Témoignage

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"UNE SECONDE FOIS SUR LA ROUTE MENANT À CERISY"

RENCONTRE AVEC MARIE DÉGREMONT


C'est la deuxième fois que nous la rencontrions à Cerisy. La fois précédente, c'était en 2019 à l'occasion du colloque La pensée aménagiste en France : rénovation complète ?. Cette fois, c'était à l'occasion du colloque Comprendre la route : entre imaginaires, sens et innovations, codirigé par Mathieu Flonneau et Frédéric Monlouis-Félicité du 8 au 14 septembre 2023, à l'initiative de la Fabrique de la Cité, qu'elle a rejointe en mai dernier au titre de directrice adjointe des études. Elle témoigne ici de son plaisir à retrouver Cerisy, un cadre qu'elle trouve propice au croisement de regards d'experts de différents horizons professionnels et disciplinaires.

Photo de groupe du colloque


C'est le deuxième entretien que vous m'accordez à Cerisy [entretien en ligne sur le site L'EPA Paris-Saclay]. La première fois, c'était à l'occasion du colloque La pensée aménagiste en France : rénovation complète ? auquel vous aviez participé au titre de cheffe de projet au Département Développement durable et numérique de France Stratégie. Cette fois, c'est à l'occasion du colloque Comprendre la route : entre imaginaires, sens et innovations, au titre de directrice adjointe des études à La Fabrique de la Cité, membre du Cercle des partenaires de Cerisy et à l'initiative de ce colloque…

Marie Dégremont : En effet. J'ai rejoint la Fabrique de la Cité en mai dernier au terme d'un cheminement fait de méandres tout autant que de lignes droites ! Ce qui rend d'ailleurs l'expérience cerisyenne d'autant plus savoureuse : on a beau avoir fait beaucoup de route (au sens figuré comme au sens propre) entre deux colloques, on retrouve ce lieu tel qu'on l'avait quitté.

Quel a été votre parcours depuis votre précédente intervention à Cerisy ?

Marie Dégremont : J'ai quitté France Stratégie pour rejoindre le Haut-commissariat au Plan au titre de conseillère auprès de François Bayrou sur des sujets variés — l'énergie, mon terrain d'expertise initial, mais aussi la démographie et la réindustrialisation. Travailler auprès d'une telle personnalité politique a été une expérience enrichissante. Dans la foulée de l'élection présidentielle de 2022, j'ai intégré le cabinet de la ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, Amélie de Montchalin puis de son successeur, Christophe Béchu. Ironie de l'histoire : en 2013-2014, je m'étais lancée dans un projet de thèse, mais sans parvenir à disposer d'un financement. Or, il portait sur les rapports entre écologie et territorialisation, qui se trouvent désormais, dix ans plus tard, au cœur de l'action d'un ministère et non des moindres. C'est dire si cela avait du sens pour moi de rejoindre ce ministère — en tant que plume et chargée de la prospective. Une autre expérience d'autant plus stimulante qu'elle a permis à la spécialiste des politiques publiques que je suis de vivre de l'intérieur le processus de décision qui préside à leur élaboration, de surcroît sur des enjeux majeurs. Je n'ai pas souvenir d'avoir vécu une expérience professionnelle aussi intense ! Au bout de huit mois, j'ai eu envie de disposer de plus de profondeur de champ dans mon analyse des sujets. Le temps de me soumettre aux procédures de prévention des conflits d'intérêts, j'ai pu rejoindre la Fabrique de la Cité en tant que directrice adjointe des études. Tout en continuant à suivre mes sujets de prédilection, l'énergie et les mobilités, j'ai l'opportunité d'en investiguer d'autres. Au cours de ce colloque, vous avez pu apprécier l'engagement de l'équipe de la Fabrique de la Cité, pour imaginer le plaisir que j'ai à écrire cette nouvelle page de mon parcours professionnel.

Sans avoir su que cette nouvelle page vous donnerait l'occasion de revenir à Cerisy…

Marie Dégremont : Non, en effet ! J'ignorais, au moment de poser ma candidature, que la Fabrique de la Cité avait programmé ce colloque. La surprise n'en fut que plus agréable. Sans que nous le sachions, nos esprits s'étaient déjà rencontrés autour de cet intérêt commun pour Cerisy !

Nous réalisons l'entretien à l'issue de ce colloque que vous avez rejoint "en cours de route" en y étant restée cependant assez de temps pour en avoir un large aperçu. Quel enseignement principal en tirerez-vous sur le fond, la route, ses enjeux et ses défis ? Qu'a-t-il permis de dire d'original sur cet "objet" qu'on croit connaître pour l'emprunter tous les jours, d'une façon ou d'une autre ?

Marie Dégremont : Ce que j'en retiens, c'est d'abord la richesse des éclairages apportés par le croisement des regards : ici, les intervenants viennent d'horizons très divers, tant au plan disciplinaire que professionnel. De prime abord, on a tendance à voir la route comme une question d'ingénieurs — au prétexte qu'elle serait une affaire d'enrobés, d'infrastructures… En réalité, c'est l'affaire de bien d'autres professionnels et de chercheurs, y compris en sciences humaines et sociales, qui n'en partagent pas tous la même vision, y compris au sein d'une même discipline. Ce qui rend les discussions d'autant plus intéressantes.
C'est que la route revêt de multiples dimensions, aussi bien techniques, économiques et sociétales qu'esthétiques. Invitation au voyage, elle est une source d'inspiration pour les écrivains, les poètes et d'autres artistes. Autant de facettes que le colloque a su donner à voir au fil des communications en explorant jusqu'à son imaginaire. Si on croyait tout savoir de la route, force est d'admettre qu'on avait encore beaucoup à en apprendre. Forcément, les visions des uns et des autres sont loin d'être toujours convergentes. Pour autant, les désaccords n'ont pas empêché la discussion de se poursuivre. Ici, à Cerisy, les gens font preuve de beaucoup de tolérance, d'un réel esprit d'ouverture et c'est aussi pour cela qu'on ne demande qu'à y revenir.

Un mot sur le cadre : le château, son parc, la durée du colloque…

Marie Dégremont : A priori, ce cadre paraît à des années-lumière de notre sujet : nous sommes dans un château comme posé au milieu des pâtures. Pour autant, la route n'est pas totalement absente. On l'emprunte d'ailleurs pour venir jusqu'ici depuis Paris ou d'une gare des environs, pour aller au village ou se promener tout simplement. De sorte qu'on peut éprouver concrètement les difficultés de la cohabitation entre usagers de la route. À l'image du chemin qu'il nous reste à parcourir pour la décarbonation des mobilités !

La cloche sonne ! Vous savez ce que cela signifie…

Marie Dégremont : (Rire) Oui, bien sûr ! Que les communications vont reprendre et que nous devons regagner la bibliothèque toute affaire cessante !

Propos recueillis par Sylvain ALLEMAND
Secrétaire général de l'AAPC