots ont-ils changé avant les pratiques ? La consultation menée en 2023 pour rédiger la stratégie d'INRAE pour les sciences et recherches participatives donne quelques pistes pour alimenter une réflexion plus large.

Jean-Baptiste Merilhou-Goudard, chargé de mission, conseiller puis chef de cabinet du PDG d'INRAE de 2013 à 2022, co-rédige avec François Houllier, à la demande du Ministère français chargé de l'éducation et de la recherche, le rapport "Les sciences participatives en France" sorti en 2016. Il est nommé Délégué science avec et pour la société d'INRAE et responsable du Pôle sciences en société de la Direction pour la science ouverte en 2022.

Jordi MOLAS-GALLART : Comment produire des connaissances pour des transformations souhaitables ? Comment généraliser à partir des transformations locales ?
Socio-economic transitions are complex processes. This means we encounter high uncertainty when designing and implementing policies aimed at triggering and supporting such transitions. The lack of knowledge about many potentially relevant factors, and the high variability across local contexts leads us to experimental (in the sense of exploratory) policy approaches that see implementation and evaluation as learning processes. The knowledge thus generated is locally relevant and does not aim at, neither can it offer, much in the sense of generalizable results. Instead, it is the policy principles, approaches and techniques that can arguably be of general application.

Jordi Molas-Gallart is Research Professor at the Spanish National Research Council (CSIC), Director of INGENIO (CSIC-UPV), a joint research centre of CSIC and the Polytechnic University of Valencia, and Visiting Fellow at SPRU (University of Sussex) where he obtained his PhD and worked for some 15 years as a researcher and Senior Lecturer. His research interests focus mainly on science and technology policy evaluation and impact assessment. He has led and contributed to many research projects for a wide variety of organisations, including Sweden's innovation agency (Vinnova), the Catalan regional government, the UK Medical Research Council (MRC) and the Economic and Social Research Council (ESRC), INSERM, the European Commission, and the Russell Group of British universities among others. He has led the development of a formative, real-time evaluation approach for the Transformative Innovation Policy Consortium (TIPC) and is now working on its application in different contexts. He was editor of Research Evaluation, a journal published by Oxford University Press, between 2013 and 2020, and President of the European Network of Indicator Designers (ENID) between 2015 and 2019. He is a member of the Editorial Board of the journals Research Evaluation, Research Policy and Evidence & Policy. He has contributed to many European Commission expert groups, and chaired the Science Europe working group on Research Policy and Programme Evaluation.

Cécile RENOUARD : Recherche-action sur les connaissances et compétences pour la Grande Transition : le cas du Campus de la Transition
Face à l'urgence écologique, une expérimentation relative aux savoirs et pédagogies pour la transition écologique et sociale dans et de l'enseignement supérieur est conduite depuis une trentaine d'années dans différents éco-campus ancrés dans des territoires. Le Campus de la Transition, créé en 2017 en France, s'inspire des expériences menées depuis 1991 au Schumacher College dans le Devon, et depuis les années 2000 au Sustainability Institute rattaché à l'université de Stellenbosch en Afrique du Sud. Il vise à développer une pédagogie transdisciplinaire et holistique. La présentation cherchera à montrer comment ces expérimentations s'inscrivent dans le champ des recherche-action participatives et transformatrices, et à faire apparaitre leur soubassement philosophique.

Cécile Renouard est co-fondatrice et présidente du Campus de la Transition. Elle est professeure de philosophie au Centre Sèvres, enseigne à l'École des Mines de Paris et à l'ESSEC, où elle assure la direction scientifique du programme de recherche "CODEV – Entreprise et développement".
Publications récentes
Regards indisciplinés des SHS, avec Claude Compagnone, Patrick Caron, Rémi Beau, Bernard Hubert, LLL, 2022.
Pédagogie de la Transition, avec Frédérique Brossard Børhaug, Jonathan Dawson, Alexander Federau, Ronan Le Cornec, LLL, 2022.
Manuel de la Grande Transition, avec Rémi Beau, Christophe Goupil et Christian Koenig (dir.), LLL, 2020.

Philippe TERRAL : L'enjeu d’une description fine des dynamiques socio-cognitives des "histoires de collaboration"
Depuis une enquête par observations ethnographiques et entretiens (avec des chercheurs et leurs partenaires extra-académiques), nous avons pu décrire finement les ressorts des dynamiques de plus de soixante "histoires de collaboration". Plusieurs processus, de nature à la fois cognitives (confrontation et échange de savoirs et de méthodes) et sociale (modes de relations plus ou moins fluides ou marqués par des tensions et rapports de force), opèrent. Nous relevons tout d'abord de potentiels effets d'affichages de ces collaborations, à distinguer des capacités variables à éprouver l'hybridité dans le temps. Nous montrons ensuite que le caractère durable des histoires de collaboration nécessite la mobilisation de compétences socio-cognitives telles que par exemple les capacités à intéresser, fédérer, traduire, hybrider, formaliser et diffuser les connaissances ainsi co-construites. Ce résultat interroge la notion d'intermédiation comme prise dans les compétences des protagonistes de la collaboration ou devant relever d'autres personnes, fonctions voire métiers.

Philippe Terral est sociologue des sciences et des techniques spécialisé dans l'étude des savoirs concernant les corps efficients et pathologiques [santé (éducation, prévention, soin, …), sport (performance, quantified self, loisir, éducation, …)]. Il est Professeur à l'université Toulouse 3 au sein du Laboratoire CreSco (Centre de Recherche Sciences Sociales Sports Corps), UR 7419, qu'il dirige. Il assure également les fonctions de Directeur adjoint de la Maison des Sciences de l'Homme et de la Société de Toulouse (UAR 3414) au sein de laquelle il a co-fondé, avec le Labex SMS, la plateforme d'expertise IRCOT (Initiatives pour les Recherches Collaboratives sur le périmètre de l'université de Toulouse). Au 1er Septembre 2023, il assurera les fonctions de Vice-Président de l'université de Toulouse en charge du dossier "Science Avec et Pour la Société".


ATELIERS EN PARALLÈLE :

Sécurité sociale de l'alimentation | Organisation : Julien COUAILLIER (Président Association UniAgro) et Dominique PATUREL (Collectif Démocratie Alimentaire, Collectif Pour une Sécurité Sociale de l'Alimentation – SSA, Membre de la Fondation Copernic)

Le projet de Sécurité Sociale de l'Alimentation s'inspire de celui du régime général de la Sécurité sociale, tel qu'il a été initié en 1946 : universalité de l'accès, conventionnement des professionnels réalisé par des caisses gérées démocratiquement, financement par la création d'une cotisation sociale. Il vise donc à instaurer un accès égalitaire à une alimentation de qualité. L'enjeu est aussi, par la démocratie alimentaire, de contribuer aux transformations des façons de produire, de transformer, de distribuer, de consommer et à la transition vers des systèmes agricoles et alimentaires sains et durables.

Dans le cadre du colloque, l'atelier sur la SSA aura pour objectif de concevoir un programme de recherche dont l'objectif sera de contribuer à la mobilisation, à l'expérimentation et au passage à l'échelle.


Transitions énergétiques | Organisation : Frédérick LEMARCHAND (Responsable de l'équipe CERREV [Enjeux technoscientifiques et Environnementaux (ETE)] — MRSH | Université de Caen Normandie)

La transition énergétique est une des plus complexes transformations sociotechniques que l'humanité a pu connaître. Elle repose sur plusieurs complexités systémiques qui en font l'un des défis majeurs de notre histoire. Il faut d'abord abandonner un système carboné efficient et performant (une première dans l'histoire)… mais incompatible avec la survie de l'espèce humaine. Si les solutions ne peuvent plus venir d'en haut et irriguer la société sur le mode qui a prévalu dans le second XXIe siècle, peut-on envisager un mode de développement qui partirait des territoires et de leurs acteurs, qui envisagerait de nouvelles articulation entre humains et non-humains (nature et technique) pour une production de technologies plus conviviales ? Ainsi territoires (biorégions ?), réseaux ou communautés d'acteurs, technologies "low tech" (à redéfinir) pourraient être porteurs de nouvelles utopies et de nouveaux imaginaires sociaux qui outrepassent largement le stade du bricolage DIY.

D'un point de vue conceptuel, cette démarche d'atelier recherche-action permettra de tester plusieurs hypothèses à partir de questions de recherche émergente (CERREV). Toutes les dimensions de la vie individuelle et collective seront ressaisies : santé, habitat, alimentation, etc. (Le Dôme). La question est donc de savoir quels publics, et pourquoi, envisageraient la rupture plutôt que la continuité. Nous nous demanderons ensuite à quelles conditions ces publics pourraient constituer des communautés d'action définissant leurs propres règles et leurs propres normes, soit à travers des formes usuelles (associations) ou à travers de nouvelles formes d'institution du social (collectifs, ZAD, makers, hackers…). Dans cette perspective, la question de la technique fera l'objet d'une attention particulière : face aux proposition techno-push des institutions régaliennes (smarts cities, voiture électrique, technologies connectées en tout genre) d'une part et au rejet de toute technologie d'autre part, existe-il une place pour une innovation et un développement technologique convivial (au sens d'Ivan Illich) et citoyen ? Comment définir au juste le "low-tech" (Demand Side) à partir d'une étude pragmatique inspirée de Bruno Latour de "la technologie en train de se faire" ? Ateliers participatifs et activité de living lab mises en place au Dôme permettront d'apporter des éléments factuels précieux qui constitueront autant de matériel d'enquête à analyser. Enfin, le laboratoire social proposé par la Ville de Caen (projet POPSU) pourrait permettre d'augurer une réflexion théorico-pratique sur le biorégionalisme dans la tentative de repenser le territoire et son mode d'institution au-delà des définitions politico-administratives (Les 7 vents).


Entre terre et mer | Organisation : Alix LEVAIN

Problématique générale : Comment rendre discutables des problèmes sournois (wicked problems) pour construire les conditions de l'action publique ?
Scénarisation
- Discussion sur les algues vertes à partir de l’expérience de la recherche d'Alix Levain (notamment projet Parchemin) : Comment construire les conditions du dialogue ? Rôle des chercheurs ? Réflexions sur le changement de régime : médiatisation du sujet, la mise en scandale… (Film L'expérience algues vertes : paroles d'élus | en ligne) ;
- Discussion avec la CNDP à partir de ses saisines sur les questions littorales ? Comment dépasser les formes classiques du débat public ? Quid des formes d'expérimentation collective du type living labs… ?


BIBLIOGRAPHIE :

• Barazzetti G., Kaufmann A. (2022), "Consentir, participer, gouverner : la santé personnalisée dans le miroir des biobanques", in Clarizio E., Cherici C., Dupont J.-C., Guchet X., Herpe Y.-E. [Éd.], Conserver le vivant : Les biobanques face au défi de la médecine personnalisée, Éditions Matériologiques, p. 235–54.
• Bourg D., Joly P.-B., Kaufmann A. [dir.] (2013), Du risque à la menace. Penser la catastrophe, Colloque de Cerisy, Presses universitaires de France.
• Bourg D., Kaufmann A., Méda D. [dir.] (2016), L'âge de la transition. En route pour la reconversion écologique, Colloque de Cerisy, Les Petits Matins / Insititut Veblen.
• Goulet F., Caron F., Hubert B., Joly P.-B. [dir.] (2022), Sciences, techniques et agricultures. Gouverner pour transformer, Colloque de Cerisy, Presses des Mines.
• Joly P.-B., Barbier M., Turnheim B. (2022), "Gouverner l'arrêt des grands systèmes sociotechniques", in Goulet F., Vinck D. [Éds.], Faire sans, Faire Avec Moins. Les Nouveaux Horizons de l'innovation, Presses des Mines.
• Joly P.-B., Gaunand A., Colinet L., Larédo P., Lemarié S., Matt M. (2015-), "ASIRPA - A comprehensive theory-based approach to assessing the societal impact of research organization", Research Evaluation, Volume 24, 4, p.440-453.
• Kaufmann A. (2010), "Démocratisation des choix scientifiques et techniques et refondation écologique", in Bourg D., Papaux A. [dir.], Vers une société sobre et désirable, Paris, Presses universitaires de France, Coll. 2d2i, p. 364-391.
• Moreau Y., Kaufmann A. (2018), "Habiter terrestre, hospitalité terrienne : faire mondes avec les fictions, les non-humains et les non-modernes", in Augendre M., Llored J.-P., Nussaume Y. [dir.], La mésologie, un autre paradigme pour l'Anthropocène. Autour et en présence d'Augustin Berque, Colloque de Cerisy, Hermann, p. 133-144.


SOUTIENS :

• Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe)
• Université de Lausanne (UNIL)
• Institut de recherche pour le développement (IRD)
• Organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes (Cirad)
• Institut Francilien Recherche, Innovation et Société (IFRIS)
• Centre de recherche risques et vulnérabilités (CERREV) | Université de Caen Normandie

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


COMPRENDRE LA ROUTE :

ENTRE IMAGINAIRES, SENS ET INNOVATIONS


DU VENDREDI 8 SEPTEMBRE (19 H) AU JEUDI 14 SEPTEMBRE (14 H) 2023

[ colloque de 6 jours ]



PRÉSENTATION VIDÉO :


ARGUMENT :

Ce colloque abordera la route, à la fois comme vecteur de mobilité et d'échange et en tant qu'objet commun et universel. À l'heure de la transition écologique, où la mobilité doit se réinventer, quelle place garde la route ? Autrefois perçue comme un moyen éminent pour le développement des espaces, pour la promotion de la liberté des individus et comme support de l'innovation technologique, la route est aujourd'hui contestée. Souvent représentée au cinéma, en photographie ou en littérature, la route est un lieu de conflits politiques et sociaux, mais également d'empathie.

Réunissant experts, spécialistes et artistes, ce colloque tentera d'en montrer toutes les facettes, entre imaginaires, appropriations, sens et innovations. L'écrivain Aurélien Bellanger, et l'historienne médiologue Catherine Bertho-Lavenir, ont accepté d'en être les grands témoins.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 8 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Samedi 9 septembre
LA ROUTE AU CŒUR DU PATRIMOINE FRANÇAIS
Matin
Ouverture : Que nous dit la route aujourd'hui ? Pourquoi la route ?
Le XXe siècle a vu l'essor de l'automobilisme et de la route comme moyen d'échanges, puis les sociétés occidentales ont assisté au lent déclin de l'investissement collectif dans cette infrastructure aux mille nuances. Aujourd'hui, pourtant, à l'heure où la décarbonation des transports est nécessaire, la route apparaît comme un vecteur de solutions utiles et innovantes. Quelle image la route a-t-elle aujourd'hui ? Quels usages lui seront-ils réservés demain ?
Mathieu FLONNEAU & Frédéric MONLOUIS-FÉLICITÉ
Grands témoins : Aurélien BELLANGER et Catherine BERTHO-LAVENIR

La route, un territoire au présent | Animateur : Mathieu FLONNEAU
Depuis la création des Ponts et Chaussées jusqu'aux projets d'autoroute bas-carbone, la route est indissociable de l'histoire de l'aménagement du territoire français. Adossée à la notion de patrimoine, la route donne à voir des paysages, des lieux, des monuments. Elle s'inscrit donc dans la longue histoire de la technique et du changement de pratiques des hommes. L'automobilisme en demeure le vecteur de développement indissociable.
Jean-Marc OFFNER : Tenir la route ? Un impensé urbanistique contemporain [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Après-midi
Introduction par Dominique BOURG : Une planète en voie de rétrécissement [visioconférence]

Table ronde : Prix et valeurs de la route | Animateur : Vincent LE ROUZIC
Outil de désenclavement, axe rapide de mobilité, facilitateur d'échanges… la route et la vitesse de déplacement qu'elle permet ont un impact fort sur le développement des territoires, leurs emplois et leur intégration au reste de l'économie nationale. Pourtant, la route est aussi un espace d'inégalités, d'opposition politique et de crispations sociales. Quelles valeurs sont attribuées à la route ? Valeur économique certes, mais quelle valeur sociale, identitaire, ou territoriale, lui donner ?
Yves CROZET : La route à l'épreuve de nouvelles valeurs
Emma-Sophie MOURET : Que se passe-t-il lorsqu'une route ferme ?

Conclusion de la journée : vernissage d'une exposition des photographies de Nicolas Salvi et accrochage d'une sélection des couvertures de Roaditude
Cette exposition photographique constitue le fil rouge du colloque. En représentant la route et sa valeur patrimoniale française, elle illustre les différentes formes qu'une route peut prendre ainsi que les paysages et lieux qu'elle façonne.
Laurent PITTET [Rédacteur en chef de la revue Roaditude]
Nicolas SALVI [Photographe]


Dimanche 10 septembre
LA BATAILLE DE LA ROUTE
Matin
La route face aux défis environnementaux
Biodiversité, artificialisation des sols, pollution des milieux naturels, les raisons pour ne plus penser la route semblent nombreuses. Et la réglementation se resserre autour de l'extension du réseau routier, et son impact sur l'environnement. À l'heure où le transport et surtout l'automobile constituent une importante source d'émission de CO2, la route n'est-elle pas menacée ?
Arnaud PASSALACQUA : La route au cœur des tensions écologiques entre mobile et immobile. Faire enfin la paix après la bataille de la vitesse ? [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Table ronde | Animatrice : Céline ACHARIAN [Directrice générale, La Fabrique de la Cité]
Aurélien BIGO : Les transports face au défi de la transition énergétique
Patrice GEOFFRON : Peut-on imaginer une autoroute décarbonée ?
André BROTO : Le cas des déplacements du quotidien longs et le potentiel des lignes de car express
Julien GUEZ [Directeur général, Fédération nationale des travaux publics (FNTP)]

Après-midi
Table ronde : La route : un vecteur d'innovation pour les mobilités | Animateur : Pascal GRISET [Historien de l'innovation et des techniques]
Route à induction, bornes de recharges ultra-rapides, poids-lourds et caténaires, covoiturage, péage sans barrières, production d'énergie… La route de demain est un support inépuisable d'innovations. Elle est au cœur du renouvellement des usages et de l'intégration de la mobilité bas-carbone. Elle concentre un dynamisme technique et industriel de pointe. Panorama des innovations routières et technologiques en vue de la décarbonation des mobilités routères.
Jean-Pierre ORFEUIL [Spécialiste des mobilités]
Bernard JACOB : Routes du futur et électriques
Jean-Pierre PASERI [Président de Routes de France]
Angèle LE PRIGENT : Des routes à plusieurs vitesses : l'intérêt différencié des collectivités territoriales à la reprise du réseau routier national

Veillée : Les autonautes de la cosmoroute (Julio Cortázar et Carol Dunlop, 1983)
Le couple d'écrivains, Julio Cortazar et Carol Dunlop, décident en 1982 de parcourir le trajet Paris-Marseille en minibus. Dormant sur des aires d'autoroutes, ils se savent chacun menacés d'une maladie incurable. Leur journal de bord s'enrichit progressivement de photographies, dessins et rencontres. Le but ? Suspendre le temps malgré les voies rapides et faire face au danger…
Alphonse COULOT [La Fabrique de la Cité]


Lundi 11 septembre
"HORS LES MURS"
Matin
À MUNEVILLE-LE-BINGARD
Visite de la carrière Eurovia et d'un chantier de construction de route

Après-midi
AU CHÂTEAU DE TOCQUEVILLE
Déjeuner introduit par Mathieu FLONNEAU : Les routes de la prospérité : Tocqueville mobile

Table ronde : La route et la critique de l'écologie politique | Animatrice : Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ [Enseignante-chercheur]
La route a été au fondement de la critique des penseurs précurseurs de l'écologie politique. Ivan Illich avançait l'idée que passé un certain seuil, la production de l'industrie des transports coûte à la société plus de temps qu'elle ne lui en épargne. Dans son sillage, André Gorz a dénoncé l'idéologie sociale de la "bagnole". À l'heure où la cause écologique devient structurante dans nos sociétés contemporaines, dans quelle mesure ces représentations critiques de la route sont-elles toujours d'actualité ?
Roman SOLÉ-POMIES : Le souci des routes comme enjeu éthique
Laure RIBEIRO : La reconquête de la rue par les enfants comme renouveau de nos imaginaires et de nos pratiques

Soirée
Projection du documentaire Une route entre nous et commentaire de son réalisateur Jean-Louis ANDRÉ


Mardi 12 septembre
LA ROUTE, UN ESPACE COMMUN ?
Matin
Introduction par Marc FONTECAVE [Professeur au Collège de France, chaire de Chimie des processus biologiques] [visioconférence]

Table ronde : La route et le rond-point, des espaces politiques ? | Animateur : Sylvain ALLEMAND [Journaliste et essayiste]
Infrastructure d'appropriation d'un espace, la route est un vecteur de développement, d'attractivité et de modernisation. Cependant, elle n'est pas sans révéler de puissantes inégalités à l'œuvre dans les territoires : accès et dépendance à la voiture, enclavement de communes et effet tunnel des autoroutes, inégalité centre-périphéries et mobilités pendulaires imposées (domicile-travail), radars, ronds-points et stations-services aux prises des Gilets Jaunes… autant de situations qui placent la route au cœur des enjeux sociaux. Le rond-point est peut-être le plus fort symbole de cette politisation de la route, de son objectivation comme espace d'expression politique.
Pierre-Louis BALLOT : De la route fonctionnelle à la route devenue patrimoine : des enjeux sociaux pluriels de la route
Jean-Clément ULLÈS [Doctorant, géographie et aménagement de l'espace]
Luc GWIAZDZINSKI [Géographe]

Après-midi
Introduction par Jacques LÉVY [Géographe, professeur à l'École Polytechnique de Lausanne] : Route et justice spatiale

Table ronde : La route de ville et la route de champs | Animatrice : Marie DÉGREMONT [Directrice des études, La Fabrique de la Cité]
La route accueille une grande variété de modes de transports et dessert — voire désenclave — de nombreux territoires. Pourtant, elle peut faire désormais figure d'espace d'exclusion. Et en ville ou en espace rural, les impressions comme les réalités sont différentes. En ville, les Zones à Faibles Émissions restreignent désormais l'accès aux véhicules les plus polluants, et le calendrier prévoit d'intensifier la réglementation. La voiture n'y est déjà pas bienvenue depuis plusieurs années et de nombreux modes alternatifs existent. En revanche, les espaces peu denses ont peu de solutions de transport quotidien, et la route reste incontournable, y compris pour accéder aux métropoles. Dès lors, devons-nous craindre une nouvelle frontière entre espaces urbains et espaces ruraux ? Longtemps associée aux grands espaces, au voyage et à la liberté, quelle place peut prendre désormais la route dans cette révolution des mobilités ? Est-elle le vestige d'un monde rural sans solution alternative de mobilité ?
Étienne FAUGIER [Historien spécialiste du tourisme et de la mobilité]
Nathalie ROSEAU [Architecte et Directrice de recherche au LATTS]
Marc DESPORTES [Historien et auteur de Paysages en mouvement. Transport et perception de l'espace, XVIIIe-XXe siècles]


Mercredi 13 septembre
LES IMAGINAIRES DE LA ROUTE
Matin
"Marcel Proust, Julien Gracq et la route" | Dialogue entre Aurélien BELLANGER et Mathieu FLONNEAU

Table ronde | Animateur : Alphonse COULOT [La Fabrique de la Cité]
Stéphane NICOLAS : L'Aventure Michelin. Comment Michelin a-t-il transformé la perception du territoire ?
Charline & Marie-Émilie PORRONE : Le fil conducteur / Échappées
Georges AMAR : "En avant, route !". La prospective, l'ingénieur et les poètes

Après-midi
Introduction par Dan MARRIOTT [Fondateur de l'association internationale Preserving the historic road] [visioconférence]

Table ronde : Équipements et esthétique de la route | Animateur : Frédéric MONLOUIS-FÉLICITÉ
Et si l'objet "route" était, en lui-même, riche d'une valeur esthétique ? Ponts, tunnels, courbes et lignes à perte de vue : de nombreuses routes sont devenues mythiques, comme la route 66 et son infinie ligne droite américaine, les routes escarpées des Alpes, ou la route Napoléon, en Provence. Derrière ce tracé naturel et net se loge à chaque fois un savoir-faire technique et industriel qu'on ne soupçonne pas. L'appellation d'ouvrage d'art qui désigne une construction remarquable par sa taille ou sa technique révèle toute une esthétique routière bien souvent ignorée.
Éric ALONZO : La beauté de la route en elle-même
Julien VICK [Délégué général du Syndicat des Équipements de la Route]
Laurent PITTET : Le Beau routier en perspective

Soirée
Montrer la route
Isabelle INGOLD [Réalisatrice du documentaire Des jours et des nuits sur l'aire]


Jeudi 14 septembre
Matin
Rapports d'étonnement des doctorants à l'écoute du colloque, par Angèle LE PRIGENT, Emma-Sophie MOURET, Roman SOLÉ-POMIES et Jean-Clément ULLÈS

Conclusion du colloque par les grands témoins : Aurélien BELLANGER et Catherine BERTHO-LAVENIR

Discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


TÉMOIGNAGES :

Une seconde fois sur la route menant à Cerisy. Rencontre avec Marie DÉGREMONT, propos recueillis par Sylvain ALLEMAND.


PRESSE / MÉDIAS :

Projet "Comprendre la route : entre imaginaires, sens et innovations", Compte-rendu en ligne sur le site de La Fabrique de la Cité.

Quelle est la place de la route dans nos sociétés ?, Édition spécial du podcast Mobility Stories (1/4), avec la participation de Mathieu FLONNEAU, Aurélien BELLANGER et Catherine BERTHO-LAVENIR | Réalisation : Antoine PERRIN (journaliste/animateur, Movin'On/L'Express) | Mise en ligne : 27/09/2023.

Va-t-on réussir à partager la route ?, Édition spécial du podcast Mobility Stories (2/4), avec la participation d'Yves CROZET, Emma-Sophie MOURET et Jacques LÉVY | Réalisation : Antoine PERRIN (journaliste/animateur, Movin'On/L'Express) | Mise en ligne : 27/09/2023.

Sommes-nous arrivés au bout de la route ?, Édition spécial du podcast Mobility Stories, (3/4), avec la participation de Julien GUEZ, Aurélien BIGO et Dominique BOURG | Réalisation : Antoine PERRIN (journaliste/animateur, Movin'On/L'Express) | Mise en ligne : 27/09/2023.

La route du futur, c’est comment ?, Édition spécial du podcast Mobility Stories, (4/4), avec la participation de Pierre COPPEY, Bernard JACOB et Julien VICK | Réalisation : Antoine PERRIN (journaliste/animateur, Movin'On/L'Express) | Mise en ligne : 27/09/2023.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Mathieu FLONNEAU
Mathieu Flonneau est historien, agrégé et docteur en histoire, enseignant-chercheur, maître de conférences à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il dirige depuis 2017 l'Institut AES de l'École de Droit de la Sorbonne. Spécialiste d'histoire urbaine et des mobilités depuis sa thèse de doctorat sur L'automobile à la conquête de Paris. Formes urbaines, champs politique et représentations (2002), il travaille sur les questions liées à la culture et à civilisation routière dans une perspective internationale. Membre du Mobility History Group né en 1999, il comptait en 2003 parmi les membres fondateurs de l'association internationale T2M, Traffic&Transport to Mobility qu'il a présidé entre 2017 et 2020.
Bibliographie indicative
Défense et illustration d'un automobilisme républicain, Descartes&Cie, 2014.
Métropoles mobiles, Défis institutionnels et politiques de la mobilité dans les métropoles françaises, co-direction, Presses universitaires de Rennes, 2021.
En tous sens ! Circuler, partager, sécuriser. Une histoire des équipements de la route, Éditions Loubatières, 2022.

Frédéric MONLOUIS-FÉLICITÉ
Frédéric Monlouis-Félicité a débuté sa carrière en tant qu'officier, avant de rejoindre le monde de l'entreprise en 2002. Il a dirigé pendant six ans l'Institut de l'entreprise, think tank consacré aux questions économiques et sociales. Entre 2019 et 2023, il a été conseiller du président de VINCI Autoroutes, en charge de la prospective et des affaires publiques. Diplômé de l'École Spéciale Militaire de Saint-Cyr et titulaire d'un MBA de l'INSEAD, il est ancien auditeur de l'IHEDN.
Bibliographie indicative
La Guerre des générations aura-t-elle lieu ?, Éditions Les Belles Lettres, octobre 2022.
"Les grandes entreprises et la politique étrangère française", in Notre intérêt national, Thierry de Montbrial, Thomas Gomart (dir.), Éditions Odile Jacob, janvier 2017.
Le temps de l'action, les enjeux de l'élection présidentielle 2017, Institut de l'entreprise, décembre 2016.
Les grandes entreprises en France, je t'aime moi non plus, en collaboration avec McKinsey, octobre 2015.


Éric ALONZO
Éric Alonzo est architecte, professeur à l'École d'architecture de la ville & des territoires Paris-Est, Université Gustave Eiffel, où il codirige le post-master d'architecte-urbaniste. Chercheur au laboratoire OCS/AUSser (UMR 3329 du CNRS), il a fondé avec Sébastien Marot la publication Marnes, documents d'architecture. Il est l'auteur de Du rond-point au giratoire (Parenthèses, 2005) et de L'Architecture de la voie. Histoire et théories (Parenthèses, 2018). Il est par ailleurs membre de la Mission régionale d'autorité environnementale d'Île-de-France.

Pierre-Louis BALLOT
Pierre-Louis Ballot est ingénieur de recherche à l'université de Tours, au sein de l'UMR Citeres, et chercheur associé à l'UMR Passages. Ses recherches portent, d'une part, sur les liens mobilité-territorialité, et, d'autre part, sur les processus de construction patrimoniale. Sa thèse, soutenue en 2020 à l'université Grenoble Alpes, a porté sur les constructions patrimoniales et les territorialités mobiles de la route nationale 7 (Paris-Menton). Il coordonne actuellement un ouvrage collectif intitulé Les sens de la route (à paraître à UGA Éditions), consacré à l'histoire de la route ainsi qu'à ses enjeux passés, actuels et futurs.

Dominique BOURG : Une planète en voie de rétrécissement
L'idée selon laquelle l'habitabilité de la Terre était vouée à une péjoration et à une réduction physique s'est imposée depuis une dizaine d'années au moins. Des études concernant la distribution régionale des populations humaines en fonction de la variation de la température moyenne, la meilleure compréhension d'un phénomène extrême comme la chaleur humide, ont récemment permis de préciser nos connaissances quant à l'altération et la réduction de la niche humaine. Nous rappellerons le contenu de ces connaissances qui ne nous renvoient nullement à la fin du siècle. Nous en tirerons quelques conséquences quant à l'imaginaire de la route, tout en situant ces perspectives dans un contexte plus large.

Dominique Bourg est philosophe, professeur honoraire, Université de Lausanne. Il dirige aux Puf trois collections et la revue en ligne La Pensée écologique. Appartenance à la CFDD, Commission Coppens, CNDD, Grenelle de l'environnement, etc. ; Conseils scientifiques : Ademe (2004-2006), Fondation pour la Nature et l'Homme (1998-2018 ; Paris) ; Organe de prospective de l'État de Vaud (2008-2017) ; Fondation Zoein (Genève). Domaines de recherche : aspects politiques, économiques, écologiques et métaphysiques de la durabilité, risques et principe de précaution, démocratie écologique.
Publications récentes
Nouvelle Terre, réédition Puf-Quadrige, 2022 (2018).
Le Marché contre l'humanité, Puf, 2019.
Primauté du vivant. Essai sur le pensable, Puf, 2021, avec Sophie Swaton.
Devenir du climat, livre audio de 3 CD avec Jean Jouzel et Hervé Le Treut (Climat. Une enquête de la revue La Pensée écologique, Puf, 2023).
Science et prudence. Du réductionnisme et autres erreurs par gros temps écologique, Puf, 2022, avec Nicolas Bouleau.
À paraître : Au cœur des années affreuses, sales et méchantes. Journal éco-philosophique, Puf, septembre 2023.

André BROTO
André Broto est ingénieur diplômé de l'École Polytechnique, il a passé la majeure partie de sa carrière dans les sociétés d'autoroute (Cofiroute puis Vinci Autoroutes) en tant que directeur en charge le maitrise d'ouvrage puis directeur en charge de la prospective et de la stratégie. En retraite depuis 2021, il est actuellement coordonnateur du "thème stratégique mobilité" à l'Association mondiale de la route, et membre du conseil scientifique de TDIE.
Publication
Transports, les oubliés de la République, Eyrolles, 2022.

Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ
Sabine Chardonnet-Darmaillacq est architecte dplg et docteure en urbanisme et dynamique des territoires, récemment retraitée de l'enseignement de l'architecture, elle est chercheure du Laboratoire ACS de l'ENSA Paris Malaquais. Elle est membre du groupe thématique MUP au sein du Labex Futurs Urbains de l'université Gustave Eiffel. Elle participe au projet interdisciplinaire "Ville Vivante" et à la Chaire "Ville Métabolisme" au sein de l'université Paris Sciences et Lettres.
Publications liées à des colloques de Cerisy
Villes et territoires résilients, Actes du colloque de Cerisy 2017 (co-direction), Hermann Éditeurs, 2020.
"La vi(ll)e à l'envers / Ville et résilience à l'ère Covid", in Villes et territoires résilients, Actes du colloque de Cerisy 2017 (co-direction), pp. 404-442, Hermann Éditeurs, 2020.
Le génie de la marche, Actes du colloque de Cerisy 2012 (co-direction), Hermann Éditeurs, 2016.
"La ville mobile au prisme de la marche", in Le génie de la marche, Actes du colloque de Cerisy 2012 (co-direction), pp. 186-207, Hermann Éditeurs, 2016.

Étienne FAUGIER
Étienne Faugier est historien, maître de conférences au département tourisme de l'université Lumière Lyon II. Il est vice-doyen de l'UFR Temps et Territoires et membre du laboratoire d'études rurales. Depuis 2022-2023, il enseigne à l'École des Ponts au sein du Master Transport et Développement durable. Ses travaux traitent des transports et des mobilités et du tourisme en France et au Canada. Il est président de l'Association Passé-Présent-Mobilité et membre de l'association Rail et histoire.
Bibliographie
""Autophobie" et anti-automobilisme : contestations motorisées dans les espaces ruraux européens (fin XIXe-1950s)", Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe (EHNE) [en ligne], mis en ligne le 08/01/23.
Avec Louis BALDASSERONI, Claire PELGRIMS (dir.), Histoire des transports et des mobilités : France, XIXe-XXe siècles, Paris, Armand Colin, 2022.
"Dépendance automobile ? Liberté automobile ? L'automobilisme dans le monde rural, XIXe-XXIe siècles", dans Yoann DEMOLI (dir.), Peut-on se passer de la voiture hors des centres urbains ?, Gif-sur-Yvette, Éditions Maison des Sciences de l'Homme Paris-Saclay, 2021, p.19-35.

Luc GWIAZDZINSKI
Luc Gwiazdzinski est docteur en géographie, Professeur à l'ENSA Toulouse et chercheur au LRA. Ses travaux portent notamment sur les mobilités, les temporalités et les mobilisations territoriales. Il a publié une quinzaine d'ouvrages parmi lesquels : Si la route m'était contée. Un autre regard sur la route et les mobilités durables, Éditions d'organisation, 2007 et Sur la vague jaune. L'utopie d'un rond-point, Elya, 2020.

Bernard JACOB : Routes du futur et électriques
La route a fortement évolué au fil du temps. Cinq générations de routes ont été définies : (1) le chemin muletier de l'antiquité, (2) la route romaine pavée, (3) la route revêtue (asphaltée), (4) l'autoroute, et (5) la route intelligente ou dite R5G (route de 5e génération). Cette dernière est instrumentée, connectée, interactive, auto-réparatrice, voire productrice ou convective d'énergie. La décarbonation des transports routiers passe par leur électrification. Toutefois l'électricité, qui se transporte aisément, ne se stocke que difficilement. Les véhicules électriques alimentés par leurs seules batteries sont soumis à des limites fortes, de poids, de volume, de coût, d'autonomie, et la quantité de batteries à produire et recycler va se heurter à des problèmes de disponibilité des matières premières, d'énergie et de prix. La route électrique (ERS, Electric Road System) est une solution innovante et en rupture, adoptée il y a plus d'un siècle dans le monde ferroviaire et des transports guidés (tramways, métros, trolleybus), et qui présente de nombreux avantages, y compris pour la route. Trois technologies sont actuellement à l'étude et en cours d'expérimentation : (i) la conduction aérienne par caténaires, (ii) la conduction par le sol avec rail, et (iii) l'induction. Ces technologies ont chacune leurs points forts et faibles, voire leur domaine d'application. Toutes permettent une réduction de plus de 85% des émissions de carbone pour l'ensemble du cycle de vie par rapport aux carburant fossiles actuels, contre 50 à 65% pour les autres technologies (biofuels, batteries seules, hydrogène) et des coûts d'exploitation des véhicules (TCO, Total Cost of Operation) similaires à ceux d'aujourd’hui (contre des surcoûts de 40 à 200% pour les batteries seules ou l'hydrogène). Les perspectives de la route électrique, scénarios de déploiement et intérêt de chaque technologie seront présentés. En complément, une ouverture sera faite sur la route de 5e génération et ses divers aspects, et sur l'évolution des ponts, notamment les structures récentes et les ponts connectés.

Bernard Jacob, diplômé de l'École Polytechnique et de l'École Nationale des Ponts et Chaussées, a mené une carrière d'ingénieur-chercheur, au Service d'Étude Technique des Routes et Autoroutes (SETRA), au Laboratoire Central des Ponts et Chaussées (LCPC), puis à l'Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Réseaux (IFSTTAR), et actuellement à l'université Gustave Eiffel. Il a travaillé sur le dimensionnement, la fatigue et la sécurité des ponts et de leurs charges, le pesage en marche des poids lourds et les interactions poids lourds infrastructures, sur la sécurité routière et l'exploitation de la route, et dans les dernières années sur la décarbonation du transport routier et notamment la route électrique.

Angèle LE PRIGENT
Angèle Le Prigent est doctorante en science politique au Laboratoire Arènes à l'université de Rennes. Sa thèse porte sur la trajectoire d'évolution différenciée du réseau routier national non concédé à partir d'une comparaison entre la Bretagne et l'Occitanie. Elle mène également une mission cartographique au sein de la Direction Interdépartementale des Routes Ouest, financeuse de l'action de recherche.

Jean-Marc OFFNER : Tenir la route ? Un impensé urbanistique contemporain
Comment la route et la rue ont-elles pu disparaître de la réflexion comme de la pratique des aménageurs ? Et ce alors que les réseaux viaires organisent depuis des siècles les territoires ; alors que l'inventeur de l'urbanisme, Cerdà, y voit la recherche de l'articulation entre le mouvement et la sédentarité. Les critiques à l'égard de la civilisation automobile, en partie fondées mais souvent injustes, ont invisibilisé la route comme infrastructure intermodale et la rue comme espace de circulation (pas uniquement espace public). La théorie des réseaux aide penser à nouveaux frais la route. L'infrastructure est un support pour de multiples services, dont la coordination suppose l'existence d'un opérateur de réseau, en l'occurrence une autorité organisatrice de l'exploitation des routes.

Jean-Marc Offner est président de l'École urbaine de Sciences Po. Il a dirigé l'agence d'urbanisme Bordeaux Aquitaine. Il a été formé à la fois à l'ingénierie urbaine et aux sciences sociales. Il s'intéresse à la planification territoriale et aux services en réseaux, à la gouvernance locale et aux relations entre expertises et décisions, à la mobilité et aux modes de vie. Il a publié Anachronismes urbains, Presses de Sciences Po, 2020.

Arnaud PASSALACQUA : La route au cœur des tensions écologiques entre mobile et immobile. Faire enfin la paix après la bataille de la vitesse ?
La route est à la fois le support permettant des déplacements variés et un objet fixe, présent matériellement dans son cadre géographique et immatériellement dans nos esprits et nos récits. Alors que les formes dominantes des déplacements qu'elle accueille sont devenues intenables du point de vue écologique, tandis que l'insertion des infrastructures dans leur environnement est une préoccupation croissante, les tensions se combinent pour remettre en cause le mobile comme l'immobile. Ce qui fait sens puisque cette dialectique entre mobile et immobile est le moteur d'une vitesse qui est à l'origine de nombre de ces problématiques. Dès lors, l'horizon possible n'est-il pas justement de repenser cette tension pour recombiner ce qu'est et ce que porte la route afin d'en faire l'un des jalons déjà présents de la construction d'un nouveau territoire, en adéquation par ses objets comme par ses imaginaires avec les limites enfin assumées du monde ?

Arnaud Passalacqua est historien, professeur en aménagement de l'espace et urbanisme à l'École d'urbanisme de Paris (Lab'urba/LIED). Ses travaux portent sur les transports et les mobilités dans la longue durée. Ils utilisent des perspectives transversales pour proposer une compréhension des enjeux contemporains fondés sur le temps long : espace public, circulation transnationale, innovation… Il travaille également sur des questions énergétiques, en lien avec les mobilités, notamment l'enjeu du rationnement fondé sur le carbone. Il a été membre de la commission particulière du débat public chargé du débat sur les parcs éoliens en mer au large de la Nouvelle Aquitaine.

Laurent PITTET
Né en Suisse, Laurent Pittet vit et travaille sur les rives du Léman, entre Genève et Lausanne. Titulaire d'une licence en lettres modernes (Université de Genève, Bruxelles et Philadelphie) et d'un diplôme de conseiller en communication, il mène une carrière de consultant. Parallèlement, il a fondé, en 2016, une maison d'édition, Double ligne Sàrl, basée à Genève et dédiée aux thèmes de la route, du voyage et de l'itinérance. Double ligne propose une revue internationale Roaditude, culture de la route (parution deux fois l'an), ainsi que deux collections, "Figures de l'itinérance" (essais biographiques) et "Récits en route" (fictions).

Charline & Marie-Émilie PORRONE
Comédienne et metteuse en scène, Charline Porrone a cofondé la Compagnie la Piccola Familia et joué dans la plupart des spectacles mis en scène par Thomas Jolly, notamment, "Arlequin, poli par l'amour de Marivaux", TOA de Sacha Guitry, Henry VI et Richard III de W. Shakespeare. En mise en scène, elle a créé des formes théâtrales légères l'"Affaire Richard", "Cassandre", "Une nuit chez Buzzati" destinées à être jouées en tous lieux ainsi que "Les Troyennes de Sénèque". Comédienne permanente au Centre dramatique national d'Angers - Pays de la Loire, elle a récemment coécrit et mis en scène le spectacle "Échappées", un road trip théâtral qui traite des rapports de domination, de l'impulsion du partir, de la route et de l'amitié féminine.

À l'issue d'un voyage d'un an en Eurasie, Marie-Émilie Porrone entame son travail d'autrice. Il est d'abord question de voyage, puis très vite c'est la notion de mobilité qui oriente ses recherches. Des rencontres jalonnent son parcours naissant, elle se relie notamment aux travaux de Georges Amar (Ars Mobilis), puis crée la parole singulière d'une voiture pour la pièce de théâtre "Échappées" (mise en scène par Charline Porrone). Elle travaille actuellement sur un projet d'écriture poétique de la route, inspiré notamment des pensées d'Édouard Glissant et Donna Haraway.

Nathalie ROSEAU
Nathalie Roseau est professeure de l'École des Ponts ParisTech et chercheure au Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés. Elle est architecte et ingénieure, docteure et HDR en urbanisme. Privilégiant une perspective historienne, ses recherches portent sur les dynamiques de transformation métropolitaine et la place qu'y occupent les infrastructures, leurs temporalités et leurs représentations. Sa thèse a porté sur l'influence qu'a eue l'aéronautique sur le devenir des villes, de 1909 jusqu'à nos jours (Aerocity, Quand l'avion fait la ville, Parenthèses, 2012). Son habilitation a porté sur le rôle des infrastructures dans les processus d'agrandissement métropolitain (Le futur des métropoles, Temps et infrastructure, Metispresses, 2022). Elle a co-dirigé plusieurs programmes de recherche sur l'histoire de la culture aérienne et la gouvernance des grandes métropoles. Elle est co-fondatrice et co-animatrice (avec Frédéric Pousin) du programme de recherche Inventer le Grand Paris, Histoire croisée des métropoles. Inscrits dans divers projets de recherche (européen, éditorial, interdisciplinaire), ses travaux actuels portent sur les rapports des cultures mobiles et urbaines à l'"Anthropocène".

Roman SOLÉ-POMIES : Le souci des routes comme enjeu éthique
À travers l'histoire, les routes ont été façonnées par les transformations de la mobilité ; elles ont aussi été analysées comme des matérialisations du pouvoir étatique moderne. Mais les voiries que nous empruntons chaque jour, près desquelles nous vivons, tiennent-elles toutes seules ? Leur capacité de se fondre dans le décor de notre existence ordinaire fait oublier la complexité de ces agencements techniques, à l'interface du trafic, des réseaux enterrés, des intempéries et de la végétation… or, cette complexité est au principe d'une activité particulière : la maintenance. Enjeu d'action publique par l'allocation des ressources financières, enjeu d'expertise technique par l'optimisation des politiques d'entretien, l'organisation de la maintenance suppose un souci partagé pour la fragilité des infrastructures. En étendant aux choses les apports des théories du soin, les études de maintenance suggèrent que la crise de la sensibilité au vivant que nous connaissons relèverait d’une crise plus générale de la sensibilité à la matière. Dans cette optique, un dialogue avec l'éthique environnementale pourrait se nouer autour d'une conception des routes comme patrimoine à faire durer.

Roman Solé-Pomies est en thèse de doctorat au Centre de sociologie de l'innovation (Mines Paris—PSL), après un diplôme d'ingénieur de l'École des mines de Paris et un master de l'École des hautes études en sciences sociales. Dans une approche inspirée de la sociologie et de l'anthropologie des sciences et des techniques, ses recherches portent sur la mise en problème public de la gestion patrimoniale des infrastructures routières et sur les pratiques de maintenance de la voirie dans les petites collectivités de France métropolitaine.

Jean-Clément ULLÈS
Jean-Clément Ullès est doctorant au Laboratoire de Géographie et d'Aménagement de Montpellier (LAGAM) à l'université Paul Valéry Montpellier 3. Sa thèse porte sur l'adaptation de l'offre intermodale de transport du bassin de mobilité montpelliérain aux nouveaux rythmes urbains dans un contexte de forte dépendance à l'automobile.

Julien VICK
Julien Vick est diplômé de Sciences Po Strasbourg où il a obtenu un Master 2 "Carrières et Action Publiques". Après une première expérience aux États-Unis en tant que Lauréat de la Bourse Fulbright, il débute sa carrière au Sétra (aujourd'hui Cerema) en tant que directeur adjoint du Bureau de Normalisation des Transports, Routes et Aménagements. Il est depuis 10 ans Délégué général du Syndicat des Équipements de la Route (SER), Administrateur de l'Ascquer et de l'Idrrim.


BIBLIOGRAPHIE :

• Amar Georges, Ars Mobilis repenser la mobilité comme un art, FYP Éditions, 2014.
• Aubenas Florence, Gilets jaunes : la révolte des ronds-points, Le Monde, article publié le 15/12/2018.
• Alonzo Éric, Du rond-point au giratoire, Parenthèses éditions, 2005.
• Alonzo Éric, L'architecture de la voie. Histoire et théories, Parenthèses éditions, 2018.
• Begout Bruce, L'obsolescence des ruines, Éditions Incultes, 2022.
• Bellanger Aurélien, Grand Paris, Gallimard, 2017.
• Bertho-Lavenir Catherine, La Roue et le stylo. Comment nous sommes devenus touristes, O. Jacob, 1999.
• Bourg Dominique, Kaufmann Alain, Méda Dominique, L’âge de la transition. En route pour la reconversion écologique, Colloque de Cerisy, Éditions Les petits matins / Institut Veblen, 2016.
• Broto André, Transports, les oubliés de la République, Eyrolles, 2022.
• Cassély Jean-Laurent, Fourquet Jérôme, La France sous nos yeux. Économie, paysages, nouveaux modes de vie, Seuil, 2021.
• Cortazar Julio, Dunlop Carol, Les Autonautes de la cosmoroute, Gallimard, 1983.
• Crawford Matthew, Why we drive : toward a philosophy of the Open Road (Prendre la route : une philosophie de la conduite), William Morrow, 2020.
• Crozet Yves, Économie de la vitesse : Ivan Illich Revisité, Scop-Alternatives Économiques, 2017.
• Debray Régis et alii, Les Cahiers de médiologie, Qu'est-ce qu’une route ?, Gallimard, 1996.
• Desjardins Xavier, Urbanisme et mobilité : de nouvelles pistes pour l'action, Éditions de la Sorbonne, 2017.
• Desportes Marc, Paysages en mouvement, Gallimard, 2005.
• Faugier Étienne, Les mobilités automobiles, XIXe-XXIe siècles : les usagers sont-ils encore au volant ?, Éditions Mare & Martin, 2020.
• Faugier Étienne et alii, Histoire des transports et des mobilités en France, Armand Colin, 2022.
• Flonneau Mathieu, En tous sens : circuler, partager, sécuriser. Une histoire des équipements de la route, Loubatières Éditions, 2022.
• Flonneau Mathieu, Les cultures du volant. Essai sur les mondes de l'automobilisme, Autrement, 2008.
• Flonneau, Mathieu, avec Faugier Étienne, "Les mobilités urbaines et rurales ; complémentarités, divergences, ignorance, XIXe-XXIe sicèles" (p. 163-177) et postface, "La mobilité en histoire : portée d'un nouveau paradigme" (p. 219-222), in Histoire des transports et des mobilités en France, Armand Colin, 2022.
• Gwiazdzinski Luc, Sur la vague jaune : l'utopie d'un rond-point, Elya Éditions, 2019.
• Kerouac Jack, Sur la route, Gallimard, 1957.
• Marriott Dan, From Milestones to Mile-markers : understanding Historic roads, National Trust for Historic Preservation, 2004.
• Marriott Dan, Saving Historic Roads : Design and Policy Guidelines, John Wiley and Sons, 1998.
• Offner Jean-Marc, Anachronisme urbains, Presses de SciencesPo, 2020.
• Orfeuil Jean-Pierre, Transports collectifs : après quatre décennies prodigieuses, inventer un nouvel avenir, Tous Urbains, 2015.
• Passalacqua Arnaud, La bataille de la route, Descartes et Cie, 2010.
• Picon Antoine, L'art de l'ingénieur : constructeur, entrepreneur, inventeur, Éditions du Centre Pompidou, 1999.
• Picon Antoine et alii, De l'espace au territoire. L'aménagement en France, Revue d'Histoire Vingtième Siècle 3 (n°59), 1998.
• Picon Antoine, Smart cities : théories et critique d'un idéal auto-réalisateur, Éditions B2, 2013.
• Proust Marcel, Impressions de route en automobile, Le Figaro, 1907.
• Roseau Nathalie, Le futur des métropoles, Temps et infrastructure, Metispresses, 2022.
• Rapetti Rodolphe, Vitesse, RMN éditions, 2021.
• Scapino Julie et alii, Dictionnaire pluriel de la marche en ville, L'œil d'or, 2021.
• Thoret Jean-Baptiste, Road-movie, USA, Hoëbeke éditions, 2011.
• Zeller Thomas, Consuming Landscape, what we see when we drive and why it matters, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2022.


SOUTIENS :

La Fabrique de la Cité
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
• Association Passé-Présent-Mobilité (P2M)
• Sorbonne, Identités, relations internationales et civilisations de l'Europe (Sirice) - CNRS UMR 8138
• Syndicat Des Équipements de la Route (SER)
• Union Routière de France (URF)
• Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP)
Routes de France

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


OÙ SONT LES TECHNOLOGIES D'AVENIR ?

1. DE SIMONDON À LA SCIENCE-FICTION


DU MERCREDI 30 AOÛT (19 H) AU MARDI 5 SEPTEMBRE (14 H) 2023

[ colloque de 6 jours ]



ARGUMENT :

En 1983, le philosophe Gilbert Simondon estimait que "La technologie approfondie doit apprendre non seulement à inventer du nouveau, mais à réinsérer l'ancien et à le réactualiser pour en faire un présent sous l'appel de l'avenir". Quarante ans plus tard, tout ceux qui réfléchissent à l'avenir de notre civilisation en conviennent : les technologies qui pourront relever les défis matériels, énergétiques, informationnels et environnementaux ne correspondent pas forcément aux promesses futuristes des innovations accélérées récentes ; ce sont celles qui fondent un avenir moins éphémère pour les vivants et les machines dans leurs milieux intriqués.

La pensée contemporaine doit concevoir cet avenir en faisant appel à la convergence de multiples disciplines et en surmontant la désorientation actuelle qui résulte de l'abandon des représentations linéaires du progrès technique : des technologies dominantes préemptent la vision du futur alors qu'elles sont des "zombies" (elles sont mortes au regard des exigences de la survie de l'espèce), tandis que d'autres, négligées, oubliées ou enfouies dans des traditions locales, possèdent sans doute de plus grands potentiels.

D'où cette interrogation : Où sont les technologies d'avenir ?

De la philosophie des techniques à la science-fiction, en passant par l'histoire, la physique, les méthodologies de la conception, l'architecture ou la prospective éco-technologique, ce colloque interrogera ce qui définit une technologie d'avenir. De façon à la fois spéculative et concrète, nous approfondirons des enjeux tels que la redéfinition des obsolescences en fonction des échelles, l'étude des couplages et découplages entre les technologies et leurs milieux associés, les implications de "l'écotechnologie", la réflexion sur les affects technologiques, l'opportunité de stratégies de bifurcation et les orientations technopolitiques à privilégier pour l'avenir.

À l'ère de la coexistence des flux massifs d'information, des crises énergétiques, sanitaires et militaires, et des dérèglements climatiques, la réflexion technologique se doit d'élaborer de nouveaux critères pour penser le progrès dans toutes ses dimensions, pour dépasser l'addiction à la puissance, et pour inventer la "Right Tech" qui réponde à l'appel de l'avenir.


MOTS-CLÉS :

Bifurcation, Écotechnologie, Right Tech, Science-fiction, Simondon (Gilbert)


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 30 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 31 août
OBSOLESCENCES ET ÉCHELLES
Matin
Vincent BONTEMS : Le progrès sans la croissance ? Comparaison et interaction des lignées techniques et biologiques | Communication établie avec le concours de Silvia de Cesare (Université de Genève) [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Vincent LARIVIÈRE : L'évolution de la technologie vue par la bibliométrie

Après-midi
Giovanni CARROZZINI : L'objet technique est-il obsolescent ? Sur la réutilisation avec et au-delà de Simondon [visioconférence]
Florence HACHEZ-LEROY : L'héritage technologique, source d'avenir ?
José HALLOY : Quels critères scientifiques et techniques pour inventer des technologies d'avenir de très longue durée ?


Vendredi 1er septembre
COUPLAGES ET DÉCOUPLAGES
Matin
Jérôme LAFORCADE : Les contradictions de couplage
François BONTEMS : Le vaccin comme technologie de couplage

Après-midi
Élie CHEVIGNARD & Jacques JACOT : Archéologie d'une transition numérique : le quartz dans l'Arc Horloger
Sébastien BOURBONNAIS : Lorsque les architectes rencontrent les technologies numériques
Vincent MINIER : Virtualité des technologies de l'éducation

Soirée
Farah KHELIL : Les Plateaux


Samedi 2 septembre
ÉCOTECHNOLOGIES (PLANÉTOLOGIE)
Matin
Roland LEHOUCQ & Vincent BONTEMS : Quelles technologies pour les Fremen ?
Jean-Hugues BARTHÉLÉMY & Ludovic DUHEM : Pour une éco-technologie. Penser par-delà techno-solutionnisme et écologisme technophobe

Après-midi
DÉTENTE


Dimanche 3 septembre
AFFECTS TECHNOLOGIQUES
Matin
Frédéric PASCAL & Cléo COLLOMB : La technologie délicate des implants cochléaires : l'image sensorielle en question
Catarina POMBO NABAIS : Tatouages technologiques et science-fiction

Après-midi
Dai LI : Qi 器• Wei 味 — la "technologie olfactive"
Anaïs NONY : Techniques de l'âme et technologie de l'esprit
Maria BARTHÉLÉMY, René SULTRA & Jean NAYROLLES : CoinS de vue sur l'écriture temporelle des images : l'aspirant, le médiateur et la pythie

Soirée
Technologies terrestres et extraterrestres : une critique depuis les Milieux-Tech, table ronde avec Roland LEHOUCQ, Alexandre MONNIN et Victor PETIT


Lundi 4 septembre
STRATÉGIES DE BIFURCATION
Matin
Pauline PICOT : De l'analogie en éco(techno)logie : le cas de la "technodiversité"
Anne ALOMBERT : Pour une bifurcation organologique : des technologies persuasives aux technologies contributives

Après-midi
Pierre-Marie POUGET : Comment faire en sorte que le progrès scientifique et technique puisse devenir synonyme de progrès humain ?
Vincent BEAUBOIS : De l'intermittence technique
Cléo COLLOMB : Pour une Intelligence Artificielle non-mimétique


Mardi 5 septembre
ORIENTATIONS TECHNOPOLITIQUES
Matin
Jim SCHRUB : Classicisme du numérique et crise écologique moderne : la double écofragmentation comme figure de notre temps
Andrea BARDIN & Marco FERRARI : Technopolitiques, ou penser la politique comme/entre/à travers science et technique

Après-midi
DÉPARTS


RAPPORTS D'ÉTONNEMENT :

Cerisy face aux technologies "zombies", par Philippine COUTAU et Cyril MONETTE


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Vincent BONTEMS : Le progrès sans la croissance ? Comparaison et interaction des lignées techniques et biologiques [communication établie avec le concours de Silvia de Cesare (Université de Genève)]
La question du progrès concerne aussi bien les lignées techniques que les lignées biologiques, avec des problèmes analogues qui se posent dans les deux cas. Du côté des lignées techniques, la mécanologie de Gilbert Simondon met en évidence une évolution vers l'autocorrélation et l'autorégulation des individus techniques qui n'est pas réductible à l'accroissement des performances — l'hypertélie pouvant aussi accroître celles-ci dans un milieu associé donné mais au prix d'une perte de généricité qui rend les individus concernés vulnérables aux variations du milieu. En outre, les critères de progrès sont eux-mêmes relatif à l'échelle d'observation considérée. Si la persistance de la valeur d’avenir des technologies sur la longue durée prime sur la seule mesure du progrès au sein d'une lignée dans un milieu et une période limités, alors ce sont les conditions de l'homéostasie de l'environnement global qui orientent la compréhension de l'autocorrélation et, surtout, de l'autorégulation vers un "principe de moindre puissance" (Bontems, 2021). Cela conduit Simondon à remettre en cause la solidarité du progrès technique et de la croissance du système technique avec la notion de "progrès négatif" (Simondon, 2015), c'est-à-dire d'un progrès qui s'accompagne de la mise en réserve temporaire ou définitive de certaines technologies, pour rendre possible une coexistence durable des lignées techniques et biologiques.

Vincent Bontems, directeur de recherches au CEA, professeur associé à l'INSTN, codirecteur du master Management de la Technologie et de l'Innovation à PSL, directeur de la collection "L'Âne d'or" aux Belles Lettres. Philosophe des sciences et des techniques, spécialiste de Gaston Bachelard et de Gilbert Simondon, il enseigne la philosophie de l'innovation à l'INSTN et à l'Institut Pasteur.
Publications récentes
"Penser l'innovation sur Arrakis", in R. Lehoucq (dir.), Dune. Exploration scientifique et culturelle d'une planète-univers, Le Bélial, 2020.
"Écotechnologie : entre exo-transcendance et rétro-scalabilité. Le principe de moindre puissance d'après Simondon", in J.-H. Barthélémy & L. Duhem (dirs.), Écologie et Technologie. Redéfinir le progrès après Simondon, Éditions Matériologiques, 2022.
Avec C. de Ronde, "Simondon e la meccanica quantistica", err. Scritture dell'imprevisto, 2022.

Christian FAURÉ
Christian Fauré est ingénieur et philosophe, il est Directeur Scientifique de OCTO Technology, une entreprise de conseil et de services numériques.

Roland LEHOUCQ
Roland Lehoucq est astrophysicien au Département d'astrophysique du CEA de Saclay. Il enseigne à Sciences Po Paris (campus du Havre) et au master "Approche Sociale des Enjeux Énergétiques" de l'université de Paris Cité. Il tient depuis plus de 20 ans une rubrique scientifique dans la revue de science-fiction Bifrost. Depuis 2012, il est président des Utopiales, le festival international de science-fiction de Nantes.
Publications récentes
La vie alien - Manuel pour construire un monde extraterrestre, R. Lehoucq, J.-S. Steyer & L. Genefort, Le Bélial, Collection "Parallaxe", octobre 2022.
Humain dans l'espace, entre réel et fiction, R. Lehoucq et F. Porcel, Éditions La Martinière, octobre 2021.
"Le temps joue contre nous", in Écologies – Le vivant et le social, Ouvrage dirigé par P. Boursier et C. Guimont, mars 2023.
"Les vaisseaux du 8e passager", in Alien : La Xénographie, Ouvrage dirigé par N. Martin et S. Riaux, Éditions ActuSF, octobre 2022.
"Habiter l'espace », in 2001 L'Odyssée de l’espace - Au carrefour des arts et des sciences, Ouvrage dirigé par C. L. Robinson et S. Azulys, Les éditions de l'École polytechnique, p. 73-84, octobre 2021.
"Science-fiction et armes absolues", in Imaginaires nucléaires - Représentations de l'arme nucléaire dans l'art et la culture, Ouvrage dirigé par J.-B. Jeangène Vilmer, Odile Jacob, p. 31-40, septembre 2021.


Anne ALOMBERT : Pour une bifurcation organologique : des technologies persuasives aux technologies contributives
Cette communication a pour but de mettre au jour les présupposés théoriques et les conséquences politiques des dispositifs numériques contemporains (plateformes d'achat ou de contenus, réseaux sociaux, applications, modèles de langage, chatbot, etc.) recourant à des technologies persuasives fondées sur les calculs statistiques de quantités massives de données. Bien qu'ils se présentent sous les noms trompeurs d'"intelligence artificielle" ou d'"agent conversationnel", ces dispositifs constituent en fait des automates computationnels ayant pour fonction d'influencer les pensées et les comportements en court-circuitant les processus d'individuation psycho-sociaux. Face à ce paradigme technoscientifique et économico-politique, il semble nécessaire de concevoir une alternative qui mette les supports numériques au service du partage des savoirs et de l'intelligence collective. Tel est l'objectif des technologies contributives : il ne s'agit pas de rejeter le numérique, mais de se demander comment agencer les puissances de calcul des algorithmes avec les activités de pensée — c'est-à-dire, avec les interprétations singulières et les débats argumentés.

Anne Alombert est maîtresse de conférence en philosophie contemporaine à l'université Paris 8 et membre du Conseil National du Numérique. Ses recherches portent sur la question de la technique dans la philosophie contemporaine, notamment à travers les travaux de Gilbert Simondon, Jacques Derrida et Bernard Stiegler, ainsi que sur les enjeux anthropologiques de la mutation numérique. Elle est co-auteure du livre Bifurquer. Il n'y a pas d'alternative (Les liens qui libèrent, 2020) et auteure du livre Schizophrénie numérique (Allia, 2023).

Andrea BARDIN & Marco FERRARI : Technopolitiques, ou penser la politique comme/entre/à travers science et technique
Notre contribution vise à interroger le rapport entre la "technologie" et "l'avenir de notre civilisation" à partir d'une analyse de la politique comme activité technique normative concernant des objets techniques particuliers (les institutions politiques). En nous appuyant sur Gilbert Simondon, nous essayerons de montrer en quels termes une conception de la politique comme technique normative devrait permettre de penser une normativité spécifiquement sociale. Une normativité qui partant ne pourra ni coïncider avec la normativité vitale (le rêve libéral d'autorégulation immanente du social), ni hypostatiser son état pathologique (le social comme automate). Pour ce faire, nous pensons qu'il faut s'interroger sur la nature des objets techniques que sont les institutions politiques, sur la nature de la technique qu'est — ou que devrait être — la politique et, finalement, sur la relation entre science politique et politique, contre la manière dont, depuis la Modernité, la politique a été pensée "scientifiquement" (à lire : idéologiquement).

Andrea Bardin is Senior Lecturer in Politics at Oxford Brookes University. He works on the relationship between science and political thought from early modernity to the present. He has written extensively on Thomas Hobbes and Gilbert Simondon. He is the author of Epistemology and Political Philosophy in Gilbert Simondon : Individuation, Technics, Social Systems (Springer, 2015).

Marco Ferrari est chercheur post-doctorant en philosophie politique à l'université de Padoue. Il a exploré le lien entre la science et la pensée politique à travers l'idéalisme allemand, la psychanalyse et la philosophie française contemporaine. Il a publié plusieurs ouvrages sur Jacques Lacan, Alain Badiou, Michel Foucault, Gilbert Simondon, la psychanalyse et la cybernétique.
Publications récentes
"Naissance de la cybernétique. Ripensare l'analisi foucaultiana del neoliberalismo da un punto di vista epistemologico (Tre affondi per un lavoro a venire)", in G. Angelini, A. Esposito (dir.), Dieci anni di Universa, dieci anni di ricerca, Pup, Padova 2021, p. 149-172.
(avec A. Bardin) "Governing Progress : from Cybernetic Homeostasis to Simondon's Politics of Metastability", in The Sociological Review, Vol. 70, n°2 (2022), p. 248-263.
"Simondon nella storia della filosofia", in Philosophy Kitchen, mai 2022 [en ligne].
"Prima", err. scritture dell'imprevisto, Vol. 2, n°1 (2022), sous la direction de M. Ferrari [en ligne].
"The Dark Side of Sovereignty. The Question of Government in a Historical-Epistemological Perspective", in Soft Power. Euro-American Journal of Historical and Theoretical Studies of Politics and Law, Vol. 18 (2023), p. 38-66.
"La cibernetica prima della cibernetica. Filosofia, scienza e tecnica in Norbert Wiener (1914-1943)", in Philosophy Kitchen, Vol. 18 (2023, à paraître).
Traduction et commentaire de G. Simondon, "Cybernétique et philosophie", in F. Pisano, L. Cabassa (dir.), Epistemologie. Critiche e punti di fuga nel dibattito contemporaneo, Mimesis, Milano-Udine (2023, à paraître).
Traduction et commentaire de P. Mirowski, "Dissembling Nature, Elusive Economy", in F. Pisano, L. Cabassa (dir.), Epistemologie. Critiche e punti di fuga nel dibattito contemporaneo, Mimesis, Milano-Udine (2023, à paraître).
N. Wiener, Cibernetica. Controllo e comunicazione nell'animale e nella macchina, sous la direction de M. Ferrari, Orthotes, Napoli-Salerno (2023, à paraître).

Jean-Hugues BARTHÉLÉMY & Ludovic DUHEM : Pour une éco-technologie. Penser par-delà techno-solutionnisme et écologisme technophobe
Cette intervention vise à prolonger le travail de construction de l'idée d'éco-technologie inauguré selon trois angles simultanés et complémentaires par Jean-Hugues Barthélémy, Vincent Bontems et Ludovic Duhem dans l'ouvrage collectif Écologie et technologie. Redéfinir le progrès après Simondon (Éditions Matériologiques, Paris, 2022). L'éco-technologie, telle qu'elle procède d'une compréhension simondonienne de la technique dans son irréductibilité au statut de moyen pour la Puissance humaine, s'inscrit dans le cadre plus général d'un dépassement des trois oppositions nature/technique, nature/culture et culture/technique. Elle s'y offre alors comme ce qui doit permettre de redéfinir l'idée de progrès en accord avec l'exigence devenue prioritaire de la protection des milieux naturels. Cette tâche théorique, qui seule peut nous rendre vraiment capables de ne pas nous enfermer dans le débat quelque peu simpliste opposant un écologisme technophobe à un techno-solutionnisme capitaliste, implique centralement de prolonger l'accent mis par Simondon sur les relations d'échelles en tant que complexité à affronter aujourd'hui. Seront abordées et problématisées dans ce cadre les questions de la fusion nucléaire entrevue et de l'énergie solaire déjà acquise, mais aussi celles de la captation de CO2, jugée nécessaire par le GIEC, et de la possibilité de la culture de phytoplancton.

Jean-Hugues Barthélémy est professeur agrégé de philosophie, chercheur associé HDR à l'université Paris-Nanterre et membre du CEPC de l'université de Tours. Ancien directeur du Centre international des études simondoniennes et des Cahiers Simondon, il est l'auteur du Manifeste pour l'écologie humaine (Actes Sud, 2022), d'Ego Alter. Dialogues pour l'avenir de la Terre (Éditions Matériologiques, 2021), de La Société de l'invention. Pour une architectonique philosophique de l'âge écologique (Éditions Matériologiques, 2018), et de plusieurs ouvrages de référence sur la philosophie de Gilbert Simondon (1924-1989), dont le Simondon paru aux Belles Lettres en 2014. Il a également co-dirigé avec Ludovic Duhem le récent Écologie et technologie. Redéfinir le progrès après Simondon (Éditions Matériologiques, 2022).

François BONTEMS : Le vaccin comme technologie de couplage
Une de nos conditions d'existence réside dans notre capacité à distinguer le soi du non-soi et du soi-altéré grâce au système immunitaire, en témoigne le sort des enfants-bulles ou des malades du SIDA. Cette capacité repose sur une variété de mécanismes, dont le système immunitaire adaptatif, lié à l'existence d'un répertoire de lymphocytes capables de reconnaitre un nombre quasiment illimité d'antigènes du non-soi et du soi-altéré et pouvant être amplifiés et mis en réserve lors de la rencontre avec un antigène spécifique. La vaccination permet de stimuler préventivement le système immunitaire et d'établir une ligne de défense contre un pathogène et/ou une altération de nos cellules. Nous discuterons de cette technique, en considérant qu'il s'agit d'une "technique minimale" au plus près du fonctionnement normal d'un organisme et permettant de maintenir un couplage entre les humains/humaines et leur milieu naturel, mais qui implique l'existence d'un environnement technologique lourd et pourrait apparaitre comme une façon de ne pas nous poser de questions sur les implications de certaines de nos pratiques.

François Bontems est Directeur de recherche (DR2) du CNRS, à l'Institut de chimie des substances naturelles (ICSN - CNRS de Gif-sur-Yvette) et dans l'Unité de virologie structurale de l'Institut Pasteur. Il étudie des protéines de fusion membranaire et des facteurs de virulence de virus à ARN enveloppés, en combinant des techniques de résonance magnétique nucléaire, de cryo-microscopie électronique, de cryo-tomographie électronique et de calcul. Il est également animateur d'un séminaire et d'un cours Pasteur sur les relations entre science et société à l'Institut Pasteur, ainsi que d'un partenariat entre l'Institut et le festival des Utopiales de Nantes.

Sébastien BOURBONNAIS : Lorsque les architectes rencontrent les technologies numériques
Dès les années 1960, les premiers systèmes CAD (Computer-Aided Design) ont cherché à mettre à l'épreuve les processus de conception dans plusieurs milieux créatifs, dont celui de l'architecture. Cette remise en question a d'ailleurs été continuellement présente, avec parfois même, une recherche de déstabilisation de l'architecture elle-même. À partir de l'analyse des discours de certains architectes engagés dans des pratiques innovantes avec l'ordinateur, il s'agit de mettre en lumière différents champs d'action accordés à ces technologies, autant que les conséquences que ces architectes ont envisagées sur leurs pratiques. Cette analyse souhaite finalement dégager quelle conception, voire définition, ces architectes ont de la technique ; éclairant également les activités de conception architecturale elles-mêmes, ainsi que leurs devenirs.

Sébastien Bourbonnais est professeur adjoint à l'école d'architecture de l'université Laval, Québec. Il est docteur en architecture. Ses recherches portent sur l'appropriation par les architectes des technologies numériques, en s'appuyant sur différentes pensées des techniques, dont celles du philosophe Gilbert Simondon.

Cléo COLLOMB : Pour une Intelligence Artificielle non-mimétique
En 1973, Castoriadis écrivait qu'"un ordinateur n'"imite" pas le système nerveux central, il est construit sur d'autres principes". Cette affirmation peut paraître triviale, mais ce serait oublier un peu vite le succès de la comparaison du cerveau et de la machine, avec en toile de fond le fantasme ou la crainte de voir un jour la machine dépasser l'humain, du point de vue de sa capacité à raisonner ou à ressentir. Penser l'ordinateur au prisme de l'humanité est en effet une attitude répandue dont les effets se traduisent très concrètement dans les outils numériques que nous développons. Nous proposerons, dans notre contribution, de faire bifurquer le concept d'Intelligence Artificielle pour tâcher de le libérer de ce que Vincent Bontems (2008) appelle "la projection naïve de la volonté de puissance humaine sur le robot" et envisager son possible avenir non mimétique, notamment à travers le développement d'un outil de collecte de sources sur le web et d'un moteur de recherche, qui seront présentés et mis en test lors de cette présentation.

Cléo Collomb est maîtresse de conférences à l'université Paris-Saclay, rattachée à l'Institut Droit, Espaces, Technologies (IDEST). Elle développe une recherche technologique visant à concevoir des instruments d'observation et d'analyse des dynamiques sociales sur le clear, le deep et le dark web.

Florence HACHEZ-LEROY : L'héritage technologique, source d'avenir ?
L'industrie, depuis le XIXe siècle, est analysée en phases de développement, de repli et de redéploiement désignés par les termes d'industrialisation, désindustrialisation et réindustrialisation (ou relocalisation). Entre désindustrialisation et réindustrialisation est apparue la patrimonialisation industrielle ou reconversion, donnant une nouvelle vie et de nouvelles fonctions aux sites industriels. Est-ce si simple ? Que recouvre le terme "réindustrialisation" ? Le patrimoine industriel fait-il le lit de ce renouveau technologique ? Le croisement entre la géographie, l'histoire et le patrimoine industriels cherchera à comprendre, à l'échelle des territoires, la présence de continuités et de discontinuités dans les savoir-faire et les technologies, et les conditions de leur pérennité. Elle posera également la question de la formation à l'échelle des territoires et de la transmission des savoir-faire.

Florence Hachez-Leroy est historienne du monde contemporain et étudie l'histoire des entreprises, des sciences et des techniques et le patrimoine industriel. Maîtresse de conférences HDR à l'université d'Artois, elle préside le CILAC, association nationale dédiée au patrimoine industriel, et siège au conseil d'administration du Comité international pour la conservation du patrimoine industriel (TICCIH). Elle dirige actuellement un programme de recherche ANR intitulé "Architecture, aluminium et patrimoine, XXe-XXIe siècle".
Dernières publications
F. Hachez-Leroy, Menaces sur l'alimentation. Emballages, colorants et autres contaminants alimentaires, XIXe XXe, PUFR, coll. "Tables des hommes", 2019.
Avec R. Di Cosmo et P. Paradinas (dir.), L'informatique, Patrimoine industriel, n°73, 2018/2 [en ligne].
"Défi d'avenir : le patrimoine industriel", Entreprises et histoire, 87, 2017/2 [en ligne].

José HALLOY : Quels critères scientifiques et techniques pour inventer des technologies d'avenir de très longue durée ?
L'anthropocène peut se définir comme une époque où une partie de l'humanité, en raison de l'usage intensif des techniques, est devenue une force tellurique qui perturbe le fonctionnement biogéophysique de la Terre. Ces perturbations ont provoqué une réduction de l'habitabilité de la Terre pour l'humanité et une partie du vivant. En conséquence, la question de l'impact des techniques est devenue centrale et fondamentale pour envisager la persistance de l'humanité. Bien que considérées comme mortes sur le plan de la soutenabilité à long terme, les technologies, issues de la révolution industrielle, telles des zombies, continuent à envahir le monde au détriment de l'humanité et du vivant. La définition des fondements de nouvelles technologies, essentielles pour l'humanité, qui sont durables sur des échelles de temps de plusieurs siècles ou millénaires, s'impose. Par contraste avec les "technologies zombies", je les nomme "technologies vivantes". Les technologies vivantes se baseraient alors sur les processus du vivant à la fois comme source matérielle et fonctionnelle. Elles prendraient en compte l'énergétique planétaire et sa biogéochimie pour pouvoir être pleinement intégrées aux cycles du vivant et au fonctionnement biogéophysique de la planète Terre.

José Halloy est professeur de physique à l'université Paris Cité et co-fondateur du Laboratoire Interdisciplinaire des Énergies de Demain (LIED CNRS UMR8236) en 2013. Depuis 2011, il développe des recherches interdisciplinaires, incluant les sciences sociales, dans un cadre de référence "système Terre" ou encore "planète vivante" destiné à construire une pensée systémique de la soutenabilité.
Publications
Halloy, J. (2021), "Réchauffement climatique et technologies. Quelle est la question ?", La Revue Nouvelle, 7, 56-62 [en ligne].
Halloy, José, Nicolas Nova, and Alexandre Monnin, "Au-delà du low tech", Ritimo 21 (2020).
Halloy, J. (2018), "L'épuisement des ressources minérales et la notion de matériaux critiques", La Revue Nouvelle, 4, 34-40 [en ligne].
Halloy, J. (2018), "Ressources naturelles : Enjeu majeur pour l'avenir de nos sociétés", La Revue Nouvelle, 4, 30-33 [en ligne].
Halloy, J. (2017), "La numérisation de l'économie est-elle durable ?", La Revue Nouvelle, 4, 54-61 [en ligne].

Farah KHELIL : Les Plateaux
Plateaux (2017-) est une partition et une performance sonore et expérimentale émanant d'une partie de Go à laquelle se livrent deux joueurs en direct. En 2017, la partie historique menée entre une Intelligence Artificielle (AlphaGo) et un champion du monde de Go (Lee Sedol) a été traduite en une partition pour piano et interprétée par un pianiste. Puis en 2019, Plateaux prend la forme d'une application permettant de produire une mélodie générée au gré du déploiement par des pierres sur le tablier de jeu. Ce projet se poursuit sous d'autres formes questionnant la notion de transduction ainsi qu'une forme d'affects liée aux technologies passées et futures qui en éclaire de nos usages digitaux quotidiens. En 2023 au Château de Cerisy, Plateaux prendra la forme d'une exposition-restitution du processus de recherche et de création de ce projet qualifié d'œuvre logicielle.

Farah Khelil est artiste, diplômée de l'Institut supérieur des beaux-arts de Tunis et est titulaire d'un doctorat en arts et sciences de l'art de l'École des arts de la Sorbonne (Paris 1). Son œuvre, à la fois plastique et conceptuelle, puisant dans l'intime et la pensée philosophique, conjugue livres d'artiste, peinture, photographie, vidéo, dessins et installations. Elle interroge le rapport à l'image, à l'exposition, au langage et à l'histoire. Elle enseigne à l'École Supérieure d'Art de Lorraine à Metz.
Publications récentes
"Le diagramme à l'œuvre", in When Form becomes substance. Power of Gestures, Diagrammatic Intuition and Phenomenology of Space, Ed. Birkhaüser/Springer, 2022.
"Laisser être et rendre possible", in Effet de serre, Ouvrage bilingue avec les textes de Clelia Coussonnet, Adnen Jdey, Farah Khelil, Hedi Khelil, Bourse de recherche Centre d'étude magrébine à Tunis et du Critical Research and Scholarship in North Africa, Édition BaoBooks, 2022.

Jérôme LAFORCADE : Les contradictions de couplage
Les lois d'évolutions décrites par G. Altshuller montrent une grande différence entre les situations décrivant l'évolution systémique liée à l'identification d'un problème technique et l'évolution forcée par la nature même de la technologie. Dans le premier cas, une évolution incrémentale sera initiée soit sur le système ou les composants sur lequel est identifié le problème, soit sur les systèmes entrant dans l'environnement associé. L'évolution du couple système / environnement associé se fera alors par de petites évolutions ne remettant généralement pas en cause leurs lignes technologiques propres. On constate que ces évolutions de faibles amplitudes ne permettent pas de rendre compte de la totalité des changements constatés sur les technologies. En effet, dans certains cas, les évolutions incrémentales ne suffisent pas à résoudre le conflit décrivant le problème. Il faut en chercher la cause dans la technologie elle même et ses limites qu'elle engendrera par impossibilité de modifier les environnements associés. En bref, la technologie porte en elle le poison qui déclenchera sa perte. La modélisation de cette situation est également une contradiction mais dans laquelle les deux paramètres impliqués sont associés au système pour le premier et à l'environnement associé pour le second. La résolution de ce conflit passera par un changement technologique profond créant d'innombrables répercussions à la fois dans l'environnement mais également sur les systèmes interagissants avec ce dernier.

Jérôme Laforcade est un expert dans l'application de la théorie TRIZ : théorie de résolution de problèmes et d'innovation développée en Russie dans les années 1940. Il est un pionnier en France dans l'initiation de nombreux industriels et universitaires à TRIZ. Il a organisé des ateliers de formation, des conférences et des séminaires pour sensibiliser les gens à la théorie TRIZ et pour leur apprendre à l'appliquer efficacement. Sa contribution à l'élaboration de la boîte à outils utilisée par TRIZ Conseil est un exemple de son engagement en faveur de l'amélioration de la méthode TRIZ et de sa diffusion auprès d'un public plus large.

Dai LI : Qi 器• Wei 味 — la "technologie olfactive"
À l'écart de la tradition des connaissances occidentales décrite sur le mode visuel, la pensée chinoise a adopté, depuis la fin de la dynastie Han 汉 (206 av. J.-C. – 220), la méthode originale de penser la notion du vivant et son rapport au monde à partir de Wei (味, odeur/goût), qui constitue une catégorie ontologique fondamentale dans la philosophie et la cosmologie chinoise. La pensée chinoise est une pensée olfactive (味觉思想 Weijue Sixiang), comme l'affirme Gong Huanan 贡华南. La tradition olfactive de la pensée chinoise pourrait-elle donner lieu à une compréhension technologique originale ? Dans quelle mesure la pensée olfactive chinoise pourrait-elle déboucher sur une nouvelle démarche pour penser les technologies d'avenir en temps de crise de notre lien avec la nature vivante ?

Dai Li est une doctorante en philosophie à l'École Normale Supérieure de la rue d'Ulm, où elle mène ses recherches sous la direction de M. Dominique Lestel depuis ses études de Master. Sa thèse doctorale propose une nouvelle notion de la technique à partir de la pensée olfactive chinoise. Avant son parcours de l'ENS, elle poursuivait un B.A à Duke University, États-Unis, au sein du programme Littérature/Global Cultural Studies. Elle a été précédemment championne de gymnastique en Chine, où elle a été athlète de l'âge de 6 à 18 ans.

Anaïs NONY
Anaïs Nony est une théoricienne de l'art et philosophe française. Ses recherches se situent en philosophie de la technique et portent sur les fondements de la technologie digitale et son impact dans la société. Chercheure à l'université de Johannesburg, élève de Bernard Stiegler, elle s'intéresse également à l'application des connaissances philosophiques pour comprendre les modalités de gouvernance à l'âge du numérique. Co-curatrice de l'exposition "Data Stream. Art, algorithms, and artificial intelligence" au Glucksman Museum de Cork en Ireland, elle fonde en 2022 l'espace d'écriture en ligne thewritetechnique.com. Elle vient de publier aux Presses universitaires d'Amsterdam : Performative Images. A Philosophy of Video Art Technology in France.

Frédéric PASCAL & Cléo COLLOMB : La technologie délicate des implants cochléaires : l'image sensorielle en question
Les implants cochléaires sont des dispositifs artificiels de supplétion des organes auditifs. Ils sont destinés à dépasser la surdité profonde ou absolue. Le dispositif opère une transduction électrique par microphone du signal acoustique pour en livrer une analyse algorithmique qui est ensuite injectée dans le noyau cochléaire. Les non-entendants de naissance sont implantés au plus tôt, à partir de huit mois. Cependant un nombre non négligeable de personnes implantées enfant, demandent l'explantation une fois adultes ; d'autres n'entrent pas dans le langage oral et continuent à s'exprimer avec la langue des signes, voire désactivent leur implant. L'avenir des implants cochléaires et des prothèses auditives ne saurait être jugé que dans la mesure où serait mise au premier plan leur appropriation sensorielle. Ici, les dimensions affective, subjective et esthétique, autant que les jeux de pouvoir, de hiérarchie et de dépendance des objets techniques intègrent in fine toujours des aventures collectives.

Frédéric Pascal, après avoir été ingénieur-chercheur au CEA, entrepreneur dans l'adaptation des aides auditives et le design sonore, est consultant-chercheur à la redirection écologique et stratégique des collectivités.

Cléo Collomb est maîtresse de conférences à l'université Paris-Saclay, rattachée à l'Institut Droit, Espaces, Technologies (IDEST). Elle développe une recherche technologique visant à concevoir des instruments d'observation et d'analyse des dynamiques sociales sur le clear, le deep et le dark web.

Pauline PICOT : De l'analogie en éco(techno)logie : le cas de la "technodiversité"
Objet multiscalaire, complexe et dynamique, la "biodiversité" fut proposée pour désigner la crise du vivant et de son avenir. Il est depuis devenu central en écologie scientifique. Symétriquement, une diversité ou diversification technique ou technologique trouve sa promotion comme accompagnant une démarche d'innovation. On trouve dans ces recherches différents emprunts à l'écologie, suggérant un rapport d'analogie entre les deux diversités : référence explicite, théorie évolutionniste, mêmes indicateurs. On se propose ici d'interroger le rapport entre biodiversité et diversité technologique en prenant appui sur la théorie simondonienne de l'analogie ("Allagmatique", ILFI, p. 529-536). On s'attachera d'abord à la biodiversité en termes opératoires, puis on confrontera celle-ci à la diversité technologique telle que comprise actuellement dans la littérature scientifique. Enfin, on tentera une formulation par analogie d'une "technodiversité".

Pauline Picot est doctorante au sein du laboratoire InSyTE (Recherches interdisciplinaires sur les interactions société-technologie-environnement) à l'université de technologie de Troyes. Après un double cursus en ingénierie mécanique et philosophie, elle interroge dans sa thèse la diversité en technologie (ou "technodiversité") en prenant appui analogiquement sur la biodiversité telle que construite, interrogée, évaluée, valorisée en écologie.
Page personnelle : https://recherche.utt.fr/research-directory/pauline-picot

Jim SCHRUB : Classicisme du numérique et crise écologique moderne : la double écofragmentation comme figure de notre temps
Comment formaliser l'articulation des enjeux de la numérisation croissante des dimensions de la vie et la criticité de notre situation écologique sachant la partition simondonienne de l'histoire — des savoirs humains — selon la recherche de normes de la perception (antique), de l'action (classique) et de l'alimentation (moderne) ; et sachant que Simondon laisse ouverte la tâche qui consiste à penser notre phase contemporaine dans ces coordonnées, je proposerai d'articuler ces deux enjeux — climatique et numérique —, en soutenant d'abord que le numérique réactive des problématiques propres à la phase classique du développement des savoirs, c'est-à-dire la phase gouvernée par la recherche de normes de l'action plutôt que de la perception. Ceci a pour conséquence de devoir poser à nouveaux frais la question de la recherche de normes d'alimentation/motivation, sachant qu'il n'est plus possible de fonder la norme de l'action sur les acquis des classiques, c'est-à-dire sur un sujet constituant.

Jim Schrub est doctorant en philosophie à l'université Paris-Nanterre. Il travaille sur la modulation chez Simondon, et sa réception dans la théorie des média contemporains. Il est l'auteur de "Pour une critique simondonienne du survivalisme" (in Écologie et technologie, redéfinir le progrès après Simondon, J.-H. Barthélémy et Ludovic Duhem, Éditions Matériologiques, 2022) et est co-éditeur d'un numéro de la revue Epekeina sur la créativité computationnelle, à paraître à l'automne prochain.


Maria BARTHÉLÉMY, René SULTRA & Jean NAYROLLES : CoinS de vue sur l'écriture temporelle des images : l'aspirant, le médiateur et la pythie

Maria Barthélémy & René Sultra
Quand, dans un mouvement de magicien, les feuilles "Inter" ont glissé et que dans la suite quasi compacte d'images-pages, elles mêmes compactes, ou si tu préfères saturées, ou pleines (comme on pourrait le dire aussi bien d'une page que d'une chatte,) il t'a fallu non pas retrouver leur place dans un rangement guidé par des nombres mais par la logique interne à la fois des images Inter et de leur place dans le déroulement des grandes ou moyennes pagesimages, je t'ai vu, reprendre pour la première fois un chemin généralement interdit, celui qui donnerait à voir l'intime dans son agencement, ou l'agencement de l'intime. Tu as buté au moins de deux manières sur l'impérieuse logique de ton premier ordre, celui de l'invention, de la fulgurance faisant corps avec la granularité la plus fine de chaque élément, taille, raccord, coupe. La première pouvait se dire comme le chemin nécessaire pour faire coïncider structure et sémantique de ces agencements. La deuxième faisait apparaître une suspension temporelle, qui n'est pas simplement le temps qui passe quand tu tenais une page, que tu la retournais en avant, en arrière, la posant pour reprendre celle aussi dont les deux côtés exploraient d'infimes variations ; ce n'est pas le temps de ces manipulations mais celui qu'il fallait pour que ces hypothèses refassent, c'est à dire fassent d'une autre manière le chemin qui avait été le tien et le leur au moment de la première prise de forme, qui lui comme je disais était l'intime des fulgurances et de l'ultra-sensibilité du transfert du visible dans le visible. Oui-oui.

Nous avons proposé à Jean Nayrolles de répondre à la question en ne partant pas seulement de notre travail photographique dont les techniques que nous utilisons commencent au XIXe siècle par les Daguerréotypes que nous avons réalisés jusqu'au début du XXIe siècle par notre proposition de Picton, que nous avions présentée à la décade Simondon à Cerisy. Les travaux en relation avec les niveaux élémentaires du faire-voir que sont les images. La technologie de la caméra d'événement associée à la migration de l'écriture des images aussi bien fixes qu'animées du format •jpeg_h264 contenant une transformée de Fourrier au •heic_h265 augure d'une évolution de la pensée même du voir et du faire voir. La question photographique ne recouvre pas bien sûr la question de l'art contemporain, mais elle, et notre historien de l'art en attestera, commence bien avant l'assemblage du technique et du logos de Daguerre. L'épistémologue, lui, saura déceler dans les vitesses, les mutations mises à jour de ce que nous appelons le multi-feuilletage des écritures du numérique, des ouverts que cela dévoile et les surprises qu'elles nous offriront.

Jean Nayrolles
L'un des paradoxes de la création artistique dans le temps des avant-gardes aura été de se vouloir "futuriste" sans donner la moindre prise à quelque prévision que ce soit. Aujourd'hui la situation a changé : l'art doit composer de plus en plus avec la technique qui, elle, offre bien un certain degré de prévisibilité. Mais l'illusion serait de croire que l'histoire de l'art à venir se fondra dans l'historicité de la technique. Car le ressort de la chose artistique demeure inchangé. Si les images, ou plus largement les formes, sont portées par un dynamisme qui les transcende toutes, alors ce ressort continuera d'agir aussi longtemps que l'on produira des formes et des images. Plus que l'analyse structurale, conçue surtout pour appréhender ce qui se déploie dans la synchronie, c'est peut-être une approche mythologique qui permettra de dessiner une généalogie sans fin, mais non sans commencement, de la chose artistique.


Technologies terrestres et extraterrestres : une critique depuis les Milieux-Tech, table ronde avec Roland LEHOUCQ, Alexandre MONNIN et Victor PETIT
D'un côté les tenants de l'autonomie et du Low-tech vernaculaire, de l'autre les promesses du découplage et de la performance Hig-Tech. L'alternative est bien connue mais ne fonctionne toujours pas. Ce que nous appelons ici Milieu-Tech signifie à la fois une voie intermédiaire et une technologie ouverte sur son milieu. Mais que faire de cette ouverture quand nos milieux techniques sont impurs ? Si tous les latouriens s'accordent à dire qu'il faut redevenir terrestre, personne ne semble en mesure d'expliquer en quel sens une technologie est ou n'est pas terrestre. Cette intervention tentera de remettre de la normativité en écologie des techniques et d'éclaircir la question des communs technologiques — y compris et surtout ceux qui nous encombrent.


BILIOGRAPHIE :

• J.-H. Barthélémy & L. Duhem (dirs.), Écologie et Technologie. Redéfinir le progrès après Simondon, Éditions Matériologiques, 2022.
• V. Bontems, Au nom de l'Innovation. Finalités et modalités de la recherche au XXIe siècle, Les Belles Lettres, 2023.
• V. Bontems (dir.), Gilbert Simondon ou l'invention du futur, Colloque de Cerisy, Éditions Klincksieck, 2016.
• P. Boursier & C. Guimont, Écologies – Le vivant et le social, La Découverte, 2023.
• R. Lehoucq (dir.), Dune. Exploration scientifique et culturelle d'une planète-univers, Le Bélial, 2020.
• D. Lestel & P. Killofer, Machines insurrectionnelles, Fayard, 2021.


SOUTIEN :

• Commissariat à l'Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA)

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


L'EUROPE : HÉRITAGES, DÉFIS ET PERSPECTIVES


DU SAMEDI 19 AOÛT (19 H) AU DIMANCHE 27 AOÛT (14 H) 2023

[ colloque de 8 jours ]


"Soleil couchant dans la brume" © Félix Vallotton


DIRECTION :

Wolfgang ASHOLT [Humboldt-Universität zu Berlin, Allemagne], Corine PELLUCHON [Université Gustave Eiffel]


ARGUMENT :

Le destin de l'Europe se confond avec celui des Lumières et avec un message philosophique qui fait de la liberté de penser la clef de l'émancipation et peut concerner les autres continents. Sa revitalisation suppose cependant qu'elle soit capable à la fois de faire son autocritique et de réactualiser son héritage. Ce dernier doit, en effet, être réinterprété au regard des défis de notre temps. Il lui faut également répondre aux critiques adressées par les féministes et les post-coloniaux aux Lumières passées, accusées d'être hégémoniques et eurocentristes. En outre, si la construction de la paix reste la finalité de l'Union européenne, le contexte géopolitique actuel l'oblige à affirmer son indépendance militaire, technologique, alimentaire et énergétique tout en étant une alternative aux politiques de la domination. Ainsi, la prise en compte des enjeux écologiques, sanitaires, sociaux et démocratiques que le réchauffement climatique, la pandémie, le réveil des nationalismes et la guerre en Ukraine mettent au jour doit la conduire à restructurer son projet politique autour d'un axe soulignant le lien entre ces phénomènes.

Dans ce colloque international, la philosophie, l'histoire, la science politique, le droit, la littérature croiseront les témoignages d'associations, d'entrepreneurs, et d'hommes et de femmes politiques connaissant de l'intérieur ou de l'extérieur les institutions de l'Union européenne.


MOTS-CLÉS :

Colonialisme, Cosmopolitisme, Démocratie, Droits de l'homme, Écologie, Europe, Guerre, Impérialisme, Lumières, Nationalisme, Post-modernisme, Universalisme, Universalité


CALENDRIER DÉFINITIF :

Samedi 19 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Dimanche 20 août
Matin
Corine PELLUCHON & Wolfgang ASHOLT : Introduction

L'AUTOCRITIQUE DE L'EUROPE, CONDITION DE SA REVITALISATION
Corine PELLUCHON : Le message philosophique de l'Europe, l'autocritique des Lumières et l'écologie comme nouveau télos
Maiwenn ROUDAUT : Est-il possible de (re)penser le défi démocratique européen avec la Théorie critique ?

Après-midi
NATIONALISMES D'HIER ET D'AUJOURD'HUI
Bernard ROUGIER : Terrorisme, islamisme
Marius MASSON : Dépasser l'histoire national pour renouveler l'historiographie du fascisme
Klaus OSCHEMA : Images de l'Europe au Moyen Âge : entre "réalités médiévales" et projections modernes [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Soirée
Grands témoins, animée par Jean-Baptiste de FOUCAULD & Dinah LOUDA, avec Jean-Louis BOURLANGES (Président de la commission des Affaires étrangères) et Pierre VIMONT (Diplomate)


Lundi 21 août
ACTUALITÉS GÉOPOLITIQUES ET CONFLITS
Matin
Christian LEQUESNE : La guerre en Ukraine change-t-elle le rapport de l'Europe et des puissances
Nicolas TENZER : Comment la guerre russe contre l'Ukraine engage l'Europe et les États-Unis dans un combat commun ?
Nicolas WEILL : L'Occident contre l'Europe. "Rêves hespériques", de Hölderlin à Heidegger

Après-midi
Natalie SCHWABL : Le rôle des Églises dans les luttes pour l'indépendance

Table ronde, avec Dominique MOISI (Géopolitologue. Conseiller spécial à l'Institut Montaigne), Philippe POCHET (DG de l'Institut syndical européen, ETUI) et Jacques RUPNIK (Directeur de recherche au Centre de recherches internationales de Sciences Po (CERI))

Soirée
Apollinaire, Un bel obus, lecture-spectacle par Cécile BOUILLOT & Sophie BOUREL [Production Acte II scène 2 et la Compagnie La Minutieuse] (montage original de poèmes, chansons, calligrammes de Guillaume Apollinaire et d'extraits du film Après les combats de Bois-Le-Prêtre)


Mardi 22 août
LITTÉRATURE ET ART, DÉCOLONISATION ET UNIVERSALISME LATÉRAL
Matin
Laurent COHEN-TANUGI : Les représentations politiques de l'Europe aux défis du XXIe siècle
Wolfgang ASHOLT : L'universalisme latéral : une perspective pour la littérature contemporaine ?
Marie ROTKOPF : La mentalité allemande et l'impérialisme : Lettres à Émile Durkheim

Après-midi
Marianne DAUTREY : L'Europe et son dehors : l'exemple de la Documenta fifteen
Habib TENGOUR : Quand l'Algérie se décolonise, héritage et émancipation des Lumières : la littérature francophone originaire
Friedrich SMOLNY : Littérature et décolonisation

Soirée
Ania SZCZEPANSKA : L'héritage controversé et conflictuel de Solidarność [visioconférence]


Mercredi 23 août
LE NOMOS DE L'EUROPE : CONSTITUTION, COSMOPOLITIQUE ET FÉDÉRALISME
Historique de la constitution européenne, défis passés et présents

Matin
Teresa PULLANO : Europe hérétique, ou la physique du pouvoir contemporain
Didier GEORGAKAKIS : Au-delà de l'institutionnalisme dominant : pistes pour le futur des institutions européennes
Kristin ENGELHARDT : Mode et politique — Politique de la mode. La mode européenne des avant-gardes entre refus et adaptation

Après-midi
DÉTENTE

Soirée
Les femmes et l'Europe, lecture musicale de la construction de l'Europe des femmes, par Sophie BOUREL & Silvia LENZI [Compagnie La Minutieuse], avec le soutien de la Maison Jean Monnet du Parlement européen


Jeudi 24 août
LA MÉMOIRE ET LE PARDON DIFFICILE
Matin
Dietmar WETZEL : Penser l'Europe au-delà de la mémoire collective (Halbwachs) — points de référence, constructions, critiques
Jan FISCHER : Nous, les Lumières et l'autre
Jonas NICKEL : Enjeux de la réédition critique d'écrits antisémites
Frederike LIEVEN : Mathématiques modernes et esprit des Lumières

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 25 août
L'EUROPE ET LES EMPIRES
Matin
Olivier COMPAGNON : L'Europe en mal d'Amérique latine [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Harro von SENGER : Droits de l'homme : différences et similitudes sino-européennes

Après-midi
Sabine DULLIN : L'Empire russe contre la nation ukrainienne. Perspectives historiennes sur la décolonisation aux frontières de l'Europe
Mariia SHEPSHELEVICH : Formes de résistance en Russie (le plus brièvement possible) ou "pourquoi vous ne protestez pas ?"
Mamoudou GAZIBO : La Chine en Afrique : permanences, ruptures et implications [visioconférence]


Samedi 26 août
L'AVENIR DE L'EUROPE
Matin
Lucile SCHMID : L'Europe et l'écologie : le Pacte vert (Green deal) peut-il résoudre les impenses autour de la justice sociale et de la puissance ?
Hartmut ROSA : L'Europe comme espace de la résonance [visioconférence]

Après-midi
Marius PLOUARD : Le regard du documentariste sur les lieux du trauma

Table ronde de synthèse, animée par Jean-Baptiste de FOUCAULD, avec notamment Wolfgang ASHOLT, Hadrien FRÉMONT, Dinah LOUDA et Corine PELLUCHON


Dimanche 27 août
DÉPARTS


TÉMOIGNAGES :

Cerisy à l’heure d’une Europe polyglotte. Rencontre avec Kristin ENGELHARDT, Jan FISCHER, Frederike LIEVEN, Marius MASSON, Jonas NICKEL, Natalie SCHWABL, Mariia SHEPSHELEVITCH et Frieder SMOLNY, propos recueillis par Sylvain ALLEMAND.


PRESSE / MÉDIAS :

Présentation du colloque. Entretien avec Edith HEURGON réalisé par Hadrien FRÉMONT (Fondation Clarens pour l'humanisme)


VIDÉO RÉALISÉE PAR FRANCE MANHES — INIT - Éditions - Productions :


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Wolfgang ASHOLT : L'universalisme latéral : une perspective pour la littérature contemporaine ?
En partant des discours sur l'Europe de l'entre-deux-guerres (Valéry, Hussserl, Heidegger), on montrera comment, avec L'autre cap (1991), l'eurocentrisme qui est aussi un universalisme, est déconstruit par Derrida qui insiste sur la nécessité de "rester fidèle à l'idéal des Lumières". On comparera cette position, d'une part, à celle d'Axel Honneth qui, trente ans plus tard face à la critique du colonialisme, ne défend plus qu'une "capacité d'imputabilité réflexive" comme "petit" héritage des Lumières, et, d'autre part, à celle de Markus Messling qui, dans L'universel après l'universalisme (2023) défend la nécessité de préserver l'universel pour revendiquer aujourd'hui une "justice" et sa "légitimité" dans une société mondiale. Si la littérature actuelle peut être un laboratoire pour l'expérimentation et la "fabrication" de cet "universel", Boussole (2015) de Mathias Enard est probablement le roman "franco-français" qui va le plus loin dans ce sens. Dans une deuxième partie, en prenant l'exemple de ce roman, on mettra en évidence les difficultés que Le Partage du sensible (Rancière) de l'orientalisme vécu rencontrent et quelles questions cela pose à la construction et à la constitution de l'universel.

Corine PELLUCHON : Le message philosophique de l'Europe, l'autocritique des Lumières et l'écologie comme nouveau télos
Si l'Europe ne s'identifie pas à une zone géographique et culturelle ni à des croyances morales et religieuses, si elle ne se réduit pas à un marché ni même à un ensemble de lois, alors comment la penser ? Peut-on parler, comme Husserl et Patočka, de son sens philosophique, et est-ce à partir de son êthos, qui ne se confond pas avec une doctrine, mais implique un rapport non dogmatique au monde, que l'on peut saisir les finalités et la forme — le télos et le nomos — de l'Union européenne ? Sa construction aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale doit être replacée dans un contexte marqué par la conscience de devoir éviter les erreurs passées ayant pu alimenter le ressentiment et le nationalisme, mais également par une sorte de modestie intellectuelle liée à l'effondrement de l'idéal d'un progrès par la raison et par le discrédit attaché à tout idéal universalisable. Or s'il importe de regarder en face le passé tragique de l'Europe ainsi que l'inversion de la rationalité en irrationalité qui ont conduit à faire le procès de la modernité et justifient les critiques adressées par les post-modernes à l'eurocentrisme et au faux universalisme des Lumières passées, il convient aussi de réexaminer l'héritage philosophique et socratique de l'Europe. Non pour l'identifier à cette provenance grecque ou la ramener aux Lumières conçues comme un corps doctrinal, mais pour penser ces dernières comme le geste par lequel on identifie les dangers et les défis de son époque et comme un processus inachevé impliquant l'autocritique et exigeant même une sorte d'herméneutique de soi. Qu'est-ce que l'Europe a aujourd'hui à dire au monde, alors que nous sommes confrontés à des défis globaux, économiques, politiques et environnementaux, qui nous obligent à revoir nos habitudes de penser et nos modes de vie ? Telles sont les questions auxquelles nous essaierons de répondre en montrant que si l'identité de l'Europe est dynamique, ouverte aux influences étrangères, la pertinence de son message philosophique suppose d'entreprendre une généalogie du nihilisme mettant en évidence le lien entre le destin du rationalisme et celui de l'Europe, entre la dénonciation d'un rationalisme pris dans les rets de la domination et la promotion de nouvelles Lumières impliquant une manière de se penser et de se rapporter aux autres, humains et autres qu'humains, qui équivaut à une révolution anthropologique. Témoignant des ruptures historiques, épistémologiques et technologiques nous séparant des penseurs du XVIIe et XVIIIe siècles, ces nouvelles Lumières qui accompagnent un mouvement social déjà existant donnent un contenu plus précis au projet politique européen en reformulant son télos. Ainsi, il s'agira de voir comment l'écologie, quand elle est pensée dans sa dimension à la fois environnementale, sociale et existentielle et articulée à une phénoménologie du vivant, peut rendre l'Europe plus désirable dans un ordre mondial caractérisé par l'exacerbation des conflits, l'aggravation des inégalités et la prédation.

Spécialiste de philosophie politique et d'éthique appliquée (médicale, environnementale et animale), Corine Pelluchon est professeur à l'université Gustave Eiffel. Elle est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages, dans lesquels elle développe une philosophie de la corporéité centrée sur la vulnérabilité et sur notre habitation de la Terre qui est toujours une cohabitation avec les autres vivants. Ce travail s'inscrit dans l'héritage des Lumières tout en prenant au sérieux les critiques qui leur sont adressées. Elle a déjà organisé deux colloques internationaux à Cerisy : un en juillet 2019, Humains, animaux, nature : quelle éthique des vertus pour le monde qui vient ? (Actes publiés chez Hermann en 2020) et un autre, en juillet 2022, avec Yotetsu Tonaki, de l'université de Rikkyo, Levinas et Merleau-Ponty : le corps et le monde (Actes à paraître en octobre 2023 chez Hermann). Elle a reçu en 2020 en Allemagne le prix Günther Anders de la pensée critique pour l'ensemble de ses travaux et vient de passer presque deux ans à Hambourg, puis à Berlin, notamment à l'institut Max Planck.
Derniers ouvrages parus
Les Lumières à l'âge du vivant, Seuil, 2021, réédité en Points Seuil, 2022.
Paul Ricœur, philosophe de la reconstruction. Soin, attestation, justice, PUF, 2022.
L'espérance ou la traversée de l'impossible, Rivages, 2023.
Site internet : corine-pelluchon.fr


Jean-Louis BOURLANGES
Président de la commission des affaires étrangères, Jean-Louis Bourlanges, est député des Hauts-de-Seine depuis 2017. Agrégé des lettres, ancien élève de l'École nationale d'administration, ancien professeur associé à Sciences-Po, il est Conseiller maître honoraire à la Cour des comptes. Il a été membre du Parlement européen (1989-2007) où il fut président de la Commission de contrôle budgétaire, rapporteur-général du budget, président de la commission des libertés, membre puis président de la commission mixte Parlement européen Diète de Pologne. Il participe régulièrement à l'émission "Le nouvel esprit public" de Philippe Meyer diffusée en podcast : lenouvelespritpublic.fr.

Olivier COMPAGNON : L'Europe en mal d'Amérique latine
En 2003, Carlos Fuentes publiait un texte intitulé "L'Amérique latine en mal d'Europe" où il invoquait la source d'inspiration que pouvait constituer le Vieux Continent dans une région confrontée aux défis de la consolidation démocratique, de la pauvreté et des inégalités ou encore de l'intégration. Il perpétuait ainsi une tradition de pensée héritée du XIXe siècle dans laquelle l'Amérique latine, périphérie parmi les périphéries, semblait devoir soumettre son devenir à l'adoption des modèles produits dans les centres présumés du monde. Vingt ans plus tard, tandis que certaines démocraties vacillent et que les inégalités se creusent en Europe, il n'est pas anodin de retourner la question et de se demander ce que l'Europe aurait à gagner en se tournant vers l'Amérique latine et les Caraïbes. Que nous disent ces mondes qui furent à la fois le berceau de la mutation néolibérale et des premières contestations de cette nouvelle orthodoxie globale ? Que retenir des diverses propositions d'inclusion socio-raciale qui y virent le jour au cours des dernières décennies — du multiculturalisme à la plurinationalité — dans le contexte de ce que l'on nomme parfois "la crise de l'universalisme des Lumières" ? En quoi la transformation des sociétés latino-américaines au cours du dernier demi-siècle peut-elle contribuer à penser les défis auxquels est confrontée l'Europe contemporaine ?

Olivier Compagnon est professeur d'histoire contemporaine à l'université Sorbonne Nouvelle (Institut des Hautes Études de l'Amérique latine), chercheur au Centre de recherche et de documentation des Amériques (CREDA UMR 7227) et co-rédacteur en chef de la revue Cahiers des Amériques latines. Il a notamment publié L'Adieu à l'Europe. L'Amérique latine et la Grande Guerre (Paris, Fayard, coll. "L'épreuve de l'histoire", 2013), primé par l'Académie française et traduit en espagnol et en portugais. Il achève actuellement un ouvrage intitulé Salvador Allende. Le Chili, l'Amérique latine et le monde (à paraître chez Flammarion, fin 2023).

Sabine DULLIN : L'Empire russe contre la nation ukrainienne. Perspectives historiennes sur la décolonisation aux frontières de l'Europe
Les discours du Kremlin évoquent une menace existentielle sur leur pays comme le 22 juin 1941 quand les nazis avaient envahi leur territoire. Ils mettent en avant une guerre de civilisation contre l'Occident dont la Russie serait le porte-drapeau. Pourtant, perçant le brouillard épais des mots tentant de justifier la guerre, la réalité crue et violente qui apparaît ressemble à celle d'une guerre coloniale. Dans le discours national des Ukrainiens, l'idée de se décoloniser de la Russie, présente dès la fin du XIXe siècle, puis dans la résistance et la dissidence du temps de l'URSS, n'a cessé de se renforcer depuis l'indépendance. Faut-il dès lors envisager le conflit comme une guerre de décolonisation ? Quand il s'agit des peuples européens, l'habitude est souvent d'invoquer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la décolonisation semblant relever des réalités africaines ou asiatiques. Pourtant, la guerre qui se déroule sous nos yeux se comprend mieux si on la réinscrit dans une histoire des Empires et des décolonisations à l'Est de l'Europe.

Sabine Dullin est professeur en histoire contemporaine de la Russie à Sciences Po. Ses recherches portent sur l'histoire de l'Empire russe et soviétique, sur les dimensions internationale et transnationale du communisme et les frontières.
Publications
Histoire de l'URSS, La Découverte, 2009.
La frontière épaisse. Aux origines des politiques soviétiques (1920-1940), Éditions de l'EHESS (2014).
Atlas de la guerre froide, Autrement, 2017.
L'ironie du destin. Une histoire des Russes et de leur empire (1853-1991), Payot, 2021.

Didier GEORGAKAKIS : Au-delà de l'institutionnalisme dominant : pistes pour le futur des institutions européennes
Cette contribution rallie la position des organisateurs sur la place que l'autocritique doit prendre dans le nécessaire mouvement de renaissance ou de revitalisation de l'Europe. De ce point de vue, la communication veut pointer que la forte clôture sociologique du champ institutionnel européen et les effets d'exclusion qu'elle entraine font qu'on ne peut se contenter de voir les discussions sur l'avenir de l'Europe se consumer dans l'idée d'une éventuelle énième révision des institutions politiques et juridiques de l'UE. Rééquilibrer le poids respectif des différentes institutions/organes ou en créer d'autres n'est en aucun cas mécaniquement le commencement d'autre chose et encore moins une fin en et pour elle-même. La sociologie critique des institutions européennes invite dès lors à frayer un autre chemin : il s'agit, par les institutions, mais aussi surtout en deçà et au-delà d'elles, de concentrer les énergies sur la transformation des conditions des investissements (humains et symboliques aussi bien que matériels et financiers) dans et de l'UE.

Didier Georgakakis est professeur à l'université Panthéon Sorbonne (PARIS 1) et au Collège d'Europe, et membre du Centre européen de sociologie et de science politique (CNRS). Directeurs de master et de programme pédagogiques européens depuis 25 ans, il a occupé différentes fonctions dans les associations européennes de sciences humaines et sociales. Ses travaux ont contribué à fonder la sociologie historique et politique de l'UE sur laquelle il a publié abondamment. En 2021 et 2022, il a notamment coordonné deux numéro de la Revue française d'administration publique (180 et 181) sur les transformations de l'UE et une importante synthèse sur la sociologie politique européenne parue dans l'encyclopédie en ligne Politika.

Christian LEQUESNE : La guerre en Ukraine change-t-elle le rapport de l'Europe et des puissances
La guerre en Ukraine a pris de court des Européens habitués à penser leur continent comme un espace de paix régulé par la négociation. L'offensive militaire russe a fait revenir sur le devant de la scène les questions de sécurité au sens le plus classique du terme. L'Union européenne a fait preuve d'unité dans l'élaboration de neuf paquets de sanctions et l'octroi d'une aide militaire qui vient s'ajouter à celle des États-Unis. Cette unité cache cependant des faiblesses à l'égard du traitement qu'il convient de réserver à la Russie lors d'un éventuel processus de paix, au processus d'élargissement de l'Union européenne et au rôle de la solidarité transatlantique. Alors que l'espoir d'une paix négociée en Ukraine ne semble pas se profiler à court terme, quel rôle peut jouer l'Union européenne en Europe ? Doit-elle affirmer un rôle autonome ou est-elle condamnée à embrasser la solidarité transatlantique en assumant un leadership des États-Unis dans le camp des démocraties occidentales ?

Christian Lequesne est professeur de science politique à Sciences Po Paris. Il a été directeur du Centre de recherches internationales (CERI) à Sciences Po et du Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES) à Prague. Ses publications depuis trente ans portent sur l'Union européenne et les pratiques de la diplomatie. Il prépare actuellement un livre sur la diplomatie française et les Français de l'Étranger.

Klaus OSCHEMA : Images de l'Europe au Moyen Âge : entre "réalités médiévales" et projections modernes
Mis à part certains travaux pionniers, les historiens n'ont commencé à s'intéresser à l'histoire de la notion et des idées d'Europe au Moyen Âge qu'au milieu du XXe siècle. Inspirées par l'expérience de deux guerres catastrophiques, les enquêtes visaient désormais à identifier les racines d'une culture "européenne" afin de contrebalancer les effets dévastateurs des nationalismes modernes. De la sorte, le discours historique s'est rapproché du discours politique — et son analyse ne révèle pas seulement des connaissances sur les phénomènes du passé, mais aussi des attitudes et convictions modernes. L'historiographie sur "l'Europe médiévale" montre la relativité des connaissances historiques et permet de réfléchir sur la valeur de l'histoire pour l'orientation de la politique contemporaine. Sur la base d'un choix d'exemples représentatifs ("Charlemagne l'Européen", "l'Europe chrétienne"), cette présentation vise à discuter les potentiels et les limitations des motifs historiques pour les débats actuels.

Klaus Oschema est le directeur de l'Institut historique allemand à Paris et professeur d'histoire médiévale à la Ruhr-Universität Bochum (Allemagne). Ses recherches se focalisent sur l'histoire de la noblesse et de la cour (Bourgogne, Savoie) à la fin du Moyen Âge, les formes de sociabilité et les liens entre l'imaginaire géographique et l'ordre social. Il a notamment publié Bilder von Europa im Mittelalter (2013) et "Europe" in the Middle Ages (2023).

Teresa PULLANO : Europe hérétique, ou la physique du pouvoir contemporain
La question à présent est de savoir si l'Europe est encore en mesure de se poser comme le sujet d'une politique d'émancipation pour ses propres citoyens et pour ceux qui ne le sont pas. Pour y répondre, il faut mobiliser ces ressources philosophiques qui ont été minoritaires à l'intérieur de la philosophie moderne. Réfléchir à une Europe hérétique signifie retrouver les traces d'une temporalité non hégémonique, qui puisse nous aider à penser les catégories centrales du politique à partir de paradigmes marginaux à l'intérieur de l'histoire du libéralisme moderne sans toutefois se renfermer dans l'obscurantisme. C'est seulement si on développe une analytique de ce que j’appelle, d'après Foucault, la physique du pouvoir contemporain que l'on peut déchiffrer les transformations de l'Europe à présent et de ses relations au monde.

Teresa Pullano est une philosophe du politique. Elle travaille comme chercheuse auprès du Centre National de la Recherche italien à Rome (CNR-IRPPS), elle enseigne à l'université de Leuphana, Lüneburg (Allemagne) ; elle est research fellow auprès du European Institute de la London School of Economics and Political Science (Royaume Uni) et de l'Institute of European Global Studies de l'université de Bale (Suisse). Elle a publié le livre La citoyenneté européenne : un espace quasi-étatique (Paris, Presses de Sciences Po, 2014). Ses travaux ont été publié, parmi d'autres, dans les revues Droit et Société, Politique européenne, Philosophie, Politica & Società et dans plusieurs livres collectifs en français, anglais et italien.

Marie ROTKOPF : La mentalité allemande et l'impérialisme : Lettres à Émile Durkheim
1915, le sociologue Émile Durkheim publie L'Allemagne au-dessus de tout. Tout comme le Franco-Allemand Rudolf Diesel, né la même année que lui, Durkheim a une mission : rendre le peuple heureux. Il l'écrira clairement : celle-ci est incompatible avec la mentalité allemande. Tous les deux tués par l'axe impérialiste, l'un finira suicidé mystérieux dans la Manche, l'autre anéanti par la désespérance. 1943, la réalité allemande dépasse la fiction. 2023, l'impérialisme, qu'on ne nomme pas, vit de guerres, d'îles d'or et d'offshore. Depuis les guerres de Yougoslavie, le bombardement de la Serbie signé en 1999 par les Verts et le SPD, on assiste aujourd'hui à la remilitarisation historique allemande. C'est dans la continuité du travail et du dernier livre de Durkheim que nous proposerons une réflexion sur le moteur de l'Union européenne, ce pays mystérieux qu'est l'Allemagne.

Marie Rotkopf (1975, Paris) est écrivain, poète et critique culturelle. Elle s'intéresse à la construction et à la communication du pouvoir. La réécriture de l'Histoire, la conscience allemande et européenne est l'un des thèmes de son travail. Elle est l'auteur d'Antiromantisches Manifest (Nautilus, 2017) ou de Rejected. Designs For The European Flag (Wirklichkeit Books, 2020). En 2023, elle fait republier en Allemagne Deutschland über alles d'Émile Durkheim, suivi de son essai Zone Libre (Matthes & Seitz).
http://marie-rotkopf.net/

Maiwenn ROUDAUT : Est-il possible de (re)penser le défi démocratique européen avec la Théorie critique ?
En philosophie politique et en histoire des idées européennes, c'est traditionnellement la critique kantienne, compatible avec le programme des Lumières, qui est convoquée pour penser l'idéal démocratique. À l'inverse, les philosophes de la Théorie critique francfortoise sont plutôt perçus comme les instigateurs d'un courant des anti-Lumières, caractérisé par son pessimisme et son rejet de tout espoir de mener une vie juste, a fortiori démocratique, "après Auschwitz". À l'opposé de cette interprétation de l'histoire des idées européennes, cette contribution entend montrer que cette tradition critique, partant de Hegel, et passant par Marx et Freud, peut contribuer à renouveler la pensée de la démocratie en Europe dans la mesure où elle interroge la continuité, trop souvent sous-estimée dans les réflexions sur l'Europe, de l'autoritarisme et du fascisme sous des formes diverses.

Maiwenn Roudaut est maîtresse de conférences en histoire des idées des pays de langue allemande à l'université de Nantes, actuellement chercheuse au Centre Marc Bloch à Berlin. Ses travaux de recherche portent sur la notion de critique, l'École de Francfort et les questions de reconnaissance en philosophie politique. Elle a notamment publié plusieurs articles sur Habermas et l'Europe, et plus récemment sur les rapports entre éducation, critique et démocratie ("Démocratie, critique et éducation en Europe. L'héritage de l'École de Francfort", in Tristan Coignard et Céline Spector (dir.), Europe philosophique, Europe politique. L'héritage des Lumières, Classiques Garnier, 2022, p. 247-264).

Lucile SCHMID
Lucile Schmid est ancienne élève de l'ENA, administratrice de l'État au ministère de l'Économie. Elle a été élue locale socialiste puis écologiste en Ile de France. Cofondatrice du think tank La Fabrique écologique, elle est membre de longue date de la rédaction de la revue Esprit, et a été coprésidente de la fondation verte européenne (Green european Foundation) avec laquelle elle travaille régulièrement. Depuis 2019, elle anime avec la philosophe Catherine Larrère un séminaire sur les relations entre démocratie et écologie. Elle a créé en 2018 le Prix du roman d'écologie (PRE) un prix littéraire qui récompense des romans écrits en langue française où l'écologie occupe une part substantielle de l'intrigue. Elle est l'auteure de plusieurs essais portant sur les élites publiques, les enjeux écologiques et les relations franco-algériennes.

Harro von SENGER : Droits de l'homme : différences et similitudes sino-européennes
Le passé
Les différences entre les cultures juridiques autochtones européennes et chinoises ne doivent pas être surestimées, et les parallèles sino-occidentales dans l'histoire juridique chinoise et européenne ne doivent pas être négligées.
Actualité
Différences
Europe : Libéralisme (avec une exception)
Chine (RPC): Sino-Marxisme
Europe : Accent sur les droits humains politiques
Chine : Accent sur les droits humains économiques
Europe : Accent sur les libertés
Chine : Accent sur les limitations des libertés
Similitudes
Convention européenne des droits de l'homme et conception officielle chinoise des droits de l'homme : relativisme culturel.
Les pays européens et la Chine ont ratifié le Pacte 1 sur les droits économiques, sociaux et culturels.
Dans chaque session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, de nombreuses résolutions sont approuvés par les pays européens et la RPC.
Conclusion
La situation des droits de l'homme en RPC doit être considérée de manière différenciée dans l'esprit de la Conférence mondiale de Vienne de 1993 sur les droits de l'homme.

Harro von Senger (Suisse), docteur en droit et docteur en philosophie, avocat, est professeur émérite en sinologie de l'université de Fribourg en Brisgau. Ses recherches portent sur la langue et culture chinoise, surtout le droit chinois ancien et contemporain et la doctrine militaire chinoise depuis l'antiquité.
Publications
"Not only Differences, but also Consensus in Human Rights Concepts between China and the West", in Chen Sun & Hans-Christian Günther (ed.), Aspects of China's New Role in the Globalized World. Problems of International Politics, Séries de livres "East and West", vol. 2, Verlag Traugott Bautz, Nordhausen 2016, p. 95-112.
"Emer de Vattel en Chine", in Revue historique neuchâteloise, 151e année, n°3, 2014, p. 163-174.
Livres sur l'art chinois de la ruse publiés en 16 langues, dont en Ouïghour et Ukrainien, voir :
china-outofthebox.ch | 36strategeme.ch | supraplanung.eu | dastaoderschweiz.ch

Ania SZCZEPANSKA : L'héritage controversé et conflictuel de Solidarność
Les grèves d'août 1980 aux chantiers navals Lénine de Gdańsk furent essentielles dans la sortie du communisme en Europe centrale. Solidarność fut bien plus que le premier syndicat libre et autonome. C'est un incroyable mouvement social qui regroupa des millions d'individus, en Pologne et ailleurs, et mena à l'une des plus importantes révolutions pacifiques dans l'Europe du XXe siècle. Quarante ans plus tard, par-delà les questions mémorielles de l'après-1989, ce moment d'éveil des consciences continue à fasciner et fait l'objet d'une guerre mémorielle dans la Pologne d'aujourd'hui. Il oblige également à questionner les valeurs et le programme politique porté par un mouvement hétéroclite, soutenu par l'Église catholique et tourné vers l'Ouest, qui se voulait à la fois émancipateur et défenseur des traditions. Son programme peut-il encore inspirer l'Europe aujourd'hui ?

Ania Szczepanska est maîtresse de conférences à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et réalisatrice. Ses travaux portent sur les cinématographies de l'Est, les archives visuelles et leur rôle dans l'écriture de l'histoire. Elle a réalisé le film documentaire Nous filmons le peuple ! (2011, Abacaris films) consacré à l'engagement politique des cinéastes en Pologne communiste ainsi que Solidarność, la chute du mur commence en Pologne (2019, Looksfilm, Arte-NDR). Son dernier ouvrage s'intitule Une histoire visuelle de Solidarność (2021, FMSH). Elle réalise actuellement un film documentaire, Sous la terre de Polin, consacré à l'histoire des fouilles archéologiques d'Auschwitz et des objets ainsi exhumés.

Habib TENGOUR : Quand l'Algérie se décolonise, héritage et émancipation des Lumières : la littérature francophone originaire
Résultat d'une guerre de libération douloureuse, la décolonisation de l'Algérie s'est faite par rapport à la France, puissance coloniale d'alors qui se disait héritière des Lumières. La politique scolaire mise progressivement en œuvre (dans les villes surtout et en Kabylie) a permis l'émergence d'intellectuels et d'écrivains de langue française qui auront à prendre en charge cet héritage tout en ayant un regard critique en le confrontant à leur culture d'origine. Cette communication portera sur la manière dont Mohammed Dib, Kateb Yacine, Jean Senac, Mouloud Mammeri et Assia Djebar, écrivains que j'ai bien connus, ont entrepris cette décolonisation dans leur écriture.

Habib Tengour, poète et anthropologue, né le 29 mars 1947 à Mostaganem (Algérie). Il a publié une vingtaine d'ouvrages (poésie, prose, théâtre, essais). Sa poésie est traduite dans plusieurs langues. Il a obtenu en juin 2016 le Prix européen de poésie Dante pour l'ensemble de son œuvre poétique et en décembre 2022, le prix Benjamin Fondane pour l'ensemble de son œuvre. Il dirige depuis le printemps 2018 la collection "Poèmes du monde" aux Éditions Apic à Alger.
Publications récentes
Le Tatar du Kremlin, Éditions Phi, Luxembourg, 2018.
Odysséennes / Odissaiche, édition bilingue français-italien, traduction Fabio Scotto, Éditions Puntoacapo, Torino, octobre 2019.
Ta voix vit / Nous vivons, dessins de Hamid Tibouchi, Éditions Apic, Alger, octobre 2020.
La sandale d'Empédocle, Éditions Non lieu, Paris, juin 2021.

Nicolas WEILL : L'Occident contre l'Europe. "Rêves hespériques", de Hölderlin à Heidegger
À partir des "Cahiers noirs" de Martin Heidegger, mon propos veut mettre en lumière une opposition entre l'idée d'Europe et celle d'Occident. On s'appuiera sur une relecture critique de l'utilisation par Heidegger du corpus Hölderlinien dans le but de définir, contre la notion d'Europe, un destin "hespérique" (authentiquement occidental). Heidegger a pensé que ce destin — ou "nouveau commencement" — devait être assumé par l'Allemagne, puis par une Russie (débarrassée, soutenait-il, du bolchévisme et des théories venues de "l'Ouest"). Il y a là quelque chose de tristement actuel quand on voit l'argumentaire des idéologues proches de Moscou. Mais il s'agit surtout de s'interroger sur l'idéal européen à travers l'un de ses contretypes philosophiques.

Nicolas Weill, ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, est journaliste au Monde depuis 1995 et critique littéraire au "Monde des livres" depuis 2017. Traducteur et enseignant à Sciences Po, il a notamment publié en 2018, Heidegger et les Cahiers noirs. Mystique du ressentiment, Paris, CNRS éditions.

Dietmar WETZEL : Penser l'Europe au-delà de la mémoire collective (Halbwachs) — points de référence, constructions, critiques
Après une brève introduction aux questions centrales de la mémoire collective dans une perspective européenne, je rappellerai dans un deuxième temps de ma contribution des connaissances importantes tirées de l'œuvre du sociologue Maurice Halbwachs (1877-1945). Celles-ci fournissent encore aujourd'hui une base solide pour aborder les questions de la mémoire européenne. Dans un troisième temps, je me pencherai sur les constellations post-nationales ainsi que sur la question des re-nationalisations actuelles et de leurs implications pour le discours de la mémoire. Une étude de cas sur les cultures de la mémoire (européenne) sert à illustrer les idées de base développées précédemment. Dans le contexte d'une réflexion sur la mémoire disputée et nécessairement incomplète, l'exposé se conclut par la question de la nécessité et des difficultés d'une culture européenne de la mémoire.

Dr. habil. Dietmar J. Wetzel est Professeur de Sciences Sociales et Directeur du Département de Pédagogie depuis 2019 à la MSH Medical School de Hambourg. Il est chargé de cours à l'université de Bâle et à la ZHAW de Winterthur.
Publication
"Contested Memories – Aspects of collective remembering and forgetting", in H.-J. Schmidt & N.-L. Perret (ed.), Memories lost in the Middle Ages. Collective forgetting as an alternative procedure of the social cohesion, Belgium, Brepols, 2023.


SOUTIENS :

Fondation Clarens pour l'humanisme | Fondation de France
Université Gustave Eiffel
Humboldt-Universität zu Berlin, Allemagne
• Deutscher Akademischer Austauschdienst (DAAD)
Veolia
Matmut
Maison Jean Monnet | Parlement européen
• Université franco-allemande (UFA)

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


L'OULIPO : GÉNÉRATIONS


DU LUNDI 24 JUILLET (19 H) AU DIMANCHE 30 JUILLET (14 H) 2023

[ colloque de 6 jours ]



PRÉSENTATION VIDÉO :


DIRECTION :

Marc LAPPRAND, Dominique RAYMOND, Christophe REIG, Alain SCHAFFNER


ARGUMENT :

Conçu au château de Cerisy en 1960 lors de la décade consacrée à Raymond Queneau, l'OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle) a depuis tracé un chemin original et durable dans le monde littéraire français et international. D'abord volontairement confidentiel, ce groupe disparate d'érudits, un temps issu et rattaché au Collège de 'Pataphysique, a progressivement agrégé autour de ses membres fondateurs des écrivains internationalement reconnus (G. Perec, J. Roubaud, I. Calvino, H. Mathews…). Logiquement, l'Oulipo s'est ensuite ouvert, sous la houlette de N. Arnaud, P. Fournel et M. Bénabou à des démarches plus exotériques caractérisées par une volonté affirmée de rencontre avec un public élargi.

Compte tenu de sa longévité, dans un paysage contemporain marqué par la disparition des groupes et des courants littéraires, l'Ouvroir, aujourd'hui fringant sexagénaire, fait donc figure d'exception. Sur les lieux mêmes où il naquit, ce colloque propose d'établir un bilan critique de ses permanences et de ses métamorphoses, de prendre acte de son unité et sa diversité par-delà les générations. Avec des interventions de membres de l'OULIPO et de contributeurs universitaires de plusieurs pays (Canada, France, Espagne, États-Unis, Italie, Japon), le colloque sera ouvert à toute personne intéressée par les sujets traités.


MOTS-CLÉS :

Calvino (Italo), Collège de 'Pataphysique, Décentrement, Écritures à contraintes, Érudition, Esthétique, Hasard, Intertextualité, Langue, Machine, Perec (Georges), Poésie, Queneau (Raymond), Queval (Jean)


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 24 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 25 juillet
Matin
Modérateur : Christophe REIG
Marc LAPPRAND : La notion de décentrement à l'Oulipo
Peter CONSENSTEIN : De la poésie générative à la poésie générée

Après-midi
Modérateur : Peter CONSENSTEIN
Hermes SALCEDA : Les représentations de la langue à l'Oulipo
Éric BEAUMATIN : La place de la versification (donc de la langue) dans le périmètre définitionnel de la contrainte oulipienne
Robert RAPILLY : Présentation de Pirouésie - Festival de poésie à Pirou, Cotentin


Mercredi 26 juillet
Matin
Modérateur : Marc LAPPRAND
Shuichiro SHIOTSUKA : Techniques oulipiennes et enjeu existentiel : le cas du Tramway de Claude Simon
Christophe REIG : Clinaménique ou climatérique ? Le romanesque oulipien contemporain

Après-midi
Modérateur : Hermes SALCEDA
Maxime DECOUT : Enquêtes, impostures et complots à l'Oulipo
Yunjoo HWANG : L'Anomalie, un roman oulipien 2.0 ? Les aspects oulipiens et l'idée du potentiel dans L'Anomalie

Géométrie, poésie, des contraintes pour la prose, animée par Michèle AUDIN


Jeudi 27 juillet
Matin
Modératrice : Dominique RAYMOND
Dominique MONCOND'HUY : Se dire à / par l'Oulipo ? Réflexions sur le discours de soi au fil des décennies oulipiennes
Michele COSTAGLIOLA D'ABELE : Italo Calvino oulipien : une histoire de destins croisés

Après-midi
"HORS LES MURS" — À L'IMEC (ABBAYE D'ARDENNE DE CAEN)
Redécouvrir l'œuvre de Jean Queval écrivain, traducteur et critique de cinéma, parmi les membres fondateurs de l'OuLiPo :
15h: Intervention d'Axel QUEVAL et lectures de textes
15h40: Présentation de pièces d'archives du fonds Jean Queval & Visite de l'abbaye d'Ardenne [en deux groupes]
17h: Goûter & Visite optionnelle de l'exposition de Georges Didi-Huberman : Tables de montage
18h: Retour à Cerisy


Vendredi 28 juillet
Matin
Modérateur : Dominique MONCOND'HUY
Christelle REGGIANI : L'Oulipo et le hasard [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Daniela TONONI : Formes de l'intertextualité dans l'écriture oulipienne : le laboratoire de Raymond Queneau

Après-midi
Modératrice : Caroline LEBREC
Alison JAMES : Générativités oulipiennes
Camille BLOOMFIELD : Clémentine Mélois : du livre aux réseaux sociaux, une pratique plurimédiale de la création

Tentative d'épuisement de la ville de Barcelone en dix places, animée par Pablo MARTÍN SÁNCHEZ

Soirée | En commun avec le colloque en parallèle : Michel Chaillou, poète de l'extrême-contemporain ?
Lecture théâtralisée des Entretiens d'Étretat de Michel Chaillou et Jacques Roubaud, par Valérie AUBERT et Samir SIAD, avec le concours de Cédric ALTADILL


Samedi 29 juillet
Matin
Modératrice : Alison JAMES
Dominique RAYMOND : Sa Luminescence, Line Mc Murray : entretien et artefacts
Caroline LEBREC : Une trilogie du queer dans l'œuvre d'Anne Garréta ?

Après-midi
Modératrice : Christelle REGGIANI
Margaux COQUELLE-ROËHM : Espace graphique et générations oulipiennes (Roubaud, Perec, Forte…)
Xiaoxuan LYU : Michèle Métail et la "Carte de la Sphère Armillaire"

Créations, animée par Bernardo SCHIAVETTA

Soirée
L'Oulipo et la machine. Toi et l'algo, animée par Valérie BEAUDOUIN
L'Oulipo et l'image, animée par Étienne LÉCROART


Dimanche 30 juillet
Matin
Rapport d'étonnement, par Cindy GERVOLINO

Discussion générale et conclusions

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Marc LAPPRAND : La notion de décentrement à l'Oulipo
L'on sait le rôle de la contrainte dans l'élaboration de créations oulipiennes. L'on sait également la valeur prépondérante accordée à la potentialité appliquée à des textes existants ou à venir. Ce sont les deux moteurs de la machine oulipienne. Jacques Jouet a proposé lors d'un colloque le 1er avril 2022 d'illustrer sa volonté de se mettre dès lors à écrire ses poèmes quotidiens en allemand comme une forme de décentrement. Cette notion peut-elle s'appliquer plus généralement à l'Oulipo ?

Marc Lapprand est professeur titulaire en lettres modernes au Département de français de l'université de Victoria (C.-B.). Il a dirigé l'édition des Œuvres romanesques complètes de Boris Vian à la Bibliothèque de la Pléiade (2 vol., Gallimard, 2010). Il est également un spécialiste reconnu de L'Oulipo (Pouquoi l'Oulipo ?, Presses de l'université Laval, 2020). Ses recherches récentes ont porté également sur le darwinisme littéraire et l'approche bioculturelle des récits de fiction.

Dominique RAYMOND : Sa Luminescence, Line Mc Murray : entretien et artefacts
Le parcours de Line Mc Murray, Sa Luminescence à la tête de l'Académie québécoise de 'Pataphysique de 1989 à 2019, est jalonné de rencontres déterminantes : correspondance avec Ionesco et Le Lionnais, relations privilégiées avec plusieurs oulipiens, oupeinpiens et pataphysiciens, tels Aline Gagnaire, Thieri Foulc, Jacques Roubaud, Brunella Eruli, Noël Arnaud, Enrico Baj, André Blavier, Paul Fournel, Jacques Carelman, Marcel Bénabou, etc. Lors de cette présentation, nous diffuserons un entretien mené pour l'occasion et présenterons une série de photos et autres artefacts qui illustrent l'important travail de celle qui a su distiller, au Québec, l'esprit imaginatif de ces artistes.

Dominique Raymond est professeure associée au Département de mathématiques et d'informatique et chargée de cours au Département de lettres et communication sociale de l'université du Québec à Trois-Rivières. Ses recherches portent sur la contrainte littéraire à l'Oulipo et dans la littérature québécoise, la math-fiction, le numérique et la figure fractale. Elle a entre autres publié aux Presses de l'université de Montréal en 2021 Échafaudages, squelettes et patrons de couturières. Essai sur la littérature à contraintes au Québec, lauréat du prix Gabrielle-Roy.

Christophe REIG : Clinaménique ou climatérique ? Le romanesque oulipien contemporain
Depuis quelques années, l'on entend çà et là évoquer un Oulipo devenu allégé, négligeant les formes strictes auxquelles, par exemple, La Disparition ou davantage encore La Vie mode d'emploi, souvent considéré comme le chef-d'œuvre et l'hypotexte majeur des romans oulipiens, nous avait habitués. A priori, les dernières parutions les plus en vue semblent effectivement avoir délaissé les "cahiers des charges" rigoureux, les contraintes "dures", les translations de formules mathématiques ou poétiques, les échafaudages marqués ou masqués (liste non exhaustives).
Toutefois, l'affirmation selon laquelle les prosateurs issus des rangs oulipiens auraient définitivement relégué les inventions formelles au sein de leurs romans semble quelque peu excessive. D'une part parce que la contrainte n'est évidemment pas la seule caractéristique des récits oulipiens. D'autre part, parce que bien qu'apparemment émoussées, moins novatrices, un certain nombre de caractéristiques formelles propres à l'Oulipo perdurent, peut-être davantage dissimulées sous un nappé romanesque désormais porté au premier plan. Or ce romanesque n'offre-t-il pas finalement la meilleure des réponses aux reproches de textualisme ou de formalisme des contempteurs de l'Oulipo ? Outre cela, nombre de marqueurs oulipiens dans ces récits (intertextualité restreinte, rimes de personnages et de situation, transfictions, successions de focalisation) ne semblent pas — en dépit des apparences — avoir complètement reflué et profitent à des récits dont on conviendra qu'ils semblent plus accessibles et plus personnels mais toujours aussi réflexifs.
En nous appuyant principalement sur L'Anomalie (2020) d'Hervé Le Tellier mais aussi en parcourant les opus successifs de la quadrilogie de Paul Fournel — La Liseuse (2011), Jason Murphy (2013), Jeune-Vieille (2021) et Le Livre de Gabert (2023) — nous essaierons de comprendre les configurations de ces récents récits poursuivent par d'autres voies l'aventure oulipienne commencée il y a plus de soixante ans désormais.

Christophe Reig est Maître de conférences en littérature française (XX-XXIe) à l'UPVD / CRESEM et associé à l'UMR Thalim (Sorbonne Nouvelle, CNRS/ENS). Il a, entre autres, consacré nombre de travaux à l'OuLiPo et ses membres éminents (M. Bénabou, P. Fournel, J. Jouet, H. Le Tellier, H. Mathews, G. Perec, Jacques Roubaud, liste non exhaustive). Dans ce domaine, il a récemment publié – avec la complicité de Marc Lapprand – Noël Arnaud, Chef d'orchestre de l'Oulipo, Paris, Champion (2018) et Jacques Bens. Mémoires d'un "vieux crocodile" – Correspondance (1952-2001), Paris, Champion (2022).


Éric BEAUMATIN : La place de la versification (donc de la langue) dans le périmètre définitionnel de la contrainte oulipienne
Depuis les premier et second Manifestes signés de François Le Lionnais (1962 puis 1973), la "versification générale" apparaît au nombre des "contraintes" dont la tradition se serait accommodée : elle ne demanderait qu'à être un peu bousculée dans ses potentialités pour enrichir la création ("[…] le [merveilleux] vers de 13 pieds au lieu de l'alexandrin […]"). À rebours de cette position, l'enseignement du métricien Jacques Roubaud ne considère pas la versification (traditionnelle en tout cas) comme relevant de la "contrainte" au sens oulipien du terme. Mais un débat sur ce point n'a jamais ouvertement eu lieu, alors qu'il mériterait une formulation explicite dans des termes susceptibles de mettre en lumière ce qui, en théorie de la littérature potentielle et de la contrainte, est vraisemblablement en jeu, à savoir la langue et son statut. On passera notamment en revue les textes théoriques et nomenclatures endo-oulipiennes pertinentes (Queneleiev, TOLLE etc.) pour proposer d'entrer dans cette question.

Camille BLOOMFIELD : Clémentine Mélois : du livre aux réseaux sociaux, une pratique plurimédiale de la création
Clémentine Mélois, artiste-plasticienne contemporaine et écrivaine, semble avoir fait de l'exploration des chemins de traverse sa ligne directrice, et de la plurimédialité une caractéristique centrale de son travail. Formée aux Beaux-Arts de Paris et cooptée en 2017 à l'Oulipo, elle s'est d'abord spécialisée dans le livre d'artiste, avant de réaliser sa première œuvre d'envergure : la collection des Cent titres, ensemble de détournements par le titre, la couverture ou le nom de l'auteur, de cent classiques de la littérature mondiale. Œuvre numérique avant tout ou livre d'artiste remédiatisé ? Celle qui est aussi autrice d'essais, de romans-photo, d'installations littéraires hors du livre, ou encore d'objets littéraires et de tableaux détournés, gagne à être étudiée sous l'angle de la plurimédialité et des études culturelles, à l'aune de de ce que Magali Nachtergael a nommé "le devenir-image de la littérature". Cela permettra de voir comment Clémentine Mélois renouvelle radicalement les pratiques et les usages de l'Oulipo, tout en s'inscrivant dans un héritage fièrement revendiqué, en un geste caractéristique de la jeune génération d'Oulipiens.

Maîtresse de conférences à l'université Paris Cité, Camille Bloomfield est l'autrice d'une monographie sur l'Oulipo, Raconter l'Oulipo : histoire et sociologie d'un groupe. 1960-1990 (Honoré Champion, 2017), et de nombreux articles portant notamment sur la traduction et le multilinguisme, le rapport aux machines, l'archive oulipienne, l'écriture collaborative mais aussi Jacques Jouet, Michèle Métail, Jacques Roubaud ou Paul Fournel…

Margaux COQUELLE-ROËHM : Espace graphique et générations oulipiennes (Roubaud, Perec, Forte…)
Dans le prolongement de ma thèse consacrée à la question "l'espace du poème" chez Jacques Roubaud, j'aimerais examiner la manière dont quelques oulipiens (notamment Roubaud, Perec, Forte…) se saisissent diversement de la question de l'espace graphique – celui du poème, du texte ou du livre. J'aimerais approfondir l'idée que des phénomènes de sociabilité lettrée interne à l'Oulipo s'ancrent graphiquement, en particulier dans le duo Perec / Roubaud du début des années 70 (Trente et un au cube / W / Espèces d'espaces).

Margaux Coquelle-Roëhm est professeur agrégée de Lettres Modernes et ATER en littérature et langue française à l'université de Poitiers. Elle a soutenu le 13 décembre 2022 une thèse intitulée "L'espace du poème chez Jacques Roubaud : mouvance, mémoire, méditation", portant sur l'ensemble de l'œuvre du poète. Plus largement, ses recherches portent sur la poésie contemporaine et en particulier l'Oulipo, l'histoire des formes, mais aussi sur les questions de matérialité textuelle et d'intermédialité.
Publications
"Contre la poésie, parti pris de la forme", Formes poétiques contemporaine, n°22, 2022, p. 41-61.
"Formes, formats, espaces : du sonnet et du tanka chez Jacques Roubaud", Interfaces. Image Texte Language, n°45, 2021 [en ligne].
""Moins qu'un tanka moins / Qu'un haïku / Densité mémoire" : les tridents de Jacques Roubaud", in M. Detrie et D. Chipot (dir.), Fécondité du haïku dans la création contemporaine, Paris, Pippa, 2020, p. 35-46.
"Entretien avec Jacques Roubaud", Place de la Sorbonne, n°10, 2020, p. 13‑30.

Michele COSTAGLIOLA D'ABELE : Italo Calvino oulipien : une histoire de destins croisés
La participation d'Italo Calvino à l'Oulipo représente une phase de son activité littéraire souvent négligée, voire méprisée, surtout par la critique italienne qui, à maintes reprises, accuse l'écrivain de "désengagement" ou de "vacance morale". Sa confrontation avec les modèles logiques et mathématiques de l'Oulipo, doit cependant être lue comme une expérience à travers laquelle l'auteur essaie de mettre de l'ordre, par le biais d'une approche "systématique et scientifique", dans sa profonde "agoraphobie intellectuelle". Nous nous proposons de synthétiser les rapports qu'il a entretenus avec l'Oulipo en organisant notre propos autour de trois noyaux thématiques : 1) l'adhésion d'Italo Calvino au projet oulipien que nous étudierons en termes de participation aux activités du groupe et à travers l'analyse de ses réflexions critiques ; 2) la production littéraire de l'auteur (romans et textes brefs) présentant une fidélité aux principes de l'esthétique oulipienne que nous analyserons à partir d'une perspective oulipocritique ; 3) son rôle de relais idéal entre l'Oulipo et la culture italienne.

Michele Costagliola d'Abele est enseignant-chercheur en littérature française à l'Università di Napoli L'Orientale. Après une thèse en co-tutelle (Università di Napoli L'Orientale / Université Paris Ouest La Défense), il a reçu une bourse d'excellence de la Confédération Helvétique pour un post-doc en linguistique pragmatique au Département de Linguistique de l'université de Genève, où il a été aussi chargé d'enseignement. Ses recherches portent notamment sur la littérature française contemporaine (Oulipo, Perec, Queneau, Garréta, Pancrazi) et sur l'analyse stylistique et pragmatique du texte littéraire. Il est l'auteur, entre autres, du volume L'Oulipo e Italo Calvino paru en 2014 chez Peter Lang.

Maxime DECOUT : Enquêtes, impostures et complots à l'Oulipo
L'Oulipo a manifesté un intérêt peu commun pour toutes les formes du roman policier et de l'imposture, comme dans Si par une nuit d'hiver un voyageur, Un cabinet d'amateur, Ma vie dans la CIA, « 53 jours », la trilogie d'Hortense, Le Voleur de nostalgie, Avant le polar, Attends voir, Le Voyage d'hiver et ses suites. Cette passion pour les fraudes, les manigances et les enquêtes va parfois jusqu'à inventer des investigations et des complots dont l'outil principal, voire la cible, sont des fictions. Ce déplacement d'accent du réel-dans-la-fiction vers la fiction-dans-la-fiction tend à se saisir du polar pour incriminer la littérature dans toute une série de supercheries, parfois de meurtres, et donne naissance à de véritables "enquêtes textuelles". Ces œuvres mettent ainsi à mal nos rêves de maîtrise sur le sens et le texte, fragilisent nos assurances quant à la vérité et au mensonge, et nous invitent à mesurer la fertilité d'une lecture proprement paranoïaque.

Maxime Decout est professeur à l'université de la Sorbonne et membre junior de l'IUF. Il a notamment participé à la publication des œuvres de Perec dans la Bibliothèque de la Pléiade (2017), rédigé l'Album Romain Gary (Bibliothèque de la Pléiade) et publié, aux Éditions de Minuit, quatre essais qui interrogent les rapports entre littérature, authenticité, mensonge et interprétation : En toute mauvaise foi (2015), Qui a peur de l'imitation ? (2017), Pouvoirs de l'imposture (2018) et Éloge du mauvais lecteur (2021).

Alison JAMES : Générativités oulipiennes
Né pendant l'apogée de la cybernétique et de la linguistique générative, l'Ouvroir de littérature potentielle prend acte des nouvelles découvertes scientifiques et technologiques tout en exprimant des hésitations, voire des inquiétudes persistantes à l'égard de leurs applications littéraires. Nous tracerons l'évolution au sein du groupe d'une théorisation et d'une mise en pratique de la générativité oulipienne, des Cent mille milliards de poèmes de Queneau, cette "machine à fabriquer des poèmes", aux expérimentations combinatoires de l'ALAMO, en passant par la "Production automatique de littérature française" (PALF) de Georges Perec et Marcel Bénabou. Si la notion de potentialité paraît d'emblée axée sur une conception de la générativité, le discours collectif du groupe est marqué par une forte méfiance à l'égard d'un "automatisme" teinté de surréalisme, ainsi que par la revendication d'une écriture artisanale plutôt que machinale. Le projet oulipien nourrit néanmoins de nombreuses réflexions et recherches contemporaines en matière de générativité computationnelle. Aujourd'hui, alors que les réseaux neuronaux acquièrent une nouvelle puissance de modélisation et de génération du langage et menacent de transformer notre relation à l'écrit, que pouvons-nous apprendre de l'Oulipo ?

Professeure à l'université de Chicago, Alison James est notamment l'auteure de Constraining Chance : Georges Perec and the Oulipo (Northwestern University Press, 2009), et de The Documentary Imagination in Twentieth-Century French Literature : Writing with Facts (Oxford University Press, 2020). Elle a également dirigé ou co-dirigé des ouvrages collectifs et des numéros de revue sur les formalismes littéraires, l'écriture non-fictionnelle, les littératures de terrain et les écritures contemporaines du quotidien.

Dominique MONCOND'HUY : Se dire à / par l'Oulipo ? Réflexions sur le discours de soi au fil des décennies oulipiennes
Né de la volonté d'explorer la potentialité, conçu par ailleurs contre le surréalisme, grandi enfin dans le contexte du structuralisme et de "la mort de l'auteur", l'Oulipo a longtemps été perçu comme une entreprise où l'expression de soi n'avait peut-être pas sa place, ou du moins n'intervenait que de manière périphérique ou subreptice. Les générations successives d'Oulipiens ont prouvé qu'il n'en était rien — et le projet oulipien, souvent tenu pour (trop) formaliste, mathématique ou ludique (c'est selon…) aura peut-être été aussi le truchement par lequel des écrivains choisirent de se faire entendre, malgré tout.

Professeur de littérature française à l'université de Poitiers, Dominique Moncond'huy s'est beaucoup intéressé à l'œuvre de Roubaud, mais aussi à celles de Perec, Jacques Jouet (La Licorne, 2015, n°118, avec M. Lapprand) ou Ian Monk. Il a co-piloté un volume sur la morale élémentaire (La Licorne, 2007, n°81) et contribué à l'Oulipo mode d'emploi (Honoré Champion, 2016) et à l'ANR DIFDEPO.

Christelle REGGIANI : L'Oulipo et le hasard
Historiquement associé au surréalisme, le hasard a fait à l'Oulipo l'objet d'un rejet radical, maintes fois répété : "Nous lançons un défi au hasard" (Claude Berge) ; "La structure doit être cohérente. […] La structure a pour effet d'endiguer le hasard" (Jacques Duchateau)… La mathématisation de l'invention littéraire qui fait le propre de l'Ouvroir de littérature potentielle sert ainsi un fantasme de maîtrise — alors que rien, au fond, ne l'y prédisposait, au sens où le recours aux mathématiques pouvait aussi bien (et tout au contraire) conduire à mettre l'accent sur le probable, l'aléatoire, l'incertain… Or, les auteurs de l'Oulipo n'en ont pas moins développé une réflexion sur le contingent, voire l'aléatoire — outre le travail sur la génération automatique (informatique) de textes — qui a notamment pris, dans le cas de Perec, la consistance d'une véritable théorisation, via l'emprunt au Collège de Pataphysique de l'antique notion de clinamen. On se propose donc de partir de cette tension pour interroger les enjeux et les significations des usages, théoriques et poétiques, du hasard qui ont été ceux de l'Ouvroir de littérature potentielle depuis la création du groupe en 1960.

Professeure de stylistique française à la faculté des lettres de Sorbonne Université, Christelle Reggiani a notamment publié : Rhétoriques de la contrainte. Georges Perec, l'Oulipo, Saint-Pierre-du-Mont, Éditions InterUniversitaires, 1999 (rééd. Eurédit, 2013) ; Poétiques oulipiennes : la contrainte, le style, l'histoire, Genève, Droz, 2014 ; Perec et le cinéma, Paris, Nouvelles Éditions Place, 2021. Elle a également dirigé l'édition des Œuvres de Georges Perec dans la "Bibliothèque de la Pléiade" des éditions Gallimard (2017).

Hermes SALCEDA : Les représentations de la langue à l'Oulipo
L'Oulipo s'est proposé notamment d'explorer les possibles de la langue, pourtant il n'existe pas à proprement parler une théorie oulipienne de la langue (C. Reggiani). Il s'agira d'étudier les rapports parfois paradoxaux de l'Oulipo à la langue autant à travers les écrits théoriques du groupe, qu'à travers certaines œuvres qui impliquent une prise de position par rapport à la question de la langue. Quel est cet au-delà de la linguistique évoqué par Queneau où prétend se situer l'Oulipo ? Associée à la question de la langue se trouve celle de l'écriture dont la position est aussi difficile à préciser.

Hermes Salceda s'occupe essentiellement des textes de Raymond Roussel et de Georges Perec en tant que traducteur et en tant que critique. Comme traducteur, il s'efforce de transposer en espagnol la complexité textuelle des textes contraints en respectant leurs règles d'écriture. Ses travaux récents sont Clés pour La Disparition (2018) et Roussel-Dalí (2021). Il dirige la revue Raymond Roussel chez Classiques Garnier.

Shuichiro SHIOTSUKA : Techniques oulipiennes et enjeu existentiel : le cas du Tramway de Claude Simon
Dans notre communication, nous voudrions faire la comparaison entre Le Tramway de Claude Simon et les deux œuvres de Georges Perec (W ou le souvenir d'enfance et La Disparition), afin qu'une pratique effectuée en dehors de l'Oulipo jette une nouvelle lumière sur les artifices littéraires. Nous nous donnons deux buts dans cette comparaison : d'une part, elle contribue à montrer que certains artifices peuvent avoir une charge existentielle, et à réfuter la critique qui accuse l'Oulipo de gratuité ludique. D'autre part, elle sert à constater que les possibilités oulipiennes et les activités d'écrivains extérieurs au groupe peuvent converger vers le même effet. Nous espérons par-là que les études oulipiennes s'assoupliront pour devenir plus ouvertes et plus dégagées.

Shuichiro Shiotsuka est professeur à l'université de Tokyo (Japon), auteur de deux ouvrages : Les Recherches de Raymond Queneau sur les fous littéraires (Eurédit, 2003) et Georges Perec : contrainte et enjeu existentiel (en japonais, 2017). Il est également traducteur en japonais de la littérature française du XXe siècle (notamment La Disparition et Les Enfants du limon).

Daniela TONONI : Formes de l'intertextualité dans l'écriture oulipienne : le laboratoire de Raymond Queneau
Dans l'œuvre oulipienne l'intertextualité ne se réduit pas à la seule transgression, à la simple imitation ou à l'interprétation de l'ensemble des textes qui nourrissent l'œuvre et dont la présence est plus au moins explicite. Dans les créations sous contrainte l'intégration d'autres textes nourrit la réflexion théorique qui précède la création et, en même temps, détermine de spécifiques configurations textuelles élaborées pendant la fabrication du texte. Suivant la perspective abordée par Kristeva et Barthes, notre propos n'est pas seulement de réfléchir sur le rapport entre intertextualité et texte oulipien mais aussi d'explorer, à partir de notes préparatoires et d'autres documents avant-textuels de Raymond Queneau, le processus d'élaboration du réseau intertextuel de l'œuvre sous contrainte.

Daniela Tononi est maître de conférences en Littérature Française à l'université de Palerme. Elle est membre du Comité directeur du Centre de Recherche Argo et a dirigé le projet Textual Genetics and chaotic system. A new approach to the writing process. Spécialiste de l'Oulipo, de Perec et de Queneau, elle a consacré plusieurs articles à l'écriture autobiographique de Perec, aux manuscrits de Raymond Queneau (GénétiQueneau, UGA, 2019), aux rapports entre écriture, mémoire et témoignage. Membre de l'équipe Autobiographie et Correspondances de l'ITEM, elle a codirigé plusieurs colloques et plusieurs ouvrages collectifs (Génétique textuelle : approches croisées et études de cas, avec F. Pellegrini, PUB, avril 2023).


Géométrie, poésie, des contraintes pour la prose, animée par Michèle AUDIN
Mathématicienne spécialiste de géométrie, Michèle Audin a imaginé des contraintes littéraires fondées sur des figures de géométrie. Simultanément, elle a utilisé des formes poétiques pour écrire des textes en prose. Ce sont ces deux aspects qu'elle entend présenter, dont la forme s'inspirera du contenu, comme il se doit.

Michèle Audin, mathématicienne et écrivaine, est membre de l'Oulipo depuis 2009. Outre ses articles et livres de recherche en mathématiques, elle a écrit plusieurs romans (Gallimard, collection "L'Arbalète"), dont les plus récents sont Comme une rivière bleue (2017), Oublier Clémence (2018), Josée Meunier 19, rue des Juifs (2021) et Paris, boulevard Voltaire (2023), qui contient aussi des poèmes, ainsi que des livres d'histoire (Libertalia).

L'Oulipo et la machine. Toi et l'algo, animée par Valérie BEAUDOUIN
Chaque génération de l'Oulipo a prêté attention à la question des relations entre littérature et machine, au gré des innovations technologiques, de l'ordinateur à l'intelligence artificielle en passant par internet. "L'algo et moi" est une entreprise de dialogue avec une machine particulière, celle qui choisit de promouvoir certaines images-souvenirs dans l'amas de photographies qui s'empilent dans les mémoires de nos téléphones. J'ai entrepris pendant plusieurs mois de suivre les recommandations journalières de la machine, de regarder les photos qu'elle choisissait pour moi, de les décrire, et de prêter attention à ce dialogue étonnant, dominé par la "douceur" de l'injonction ("Souvenez-vous", "Il y a trois ans déjà"…). Comment contourner la tentative de la machine de prendre la main sur nos souvenirs ? Tel est le sens de l'expérience qui sera présentée et discutée.

Valérie Beaudouin est directrice d'études à l'EHESS et membre de l'Oulipo. Elle a mis en place des outils informatiques pour analyser la structure du rythme et de la rime dans l'alexandrin classique (Mètre et rythmes du vers classique - Corneille et Racine, Paris, Slatkine-Champion, 2002). Ses travaux portent sur les usages d'internet et des techniques d'intelligence artificielle ("Liber ex machina. Vers une analyse des machines autrices en littérature", in A. Gefen (dir.), Créativités artificielles, Les presses du réel, pp. 31 46, 2023).

L'Oulipo et l'image, animée par Étienne LÉCROART
L'Oulipo, de par sa nature, s'est assez peu intéressé à l'image. En cooptant en 2012 le dessinateur Étienne Lécroart, l'Ouvroir a fait entrer de plein droit la bande dessinée dans le champ littéraire. Cette confrontation du champ lexical et du champ iconique s'est vue confirmée par la cooptation de la plasticienne Clémentine Mélois en 2017. Comment cela s'est-il opéré et qu'est-ce que cela produit, c'est ce qu'abordera cette intervention.

Étienne Lécroart est dessinateur d'humour pour la presse depuis 1986 et de bandes dessinées depuis 1993. La plupart de ses bandes dessinées sont basées sur des contraintes formelles fortes. Il est membre de l'Oubapo (Ouvroir de Bande dessinée Potentielle) depuis le 2 juillet 1993 et membre de l'Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle) depuis le 3 avril 2012. Ses autres bandes dessinées sont à visée documentaire.
Derniers ouvrages parus
Le hasard - Avec Ivar Ekeland, Le Lombard, 2016.
Vanité, L'Association, 2017.
Les riches au tribunal, Delcourt, 2018.
Fifiches à gogo, L'Association, 2019.
Urgence climatique - Avec Ivar Ekeland, Casterman, 2021.
Petit manuel d'humour, Fluide Glacial, 2022.
Fumier, L'Association, 2022.
L'oulipo par la bande, L'Association, 2023.

Tentative d'épuisement de la ville de Barcelone en dix places, animée par Pablo MARTÍN SÁNCHEZ
Inspiré par la Tentative d'épuisement d'un lieu parisien de Georges Perec, j'ai tenté d'épuiser la ville de Barcelone. J'ai choisi dix places (une pour chaque arrondissement de la ville) et j'ai demandé à dix photographes (non professionnels) de m'accompagner dans ma tentative, à partir d'une même idée : essayer d'épuiser (eux photographiquement et moi textuellement) les dix places, au cours d'une seule journée pour chacune d'entre elles. Le résultat est plus de cent pages d'écriture "topographique" (pour reprendre le terme utilisé par l'écrivain espagnol Enrique Vila-Matas, cultivateur sporadique du genre) et plus de trois cents photographies qui devraient aboutir à une exposition. La lecture et la projection à Cerisy d'une sélection de textes et d'images pourraient constituer le premier contact entre ce projet artistique et le public, et susciter un débat sur l'esthétique de l'infra-ordinaire dans la littérature et l'art en général.

Pablo Martín Sánchez est l'auteur d'un livre de nouvelles (Frictions) et de trois romans (L'Anarchiste qui s'appelait comme moi, L'Instant décisif et Journal d'un vieux cabochard), ainsi que le traducteur de plus d'une vingtaine d'ouvrages. Il est membre de l'Oulipo depuis 2014 et travaille comme professeur d'écriture et de traduction.

Créations, animée par Bernardo SCHIAVETTA
Bernardo Schiavetta a été l'un des "invités d'honneur" de l'Oulipo. Les textes de son premier livre en espagnol Diálogo (Valencia, Prometeo, 1983) contenaient déjà des poèmes dont le sens surgissait de générateurs (au sens donné à ce terme par Jean Ricardou dans les années 70) : parfois verbaux (gloses d'un vers d'un autre auteur), parfois rhétorico-prosodiques (strophes aux formules géométriques interprétées comme des diagrammes de Pierce). Au cours de sa participation aux séminaires de Roubaud à l'INALCO et ensuite à ceux de Ricardou à Cerisy, Schiavetta a élaboré plusieurs versions françaises des poèmes hyperconstruits de son deuxième livre Fórmulas para Crátilo (Madrid, Visor, 1990), Prix Loewe. Il est en train de préparer en espagnol un volume d'œuvres poétiques réunies (encore sans titre définitif), incluant les biographies de ses hétéronymes. Sa réflexion actuelle sur ses publications, globale et rétroactive, lui a permis d'approfondir et de modifier sa théorie poétique. Tel sera le sujet de la soirée animée par l'auteur, illustrée par des versions françaises de ses textes.

Bernardo Schiavetta est écrivain, éditeur, psychiatre, DEA en Littérature Comparée. Il a co-fondé deux revues académiques : Formules (actuellement à la SUNY at Buffalo) et FPC / Formes Poétiques Contemporaines (actuellement à l'université de Liège).
Bibliographíe
Schiavetta, B., Texte de Pénélope, dialogues avec Didier Coste, en ligne sur le site academia.edu.
Schiavetta, B., "Comment j'ai trouvé les auteurs de mes textes", Formules, revue des créations formelles, n°20, p. 253-279, en ligne sur le site academia.edu.


BIBLIOGRAPHIE :

• Andrews Chris, How to do things with forms : the Oulipo and its inventions, Montréal, McGill-Queen's University Press, 2022.
• Baetens Jan & Schiavetta Bernardo (dir.), Le goût de la forme en littérature. Écritures et lectures à contraintes, Colloque de Cerisy (2001), Noésis, Formules, 2004.
• Berkman Natalie, OuLiPo and the Mathematics of Literature, Berne, Peter Lang, Coll. "Romance Literatures & Cultures", 2022.
• Bisenius-Penin Carole, Le Roman oulipien, Paris, L'Harmattan, 2008.
• Bisenius-Penin Carole et Petitjean André, 50 Ans d'Oulipo : de la contrainte à l’œuvre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
• Bloomfield Camille, Lapprand Marc & Thomas Jean-Jacques (dir.), Oulipo@50/L'Oulipo à 50 ans, Les Presses universitaires du Nouveau Monde, Formules, n°16, 2012.
• Bloomfield Camille, Raconter l'Oulipo (1960-2000) : histoire et sociologie d'un groupe, Paris, Honoré Champion, 2017.
• Bories Anne-Sophie, Des Chiffres et des mètres, Paris, Honoré Champion, 2020.
• Consenstein Peter, Literary memory, consciousness, and the group Oulipo, Amsterdam, New York, Rodopi, 2002.
• De Bary Cécile, Une nouvelle pratique littéraire en France, histoire du groupe Oulipo de 1960 à nos jours, Mellen (Lewiston, USA), 2014.
• De Bary Cécile & Schaffner Alain (dir.), Formules, n°21, "L'Oulipo et les Savoirs", 2018.
• De Bary Cécile (dir.), Les Ateliers d'écriture et l'Oulipo, Paris, Hermann, coll. "Cahier textuel", 2020.
• Fournel Paul, Clefs pour la littérature potentielle, Paris, Denoël, 1972.
• Lapprand Marc, Poétique de l'Oulipo, Amsterdam, New York, Rodopi, 1998.
• Lapprand Marc, L'œuvre ronde : essai sur Jacques Jouet suivi d'un entretien avec l'auteur, Limoges, Lambert-Lucas, 2007.
• Lapprand Marc, Pourquoi l'Oulipo ?, Québec, Presses de l'université Laval, 2020.
• Lapprand Marc & Reig Christophe (éd.), Noël Arnaud chef d'orchestre de l'Oulipo : correspondance 1961-1998, Paris, Honoré Champion, 2018.
• Lapprand Marc & Reig Christophe (éd.), Jacques Bens : mémoires d'un "vieux crocodile", Paris, Honoré Champion, 2022.
• Lebrec Caroline, Combinatoires ludiques : littérature, contrainte et mathématique, New York, Peter Lang, 2020.
• Le Tellier Hervé, Esthétique de l'Oulipo, Paris, Le Castor Astral, 2006.
• Levin Becker Daniel, Many Subtle Channels : In Praise of Potential Literature, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2012.
• Moncond'huy Dominique, Pratiques oulipiennes, Paris, Gallimard, 2004.
• Motte Warren, Oulipo : A Primer of Potential Literature, Lincoln, University of Nebraska Press, 1986.
• Raymond Dominique, Échafaudages, squelettes et patrons de couturière : essai sur la littérature à contraintes au Québec, Montréal, Presses de l'université de Montréal, 2021.
• Reggiani Christelle, Rhétoriques de la contrainte : Georges Perec – l'Oulipo, Saint-Pierre-du-Mont, Éditions Interuniversitaires, 1999.
• Reggiani Christelle, L'éternel et l'éphémère : temporalités dans l'œuvre de Georges Perec, Amsterdam, New York, Rodopi, 1994.
• Reggiani Christelle, Poétiques oulipiennes : la contrainte, le style, l'histoire, Genève, Droz, 2014.
• Reggiani Christelle & Schaffner Alain (dir.), Oulipo mode d'emploi, Paris, Honoré Champion, 2016.
• Reig Christophe, Mimer, Miner, Rimer : le cycle romanesque de Jacques Roubaud, Amsterdam, Rodopi, 2006.
• Schiavetta Bernardo & Thomas Jean-Jacques (dir.), Forme & informe dans la création moderne et contemporaine, Colloque de Cerisy (2008), Noésie, Formules, n°13, 2009.


PARTENARIAT :

• Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC)


SOUTIENS :

CRESEM (UR 7397) | Université de Perpignan Via Domitia (UPVD)
THALIM (UMR 7172, CNRS) | Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
University of Victoria

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


MICHEL CHAILLOU, POÈTE DE L'EXTRÊME CONTEMPORAIN ?


DU LUNDI 24 JUILLET (19 H) AU DIMANCHE 30 JUILLET (14 H) 2023

[ colloque de 6 jours ]



ARGUMENT :

En 1986, Michel Chaillou invente ex abrupto, dans une poiesis critique, la formule d'extrême-contemporain. La notion s'élabore dans la revue Po&sie (n°41, 1987), à la suite d'un colloque grâce aux réflexions de Michel Chaillou, François Aubral, Michel Deguy, Florence Delay, Denis Roche, Danièle Sallenave, Philippe Sollers, Jacques Roubaud, Dominique Fourcade, Michel Vinaver, Bruno Baye et Dumitru Tsepeneag.

Comme Pascal Quignard (Petits traités), Michel Chaillou a une entente étymologique du contemporain, non pas équivalent du moderne moderniste, mais d'un "cum temporibus", art d'être dans le présent "avec tous les temps". Est-ce refus de choisir ? Ou rejet des ruptures modernistes ? Et qu'entendre par extrême contemporain : est-ce un cumul polyphonique, voire oxymorique, que l'on pourrait qualifier de "maximaliste" (L. Ruffel) ou de "baroque" (Ch. Rolla), voire d'"extra-vagant" au sens où se révélerait une errance, un "naufrage" (D. Viart), tant esthétique qu'épistémologique ? Cet extrême-contemporain décrit-il avec pertinence l'art d'une génération d'écrivains de la fin du XXe siècle, et en particulier la pratique créatrice protéiforme de Chaillou ?

Artistes, écrivains, traducteurs, universitaires, ainsi que des lecteurs et auditeurs, débattront ensemble sur ces questions.


MOTS-CLÉS :

Chaillou (Michel), Contemporain, Création, Critique, Écriture, Esthétique, Histoire littéraire, Littérature, Poésie


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 24 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 25 juillet
Matin
Pauline BRULEY : Introduction

TEMPS ET RÉCIT (1)
Carole AUROY : 1945, de Michel Chaillou, et Formation, de Pierre Guyotat : une écriture relationnelle
Pascal LEFRANC : Démoder le roman avec Michel Chaillou

Après-midi
TEMPS ET RÉCIT (2)
Mathilde BATAILLÉ : Temps et mythographies dans les œuvres de Michel Chaillou et Michel Tournier
François BERQUIN : La pesée des âmes

Vernissage de l'exposition "Autour du sentiment géographique", réalisée par Claude-Luca GEORGES (peintre) et François DELEBECQUE (photographe)

Soirée
Dialogue avec les écrivains et les amis
Table ronde et lectures avec Florence DELAY


Mercredi 26 juillet
Matin
MICHEL CHAILLOU ET LA VOIX
Sophie TONOLO : Voix, vide, vers : Michel Chaillou ou le ravivement poétique du XVIIe siècle [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Pauline BRULEY : Michel Chaillou et l'improvisation

Après-midi
MICHEL CHAILLOU : ARCHIVES D'ÉDITION
Guillaume FAU : "Brèves littérature", histoire d'une collection
Arnaud VILLANOVA : Vers l'amitié : Chaillou et le "Chemin"


Jeudi 27 juillet
Matin
Yue ZHUO : "L'enfant de sa mère" : voyage en "Petite Égypte" jusqu'au point Z

Le dernier des Orliac, portrait de Michel Chaillou en artiste peintre, table ronde avec Michèle CHAILLOU et Marie-Laure PRÉVOST

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 28 juillet
Matin
MICHEL CHAILLOU EN DIALOGUE AVEC L'ÉTRANGER (1) : LE "VIEUX CONTINENT"
Alexis PIGNOL : Le "français arrosé de vodka" de La Rue du capitaine Olchanski
Chiara ROLLA : Traduire comme transhumer. Défis et intraduisibles de la langue de Michel Chaillou

Après-midi
MICHEL CHAILLOU EN DIALOGUE AVEC L'ÉTRANGER (2) : ENTRE ANCIEN ET NOUVEAUX MONDES
Albert James ARNOLD : Souvenirs virginiens : Michel Chaillou entre Charlottesville et Paris
Charles FORSDICK : Michel Chaillou, étonnant voyageur

Soirée | En commun avec le colloque en parallèle : L'Oulipo : générations
Lecture théâtralisée des Entretiens d'Étretat de Michel Chaillou et Jacques Roubaud, par Valérie AUBERT et Samir SIAD, avec le concours de Cédric ALTADILL


Samedi 29 juillet
Matin
MICHEL CHAILLOU EN DIALOGUE AVEC L'ÉTRANGER (3)
Guilherme MASSARA : Remarques sur l'imaginaire social dans la littérature brésilienne contemporaine d'après Michel Chaillou

MICHEL CHAILLOU TRANSMÉDIAL
David CHAILLOU : De Michel à David Chaillou : quel dialogue entre poésie et musique ? | Vagabondage

Après-midi
DÉTENTE


Dimanche 30 juillet
Matin
Conclusions collectives

Après-midi
DÉPARTS


PRESSE / MÉDIAS :

• "Quelques images d'un merveilleux colloque", article en ligne sur le site internet michel-chaillou.com.

• "Les expositions de Cerisy, visite guidée", article en ligne sur le site internet michel-chaillou.com.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Pauline BRULEY : Michel Chaillou et l'improvisation
Outre la fulgurance d'une formule critique avec "l'extrême contemporain", se développent dans l'écriture et la composition orale de Michel Chaillou une pratique et une poétique de l'improvisation. C'est cette improvisation littéraire que l'on voudra cerner, en ressaisissant ses principes qui remontent à loin (ceux d'une composition en acte et d'un imaginaire poétique), et en les observant à l'œuvre grâce à quelques exemples pris dans la création romanesque et dans la production radiophonique. On envisagera ainsi la façon dont, paradoxalement, l'improvisation peut faire œuvre.

Pauline Bruley est Maîtresse de conférences en Langue et Littérature françaises à l'université d'Angers.
Publications
Rhétorique et style dans la prose de Charles Péguy, Paris, Honoré Champion, 2010.
Édition d'Ève de Péguy dans les Œuvres poétiques et dramatiques, Cl. Daudin (dir.), Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 2014.
Avec Martine Jey et Emmanuelle Kaës, L'Écrivain et son école, Paris, Hermann, 2017.
Michel Chaillou : les voix retrouvées, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018 (Actes du colloque de 2015).

Guillaume FAU : "Brèves littérature", histoire d'une collection
Créée aux éditions Hatier par Coline Faure-Poirée, la collection "Brèves littérature" a été dirigée par Michel Chaillou de 1990 à 1996. Les vingt-quatre titres de la collection, répartis en deux approches, chronologique et transversale, constituent une tentative d'exploration de l'histoire de la littérature par un auteur qui se fait éditeur. Chaque volume est paru portant ce point de vue programmatique : "En de multiples volumes, un vaste roman de la littérature des origines à nos jours. Les auteurs des siècles passés en sont les personnages et leurs œuvres, la conversation éternelle". À travers l'étude des archives inédites conservées par Michel Chaillou (correspondances, dossiers de presse, etc.), il s'agira de retracer les grandes lignes de l'histoire de la collection, de la constitution de son catalogue, de sa place aussi dans l'œuvre et le parcours de Michel Chaillou.

Guillaume Fau est chef du service des manuscrits modernes et contemporains à la Bibliothèque nationale de France. Chargé des fonds Annie Ernaux et Pierre Guyotat, notamment, il a été commissaire des expositions Antonin Artaud (2006), Pierre Jean Jouve (2013), Vladimir Jankélévitch (2019) et Marcel Proust, la fabrique de l'œuvre (2022-2023, avec Antoine Compagnon et Nathalie Mauriac). Il assure la co-direction de l'édition du Journal intégral de Julien Green aux éditions Bouquins (avec Carole Auroy et Alexandre de Vitry).

Bénédicte GORRILLOT
Bénédicte Gorrillot est Maître de conférences Hors-classe, en Poésie latine & Littérature française contemporaine à l'université de Valenciennes, ancienne co-éditrice de la revue bilingue francoaméricaine Formes Poétiques contemporaines (PUNM, Buffalo, 2009-2017), membre du Conseil de direction de la Revue des Sciences Humaines (Lille 3 Université-France), membre du Comité éditorial de la Revista Alea : estudos Neolatinos (Université Fédérale de Rio de Janeiro-Brésil). Depuis mars 2015, Bénédicte Gorrillot est aussi Expert-évaluateur européen en poésie et poétiques modernes au Fund for Scientific Research-F.R.S. (Brussels) et Vice-Présidente de la Société des Lecteurs de Francis Ponge (SLFP). Elle a publié plus de cent articles et entretiens sur divers poètes du XXe siècle (Valéry, Cocteau, Ponge) et de l'extrême contemporain (Alferi, Blaine, Butor, Chaillou, Chapelle, Clémens, Deguy, Kraemer, Noël, Prigent, Quignard, Sacré, Siscar, Stéfan, Verheggen) ou sur l'avant-garde TXT (1969-1993).
Publications
Christian Prigent, Quatre Temps, Argol, 2009.
Inter avec notamment Pascal Quignard, 2011.
L'Illisibilité en questions (avec A. Lescart), Presses universitaires du Septentrion, 2014.
"Politiques de Ponge", Revue des sciences humaines, n°316, 2014.
Michel Deguy, Noir, Impair et Manque, 2016.
Christian Prigent : trou(v)er sa langue (avec F. Thumerel), Colloque de Cerisy, Hermann Éditeurs, 2017.
Poesia e Interfaces (operaçoes, composiçoes, plasticidades) / Poésie et Interfaces (opérations, compositions, plasticités, Rio de Janeiro-Brasil, 2017.
"Avec Michel Deguy : Poétique & philosophie", Revue des sciences humaines, n°332, 2018.
Francis Ponge, ateliers contemporains (avec L. Cuillé et J.-M. Gleize), Colloque de Cerisy, Éditions Classiques Garnier, 2019.
L'Héritage gréco-latin dans la littérature française contemporaine, Droz, 2020.
"La poésie en transit : France-Brésil", B. Gorrillot, M. Jacques de Moraes, M. Siscar (éd.), Revue des sciences humaines, n°346, 2022.


Albert James ARNOLD : Souvenirs virginiens : Michel Chaillou entre Charlottesville et Paris
Les séjours de Michel Chaillou et sa famille à Charlottesville dans les années 1980 ont laissé une forte empreinte, et chez lui et chez ses étudiants de l'université de Virginie. Je communiquerai mes souvenirs de cette époque, auxquels j'ajouterai ceux consignés par Michel dans les notes conservées par sa famille. Notre amitié aurait pu aboutir à une collaboration à la NRF, une occasion manquée dont je garde un vif regret.

Albert James Arnold est spécialiste de littérature moderne et contemporaine de France et des Antilles. Formé à l'université de Paris-Sorbonne et à l'université du Wisconsin, il a été invité à enseigner à Paris III – Sorbonne Nouvelle et aux universités de Leyde et de Potsdam. Son ouvrage La littérature antillaise entre Histoire et Mémoire, de 1935 à 1995 (Classiques Garnier) a été primé par l'Académie des Sciences d'Outre-Mer en 2020.

Carole AUROY : 1945, de Michel Chaillou, et Formation, de Pierre Guyotat : une écriture relationnelle
Pour qualifier la littérature contemporaine, Dominique Viart propose l'adjectif relationnelle, chargé de renvoyer à l'acte de relier comme à celui de relater. De fait, 1945 et Formation font ressortir la parenté de ces deux actes, le récit reliant les fils épars d'une histoire traumatique, reliant aussi pour un partage d'expérience les écrivains à leurs lecteurs. Si les deux œuvres se distinguent en ce que le traumatisme principal enduré dans l'enfance est désigné à l'orée de l'une alors qu'il se loge dans les non-dits de l'autre, elles ont en commun de relier, au présent, les blessures de l'histoire individuelle à celles de l'histoire collective, dans le contexte du second conflit mondial. On examinera les effets destructeurs de culpabilisation et de dissociation issus des échos et discordances entre les deux histoires, mais aussi la fonction réparatrice d'une poétique qui, face au tragique de la condition humaine, se charge d'accents compassionnels et d'une éthique de reliance.

Professeure à l'université d'Angers et membre du CIRPaLL (EA 7457), Carole Auroy est spécialiste de la littérature française des XXe et XXIe siècles. Elle travaille au confluent de la littérature et de la philosophie et s'intéresse depuis plusieurs années à l'écriture des traumatismes individuels et de la violence historique : elle a mené dans cette perspective des recherches sur les œuvres de Julien Green, Charles Juliet, Sylvie Germain, Laurent Gaudé, Marie NDiaye.

Mathilde BATAILLÉ : Temps et mythographies dans les œuvres de Michel Chaillou et Michel Tournier
Michel Chaillou et Michel Tournier appartiennent à une même génération d'écrivains et sont entrés en littérature par la publication d'un premier roman à quelques mois d'intervalle (Vendredi ou les Limbes du Pacifique, 1967 ; Jonathamour, 1968). Fidèles aux éditions Gallimard et couronnés par l'Académie française, ces romanciers "portent au plus haut le souci du lien avec le passé", qu'il s'agisse d'un passé historique ou d'une filiation culturelle (Dominique Viart, Le roman français au XXe siècle). Ce lien au passé constitue un enjeu essentiel de deux de leurs récits — Le Roi des Aulnes (Tournier, 1970) et La Croyance des voleurs (Chaillou, 1989) —, que bien des éléments, thématiques comme esthétiques, invitent à rapprocher, et c'est la complexité d'un tel lien qui retiendra notre attention. Il s'agira ainsi de comprendre comment, dans ces récits, un temps mythique ou légendaire se superpose à l'ancrage historique, comme en surimpression, et s'efforce de tracer une voie possible pour "surnager gaiement dans le temps démonté" (Chaillou, La Croyance des voleurs).

Enseignante agrégée de Lettres Modernes (PRAG) à l'université d'Angers, Mathilde Bataillé est docteure en littérature française et membre du laboratoire CIRPaLL (EA 7457). Elle est l'auteur du livre Michel Tournier : l'écriture du temps (Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017), et d'une cinquantaine de notices du Dictionnaire Michel Tournier (Honoré Champion, 2019). Ses travaux de recherche portent notamment sur le temps dans le roman français contemporain et sur les mythes et réécritures.

David CHAILLOU
David Chaillou est compositeur et maître de conférences à l'université de Lille. Après une double formation en histoire et en musique, il est l'auteur d'un essai (Napoléon et l'opéra, la politique sur la scène, Fayard 2004) et a écrit une cinquantaine de pièces pour le concert ou la scène. Parmi ses dernières créations l'opéra Little Nemo (Opéras de Nantes, Angers et Dijon, 2017), Un détour par l'Orient, théâtre musical d'après le texte publié chez Gallimard de Gérard Macé (Opéra de Paris, 2022), La nuit des hiéroglyphes, lecture-concert mise en scène par Benjamin Lazar (Institut de France, 2022). Il a publié en 2020 un CD de piano Légendes (Fuga Libera) et prépare un deuxième CD monographique (2024) avec le violoncelliste Christophe Pantillon. Ses partitions sont publiées aux éditions Universal à Vienne.

Florence DELAY
Florence Delay a notamment écrit des romans, des essais, un cycle de théâtre sur la matière de Bretagne avec Jacques Roubaud et traduit des textes de langue espagnole. Avec Michel Chaillou, elle a participé en février 1986 au colloque intitulé "L'Extrême contemporain", organisé par l'A.D.I.L.C. et publié en 1990 L'Hexaméron aux éditions du Seuil dans la collection "Fiction & Cie", en compagnie de Michel Deguy, Natacha Michel, Denis Roche et Jacques Roubaud. Elle a enseigné la littérature générale et comparée à l'université Sorbonne nouvelle et a été élue à l'Académie française en 2000.
Publications récentes
Un été à Miradour, Gallimard, 2020.
Il n'y a pas de cheval sur le chemin de Damas, Seuil, 2022.
Zigzag, Seuil, 2023.

Charles FORSDICK : Michel Chaillou, étonnant voyageur
Dès le début du festival "Étonnants voyageurs", dont la première édition a eu lieu à Saint-Malo en 1990, Michel Chaillou a participé au programme de ce "rendez-vous des petits enfants de Stevenson et de Conrad". Il a également contribué à un chapitre, intitulé "La mer, la route, la poussière", et au livre-manifeste du mouvement Pour une littérature voyageuse, publié chez Complexe en 1992. Dans les repères bibliographiques de ce livre se trouve Le Sentiment géographique de Chaillou, texte qui joue un rôle majeur dans l'inauguration de cette tendance d'écriture viatique de la fin du vingtième siècle. L'intervention propose deux buts principaux. Premièrement, elle analyse la contribution de Chaillou au développement de la notion d'une "littérature voyageuse", en contraste avec celle d'autres participants au mouvement, dont Nicolas Bouvier, Jacques Lacarrière, Kenneth White et Michel Le Bris. Deuxièmement, la communication montre la façon dont l'œuvre de Chaillou présente non pas nécessairement une "littérature voyageuse" mais plutôt une "littérature fugitive", évidente dans des textes tels que Jonathamour et Le Sentiment géographique (cité déjà ci-dessus). En guise d'exemple, elle met en relief La France fugitive de 1998, et analyse la pratique, la poétique et l'éthique du voyage qui en découlent. Publié dans la même année que l'essai Du bon usage de la lenteur de l’anthropologue Pierre Sansot, ce texte — à la fois journal de voyage et journal intime — met en avant une approche péripatétique, décélérée de l'espace, et montre la façon dont voyager dans l'immédiat et dans le quotidien produit de nouveaux rapports entre le passé et le présent.

Charles Forsdick est professeur de littérature française à l'université de Liverpool et spécialiste de la littérature de voyage, de l'exotisme, et de la littérature postcoloniale et exophone. Il est l'auteur de Victor Segalen and the Aesthetics of Diversity : Journeys between Cultures (Oxford, 2000) et Travel in Twentieth-Century French and Francophone Cultures : The Persistence of Diversity (Oxford, 2005), et co-directeur de Transnational French Studies (Liverpool, 2023).

Pascal LEFRANC : Démoder le roman avec Michel Chaillou
En 2012, proposant aux lecteurs son Éloge du démodé, c'est-à-dire une œuvre dont le projet relance lui-même une tradition passée de mode, celle des antiques éloges paradoxaux (tel l'Éloge de la fumée et de la poussière de Fronton, précepteur de Marc-Aurèle), Michel Chaillou manifeste — puisqu'il s'agit bien d'un manifeste — qu'il est un écrivain du temps, mais du temps vécu sur le mode du conflit, avec le contemporain : aimer le démodé, c'est en effet dire non à ce qu'aime le présent, dans sa réalisation spécifique qu'on appelle la mode. Mais la passion pour le démodé, dont il est aisé de remarquer qu'elle traverse toute l'œuvre de Chaillou, n'est pas un passéisme, elle échappe au dualisme, quant à lui indémodable, du Progrès et de la Réaction, — car elle est, selon une formule-leitmotiv, un "recul en avant". En déambulant dans quelques romans de Chaillou, on essaiera de montrer comment sa prose, travaillant à jaunir le présent, lui ouvre ainsi l'avenir d'une seconde jeunesse.

Ancien élève de l'École Normale Supérieure (Fontenay-aux-Roses/Lyon-LSH), agrégé de Lettres modernes, Pascal Lefranc est professeur au lycée de l'Escaut de Valenciennes. Il prépare actuellement, sous la direction de Serge Martin (Sorbonne Nouvelle) une thèse de littérature intitulée "Michel Chaillou, romance vers la haute enfance".
Bibliographie
M. Chaillou, La Vie privée du désert, Le Seuil, coll. "Fiction & Cie", 1995, coll. "Points", 1997.
M. Chaillou, Le Dernier des Romains, Fayard, 2009.
M. Chaillou, Éloge du démodé, La Différence, coll. "Politique", 2012.

Alexis PIGNOL : Le "français arrosé de vodka" de La Rue du capitaine Olchanski
À quinze ans, de son propre aveu, Michel Chaillou était russe. En 1991, la parution de La Rue du capitaine Olchanski consacrait cette identité. Palimpseste du récit de Pouchkine La fille du capitaine, ce "roman russe", écrit dans un "français arrosé de vodka", donnait corps aux rêveries de l'écrivain. À partir d'une fiction éditoriale complexe, le lecteur se trouve projeté sur les rives de la Volga, à Mourievo, village de la région de Simbirsk — aujourd'hui Oulianovsk —, par temps de soulèvements, sous le règne de Catherine II. Ce saut temporel, géographique et linguistique charrie de riches imaginaires, qui irriguent l'écriture de Michel Chaillou. On cherchera alors à déceler la portée créatrice d'un tel détour sur les traces de Pouchkine, à travers les confins de l'Empire russe.

Alexis Pignol est doctorant à l'université Grenoble Alpes. Il prépare une thèse, sous la direction de Laurent Demanze, portant sur les imaginaires russes de la littérature contemporaine française.

Chiara ROLLA : Traduire comme transhumer. Défis et intraduisibles de la langue de Michel Chaillou
Éloge du démodé est un véritable manifeste poétique et en même temps un testament spirituel que Chaillou lègue à ses lecteurs. Sa prose poétique, ses phrases digressives imprégnées de références littéraires et de souvenirs personnels, sa langue fortement musicale et imagée, son amour pour le style émergent de ce texte avec toute leur puissance évocatrice. Ces caractéristiques rendent le travail du traducteur particulièrement difficile, mais en même temps, elles aident le chercheur à comprendre encore plus profondément la richesse et la variété des tons et des cordes que Chaillou a réussi à faire vibrer. Le processus de traduction, véritable parcours de "transhumance" du français vers l'italien, a mis en évidence les grands défis que la langue de Chaillou met en place, confrontant parfois le traducteur à de véritables intraduisibles.

Chiara Rolla est chercheuse en littérature française à l'université de Gênes. Ses intérêts de recherche et ses publications se focalisent sur la prose narrative contemporaine et du XVIIe siècle.
Publications récentes
"Pour une cartographie des lieux imaginaires : Environs et mesures (2011) de Pierre Senges", in L'Espace dans le roman français contemporain, C. Haman, D. Sikora, G. Kleiber (dir.), Presses universitaires de Rennes, coll. "Interférences", 2022, p. 207-218.
Avec Elisa Bricco et Marie Gaboriaud, Christian Garcin, une esthétique du dépaysement, Presses universitaires de Vincennes, coll. "L'imaginaire du texte", 2021.
"Dalla resistenza alla resilienza : 1945 di Michel Chaillou", in MemWar. Memorie e oblii delle guerre e dei traumi del XX secolo, a cura di A. Giaufret e L. Quercioli Mincer, GUP – Genoa University Press, collana : Quaderni di Palazzo Serra Nuova Serie (QPS-NS), 2021, p. 294-303.
Michel Chaillou, arpenteur évasif, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2020.

Sophie TONOLO : Voix, vide, vers : Michel Chaillou ou le ravivement poétique du XVIIe siècle
Le ravivement du XVIIe siècle dans l'œuvre de Michel Chaillou est foncièrement poétique : parce qu'il se veut consciemment retour à la vie d'une époque et d'êtres qui l'ont habitée, selon un processus balzacien — Guez de Balzac (1597-1654), pour qui la langue se doit d'être "du sang, de la vie, de l'esprit" ; parce qu'il résulte d'un triple mouvement d'écriture : écouter des voix et des timbres, se faufiler dans les vides et les manques du passé qui nous parvient, enfin recueillir le vers, mode d'expression favori de ces contemporains de Louis XIII et de Corneille. Le vers, "plus porteur d'échos que la prose" (Éloge du démodé), que Chaillou sertit, recrée, fait résonner dans notre langue présente.

Sophie Tonolo est chercheuse en langue et littérature française du XVIIe siècle et rédactrice-lexicographe au service du Dictionnaire de l'Académie française. Ses travaux portent sur le genre de l'épître en vers et plus largement sur la poésie au XVIIe siècle, son rôle dans la construction de la langue et de la société de l'époque. Elle s'intéresse à des poètes tels Tristan L'Hermite, Saint-Amant, Boileau, Deshoulières, ainsi qu'à des poètes de marge tels Neufgermain ou Saint-Pavin.

Arnaud VILLANOVA : Vers l'amitié : Chaillou et le "Chemin"
En 1968, avec son roman Jonathamour, Michel Chaillou rejoignit la collection du "Chemin" et ses célèbres déjeuners. Vingt ans durant s'y réunirent des romanciers, poètes, essayistes, qu'on pourrait aussi appeler des amis, chacun apprenant l'un de l'autre, se regardant faire, se lisant. Sous la houlette de Georges Lambrichs, directeur littéraire aussi élégant et silencieux qu'un chef d'orchestre, ce groupe a réuni des voix singulières, sans plate-forme idéologique ni maître d'école. Michel Chaillou se lia à Jean-Loup Trassard, Michel Deguy, Jacques Réda et d'autres, partagea avec eux souvenirs et qualités, rêveries et inventions, mais aussi une certaine idée du monde littéraire fondée sur l'amitié, où celle-ci prévaut sur toute logique de pouvoir. "Et ce n'est pas une tarte à la crème, ajoutait Lambrichs. Cela n'a l'air de rien, mais c'est fantastique".

Arnaud Villanova est doctorant et chargé de cours à l'université Bordeaux Montaigne. À la croisée de la littérature et de l'histoire, il prépare une thèse sur la vie de Jean Schlumberger, auteur et éditeur, sous la direction d'Olivier Bessard-Banquy, spécialiste de l'histoire littéraire, et en étroite collaboration avec la Fondation des Treilles où il a été lauréat. Publié à plusieurs reprises au sein de la Nouvelle Revue Française, il est également l'auteur de Le Chemin continue, une biographie de Georges Lambrichs parue aux Éditions Gallimard.

Yue ZHUO : "L'enfant de sa mère" : voyage en "Petite Égypte" jusqu'au point Z
Dans les premiers pages de la Croyance des voleurs, l'expression "l'enfant de sa mère" fait une brève apparition comme une formule tautologique que l'enfant Samuel ne saisit pas. Elle cède vite sa place au mot "Égypte", introduit par la maîtresse d'école, Madame Duchamp, pour désigner "l'histoire de l'histoire". De roman en roman, l'enfant Champollion fabrique ensuite sa légende de la "Petite Égypte" avec les voix de diverses figures féminines, celles de la mère ou des "mères" des parents, jusqu'à ce qu'elles s'arrêtent devant un trou noir ou une armoire où le secret se transforme en reliquaire. Cette communication tente d'élucider le lien entre l'imaginaire de l'Égypte et l'origine mémorielle, entre le point fuyant dans le désir des mères et la hantise qui ne peut se raconter qu'"à demi voix dans le demi-jour". Quelques rapprochements thématiques seront proposés entre Michel Chaillou et ses contemporains, notamment Pascal Quignard (la mère "absente") et Gérard Macé ("Le dernier des Égyptiens").

Yue Zhuo est Professeure de théorie littéraire, Directrice du Centre de recherches sur la culture et la pensée françaises à l'université de Shanghai. Ses recherches portent sur la théorie littéraire et les écrits "inclassables" de la littérature française moderne et contemporaine. Elle est l'auteure d'une trentaine d'essais consacrés notamment à Georges Bataille, Roland Barthes, Pascal Quignard et Gérard Macé.


Le dernier des Orliac, portrait de Michel Chaillou en artiste peintre, table ronde avec Michèle CHAILLOU et Marie-Laure PRÉVOST
Les intervenants de cette table ronde évoqueront la place qu'occupe dans l'inspiration créatrice de Michel Chaillou la lignée de ses aïeux peintres et artistes, les Canoby Orliac. Emboîtant le pas de sa recherche généalogique entre rêve et enquête, ils ont tenté à leur tour de poursuivre l'investigation.
Bibliographie
Mémoires de Melle, Seuil, 1993.
La vie privée du désert, Seuil, 1995.
Virginité, Fayard, 2007.
Indigne Indigo, Fayard, 2007.
La Fuite en Égypte, Fayard, 2011.
L'hypothèse de l’ombre, Gallimard, 2013.


"Autour du sentiment géographique", exposition réalisée par Claude-Luca GEORGES (peintre) et François DELEBECQUE (photographe)
L'ensemble de peintures qui sera présenté à Cerisy porte le titre du livre qui a inspiré Claude-Luca Georges, Le sentiment géographique de Michel Chaillou, lui donnant le désir de peindre en ouvrant un espace où se mêlent, dans un demi sommeil, les bergers de l'Astrée, leurs moutons, une opulence des frondaisons, des échancrures de lointains et d'eaux, vives ou dormantes. Bergers et bergères du poème sont là, fidèles à Honoré d'Urfé, entre le ciel de l'amour et la nature. Ils l'ont accompagné dans le sentiment de leur osmose poétique avec les troupeaux et la géographie rêveuse de la plaine du Forez où coule le Lignon, "endormis en leur repos, presque brebis […] dans cet espace moutonnant […] patois de branches et de feuilles […] platitude d'échos ralentis d'étangs, brouillés de rivières qui vitupèrent".

Claude-Luca Georges peint à Paris, au Bateau lavoir. Son travail est orienté vers une peinture "grande ouverte", avec laquelle deux visions successives, la première informelle, la seconde formelle, ouvrent sur une rencontre de l'effet de corps et de l'effet poétique sans limiter la liberté de l'un ou de l'autre. Il a bien connu Michel Chaillou.


BIBLIOGRAPHIE :

Michel Chaillou à l'écoute de l'obscur, Revue des sciences humaines, n°344, Presses universitaires du Septentrion, Pascal Lefranc (dir.).
Michel Chaillou, l'écriture fugitive, Roman 20-50, "Actes", n°18, janvier 2022, François Berquin et Catherine Haman (dir.).
Michel Chaillou. Les voix retrouvées, Pauline Bruley (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2018.
• Chiara Rolla, Michel Chaillou arpenteur évasif, Presses universitaires du Septentrion, "Perspectives", 2020.
Po&sie, n°41, 1987.
• Dominique Viart, "Écrire au présent, l'esthétique contemporaine", Le Temps des lettres, Presses universitaires de Rennes, 2001, p. 317-326.


SOUTIENS :

• The Melodia E. Jones Chair | University at Buffalo
• Laboratoire CIRPaLL - EA 7457 | Université Angers
• Laboratoire de Recherche Sociétés & Humanités (LARSH-DeSripto) | Université Polytechnique Hauts-de-France (UPHF)
• Bibliothèque nationale de France (BnF)
• Association Les Inimaginaires
Fondation Khôra - Institut de France

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


AUTISME(S) : L'INCLUSION, ENTRE NORMATIVITÉ ET DIVERSITÉ


DU SAMEDI 15 JUILLET (19 H) AU VENDREDI 21 JUILLET (14 H) 2023

[ colloque de 6 jours ]


Image tirée du catalogue de l'exposition "Le Monde au Singulier",
Les Compagnons De Nonette (La Main à l'Oreille, TEADir)
© Œuvre de Patricia


DIRECTION :

Mireille BATTUT, Patrick LANDMAN


ARGUMENT :

"All means All" est le titre du rapport global 2020 de l'UNESCO sur l'éducation, qu'on pourrait traduire par "Inclusion pour tous", mais la traduction choisie pour la version française est "Tous sans exception". Dans son rapport 2021, le comité des Droits des personnes handicapées des Nations-Unies a qualifié l'approche française de "fondée sur le modèle médical et les approches paternalistes du handicap" et mettant "l'accent sur l'incapacité des personnes handicapées et leur normalisation". Il s'ensuit une demande de "mettre fin à l'institutionnalisation des personnes handicapées" et de proposer à la place des ressources "pour soutenir la transition des institutions à la vie dans la communauté". Comment avancer de manière raisonnée vers un tel objectif ?

De la loi de l'institution à la norme de l'inclusion, il y a bien une rupture anthropologique. Du "modèle médical" au "modèle social" du handicap, le nouveau discours prétend faire passer la personne autiste du statut d'objet de soin à sujet actif de droit. Aussi, l'objet de l'inclusion ne serait plus la normalisation mais l'accès à l'autonomie. Dans cette nouvelle représentation sociale, l'Autiste reste pris dans un discours sur lui.

Il nous faudra comprendre comment une construction sociale à visée inclusive produit elle aussi de l'exclusion. Notamment en raison de parti-pris discutables : refus d'envisager de penser la transition, remplacement des institutions par des services à la personne au sein d'un mode de production de marché qui ne produit pas de lien social, mise en avant de catégories de la "diversité" qui deviennent de nouvelles normes, ignorant la singularité du sujet.

Or, une des distinctions de l'autisme n'est-elle pas une forme de refus d'être enfermé dans des catégories, voire une capacité à les subvertir ? Dans le cadre de ce colloque, nous proposons non pas de "construire" selon un modèle préétabli de société inclusive mais de "faire place" au mode de production autistique pour que l'Autiste "prenne sa place"(1) dans la Cité.

(1) Jacques Lacan, "C'est qu'à une vérité nouvelle on ne peut se contenter de faire sa place, car c'est de prendre notre place en elle qu'il s'agit", "L'instance de la lettre dans l'inconscient ou la raison depuis Freud [1957]", in Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 521.


MOTS-CLÉS :

Autisme, Autiste, Autonomie, Désinstitutionalisation, Disability Studies, Diversité, École inclusive, Handicap, Inclusion, Inclusion raisonnée, Modèle social du handicap, Normativité, Société inclusive


CALENDRIER DÉFINITIF :

Ce programme a du être modifié pour s'adapter aux contraintes d'organisation des familles et des personnes autistes. Il a fait intervenir des professionnels, des parents, des personnes autistes et/ou en situation de handicap.


Samedi 15 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Batucada des Turbulents

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Dimanche 16 juillet
Matin
Ouverture du colloque, par Mireille BATTUT et Patrick LANDMAN

DE L'INCLUSIVITÉ
Patrick LANDMAN : Une passion pour l'égalité des conditions
Jean-Claude MALEVAL : Limites et conditions de l'inclusion scolaire des enfants autistes

Après-midi
AUTRES NORMALITÉS
Échanges croisés avec Les Papotins et Les Turbulents : Meschak ASSOU SAKPA, Charli AVEILA, Thomas CARRASQUEIRA, Thomas DUBOIS, Djaï JACOB, Cyrille N'DEDDY, Joseph Martial NAKOUZEBI, Arnaud NDI, Hélène NICOLAS (BABOUILLEC), Lucile NOTIN BOURDEAU, Charles PHAM, Vanessa VALENTIN, Julien BANCILHON, Mélissa BOUDIA, Olivier BRISSON, Philippe DUBAN, Bleuenn FOURAGE, Aubin MAKUIZA, Rémi SAVOUILLAN, Véronique TRUFFERT et Gilles WOLFF

Batucada des Turbulents

Philippe DUBAN : L'histoire et l'aventure de Turbulence et des Turbulents

Olivier BRISSON : Les pratiques brutes

Conversation avec Hélène NICOLAS (BABOUILLEC)

Julien BANCILHON : Reprise autour du Papotin

Eugénie BOURDEAU & Lucile NOTIN BOURDEAU : Présentation et projection du film Sa normalité

Soirée
Concert BoyGirl, par Lucile NOTIN BOURDEAU, Olivier BRISSON et Julien BANCILHON


Lundi 17 juillet
HISTOIRE ET TRANSFORMATIONS DU TRAVAIL INSTITUTIONNEL
Matin
Alain et Catherine VANIER : Expériences de travail institutionnel et privé avec des enfants autistes

Intermède, par Catherine BONI

Philippe et Scarlett RELIQUET : Le chant comme processus d'inclusion [texte lu], suivi d'une conversation avec Catherine BONI

Après-midi
Valérie MONTREYNAUD : Diversité des offres et créativité des équipes, l'adaptation de la pédopsychiatrie

Les transformations du travail institutionnel vers l'inclusion dans la "communauté", table ronde animée par Dominique TOURRÈS-LANDMAN, avec notamment Valérie MONTREYNAUD et Alain et Catherine VANIER

Film La Traviata, sur la représentation d'opéra montée avec des artistes professionnels et amateurs, autistes ou pas


Mardi 18 juillet
FACE AU MONDE ET À SES NORMES, S'ENGAGER ? ENTREPRENDRE ?
Matin
Mireille BATTUT : Pour l'émancipation. Une analyse des discours autour de l'autisme [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Tristan GARCIA-FONS : La personne autiste et ses phobies face aux normes sociales
Carine RADIAN : La pleine participation des personnes en situation de handicap | Conversation avec Mireille BATTUT

Après-midi
Visite des pépinières "Fleurs et ânes d'Armor", par Anne MEVEL & Alan RIPAUD
ou
DÉTENTE

Soirée
Autour des films de Georges Méliès, par Marie-Héléne LEHÉRISSEY


Mercredi 19 juillet
COMMENT PRÉPARER ET ACCOMPAGNER UN ENFANT À L'ÉCOLE
Matin
Marie-Annick DION : Un cheval de Troie à l'école
Anita LENGLET : D'un espace à l'autre : l'inclusion pour quel sujet ? Récit d'accompagnement d'un enfant autiste de la maternelle au primaire
Hélène TOUSSAINT : Les objets autistiques et intérêts spécifiques comme passerelle dans l'éducation inclusive des enfants autistes

Après-midi
Catherine de la PRESLE : Pourquoi l'école n'est pas adaptée aux particularités sensorielles et comment y préparer le futur élève ?
Déborah ALLIO & Anne-Cécile NACKAERTS : Le parcours de Briac (Attention, a peur!)

Film Quelque chose à dire (production IREAMS)


Jeudi 20 juillet
Matin
TRANSFORMER L'ÉCOLE POUR FAIRE PLACE À L'APPRENANT
Michel GROLLIER : Présentation des résultats du projet européen IREAMS, pour une inclusion Raisonnée des Enfants Autistes en Milieu Scolaire
Patrick BINISTI : La pédagogie est le propre de l'école [vidéo]
Mireille BATTUT : Intervention du collectif de parents du 94 à l'assemblée nationale pour une école inclusive universelle, effective, accessible

Reprise de la discussion autour de la transformation de l'école

Dominique TOURRÈS-LANDMAN : Échecs de l'inclusion au collège et lycée, propositions thérapeutiques

Après-midi
ET ALORS ? PARCOURS DES PERSONNES AUTISTES, LEURS FAMILLES, ET LIENS SOCIAUX
Valérie GAY & Théo FACHE : Le chant des sirènes. Une écriture à deux [vidéo]

Les transitions, les familles et la vie d'adulte, table ronde avec les parents animée par Mireille BATTUT et Pierre VIÉNOT, avec notamment Anne-Cécile NAECKAERTS et Eugénie BOURDEAU

Soirée
Chants, avec Catherine BONI


Vendredi 21 juillet
Matin
Synthèse, conclusions et échanges

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Mireille BATTUT : Pour l'émancipation. Une analyse des discours autour de l'autisme
Il est important de dire d'où quelqu'un parle. L'enfant autiste, dans le discours parental comme dans le discours psychiatrique, occupe la place de celui qui est parlé. Il est littéralement dit-autiste. Le discours sur l'autiste c'est d'abord un discours médical qui qualifie des déficiences, relayé par un appareil administratif qui les codifie. Si, face à cet appareil, la voix des parents s'est faite entendre dans une protestation très médiatisée, ce n'est que plus récemment, en France, que la montée des adultes autoreprésentants est venue, légitimement, mettre en avant une parole des se-disant-autistes. Ils revendiquent de penser dorénavant le handicap selon un modèle "social" qui viendrait s'opposer au modèle "médical" centré sur la maladie, mais aussi un modèle "parental" centré sur la norme. Identifier ces trois discours est très éclairant. Mais, pris isolément, chacun de ces discours mène à des injonctions : soigne-toi ! éduque-toi ! inclus-toi ! Il peut être intéressant de rechercher les zones de recouvrement. C'est à ce prix que peut se construire une société inclusive. À commencer par l'école, qui en est le creuset. Un travail renouvelé sur les pédagogies est nécessaire pour instaurer un processus émancipateur.

Mireille Battut est mère de deux enfants dont un autiste, fondatrice de La Main à l'Oreille, association dont l'objet est de promouvoir une approche qui prenne en compte le mode d'être des personnes autistes et accueille les solutions qu'ils trouvent pour se construire. Elle considère que la dite "société inclusive" doit accueillir la diversité en son sein et non demander aux autistes de se conformer à sa normalité. Elle appelle à faire ensemble, avec les autistes et ainsi "faire société". Ce dont témoigne le blog de l'association : lamainaloreille.com. Mireille Battut a rédigé de nombreux articles. Elle a participé aux travaux de la HAS, siège dans plusieurs instances du scolaire (CDSEI) et du sanitaire (CDU). Elle s'est engagée dans plusieurs collectifs (pour une école universelle, effective et accessible) et récemment dans "Ambition École Inclusive" afin qu'aucun enfant ou adolescent ne soit privé d'instruction.


Michel GROLLIER
Michel Grollier est professeur de psychopathologie, psychanalyste membre de l'ECF. Il est responsable du projet Européen IREAMS (2019-2021) sur "l'inclusion raisonnée des enfants autistes".
Publication
Autisme et schizophrénie. Des histoires entremêlées, des réponses variées, Presses universitaires de Rennes, 2022.

Anita LENGLET : D'un espace à l'autre : l'inclusion pour quel sujet ? Récit d'accompagnement d'un enfant autiste de la maternelle au primaire
Cette intervention retracera quatre années d'immersion dans une école maternelle et primaire au cours desquelles j'ai accompagné un jeune enfant présentant des troubles du spectre autistique. S'y révèle la nécessité quotidienne d'inventer en mobilisant la subjectivité de chacun dans ses racines inconscientes. La question transférentielle dans ses différentes dimensions et à différents niveaux apparait cruciale, ainsi que la place du manque. Vous entendrez le récit de l'aventure dans laquelle je me suis trouvée embarquée, mais pas seule : un moussaillon d'à peine 3 ans me guidait au milieu de l'océan que représentaient pour lui la classe, la cantine, la cours de récréation, les escaliers et les autres (enfants, adultes) qui partageaient ces espaces. Nous le suivrons pas à pas. "Vivre c'est passer d'un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner", Espèces d'espaces, Georges Perec.

Anita Lenglet a exercé pendant 15 ans la profession de kinésithérapeute dans le champ du handicap moteur : l'accessibilité était une de ses préoccupations majeures, un premier pas vers l'inclusion. Formée ensuite à la psychanalyse, elle est psychanalyste praticienne d'Espace Analytique. Elle a été partenaire du Dispositif Réussite Éducative. Elle est présente dans de nombreuses institutions accueillant des personnes autistes, où elle anime des groupes d'analyse des pratiques professionnelles et supervisions d'équipes.

Valérie MONTREYNAUD : Diversité des offres et créativité des équipes, l'adaptation de la pédopsychiatrie
Parce que la pédopsychiatrie s'intéresse au développement de l'enfant dans toutes ses dimensions : affective, cognitive, relationnelle, elle cherche avec les familles et les sujets autistes les parcours de vie répondant le mieux à leurs aptitudes et leurs intérêts. Après les lieux de garde municipaux ou privés, l'éducation nationale est le premier partenaire institutionnel impliqué du fait de la loi de 2005. Beaucoup d'efforts et de discours pour favoriser l'accueil de tous les enfants, mais un enfant autiste est-il vraiment un enfant comme un autre ? Est-il possible d'aménager et d'adapter l'environnement afin de ne pas nier la singularité de l'autisme de chaque enfant. Un enfant tout seul n'existe pas sans des parents qui ont à construire leur vie d'adulte. Ces enfants extra-ordinaires mobilisent leurs parents pour devenir un peu malgré eux des hommes et des femmes extra-ordinaires, mais pas sans peine ni sans aide. Devenus grands, certains parviennent à s'entraider loin de leurs tuteurs au sein d'un groupement d'entraide mutuelle (GEM). Participer à cette création fut une belle expérience.

Carine RADIAN
Carine Radian, Docteur en sciences économiques, chargée de mission à ENGIE SA, membre "Personne qualifiée" au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées depuis avril 2016, membre de la Chaire "Handicap, Emploi et Santé au Travail" de l'université Paris-Est Créteil, rapporteur avec le député Thierry Michels du rapport gouvernemental "Vers la pleine citoyenneté des personnes handicapées" remis en juin 2019 au Premier Ministre.

Hélène TOUSSAINT : Les objets autistiques et intérêts spécifiques comme passerelle dans l'éducation inclusive des enfants autistes
La scolarité, pour les enfants autistes dont le lien social est souvent d'une grande complexité, pose régulièrement la nécessité de rencontres avec des partenaires avertis de l'importance de la place des objets autistiques, intérêts particuliers ou du "double" chez les autistes. Ces objets peuvent former un bord, une protection et en même temps une passerelle, entre les enfants autistes et les autres que sont leurs pairs et les adultes, mais aussi vers les apprentissages et le choix d'une orientation préprofessionnelle. De surcroît, le travail thérapeutique à partir des objets singuliers des autistes permet une structuration de l'image corporelle et une dynamique libidinale, ouvrant la voie à un lien social plus apaisé. Le cas de Lilian (Toussaint & Grollier, 2023) et d'autres enfants accompagnés en SESSAD, en partenariat avec l'école et les parents, témoigneront de cette trajectoire.

Bibliographie
Toussaint, H. & Grollier, M. (2023), "D'un corps mollusque à un véhicule turbo ! Comment l'inclusion scolaire est facilitée par l'entremise des objets autistiques et du double", Bulletin de psychologie, Numéro 579 (1), p. 35‑46.


SOUTIENS :

• Centre d'Intervention dans la Dynamique Éducative (CIDE)
• La Main à l'Oreille (LaMàO)
• Centre d'étude et de recherches pédagogiques & psychanalyses (CERPP) | École expérimentale de Bonneuil

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


UNIVERSITÉ ET CRÉATIVITÉ. L'IDÉAL ET L'IMPÉRATIF


DU MERCREDI 5 JUILLET (19 H) AU MARDI 11 JUILLET (14 H) 2023

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Pierre MŒGLIN, Françoise THIBAULT

Avec la participation du RnMSH


ARGUMENT :

En 1963, Clark Kerr, président de l'université de Californie, lance un vibrant appel à ses collègues : "il faut que les universités trouvent les moyens de s'adapter à l'effort créateur". Quelques années plus tard aux États-Unis comme en France, les mouvements étudiants exigent, eux aussi, la transformation des institutions universitaires, la fin du modèle de la Tour d'ivoire au bénéfice de l'Agora. Ainsi, à Paris en 1968, la Sorbonne est aux étudiants et l'imagination, au pouvoir.

Aujourd'hui, les universités proposent ateliers d'écriture créative, stages de management créatif, modules de design thinking et sont partie prenante du mouvement de la Science ouverte et des Sciences participatives et citoyennes. Le paradigme créatif est associé à l'exigence d'innovation et d'ouverture à la société. Il accompagne des modèles de gestion flexible et par projets, promeut des valeurs de réactivité et de changement. Il promeut le rapprochement des arts et des sciences.

Qu'en est-il de l'idéal créatif à l'université ? Quels sont les enjeux de ce qui devient un impératif ? Quelles en sont les implications sur le travail scientifique et sur l'enseignement ? Quelles réalisations mettre à son actif ? Quelles en sont les implications sur les missions et modes de fonctionnement de l'université ? Telles seront les questions discutées entre chercheurs, acteurs impliqués dans les politiques éducatives et culturelles, artistes et toutes les personnes intéressées par le sujet traité.


MOTS-CLÉS :

Créativité institutionnelle, Créativité mandatée, Créativité scientifique, Industries créatives, Pédagogie créative, Scène scientifique, Territoires créatifs, Universités créatives


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 5 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 6 juillet | Vidéos des interventions de la journée en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie
Matin
Ouverture, par Pierre MŒGLIN et Françoise THIBAULT

CRÉATIVITÉ, CRÉATION, INNOVATION : QUELS SENS POUR L'UNIVERSITÉ ?
Jean-Yves MERINDOL : Créativités. Universités françaises. 1780-2023
Armand HATCHUEL : La recherche a-t-elle besoin d'institutions ou de modèles d'action collective ?

Après-midi
CRÉATIVITÉ INSTITUTIONNELLE : CONSTRUCTION, DÉCONSTRUCTION, RENAISSANCE, RECONNAISSANCE
Échanges avec les membres du RnMSH
Jacques COMMAILLE : La création institutionnelle via "la stratégie du détour"
Philippe CASELLA : Sur les traces d'une incorporation, comment l'imagination vient aux institutions ?
Débat animé par Françoise THIBAULT

Pierre GUIBENTIF : Institutionnaliser les rapports entre communication et pensée dans une société complexe en transition
Pierre-Jean BENGHOZI : Industries créatives : des leçons pour la formation ?
Discutante : Lise DUMASY-QUEFFÉLEC


Vendredi 7 juillet
Matin
CRÉATIVITÉ : LIBERTÉ ET INVENTION COMME SENS DE L'ACTION
Laurent CRETON : Cinéma et universités : polarités, trajectoires et déploiements
Pascal BULÉON : La relation au territoire : fertilisation versus pression utilitariste
Chipten VALIBHAY : L'école de physique des Houches : le paradoxe d'une école-laboratoire prestigieuse [visioconférence]
Annick ALLAIGRE : Vincennes, une utopie concrétisée ?

Après-midi
CRÉATIVITÉ : LIBERTÉ ET INVENTION COMME SENS DE L'ACTION (suite)
Hanne LETH ANDERSEN : L'expérience de Roskilde
Anne-Lise WORMS : Susciter ou révéler la créativité : quelques exemples à l'université de Rouen
Discutante : Françoise MOULIN CIVIL

Nicolas TIXIER : Situations, moments et communitas, l'expérience d'une école d'art
Nicolas THELY : Logique(s) du désœuvrement
Discutante : Françoise THIBAULT

Soirée
Carte blanche à Leszek BROGOWSKI : Le cabinet du livre d'artiste


Samedi 8 juillet
Matin
Fil d'Ariane. Retour sur les échanges des jours précédents, par Vincent GENIN

CRÉATIVITÉ : LIBERTÉ ET INVENTION COMME SENS DE L'ACTION (suite)
Dominique BOULLIER : Conditions institutionnelles comparées de la créativité stratégique en milieu académique
Saadi LAHLOU : Contrainte et créativité : une paire féconde ?

Après-midi
UNIVERSITÉS, TERRITOIRES ET CRÉATION
Philippe BOUQUILLON : Les industries créatives, produits des territoires ?
Simon RENOIR : Les territoires créatifs : produire des espaces adaptés au capitalisme cognitif-culturel
Bruno LEFÈVRE : La question des territoires créatifs


Dimanche 9 juillet
LES INDUSTRIES CRÉATIVES ET ÉDUCATIVES
Matin
Yanita ANDONOVA : Le paradigme de la créativité
Chiara CAPPELLETTO : L'enseignement universitaire dans les humanités et la performance rhétorique
Éric BRUILLARD : Esprit créatif, esprit critique ?

Après-midi
Aude SEURRAT : Analyse des transformations numériques des ressources universitaires, le cas des IUT
Laurent PETIT : Injonction créative et soft skills
Nathalie BONNARDEL : Comprendre et favoriser la créativité dans des contextes éducatifs et professionnels
Werner GEPHART : Du salon de Saint-Simon au lieu d'incubation du nouveau par la promotion de l'imagination et de l'imaginaire


Lundi 10 juillet
DE LA TOUR D'IVOIRE A L'AGORA
Matin | Vidéos des interventions de la matinée en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie
Sylvain ALLEMAND : Introduction

Des interfaces entre université et société
Arnaud ORAIN : Des savoirs perdus à redécouvrir
Frédéric WALLET : Transition en Territoires de l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement
Ninon GRÉAU : VivAgriLab : relier ville et vivant dans le sud-ouest francilien
Thomas MOUZARD : Les ethnopôles

Après-midi
Des interfaces entre mondes universitaires et de la création
Hélène LAUNOIS : Produire des œuvres à partir du patrimoine de la recherche
Maryline CRIVELLO : L'université dans la Cité. L'expérience du Festival des sciences et des arts (Jeu de l'Oie) [visioconférence]
Yann CALBÉRAC : Pour une géographie des spatialités… théâtrales


Mardi 11 juillet
SYNTHÈSES ET HORIZONS
Matin
Retour sur une intention, par Pierre MŒGLIN et Françoise THIBAULT
Discussion avec l'ensemble des participants

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Annick ALLAIGRE : Vincennes, une utopie concrétisée ?
Sous X, dans l'Abécédaire de Vincennes à Saint-Denis, un facétieux anonyme fait de Vincennes la fille d'Utopie : "Vincennes est née de l'Utopie fécondée par le Génie politique, union improbable dont la rareté fait la valeur de création". Hélène Cixous, qui a fondé le Centre avec quelques autres, convoque l'utopie dans Vincennes, une aventure de la pensée critique, pour mieux l'exclure : "Quel bon tour on jouait à l'Institution : une évasion d'esprits vers un lieu qui n'est ni un non-lieu, ni une utopie, ni un autre monde, ni un alibi, mais vraiment UNE CRÉATION". Pourtant, sous la plume de Michèle Riot-Sarcey, c'est bien d'utopie qu'il est question à la lettre U de l'Abécédaire. Nul doute, à la lumière de ces trois exemples choisis au hasard d'ouvrages commémoratifs, que l'utopie ne soit, dans le cas de Vincennes, une référence quasi obligée, qu'elle soit humoristiquement détournée, congédiée ou réévaluée. Reste entière la question de savoir ce que l'on met derrière ce terme. La notion d'"utopie du réel" avancée par Michelle Riot-Sarcey dans l'Abécédaire permet d'envisager une utopie au long cours, résiduelle et imprévisible mais résistante, face à une normalisation liée à la transformation du Centre expérimental de Vincennes en Université Paris 8 que le déménagement à Saint-Denis aurait accélérée. Quinze ans plus tard, dans un paysage français d'enseignement supérieur recomposé et dérégulé, où les innovations sont encapsulées dans des dispositifs financés et contrôlés par des organismes indépendants, les résurgences utopiques ont-elles un avenir ? Comment soutenir aujourd'hui le "devenir Vincennes" de l'université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis ?

Annick Allaigre a été Professeure des Universités (Littérature hispanique contemporaine, Poésie, poétique, genre, traduction) à l'université de Pau et des Pays de l'Adour (2000-2007). Depuis 2007, elle est Professeure à l'université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis. De 2010 à 2015, elle a été Directrice de l'UFR Langues et Cultures Étrangères (LLCE-LEA) et de 2016-2020, Présidente de l'université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis (premier mandat). Depuis 2021, elle est Présidente de l'université Paris 8 (deuxième mandat).

Yanita ANDONOVA
Yanita Andonova est professeure des universités en Sciences de l'information et de la communication à l'université Sorbonne Paris Nord et directrice adjointe de l'École doctorale Érasme. Chercheure au LabSic et au Labex ICCA, elle a fondé le réseau international Crea2S – Creative Shift Studies qu'elle co-coordonne avec Anne-France Kogan. Visiting Scholar, en 2018, à Salem State University (Massachusetts, USA), elle a été responsable scientifique du projet "Travail et créativité : vers un essaimage des modèles des industries culturelles ? Approche comparative internationale" (2016-2019), soutenu par le Labex ICCA et labellisé MSH Paris Nord. Ses recherches portent sur les injonctions à la créativité dans les industries culturelles et les industries créatives, la visibilité et la reconnaissance des individus au travail, l'usage des dispositifs numériques et les enjeux géocommunicationnels des organisations.
Publications récentes
ANDONOVA Y., KOGAN A-F., KRASTANOVA K. (2022), "Artisanat, design, créativité : entre tradition et contemporanéité", Université de Plovdiv, Bulgarie, 8-10 juin 2022 [en ligne].
ANDONOVA Y. (2021), "Émergence et représentations de la créativité dans la pensée managériale américaine", Questions de communication [en ligne], 39 | 2021.
ANDONOVA Y. (2019), Communication, travail et injonctions à la créativité, mémoire d'habilitation à diriger des recherches en Sciences de l'information et de la communication, Université Bordeaux Montaigne, 247 p.
KOGAN A-F., ANDONOVA Y. (2019), "De quoi la créativité est-elle le nom ?", (coord.) Dossier thématique, Communication, n°36/1 [en ligne].

Pierre-Jean BENGHOZI : Industries créatives : des leçons pour la formation ?
Le secteur des industries culturelles et créatives apparait de manière de plus en plus marquée comme un vrai laboratoire et modèle pour penser le développement et la formation à la créativité. La culture nous démontre, en particulier, que la création et la conception ne sont pas localisées dans des métiers, des fonctions ou des structures spécifiques. Elles sont omniprésentes, d'une part comme composante centrale des stratégies de différenciation et de réponses aux enjeux économiques et de marché, d'autre part parce que sa mise en œuvre suppose une forte intégration de tous les acteurs impliqués dans la conception, la production et la distribution des œuvres. La création de nouveaux projets repose sur une articulation de ruptures à plusieurs niveaux (infrastructure technologique, supports technologiques, matériau supports, projets créatifs) qui interpellent directement les compétences de ceux qui les portent et donc les enjeux de leur formation. Aujourd'hui, tous les établissements d'enseignement supérieur ont ainsi pris à bras le corps la question de la formation des ingénieurs et des managers de demain, capables d'innover et d'entreprendre. Cela s'est traduit par l'ouverture de parcours diversifiés, par le souci de favoriser la variété des situations pédagogiques et la multiplicité des modes d'enseignements. Pour autant, le glissement produit par la place de la conception dans la formation ne va pas sans de nouvelles interrogations sur le sens même de ce que signifie former à la créativité.

Directeur de recherche au CNRS et professeur à l'École polytechnique, Pierre-Jean Benghozi a une triple formation d'ingénieur, de sciences des organisations et d'économie. Il est un des précurseurs, reconnu internationalement, des recherches sur les modèles économiques du numérique, d'une part, sur les industries créatives d'autre part. À ce titre, il a été directement impliqué dans la régulation du secteur et est régulièrement sollicité sur ces questions, au niveau national et international, auprès d'institutions publiques comme d'entreprises privées. Il enseigne aussi régulièrement dans plusieurs grandes universités parisiennes et étrangères, notamment comme professeur à l'université de Genève de 2019 à 2021.

Nathalie BONNARDEL : Comprendre et favoriser la créativité dans des contextes éducatifs et professionnels
Les activités créatives sont omniprésentes dans notre société mais les facteurs et processus intervenant dans ces activités restent à approfondir. Aussi, des modèles permettant d'appréhender les différentes facettes de la créativité seront tout d'abord présentés, puis certains processus seront mis en avant. Dans une perspective à la fois de compréhension et d'assistance à la créativité, seront ensuite présentés des travaux portant sur les activités de conception créatives, telles qu'elles peuvent être mises en place dans des contextes éducatifs et professionnels. Sur ces bases, des techniques et dispositifs numériques seront proposés afin de favoriser les activités créatives.

Nathalie Bonnardel est Professeure des Universités en Psychologie cognitive et ergonomique à Aix-Marseille Université, Directrice de l'Institut Créativité et Innovations d'Aix-Marseille (InCIAM), Directrice du Centre de Recherche en Psychologie de la Connaissance, du Langage et de l'Émotion (PSYCLE, UR 3273) et, antérieurement, membre de l'Institut Universitaire de France (IUF). Ses activités de recherche visent d'une part à comprendre les processus impliqués dans les activités créatives, en situations individuelles et collectives, et d'autre part à contribuer au développement de techniques et de systèmes numériques visant à favoriser la créativité.

Dominique BOULLIER : Conditions institutionnelles comparées de la créativité stratégique en milieu académique
À partir du récit de plusieurs expériences pédagogiques (numériques ou non) que j'ai conduites personnellement, je propose d'établir les conditions institutionnelles d'émergence de la créativité chez les étudiants, créativité que je définis comme stratégique (sans oxymore), vers un "strategic thinking" présent en pointillés mais jamais soutenu ni déployé à sa juste valeur.

Dominique Boullier est Professeur des Universités émérite XIXe section CNU (Sociologie), Institut d'Études Politiques de Paris (Sciences Po), Chercheur au CEE (Centre d'Études Européennes et de Politique Comparée), Ancien chercheur senior au Digital Humanities Institute à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) (2015-2019), Ancien coordonnateur scientifique du médialab de Sciences Po avec Bruno Latour (2009-2013), Ancien directeur de Lutin User Lab (Cité des Sciences (2004-2008) et de Costech (Université de Technologie de Compiègne (1998-2005). Sociologue du numérique, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Sociologie du numérique, Comment sortir de l'emprise des réseaux sociaux et Propagations. Un nouveau paradigme pour les sciences sociales (2023). Il est également Expérimentateur pédagogique obstiné (avec ou sans numérique).

Éric BRUILLARD : Esprit créatif, esprit critique ?
De nombreuses années de recherches consacrées au numérique en éducation conduisent à observer une opposition, récurrente et simpliste, entre des créations technologiques censées modifier en profondeur les systèmes de formation, selon les discours de leurs promoteurs, et des études critiques faisant état de leur faible impact. La solide amnésie des institutions et les discours médiatiques rendent cette dichotomie régulièrement opérante. Pourtant, la critique pourrait constituer un levier utile pour la création et devrait pouvoir à la fois comprendre et transformer.

Éric Bruillard, professeur des universités et directeur du laboratoire EDA à l'université Paris Cité, travaille en recherche sur les questions de conception et d'usage des technologies informatiques (numériques) en éducation et formation. Il conduit conjointement des recherches à visée de compréhension (critique) et des réalisations ayant un caractère innovant, par exemple la série de Mooc "enseigner et former avec le numérique" (créatif).
Publication récente
Apprendre avec les énigmes. La résolution collective d'énigmes comme levier pédagogique, C&F éditions, 2023.

Yann CALBÉRAC
Yann Calbérac est géographe, maître de conférences à l'université de Reims Champagne-Ardenne, membre du CRIMEL et membre junior de l'Institut universitaire de France. Ses recherches portent à la fois en histoire des sciences des sciences sociales sur l'émergence du tournant spatial des sociétés, et, à l'articulation de la géographie et des arts de la scène, sur la mise en évidence de spatialités et d'un habiter propre à la scène, ainsi que sur les perspectives méthodologiques que le rapprochement entre théâtre et sciences sociales peut engendrer.
Publications
(2021) ""Tu crois que ça suffit d'être indigné pour investir l'espace des autres ?". Pour une géographie des spatialités théâtrale : la trilogie Des territoires de Baptiste Amann", Annales de géographie, n°739-740, p. 80-100 [en ligne].
(2022) "Habiter le théâtre. Pour une géographie des spatialités théâtrales", Communication au colloque "Géopoint 2022 : Tous habitants" (Amiens) [en ligne].
(sous presse) "Faire Monde commun, un récit théâtral pour l'anthropocène", in Beaufils E., Perrin C. (dir.), L'écologie en scène, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes.

Chiara CAPPELLETTO : L'enseignement universitaire dans les humanités et la performance rhétorique
Les sciences humaines sont depuis quelques décennies exposées à des bouleversements radicaux dans le contenu et dans la forme de la production du savoir. L'autorité des sources est remise en question par la variété des dispositifs épistémiques qui participent à la (re)production de la connaissance, remettant ainsi en cause la possibilité d'une épistémè commune à laquelle des générations de chercheurs(ses) et de citoyen(ne)s pourraient faire référence au sein de l'université. Les difficultés de l'enseignement universitaire dans les humanités — que le système académique norme de plus en plus plutôt que d'accompagner la réflexion et les pratiques des enseignants les plus avertis — sont à la fois le symptôme et la cause du séisme épistémique qui défie notre époque. Cette embarras scientifico-institutionnel crée l'occasion parfaite pour mobiliser toutes les ressources du discours pédagogique, qui sollicite la biographie des enseignants et de leurs étudiant(e)s, dévoile la nature située et corporelle de l'apprentissage, demande aux institutions l'espace pour que des groupes de recherche intra- et intergénérationnelle se créent, stimule la formation de nouveaux répertoires de connaissance et une relation inédite aux dispositifs cognitifs.

Chiara Cappelletto est philosophe et enseigne la rhétorique à l'université de Milan. Elle travaille avec une approche matérialiste et féministe aux processus corporels et discursifs grâce auxquels le sujet prend forme. Ella a édité le volume Il docente universitario in otto autoritratti (Raffaello Cortina, 2019) sur la condition située de l'enseignement universitaire dans les sciences humaines. Elle écrit actuellement un ouvrage sur la rhétorique comme technique et performance (à paraitre chez Einaudi, 2024).

Philippe CASELLA : Sur les traces d'une incorporation, comment l'imagination vient aux institutions ?
En revenant sur un moment clef de la définition d'une "politique publique des données pour les SHS", nous examinerons comment l'administration de l'ESR incorpore les perspectives tracées par une coalition de scientifiques et d'experts des études quantitatives pour élaborer ses propres enjeux. L'imagination dont nous parlons ici peut s'exprimer à travers de simples ajustements opportunistes ou par une politique clivante de faits accomplis propres à enjamber les questionnements qu'elle soulève et à déjouer ainsi les contraintes formelles. Ces formes graduées de créativité apparaissent comme le produit de la porosité de l'institution et de sa capacité à reconnaitre et neutraliser les impérieuses nécessités qui lui sont étrangères.

Philippe Casella est sociologue et a exercé de 2000 à 2009 des fonctions de direction au ministère en charge de l'enseignement supérieur de la recherche pour le secteur sciences humaines et sociales et de 2009 à 2017. Directeur du développement de la recherche à l'EHESS, il est conseiller scientifique pour l'Alliance Athéna et membre du Conseil scientifique du Réseau national des Maisons des sciences de l'Homme.

Jacques COMMAILLE : La création institutionnelle via "la stratégie du détour"
À partir d'une expérience personnelle d'engagement dans des politiques institutionnelles de création de Maisons des sciences de l'Homme sur l'ensemble du territoire français ainsi que d'Instituts d'études avancées, il est proposé dans cette intervention de dégager des régularités dans les processus de création institutionnelle au sein du monde académique français. Face à ce qui apparaît parfois être une immuabilité des institutions dans cet univers, les stratégies d'innovation adoptées apparaissent comme obéissant à une "stratégie du détour". Plutôt que d'injecter du changement dans les institutions en place, le choix est fait de créer de nouvelles structures qui sont investies comme des vecteurs possibles d'une politique d'innovation. Toutefois, à l'usage, ces nouvelles structures sont exposées à devenir également des isolats s'ajoutant aux institutions déjà en place mais sans les irriguer.

Jacques Commaille, parallèlement à son activité de recherche consacrée principalement à une analyse des rapports entre droit et politique comme contribution à une théorie de la régulation sociale et politique des sociétés, a exercé des responsabilités institutionnelles, notamment dans le cadre du développement des MSH et de la création d'Instituts d'études avancées.
Publications
Des sciences dans la Science (sous la dir., avec Françoise Thibault), Alliance Athena, Collection ATHENA, 2014.
Avenir de la recherche et Maisons de sciences de l'Homme (sous la dir.), Alliance Athena, Collection ATHENA, 2020.

Laurent CRETON
Laurent Creton est Professeur émérite à l'université Sorbonne Nouvelle. Directeur du Groupe de recherche en économie du cinéma et de l'audiovisuel (GRÉCA), il est membre du Comité de pilotage et co-président du Conseil Scientifique du LabEx ICCA "Industries culturelles et création artistique". Membre de l'Institut de recherche sur le cinéma et de l'audiovisuel (IRCAV) depuis 1985, il en a été directeur de 2003 à 2014, avant de devenir Vice-Président Recherche et Président du Conseil académique de l'université Sorbonne Nouvelle de 2015 à 2019. Ses travaux portent principalement sur l'économie du cinéma et de l'audiovisuel, les industries culturelles, le numérique et les processus de plateformisation, les stratégies d'innovation des organisations, le management dans les domaines de l'art et de la culture.
Publications
Économie du cinéma : perspectives stratégiques, 6e édition, coll. "Cinéma Arts visuels", Armand Colin, 2020.
Le Cinéma à l'épreuve du système télévisuel (dir.), CNRS Éditions, 2002.
Histoire économique du cinéma français : production et financement (1940-1959), CNRS Éditions, 2004.
Cinéma et stratégies : économie des interdépendances (dir.), Revue Théorème, Presses Sorbonne Nouvelle, 2008.
Les producteurs : enjeux créatifs, enjeux financiers (dir., avec Y. Dehée, S. Layerle et C. Moine), Nouveau Monde, 2011.
Les salles de cinéma : enjeux, défis et perspectives (dir., avec K. Kitsopanidou), coll. "Recherches", Armand Colin, 2013.
Mobiles : enjeux artistiques et esthétiques (dir., avec L. Allard et R. Odin), Revue Théorème, Presses Sorbonne Nouvelle, Paris, 2018.

Lise DUMASY-QUEFFÉLEC
Lise Dumasy-Queffélec est Professeure de littérature française à l'université de Grenoble à partir de 1992 ; Présidente de l'université Stendhal Grenoble 3 (Langues et Lettres), 1999-2004 et 2008-2015 ; Présidente de l'université Grenoble Alpes (2016-2017) et Responsable ANR de l'AAP ExcellencES de France 2030 depuis mars 2021.
Publication
"La ville, la culture et l'université", Chapitre 6 de l'ouvrage Réinventer la ville, regards croisés sur Grenoble, PUG, 2013, p. 127-146.

Ninon GRÉAU : VivAgriLab : relier ville et vivant dans le sud-ouest francilien
Par le dialogue et l'accompagnement de projets, Terre et Cité œuvre à l'émergence d'un nouveau mode de relation, durable et partagé, entre agriculture, ville et nature. Depuis 2013, l'association anime avec ses partenaires une démarche de laboratoire vivant, intitulée VivAgriLab, sur les territoires agriurbains du sud-ouest francilien : la Plaine de Versailles, le Plateau de Saclay, le Triangle Vert et les agglomérations de Saint-Quentin en Yvelines, Versailles Grand Parc et Communauté Paris-Saclay. Le VivAgriLab est un espace de dialogue visant l'émergence et la mise en place de projets de recherche appliquée, adaptés aux caractéristiques du territoire et aux besoins de ses acteurs (agriculteurs, collectivités, associations…). Alors que 15% de la recherche nationale et 25% de la recherche agronomique sont présents sur le territoire, au sein du campus Paris-Saclay, cette approche multipartenariale impulse des synergies entre le monde agricole, les acteurs de la recherche et les attentes sociétales.

Ninon Gréau travaille depuis un an et demi au sein de Terre et Cité. En charge de l'animation du VivAgriLab et du suivi des projets de recherche en lien avec l'agriculture des territoires agriurbains du sud-ouest francilien, elle coordonne notamment un projet de construction d'une filière de valorisation agricole des urines humaines sur le Plateau de Saclay.

Hélène LAUNOIS
Hélène Launois est née en 1964 à Paris, où elle vit et travaille. Elle est diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris (1987) et titulaire du DESS "Options, marchés à terme, marchés de matières premières" (université de Paris-Dauphine). Elle a été journaliste en finances, cadre de banque, puis est entrée au Sénat, affectée aux comptes rendus des débats. Elle a été de 2019 à 2022 directrice des comptes rendus. Après avoir mené de front son activité artistique et cette carrière de fonctionnaire des assemblées parlementaires, elle a quitté l'institution pour se consacrer au travail artistique. Les œuvres d'Hélène Launois ont été exposées dans des galeries en France et en Italie, dans des lieux institutionnels comme le Mucem à Marseille, les Moments artistiques à Paris, le centre d'art L'H du Siège, à Valenciennes, ou des lieux atypiques comme la Terrasse Martini à Paris, des monuments historiques comme le Château de Bussy-Rabutin, et l'espace public, avec Urban Art box place Saint-Germain des Prés à Paris. De 2017 à 2023, elle a effectué une "résidence" au CEA Paris-Saclay, disposant d'un atelier et collaborant avec les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens des divers instituts. L'exposition de fin de résidence, Faire connaissance, du 11 avril au 25 juin 2023, et le livre Univers en création, conçu par Jean-Luc Sida, ont présenté les résultats de ce séjour.
Site internet : helenelaunois.com

Bruno LEFÈVRE : La question des territoires créatifs
L'idéologie créative affecte les territoires, tant via leurs représentations et leur mise en compétition sur des marchés concurrentiels que par la conduite de politiques publiques d'aménagement et de développement socio-économique pensées dans des cadres structurés autour des notions d'innovation, de créativité, d'écosystèmes et d'attractivité. Cette communication proposera de caractériser les formes principales de "créativisation" des territoires en s'appuyant sur plusieurs travaux de recherche récents portant sur des objets divers : clusters culturels, crowd-sensing de données de bruit par smartphones, localisation de géants du e-commerce, mobilisations civiles contre des projets de parcs de loisirs à thématique culturelle ou créative.

Bruno Lefèvre interroge par la socio-économie et l'économie politique de la communication les corrélations entre des phénomènes sociaux et économiques globaux et les modes d'organisation et de coopération d'acteurs sur des territoires locaux. Ses dernières recherches portent sur les stratégies de territorialisation d'acteurs industriels globaux de l'économie du numérique (Alibaba, Amazon) et des industries culturelles et créatives (parcs de loisirs à thématique culturelle ou créative, quartiers créatifs). Il participe depuis 2021 à plusieurs programmes de recherche internationaux en socio-économie et économie politique des industries culturelles, créatives et numériques, notamment dans les secteurs de l'audiovisuel.
Publications
Lefèvre B., Wiart L., 2023, "Mobilisation de la société civile contre la localisation d'industries de l'économie créative : les conflits pour la re-politisation des territoires", L'Espace Politique [en ligne], 43 | 2021-01.
Lefèvre B., 2019, "Industries culturelles et économie créative. Quels modèles pour la territorialité de la création ?", Communication [en ligne], vol. 36/1 | 2019.
Lefèvre, B., 2018, "L'économie créative, un nouveau récit des territoires qui conforte l'idéologie néolibérale", in Revue Nectart, n°6, "Comprendre les mutations culturelles et numériques", 1er semestre 2018, p. 70-78.

Françoise MOULIN CIVIL
Françoise Moulin Civil, professeure émérite de littérature et culture de l'Amérique Latine, a été présidente de l'université de Cergy-Pontoise (2008-2012), rectrice de l'académie de Lyon, chancelière des universités et rectrice de la région académique Auvergne-Rhône-Alpes (2012-2018). Elle est aujourd'hui conseillère de sites et d'établissements au Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, présidente du conseil de surveillance de la FMSH, de la Fondation Santé des étudiants de France et de l'Institut des Amériques.
Publications
"L'université en mutation : une chance pour l'hispanisme ?", in Transversalité et visibilité disciplinaires : les nouveaux défis de l'hispanisme, Éd. Christian Lagarde et Philippe Rabaté, HispanismeS, n°2, 2013, p. 61-68.
"Les enjeux du continuum de formation", in Master, formation doctorale et emploi, Actes Journées de la SHF, Université Paris-Nanterre, 10-11 juin 2016, Éd. Zoraida Carandell, Amélie Piel et Mercè Pujol, HispanismeS, Hors-série n°3, 2016, p. 9-13.
"Bac-3/Bac+3, cœur et verrou du continuum de formation", in Le système éducatif français et son administration, Éd. 2019, p. 34-39.
"La recherche : un levier de changement pour notre institution", in Sciences et prise de décision en éducation. Validation et appropriation des recherches, Éd. Jean-Luc Villeneuve, Paris, Le Manuscrit ("Les colloques de l'IRÉA"), 2019, p. 111-117.
En collaboration avec Marie-Cécile Naves, "Formation pédagogique et insertion professionnelle au programme", in CPU, 50 ans de transformations avec les universités françaises, Éd. Olivier Laboux, Publication de la Conférence des Présidents d'université, 2021, p. 36-41.
"Parcours, mobilités, territoires. Pour une fabrique des possibles", in Parcours, mobilités, territoires. Pour une fabrique des possibles, Administration et Éducation, 2021/3, n°171, p. 5-8 (éditorial).
En collaboration avec Isabelle Demachy, "Devenir étudiant à l'université en 2022", in Parlons des élèves… Et si on les écoutait ?, Administration et Éducation, 2022/3, n°175, p. 93-97.
Conférences
"L'impact du COVID 19 sur l'enseignement supérieur en France et au Mexique : perspectives comparées", 3rd International Seminar MUFRAMEX on Education policy Mexico-France, visioconférence, 12 novembre 2020.
"Stratégie et évolution de la formation dans les établissements d'enseignement supérieur", Séminaire AFDESRI-CPU, visioconférence, 5 février 2021.
"Quelles conditions pour une autonomie stratégique des établissements d'enseignement supérieur en termes d'offre de formation ? Regards croisés", Séminaire de l'AFDESRI, Paris, Cité Internationale Universitaire de Paris, Collège néerlandais, 25 mars 2022.

Laurent PETIT : Injonction créative et soft skills
À travers l'analyse de référentiels et de textes officiels produits ces dix derniers années, il s'agira de questionner l'intégration à l'université de l'enseignement ou de l'apprentissage des soft skills (ou compétences douces) parmi lesquelles la créativité figure en bonne place. L'apparition de cette notion, corollaire de l'introduction progressive d'une approche par compétences à l'université, est intimement liée au développement de la "formation tout au long de la vie".

Laurent Petit est professeur en sciences de l'information et de la communication à Sorbonne université. Il travaille sur les industries éducatives et les nouvelles modalités d'industrialisation de la formation via le recours croissant aux algorithmes et à l'Intelligence artificielle (IA) dans la formation. Il est le concepteur et le responsable d'un Master interdisciplinaire Ingénierie de la formation et Médias numériques à Sorbonne université et le créateur et animateur du Séminaire intelligence artificielle pour la formation (SIAFO) porté par le Groupement d'intérêt scientifique Innovation, Interdisciplinarité et Formation (GIS2IF).
Publications
"La rencontre de l'Intelligence artificielle (IA) et de l'esprit critique (EC) : nouveaux enjeux ? nouvelle formation ?", Communication, technologies et développement, n°12, 2022 [en ligne].
Éducation aux médias et à l'information : repenser l'approche critique, Presses universitaires de Grenoble, 2020.

Simon RENOIR : Les territoires créatifs : produire des espaces adaptés au capitalisme cognitif-culturel
Depuis une vingtaine d'années, de nombreux anciens centres industriels ayant connu la désindustrialisation se sont engagés dans une reconversion en territoires créatifs. À partir d'une étude du cas emblématique de Detroit aux États-Unis, nous examinerons les mécanismes qui interviennent dans ces stratégies de reconversion territoriale, ainsi que leurs effets régionaux. Nous situerons d'abord ces phénomènes dans un contexte de transition d'un régime de capitalisme fordiste à un régime post-fordiste et globalisé. Puis nous exposerons les principales transformations, en particulier sur le plan des projets d'urbanisme et de transformation de l'espace urbain, sur le plan du marketing et de l'attractivité du territoire, enfin sur celui des politiques visant à développer la créativité, l'entrepreneuriat et l'innovation.

Post-doctorant au LabEx ICCA (Industries Culturelles et Création Artistique), Simon Renoir travaille sur la culture et la créativité dans les territoires et leur rôle dans la globalisation de la culture. Sa thèse traite de la reconversion territoriale à Detroit à partir des industries créatives et des stratégies de ville créative. Il y a abordé les questions de l'impératif entrepreneurial dans les politiques publiques et éducatives.
Publications et communications (sélection)
"Le rôle de la culture et des industries créatives dans la reconversion territoriale de Detroit : la production d'un espace adapté au capitalisme cognitif-culturel", Revue Idées d'Amériques, n°17, 2021.
"A comparative analysis of two innovative projects in regard with the recent creative city strategy in Detroit", Colloque international "Beyond Creative Cities : people, places, innovation", 8-10 octobre 2020 (repoussé au 1-2 avril 2021), Nantes.
"Detroit : le "tournant créatif" à partir du design ?", Communication, 36/1, 2019.
"An inclusive design strategy to reimagine the creative city policy in Detroit", Creativity, Knowledge, Cities Conference 2019, "Rethinking, resisting and reimagining the Creative City", University of the West of England, 12-13 septembre 2019.

Nicolas TIXIER : Situations, moments et communitas, l'expérience d'une école d'art
L'expérience des écoles d'art ainsi que l'écriture d'une habilitation en architecture auront eu, comme inattendu focus pour moi, un retour à la question pédagogique. Que l'on soit en recherche, en projet ou en pédagogie, comment maintenir une inquiétude sur ce que l'on fait, ce que l'on produit ? Cela s'est fait simplement pour nous, par des mises en situation et par la construction collective d'un travail en prise autant qu'en apprentissage avec des situations. Comment les expériences situées en design et les pratiques de recherche sur les ambiances se renseignent mutuellement tant pour saisir et comprendre une situation que pour en projeter des devenirs ? Et comment à partir de lieux et de moments partagés les enjeux communs à cet usage du sensible se dessinent et font retour dans l'espace public aussi bien dans des propositions formelles que par des énonciations théoriques ?

Nicolas Tixier est architecte, professeur à l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes) et professeur invité à l'École supérieure d'art Annecy Alpes. Il travaille comme chercheur au laboratoire "Architectures, ambiances, urbanités" (AAU) de Grenoble au sein de l'équipe CRESSON dont il est le directeur depuis 2018. Il mène parallèlement une activité de projet au sein du collectif BazarUrbain. Ses travaux actuels portent principalement sur le transect urbain, comme pratique de terrain, technique de représentation et posture de projet. Entre héritage et fiction, il interroge les territoires et leur fabrique par les ambiances.
Publications
L'usage des ambiances. Une épreuve sensible des situations, Colloque de Cerisy (2018), Hermann Éditeurs, 2021.
L'enchantement qui revient, Colloque de Cerisy (2021), Hermann Éditeurs, 2023 (à paraître).

Anne-Lise WORMS : Susciter ou révéler la créativité : quelques exemples à l'université de Rouen
L'université est un lieu de formation et de recherche et c'est aussi une organisation ouverte sur la société. Pour répondre aux défis sociétaux et affronter des questions complexes, les universités françaises ont été appelées à développer les recherches en interdisciplinarité. Le modèle de "l'université de service" (Lessard & Bourdoncle, 2002), qui s'illustre par une volonté accrue de faire dialoguer sciences et société, prend le pas sur des modèles plus académiques. Dans ce contexte, nous nous interrogerons sur le rôle et les limites du politique pour susciter ou révéler la créativité des enseignants-chercheurs dans un environnement qui change. Quelle est la limite entre incitation et injonction ? Nous nous appuierons sur des récits et témoignages recueillis auprès d'enseignants-chercheurs de notre établissement pour nourrir cette réflexion sur le sens de l'action politique à l'université.

Bibliographie
Sous la direction de M. Martinez Thomas et C. Naugrette, Le doctorat et la recherche en création, Paris, L'Harmattan, 2020.
Lessard C. & Bourdoncle R., "Qu'est-ce qu'une formation professionnelle universitaire ? Conceptions de l'université et formation professionnelle", Revue française de pédagogie, n°139, p. 131-153, 2002.
Bridoux S., Grenier-Boley N. & Leininger-Frégal C., Les recherches en pédagogie universitaire : vers une approche disciplinairement située ?, Londres, ISTE, 2023.


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• Thély Nicolas (2011),"Désœuvrement volontaire", Nouvelle Revue d'Esthétique, n°8, Dossier "La disparition de l'œuvre", PUF, Paris.
• Thibault Françoise [dir.] (2021), Mutations des sciences humaines et sociales. Les Maisons des Sciences de l'Homme et leur réseau, Paris, Athéna.


SOUTIENS :

• Réseau national des Maisons des Sciences de l'Homme (RnMSH)
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