Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque annulé

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été annulé.

La direction du CCIC


LE YIDDISH, L'INCONSCIENT, LES LANGUES


DU LUNDI 20 JUILLET (19 H) AU LUNDI 27 JUILLET (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]


Illustration de Hank Blaustein, Babble at Babel, 2019


DIRECTION :

Alessandra BERGHINO, Max KOHN


ARGUMENT :

Il y a des colloques sur le yiddish ou sur la psychanalyse. Ce n'est pas le cas de celui-ci qui veut saisir l'ouverture du yiddish sur l'inconscient.

Le yiddish s'écrit en alphabet hébraïque même si ce n'est pas une langue consonantique (on y ajoute les voyelles) comme l'hébreu. Sa grammaire repose sur des bases de la grammaire allemande et son vocabulaire se compose d'éléments de haut moyen allemand (80%) et sémitiques (10% d'hébreu et d'araméen), de langues romanes et slaves et son développement commence en Lotharingie en 1250. Le yiddish est une expérience du plurilinguisme et de l'écart à une langue. C'est une métaphore d'une ouverture sur l'inconscient dont le Witz, le mot d'esprit ancré dans le Midrash (mode de lecture talmudique qui relie des passages et des versets différents pour élaborer de nouveaux récits), est un modèle que l'on peut retrouver dans d'autres contextes linguistiques où la parole du sujet ne coïncide pas avec une langue.

Il s'agit de s'interroger aujourd'hui après la destruction de la Mitteleuropa à plusieurs niveaux, d'abord sur le plan même de l'état actuel du yiddish dans le monde. Que se passe-t-il exactement ? Quel état des lieux peut-on dresser ? Est-ce une langue vivante, morte, ni vivante ni morte, entre les deux, une langue de culture que l'on centre sur l'étude de la littérature, de la grammaire et du vocabulaire ? Ce paradigme du yiddish est-il opératoire pour analyser d'autres contextes linguistiques aujourd'hui ? Lesquels et comment ?


MOTS-CLÉS :

Inconscient, Langues, Psychanalyse, Yiddish


CALENDRIER PROVISOIRE :

Lundi 20 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 21 juillet
Matin
RÊVER DE LANGUES — Modérateur : Max KOHN
Salomon BIELASIAK : Voyage dans les langues
Alessandra BERGHINO : La princesse perdue, un rêve de Rabbi Nahman de Braslav ou la préciosité du fragment

Après-midi
LA FAMILLE SINGER — Modératrice : Alessandra BERGHINO
Cécile ROUSSELET : Inquiétante étrangeté, retour du refoulé. Métamorphoses de la langue yiddish en contexte d'assimilation chez Esther Kreitman
Isy MORGENSZTERN : Comment dire le judaïsme en yiddish, la langue du blasphème et de l'ironie ? Que conserver en traduction ? L'exemple d'Isaac Bashevis Singer

Soirée
Autour des films : I. B. Singer, sur un Dieu caché (collection "Un Siècle d'Écrivains", Diff. France 3 et Arte, Production 1997, Diffusion Arte 24 février 1998) ; Serge Lask, calligraphe de l'absence (4’50’’, sur son œuvre. Production SZ Productions et Arte, Version française et version anglaise, Production 1997, Diffusion Arte 24 février 1998) ; Qu'est-ce qu'elle dit Zazie ? (4', Interview de Serge Lask (site internet) par Jean-Michel Mariou, France 3, Version française, Production 1999, Diffusion 25 février 1999) d'Isy MORGENSZTERN


Mercredi 22 juillet
Matin
JUDÉO-LANGUES ET INCONSCIENT : LE JUDÉO-ESPAGNOL ET LE JUDÉO-ALSACIEN — Modérateur : Max KOHN
Pandelis MAVROGIANNIS : Motivations linguistiques et personnelles des locuteurs-apprenants du djudyó (judéo-espagnol) : que peut-on apprendre lors d'un cours portant sur sa propre langue ?
Alain KAHN : Le Judéo-alsacien (Yddisch Daytsch), un langage reflet d'un état d'esprit au quotidien

Après-midi
L'ÉCART À UNE LANGUE — Modératrice : Alessandra BERGHINO
Mareike WOLF-FÉDIDA : Bilinguisme et yiddish
Isabelle STARKIER : Le théâtre yiddish est-il – comme la psychanalyse – une histoire juive ?

Soirée
Récital de Michèle TAUBER, accompagnée au violon par Michaël RIEDLER [présentation]


Jeudi 23 juillet
Matin
L'OUBLI — Modérateur : Max KOHN
Robert SAMACHER : La langue oubliée : le yiddish
Chloé THOMAS : Louis Wolfson et le yiddish : la haine de la langue maternelle ?

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 24 juillet
Matin
UN ATELIER DE VIE — Modératrice : Alessandra BERGHINO
Fabienne AMSON : Pour que "notre yiddish" vive : un atelier de l'OSE
Steven SAMPSON : On ne meurt que deux fois : le déclin du yiddish chez Philip Roth et ses héritiers

Après-midi
ENTRE LANGUE SACRÉE ET LANGUE DU POUVOIR — Modérateur : Max KOHN
Perla SNEH : Parler une langue inconnue – yiddish et transmission
Michèle TAUBER : Le yiddish, langue sacrée dans l'œuvre d'Aharon Appelfeld

Soirée
Autour du film Les Yatzkan d'Anna-Célia KENDALL-YATZKAN (Documentaire, 2014, Idéale Audience - ARTE France-La Lucarne) [présentation]


Samedi 25 juillet
Matin
HENRI ROTH — Modératrice : Alessandra BERGHINO
Max KOHN : Henry Roth : langue et inceste
Steven G. KELLMAN : Henry Roth : écrivain yiddish en anglais

Après-midi
ARCHÉOLOGIE — Modérateur : Max KOHN
Naomi SEIDMAN : Freud, le yiddish et l'archéologie linguistique du moi juif moderne
Marie SCHUMACHER-BRUNHES : Relire Sholem Asch

Soirée
Nelly Wolf, La vie des Glouk, Paris, Éditions Pont 9, 2016 [présentation]


Dimanche 26 juillet
Matin
PRÉSENCE ET ABSENCE — Modératrice : Alessandra BERGHINO
Alan ASTRO : Dyades transgénérationnelles : auteurs yiddish et post-yiddish en Amérique latine
Nelly WOLF : Romain Gary : Le yiddish plus ou moins

Après-midi
ENTRE UTOPIE ET FICTION — Modérateur : Max KOHN
Erez LÉVY : Espaces du yiddish après la fin du Yiddishland historique. Utopies rêvées, utopies réelles – des aspirations à une résurrection ?
Raphaël KOENIG : Le yiddish, fiction deleuzienne ? Sur Kafka. Pour une littérature mineure

Soirée
Autour du film Les enfants de la nuit écrit par Frank ESKENAZI & François LÉVY-KUENTZ (The Factory Productions, 2014) [présentation]
Autour de deux interviews d'Evgeny Kissin (pianiste et écrivain yiddish) : "Émission vidéo Hert mikh oys, Hear me out, Écoutez-moi avec Evgeny Kissin, pianiste, Paris, Forverts, New York, 7 janvier 2011" & "Max Kohns vort (29) Evgeny Kissin : poète yiddish, Yiddish pour les Nuls, 23 septembre 2015"


Lundi 27 juillet
Matin
Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


EXPOSITION (pendant la durée du colloque) :

"Attiré par les Hassidim", réalisée par Hank BLAUSTEIN


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Fabienne AMSON : Pour que "notre yiddish" vive : un atelier de l'OSE
Ils ne rateraient pour rien au monde ce rendez-vous mensuel. Ils, ce sont des hommes et des femmes survivants de la Shoah, heureux de se retrouver autour d'une table pour faire vivre un yiddish singulier, unique, le leur. Un yiddish doux, celui de l'enfance, des chansons de leurs mères, de leurs pères dans l'atelier de couture. Un yiddish caustique et fantasque, celui des vitsn, des blagues, des expressions intraduisibles. Un yiddish douloureux, grainé de tous leurs disparus. Ces moments d'émotion et de plaisir s'inscrivent dans le travail d'"Écoute Mémoire et Histoire", un service créé il y a une vingtaine d'années par l'OSE (Œuvre de Secours aux Enfants) afin d'apporter un soutien aux survivants de la Shoah et de leur famille. Ce service, soutenu par la Fondation de la Mémoire de la Shoah, propose toute l'année des activités de convivialité, des groupes de parole et une aide à l'écriture de témoignage. L'activité de rencontre mensuelle autour du yiddish s'intitule mame-loshn, pour que la mémoire de notre yiddish vive. Tout un programme !

Fabienne Amson est directrice du service "Écoute Mémoire et Histoire" de l'OSE depuis 2012. L'objectif de ce service est d'offrir aux survivants de la Shoah et de leur famille un espace de parole et d'écoute.
Site de l'OSE : ose-france.org

Alan ASTRO : Dyades transgénérationnelles : auteurs yiddish et post-yiddish en Amérique latine
Si on peut parler de la deuxième et troisième générations des survivants de la Shoah, on décèle quelque chose de semblable chez des enfants et petits-enfants d'écrivains yiddish. Que ces derniers se soient trouvés au cœur de la catastrophe, ou en sécurité au loin (par exemple, en Amérique latine), la plupart de leurs lecteurs potentiels fut assassinée. Leurs descendants se retrouvent donc héritiers d'œuvres devenues confidentielles. Il arrive que ces enfants et petits-enfants, parfois à leur tour écrivains, voire psychanalystes, s'expriment sur cet héritage, en espagnol ou en portugais. Cette communication explorera quelques-unes de ces dyades transgénérationnelles d'auteurs : Simja Sneh et sa fille Perla (Argentine) ; Meir Kucinski et son fils Bernardo (Brésil) ; Salomón Zytner et sa petite-fille Rosa (Uruguay) ; et un cas de la quatrième génération : Mijl Hacohen Sinay et son arrière-petit-fils Javier (Argentine).

Alan Astro, qui enseigne depuis 1985 à Trinity University, San Antonio (Texas), a publié plus de 35 articles sur des écrivains aussi variés que Bashevis, Baudelaire, Beckett et Borges. Il a fait de nombreuses traductions, dont une anthologie d'auteurs yiddish d'Amérique latine (Yiddish South of the Border, University of New Mexico Press, 2003). Il a rédigé l'entrée sur le yiddish de l'Histoire sociale des langues de France, Presses Universitaires de Rennes, 2013, pp. 547-557.
Publications
Chinski Malena et Astro Alan (dir.), Splendor, Decline, and Rediscovery of Yiddish in Latin America, Leyden/Boston, Brill, 2019 (en ligne).

Alessandra BERGHINO : La princesse perdue, un rêve de Rabbi Nahman de Braslav ou la préciosité du fragment
Rabbi Nahman de Braslav fait d'un fragment d'un de ses rêves un conte devenu midrash. Le texte de la princesse perdue fut transmis entre générations dans les deux formes, orale et écrite. Le texte soulève entre autres la question de la solitude, de l'exil, du Moi du collectif juif devant la représentation de la perte et plus particulièrement de celle du féminin d'une langue: le yiddish. Le yiddish est "une langue d'homme qui fait parler tout le temps le féminin". Le féminin de la langue yiddish fait parler le côté irrationnel de la mémoire du Moi Juif. Que se passe-t-il lorsqu'il y a une perte, quand l'irrationalité du yiddish qui nous renvoie tout le temps aux jeux du Witz est menacée, tuée ? R. N. de Braslav évoque à travers l'hallucination du rêve la déchirure du voile, à vrai dire la conscience d'une perte irréparable qui est métaphoriquement représentée par le voile (les larmes), qui devient écriture dans le sable du désert : les larmes se font parole. Les midrashim comme des restes de rêves entre générations constituent une mémoire d'une langue où la parole se construit à travers le rêve et on rêve d'une parole.

Alexandra Berghino exerce la psychanalyse à Paris. Elle est aussi auteur, traductrice et Docteur en Histoire et Littérature de l'université de Turin. Sa bibliographie est consultable sur son site internet : alessandra-berghino-psychanalyste.fr

Salomon BIELASIAK : Voyage dans les langues
Cette communication tentera de faire ressortir à quel point une histoire personnelle transnationale peut être liée à l'amour des langues. Des deux langues maternelle et paternelle, l'une le polonais, celle du pays et l'autre le yiddish, celle entendue au foyer de l'enfant, sa préférence va, bien entendu, vers la première comme moyen de communication avec la vie concrète extérieure à la maison. Un tel enfant à son arrivée en France à l'âge de 10 ans, a dû se familiariser avec le français et il s'y est attaché de toutes ses forces. Lorsqu'il est devenu avocat, il n'a pas hésité à mentionner dans l'Annuaire de la Magistrature au titre de ses langues parlées et écrites, le yiddish.

Salomon Bielasiak est avocat honoraire au barreau de Paris, locuteur du yiddish, du polonais, du français, de l'anglais, du russe et de l'hébreu. Lauréat du Prix Max Cukierman 2015 pour la langue et la culture yiddish. Présentateur d'une émission hebdomadaire et en direct d'une heure en yiddish à Paris sur Radio J. Musicologue amateur et collectionneur d'enregistrements sonores en yiddish provenant de très nombreux pays sous forme de chansons. Fondateur d'un festival annuel en juillet à Deauville consacré à des concerts en yiddish donnés par des artistes venant de l'étranger et se produisant pour la plupart pour la première fois en France.

Alain KAHN : Le Judéo-alsacien (Yddisch Daytsch), un langage reflet d'un état d'esprit au quotidien
Pour paraphraser un célèbre slogan publicitaire, on pourrait dire que le judéo-alsacien c'est vraiment le "bon sens près de chez nous". Ainsi ce langage conserve, malgré son déclin, un symbolisme lié à ses racines culturelles et linguistiques, à son terroir et à la force qu'il représente dans la transmission des valeurs d'un judaïsme authentique et d'un vivre ensemble avant la lettre. Ce parler particulier véhicule parfaitement les traditions et la vie quotidienne d'une manière souvent savoureuse en ne négligeant ni l'auto-dérision, ni les analogies, ni l'ironie, ni le simple bon sens. Ses traces sont toujours vivantes puisqu'il a été transmis de génération en génération et même dans la campagne alsacienne, dans les villages où il y avait une présence juive pourtant bien lointaine, des non-juifs ont conservé encore aujourd'hui les expressions judéo-alsaciennes, souvent humoristiques, qu'ils avaient entendues de leurs grands-parents ou arrière-grands-parents. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles cet intérêt pour ce langage, incontestablement en déclin, perdure malgré tout !

Alain Kahn est retraité de la fonction publique territoriale, Président de l'association des Amis du Site Internet sur le Judaïsme Alsacien et Lorrain, Président de la Communauté juive de Saverne, Membre du Comité de la Synagogue de la Paix de Strasbourg, Membre du Comité de la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine.
judaisme.sdv.fr/perso/alkahn/alkahn.htm
Publications
Histoires Judéo-alsaciennes, Jérôme Do Bentzinger Éditeur, 2011 (ouvrage évoquant sous forme de contes l'histoire et la vie quotidienne ainsi que les coutumes des juifs dans les communes de la campagne alsacienne).
Article sur le judéo-alsacien : "La langue et l'humour, un état d'esprit au quotidien", in Juifs d'Alsace au XXe siècle ; ni ghettoïsation, ni assimilation, La Nuée Bleue, 2014 (ouvrage collectif dirigé par le Professeur Freddy Raphaël).

Steven G. KELLMAN : Henry Roth : écrivain yiddish en anglais
Bien qu'Henry Roth n'ait jamais écrit en yiddish, sa langue maternelle servait comme un sous-texte tout au long de sa vie. Transporté de Galicia aux États-Unis avant l'âge de deux ans, il se souvenait de sa jeunesse dans le Lower East Side comme un paradis perdu, où "Toutes les transactions, le travail, et le jeu ont été menés en yiddish". Leah Roth, sa mère bien-aimée, n'a jamais maîtrisé l'anglais, mais Roth chérissait de doux souvenirs dans lesquels elle lui lisait en yiddish. La famille Schearl, les personnages principaux de son chef d'œuvre, Call It Sleep, sont immigrants, et l'un des grands défis stylistiques du roman c'était de rendre leurs conversations et pensées, qui se se passent en yiddish, en anglais. Après la mort du romancier, on a trouvé parmi ses papiers sa traduction en anglais d'une pièce de théâtre en trois actes, Der Zind Fun Get, que son père Herman a composé en 1939-1940.

Steven G. Kellman est professeur de littérature comparée à l'université de Texas à San Antonio.
Publications
Redemption : The Life of Henry Roth, Norton, 2005.
Nimble Tongues : Reflections on Literary Translingualism, Purdue, 2020.
The Restless Ilan Stavans : Outsider on the Inside, Pittsburgh, 2019.
The Translingual Imagination, Nebraska, 2000.
The Self-Begetting Novel, Columbia, 1980.

Raphaël KOENIG : Le yiddish, fiction deleuzienne ? Sur Kafka. Pour une littérature mineure
Cette intervention s'interrogera sur le rôle du yiddish chez Deleuze, au sein de sa lecture de Kafka et de son concept de littérature mineure. Deleuze aligne les contresens sur le yiddish, qu'il décrit comme une langue avant tout orale, perpétuellement en flux, jamais assez stable pour pouvoir être décrite de façon systématique (d'où l'idée paradoxale d'une "langue sans grammaire"). Des spécialistes de littérature yiddish, et en premier lieu Chana Kronfeld (dans son ouvrage On the Margins of Modernism : Decentering Literary Dynamics) se sont livrés à une critique en règle, et éminemment justifiée, de ces graves contresens. Mais il s'agirait ici d'aborder ce débat sous un autre angle : tout en soulignant les contresens que fait Deleuze sur le yiddish, on pourrait également évoquer leur nature productive, en tentant de tracer les contours d'une fiction philosophique, un "yiddish deleuzien" aussi éloigné de la langue et de la culture yiddish que le "Deleuze-Leibniz" du Pli l'est de l'œuvre de Leibniz. Ce faisant, on tentera d'inclure cette fiction philosophique dans une histoire longue des regards extérieurs portés sur le yiddish, en s'interrogeant également sur la façon dont une description plus fine du "yiddish deleuzien" pourrait nous permettre de reprendre à nouveaux frais une critique constructive du concept de littérature mineure.

Raphaël Koenig est postdoctorant au Centre de recherche sur l'art moderne Leonard A. Lauder du Metropolitan Museum of Art de New York. Il est docteur en littérature comparée de l'université de Harvard, ancien élève de l'École normale supérieure, et agrégé de lettres modernes. Son travail porte avant tout sur la littérature et les arts visuels des avant-gardes de l'entre-deux-guerres (en français, allemand, et yiddish), et en particulier sur la réception de "l'art des fous" de 1922 à 1949. Il fait partie du comité de rédaction de In geveb : A Journal of Yiddish Studies, où il est notamment en charge de la coordination du "Projet Milgroym", un projet de numérisation, traduction, et valorisation de journaux d'avant-garde yiddish des années 1920.
Publications récentes
"The Mad Book : Der Nister as Unreliable Author in From my Estate (1929)", Jewish Aspects in Avant-Garde : Between Rebellion and Revelation, Ed. by Mark H. Gelber and Sami Sjöberg, De Gruyter (2017).
"L'Anti-Hegel : Deleuze lecteur de Wolfson, un tournant dans l'histoire de la réception des fous littéraires", Dialogues schizophoniques avec Louis Wolfson, L'Imprimante (2016).

Max KOHN : Henry Roth : langue et inceste
L'œuvre de Henry Roth est particulièrement unique dans l'histoire de la littérature parce qu'il existe un écart de soixante ans entre son premier livre L'Or de la terre promise (Call it Sleep, 1934) et À la merci d'un courant violent (Mercy of a Rude Stream, 1994). Dans le dernier livre, il décrit l'inceste avec sa sœur Minnie et sa cousine Stella. Cela pose la question du rapport de son œuvre à un contexte incestueux dans l'originalité de son rapport aux langues. Il poursuit l'inceste qu'il n'a jamais cessé avec les langues, essayant d'en inventer une pour rester stable dans une langue d'origine qui manque définitivement, sans pouvoir arriver à investir complètement la langue de l'environnement. Il s'agit de saisir la nécessité où peut se trouver un sujet d'écrire et d'inventer une langue pour pouvoir échapper à l'abîme sur lequel est ouvert l'inceste. Henry Roth essaie d'y échapper en étant à lui-même sa propre loi.

Max Kohn est psychanalyste.
Dernière publication
L'œil du psy. Chroniques 2012-2018, Préface d'Alessandra Berghino, Collection "Culture & Langage", Paris, MJW Fédition, 2019.
Site : maxkohn.com

Erez LÉVY : Espaces du yiddish après la fin du Yiddishland historique. Utopies rêvées, utopies réelles – des aspirations à une résurrection ?
Ce propos tentera d'approcher les sentiments nourris par le souvenir du Yiddishland à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, époques marquées par les états des lieux de la disparition de cette civilisation pluriséculaire à l'empreinte historique, culturelle, spirituelle très dense, et la commémoration du crime contre l'humanité par lequel elle fut effacée de son creuset géographique. N'étant pas à titre principal un essai historique, il cherchera, pour aborder cette sphère habitée par l'ancrage familial, traversée par des antagonismes idéologiques, hantée par le souvenir de l'émigration et de l'intégration ainsi que celui de souffrances inouïes et longtemps indicibles, à suivre les représentations idéales d'un monde perdu, dans le domaine de la culture et dans celui des utopies politiques. À cet égard, il s'intéressera d'une part à des aspects du renouveau de l'expression culturelle yiddish en France au cours des trois dernières décennies, en particulier dans la chanson (Jacques Grober, Violette Szmajer, Batia Baum, Michèle Tauber et le groupe du Paon doré) ; d'autre part aux survivances des motifs d'utopie politique trouvant leur source dans l'épopée idéologique et historique du Yiddishland (Charles Melman, Mojsze Zalcman) ; enfin à la réappropriation de la mémoire véhiculée par le yiddish telle qu'elle peut être perçue dans les interviews réalisées par Max Kohn entre 2006 et 2016. Cette recherche, tentative d'exploration d'un cheminement affectif vers le yiddish de la part d'un enfant né à cette époque en Israël et ayant grandi en France dans une famille non yiddishophone, se limitera à certaines expressions de cette mémoire et de ces motifs d'espérance en France, sans s'interdire de les mettre en rapport avec des expressions analogues dans d'autres pays de la diaspora juive ou en Israël.

Erez Lévy, né en 1971, titulaire de licences d'histoire et de droit, se consacre depuis 2005 à l'enseignement de la langue yiddish et à la traduction de textes yiddish, principalement dans le cadre du Cercle culturel Medem à Paris 10ème. Il a traduit deux livres du souvenir consacrés à l'histoire séculaire de bourgades juives disparues durant la Shoah, ainsi que de nombreux manuscrits. Il est également l'auteur d'une pièce de théâtre en langue yiddish présentée en 2010. Il est lauréat des prix Yidl-Korman (2013) et Max-Cukierman (2019) pour la langue et la culture yiddish.

Pandelis MAVROGIANNIS : Motivations linguistiques et personnelles des locuteurs-apprenants du djudyó (judéo-espagnol) : que peut-on apprendre lors d'un cours portant sur sa propre langue ?
Les cours et ateliers de djudyó sont suivis par la première génération de locuteurs auxquels la langue n'a pas été transmise. Sans être des locuteurs à part entière, ils ne sont pas non plus des apprenants stricto sensu, puisqu'ils possèdent des compétences linguistiques passives acquises dans leur enfance. Dans leur cas, la dichotomie entre acquisition et apprentissage est inopérante. Il convient alors d'interroger ce processus d'"apprentissage" linguistique pour cerner les objectifs réels de ces "apprenants", qui suivent des cours de langue sans pour autant développer de nouvelles compétences langagières. Alors que ces cours offrent la possibilité de réactiver leurs compétences linguistiques, ces locuteurs-apprenants ne sont pas investis et se limitent à suivre, en citant parfois des mots ou expressions issus de leur idiolecte post-vernaculaire. Dès lors, le cadre des cours semble constituer un prétexte pour retrouver une langue et un monde disparus. Dans cette intervention, basée tant sur l'observation participante des cours et sur l'analyse d’enregistrements d'ateliers de djudyó des années 1990, on esquissera les traits de ces locuteurs-apprenants pour tenter de comprendre leur démarche.

Pandelis Mavrogiannis est né à Salonique, la Jérusalem des Balkans que la Shoah a détruit. Il a étudié le judéo-espagnol sous la direction de Marie-Christine Varol, puis conduit une série d'entretiens, hébergés sur la plateforme Collections de Corpus Oraux Numériques (COCOON) du CNRS. Doctorant à l'INALCO, il est en train de constituer des archives orales intitulées Judeo-Spanish Oral Archive (JSOA) (hébergées sur COCOON). Il enseigne le judéo-espagnol à l'INALCO, à l'Institut d'études du judaïsme (Université Libre de Bruxelles) et au Centre Medem - Arbeter Ring (Paris).
Publication
"The Judeo-Spanish oral Archive (JSA) : data collection, metadata description, results, and perspectives for development", in STUDEMUND-HALEVY M., LIEBL M. et VUCINA I. (dir.), Sefarad an der Donau : lengua y literatura de los sefardies en tierras de los Habsburgo, Barcelona, Tirocinio, 2013, p. 385-406.

Isy MORGENSZTERN : Comment dire le judaïsme en yiddish, la langue du blasphème et de l'ironie ? Que conserver en traduction ? L'exemple d'Isaac Bashevis Singer
Isaac Bashevis Singer a reçu le prix Nobel de littérature en 1978 pour une œuvre entièrement écrite en yiddish, publiée sous forme de feuilleton dans le journal américain Forwerts. Un univers conforme à cette langue ironique et blasphématoire et pourtant fortement appuyée sur le judaïsme rabbinique et la cabbale. Plus de cinquante livres seront traduits en anglais sous son contrôle. Nous nous proposons au travers de trois de ces ouvrages, Satan à Goraï, Au tribunal de mon père et Le blasphémateur d'analyser des passages concernant le judaïsme tels qu'ils figurent dans la première version en yiddish. Et en regard dans leur publication en anglais.

Isy Morgensztern est enseignant en philosophie et histoire des religions.
Co-Auteur du Cahier de l'Herne sur l'écrivain I.B. Singer.
Auteur de Rencontre au sommet. Dialogue entre I. B. Singer et Antony Burgess, Éditions Mille et une Nuits.
Producteur, auteur et réalisateur de la "Soirée Thématique sur I. B. Singer", incluant un court document sur le peintre yiddish Serge Lask, diffusée par Arte le 24 février 1998.
Producteur et réalisateur du film documentaire I. B. Singer, sur un Dieu caché, 50’, Diffusion France 3 et Arte.

Cécile ROUSSELET : Inquiétante étrangeté, retour du refoulé. Métamorphoses de la langue yiddish en contexte d'assimilation chez Esther Kreitman
Esther Kreitman, sœur aînée d'Israël Joshua Singer et d'Isaac Bashevis Singer, est née en 1891 en Pologne et morte en 1954 à Londres. Elle écrit dans un contexte particulier, au sein duquel son statut minoritaire est travaillé, réinterrogé en permanence. Son usage de la langue yiddish comme langue d'écriture est véritablement en tension, dessinant, en creux, les impensables d'une culture en dissolution, et en perte de repères identitaires. Elle met en scène, en produisant dans ses textes des effets d'inquiétante étrangeté, la permanence babylonnienne et marquée par la mélancolie d'un passé parfois refoulé, comme étrangéïsant un familier qui ne lui appartient pas totalement. Par le vocabulaire convoqué, les éléments stylistiques dans Der Sheydim-tants, ou un jeu subtil sur le plurilinguisme dans Brilyantn, ce sont les résurgences d'un informulable inconscient qui affleurent à la surface de la langue yiddish.

Cécile Rousselet participe à L'Encyclopédie critique du témoignage et de la mémoire, a publié une vingtaine d'article et a co-dirigé la publication scientifique suivante : Fleur Kuhn-Kennedy, Cécile Rousselet (dir.), Les expressions du collectif dans les écritures juives d'Europe centrale et orientale (Paris, Presses de l'Inalco, mai 2018). Elle enseigne en langue et littérature françaises et en littératures comparées à l'université.

Robert SAMACHER : La langue oubliée : le yiddish
Lors de mon intervention dans un colloque organisé en 2002 par Max Kohn et Jean Baumgarten à l'université de Paris 7, j'avais proposé de distinguer, à partir de ma propre expérience des langues, la langue de la mère — le yiddish dans lequel j'ai baigné durant mes premières années — de la langue de culture qu'est devenu pour moi le français, parlé par les autres membres de ma famille. Les premières paroles maternelles, celles dans lesquelles j'ai été bercé étaient le yiddish, langue que j'aurais dû parler couramment ; or je continue à me questionner sur l'oubli et/ou l'empêchement que j'éprouve lorsque je suis amené à échanger dans cette langue. Me situant comme sujet clinique, je vais tenter d'analyser, à partir de ma propre expérience et selon le corpus freudien-lacanien, les composantes métapsychologiques qui ont déterminé l'oubli sélectif et l'empêchement dont, pour moi, cette langue est frappée. Ma recherche justifie pleinement l'intitulé "Inconscient du yiddish" proposé par Max Kohn lors de la création de son groupe à l'université de Paris 7 et en éclaire la pertinence.

Robert Samacher a travaillé comme psychologue de secteur psychiatrique, Maître de conférences à l'UFR Sciences Humaines Cliniques Paris VII-Denis Diderot jusqu'en 2005. Il est actuellement psychanalyste, directeur actuel de l'École Freudienne fondée en 1983 (après la "Dissolution" de l'École freudienne de Paris en 1980) par Solange Faladé.
Dernière publication
La psychanalyse otage de ses organisations, du contre-transfert au désir d'analyste, MJWFédition, mars 2018.

Steven SAMPSON : On ne meurt que deux fois : le déclin du yiddish chez Philip Roth et ses héritiers
Assez utilisé aux débuts de l'œuvre de Philip Roth, le yiddish s'estompe au fur et à mesure que sa carrière avance. Opération Shylock marque le grand tournant, roman où le voyage en Israël s'accompagne d'un fantasme sur le rapatriement des Juifs ashkénazes en Europe. C'est dire combien l'expérience originelle du Yiddishland s’éloigne dans la nuit du temps. Par la suite, Roth élaborera une sorte de sionisme à l'américaine : sa pastorale. Processus repris par ses descendants — Jonathan Safran Foer, Nicole Krauss, Joshua Cohen et Nathan Englander —, pour qui l'Europe sera kitsch et l'inconscient bilingue plutôt hébraïsant. Le yiddish devient le latin du XXe siècle, langue morte enseignée à Paris et ailleurs, à une population hétéroclite en quête d'une identité européenne minoritaire.

Steven Sampson, né à Milwaukee aux États-Unis, est un journaliste et écrivain américain d'expression française. Diplômé de Harvard, de Columbia et de la Sorbonne, il a longtemps travaillé dans l'édition à New York. À Paris, après une thèse sur Philip Roth, il est devenu spécialiste de la culture américaine pour des revues littéraires, notamment En attendant Nadeau. Il a étudié le yiddish à Columbia/YIVO, à Paris VII et à la Maison de la Culture Yiddish.
Steven Sampson — En attendant Nadeau.
Publication
Corpus Rothi : Une lecture de Philip Roth, Paris, Éditions Léo Scheer, coll. "Variations", 2011.

Marie SCHUMACHER-BRUNHES : Relire Sholem Asch
Lorsqu'on s'interroge sur la pérennité du yiddish aujourd'hui, son positionnement au cœur d'un réseau linguistique, culturel, littéraire, il est surprenant de constater à quel point l'œuvre prolifique de Sholem Asch, dont le cinquantenaire de la mort en 2007 est passé pour ainsi dire inaperçu, anticipe ces questionnements. Se pencher sur l'œuvre de Sholem Asch, quoi qu'on dise de la légèreté d'un auteur doté d'un talent de conteur indubitable, c'est, avec lui, se confronter au choix de la langue, penser la culture coterritoriale, se positionner par rapport au père — Moszek Asz, marchand de bétail et aubergiste disciple d'un rebbe hassidique, mais aussi Y.L.Peretz, son père spirituel — et par-delà, définir une identité qui entre en résonance avec son temps. Aussi, nous nous proposons de cheminer à travers l'œuvre de celui qui, avant d'être honni, fut l'écrivain de langue yiddish le plus apprécié par le lectorat yiddishophone, mais aussi, le premier, au-delà des frontières de sa langue.

Marie Schumacher-Brunhes est l'auteur d'une thèse soutenue en 2005 consacrée à Y.L.Peretz et agrégée d'allemand. Après un passage par différents services de traduction des institutions européennes où elle a traduit l'allemand, l'anglais et le polonais, elle occupe depuis 2012 un poste de maître de conférences en études germaniques à l'université de Lille. En 2014 et en 2015, elle a animé un séminaire intensif de yiddish pour les étudiants en théologie de l'université de Tübingen.
Publications
Entrée "Schtetl" de l'encyclopédie en ligne Europäische Geschichte Online.
"The Figure of the Daytsh in Yiddish Literature", Actes de la conférence qui s'est tenue à Munich, Center for Advanced Studies at LMU University du 22 au 24 Juin 2015 "Jews and Germans in Eastern Europe – Shared and Comparative Histories", À paraître au printemps 2018 chez De Gruyter dans la série "New Perspectives on Modern Jewish History". Cet ouvrage sera disponible en ligne en accès libre via la plateforme Knowledge Unlatched.
"Exil, le cas des poètes yiddish aéricains", À paraître en juin 2018 dans le n°75 de Tsafon – Revue d'études juives du Nord. Consultable en ligne sur OpenEdition.

Naomi SEIDMAN : Freud, le yiddish et l'archéologie linguistique du moi juif moderne
Cette intervention tentera de dénaturaliser et de fournir une généalogie pour l'idéologie psycholinguistique répandue qui considère le yiddish comme occupant une couche "plus profonde" de la psyché juive que les langues hébraïques ou non juives, comme la langue du pintele yid, ou comme mameloshn, ou même l'inconscient du juif moderne, couvert d'un faux vernis de langues européennes. Cette idéologie façonne même des formulations moins chargées d'émotion et ostensiblement neutres comme la description de Max Weinreich du bilinguisme juif "interne" par opposition au "bilinguisme juif externe". Cette idéologie n'est pas inévitable : les conceptions prémodernes de la langue juive placent souvent le yiddish "plus bas" que l'hébreu (et "plus haut" que les langues non juives), sans accorder à cette "bassesse" la charge positive d'authenticité ou de profondeur. Même la Haskalah, par exemple l'exhortation de Y. L. Gordon à moderniser les Juifs pour "être juif à la maison et homme dans la rue" en parlant une langues européenne à l'étranger a peut-être renforcé les conditions dans lesquelles les juifs se sont associés à un "intérieur" sans valoriser un espace "intérieur". Plus particulièrement, cette intervention explorera le développement de la notion de yiddish comme l'expression la plus profonde et la plus vraie d'un juif européen dans l'écriture de Freud, soit dans une formulation quasi-explicite (comme dans la blague sur la baronne von Feilchenfeld) forme plus complètement enfouie. Elle soutiendra, par exemple, que la métaphore archéologique développée dans les premiers écrits de Freud sur l'hystérie, avec son accent frappant sur le langage et sa dette envers l'hystérie d'un multilingue juif, doit quelque chose à ce que l'on pourrait appeler "l'archéologie linguistique" du moi juif moderne.

Naomi Seidman est Chancelière Jackman, professeure des arts au départment d'étude de la religion et le Centre de la diaspora et des études transnationales de l'université de Toronto, et membre du Guggenheim 2016.
Publications
Faithful Renderings : Jewish-Christian Difference and the Politics of Translation, University of Chicago, 2006.
Sarah Schenirer and the Bais Yaakov Movement : A Revolution in the Name of Tradition, à paraître chez Littman.

Perla SNEH : Parler une langue inconnue – yiddish et transmission
Le yiddish, langue qui dépasse la rationalité universitaire — entre le traumatisme, le témoignage et le rire —, évoque le mystère d'une mémoire qui est transmise même si elle reste inconnue ; à la façon du dynamisme de l'inconscient que Freud compare à une langue étrangère particulière, une langue effacée qui, par ce même effacement, devient indélébile.

Isabelle STARKIER : Le théâtre yiddish est-il — comme la psychanalyse — une histoire juive ?
Il s'agira de comprendre comment le théâtre yiddish met en scène l'interdit de la représentation et crée de l'interprétation. Le théâtre yiddish se joue à travers sa langue. Il déplace la problématique de la mimesis aristotélicienne autour du paradoxe de la représentation. Il définit à partir de cette éthique du Livre une esthétique du grotesque — dont la langue yiddish est porteuse. Parole de l'exégèse, le yiddish s'épanouit dans son théâtre. Théâtre de l'énonciation — comme la psychanalyse — et non de l'énoncé, le théâtre juif conserve ce rapport à la parole actée, actante et non à la parole reçue et agissante — celle du mythe. À travers le yiddish et son théâtre se joue la posture historique du peuple juif.

Ancienne élève de l'ENS, agrégée de lettres modernes, maître de conférences HDR en études théâtrales à l'université d'Evry, Isabelle Starkier est également metteur en scène, comédienne et directrice de compagnie. Elle travaille sur l'articulation entre théorie et pratique, faisant se croiser ses mises en scène (une quarantaine) et sa recherche sur l'identité et la barbarie.
Ses premières pièces Oy, Moishele mon fils ! et Le complexe de Starsky, son Marchand de Venise et Têtes rondes et têtes pointues ainsi que ses dernières pièces avec Le Bal de Kafka et L'homme dans le plafond de Timothy Daly ainsi que Le tango des étoiles errantes (cabaret de tango yiddish) abordent la judéité du point de vue de la mémoire, de l'esthétique et de l'interprétation…
Publications
Le Juif et l'Assassin, Essai, Éditions Acoria, 1998.
Le marchand de Venise. De William Shakespeare, Traduction (avec Michel Lederer) et appareil critique, Éditions Le Bord de l'eau, 2003.
Site : cieisabellestarkier.fr

Michèle TAUBER : Le yiddish, langue sacrée dans l'œuvre d'Aharon Appelfeld
Surnommée "langue de la mère", mamè-losh'n, le yiddish est pour Aharon Appelfeld (1932-2018, écrivain israélien de langue hébraïque, né à Tchernowitz) une langue sensuelle, qui fait corps, et ce au sens propre du terme, avec la mémoire juive dans laquelle elle imprime une marque séculaire tout au long de son œuvre. La langue y est désignée par un vocable issu des gloses talmudiques : "notre langue", celle qu'on n'a pas besoin de nommer, qui fait une avec le corps juif, LA langue, suprême et absolue. Or c'est paradoxalement en hébreu que l'écrivain fait resurgir la mémoire du yiddish. Il remet en scène les multiples facettes de la vie juive en Europe orientale dans leur "version originale", faisant "parler" une langue par le truchement d'une autre.

Michèle Tauber est maître de conférences HDR en littérature hébraïque moderne et contemporaine à l'université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle.
Publications
"La symbolique des langues de la nature dans les nouvelles d'Aharon Appelfeld", Yod, n°19, INALCO, Paris, 2014, p. 257-275.
Aharon Appelfeld : cent ans de solitude juive, Éditions Le Bord de l'eau, Paris, 2015.
"L'hébreu et le yiddish : on ne choisit pas entre son père et sa mère", Judaica Petropolitana, n°6, Saint-Pétersbourg, 2016, p. 172-182.
"Sous la couture, le fil de bâti : la lisière du récit dans l'œuvre de Robert Bober", À paraître dans Traces et ratures de la mémoire juive dans le récit contemporain, dir. V. Litvan, C. Placial, Éditions Université de Lorraine, décembre 2019.

Chloé THOMAS : Louis Wolfson et le yiddish : la haine de la langue maternelle ?
Louis Wolfson est né en 1931 à New York. Ses parents parlaient le yiddish mais s'adressaient à lui en anglais. Il développa dès sa jeunesse une haine, et une terreur, de l'anglais. La langue l'agressait. Pour s'en protéger, il demanda à ses parents de s'adresser à lui en yiddish ; il apprit aussi des langues étrangères (français, hébreu, allemand, russe) et élabora un système délirant de traduction devant réduire l'anglais à un étranger syncrétique, où il s'agissait, en mélangeant plusieurs langues, de "traduire" en gardant un lien à la fois sémantique et phonétique avec la langue source. Wolfson écrivit un premier livre en français, Le Schizo et les langues, publié par Jean-Bertrand Pontalis chez Gallimard en 1970. Préfacé par Gilles Deleuze, il connut un très grand écho parmi les intellectuels français de l'époque. Le yiddish est à la fois présent et absent dans l'œuvre de Wolfson : c'est la langue au croisement des autres langues apprises, elle est comprise mais non parlée et non écrite. Les travaux de Max Kohn et de Cécile Rousselet ont permis de mettre au jour ce rapport ambigu de Wolfson au yiddish. Dans cette communication, nous voudrions nous intéresser plus précisément au sentiment de haine de Wolfson vis-à-vis à la fois de ses origines et du yiddish, qui redouble l'anglais en tant que "langue maternelle" tout en servant à l'en protéger.

Chloé Thomas est normalienne, agrégée d'anglais. Elle a soutenu en 2016 une thèse sur l'œuvre de Gertrude Stein à la Sorbonne Nouvelle et est actuellement maîtresse de conférences à l'université d'Angers. Elle est également traductrice.
Publication
Dialogues schizophoniques avec Louis Wolfson, Codirigé avec avec Juliette Drigny et Sandra Pellet, L'imprimante, 2016.

Nelly WOLF : Romain Gary : Le yiddish plus ou moins
Romain Gary (1914-1981) est né Roman Kacew à Wilno (aujourd'hui capitale de la Lituanie). Il a émigré en France avec sa mère après la séparation de ses parents. Quoique né dans une famille juive et dans un milieu yiddishophone, il se présente dans ses fictions autobiographiques, ses entretiens réels ou imaginaires, comme demi-juif, juif mêlé par son père de slave, de tartare, de cosaque, de chrétien. Pourtant, beaucoup de ses romans comportent des personnages juifs, comme Mme Rosa, dans La Vie devant soi, publié sous le nom d'Émile Ajar. Le yiddish fait aussi des apparitions régulières dans son œuvre. Dans La Danse de Gengis Cohn (1967), histoire d'un dibbuk juif qui revient hanter son assassin nazi, il fait un retour en force. Quand on l'examine de près, on s'aperçoit qu'il s'agit d'un yiddish à la fois fidèle et infidèle, souvent approximatif et folklorique, qui exprime l'ambivalence de Gary à l'égard de sa filiation juive.

Nelly Wolf est professeure émérite à l'université de Lille, où depuis 2014 elle dirige avec Maxime Decout le séminaire "Écrivains et artistes juifs". Elle a publié de nombreux articles sur les écrivains juifs de langue. Elle s'intéresse aussi depuis toujours à la sociologie de la littérature, aux liens entre la littérature, les styles littéraires, la politique et la société.
Dernière publication
Le Peuple à l'écrit : de Flaubert à Virginie Despentes, PUV, 2019.
Dernière fiction
La Vie des Glouk, Au Pont 9, 2017.

Mareike WOLF-FÉDIDA : Bilinguisme et yiddish
Quand on parle de bilinguisme, il est entendu qu'il s'agit de la pratique de deux langues. Que faut-il penser du bilinguisme en rapport avec le yiddish ? Pour commencer, l'article précédant yiddish est-il approprié ? Peut-on vraiment dire "le yiddish" ou plutôt "du yiddish" ou encore simplement "yiddish", ce qui laisse entendre l'adjectif désignant la personne par ce qu'elle parle, entend ou pratique. C'est comme une évidence. Quand on n'a pas de rapport au yiddish, on ne comprendra même pas ce mot et, quand on l'a, il est évident pour des raisons propres à chacun et à son histoire. Le bilinguisme illustre encore davantage la chose : yiddish est de nature bilingue en lui-même, voire plurilingue. Autrement dit, parler de bilinguisme pour le yiddish est un pléonasme. Ainsi, toutes les études effectuées autour du bilinguisme peuvent se vérifier directement avec "le" yiddish. J'en résumerais certaines, effectuées par mon équipe de recherche sur le bilinguisme, en l'adaptant au yiddish ou en collaborant avec ceux qui pratiquent le yiddish, notamment dans les derniers ouvrages Bilinguisme et intelligence : don de soi — perte de soi et Bilinguisme et Comique. Ces thématiques s'illustreront bien en rapport au yiddish qui se partage comme venant de nulle part et de partout, d'une mémoire douloureuse partagée.

Mareike Wolf-Fédida est professeur des universités en psychologie à l'université Paris Diderot - Paris 7, Institut des Humanités Sciences Sociales (IHSS), membre du Centre de Recherche CRPMS en Psychanalyse, Médecine et Société. Psychanalyste, elle est spécialisée en psychothérapie phénoménologique et psychanalytique. Ses travaux scientifiques portent sur deux pôles : 1. Phénoménologie et criminologie et 2. Bilinguisme et phénoménologie du langage vécu.


Autour du film Les Yatzkan d'Anna-Célia KENDALL-YATZKAN (Documentaire, 2014, Idéale Audience - ARTE France-La Lucarne)
"Que faire des affaires de ma mère, de son piano déglingué  ? Et la paperasse  ?" se désole l'auteure-protagoniste quand surgit des archives familiales une histoire passée sous silence, remontant au Yiddishland lituanien du XIXe siècle. Affrontant avec autant de fantaisie que d'obstination l'hostilité de ces confins de l'Europe, elle part à la découverte de son histoire, au-devant de rencontres surprenantes.

Anna-Célia Kendall-Yatzkan est réalisatrice, issue de l'IDHEC. Parallèlement à ses "documentaires d'auto-fiction" diffusés par ARTE tels que Le Partage des Larmes et Les Yatzkan sorti en salle en 2018-19, elle réalise de nombreux portraits d'artistes et architectes pour le SEREN-CNDP diffusés à la télévision, par ailleurs elle aborde la musique avec Combattimento adapté de Monteverdi diffusé au cinéma, Chants d'Outre Temps avec l'ensemble Organum et Machinations d'après Georges Aperghis, la danse avec Carlotta Ikeda, le design avec la Collection Design d'ARTE.

Autour du film Les enfants de la nuit écrit par Frank ESKENAZI & François LÉVY-KUENTZ (The Factory Productions, 2014)
Les "enfants de la nuit" sont les enfants des survivants des camps de déportation. Tous âgés aujourd'hui de 50 à 60 ans, ils se sont pour la plupart construits comme des "enfants de déportés". Cette génération, qui n'avait jusqu'ici jamais pris la parole pour elle-même, fut pourtant celle de tous les cauchemars, témoin d'une volonté de vivre, mais porteuse de drames difficiles à partager. Ces "enfants de la nuit" ont été témoins de la reconstruction de leurs parents déportés dans les camps d'Auschwitz ou de Dachau, de leur silence strié de cris nocturnes, de l'absence de dizaines de membres de leur famille assassinés par les Nazis et leurs collaborateurs lors de la Shoah. Comment la Shoah a influé non seulement sur les victimes juives, sur les survivants juifs, mais aussi sur la génération née après l'assassinat de six millions de Juifs. Dédié à Charlotte Delbo, le documentaire Les enfants de la nuit réalisé par François Lévy-Kuentz, se penche sur le parcours de ces personnes, contraintes de se construire une vie à partir d'une enfance traumatisée, alors que l'on commémore les 70 ans de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau.
Les enfants de la nuit, 2014, 55mn — Un film de François Lévy-Kuentz, écrit par Frank Eskenazi et François Lévy-Kuentz — Texte dit par Dominique Reymond — The Factory Productions / SLOO films — Avec la participation de France Télévisions — Avec la participation de Monique Itic, Max Kohn, Marc Perelman, Sylvia Simon, Ghislaine Spitzer, Dominique Vidal, Jean-Jacques Zylbermann
Diffusé sur France 3 les 29 janvier 2015, 10 février 2018 à 0h15 et 13 février 2015 à 3h55
Disponible en janvier 2020 en DVD chez Doriane films

François Lévy-Kuentz, né en 1960 à Paris, est un auteur-réalisateur français. Il étudie le cinéma à la Sorbonne Nouvelle puis débute comme assistant de réalisation sur des films documentaires et de fiction. Il signe son premier film sur l’art en 1989 avec Man Ray, 2bis rue Férou puis il travaille trois ans pour le magazine Ramdam, réalisant une cinquantaine de portraits de peintres, plasticiens ou écrivains. En 1994, il conçoit et réalise Aux Arts et cætera, émission hebdo consacrée aux arts plastiques diffusée sur Paris Première. Entre 1999 et 2001, il réalise pour Arte une émission hebdomadaire de science, puis toujours pour la chaine Arte, plusieurs portraits de cinéastes (Jean Painlevé, Rainer W. Fassbinder ou Luis Bunuel…). Depuis plus de 25 ans, François Lévy-Kuentz consacre essentiellement son travail de documentariste au film sur l’art et réalise de grandes monographies sur des artistes tels que Pascin, Marc Chagall, Man Ray, Yves Klein, Salvador Dalí, Piet Mondrian, Alexander Calder, ainsi que des films sur des mouvements picturaux (Le scandale impressionniste, Quand l'art prend le pouvoir). Ces monographies d'artistes, co-écrites avec son frère Stéphan Lévy-Kuentz, ont été primées pour la plupart dans de nombreux festivals internationaux.

Autour du film documentaire I. B. Singer, sur un Dieu caché d'Isy MORGENSZTERN (collection "Un Siècle d'Écrivains", Diff. France 3 et Arte, Production 1997, Diffusion Arte 24 février 1998)
Un portrait d'I. B. Singer réalisé pour Arte et la collection "Un Siècle d'Écrivains" de France 3, qui retrace de façon chronologique la vie et l'œuvre de celui qui s'est vu attribuer le prix Nobel de littérature en 1978 pour une œuvre entièrement rédigée, durant 50 ans, en langue yiddish. Isaac Bashevis Singer, né en Pologne en 1902 et émigré aux USA en 1935, n'est pas le seul écrivain de langue yiddish talentueux. Sa génération a vu éclore de nombreux auteurs remarquables, dont son frère Joshua Singer et sa sœur Esther Kreitman. S'il fallait le caractériser en quelques lignes l'univers et la puissance qui furent les siens, nous dirions qu'ils résident dans le mariage improbable, et réussi, entre deux éthiques. Celle du judaïsme (rétive en général à toute transcription romanesque) et le monde du yiddishland (résolument narratif et agnostique, si ce n'est hostile à la religion). L'égarement qui caractérise les "héros" singeriens yiddishophones est mis en regard et corrigé par le socle de l'éthique du judaïsme, celui de la Bible et des Talmuds. C'est ce qui a fait d'I. B. Singer un auteur exceptionnel, et universel.

Isy Morgensztern est enseignant en philosophie et histoire des religions.
Co-Auteur du Cahier de l'Herne sur l'écrivain I.B. Singer.
Auteur de Rencontre au sommet. Dialogue entre I. B. Singer et Antony Burgess, Éditions Mille et une Nuits.
Producteur, auteur et réalisateur de la "Soirée Thématique sur I. B. Singer", incluant un court document sur le peintre yiddish Serge Lask, diffusée par Arte le 24 février 1998.
Producteur et réalisateur du film documentaire I. B. Singer, sur un Dieu caché, 50’, Diffusion France 3 et Arte.

Soirée Nelly WOLF : La vie des Glouk, Paris, Éditions Pont 9, 2016
Les juifs ne sont plus à la mode, déplore Victor à une réunion des Ashkénazes Anonymes.
Qu'est-ce qu'on va devenir, se demande Ety, si seules demeurent quelques familles minuscules, où on trouve malgré tout le moyen de se déchirer ?
Qu'est-ce qu'on va transmettre, si les rescapés ne veulent pas parler, si tout le monde s'en moque, ou répond à notre place ?
Nelly Wolf est universitaire, elle aurait pu se lancer dans une somme académique sur l'identité des intellectuels juifs français de 1990 à nos jours. Ou sombrer dans la "mélancolie de l'ashkénaze triste à famille merdique".
Mais il se trouve qu'elle sait écrire, et merveilleusement bien. Spécialiste du roman moderne, elle a choisi sa forme ultime, la série, avec ses repères, Victor, Ety, les enfants, ses personnages secondaires, ses silhouettes de passage.
La chronique est juste parce que drôle. C'est que la chroniqueuse a l'œil perçant, la dent dure, et le cœur plein d'une tendresse désabusée pour les hommes et les femmes comme ils vont.
Goys s'abstenir ? Non. Car, affirme Nelly Wolf, "Les Glouk sont des juifs comme vous et moi".
aupont9.com/la-vie-des-glouk/

Récital de Michèle TAUBER, accompagnée au violon par Michaël RIEDLER
Après des études d'anglais, de russe et de yiddish à l'université hébraïque de Jérusalem (B.A.), Michèle Tauber obtient son diplôme d'interprétation simultanée hébreu-français à l'université de Bar Ilan, sous la direction du Professeur Francine Kaufmann, ainsi qu'un M.A. de littérature française. De retour en France, elle a poursuivi des études de littérature hébraïque à l'INALCO puis à Paris 8 - Saint-Denis. Elle est agrégée d'hébreu moderne et titulaire d'une thèse de doctorat sur les langages symboliques de la nature chez Aharon Appelfeld. Parallèlement à sa carrière universitaire, Michèle Tauber mène une carrière de chanteuse en yiddish et en hébreu, et est spécialisée dans l'interprétation des poèmes mis en musique dans ces deux langues. Elle a enregistré deux albums avec le pianiste Laurent Grynszpan en yiddish et en hébreu et un album en yiddish avec le groupe Yiddish Balkans.
En savoir plus
youtube.com/results?search_query=mich%C3%A8le+tauber
youtube.com/watch?v=1KhJM0lY1Os&t=89s
radiofrance.fr/francemusique/podcasts/ocora-couleurs-du-monde/les-chansons-yiddish-et-hebraiques-de-michele-tauber-et-laurent-grynszpan-8063801

Michaël Riedler débute le violon à l'âge de 8 ans et obtient son diplôme d'étude musicale à l'âge de 16 ans au CRR de Paris dans la classe de Bertrand Cervera puis celle de Suzanne Gessner. Il est admis à l'unanimité au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et se perfectionne dans la classe d'Olivier Charlier et de Joanna Matkowska. Il bénéficie de conseils d'artistes internationaux tels que Guillaume Sutre, Zacharia Zorin, Alexandre Brussilovsky, Daniel Gaede. Il est primé dans plusieurs concours internationaux : Flame, Vatelot, Grumiaux (Belgique). Par ailleurs, il est lauréat au concours Inter-Cordes (2018) qui lui permet de jouer au Centre Culturel Russe. Passionné de musique de chambre, il effectue une formation de musique de chambre en trio et obtient son prix de concertiste dans la classe d'Emmanuel Strosser. Le trio s'est produit à la Philharmonie de Paris ainsi qu'aux archives de Paris. Il bénéficie des conseils de Claire Desert, Itamar Golan, Jean Sulem, Valentin Erben, Francois Salque dans des formations variées allant de la Sonate au Quintet. Michael se produit régulièrement en solo et en musique de chambre à Paris : à l'église St Roch, à l'église St Eugène, à l'église Notre-Dame des-Blancs-Manteaux et à la Cathédrale américaine. Il est invité à de nombreux festivals : Hohenstaufen en Allemagne, Saint Cézaire, le festival des "Cordes de Loire", "les musicales de l'Eure" en Normandie, les "Vacances de Monsieur Haydn" au cours duquel son interprétation de la Sonate de Fauré avec le pianiste Gaspard Thomas est qualifiée par la presse la Nouvelle République comme un "inépuisable flot de richesses sonore".


"Attiré par les Hassidim", exposition réalisée par Hank BLAUSTEIN
C'est grâce aux Hassidim que le yiddish peut encore être compté parmi les langues vivantes. Le yiddish était la lingua franca de tous mes grands-parents immigrants, et mes parents d'origine américaine l'utilisaient comme langue secrète en présence de ma sœur et de moi. C'était une langue qui résonnait toujours avec moi. Pour ma femme, Miriam, un produit de la communauté hassidique, c'était sa langue maternelle.
Bien que je ne sache rien de la vie hassidique, j'avais été inspiré de temps en temps pour dessiner certaines de ces personnes étrangement habillées dans le métro. En épousant Miriam, ce monde exotique des Hassidim est devenu plus ouvert et familier pour moi, et m'a fourni des opportunités continues d'enregistrer leur vie et leur personnalité dans mes carnets de croquis.

Hank Blaustein, habitant de Brooklyn depuis sa naissance en 1937, dessine le monde autour de lui depuis qu'il peut tenir un crayon à la main. Ses sujets sont des gens, des endroits et des objets qui l'attirent ; son but c'est de capturer leurs essences et personnalités sur le papier. Il est, en effet, un artiste/journaliste qui enregistre spontanément ses observations à l'encre de chine, crayon et aquarelle. Il a fait des expositions aux États-Unis et à l'étranger, gagnant des prix à l'exposition de Washington Square, Greenwich Village, et au musée de Brooklyn. Il a fait plusieurs expositions chez lui, à la galerie de Lincoln Center, A. M. Adler, et Morgan State University à Baltimore. En Europe, il a exposé ses dessins à Sedan, Vienne, Urbino et Ferrare. Il est aussi illustrateur depuis plus de quatre décennies. Son œuvre peut se voir régulièrement dans Grant's Interest Rate Observer et dans d'autres groupes financiers comme The Tudor Group, EvercoreISI et Royce Funds. Il a illustré des livres, et il a contribué à des journaux, tels que le New York Times et Newsday, et aussi à certains magazines, comme le New Yorker and Alfred Hitchcock Mystery Magazine. En 2016, Hank Blaustein a publié un livre de dessins, Drawn to Opera.
"Hank Blaustein dessine", Yiddish pour les Nuls, 15 juillet 2015 [en ligne].
"Hank Blaustein. Interview par Max Kohn (en anglais)", Yiddish pour les Nuls, 15 juillet 2015 [en ligne].


BIBLIOGRAPHIE :

L'Inconscient du yiddish, Actes du colloque international, 4 mars 2002, sous la direction de Max Kohn et Jean Baumgarten, Paris, Anthropos Economica, 2003.
Yiddishkeyt et psychanalyse - Le transfert à une langue, Actes du colloque international, 27 mai 2005, sous la direction de Max Kohn, Paris, MJW Fédition, 2007.

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du lundi 6 septembre au dimanche 12 septembre 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


MORPHOGENÈSE : DONNER LIEU AU PATRIMOINE ORIGINAIRE
AVEC ARNO STERN ET PASCAL QUIGNARD


DU VENDREDI 10 JUILLET (19 H) AU VENDREDI 17 JUILLET (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]


Grotte Chauvet. Homme-Bison s'approchant de la matriarche © Carole Fritz / Ministère de la Culture


PRÉSENTATION VIDÉO :


DIRECTION :

Mireille CALLE-GRUBER, Anaïs FRANTZ, Pascal QUIGNARD

Avec la participation d'Arno STERN

Sous le patronage de la Commission nationale française pour l'UNESCO


ARGUMENT :

L'originaire fait signe — il fait signe dans les découvertes scientifiques, dans l'art, dans les rêves, dans la langue littéraire, dans l'amour, dans le jeu des enfants, dans la vie sauvage. Mais comment accueillir ces signes — ces traces — dont la manifestation précède le logos (le langage de la raison) et les sciences régies par le logos ?

Ce qui se donne à penser, avec les travaux d'Arno Stern et de Pascal Quignard, ce sont autant les conditions d'expression de l'"Homo vulcanus" (Stern) dont, sans répit, Quignard guette l'éruption dans les images et les textes qu'il collecte, que celles de la réception des traces de l'ancienne "vie aquatique" (Quignard) dont l'atelier de peinture créé par Arno Stern à Paris au lendemain de la Seconde Guerre mondiale reconstitue l'état de plénitude. C'est, dans toute son amplitude, la question de la morphogenèse envisagée sous l'angle de la sémiologie (Stern) ou du rêve (Quignard).

À partir des œuvres d'Arno Stern et de Pascal Quignard, de l'exposé de leurs singularités respectives et de leur rencontre, le Centre culturel international de Cerisy se propose d'être le lieu d’une méditation transdisciplinaire, à l'intersection de la paléontologie, de l'embryologie, de la psychanalyse, des sciences du langage, de la danse, de la peinture, de la littérature, autour des conditions d'accueil et d'expression du patrimoine originaire.


MOTS-CLÉS :

Danse, Images originaires, Lascaux, Littérature, Mémoire archaïque, Morphogenèse, Paléontologie, Psychanalyse, Quignard (Pascal), Sémiologie, Stern (Arno), Traces


CALENDRIER PROVISOIRE :

Vendredi 10 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Samedi 11 juillet
Matin
Mireille CALLE-GRUBER, Anaïs FRANTZ & Pascal QUIGNARD : Ouverture
Jean-Claude AMEISEN : Morphogenèse et sculpture du vivant

Après-midi
Performance de Pascal QUIGNARD

Soirée
Autour du film Les Feux de la mer de Jean Epstein (1948)


Dimanche 12 juillet
Matin
Emmanuel ANATI : La décodification de l'art préhistorique et l'origine de l'écriture
Amélie BALAZUT : Du secret des images endogènes : retour aux sources animales de l'esthétique

Après-midi
Marie-Christine LALA : Aux tréfonds de l'être inexprimer l'exprimable encore
Mireille CALLE-GRUBER : Le corps archaïque. Urszenen de Pascal Quignard


Lundi 13 juillet
Matin
Chantal LAPEYRE : Le Mur de Planck
Stefano GENETTI : Autour d'un ballet imaginaire des origines

Après-midi
Geneviève HAAG : La morphogenèse au croisement du jaillissement et des rebonds de la rencontre
François FARGES : Scènes de la vie fœtale
Nicole FARGES : À l'origine, la nuit fœtale

Soirée
Autour du film Jérôme Andrews, forwards and backwards réalisé par n + n Corsino (1994)


Mardi 14 juillet
Matin
Catherine DOLTO : Dans l'infime de l'intime, surgissement du Sujet dans la vie prénatale
Dimitrios KRANIOTIS : Jerome Andrews : la danse profonde, la joie d'être en mouvement
Victor PITRON : Bases cognitives de la perception corporelle

Après-midi
Pascal QUIGNARD : Morphée

Soirée
Discussion autour du film Marie Morel, une vie de peintre (2020), en présence de Marie MOREL


Mercredi 15 juillet
Matin
Eberhard GRUBER : De la morphogenèse à partir de l'informe
Joël BALAZUT : L'ordre symbolique et son envers
Éric MARTY : Le Travesti

Après-midi
Hugo RUDY : À la recherche de l'universalité psychique : Georges Devereux et l'approche ethnopsychiatrique
Anaïs FRANTZ : "Et ce n’est pas de l’art…"

Soirée
Discussion autour du film Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines) d'Arnaud Desplechin (2013)


Jeudi 16 juillet
Matin
Arno STERN : Le Tracé révélateur d'une mémoire archaïque

Après-midi
Arno STERN : Genèse d'une découverte

Soirée
Discussion autour du film Alphabet d'Erwin Wagenhofer (2013)


Vendredi 17 juillet
Matin
Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Amélie BALAZUT : Du secret des images endogènes : retour aux sources animales de l'esthétique
En faisant le choix délibéré et asocial de se "rencoigner" dans l'ombre de cette enclave ancêtre prolongée que constitue la grotte, les artistes paléolithiques ont ainsi trouvé l'occasion de "recoïncider" avec le secret de leur origine. Une autre intrigue linguistique se propose alors où ce qui se joue, ou plutôt se rejoue, est autre et pour autant en rien nouveau, puisqu'il s'agit du retour à l'initialité sauvage de leur condition, dans l'aparlance originaire, silencieuse et secrète du premier royaume. Dans cette intrigue préhumaine, le dénouement prendra nécessairement la forme d'images venues de l'ombre elle-même, celles échappées et rêvées de la sauvagerie source. C'est en ce sens, nous dit Pascal Quignard, que "les images sont préhumaines. Elles datent d'avant les langues naturelles dans les bouches humaines". Pour bien comprendre la pré-humanité de ce pré-langage, dans l'immersion sensorielle de laquelle les images nous replongent, il importe de prendre la pleine mesure de ce qui-vive animal, imprédictible et extravagant, qui fait le fond de l'activité créatrice comme de l'activité onirique où ce qui s'exalte et s'hallucine, puis s'évade et s'exvague, au travers de cette motricité fantôme qui engage le corps du rêveur comme celui du graveur ou encore du danseur, est pareil à l'élan dissident qui emporte tous ceux qui osent lâcher la corde de la langue pour regagner cette animalité antérieure, dont cette enclave ancêtre, reconstituée, garde les plus saisissantes archives.

Amélie Balazut est Docteur en Arts plastiques — sciences de l'art et Membre associé du Museum National d'Histoire Naturelle, UMR 7194 - Histoire naturelle de l'homme préhistorique. Après sa thèse "Origine de l'art — art des origines", sa recherche s'est prolongée par la publication d'un livre Portrait de l'homme en animal, PUP (préface de J.-L. Nancy) et celle de plusieurs articles et actes de colloque ayant pour sujet la représentation de la duplicité homme/animal dans l'art, des origines à nos jours. Une approche plus spécifique de ces questions, dans l'œuvre de Pascal Quignard, l'amène aujourd'hui à faire entrer en résonance leurs pensées et leurs sensibilités sur le secret auquel ouvrent ces images paléolithiques — une recherche qui a déjà donné lieu à plusieurs productions : contribution au Dictionnaire sauvage Pascal Quignard, Hermann, "L'amont animal de l'histoire", intervention au colloque L'Art paléolithique au risque du sens, à Cerisy, et écriture d'un essai, In illo tempore. Voyage imaginaire dans le dernier royaume de Pascal Quignard, en cours de publication.

Joël BALAZUT : L'ordre symbolique et son envers
L'ordre symbolique, cet ensemble de règles et d'interdits culturels portés par le langage, est par un aspect essentiel le véhicule d'un "dressage" qui nous coupe non seulement de notre singularité mais aussi d'une ouverture primaire au monde en médiatisant notre relation à celui-ci qui est tenu à distance. Nous sommes ainsi séparés du réel par une grille de lecture, conventionnelle et imposée, propre à le "cartographier". Or, il est une autre dimension du symbolique, trop souvent méconnue mais non moins importante, par laquelle il se rapporte, au contraire et paradoxalement, à son propre envers, ménageant ainsi un espace de transgression permettant de regagner l'immédiateté, le Jadis fusionnel dont il nous avait d'abord coupé. Nous nous proposons alors de montrer qu'une telle ouverture du symbolique à son envers, laquelle est véhiculée par les arts dans leurs productions les plus fortes (ainsi que Lacan avait essayé de le montrer dans le Séminaire VII) est si essentielle qu'elle est ce à partir de quoi seulement celui-ci peut être compris en son origine.

Joël Balazut est Docteur en Philosophie et auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la pensée de Heidegger, mais également sur Bataille et Lacan. Il s'efforce de mettre en œuvre un questionnement ontologique originaire qui permettrait de rétrocéder en deçà de la pensée représentative (du clivage sujet objet). D'où l'intérêt qu'il porte à la relation qu'entretient l'ordre symbolique avec son envers, avec l'immédiateté dont il nous a d'abord séparé.
Principales publications
L'impensé de la philosophie heideggérienne, Paris, L'Harmattan, 2007.
Art, tragédie et vérité, Paris, L'Harmattan, 2011.
Heidegger : une philosophie de la présence, Paris, L'Harmattan, 2013.
Georges Bataille ou l'envers de la philosophie, sous le pseudonyme de Frédéric Altberg, Camion noir, 2014.
Les racines secrètes de l'ontologie ou la question de la chose, Paris, L'Harmattan, 2016.
Heidegger et l'essence de la poésie, Paris, L'Harmattan, 2017.
Lacan. Une lecture philosophique, Paris, L'Harmattan, 2018.
Descartes et l'essence de la métaphysique, Paris, L'Harmattan, 2019.

François FARGES : Scènes de la vie fœtale
L'échographie obstétricale a pour effet latéral de faire sortir le fœtus de sa caverne. Il surgit sur l'écran et avec lui les traces de l'origine de la vie. À côté et souvent après l'examen médical, François Farges filme le fœtus, les fœtus. Le but étant, in fine, d'accueillir, avec les parents, la vie fœtale. Surgissent alors des scènes de la vie fœtale en lien avec ce qui se produit dans le sein maternel ou dans l'environnement. En particulier les observations de grossesses gémellaires montrent en direct les relations intra-utérines avec un "autre". François Farges a sélectionné de courtes séquences significatives de cette émergence de la vie fœtale, à l’origine.

François Farges est obstétricien, gynécologue et échographiste, spécialisé en AMP. Après une longue carrière d'obstétricien, il travaille maintenant spécifiquement avec des couples en situation d'infertilité. Il pratique des observations échographiques dans le cadre de recherches sur la vie fœtale et les relations entre jumeaux in utero.
Publications
Farges F. et Farges N. (1994), Paroles d'échographiste, Film primé au festival médical d'Amiens et aux entretiens de Bichat.
Farges F. et Groupe Echo (2001), "D'une certaine pratique de l'échographie obstétricale", in Linguistique et psychanalyse, Colloque de Cerisy, Éditions In Press, p.195-231 (réédition Hermann Éditeurs, 2013).
Farges F. (2012), "Dépistage de la trisomie 21 au premier trimestre, incertitude et iatrogénie" in Médecine et psychanalyse, Entre autorité et incertitude : moments critiques, Paris, Éd. Études freudiennes, pp. 265-271.
Farges F., Farges N. et Missonnier S. (2016), "L'observation échographique prénatale. Vers une clinique du fœtus ?", in Journal de la psychanalyse de l'enfant, Paris, Puf, n°2, vol. 6, pp. 203-223.
Farges F. et Farges N. (2017), "La fratrie in utéro. Des frères et sœurs dans la chambre obscure", in Petite sœur et petit frère, revue Spirale, n°81, Paris, érès, pp. 55-64.
Farges F. (2017), "La clinique du fœtus", in Bébé Sapiens, Colloque de Cerisy, érès, 2017.
Farges F. et Farges N. (2018), "Sa majesté le fœtus", in Quand les temps changent, les bébés changent-ils ?, Paris, érès, 1001BB, pp. 25-39.

Nicole FARGES : À l'origine, la nuit fœtale
Si la psychanalyse revient inlassablement vers l'Ur, préfixe difficile à traduire, il s'agit de penser la scène primitive, les fantasmes originaires, le père de la horde, la séduction précoce. Mais la vie prénatale, plus précisément la nuit fœtale est restée terra incognita pour Freud, interdit persistant suivi par de nombreux analystes. Or la nuit fœtale, suite de la nuit sexuelle, est mouvement, traces, sensation, recherche. Elle nous habite de la conception jusqu'à la mort. Les images échographiques nous donnent à voir cette activité incessante. La succion en est un prototype à déchiffrer.

Nicole Farges est psychanalyste, de formation psychologue clinicienne. Elle accueille des couples infertiles dans le cadre de la PMA, questionnant le mystère de la fécondité. En collaboration avec François Farges, échographiste, elle travaille depuis plusieurs années sur ce que donne à voir les films échographiques sur la vie fœtale.
Publications
Farges F. et Farges N. (1994), Paroles d'échographiste, Film primé au festival médical d'Amiens et aux entretiens de Bichat.
Farges F., Farges N. et Missonnier S. (2016), "L'observation échographique prénatale. Vers une clinique du fœtus ?", in Journal de la psychanalyse de l'enfant, Paris, Puf, n°2, vol. 6, pp. 203-223.
Farges F. et Farges N. (2017), "La fratrie in utéro. Des frères et sœurs dans la chambre obscure", in Petite sœur et petit frère, revue Spirale, n°81, Paris, érès, pp. 55-64.
Farges F. et Farges N. (2018), "Sa majesté le fœtus", in Quand les temps changent, les bébés changent-ils ?, Paris, érès, 1001BB, pp. 25-39.

Anaïs FRANTZ : "Et ce n’est pas de l’art…"
En usant de la forme négative pour présenter les tableaux qui sont réalisés dans son atelier de peinture, le Closlieu, Arno Stern invite à poser sur la trace un autre regard que celui qui est habituellement porté sur le dessin des enfants et, par extension, sur l'enfance et sur l'enfance de l'art. Formulée en l'occurrence de façon spontanée, la tournure négative ("ce n'est pas") peut dès lors être entendue comme une stratégie soucieuse de préserver un potentiel que l'affirmation limiterait aux catégories linguistiques. Trouvant appui en l'œuvre de Pascal Quignard, l'intervention souhaite s'attarder sur les enjeux méthodologiques, pédagogiques et théoriques de cette approche "négative" de la trace par Arno Stern.

Anaïs Frantz est docteure en littérature et civilisation françaises de la Sorbonne Nouvelle Paris 3. Elle enseigne la littérature française à Paris. En 2018, elle a publié La Mémoire et l'Expression aux éditions Regard, livre où elle dialogue avec Arno Stern. En 2019, elle a organisé à la Sorbonne un après-midi d'étude et d'hommage consacré aux travaux d'Arno Stern sous le patronage de l'UNESCO.

Stefano GENETTI : Autour d'un ballet imaginaire des origines
Entre morphogenèse et métamorphose, les figures du mouvement originaire se multiplient dans les entretiens avec Pascal Quignard ayant trait au corps dansant et à ses expériences théâtrales. Tour à tour amniotiques et volcaniques, antéhistoriques et chamaniques, elles dessinent un parcours qui va de l'évocation de la danse perdue à l'é-motion performative dont il est question dans L'Origine de la danse et dans Performances de ténèbres. Celle-ci sera illustrée par une présentation du Ballet de l'origine de la langue et de la littérature françaises (2016) en termes de dispositio scénique et de danse de la lumière et des ombres, en termes de dramatisation de la lecture et de transcription du chant des oiseaux. Tout en soulignant le rapport qui lie ces fragments du "noyau de nuit" aux pages de Les Larmes et de Dans ce jardin qu'on aimait, il s'agira d'interroger cet étrange ballet d'images et de phrases-sons en tant que mise en espace et en mouvement du patrimoine originaire.

Stefano Genetti enseigne la littérature française à l'université de Vérone. Ses recherches, concernant l'œuvre de Pascal Quignard, portent sur l'écriture fragmentaire et sur les Petits traités, sur les figures d'Ulysse et de Médée, ainsi que sur les collaborations chorégraphiques et les expériences scéniques de l'auteur et non moins sur sa pensée-écriture.

Geneviève HAAG : La morphogenèse au croisement du jaillissement et des rebonds de la rencontre
À partir d'observations du premier développement et de séances de psychothérapie psychanalytique avec des enfants autistes en reprise de communication et de développement, quelques éléments se rassemblent autour de la proposition de Pascal Quignard concernant l'accueil nécessaire du patrimoine originaire : "Le temps ne séjourne comme Origine dans le monde qu'à la condition que, de la part de ceux qui tirent profit de son jaillissement, il obtienne l'hospitalité". Les formes semblent en effet prendre leur origine dans cette rencontre du jaillissement et du retour qu'en organise l'environnement. J'en donnerai quelques exemples dans l'organisation tonico-psychomotrice précoce pré et post natale (les dialogues tonico-émotionnels), dans les émergences de langage (les dialogues sonores), dans les théâtralisations gestuelles des relations dans la première année de la vie (dialogue entre les deux côtés du corps), et dans les composants du dessin préfiguratif spontané des trois premières années.

Publications
Le moi corporel, autisme et développement, PUF, 2018.
"Construction du moi corporel dans les niveaux archaïques du transfert", in Autismes, transferts et langage, dir. Tristan Garcia-Fons, éd. Campagne Première, Paris, 2016.
"Processus psychothérapiques psychanalytiques au long cours avec des enfants autistes : réflexions et approfondissements entre reprises et particularités du développement psychique", in Autismes : spécificités des pratiques psychanalytiques, Autismes et psychanalyses – II, Toulouse, Eres, p.35-73, 2016.

Dimitrios KRANIOTIS : Jerome Andrews : la danse profonde, la joie d'être en mouvement
"La danse au plus profond de moi, ma danse profonde, cette nécessité personnelle, d'où vient-elle ? Et votre danse, celle qui est au plus profond de vous, d'où vient-elle ? Dans le dictionnaire, il est dit que les danses sont des pas rythmés. La danse profonde, c'est autre chose. Il y a des gens qui n'ont jamais appris des pas de danse et qui se sont éveillés du moment qu'ils se sont mis à danser. La danse profonde, ce n'est pas un système, c'est quelque chose que vous connaissez avant même de naître, c'est une chose profonde en vous. Mais vous pouvez passer toute votre vie à éviter ce que vous êtes…"
Figure majeure de la danse moderne aux États-Unis puis en France, influencé intimement par Martha Graham, Mary Wigman ou bien Joseph Pilates, le danseur, chorégraphe et pédagogue Jerome Andrews (1908-1992) a marqué de nombreux artistes contemporains. Entre 1968 et 1980, à l'invitation d'Arno Stern, pionnier en matière éducative, il donne des conférences sur sa conception de la danse et sa pratique pédagogique. Dans ces interventions affleurent son humilité, sa spiritualité, sa fantaisie. On y découvre surtout la subtilité et l'exigence de sa quête, celle d'un épanouissement personnel à travers le mouvement, et son désir de libérer en chacun les possibilités d'une "danse profonde".

Dimitrios Kraniotis est né à Athènes en 1950. Après des études de mathématiques et de philosophie à l'université de Paris il séjourne pendant deux ans au Mont Athos, où il compose son premier receuil de poèmes. En 1980 il s'initie à la danse moderne auprès du chorégraphe américain Jerome Andrews. En 1992-1994, il travaille pour le Wuppertaler Tanztheater de Pina Bausch en tant que dramaturge. Depuis il enseigne la danse contemporaine et crée en collaboration avec Christine Kono plusieurs évènements chorégraphiques : If out of Paris (2002), Sacred Dances Jena (2004), Impromptus Paris (2006), L'altra svolta Rosazza (2007), Nothing always returns Paris (2009), Aporia Athènes (2014).
Il est membre de la Fondation Yannis Tsarouchis à Athènes.
Publications
Il a publié à Athènes neuf recueils de poèmes : Eros Allogenis (1979), Alitis Moira (1985), Avyssos Anoixis (1989), Dithyramboi tis siopis (1994), Archaios Rythmos (2005), Ap'tis rodias to soï (2013), Meteora (2016), Hairetismoi (2016), Pina au rythme des oracles (2017).
Il a traduit en grec Soubresauts et Comment dire de Samuel Beckett, Amours d'écume de Jacques Lacarrière.
Michel Volkovitch a traduit en français des extraits de son œuvre sous le titre Éros Étrange Étranger pour les éditions Desmos, Paris, 1997.
Site : kraniotis.com

Marie-Christine LALA : Aux tréfonds de l'être inexprimer l'exprimable encore
Que le patrimoine originaire réside en nous ne fait nul doute. Là où la fin et le commencement se rejoignent, au juste point de l'aube, le tout-humain s'enquiert des premiers signes de l'univers. Cet éveil à la source, Lascaux me l'inspira un jour à égale distance de l'enfant du rivage grec saisissant la pointe pour tracer d'un seul geste sur la page vierge du livre les lignes entrelacées de la prose du monde. La rencontre de Pascal Quignard et Arno Stern fait la part du silence dans les blancs du stade créateur et ravive le saisissement où plongent les gravures de Lascaux. Retour obligé au lieu natal d'un berceau de l'humanité. Ici règne l'inconnu. Lieu de commencement où l'origine se démarque en signant son absence de départ. Nous dirons cette incroyable proximité au fond de la grotte qui n'est pas abolition du temps, mais le Temps lui-même vécu et accueilli au point du "jadir" quand la peinture, la danse ou l'écriture rend à la profondeur de la disparition définitive la sauvagerie de l'intime. Nous pourrons ainsi discuter des enjeux qui sont les nôtres entre onto- et morphogenèse.

Marie-Christine Lala est maître de conférences-HDR en sciences du langage et en langue et littérature françaises à l'université de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Ses publications portent en particulier sur les écritures des XX-XXIe siècles et sur l'analyse linguistique du texte littéraire. Elle est responsable de séminaires au Collège international de philosophie.
Publications
Georges Bataille, Poète du réel, Bern, Peter Lang, 2010.
"De l'élan du réel au mouvement du monde", Pascal Quignard, Translations et métamorphoses, Colloque de Cerisy, Herman Éditeurs, 2015.
A contribué au Dictionnaire sauvage Pascal Quignard, Herman Éditeurs, 2016.
"(L') Impossible", Dictionnaire Bataille, Les Cahiers Bataille, 2019.
"Blanc (typographique)", "Silence" et "Solitude", Dictionnaire Duras, À paraître, 2020.

Marie MOREL
L'œuvre censurée de Marie Morel de Pascal Quignard, Éditions J'en suis bleue, 2019.
Marie Morel, la peinture libre d'Anaïs Frantz, Éditions J'en suis bleue, 2016.
Visages de Marie Morel d'Anaïs Frantz, Éditions J'en suis bleue, 2017.
La peinture de Marie Morel nous regarde d'Anaïs Frantz, Éditions J'en suis bleue, 2016.
Une vie de peintre (textes de Pascal Quignard et peintures de Marie Morel), Éditions J'en suis bleue, 2014.
Peintures de Marie Morel, peindre à livre ouvert d'Anaïs Frantz, Éditions J'en suis bleue, 2011.

Victor PITRON : Bases cognitives de la perception corporelle
La perception que chacun a de son corps peut sembler inaltérable tant notre corps constitue notre identité. "Ce bon vieux corps toujours là" disait le philosophe William James, avec lequel nous entretenons un sentiment "de chaleur et d'intimité" (1890). Pourtant, les anomalies de la perception du corps sont fréquentes notamment dans les maladies neurologiques et psychiatriques. Se pose alors la question : comment se forme (et se déforme) la perception du corps ? Dans cette intervention, nous nous pencherons sur les déterminants cognitifs de la perception corporelle. Nous tracerons les contours d'un modèle qui rende compte de la construction de la perception du corps dans le cerveau, pour finalement tenter de mieux caractériser ce qu'il a de particulier à percevoir son propre corps.

Victor Pitron est psychiatre et chercheur en sciences cognitives. Il s'intéresse particulièrement aux interactions entre maladies corporelles et mentales. Il est actuellement Chef de Clinique à la Pitié Salpêtrière à Paris après avoir passé plusieurs années à développer des thématiques de recherche autour des mécanismes cognitifs de la perception du corps à l'École Normale Supérieure (Ulm).

Hugo RUDY : À la recherche de l'universalité psychique : Georges Devereux et l'approche ethnopsychiatrique
Georges Devereux (1908-1985) anthropologue et psychanalyste, est considéré comme le père fondateur de l'approche transculturelle en psychiatrie. En nous appuyant sur l'œuvre de Devereux, notamment l'idée du complémentarisme entre anthropologie et psychanalyse, et en illustrant le propos de situations cliniques rencontrées dans notre pratique auprès d'adolescents kanaks en Nouvelle-Calédonie, nous tenterons d'approcher la notion d'originaire et son lien aux contenants culturels qui entourent la vie psychique d'un être humain.

Hugo Rudy est psychiatre d'adolescents à Nouméa (Nouvelle-Calédonie). Il a été formé à l'hôpital Avicenne de Bobigny, berceau de l'approche ethnopsychiatrique et a participé à la prise en charge d'adolescents et de familles migrants au sein de dispositifs de consultations transculturelles.
Bibliographie
Georges Devereux, Psychothérapie d'un Indien des Plaines : réalités et rêve (1951), Paris, Fayard, 1998 ; 2013.
Georges Devereux, Essais d'ethnopsychiatrie générale, Paris, Gallimard, 1970.

Arno STERN : Le Tracé révélateur d'une mémoire archaïque
Arno Stern est le créateur du Closlieu, où il exerce le rôle de Servant depuis 1948. La Trace, qui se produit dans les conditions spécifiques de ce lieu, appartient à un code appelé la Formulation. Arno Stern a prolongé son étude par des séjours dans des contrées lointaines (déserts, brousse, forêt vierge) et démontre que la Formulation est un code universel. Il révèle aussi l’origine de la Formulation, la Mémoire Organique, dont l'existence est, aujourd'hui, confirmée par les chercheurs dans le domaine de la neurobiologie l'embryologie, la génétique… Arno Stern forme, à travers le monde, de nombreux Praticiens-Servants du Jeu de Peindre. Cette formation, ainsi que l’information pour faire connaître ses découvertes sont, à côté de son rôle dans le Closlieu, des activités incessantes d'Arno Stern, auteur de nombreux livres et d'articles traduits dans une dizaine de langues.

Bibliographie résumée en français
Le Jeu de Peindre, Actes Sud.
Heureux comme un enfant qui peint, Éditions du Rocher.
Le Closlieu, le Jeu de Peindre et la Formulation, Hermann Éditeurs.
L'Âge d’or de l'Expression, DDB.
Les Enfants du Closlieu, Éditions Hommes & Groupes


BIBLIOGRAPHIE :

• AMEISEN Jean-Claude, La Sculpture du vivant. Le suicide cellulaire ou la mort créatrice, Seuil, 2003.
• ANATI Emmanuel, Aux origines de l'art, 50000 ans d'art préhistorique et tribal, préface d'Yves COPPENS, Fayard, 2003.
• ANDREWS Jerome, La Danse profonde, de la carcasse à l'extase, avec un texte d'Arno STERN, éd. CND, 2017.
• BONNEFIS Philippe, LYOTARD Dolorès (dir.), Pascal Quignard, figures d'un lettré, Colloque de Cerisy, Éditions Galilée, 2005.
• BONNET BALAZUT Amélie, Portrait de l'homme en animal, de la duplicité de la figure humaine dans l'art pariétal, PUP, 2014.
• CALLE-GRUBER Mireille, DEGENÈVE Jonathan, FENOGLIO Irène (dir.), Pascal Quignard. Translations et métamorphoses, Colloque de Cerisy, Hermann, 2015.
• CALLE-GRUBER Mireille, FRANTZ Anaïs (dir.), Dictionnaire sauvage Pascal Quignard, Hermann, 2016.
• CALLE-GRUBER Mireille, Pascal Quignard ou Les leçons de ténèbres de la littérature, Galilée, 2018.
• FRANTZ Anaïs, STERN Arno, La Mémoire et l'Expression, éd. Marie Morel Regard – J'en suis bleue, 2018.
• FRANTZ Anaïs, Marie Morel la peinture libre, éd. Marie Morel Regard – J'en suis bleue, 2019.
• HAAG Geneviève, Le Moi corporel : autisme et développement, PUF, 2018.
• QUIGNARD Pascal, Le Sexe et l'Effroi, Gallimard, 1994.
• QUIGNARD Pascal, Sur le jadis, Dernier Royaume, Tome II, Grasset, 2002.
• QUIGNARD Pascal, Les Paradisiaques, Dernier Royaume, Tome IV, Grasset, 2005.
• QUIGNARD Pascal, La Nuit sexuelle, Flammarion, 2007.
• QUIGNARD Pascal, Sur l'image qui manque à nos jours, Arléa, 2014.
• QUIGNARD Pascal, Marie Morel, Marie Morel une vie de peintre, éd. Marie Morel Regard –J'en suis bleue, 2014.
• QUIGNARD Pascal, Angoisse et beauté, Seuil, 2018.
• QUIGNARD Pascal, La Vie n'est pas une biographie, Galilée, 2019.
• QUIGNARD Pascal, Marie Morel, L'œuvre censurée de Marie Morel, éd. Marie Morel Regard – J'en suis bleue, 2019.
• STERN Arno, Aspects et technique de la Peinture d'enfants, éd. Delachaux & Niestlé, 1956.
• STERN Arno, Compréhension de l'Art enfantin, préface de Françoise DOLTO, éd. Delachaux & Niestlé, 1959.
• STERN Arno, Une grammaire de l'Art enfantin, éd. Delachaux & Niestlé, 1966.
• STERN Arno, L'Expression ou l'Homo Vulcanus, éd. Delachaux & Niestlé, 1973.
• STERN Arno, Le Monde des Autres, éd. Delachaux & Niestlé, 1974.
• STERN Arno, Antonin ou la Mémoire organique, éd. Delachaux & Niestlé, 1978.
• STERN Arno, Les Enfants du Closlieu, éd. Hommes & Groupes, 1989/2007.
• STERN Arno, Heureux comme un enfant qui peint, éd. du Rocher, préface d'Albert JACQUART, photographies de Peter LINDBERGH.
• STERN Arno, Le Jeu de peindre, Actes Sud, 2011.
• STERN Arno, L'Âge d’or de l'Expression, Desclée de Brouwer, 2014.

VIDÉOS :

Hommage rendu à Arno Stern en Sorbonne le 9 septembre 2019 : une conférence d'Arno Stern précédée par les discours du Président de l'université la Sorbonne Nouvelle-Paris 3, d'un représentant de la Commission nationale française pour l'UNESCO, d'André Stern, d'Anaïs Frantz et de Zelda Egler :
- Discours d'hommage précédant la conférence : voir la vidéo
- Conférence d’Arno Stern en Sorbonne, 9 septembre 2019 : voir la vidéo


SOUTIENS :

• Direction des Affaires Internationales (DAI) & Commission de la Recherche (CR) | Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
• Institute for the International Education of Students (IES), Paris

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du mercredi 19 mai au mardi 25 mai 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


FRANCISCO VARELA, UNE PENSÉE ACTUELLE

AUTOPOÏÈSE, ÉNACTION, PHÉNOMÉNOLOGIE


DU MERCREDI 1er JUILLET (19 H) AU MERCREDI 8 JUILLET (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Natalie DEPRAZ, Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU


COMITÉ SCIENTIFIQUE :

Michel BITBOL, Amy COHEN, Natalie DEPRAZ, Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU, Claire PETITMENGIN, Jean PETITOT


ARGUMENT :

Francisco Varela a contribué de manière significative au champ des sciences cognitives et a notamment proposé la théorie de l'énaction. Il s'est aussi beaucoup intéressé à la phénoménologie et a forgé une approche nouvelle de la conscience émergeant mais irréductible à la dynamique neuronale, qu'il a nommée la neurophénoménologie. Il a également fondé le Mind and Life Institute, un lieu de dialogue avec le Dalaï Lama et de réflexion sur les liens possibles entre sciences et pratiques contemplatives, notamment la méditation. Enfin, son travail autour des notions d'émergence et d'autopoïèse, notamment avec Humberto Maturana, a eu, non seulement dans le domaine de la biologie, une influence importante.

Il nous a paru essentiel, presque 20 ans après sa disparition, de revisiter sa pensée, de voir quel était son impact aujourd'hui et les champs disciplinaires qui se l'étaient appropriée. Ce colloque est donc conçu comme un dialogue entre sciences dures et sciences humaines, entre art et science, entre science et conscience. Il se veut aussi un lieu et un moment pour réfléchir à l'interdisciplinarité et à sa mise en pratique.


MOTS-CLÉS :

Art et science, Autopoièse, Bouddhisme, Conscience, Création artistique, Émergence, Énaction, Épistémologie, Interdisciplinarité, Méditation, Neurophénoménologie, Philosophie, Phénoménologie, Pratiques contemplatives, Sciences cognitives, Sciences humaines, Sciences de l'éducation, Varela (Francisco)


CALENDRIER PROVISOIRE :

Mercredi 1er juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 2 juillet
Matin
Amy COHEN-VARELA : Ouverture

UNE VISION ÉLARGIE DE LA SCIENCE
Jean-Pierre DUPUY : L'émergence, l'épanouissement et le déclin d'une idée majeure dans l'histoire des sciences et des techniques : un ordre sans designer [vidéo]
Valérie BONNARDEL : Quel effet cela fait-il d'être un cyborg ? Examinons le cas de la couleur

Après-midi
Henri ATLAN : La rencontre entre biologie et philosophie [vidéo]
Antoine LUTZ : Exploration neurophénoménologique de la relation entre douleur et souffrance chez des méditants novices et experts
Michel LE VAN QUYEN : Activité endogène, oscillation et synchronisation de l'activité dynamique du cerveau

Soirée
Autour du film Monte Grande : What Is Life ? de Franz Reichle


Vendredi 3 juillet
LA PHÉNOMÉNOLOGIE À SES LIMITES
Matin
Jean PETITOT : Que signifie naturaliser la phénoménologie ?
Tom FROESE : Being and Being-with versus the naturalization of phenomenology

Après-midi
Michel BITBOL : La dialectique du corps et de la conscience : une traduction métaphysique de la neurophénoménologie
Natalie DEPRAZ : La cardiophénoménologie. Ou comment raffiner la neurophénoménologie ?
Jean-Daniel THUMSER : Aux entrailles de la subjectivité : pour une cardio et une gastrophénoménologie

Soirée
Présentation artistique


Samedi 4 juillet
LA PENSÉE DE FRANCISCO VARELA, SOURCE D'INSPIRATIONS ÉDUCATIVES
Matin
Michèle DUZERT : Vivre ensemble son autonomie

Après-midi
DÉTENTE

Soirée
Autour du film Monte Grande : What Is Life ? de Franz Reichle


Dimanche 5 juillet
UNE SIGNATURE VARÉLIENNE : L'ÉNACTION
Matin
Claire PETITMENGRIN : L'énaction comme expérience vécue
Charles LENAY : Énaction et interaction : la question du possible
Andreas WEBER : Skincentric Ecology

Après-midi
François SEBBAH : Énaction et éthique
Fabrice MÉTAIS : Faire sens et rencontrer l'autre : énaction et éthique levinassienne

Soirée
Présentation artistique


Lundi 6 juillet
MÉDITATION EN ACTION ET NATURE DE L'ESPRIT
Matin
Le DALAÏ-LAMA : Témoignage
Amy COHEN-VARELA : Titre non communiqué
Philippe CORNU : L'esprit et sa nature ultime dans le Dzogchen

Après-midi
Fabrice MIDAL : Ce que j'ai appris de la méditation grâce à Francisco Varela
Alexis LAVIS : L'approche varélienne du bouddhisme et le rôle du bouddhisme dans l'œuvre de Varela
Elena ANTONOVA : The Mindful Brain and the Nature of Mind : could the neuroscience of mindfulness say anything about consciousness and awareness ?

Soirée
Autour du film Monte Grande : What Is Life ? de Franz Reichle


Mardi 7 juillet
LES ARTISTES : QUEL "CERCLE CRÉATEUR" ?
Matin
Table ronde 1, avec Nico DOCKX (À Travers le Temps et le Jour), Catherine GROUT (Mises en mouvement), Raphaële JEUNE (Varela à l'aventure de l'art) et Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU (Phénoménologie, Conscience et Création)

Après-midi
Table ronde 2, avec Carole HOFFMAN (L'émergence, dans l'oscillation de l'entre-deux), Xavier LAMBERT (Autopoïèse et générativité), Frédéric MATHEVET (Énaction politique dans les arts sonores contemporains) et Célio PAILLARD (L'émergence entre : l'accumulation comme stratégie de création)

Soirée
Présentation artistique


Mercredi 8 juillet
Matin
Table ronde finale et bilan

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Charles LENAY : Énaction et interaction : la question du possible
Les difficultés à l'origine de la fracture apparue entre les approches varéliennes de l'énaction qui se développent actuellement autour de l'idée de sense-making et les approches de l'école de Maturana qui maintiennent une rigoureuse clôture organisationnelle de l'autopoïèse, peuvent se comprendre à partir de la question d'une naturalisation de l'expérience du possible. Je proposerai une piste pour résoudre cette question à partir d'une approche interactionniste prenant au sérieux l'altérité de la rencontre entre différentes clôtures organisationnelles. À l'appui de ces idées, je présenterai une étude expérimentale minimaliste des conditions de la constitution de l'expérience d'une séparation dans un champ de possibles.

Charles Lenay est professeur de sciences cognitives et philosophie, COSTECH (Connaissance, Organisation et systèmes Techniques) à l'université de technologie de Compiègne. Il consacre l'essentiel de ses recherches aux interactions entre organismes vivants et à la constitutivité biologique et technique de l'expérience humaine.

Jean PETITOT : Que signifie naturaliser la phénoménologie ?
Au cours des années 1990, j'ai co-organisé avec Francisco Varela, Jean-Michel Roy et Bernard Pachoud un séminaire au long cours sur la naturalisation de la phénoménologie. Ces travaux ont débouché sur la publication en 1999 de l'ouvrage Naturalizing Phenomenology : Issues in contemporary phenomenology and cognitive science (Stanford University Press). Plusieurs façons de concevoir les relations entre la phénoménologie husserlienne comme eidétique descriptive et les neurosciences cognitives y sont développées. Je me propose de revenir sur ces réflexions.

Né en 1944 à Paris, directeur d'études retraité à l'EHESS, Jean Petitot est un spécialiste des modèles mathématiques en sciences cognitives. Il a appliqué les théories des singularités et des bifurcations constitutives des modèles morphodynamiques de René Thom à divers aspects du structuralisme, à la phénoménologie de la perception et aux neurosciences cognitives. Ces recherches l'ont conduit à un programme de naturalisation de la phénoménologie husserlienne. Il est également un philosophe des sciences et a été dans ce domaine l'un des réintroducteurs de la philosophie transcendantale en mathématiques et en physique modernes.
Publications
Petitot J., 1999 (ed. with F. Varela, J.-M. Roy & B. Pachoud), Naturalizing Phenomenology : Issues in Contemporary Phenomenology and Cognitive Science, Stanford, Stanford University Press.
Petitot J., 2002, "Eidétique morphologique de la perception", Naturaliser la phénoménologie, J. Petitot, F. Varela, J.-M. Roy, B. Pachoud (eds), CNRS Éditions, Paris, 427-484 [en ligne].
Petitot J., 2004, "Géométrie et Vision dans Ding und Raum de Husserl", Des lois de la pensée aux constructivismes, M.-J. Durand-Richard (ed.), Intellectica, 2004/2, 39, 139-167 [en ligne].
Petitot J., 2010, ""Le hiatus entre le logique et le morphologique". Prédication et perception", Semiosis and Catastrophes. René Thom's Semiotic Heritage, W. Wildgen, P.A. Brandt (eds), Peter Lang, Bern, 141-166 [en ligne].
Petitot J., 2014, "Landmarks for neurogeometry", Neuromathematics of Vision, G. Citti, A. Sarti (eds), Springer, Berlin, Heidelberg, 1-85 [en ligne].
Petitot J., 2017, Elements of Neurogeometry. Functional Architectures of Vision, Lecture Notes in Morphogenesis, Springer.
Colloques de Cerisy
(dir.) 1982, Logos et théorie des catastrophes (à partir du travail de René Thom).
(dir.) 1988, Rationalité et objectivités.
(dir.) 1990, Avec Fernando Gil et Heinz Wismann, 1790-1990 - Le destin de la philosophie transcendantale.
(dir.) 1996, Avec Paolo FAabbri, Umberto Eco : au nom du sens.
"Auto-organisation, criticité et temporalité", in Jean-Pierre Dupuy. Dans l'œil du cyclone, Carnets Nord, 2008..


BIBLIOGRAPHIE :

• F. Varela, Principles of Biological Autonomy, Elsevier/North-Holland, New York, 1979, 306 pp (en français : Autonomie et Connaissance : Essai sur le Vivant, Seuil, Paris, 1988).
• H. Maturana and F. Varela, Autopoiesis and Cognition : The realization of the living, Boston, 1980, 141 pp.
• F. Varela, "L'auto-organisation : de l'apparence au mécanisme", in L'auto-organisation. De la physique au politique, Colloque de Cerisy, Éditions du Seuil, 1983.
• H. Maturana and F. Varela, The Tree of Knowledge : A new look at the biological roots of human understanding, Shambhala/New Science Library, Boston, 1987 (en français : L'Arbre de la Connaissance, Addison-Wesley France, Paris, 1994).
• F. Varela, Connaître Les Sciences Cognitives, tendances et perspectives, Éditions du Seuil, Paris, 1988.
• F. Varela, E. Thompson and E. Rosch, The Embodied Mind : Cognitive science and human experience, MIT Press, Cambridge, 1991 (en français : L'Inscription Corporelle de l'Esprit, Seuil, Paris, 1993).
• F. Varela, Un Know-how per l'ettica, The Italian Lectures 3, Editrice La Terza, Roma, 1992 (en français : Quel savoir pour l'éthique ? Action, sagesse et cognition, Éditions La Découverte, Paris, 1996).
• F. Varela and J.-P. Dupuy (Eds.), Understanding Origin : Scientific Ideas on the Origin of Life, Mind, and Society (A Stanford University Interational Symposium), Boston Studies Phil. Sci., Kluwer Assoc., Dordrecht, 1992.
• J. Hayward and F. Varela (Eds.), Gentle Bridges : Dialogues between the Cognitive Sciences and the Buddhist Tradition, Shambhala Publishers, 1992 (en français : Passerelles : Entretiens avec des scientifiques sur la nature de l'esprit, Albin Michel, 1995).
• M. R. Anspach & F. Varela, "Le système immunitaire : un "soi" cognitif autonome", in Introduction aux sciences cognitives, Colloque de Cerisy, Éditions Gallimard, Coll. "Folio Essais", 1992 (réédition en 1995 et 2004).
• F. Varela, Invitation aux Sciences Cognitives, Éditions du Seuil, "Points Sciences", 1996.
• F. Varela (Ed.), Sleeping, Dreaming and Dying : Dialogues between the Sciences and the Buddhist Tradition, Wisdom Book, Boston, 1997 (en français : Dormir, Rêver, Mourir, NIL Éditions, Paris, 1998).
• F. Varela and J. Shear (Eds.), The View from Within : First-Person Methodologies in the Study of Consciousness, Special Issue, Journal of Consciousness Studies, 6(2-3), 1999 (also available as book : Imprint Academic, London, 1999).
• J. Petitot, F. Varela, B. Pachoud and J.-M. Roy (Eds.), Naturalizing Phenomenology : Contemporary Issues in Phenomenology and Cognitive Science, Stanford University Press, Stanford, 1999.
• J. Hayward and F. Varela (Eds.), Gentle Bridges : Conversations with the Dalai Lama on the Sciences of Mind, Shambhala Publishers, 2001.
• N. Depraz, F. Varela and P. Vermersch, On Becoming Aware : Steps to a Phenomenological Pragmatics, Benjamin Publishing, Advances in Consciousness Research, New York, 2003.
• S. Brier and J. Bopry (Eds.), Francisco J. Varela 1946-2001, Special Issue, Cybernetics & Human Knowing, 2004 (also available as book : Imprint Academic, London, 2004).
• C. Petitmengin (Eds.), Ten Years of Viewing from Within : The Legacy of Francisco Varela, Special Issue, Journal of Consciousness Studies, 2009 (also available as book : Imprint Academic, London, 2009).
• F. Varela, Le cercle créateur - Écrits (1976-2001), Seuil, Paris, 2017.


SOUTIENS :

• Équipe de recherche interdisciplinaire sur les aires culturelles (ERIAC, EA 4705) | Université de Rouen Normandie
Archives Husserl (UMR 8547) | CNRS / ENS
• Laboratoire Perception Représentations Image Son Musique (PRISM, UMR 7061) | CNRS / Aix-Marseille Université

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du samedi 26 juin au samedi 3 juillet 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


JULIA KRISTEVA : RÉVOLTE ET RELIANCE

HUMANITÉS, LITTÉRATURE, PSYCHANALYSE


DU MARDI 23 JUIN (19 H) AU DIMANCHE 28 JUIN (14 H) 2020

[ colloque de 5 jours ]



DIRECTION :

Sarah-Anaïs CREVIER GOULET, Keren MOCK, Nicolas RABAIN, Beatriz SANTOS

Avec la participation de Julia KRISTEVA


ARGUMENT :

Cette rencontre se propose comme une traversée dans l'œuvre protéiforme de Julia Kristeva. Toujours en acte, la pensée qu'elle déploie est à l'écoute des bouleversements de l'histoire, des théories et des disciplines, tout comme des enjeux contemporains et des questions éthiques. Conçue dans les mouvements de révolte et de reliance, elle prend ancrage au cœur même de ce qui relie l'intime et le social-historique : là est la force créative d'une œuvre dont le rayonnement dépasse cultures et disciplines.

L'exigence de la vision humaniste de l'auteure oblige à suivre l'héritage des Lumières : c'est en confrontant les points de vue que, dans le vaste ensemble de leurs enchevêtrements, la complexité se dévoile. De la signifiance au récit intertextuel, de l'inscription inconsciente aux limites de la vie, de la révolte adolescente à la violence des pouvoirs de l'horreur, des portraits littéraires aux expressions esthétiques et artistiques, du besoin de croire à la pulsion de savoir, les trois volets de ce colloque (humanités, littérature, psychanalyse) permettront de considérer à sa juste mesure la singularité du parcours kristévien.

Sans pour autant prétendre à l'exhaustivité, les réflexions éclairées par le débat avec de nombreux penseurs tant français qu'étrangers permettront d'entretenir un dialogue privilégié avec celle qui se définit comme un "monstre de carrefours" et qui est assurément, non seulement une personnalité hors pair, mais aussi l'une des intellectuelles les plus importantes de notre temps.


MOTS-CLÉS :

Croyance, Esthétique, Éthique, Fictions, Kristeva (Julia), Langage, Psychanalyse


CALENDRIER PROVISOIRE :

Mardi 23 juin
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mercredi 24 juin
Matin
Carin FRANZÉN : L'œuvre de Julia Kristeva — un antidote au vide symbolique dans la culture contemporaine
Discutante : Keren MOCK

Dialogue — Modérateur : Samuel LEPASTIER
Jean-Louis BALDACCI & Françoise COBLENCE : Reliance et sublimation dans l'esthétique et dans la clinique

Après-midi
Éthique et médecine, table ronde animée par Danièle BRUN, avec Jean-Claude AMEISEN, Eivind ENGEBRETSEN et Charles GARDOU

Dialogue — Modérateur : Nicolas RABAIN
Laurent DANON-BOILEAU : Exil, mélancolie, sublimation & Gilbert DIATKINE : Interprétation et traduction

Soirée
Lectures, par Charlotte CASIRAGHI, Sihem HABCHI & Teodor KOTOV


Jeudi 25 juin
Matin
Alice JARDINE : At the risk of thinking
Discutante : Keren MOCK

Laurie LAUFER : Souffrir non souffrir : le soleil noir de la mélancolie
Discutante : Beatriz SANTOS

Après-midi
Perspectives contemporaines sur la chora, table ronde avec Sarah-Anaïs CREVIER GOULET, Miglena NIKOLCHINA et Audrey RICHARD-BURTEY

Griselda POLLOCK : Rencontre politique, éthique et esthétique entre Julia Kristeva et Marilyn Monroe

Soirée
Écrivains : témoignage et écriture, avec Michal BEN-NAFTALI, Philippe FOREST et Tiphaine SAMOYAULT


Vendredi 26 juin
Matin
Les territoires de la fiction, table ronde avec Marilia AISENSTEIN, Pierre-Louis FORT et Keren MOCK

Marian HOBSON : "Le son de cloche" : système / dissémination dans la pensée de Julia Kristeva
Discutante : Rachel BOUÉ-WIDAWSKY

Après-midi
Adolescence et révolte, table ronde avec Samuel DOCK, Brigitte MOÏSE DURAND et Nicolas RABAIN

Entretien avec Philippe SOLLERS

Soirée
Julia KRISTEVA : Avons-nous besoin de croire ?, entretien avec Martin LEGROS, accompagné au saxophone par Raphaël IMBERT


Samedi 27 juin
Matin
Dialogue — Modérateur : Thamy AYOUCH
Ellen MORTENSEN : L'écriture de la chair. Julia Kristeva sur Colette et l'alphabet nouveau de sens & Cecilia SJÖHOLM : Kristeva, Arendt et la vie du sujet

Dialogue — Modérateur : Laurent DANON-BOILEAU
Dominique DUCARD : Le milieu interne du langage & Marie-Christine LALA : Les mutations du sémiotique entre langue, sujet et discours

Après-midi
Portraits littéraires, table ronde animée par Nicolas AUDE, avec Éric MARTY et Jean-François RABAIN

Dialogue
Karine ROUQUET-BRUTIN : Julia Kristeva et la question du matricide de la langue natale & David UHRIG : Le "pathos" du Neutre

Soirée
"HORS LES MURS" — À LA CATHÉDRALE DE COUTANCES
Stabat Mater, concert organisé par Jean-François DÉTRÉE, avec Pauline JAMBET (récitante), Françoise MASSET (voix) et Pascale ROUET (orgue)


Dimanche 28 juin
Matin
Discussion avec Julia KRISTEVA

Rapport d'étonnement des doctorants, animé par Nicolas AUDE

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Marilia AISENSTEIN
Philosophe de formation, Marilia Aisenstein est psychanalyste, titulaire formateur de la Société Hellénique de Psychanalyse et de la Société de Psychanalyse de Paris dont elle a été présidente. Elle s'est essentiellement impliquée dans l'Association Internationale en étant Représentant de l'Europe au Comité Exécutif et président du Comité des Nouveaux Groupes. Elle a beaucoup écrit en Grec et en Anglais sur le corps, le transfert, la maladie psychosomatique. Une traduction de son dernier livre est sous presse aux Éditions d'Ithaque sous le titre : Désir, Douleur, Pensée.

Nicolas AUDE
Ancien élève de l'ENS de Paris (2008), agrégé de Lettres modernes (2013), Nicolas Aude est docteur en littérature comparée de l'université Paris Nanterre. Sa thèse, en cours de publication, s'intitule "Les Aveux imaginaires. Scénographie de la confession dans le roman du XIXe siècle (Angleterre, France, Russie)". Ses recherches actuelles portent sur Fédor Dostoïevski et la littérature mondiale.

Jean-Louis BALDACCI : Reliance et sublimation
Les notions d'abjection et de reliance de Julia Kristeva se proposent d'enrichir la compréhension et le traitement des "nouvelles maladies de l'âme" que rencontre de nos jours la psychanalyse. En recoupant la notion freudienne de sublimation, elles permettent à la métapsychologie d'interroger les champs de la créativité et de l'esthétique.
Bibliographie
Kristeva J., Les nouvelles maladies de l'âme, Paris, Fayard, 1993.
Kristeva J., La reliance ou de l'érotisme maternel, Revue Française de Psychanalyse, 5-2011, pp. 1559-1570.
Kristeva J., Autour d'Emile Benveniste, ouvrage collectif, Coll. "Fiction et Cie", Paris, Seuil, 2016, pp. 97-151.
Kristeva J., Je me voyage, entretiens avec Samuel Dock, Paris, Fayard, 2016.

Jean-Louis Baldacci, psychiatre, psychanalyste, membre titulaire formateur de la Société psychanalytique de Paris, a dirigé le Centre de Consultations et de Traitements Psychanalytiques Jean Favreau de 2000 à 2015.
Publication
"Dépasser les bornes". Le paradoxe du sexuel, PUF, 2018.

Laurent DANON-BOILEAU : Exil, mélancolie, sublimation
L'exil est fauteur de déracinement psychique. Mais il peut également être source de déploiement. Et, de ce point de vue, il dispose de l'une au moins des qualités inhérentes aux objets de la psychanalyse telle que le transfert, le refoulement ou la pulsion. Il peut être fléau ou bienfait, la pire ou la meilleure des choses. Dans ses formes les plus connues, tel qu'il apparaît d'ordinaire, c'est un drame responsable de mélancolie. Pourtant, à certaines conditions, il peut aussi constituer une incitation décisive à la sublimation. L'œuvre de Julia Kristeva permet d'approcher la valence paradoxale de l'exil qui n'est ni nostalgie ni exode mais exigence de travail de traduction et de perlaboration entre terre (et langue) maternelle et terre et langue d'asile. C'est dans cette perspective que s'inscrira cette intervention.

Références bibliographiques
Kristeva J. (1987), Soleil noir. Dépression et mélancolie, Folio, Gallimard.
Kristeva J. (1994), Le temps sensible - Proust et l'expérience littéraire, Gallimard.
Kristeva J. (2001), Étrangers à nous-mêmes, Folio, Gallimard.

Gilbert DIATKINE : Interprétation et traduction
Une nouvelle traduction d'une œuvre déjà traduite antérieurement nous apporte souvent un éclairage inédit qui modifie notre compréhension du texte. Si la traduction nouvelle est bonne, elle nous fait pénétrer plus avant dans notre approche de l'original. Comme Julia Kristeva l'écrit, citant Proust, l'œuvre originale est elle-même une traduction de l'œuvre que l'auteur portait en lui. De même, un psychanalyste sait qu'il a donné une interprétation à son patient si celui-ci lui répond en y associant un matériel nouveau, auquel l'analyste ne s'attendait pas, mais néanmoins complètement déterminé par l'organisation des fantasmes inconscient du patient. Comme la traduction, l'interprétation est virtuellement un travail infini, mais qui s'approche toujours plus près de la vérité du sujet. À la lumière du rapprochement entre interprétation et traduction, nous discuterons deux idées importantes de Julia Kristeva : "La Chose" et "L'opposition sémiotique/symbolique".

Références bibliographiques
Kristeva J. (1987), Soleil noir. Dépression et mélancolie, Folio essais, Paris, 257p.
Kristeva J. (2013), "Traduire la douleur, ou le langage comme contre-dépresseur", Figures de la psychanalyse, 2013/2, 13-25.
Kristeva J. (2014), L'amour de l'autre langue, Sommet du livre à la Bibliothèque Nationale de France.

Dominique DUCARD : Le milieu interne du langage
Penser la complexité du langage exige du linguiste d'adopter un point de vue sémiologique qui traverse les domaines des humanités, des sciences sociales et des sciences de l'esprit. Pour reprendre le questionnement du sens provoqué par la sémanalyse dans les années 1970, nous confronterons le modèle épistémologique de la linguistique de l'énonciation (Culioli) et la conception de la signifiance selon Julia Kristeva, construite sur la double instance du sémiotique/symbolique et le dédoublement du texte en génotexte et phénotexte, les deux approches se rejoignant dans une référence commune à la khōra platonicienne. Cela nous conduira à introduire la notion de milieu interne du langage, dans la perspective d'une théorie de l'énonciation visant l'activité signifiante de langage, dans ses deux dimensions (inter)subjective et transindividuelle, de l'intime au commun.

Dominique Ducard enseigne la sémiologie et la linguistique à l'université Paris-Est Créteil. Ses travaux de recherche portent sur l'activité signifiante de langage dans l'exercice de la parole et du discours, à travers l'étude des textes, et, plus largement, sur l'activité symbolique de représentation liée au langage, dans la perspective d'une sémiologie interprétative (R. Barthes, J. Kristeva) fondée sur une théorie de l'énonciation (Culioli).

Pierre-Louis FORT
Maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise et membre du laboratoire Agora de l'UCP, Pierre-Louis Fort consacre l'essentiel de ses recherches à la littérature française des XXe/XXIe siècle et à la littérature de jeunesse.
Publications
Ma mère, la morte, l'écriture du deuil chez Yourcenar, Beauvoir et Ernaux, Imago, 2007.
Critique et littérature, Gallimard, 2008.
Simone de Beauvoir, Essai, coll. "Libre cours", PU de Vincennes, 2016.
Codirection
(Re)découvrir l'œuvre de Simone de Beauvoir : du Deuxième Sexe à La Cérémonie des adieux, avec J. Kristeva, P. Fautrier et A. Strasser, Éditions du Bord de l'eau, 2008.
La France et l'Algérie en 1962, avec C. Chaulet Achour, Karthala, 2014.
Annie Ernaux, un engagement d'écriture, avec V. Houdart-Merot, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2015.
Sur l'œuvre de J. Kristeva
Il a préparé le volume La Haine et le pardon, Fayard (2005) et a écrit plusieurs articles consacré à ses travaux, en français ("Du "monstre de carrefour" au "monstre sacré" : pour une esthétique du thyrse chez Julia Kristeva" ou en anglais ("At the crossroads of language and identity : Julia Kristeva's bilingualism »).
Il travaille plus précisément sur son œuvre romanesque : il a ainsi conduit deux entretiens avec Julia Kristeva à propos de sa conception du roman dans L'Infini et vient de terminer un article sur ce sujet à paraître prochainement dans The philosophy of Julia Kristeva (Sarah Beardsworth ed., Volume XXXVI in the Library of Living Philosophers series, Open Court Publishing Company, USA).

Carin FRANZÉN : L'œuvre de Julia Kristeva — un antidote au vide symbolique dans la culture contemporaine
Face aux malaises d'une culture dirigée par le capitalisme global, appauvrissant la singularité du sujet et sa capacité de critique et de résistance, il est devenu de plus en plus urgent de retrouver les moyens d'une reliance entre sujets pour mieux résister à une nouvelle normativité qui incite chacun à se soumettre à une flexibilité à tout prix. Cette communication montrera comment Kristeva, par son renouvellement de la tradition humaniste à travers la psychanalyse, l'art et la littérature, nous offre une remise en cause essentielle de ces "nouvelles maladies de l'âme", donnant sur une autre structuration de la subjectivité et de la personne ainsi qu'une pratique de plasticité ouverte à de nouvelles transformations.

Après sa thèse de doctorat sur la poétique psychanalytique de Julia Kristeva (soutenu à l'université de Stockholm en 1995), Carin Franzén a dédié ses recherches en littérature comparée à des études où l'œuvre de Kristeva a une place centrale.
Publication
"An Antidote to the Crisis of Contemporary Culture : Rereading Kristeva on Duras", in The Philosophy of Julia Kristeva, éd. Beardsworth & Auxier (à paraître en août 2020).

Charles GARDOU
Charles Gardou est anthropologue et professeur à l'université Lumière Lyon 2, où il est, entre autres, responsable scientifique du master spécialisé Référent Handicap. À partir d'un itinéraire qui l'a confronté à la diversité humaine dans différents lieux du monde, il consacre ses travaux à la diversité, à la vulnérabilité et à leurs multiples expressions. Il a créé et dirige la collection "Connaissances de la diversité" aux Éditions érès, où il est l'auteur de plus de 20 ouvrages, traduits en plusieurs langues. Il a créé et co-présidé avec Julia Kristeva le Conseil National du Handicap et organisé avec elle les Premiers États Généraux du handicap à l'UNESCO en 2005. Il est l'initiateur d'un appel national qui a abouti à la cérémonie mémorielle du 10 décembre 2016 sur l'Esplanade de droits de l'Homme au Trocadéro, où le Président de la République a rendu hommage aux 45000 personnes fragilisées par la maladie ou le handicap, abandonnées à la mort dans les hospices et hôpitaux psychiatriques sous l'Occupation.
Publications
Pascal, Frida Kahlo et les autres… Ou quand la vulnérabilité devient force, Éditions érès, 2009 (réédition en 2014).
La société inclusive, parlons-en ! Il n'y a pas de vie minuscule, Éditions érès, 2012 (réédition en 2018).

Marian HOBSON : "Le son de cloche" : système / dissémination dans la pensée de Julia Kristeva
Les penseurs français qui percent dans les années 60 et 70 ont une caractéristique commune : tout se passe comme s'ils développaient des vocables singuliers qui marqueraient leur style. Pourtant ceux-ci sont repris par d'autres de leurs contemporains, qui participent ainsi comme dans un nœud d'échos, de relais. Et cela sans former nécessairement un groupe par l'orientation de leur pensée. Cette communication cherchera à établir ce que pourrait indiquer cette particularité, et si c'en est une.

Marian Hobson a été maître assistante, Université de Genève (1973-1976) ; Fellow Trinity College, Université de Cambridge (1977-1992) [la première femme Fellow] ; Professeure, Université de Cambridge (1982-1992) ; Professeure, Queen Mary University of London (1992-2005). Depuis, elle est professeure émérite.
Visiting Professor : Université de Paris 7 (1997), University of Johns Hopkins (1996, 2005, 2006), University of Michigan (2006), University of Harvard (2007).
Visiting Lecturer : East China Normal School (automne 2011), Shang’Hai, Jiao Tong University, Institute for Advanced Study in European Culture (2016).
Publications
The object of art : the theory of illusion in 18th century France, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, 2006 ; en français : L'art et son objet : Diderot, la théorie de l'illusion et les arts en France au XVIIIe siècle, Paris, Champion, 2007 ; publié en chinois, East China Normal Press Ltd, 2019.
Jacques Derrida : opening lines, London, Routledge, 1998 ; publié en turc, 2004.
Diderot and Rousseau : Networks of Enlightenment, articles édités par Kate E. Tunstall and Caroline Warman, Oxford, Voltaire Foundation, 2011 ; publié en chinois, 2014, East China Normal Press Ltd.
Diderot, Lettre sur les aveugles, Lettre sur les sourds et muets, éditées avec notes, Paris, Flammarion, 2000.
Diderot, Le Neveu de Rameau, édité avec notes, Geneva, Droz.
Denis Diderot's Rameau's Nephew : a Multi-Media Edition, Cambridge, 2014. Édité par Marian Hobson. Traduit par Kate E. Tunstall et Caroline Warman. Musique jouée par des étudiants du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, sous la direction de Pascal Duc, qui a choisi les morceaux. Les notes ne sont pas identiques à l'édition publiée chez Droz.

Alice JARDINE : At the Risk of Thinking
At the Risk of Thinking est la première biographie de Julia Kristeva. Cet ouvrage destiné à un vaste lectorat anglophone a pour but de rendre plus accessible le travail de Kristeva en liant son parcours personnel, depuis son enfance en Bulgarie communiste jusqu'à sa vie d'intellectuelle publique internationale, à l'histoire de ses idées. Alice Jardine va partager quelques réflexions à propos de son travail biographique qui, sans hésiter à mettre en évidence la complexité de l'écriture de Kristeva, souligne surtout l'appel de Kristeva à une renaissance urgente d'une pensée interdisciplinaire audacieuse afin de comprendre — et d'agir dans — le monde d'aujourd'hui.

Alice Jardine est professeur de langues et littératures romanes et d'études des femmes, du genre et de la sexualité à Harvard University, aux États-Unis. Sa biographie intellectuelle de Julia Kristeva, At the Risk of Thinking : An Intellectual Biography of Julia Kristeva paraît chez Bloomsbury Press en janvier 2020. Parmi ses autres publications : The Future of Difference, Gynésis : Configurations of Woman and Modernity, et Living Attention : On Teresa Brennan. D’autre part, avec Thomas Gora et Leon Roudiez, Alice Jardine a traduit Desire in Language : A Semiotic Approach to Literature and Art de Julia Kristeva.

Marie-Christine LALA : Les mutations du sémiotique entre langue, sujet et discours
La rencontre avec l'œuvre de Julia Kristeva participe de la même curiosité ardente, constante et partagée, qui fait traverser les domaines du savoir contemporain dans les sciences de l'homme, délivrant à la fois les risques et les richesses de toute perspective transdisciplinaire. En particulier, l'horizon sémiologique des sciences du langage suscite des interrogations critiques, toujours renouvelées, sur les mutations du sémiotique. Dès les années 1970, les travaux de Kristeva se portent sur les épistémologies de la linguistique pour placer au centre les rapports du sujet à la langue. Leur regard pionnier sur l'apport de Benveniste n'a fait que se confirmer dans les récentes études des manuscrits de ce grand linguiste du discours, des langues et du langage. Dans ce dialogue, nous souhaitons examiner à nouveaux frais certains concepts proposés par Kristeva, comme la dyade sémiotique/symbolique, tout en mesurant le chemin parcouru dans le champ de la linguistique de l'énonciation.

Marie-Christine Lala est maître de conférences-HDR en sciences du langage et en langue et littérature françaises à l'université de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Ses publications portent en particulier sur l'analyse linguistique du texte littéraire et sur les écritures des XX-XXIe siècles (Bataille, Leiris, Duras, Quignard, Echenoz, Guyotat…). Elle est l'auteure de Georges Bataille, Poète du réel (Bern, Peter Lang, 2010) – monographie issue de ses séminaires au Collège international de philosophie. Le domaine de ses recherches postule l'extension d'une sémantique discursive où l'énonciation et la linguistique textuelle autorisent l'émergence de nouveaux concepts en analyse du discours.

Keren MOCK
Diplômée de psychologie et de philosophie, traductrice, docteur ès lettres, Keren Mock a soutenu sa thèse sous la direction de Julia Kristeva et de Pierre-Marc de Biasi (prix de l'Institut des Humanités de Paris). Après avoir assuré pendant plusieurs années une charge de cours d'hébreu moderne à l'ENS de Paris et avoir été ATER au département d'Études Psychanalytiques, elle a été lauréate en 2016 de la Visiting Junior Scholar Fellowship du France-Stanford Center for Interdisciplinary Studies. Son ouvrage, Hébreu, du sacré au maternel (CNRS Éditions, 2016) explore dans une perspective interdisciplinaire les processus par lesquels l'hébreu a pu redevenir une langue maternelle.
Ouvrage
Hébreu, du sacré au maternel, Préfaces de Pierre-Marc de Biasi et Julia Kristeva, Paris, CNRS Édition, 2016, 360 p.
Quelques publications
"Language and Sacredness in The Quest for Subjectivity", in The Philosophy of Julia Kristeva, Library of Living Philosophers, S. G. Beardworth (ed.), LaSalle, Ilinois, Open Court (à paraître en 2020), ch. 20, p. 467-480.
"Freud et la langue maternelle : une définition par le négatif", in Cliniques méditerranéennes, n°101 (1), (à paraître en 2020), pp. 127-138.
"Mélancolie des origines", in Meurtre de la mère, coll. "Présent de la psychanalyse", P. Merot (ed.), Paris, Puf, 2019, p. 93-109.
"La nature du nom : modification, conservation et dégénérescence", in J. Baumgarten, I. Rosier-Catach et P. Totaro (dir.), Spinoza, philosophe grammairien : le Compendium grammatices linguae hebraeae, Paris, CNRS Éditions, 2019, p. 185-201.
"Dans l'ombre de l'objet : Le deuil au risque du double", in Research in Psychonalysis, 2018/2, n°26, p. 121a-129a (en français et anglais).
"The Need to Believe and the Archive : Interview with Julia Kristeva", in V. Shemtov, A. Weitzman (dir.), Dibur, 3, 2016, Stanford University [en ligne].

Griselda POLLOCK : Rencontre politique, éthique et esthétique entre Julia Kristeva et Marilyn Monroe
En 1954, Willem de Kooning a peint une image triste et poignante intitulée Marilyn. Après avoir terminé une série de six peintures hiératiques intitulées Woman / Femme (1950-53) qui pourrait bien faire référence à l'émergence d'une "star" du cinéma américain, à savoir Marilyn Monroe en tant qu'icône cinématographique du début des années 1950, ce "portrait" de 1954 "dément" les "êtres éclatés, féroces, drôles et inaccessibles quoique massacrés par l'artiste", pour reprendre les mots de Julia Kristeva décrivant la série Woman en 1977. "Mais si elles avaient été créées par une femme ?", demande-t-elle à la fois. Dans cette conférence, nous esquisserons un discours "kristévien" sur la création artistique et l'esthétique de la différence sexuelle à travers l'image (représentation) et les pratiques de l'art (processus et matérialité), en montrant comment les différents écrits de Kristeva proposent des façons de croiser le marxisme, le féminisme et la psychanalyse freudienne permettant de repenser la politique et l'éthique de l'esthétique. Nous considérerons l'image créée par Marilyn Monroe à travers une lentille historique de l'art féministe, façonnée par différentes théorisations psychanalytiques de la créativité.

Karine ROUQUET-BRUTIN : Julia Kristeva et la question du matricide de la langue natale
J'ai toujours été frappée par les échos jubilatoires que déclenchait la lecture du texte de Julia Kristeva "Écrire en français" dans les groupes de jeunes chercheurs étrangers rassemblés autour de cette tâche : écrire, transcrire, traduire leur recherche en français(1). Sans aucun doute, il s'agissait là d'un moment épiphanique. S'ouvrait alors, travaillée au forceps par les métaphores et le jeu des oxymores, une chambre intime, subjective, donnant corps à une scène jusqu'ici inouïe. Serait-ce la scène du "matricide" annoncée par l'affirmation : "Il y a du matricide dans l'abandon d'une langue natale"(2) ?
(1) Dans les ateliers "Écrire la recherche en français", que j'ai animés à la Cité internationale Universitaire de Paris et dans le Centre de Formation des Doctorants à Paris Diderot Sorbonne Cité.
(2) Kristeva, Julia, "Écrire en français", Tu parles !? Le français dans tous ses états, Flammarion, Paris, 2001, p. 63-74.

Karine Rouquet-Brutin est Docteure es Lettres sous la direction de Julia Kristeva. Enseignante de littérature, psychopédagogue, elle a travaillé en Institution Psychiatrique, Médico-pédagogique, et Psychanalytique.
Publication
L'alchimie thérapeutique de la lecture. Des larmes au lire, Paris, L'Harmattan, 2000.
Articles
Avec Diana Cheaib et Susanne Muller, "Partir étudier ailleurs, passer une frontière, trouver une langue", Les discours meurtriers aujourd'hui, Colloque de Cerisy, juillet 2018.
"La mise en place du destinataire intérieur dans divers travaux d'écriture en Institution Psychiatrique ou dans un cadre thérapeutique", Écriture et psychose. Lire l'illisible, sous la direction de Laurence Aubry, PUP, 2018.
"France, ma souffrance !", Actes du Xème séminaire de la Francophonie, Uma leia &meia, Université Feira de Santana (Brésil), 2015.
"Passer une frontière, trouver une langue", Violence politique, traumatisme, processus d'élaboration et de création, Éditions Academia, Coll. "Intellection", n°21, L'Harmattan, 2012.
"Destins métisses et constructions identitaires : l'appel à l'autre langue, l'autre culture", Exils, migrations, création, sous la direction d'Évelyne Hanquart-Turner, Indigo et côté-femmes éditions, 2008.

Cecilia SJÖHOLM
Cecilia Sjöholm est professeur d'esthétique à l'université de Södertörn à Stockholm. Elle a publié largement sur l'histoire de l'esthétique, notamment en conjonction avec la politique et la psychanalyse.
Publications
Doing Æsthetics with Arendt ; How to see Things, Columbia University Press (2015).
Kristeva and the Political, London, Routledge (2005).
The Antigone Complex ; Ethics and the Invention of Feminine Desire, Calif, Stanford University Press (2004).

David UHRIG : Le "pathos" du Neutre
Soucieux de retrouver un "dédoublement initial" au cœur des œuvres qu'il a commentées, Blanchot a décrit avec une extrême acuité phénoménologique la limite transcendantale — et non psychologique — de tout projet littéraire. Comme l'a souligné Roland Barthes dans son cours sur Le Neutre, cette manière de concevoir la littérature n'est possible qu'à la condition de faire du langage "quelque chose d'atopique". Rien n'oblige à accepter une conception de la littérature en vertu d'une transparence dont Blanchot lui-même a pu souligner "le statut ambigu et non innocent : il y aurait une opacité de la transparence…". En nous appuyant sur cette idée d'André Green que "c'est par l'affect que le moi se donne une représentation irreprésentable de lui-même", nous chercherons à définir ce que Julia Kristeva n'a pas hésité à désigner comme le "pathos" blanchotien.

David Uhrig a débuté ses recherches, sous la direction de Julia Kristeva, il y a vingt-cinq ans. Au croisement de la philosophie et de la psychanalyse, le recueil Pulsions du Temps (Fayard, 2013), traduit en anglais sous le titre Passions of our time (Columbia University Press, 2018), est le fruit de son travail éditorial. Enseignant à New York University, David Uhrig est spécialiste de l'œuvre de Maurice Blanchot dont il a révélé la genèse complexe et contradictoire (Chroniques politiques des années 30, Gallimard, 2017).


Perspectives contemporaines sur la chora, table ronde avec Sarah-Anaïs CREVIER GOULET, Miglena NIKOLCHINA et Audrey RICHARD-BURTEY
Nous réfléchissons dans un séminaire théorico-clinique depuis deux ans sur la thématique de la "chair des mots" autour du travail de Julia Kristeva et avec elle. La chair des mots serait définie au XVIIe siècle par Baltasar Gracian comme "intense profondeur des mots" et, dans notre pratique psychanalytique, permettrait d'amener notre écoute au cœur du conflit ou du trauma psychosexuel en repérant au plus près la co-présence pulsion-langage.
Pour cette table ronde, nous souhaitons mettre en perspective et articuler la chora avec la chair des mots. Il s'agirait de rester dans notre chair de psychanalyste et d'éclairer ce pont sémantique de chora linguistique à chair des mots psychanalytiques. Nous partons ainsi de l'hypothèse que la chair des mots serait l'équivalent psychanalytique de la chora définie dans "la révolution du langage poétique" comme "un dialogue qui traite des commencements : l'articulation de processus et de pulsions primaires qui seraient le matériau d'où émerge le langage".
Dans la chora mais aussi dans la chair des mots, nous serions du côté du sémiotique, d'une expérience qui est un indicateur mais ne vient pas encore symboliser.
Dans notre pratique ce serait ainsi ces moments souvent épiphaniques de jaillissement d'une sensation transféro contre-transférentielle que l'analyste va restituer afin de laisser une trace, amorcer un mouvement pulsionnel qui amènera vers un mouvement psychique qui sera restitué peut-être par des mots sans en être la finalité.

Miglena Nikolchina est professeure au département d'histoire et de théorie littéraires de l'université de Sofia, Bulgarie. Son écriture théorique est à la croisée de la littérature, de la philosophie, des études politiques et de la théorie féministe. Beaucoup de ses articles sur Julia Kristeva.
Publications
Matricide in Language : Writing Theory in Kristeva and Woolf, 2004.
Lost Unicorns of the Velvet Revolutions : Heterotopias of the Seminar, 2013.

Audrey Richard-Burtey est psychiatre et psychanalyste, membre adhérent de la SPP, de la SEPEA, et médecin directeur du CMPPU d'Aix-En-Provence. Elle co-anime depuis septembre 2017 un séminaire d'étude et de recherche clinique et théorique avec Julia Kristeva intitulé La chair des mots.
Bibliographie
Aisenstein M., "La chair des mots", in J. Press, I. Nigolian (dir.), Corps parlant, corps parlé, corps muet, In Press, 2016.
Freud S. (1888), "Quelques considérations pour une étude comparative des paralysies motrices organique et hystériques", in Résultats, idées, problèmes, T.1, Puf, 1984.
Freud S. (1890), "Le traitement psychique", in Résultats, idées, problèmes, T.1, Puf, 1984.
Freud S. (1893-1895), Études sur l'hystérie, Puf, 1956.
Freud S. (1933), Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse, Gallimard, 1984.
Green A., Le discours vivant : la conception psychanalytique de l'affect, Paris, Puf, 1973.
Kristeva J., "Les métamorphoses du "langage" dans la découverte freudienne", in Sens et non sens de la révolte, Fayard, 1996.
Kristeva J., "La chair des mots", in B. Chervet (dir.), L'interprétation, monographies et débats de psychanalyse, Puf, 2012.
Kristeva J., "L'affect, cette "intense profondeur des mots", in Pulsions du temps, Fayard, 2013.
Winnicott D. W., "L'esprit et ses rapports avec le psyché-soma", in De la pédiatrie à la psychanalyse, Payot, 1969.


BIBLIOGRAPHIE :

Julia Kristeva, romancière

• Kristeva J. (1991), Le Vieil Homme et les loups, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (1992), Les Samouraïs, Paris, Gallimard, coll. "Folio".
• Kristeva J. (1996), Possessions, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2004), Meurtre à Byzance, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2008), Thérèse mon amour : Sainte Thérèse d'Avila, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2015), L'Horloge enchantée, Paris, Fayard.

Essais linguistiques et littérature

• Joyaux J. (1969), Le Langage, cet inconnu – Une initiation à la linguistique, Paris, Éditions SGPP (Réédité sous le nom de Julia Kristeva en 1981 aux Éditions du Seuil, coll. "Points").
• Kristeva J. (1969), Σημειωτική – Recherches pour une sémanalyse, Paris, Éditions du Seuil, coll. "Tel Quel".
• Kristeva J. (1974), La Révolution du langage poétique. L'avant-garde à la fin du XIXe siècle : Lautréamont et Mallarmé, Paris, Éditions du Seuil, coll. "Tel Quel".
• Kristeva J. (1977), Polylogue, Paris, Éditions du Seuil, coll. "Tel Quel".
• Kristeva J. (1994), Le Temps sensible – Proust et l'expérience littéraire, Paris, Gallimard.

Autres essais

• Kristeva J. (1974), Des Chinoises, Paris, Éditions Des femmes.
• Kristeva J. (1980), Pouvoirs de l'horreur. Essai sur l'abjection, Paris, Éditions du Seuil, coll. "Tel Quel".
• Kristeva J. (1983), Histoires d'amour, Paris, Éditions Denoël, coll. "L'Infini".
• Kristeva J. (1987), Soleil noir – Dépression et mélancolie, Paris, Gallimard, NRF.
• Kristeva J. (1988), Étrangers à nous-mêmes, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (1993), Les Nouvelles Maladies de l'âme, Paris, Fayard.
• Clément C. & Kristeva J. (1998), Le Féminin et le sacré, Paris, Stock.
• Kristeva J. (1996), Sens et non-sens de la révolte – Pouvoirs et limites de la psychanalyse, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (1997), La Révolte intime – Pouvoirs et limites de la psychanalyse II, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (1998), L'Avenir d’une révolte, Paris, Calmann-Lévy, coll. "Petite Bibliothèque des Idées".
• Kristeva J. (1999), Le Génie féminin, tome I : Hannah Arendt, Paris, Folio.
• Kristeva J. (2000), Le Génie féminin, tome II : Melanie Klein, Paris, Folio.
• Kristeva J. (2002), Le Génie féminin, tome III : Colette, Paris, Folio.
• Kristeva J. (2001), Au risque de la pensée, La Tour-d'Aigues, Éditions de l'Aube.
• Kristeva J. (2003), Lettre ouverte au président de la République sur les citoyens en situation de handicap, à l'usage de ceux qui le sont et ceux qui ne le sont pas, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2005), La Haine et le Pardon, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2007), Cet incroyable besoin de croire, Paris, Bayard.
• Kristeva J. & Vanier J. (2011), Leur regard perce nos ombres, Paris, Fayard.
• Kristeva J. & Sollers Ph. (2015), Du mariage considéré comme un des beaux-arts, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2016), Je me voyage – Mémoires. Entretiens avec Samuel Dock, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2016), Beauvoir présente, Paris, Fayard, coll. "Pluriel".

Textes en ligne de Julia Kristeva

kristeva.fr/textes.html


SOUTIENS :

• Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) | Ministère de la Culture
UFR IHSS, Département d'Études psychanalytiques - CRPMS & UFR LAC, CERILAC | Université Paris Cité
THALIM (UMR 7172) | CNRS / Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 / ENS
• Commission de la Recherche (CR) & Relations Internationales et Partenariats (RIP) | Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du vendredi 30 avril au mardi 4 mai 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


ARTS ET ÉCRITS REBELLES

IMAGES DISSIDENTES ET RÉSISTANCES DE LA LANGUE


DU MERCREDI 17 JUIN (19 H) AU DIMANCHE 21 JUIN (14 H) 2020

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Idoli CASTRO, Sonia KERFA, Sophie LARGE, Evelyne LLOZE, Yolaine PARISOT


ARGUMENT :

Se rebeller, c'est repartir en guerre selon l'étymologie. Repartir implique un acte de réinvention des pratiques tant artistiques que littéraires, et il faut faire crédit à la rébellion et à la dissidence d'une capacité d'inventivité qui atteint l'ensemble des créations humaines, y compris les arts. Plus de soixante-dix ans après la célèbre définition de l'"artiste engagé" par Sartre, ce colloque propose d'analyser les reconfigurations actuelles de la résistance dans les arts et les écrits, et ainsi d'étudier en quoi l'émergence de nouvelles épistémologies ont pu profondément les modifier en faisant entrer dans le champ de la connaissance certaines pratiques. Les travaux s'intéresseront non pas à une aire culturelle mais à un réseau de relations : celles du monde dit occidental articulé aux mondes des "Suds" qui ont expérimenté des formes de rébellions et des révolutions multiples et diverses, mais aussi des manières de vivre la démocratie et de revendiquer des libertés individuelles qui ont été fécondes pour la création.


MOTS-CLÉS :

Arts visuels, Émancipation, Littérature, Rébellion, Réinvention


COMMUNICATIONS (suivies de débats) :

* Juan ALBARRÁN : Santiago Sierra et les sujets de la résistance
* Florian ALIX : Réécriture de l'Histoire coloniale au féminin : médiation et sensation chez Assia Djebar (La Femme sans sépulture), Anna Moï (Riz noir) et Léonora Miano (La Saison de l'ombre)
* Paula BARREIRO LÓPEZ : De retour à l'archive visuelle révolutionnaire : pratiques artistiques mondialisées et leurs spectres tricontinentaux
* Anne-Laure BONVALOT : Écofictions des Suds : "réalisme magique", environnementalisme littéraire et décolonialité
* Sylvie CHALAYE : Les marronnages de la création afro-diasporique contemporaine
* Chloé CHAUDET : Peter Weiss transaréal ? Enjeux et limites d'une (re)lecture de L'Esthétique de la résistance par temps de mondialisation
* Romuald FONKOUA : Léon-Gontran Damas, les voies rebelles de l'anthropologie et de la poésie
* Béatrice JOSSE : Contre l'art des œuvres d'art
* Samia KASSAB-CHARFI : La langue nue du judéotunisien : le récit en souffle continu de Marco Koskas
* Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Transformisme et politique dans les Caraïbes hispanophones (Cuba et Porto Rico)
* Claire LAGUIAN : Les nouvelles Guérillères dans la poésie espagnole contemporaine : féminismes et représentations lesbiennes et queer
* Nadia LOUAR : Les figures insolentes de Virginie Despentes
* Valérie MAGDELAINE-ANDRIANJAFITRIMO : Créer et éditer depuis l'océan Indien : pratiques rebelles ou normalisation de l'expression artistique ?
* Valérie K. ORLANDO : Les voix insoumises postcoloniales des cinéastes maghrébines
* Amelia SANZ : Littératures numérisées : possibilités de dissidence (au Sud). Littératures numériques : poétiques politiques (du Sud)
* Michèle SORIANO : Contre-archives, écritures cyborgiennes et dissidence. Créations collectives dans le cinéma contre-hégémonique argentin
* Pascale THIBAUDEAU : Voix résistantes dans le cinéma espagnol contemporain : de l'objet au sujet
* Éliane VIENNOT : Langue des hommes ou langue de l'égalité : une rébellion renouvelée

SOIRÉES :

* Gerty DAMBURY : Fuir, c'est encore se rebeller
* Olivier HADOUCHI : Autour d'une sélection de court-métrages latino-américains révolutionnaires
* María RUIDO : "État d'inconfort", à partir de son film Estado de malestar (VOSTA)

PERFORMANCE :

* Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Cabaret tropical


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Juan ALBARRÁN : Santiago Sierra et les sujets de la résistance
Les plus connus (et les plus polémiques) projets de l'artiste espagnol Santiago Sierra ont été construits à partir d'un recrutement de travailleurs rémunérés pour faire des tâches absurdes, improductives, voire humiliantes. De cette manière, Sierra se place dans la position d'un entrepreneur qui exploite ses employés pour produire de l'art. Face à ces œuvres qui veulent formuler une critique du capitalisme actuel, on se demande quel type de sujet-artiste incarne Sierra ? Quelle marge d'action reste aux travailleurs, ou performeurs délégués ? Comment peuvent-ils résister aux relations de travail conçues par l'artiste ? Et, finalement, quelle est la position du spectateur dans ce type de performances ? Cette contribution tentera de répondre à ces questions en prenant en considération certains des plus importants apports théoriques qui ont transformé le concept de sujet/subjectivité pendant les dernières décennies.

Juan Albarrán est professeur d'histoire de l'art à l'universidad Autónoma de Madrid. Il s'intéresse aux rapports entre art et politique depuis les années 70. Il est membre du projet international MoDe(s) et dirige le magazine Utopía. Revista de crítica cultural (Madrid-Ciudad de México).
Dernières publications
Disputas sobre lo contemporáneo, Exit, 2019.
Performance y arte contemporáneo, Cátedra, 2019.

Florian ALIX : Réécriture de l'Histoire coloniale au féminin : médiation et sensation chez Assia Djebar (La Femme sans sépulture), Anna Moï (Riz noir) et Léonora Miano (La Saison de l'ombre)
On se proposera de lire l'œuvre de trois romancières contemporaines à l'aune du concept postcolonial de writing back, conçu par Bill Ashcroft, Garreth Griffiths et Helen Tiffin comme un exercice de réécriture critique d'un corpus européen depuis des espaces marqués par l'implantation coloniale. Dans le cas qui nous occupe, l'approche prendra une coloration intersectionnelle puisqu'à cette question politique s'ajoute dans les romans une réflexion sur le genre et, dans une certaine mesure, sur les groupes sociaux (sinon sur les classes). Le writing back doit alors être conçu dans toute sa complexité : les romancières ne mobilisent pas simplement une reconfiguration littéraire mais également d'autres arts ou médias. En même temps, ce travail passe aussi par une tentative de se détacher d'un cadre épistémique au profit de la mise en œuvre d'une écriture de la sensation, comme outil stratégique de déplacement de la pensée de l'Histoire. L'écriture romanesque des trois romancières se situe donc entre complexité de la médiatisation et usage de la sensation (apparemment) immédiate : c'est cet entre-deux que nous nous proposons d'explorer.

Florian Alix est maître de conférences à la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université, rattaché au CIEF / CELLF. Il est l'auteur d’'une thèse sur l'essai postcolonial. Plusieurs de ses articles ont paru sur les littératures subsahariennes, maghrébines et antillaises (Edouard Glissant, Dany Laferrière, Abdelkebir Khatibi, Mongo Béti, Valentin Y. Mudimbe…). Membre du collectif "Write back", il a codirigé l'ouvrage Postcolonial Studies : modes d'emploi (Lyon, PUL, 2013).

Paula BARREIRO LÓPEZ : De retour à l'archive visuelle révolutionnaire : pratiques artistiques mondialisées et leurs spectres tricontinentaux
Avec la première conférence tricontinentale à La Havane (1966), la configuration d'un mouvement transnational de résistance et de soutien aux luttes de libération dans le sud global (Amérique latine, Afrique et Asie) s'est formée. Ce mouvement a fourni une structure qui allait au-delà des tactiques politiques et militaires, s'étendant au-delà du champ de bataille paysan et urbain pour devenir une tactique utile dans le domaine de l'art et de la culture en Europe, aux États-Unis et en Amérique latine dans les années soixante et soixante-dix. Quarante années plus tard, l'archive tricontinentale et son arsenal d'images, longtemps oubliés, sont en train de renaître à travers des pratiques rebelles d'une multitude d'artistes visuels et réalisateurs afin de contrecarrer la colonialité du pouvoir et le capitalisme cognitif de notre monde actuel.

Paula Barreiro López est professeure d'histoire de l'art contemporain à l'université de Grenoble-Alpes (LARHRA UMR 5190). Elle dirige la plateforme internationale MoDe(s) et, dans ce cadre, le projet Résistance(s) Partisane(s).
Publications
Atlántico Frío. Historias transnacionales del arte y la política en los tiempos del telón de acero, 2019.
Avant-garde Art and Criticism in Francoist Spain, 2017.
Modernidad y vanguardia : rutas de intercambio entre España y Latinoamérica, 2015 (édité avec Fabiola Martínez).
Crítica(s) de arte : discrepancias e hibridaciones de la Guerra Fría a la globalización, 2014 (avec Julian Díaz).

Anne-Laure BONVALOT : Écofictions des Suds : "réalisme magique", environnementalisme littéraire et décolonialité
Dans les littératures environnementales contemporaines émanant des anciens pays colonisés, on repère de nombreux textes que la critique tend à considérer comme relevant du "réalisme magique". Le phénomène est tel que les deux catégories — "réalisme magique" et fiction environnementale — tendent même à se recouvrir, unies par des liens étroits dont la nature n'a, à ce jour, fait l'objet d'aucun examen systématique. Nous chercherons ainsi, en appui sur un corpus d'écofictions mêlant à la mise en texte de cosmovisions non-dualistes une critique de la prédation extractiviste globale, à comprendre comment l'environnementalisme littéraire des Suds renouvelle, refonde ou transcende ledit "réalisme magique". Cette communication s'attachera à dégager une poétique partagée, un fonds narratologique et esthétique commun aux écofictions du Sud Global, qui cherche notamment à mettre en lumière les présupposés culturels ou les réflexes herméneutiques qui président à la lecture du roman environnemental décolonial.

Anne-Laure Bonvalot est maîtresse de conférences en littératures et cultures hispaniques à l'université de Nîmes et chercheuse au LLACS — Université Paul Valéry Montpellier 3, ses domaines de spécialité sont la littérature espagnole contemporaine, la littérature comparée (domaines hispanophone, francophone, lusophone, catalanophone ; domaine africain) et la traduction. Ses travaux portent sur les formes de la fiction politique contemporaine, mais aussi sur la littérature environnementale, la fiction écologique, l'écocritique et l'écopoétique, en particulier dans les territoires du Sud global — éconarratologie décoloniale.

Sylvie CHALAYE : Les marronnages de la création afro-diasporique contemporaine
Des expressions hip-hop, chorégraphiques, plastiques ou musicales aux dramaturgies contemporaines, la création afro-diasporique a développé un geste marron aussi émancipateur que rebelle, geste de salut et de réinvention de soi, source d'inédit dont nous nous proposons d'analyser les enjeux esthétiques et politiques à travers quelques exemples.

Historienne des arts du spectacle et spécialiste des dramaturgies afro-diasporiques contemporaines, Sylvie Chalaye s'intéresse également aux esthétiques jazz et aux expressions scéniques issues du hip-hop. Professeur et directrice de recherche à l'université Sorbonne Nouvelle, elle co-dirige l'Institut de recherche en études théâtrales et a créé en 2007 le laboratoire "Scènes francophones et écritures de l'altérité" (SeFeA) dont le programme est consacré aux dramaturgies traversées par l'histoire coloniale et l'histoire des migrations.
Publication
Corps marron. Les poétiques de marronnage des dramaturgies afro-contemporaines, Passage(s), 2018.

Chloé CHAUDET : Peter Weiss transaréal ? Enjeux et limites d'une (re)lecture de L'Esthétique de la résistance par temps de mondialisation
"Roman-essai" de près de mille pages, Die Ästhetik des Widerstands (3 vol., 1975-1981) s'est maintes fois heurté à la résistance même des traducteurs et éditeurs, en dépit de son statut d'œuvre culte dans l'aire germanophone. Sa réédition récente en langue française (Klincksieck, 2017, dans la traduction d'Éliane Kaufholz-Messmer) nous invite à une (re)lecture actualisante de cette "Iliade du mouvement ouvrier et de la lutte contre le fascisme au XXe siècle" (Nicolas Weill). Il s'agira ainsi d'envisager la dimension fondatrice de cette somme intermédiale dans le cadre d'une épistémologie des arts rebelles. À ce titre, nous nous proposons d'interroger la portée transaréale (Ottmar Ette) de l'engagement littéraire et artistique prôné, figuré et réalisé par Peter Weiss : dans quelle mesure son magnum opus peut-il toujours se lire comme un "manifeste pour l'internationalisme" (Linda Lê) ?

Chloé Chaudet est maîtresse de conférences en littérature générale et comparée à l'université Clermont Auvergne, et membre du CELIS. Après avoir publié un essai, issu de sa thèse, consacré aux Écritures de l'engagement par temps de mondialisation (Classiques Garnier, 2016), elle poursuit ses recherches sur les liens entre littérature, politique et société dans une perspective internationale et, plus récemment, transmédiale.

Béatrice JOSSE : Contre l'art des œuvres d'art
Évincées de l'histoire de l'art académique, la performance ainsi que les autres formes d'œuvres protocolaires ou collectives n'ont guère eu de place dans les collections muséales, focalisées exclusivement sur les aspects matériels des œuvres. Alors que la notion de patrimoine immatériel est officialisée par l'Unesco à la fin des années 90, j'intègre des œuvres performatives, souvent conjuguées au féminin, au Fonds régional d'art contemporain de Lorraine basé à Metz. Il constitue ainsi la première collection publique en France à entériner cette forme d'acquisitions de formes live à réactiver, à interpréter. Animée par une démarche profondément féministe qui permet de révéler plus largement les questions d'invisibilité, je poursuis au MAGASIN des horizons à Grenoble la sape d'un certain monde de l'art arc-bouté sur la valeur marchande.

Béatrice Josse s'est formée en droit et en histoire de l'art avant d'être nommée au 49 Nord 6 Est - Frac Lorraine en 1993 puis au MAGASIN à Grenoble en 2006, destiné à collectionner des œuvres d'art. Elle a réussi à infléchir considérablement le nombre d'artistes masculins tout en y infiltrant des pratiques immatérielles (performances, protocoles…). Outre des monographies d'artistes femmes historiques : Vera Molnar, Nil Yalter, Cécilia Vicuna, Tania Mouraud…, elle a aussi organisé de nombreuses expositions collectives en lien avec ses engagements féministes : "Territoire occupé", "2 ou 3 choses que j'ignore d'elles", "Les Immémoriales"… Dorénavant à la direction du Magasin des horizons à Grenoble, elle s'oriente vers une nouvelle définition du rôle de l'artiste dans la société en proposant des projets pluridisciplinaires, ainsi qu'une formation professionnelle ouverte aux questions art/société/climat…

Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Transformisme et politique dans les Caraïbes hispanophones (Cuba et Porto Rico)
Quelle est la politique de la performance de drag dans les Caraïbes hispaniques ? Dans cette communication, nous nous concentrerons sur deux artistes : Mickey Negrón (Porto Rico) et Pedro Manuel González Reinoso, mieux connu sous le nom de Roxana Rojo (Cuba). Nous contextualiserons leur travail par rapport à une politique de résistance dissidente qui négocie selon des contextes spécifiques. Dans le cas de Mickey Negrón, nous parlerons de sa performance PonerMickeytarme : ritual de pluma y purificación (2015), qui a été réalisée comme une intervention et protestation contre une marche menée par les églises pentecôtistes et évangéliques qui s'opposent à l'éducation avec une perspective de genre à Porto Rico. Dans le cas de González Reinoso, nous discuterons de son livre Vidas de Roxy, ó el aplatanamiento de una rusa en Cuba (2010) et sa participation à deux documentaires du jeune cinéaste Lázaro González González, Máscaras (2014) et Villa Rosa (2016), dans lesquels l'artiste drag discute de son incarnation d'un personnage russe à Cuba. Travaillant avec l'idée que la performance remet en question le genre et que la culture peut servir dans le cadre d'un processus décolonial, nous examinerons comment ces artistes questionnent et défient les cadres hégémoniques et les relations de pouvoir en lien avec la sexualité et l'État.

Lawrence La Fountain-Stokes est professeur de culture américaine et de langues et littératures romanes à la University of Michigan, Ann Arbor (États Unis). Ses recherches portent sur la littérature, le théâtre et la performance queer des Caraïbes hispanophones et de la diaspora.
Publications
Queer Ricans : Cultures and Sexualities in the Diaspora (2009).
Uñas pintadas de azul/Blue Fingernails (2009).
Abolición del pato (2013).
A Brief and Transformative Account of Queer History (2016).
Keywords for Latina/o Studies (2017).
Escenas transcaribeñas : ensayos sobre teatro, performance y cultura (2018).

Claire LAGUIAN : Les nouvelles Guérillères dans la poésie espagnole contemporaine : féminismes et représentations lesbiennes et queer
La poésie espagnole contemporaine est marquée par l'avènement de nombreuses poètes qui explorent dans leurs vers les identités lesbiennes et queer, comme marques d'une dissidence au sein du cis-tème hétéropatriarcal. Leur guerre symbolique et langagière est teintée par l'intermédialité caractéristique de l'extrême contemporain. Par ailleurs, elle est influencée par l'apparition de courants de pensée récents qui ont surgi après les féminismes européens des années 70. Nous pensons par exemple aux perspectives queer et aux études de genre qui inspirent ces poètes dont la radicalité s'aventure sur des terrains relativement neufs dans l'histoire des féminismes, tels que le postporn ou le pornoterrorisme. Néanmoins, nous verrons comment cette dissidence contemporaine s'inscrit également dans la continuité des luttes artistiques, en reconfigurant la figure fondamentale des Guérillères poétisée par Monique Wittig en 1969, et en conservant la viscéralité wittiguienne et sa déconstruction générique du langage.

Claire Laguian est docteure en littérature espagnole et professeure agrégée (PRAG) à l'université Gustave Eiffel (anciennement Paris-Est Marne-la-Vallée). Au-delà de ses travaux de doctorat sur la poésie contemporaine canarienne, elle a également travaillé sur les écrits poétiques des nombreuses écrivaines engagées ces dernières années en Espagne. Par ailleurs, elle a dirigé des ateliers d'écriture créative et d'autotraduction autour des stéréotypes et représentations de genre en littérature.

Valérie MAGDELAINE-ANDRIANJAFITRIMO : Créer et éditer depuis l'océan Indien : pratiques rebelles ou normalisation de l'expression artistique ?
Des revues artistiques, culturelles et littéraires contemporaines des îles du sud-ouest de l'océan Indien comme Indigo, Fragments, Project'îles, Lettres de Lémurie, Kanyar ou Point barre, résolument plurielles et pluridisciplinaires, rendent compte des productions artistiques des îles en s'appuyant sur un postulat : l'idée d'une Relation indianocéane ou "lémure". Ces revues contribuent-elles à poser un acte politique fort, en proposant une recomposition des champs artistiques internationaux devant prendre en considération des espaces anciennement minorés, ou bien contribuent-elles à une certaine normalisation des pratiques littéraires et artistiques ? Ces nouveaux regards sur les arts offrent ainsi l'occasion de réfléchir à une redéfinition de ce que peuvent être la rébellion et la résistance d'un "Sud global".

Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo est maître de conférences en littératures françaises et francophones à l'université de La Réunion. Elle est aussi rédactrice en chef de la revue NEF - Nouvelles Études Francophones, directrice des Presses universitaires Indianocéaniques. Francophoniste, elle est spécialisée dans les littératures de l'océan Indien. Elle a codirigé ou dirigé plusieurs ouvrages ou numéros de revues, dont, avec G. Armand et Y. Parisot, TROPICS, n°4, Discours artistiques du contemporain au prisme de l'océan Indien : fictions, critique et politiques (2018).

Valérie K. ORLANDO : Les voix insoumises postcoloniales des cinéastes maghrébines
À partir de plusieurs films, cette communication étudiera le cinéma féminin produit par les maghrébines vivant l'époque postcoloniale. Leurs œuvres cinématiques ont contribué au fil des décennies postcoloniales aux discours sociopolitiques et culturels au Maghreb. Cette communication considérera aussi certains moments historiques qui ont influencé les sujets des cinéastes du Maghreb. Ces moments comprennent : Les années de plomb au Maroc, La décennie noire en Algérie et La révolution du jasmin en Tunisie.

Valérie K. Orlando est professeur de littérature francophone à l'université du Maryland. Elle a obtenu la bourse Fulbright-Tocqueville Distinguished Chair (automne 2019) et une bourse du Collegium-Lyon, L'Insitut d'études avancées (printemps 2020).
Publications récentes
The Algerian New Novel : The Poetics of a Modern Nation, 1950-1979, University of Virginia Press, 2017.
New African Cinema, Rutger's University Press, 2017.
Screening Morocco : Contemporary Film in a Changing Society, Ohio UP, 2011.

María RUIDO : "État d'inconfort", à partir de son film Estado de malestar (VOSTA)
"Le capital rend le travailleur malade, puis les multinationales pharmaceutiques lui vendent des médicaments pour qu'il aille mieux. Les causalités sociales et politiques de la détresse mentale sont mises de côté en même temps que le mécontentement est individualisé et intériorisé." [Mark Fisher, Réalisme capitaliste]
Estado de malestar ["État de détresse"] (2019) prend comme point de départ une série de textes de Mark Fisher, Franco Berardi "Bifo" et Santiago López Petit, ainsi que des conversations avec des philosophes, des psychiatres et des patients ou des personnes diagnostiquées, notamment le collectif militant InsPiradas, à Madrid. Il se présente comme un essai visuel sur la symptomatologie et la souffrance psychique à l'ère du réalisme capitaliste, sur la douleur que notre mode de vie nous inflige et sur les lieux et modalités de résistance et/ou de changement que nous pouvons construire pour le combattre.
Estado de malestar - María Ruido - Video HD, super 8mm, 16 mm - 63 mn - 2019 - VO : espagnol - Sous-titres : anglais

Maria Ruido est réalisatrice, artiste, chercheure et enseignante. Elle vit à Madrid et à Barcelone, où elle enseigne au département d'Arts visuels depuis 2002, et où elle participe à plusieurs études sur les représentations et leurs contextes de production. Ses travaux des recherches portent sur les imaginaires du travail dans le capitalisme post-fordiste, sur les mécanismes qui construisent la mémoire et ses relations avec les différents récits historiques et, actuellement, sur l'imaginaire décolonial et ses possibilités d’émancipation.
Filmographie
2002 - La memoria interior (33 mn)
2003 - Tiempo real (43 mn)
2005 - Ficciones anfibias (33 mn)
2008 - Plan Rosebud 1 (114 mn) + Plan Rosebud 2 (120 mn)
2009 - Zona Franca (20 mn)
2010 - Le paradis (4 mn)
2010 - Lo que no puede ser visto debe ser mostrado (12 mn)
2011 - ElectroClass (53 mn)
2014 - Le rêve est fini / The dream is over (47 mn)
2015 - L'œil impératif / The imperative eye (63 mn)
2017 - Mater Amatísima (55 mn)
2019 - Estado de malestar (63 mn)

Amelia SANZ : Littératures numérisées : possibilités de dissidence (au Sud). Littératures numériques : poétiques politiques (du Sud)
À partir d'une distinction nette entre les littératures numérisées, qui naissent lors du passage du support papier au support numérique, et les littératures numériques qui sont nées dans et pour un environnement électronique, nous présenterons les enjeux de ce que nous appelons "l'hypercolonialisme" numérique triomphant et sa thématisation par des artistes. Nous présenterons autant les effets pervers de la globalisation du numérique que la souveraineté épistémologique revendiquée par des chercheurs et des créateurs. Nos exemples seront tirés des pays hispanophones, du Sud, pour atteindre un Sud global bien présent au Nord.

Amelia Sanz est professeure de littérature française et humanités numériques à l'université Complutense de Madrid. Son travail de recherche a suivi de près l'évolution du numérique depuis la création du groupe de recherche LEETHI (Littératures Européennes du Texte à l'Hypermédia) en 2000, à la direction du programme d'e-learning dans son université (2008-2012). À présent elle coordonne le Master en Lettres numériques : études avancées des textualités numériques à l'UCM (2015-2020).
ucm.es/leethi/amelia-sanz-cabrerizo

Pascale THIBAUDEAU : Voix résistantes dans le cinéma espagnol contemporain : de l'objet au sujet
Dans un pays encore marqué par la répression et la violence d'État, comment le cinéma espagnol contemporain rend-il compte des rébellions et résistances passées ? Cette intervention s'intéressera à deux modalités d'expression de la résistance au cinéma : celle qui prend le passé pour objet et observe l'histoire depuis un point de vue extérieur ; celle qui l'interroge depuis une subjectivité impliquée. Pour ce faire, nous aurons recours à quelques productions du cinéma mainstream, qui traitent de la résistance au fascisme et visent à mettre en garde les spectateurs contre ses possibles résurgences (par exemple Lettre à Franco d'Alejandro Amenábar). Puis seront examinées des propositions plus audacieuses de cinéastes (Carolina Astudillo, Alejandro Alvarado et Concha Barquero) qui offrent une caisse de résonance à des subjectivités passées tout en résistant, depuis certaines propositions formelles, aux effets pervers induits par l'esthétique et les procédés narratifs du cinéma dominant.

Pascale Thibaudeau est professeure à l'université Paris 8 et spécialiste du cinéma hispanique. Ses recherches actuelles portent sur les rapports entre cinéma, histoire et mémoire. Elle a coordonné trois numéros de revues sur ces questions : Politiques, Récits et Représentations de la mémoire en Espagne et en Amérique Latine aux XXe et XXIe siècles, Pandora, n°12, 2014 ; Spectres de la guérilla dans les cinémas hispaniques, HispanismeS, n°7, 2016 ; Las revoluciones en el visor: intervención, persistencia y usos, Fotocinema, n°17, 2018.

Éliane VIENNOT : Langue des hommes ou langue de l'égalité : une rébellion renouvelée
Les polémiques qu'a connues la société française depuis une quarantaine d'années, d'abord autour de la "féminisation" des noms de métiers et fonctions, puis autour de "l'écriture inclusive" font apparaitre deux idées fausses. La première : elles seraient nouvelles. La seconde : elles auraient pour fondement le désir des féministes contemporaines de modifier la langue afin de lui faire servir leurs objectifs. La conférence reviendra sur ces croyances en montrant que ce sont au contraire les distorsions introduites dans la langue par des lettrés masculinistes qui ont provoqué des contestations — dès le XVIIe siècle, et d'abord au sein du milieu savant lui-même. Le sujet concerne bien entendu toute la francophonie, dont les territoires d'implantation ont subi l'influence des diktats parisiens dans une mesure inversement proportionnelle à leur éloignement de la Métropole.

Éliane Viennot a enseigné la grammaire et la littérature française dans les universités de Seattle (USA), Nantes, Corte, Saint-Étienne, et elle a été dix ans membre de l'Institut universitaire de France. Ses recherches portent sur les écrivaines de la Renaissance, les actrices politiques de ce temps, l'histoire des relations de pouvoir entre les sexes en France, la Querelle des femmes et ses conséquences dans la langue française.
elianeviennot.fr


BIBLIOGRAPHIE :

• BALASINSKI Justyne, "Art et constestation", in Olivier FILLEULE (éd.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, pp. 67-73.
• BALASINSKI Justyne & MATHIEU Lilian, "Introduction", in Justyne BALASINSKI & Lilian MATHIEU (éd .), Art et contestation, Rennes, PUR, 2010, pp. 9-27.
• BRETON André & RIVERA Diego, Pour un art révolutionnaire indépendant, Mexico, le 25 juillet 1938 [Manifeste de la Fédération internationale des Artistes révolutionnaires indépendants / rédigé avec la collaboration de Léon Trotsky], Service d'édition et de librairie du Parti communiste internationaliste (IVe Internationale), 1938, 4 p.
• DELEUZE Gilles, "Qu'est-ce que l'acte de création ?", Conférence donnée dans le cadre des mardis de la fondation Femis 17/05/1987 [Disponible sur webdeleuze.com].
• DEWITTE Jacques, Le Pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit, essai sur la résistance au langage totalitaire, Michalon, 2007.
• SAID Edward, L'Orientalisme : L'Orient créé par l'Occident, Paris, Éditions du Seuil [1980], 2005.
• SARTRE Jean-Paul, "Qu'est-ce que la littérature ?", Les Temps modernes, 1947.
• SCOTT James C., La domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne, Paris, Éditions Amsterdam [1992], 2008.
• TARROW Sidney, "La mondialisation des conflits : encore un siècle de rébellion ?", Études internationales, n°24, vol. 3, 1993, p. 513–531.


SOUTIENS :

• Laboratoire Passages XX-XXI | Université Lumière Lyon 2
• Institut des langues et cultures d'Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie (ILCEA4) | Université Grenoble Alpes (UGA)
• Unité de recherche interdisciplinaire "Interactions culturelles et discursives" (ICD, EA 6297) | Université de Tours
• Centre d'études sur les langues et les littératures étrangères et comparées (CELEC, EA 3069) | Université Jean Monnet Saint-Étienne
• Laboratoire de recherche "Lettres, idées, savoirs" (LIS, EA 4395) | Université Paris-Est Créteil (UPEC)
• Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA, UMR 5190) | Université Grenoble Alpes (UGA)
• Projets internationaux Idex Ré-Part | Université Grenoble Alpes (UGA) et I+D MoDe(s) | Université de Barcelone

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du mercredi 18 mai au dimanche 22 mai 2022 [en savoir plus].

La direction du CCIC


DE QUOI L'ART BRUT EST-IL LE NOM ?


DU JEUDI 11 JUIN (19 H) AU LUNDI 15 JUIN (14 H) 2020

[ colloque de 4 jours ]


Jean Perdrizet. Sans titre (Un robot ouvrier qui voit les formes par coupes de vecteurs en étoile), circa 1970. Encre et crayons de couleur sur papier, 65 x 40 cm © courtesy christian berst art brut


DIRECTION :

Christian BERST, Raphaël KOENIG


ARGUMENT :

L'art brut demeure sans doute un des derniers grands impensés de l'art. Même si — comble du paradoxe pour un art que Jean Dubuffet voulait "épris d'obscurité" — celui-ci est plus que jamais sous les feux de la rampe, de la Biennale de Venise au Musée Guggenheim en passant par le Musée d'art moderne de la Ville de Paris et le MoMA, il ne cesse de susciter interrogations, émerveillements, et remises en cause.

Preuve de la capacité sans cesse renouvelée d'œuvres "hors-norme", créées par des artistes évoluant le plus souvent dans une altérité sociale ou mentale, de chambouler "l'horizon d'attente" de leurs spectateurs, introduisant ainsi un ferment disruptif au sein des mécanismes de création, de validation et d'exposition du monde de l'art.

Preuve également de l'instabilité sémantique d'une notion qui, depuis trois quart de siècle, semble singulièrement rétive aux tentatives de définition ou de systématisation : tout en proclamant, au milieu des années 1940, l'existence d'un "art brut" qui s'affirme avec l'évidence d'un phénomène naturel, Jean Dubuffet ne l'a-t-il pas également placé sous le signe d'une étrange amnésie ? Personnage à la Calvino, perpétuellement en quête de définition, "l'art qui ne sait pas son nom" semble devoir nous inviter à un questionnement ouvert, à condition du moins de s'affranchir du manichéisme de ses débuts.

Il semble donc crucial que les instances culturelles s'y attèlent, même s'il faut pour cela qu'elles se dotent de nouveaux outils pour en saisir toute la portée. L'examen de ce champ — sans concession ni complaisance pour les dogmes du passé — permettra de mieux comprendre le travail que font les œuvres d'art sur ceux qu'elles émeuvent, afin de rédiger ce chapitre essentiel qui fait encore largement défaut à l'histoire de l'art.

Dans ce but, ce colloque fondamentalement interdisciplinaire associera des intervenants issus de l'université — combinant ainsi les méthodologies respectives de l'histoire de l'art et des idées, de la philosophie, de la sociologie, et de la littérature française et comparée — mais aussi des praticiens — psychanalystes, commissaires d'exposition, critiques d'art, galeristes, collectionneurs — afin de croiser les approches et de faire surgir de nouvelles perspectives sur un sujet encore largement inexploré.


MOTS-CLÉS :

Altérité, Art brut, Art des fous, Avant-garde, Création, Création hors-norme, Esthétique, Histoire de l'art, Médiumnité, Métaphysique, Mondes de l'art, Mythes, Mythologie individuelle, Sociologie de l'art


COMMUNICATIONS (suivies de débats) :

* Christian BERST et Raphaël KOENIG : Introduction

(PRÉ-) HISTOIRE, MYTHE, NOTION(S)
* Christian BERST : L'art brut en question
* Antoine FRÉROT : Ce que l'art brut me fait
* Marianne JAKOBI : Indéfinissable, innommable, insaisissable : l'invention d'un nom ou les mirages de l'art brut
* Choghakate KAZARIAN : En marge de l'art brut : Eilshemius et l'outsider art
* Raphaël KOENIG : Art brut et avant-gardes : stratégies d'exposition
* Jean-Marc LEVERATTO : Mesurer l'altérité. Le jugement de l'œuvre d'art dite "brute" et ses enjeux
* Marina SERETTI : Choc traumatique et "œuvres-projectiles" : l'efficacité de l'art brut

FORMES DE LA CRÉATION : MÉDIAS, PRATIQUES INDIVIDUELLES ET COLLECTIVES
* Gérard AUDINET : Médiumnité et art brut
* Annie FRANCK : Une œuvre : une adresse ? Perspectives psychanalytiques sur l'art brut
* Gustavo GIACOSA : Art brut et pratiques collectives, extension ou antinomie ?
* Maximilian GILLESSEN : Art brut, machines, écriture
* Carles GUERRA et Joana MASÓ : Productivisme, institution et pratiques collectives à Saint-Alban
* Marc LENOT : Tirer ou coller : la photographie brute en question
* Pascal PIQUE : Art brut et énergétiques de l'invisible

ART BRUT ET MONDES DE L'ART : ENJEUX INSTITUTIONNELS ET CONCEPTUELS
* Bruno DUBREUIL : L'art brut en miroir de l'art contemporain
* Claire MARGAT : L'Art Brut : un art sans fins ou une Fin de l'Art ?
* Jean-Hubert MARTIN : Ces autres magiciens de la terre
* Catherine MILLET : Le chapitre manquant de l'histoire de l'art
* Corinne RONDEAU : Ce qu'il y a de brut, c'est la surprise


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Bruno DUBREUIL : L'art brut en miroir de l'art contemporain
Il y aurait deux façons de considérer l'art brut : la première consisterait à le circonscrire au moment historique de son invention par Jean Dubuffet et à le maintenir à l'intérieur du champ esthétique et conceptuel tracé par les critères définis. Ce qui serait la plus sûre façon de l'anesthésier et d'en limiter la portée. La seconde viserait à considérer l'art brut comme une force agissante, porteuse d'attitudes et de pratiques capables d'innerver, à chaque époque, l'art de son temps. L'art brut finirait alors par occuper une sorte de fonction dans le paysage artistique contemporain : celle de contribuer à contrebalancer un geste artistique qui se conformerait d'avance au contexte social, culturel et économique qui va en conditionner la réception. Face à une pensée artistique alors menacée de devenir une rhétorique appliquée, l'art brut reste cette forme d'incarnation du territoire infini du risque.

Bruno Dubreuil interroge les œuvres et les pratiques artistiques (notamment la photographie). Ses analyses sont nourries par sa propre pratique ainsi que par les échanges survenant dans ses ateliers de création ou d'esthétique (Une autre histoire de l'art, Gie Binome). Ces réflexions se prolongent au travers d'expositions qu'il conçoit (Immixgalerie, Paris) et sur la revue en ligne qu'il a créée : viensvoir.oai13.com. Plusieurs chroniques y traitent de l'art brut. Il a publié dans Brut Now, l'art brut au temps des technologies.

Gustavo GIACOSA : Art brut et pratiques collectives, extension ou antinomie ?
Les ateliers de création au sein d'institutions psychiatriques ou d'handicap mental encouragent depuis plusieurs décennies l'expression et la socialisation de leur hôtes et deviennent au fur et mesure des changement sociaux des réserves où critiques, collectionneurs et commissaires d'expositions vont chercher l'Art Brut de nos jours. Entre les enjeux de tutelle et de divulgation des uns et la sauvegarde de la cohérence de canons esthétiques des autres, la création artistique hors du système de production et diffusion de l'art contemporain, révèle toutes ses contradictions. Si l'encouragement à l'action et la stimulation artistique est contraire au diktat de Dubuffet, comment et dans quelles conditions certains "créateurs d'atelier" échappent à ces conditionnements positifs et devient des exceptions au sein même de leurs institutions ? Quel est l'impact des pratiques collectives pour ce réservoir de radicalité créatrice qu'est l'art brut ?

Gustavo Giacosa est metteur en scène et commissaire d'expositions, né à Sunchales (Argentine) en 1969. Après des études de lettres à l'université de Santa Fe et la rencontre avec le metteur en scène Pippo Delbono, il développe une recherche sur le rapport entre l'art et la folie au sein de différentes formes artistiques en devenant commissaire des plusieurs expositions sur cette thématique. Ses recherches sont à l'origine d'une collection d'Art Brut et d'Art Contemporain : Puentes (Ponts) qui est présenté de manière permanente à Rome dans l'espace "A due" Art Studio. À partir de 2012, il s'établit en France où il crée à Aix-en-Provence avec le pianiste et compositeur Fausto Ferraiuolo une plateforme multidisciplinaire qui regroupe la diversité de ses productions : SIC.12.

Carles GUERRA et Joana MASÓ : Productivisme, institution et pratiques collectives à Saint-Alban
Lié à la présence de Paul Éluard et de Jean Dubuffet à l'hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole (Lozère) où, dans les années 1940, ont travaillé les psychiatres Lucien Bonnafé, François Tosquelles et Jean Oury, l'art brut est né comme une forme d'extractivisme culturel visant à séparer un certain nombre d'objets de "l'ensemble thérapeutique" dans lequel ils ont été produits. En extrayant ces objets de leurs contextes de production et d'une économie du troc, on les a aussi séparés des pratiques collectives liées à la vie de l'hôpital : la circulation de la parole dans les assemblées, les ateliers d'ergothérapie, les mises en scène théâtrales, les activités festives, l'écriture dans le journal intérieur de l'hôpital, l'imprimerie ou les séances cinéma en commun qui suivaient le modèle de l'autogestion et des coopératives de malades. Il s'agira dans cette intervention d'analyser ce changement radical de paradigme affectant l'ensemble de ces objets : d'une logique de production dans le cadre de structures économiques locales largement autogérées à leur réception dans le cadre d'un nouveau système de validation culturelle et de production de valeur marchande issu des avant-gardes. À travers l'histoire de Saint-Alban, il s'agira donc de réfléchir aux formes de productivisme qui présidèrent à la naissance de l'art brut, et de se pencher sur ses conséquences économiques et politiques contemporaines.

Carles Guerra est commissaire d'exposition, critique d'art et enseignant, ancien directeur de la Fondation Antoni Tàpies et de La Virreina Centre de la Imatge (Barcelone), et ancien Conservateur en Chef du Museu d'Art Contemporani de Barcelona (MACBA).

Joana Masó est professeur d'études françaises et d'études de genre à l'université de Barcelone où elle est chercheuse à la Chaire UNESCO "Femmes, développement et cultures".

Depuis 2017, ils travaillent à un projet d'exposition et de livre autour du psychiatre François Tosquelles et de l'hôpital de Saint-Alban, au centre de la mythologie de l'art brut en France après la Seconde Guerre mondiale.

Choghakate KAZARIAN : En marge de l'art brut : Eilshemius et l'outsider art
En 1917, Marcel Duchamp surprend le monde de l'art new yorkais en déclarant que Louis Michel Eilshemius (1864-1941), un artiste inconnu de 53 ans, est l'auteur l'une des deux meilleures œuvres de la première exposition sans jury de la Society of Independents Artists. Né dans une famille aisée, Eilshemius bénéficie de la parfaite formation académique : études à la Art Students League à New York puis à l’Académie Julian à Paris et nombreux voyages en Europe, en Afrique du Nord et dans le Pacifique. Après avoir exposé, très jeune, à la National Academy of Design and à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, il sombre dans l'indifférence la plus totale jusqu'en 1917. La généalogie de sa réception montre comment le succès comme le rejet de l'œuvre d'Eilshemius sont construits sur son image d'outsider, terminologie d'autant plus complexe pour un artiste à la formation et aux ambitions académiques mais néanmoins situé dans une double marge : tantôt trop étrange pour faire partie du monde de l'art traditionnel, tantôt trop traditionnel pour correspondre à l'esthétique moderniste.

Choghakate Kazarian est historienne de l'art et conservateur du patrimoine. Diplômée de l'École du Louvre, de La Sorbonne - Paris IV et de l'Institut National du Patrimoine, elle fut conservateur au Musée d'Art moderne de Paris de 2011 à 2018. Elle prépare actuellement un doctorat au Courtauld Institute of Art sur l'artiste américain Albert Pinkham Ryder. Ses expositions et publications ont porté sur des artistes tels que Henry Darger, Lucio Fontana, Piero Manzoni, Karel Appel, Marcel Duchamp ou Louis Michel Eilshemius.

Marc LENOT : Tirer ou coller : la photographie brute en question
Ce n'est que depuis 2004 (avec une exposition à San Francisco) que la photographie est reconnue comme un des éléments de l'art brut, avec deux modes créatifs différents, deux approches différentes de l'image. D'une part les artistes bruts qui photographient eux-mêmes : aussi bien des autoportraits, souvent déguisés, travestis, modifiés, que des photographies obsessionnelles de femmes, épouse ou compagne, ou bien passantes, actrices ou marionnettes ; d'autres photographient obsessionnellement leur environnement, et quelques-uns jouent avec la matière photographique elle-même. D'autre part, les artistes bruts qui utilisent des photographies (et des radiographies) dans des collages et des photomontages, en complétant leurs dessins, en tatouant d'écriture des images trouvées, ou en construisant des montages complexes, panoramiques ou constructivistes.

Marc Lenot, après des études à Polytechnique et au MIT et une carrière d'économiste, s'est réinventé sur le tard en critique d'art et chercheur sur la photographie : blog Lunettes Rouges, master à l'EHESS, doctorat en histoire de l'art, livre Jouer contre les appareils sur la photographie expérimentale, prix AICA France 2014 de la Critique d'art.

Jean-Marc LEVERATTO : Mesurer l'altérité. Le jugement de l'œuvre d'art dite "brute" et ses enjeux
Avec l'aide des outils de la sociologie de l'expertise artistique, nous identifierons dans un premier temps les différents types d'épreuves de la qualité artistique auxquelles s'expose aujourd'hui l'œuvre dite "brute". Dans un second temps, l'approche anthropologique contemporaine nous aidera à approfondir notre compréhension des cadres de l'expérience que l'on peut faire de l'art dit "brut", des différentes ontologies qui peuvent nous permettre de ressentir la valeur artistique de l'événement qu'il constitue et d'en reconnaître la signification éthique.

Jean-Marc Leveratto est professeur de sociologie. Ses recherches portent sur les techniques du corps, la culture artistique et la sociologie de l'expérience esthétique. Sur l'évaluation des artistes et des œuvres d'art, il a publié notamment La mesure de l’art. Sociologie de la qualité artistique, Paris, La dispute, 2000 et Introduction à l'anthropologie du spectacle, ibid., 2006. Il a également réalisé de nombreuses enquêtes sur la culture contemporaine, dont Internet et la sociabilité littéraire (avec Mary Leontsini), 2008 et Cinéphiles et cinéphilies (avec Laurent Jullier), 2010.

Claire MARGAT : L'Art Brut : un art sans fins ou une Fin de l'Art ?
L'Art Brut met en question ce qu'on entend par l'Art : à la fois idéal philosophique et conception historiciste formulée dans L'Esthétique de Hegel. L'idée hegelienne de Fin de l'Art a donné lieu à des interprétations diverses(1). L'Art Brut est problématique : est-ce un art authentique ou un non-art, situé aux limites de ce qui est reconnu comme art et qui permet son extension ? Comprendre l'Art Brut suppose d'examiner non comment un art est qualifié (brut, singulier, outsider, etc…) mais comment l'Art est compris selon l'époque. L'Art (symbolique/classique/romantique) exprimait une communauté, une religiosité collective. L'Art Brut, expression de singularités individuelles, manifeste un repli tel qu'un art populaire ou national cesse de faire sens.
(1) A. Danto, La Fin de l'Art, 1984, L'assujetissement philosophique de l'art, 1993, Après la Fin de l'Art, 1996.

Claire Margat est agrégée de philosophie et titulaire d'un doctorat en philosophie esthétique à Paris 1 (L'Esthétique de l'horreur, du Jardin des supplice d'Octave Mirbeau aux Larmes d'Eros de Georges Bataille).
Publications
A dirigé le Hors Série artpress 2 d’automne 2013 : Les Mondes de l'Art Brut.
2014, Catalogue de l'exposition Peter Kapeller, Décembre 2014 galerie Christian Berst.
2015, Catalogue d'Aloïse Corbaz en constellation. Le ravissement d'Aloïse Corbaz, LaM, Lille Métropole.
Quinzaines n° du 15 janvier, 2018, Dossier sur l'art brut : Images et textes de la folie.
2018, L'ART BRUT Citadelles & Mazenod : Quand l'Art Brut devient culturel et Devenirs de l'Art Brut.
artpress, automne 2018 : Graphomanies brutes ?, in Hors Série sur Graphisme et Art.
À paraître aux Presses universitaires de Bordeaux en 2020 : L’art brut, un art sans artiste ?
Artistes bruts sur lesquels des articles ont été publiés : Aloïse Corbaz, Seni Awa Camara, Jean Dubuffet, Henry Darger, Peter Kappeler, Michel Nedjar (ARTPRESS janvier 2018) Marilena Pelosi, Ceija Stojka…

Jean-Hubert MARTIN : Ces autres magiciens de la terre
La question de l'art des marginaux asociaux et des autodidactes est souvent assimilée à celle des artistes de sociétés sans écriture. En somme hors de l'art occidental issu des paradigmes de la Renaissance, les autres se retrouveraient tous dans le même sac. Syndrome Vasari. Tentative de donner des définitions claires de pratiques variées et critique de la notion d'art brut telle que définie par Dubuffet, qui agit en artiste autant qu'en chercheur. Quelques exemples inédits dans un domaine de recherche infini.

Jean-Hubert Martin, diplômé en histoire de l'art, a participé à l'élaboration du centre Pompidou. Il fut directeur de la Kunsthalle de Berne, du Musée national d'art moderne du Centre Pompidou, du Musée national des arts d’'Afrique et d'Océanie de Paris et du Museum Kunst Palast de Düsseldorf. Il a dirigé les programmes artistiques du Château d'Oiron et du Padiglione d'Arte Contemporanea à Milan et a été commissaire de nombreuses expositions en France et à l'étranger :
Magiciens de la terre, Paris 1989 : a tenté de remettre en question l'exclusion et les critères pratiqués par le réseau de l'art contemporain dit international.
Partages d'exotisme, Biennale de Lyon, 2000 : montrait les écarts et les hybridations entre des formes culturelles impossibles à définir.
Altäre, Dusseldorf, 2001 : les expressions religieuses du monde actuel sont-elles de l'art ?
Dubuffet et l'art brut, Dusseldorf, Lausanne et Lille, 2005.
Sur le fil, galeries Christian Berst et Jean Brolly, Paris, 2016 : mélangeait l'art brut et l'art contemporain.
Publication
"Dubuffet et ses stratégies d'élargissement de l'art", in Les Albums photographiques de Jean Dubuffet = The Photograph Albums of Jean Dubuffet, Milan, 5 Continents ; Lausanne : Collection de l'Art Brut, 2017, p. 24-30 [fre/eng].

Corinne RONDEAU : Ce qu'il y a de brut, c'est la surprise
La surprise est sans doute le trouble persistant d'une rencontre inattendue. Dans le champ de l'art contemporain, l'art brut est ce qui vient sans annoncer sa venue. Se refusant à la classification malgré des motifs obsessifs, il est ce qui existe sans attente que l'attente elle-même, ce qui ne s'atteint pas. En un sens, l'art brut est toujours de l'ordre d'une révélation. Le brut de l'art est un "Il y a", un on-ne-sait quoi sans projet, l'expérience extrême d'un possible, proche de ce que nomme Georges Bataille, L'expérience intérieure. Ses moyens souvent pauvres, ses formes presque toujours ritualisées impliquent l'interruption des modes insistants du regard et du savoir qu'il soit historique ou esthétique. Le brut relève l'expérience de l'art comme un désenchaînement, peut-être une dramatisation, une façon de "sortir de nous-mêmes".

Corinne Rondeau est maître de conférences en esthétique et sciences de l'art à l'université de Nîmes, collaboratrice sur France Culture, critique d'art et de cinéma. Auteur de plusieurs essais monographiques, le dernier en date Chantal Akerman, Passer la nuit, éd. de l'éclat, 2017.

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque annulé

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été annulé.

La direction du CCIC


CIRCULATIONS DES CARTES POSTALES DANS LA LITTÉRATURE ET LES ARTS
( XXe - XXIe SIÈCLES )


DU MARDI 2 JUIN (19 H) AU MARDI 9 JUIN (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]


Eric Baudart et Thu Van Tran, Blue Saïgon, 2017, courtesy des artistes


DIRECTION :

Magali NACHTERGAEL, Anne REVERSEAU


ARGUMENT :

Ce colloque rassemblera artistes et chercheurs de différents horizons pour explorer le rôle qu'un objet, a priori banal, a pu avoir dans la culture visuelle et littéraire des XXe et XXIe siècles. Il s'agira d'étudier, jusqu'à l'époque contemporaine, les différentes façons dont poètes, écrivains et artistes ont regardé, ont manipulé, ont joué avec la carte postale et comment ils se sont appropriés ou se sont opposés à ce modèle médiatique plus polémique qu'il n'y paraît. Comment la carte postale, en étant réinvestie par les artistes contemporains, en particulier dans les protocoles iconographiques et de collection, connaît un renouveau qui amène aussi un regard critique sur cette production vernaculaire de masse ?

En abordant à la fois l'imaginaire de la carte postale dans les avant-gardes historiques et ses réinventions contemporaines, ce colloque entend proposer une relecture de ce medium moderne qui insiste sur ses enjeux communicationnels. Malgré les fluctuations de la production et la variabilité des supports, la notion de "carte postale" reste opérante et usitée jusque dans les correspondances numériques, témoignant du modèle médiatique qu'elle représente encore aujourd'hui.


MOTS-CLÉS :

Art contemporain, Arts visuels, Histoire visuelle, Littérature, Objet médiatique, Photographie


CALENDRIER PROVISOIRE :

Mardi 2 juin
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mercredi 3 juin
Matin
Magali NACHTERGAEL & Anne REVERSEAU : Introduction
Servanne MONJOUR & Nicolas SAURET : Rematérialisation de la carte postale : autour de General Instin

Après-midi
CARTES POSTALES ET ART CONTEMPORAIN
Antoine QUILICI : Cartes postales de musées et appropriations
Marie BOIVENT : Les cartes postales d'artistes : fictions de l'image vs fictions du texte
Élisa BRICCO : Cartes postales : récit minimal et autobiographie chez Valérie Mréjen

Soirée
Dialogue avec Valérie MRÉJEN (artiste et écrivaine) sur son utilisation de la carte postale


Jeudi 4 juin
Matin
CARTES POSTALES ET ENJEUX HISTORIQUES CONTEMPORAINS
Dominique CASIMIRO : Des mémoires d'encre, de papier et de colle. L'art postal latino-américain face aux dictatures
Andy STAFFORD : La carte postale "postcoloniale" ?
Noëlle ROUXEL-CUBBERLY : Un générique de cartes postales : le cas de la Rue Cases-Nègres d'Euzhan Palcy

Après-midi
CARTES POSTALES DES EMPIRES
Caroline FERRARIS-BESSO : Tahiti, envers de la carte postale
Gilles TEULIÉ : Représentations de l'espace colonial et appropriations territoriales dans l'industrie de la carte postale du début du XXe siècle


Vendredi 5 juin
Matin
CARTES POSTALES ET EXPÉRIENCES LITTÉRAIRES
Denis SAINT-AMAND : La 'Pataphysique en cartes postales
Gaëlle THÉVAL : Le mail art en revue : les cartes postales DOC(K)S
Mathilde ROUSSIGNÉ : Cartes postales contemporaines et résidences d'écrivain. Littérature contextuelle, relationnelle, résidentielle ?

Après-midi
Le projet pOST : atelier mail art, avec des élèves du collège Anne Heurgon-Desjardins de Cerisy
Rencontre avec le collectif OST : retour sur expérience
Visite de l'exposition de livres d'artistes sur la carte postale


Samedi 6 juin
Matin
Jean-Pierre MONTIER : Les écrivains objets de cartes postales, autour de Louis Guilloux
Wolfram NITSCH : Photographies parlantes. Cartes postales dans les romans de Claude Simon
Pierre TAMINIAUX : Paul Nougé ou le poème comme carte postale

Après-midi
DÉTENTE


Dimanche 7 juin
Matin
CARTES POSTALES ET PATRIMOINE
Kim TIMBY : Le début de la vente de cartes postales dans les musées en France, 1900-1912
Marie-Clémence RÉGNIER : Imagerie et imaginaire contemporains des maisons d'écrivains et d'artistes en France : du polart à Instagram

Après-midi
RETOURS SUR EXPÉRIENCES ARTISTIQUES
Claire TENU : "The actuality of the past"
Renaud EPSTEIN : Un jour, une ZUP, une carte postale : retour réflexif sur une (re)mise en circulation
Cyrielle LÉVÊQUE : Des cartes postales entre documents et indignation : une lecture de l'œuvre de Ken Gonzales Day

Soirée
Raphaëlle BERTHO : Recherche autobiographique à travers deux albums de cartes postales


Lundi 8 juin
Matin
HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE DE LA CARTE POSTALE
Marie-Ève BOUILLON : Pour une histoire transnationale de la carte postale
Laurence CORBEL : Le Brésil en cartes postales : iconographies poétiques et critiques
Maha GAD EL HAK : Les cartes postales de L'Égypte d'Hier en couleurs (2008)

Après-midi
Danièle MÉAUX : Les cartes postales, des documents privilégiés pour les artistes enquêteurs du XXIe siècle
Géraldine SFEZ & Sarah TROCHE : Le bonheur en couleurs véritables


Mardi 9 juin
Matin
Conclusion

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Marie BOIVENT : Les cartes postales d'artistes : fictions de l'image vs fictions du texte
De nombreux artistes ont conçu des cartes postales, séduits par ce format compact produit en série, au coût de fabrication peu élevé, prévu pour voyager "à découvert". Mais si beaucoup exploitent ce support comme un simple moyen de faire circuler des reproductions d'œuvres, un certain nombre d'entre eux préfère tirer parti ou jouer avec les particularités de cette image-objet. Cette communication se propose d'examiner les déplacements opérés par les artistes dans les cartes qu'ils produisent, et d'observer comment ils mettent au jour, revisitent, voire dénoncent la fonction de la carte postale et analysent les mythes et croyances qu'elle a pu véhiculer. La mise en abyme ou encore la déconstruction de la relation du visuel (recto) à la légende (verso) sont autant de moyens qui leur permettent de mener une subtile réflexion sur la nature de l'échange propre aux cartes postales ou encore d'instiller dans cet objet banal a priori inoffensif une charge tantôt poétique, tantôt politique.

Marie Boivent est maîtresse de conférences en arts plastiques à l'université Rennes 2 où elle est membre de l'équipe d'accueil "Pratiques et théories de l'art contemporain". Ses recherches portent sur les publications d'artistes depuis les années 1960, en particulier lorsqu'elles empruntent des formes populaires, légères et/ou éphémères telles que les revues d'artistes, les calendriers, les tracts, ou les cartes postales.

Élisa BRICCO : Cartes postales : récit minimal et autobiographie chez Valérie Mréjen
La carte postale est un objet multifacette dans la pratique créative de Valérie Mréjen : ce sont des images trouvées dans les marchés aux puces qui sollicitent ensuite l'écriture fictionnelle et autobiographique. L'attrait pour les cartes postales est aussi évident si on parcourt la liste des œuvres de l'autrice où l'on découvre que l'exploitation de ces images est constante dans sa pratique artistique, et ne se limite pas à l'utilisation du support carte postale pour des installations par exemple, mais se développe dans les vidéos et les films où les images deviennent les décors des histoires racontées. La relation entre texte et image se déploie de manière hétérogène dans les récits, quel que soit le médium utilisé, la carte postale est un vecteur de sens et un support de l'écriture fragmentaire par laquelle Mréjen mène sa quête autobiographique et sa création autofictionnelle.

Élisa Bricco est professeur de littérature française à l'université de Gênes en Italie. Elle consacre sa recherche à la littérature française d'aujourd'hui, à la poésie, à la prose et depuis quelques années elle travaille sur les enjeux de l'intermédialité (roman et peinture, roman et cinéma, phototexte, bande dessinée). En 2012, elle a coordonné le numéro 23 de la revue en ligne Cahiers de narratologie sur "Le sujet et l'art dans la prose française contemporaine (1990-2012)". En 2015, elle a publié le volume Le Défi du roman. Narration et engagement oblique à l'ère postmoderne (Peter Lang) et la même année le collectif Le Bal des arts. Le sujet et l'image : écrire avec l'art (Quodlibet). En 2016 est paru dans la revue Nuova Corrente (126) le collectif Écritures hybrides d'aujourd'hui (Scritture ibridate contemporanee) et en 2018 le collectif dirigé avec Nancy Murzilli Pratiques artistiques intermédiales dans la revue en ligne Publifarum. Elle prépare un volume sur Raconter avec la photographie (2020). Elle dirige le groupe de recherche de l'ARGEC (Atelier de recherches génois sur les écritures contemporaines).

Laurence CORBEL : Le Brésil en cartes postales : iconographies poétiques et critiques
Le Brésil, pays de cartes postales ? À rebours des visions édulcorées qu'offrent les clichés touristiques, des artistes brésiliennes se sont emparées de ce support modeste et facile à diffuser pour proposer d'autres images dont on se propose d'analyser le potentiel critique. Depuis les années 1970 jusqu'à aujourd'hui, certains travaux de Sonia Andrade, Ana Bella Geiger, Regina Silveira, Rivanne Neuenschwander et Mayana Redin s'emploient à relire les représentations que véhiculent les images typiques dont les cartes postales, miroir déformant de la société brésilienne, sont souvent le vecteur. À travers un répertoire de gestes de parasitage, de détournement, de déconstruction mais aussi de poétisation, ces artistes substituent à une représentation mythique, exotique ou pittoresque de la "brésilianité", des images résistantes et poétiques, mettant ainsi au jour une politique du visible.

Laurence Corbel est enseignante-chercheuse en esthétique et philosophie de l'art à l'université de Rennes 2. Elle dirige les programmes de recherche "Arts en temps de crise au Brésil, en Argentine et en Colombie : résistances et activismes au prisme des mémoires politiques" et "Écrits et paroles d'artistes : contributions aux scènes artistiques contemporaines d'Amérique latine".
perso.univ-rennes2.fr/laurence.corbel

Renaud EPSTEIN : Un jour, une ZUP, une carte postale : retour réflexif sur une (re)mise en circulation
La communication propose un retour réflexif sur le projet "Un jour, une ZUP, une carte postale" développé par l'auteur depuis 2014, consistant dans la publication quotidienne d'une carte postale de grands ensembles des années 1950-1970. Cette (re)mise en circulation de cartes représentant des quartiers qui, après avoir incarné la modernité et le progrès social dans la France des trente glorieuses, sont devenus les symboles de la crise socio-urbaine, a suscité un flux continu de réactions sur les réseaux sociaux et des réappropriations artistiques diverses. Tout autant que la pratique de collection/diffusion de l'auteur, ce sont ces réactions et réappropriations qui seront analysées. Cette analyse s'appuiera notamment sur un traitement de plus de 2000 tweets de ces cartes postales de ZUP, qui permettra de quantifier les interactions (réponses, retweets, likes) suscitées par chacun d'eux. L'exploitation de la base ainsi constituée cherchera à déterminer les facteurs (géographiques, historiques, esthétiques) explicatifs des variations observées.

Renaud Epstein est maître de conférences en science politique à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, spécialiste de la politique de la ville. Ses tweets "Un jour, une ZUP, une carte postale" ont servi de support à la création d'un papier peint par le collectif d'artistes et d'activistes Initiative Urban Kulturen, qui a été exposé à Berlin et aux rencontres photographiques d'Arles. Il prépare un actuellement un ouvrage sur les cartes postales de grands ensembles d'habitat social.
Publication
Rénovation Urbaine. Démolition-reconstruction de l'État, Presses de Sciences Po, 2013.

Caroline FERRARIS-BESSO : Tahiti, envers de la carte postale
Nous nous intéresserons aux avatars du mythe de Tahiti ou de la "Nouvelle Cythère", qui correspondent à autant de retournements affectant la carte postale telle qu'elle se manifeste dans le contexte polynésien : du recto vers le verso, du texte vers l'image puis de retour vers le texte. Dans un premier temps, nous considérons ce qui fait impression dans la production littéraire et artistique des XVIIIe et XIXe siècles, en accordant une attention particulière aux écrits et dessins de Pierre Loti et Paul Gauguin. Nous étudions ensuite la manière dont ces impressions sont codifiées dans les cartes postales du début du XXe siècle. Enfin, nous considérons la circulation de "cette image de carte postale paradisiaque" dans le recueil de nouvelles Cartes postales (2015) de Chantal T. Spitz : en s'appropriant le style du texte de la carte, elle fait mentir l'image pauvre du mythe et réaffirme la primauté de la parole.

Caroline Ferraris-Besso est professeur assistante dans le département de français à Gettysburg College, en Pennsylvanie. Ses travaux de recherche portent sur la fabrique des minorités par le biais de la littérature et des arts dans l'Empire Colonial Français. Elle travaille à un manuscrit intitulé Postcarding the Other : Polynesia and the Nineteenth-Century French Imagination.

Maha GAD EL HAK : Les cartes postales de L'Égypte d'Hier en couleurs (2008)
Notre étude, tournant autour du spatial et de l'humain dans ce recueil d'images, tentera de s'interroger sur les points suivants : "Quels y sont les genres de cartes postales utilisées ? L'emploi de chaque type répond-il à une explication quelconque ? Pour quelles raisons les auteurs ont-ils aujourd'hui édité cet ouvrage ? Est-ce une question de nostalgie d'une période révolue ou y aurait-il d'autres motifs à ce discours icono-verbal ? Et quelles conclusions peut-on tirer quant aux rapports existant entre pratiques et représentations ?". C'est pour répondre à ces questions que l'on analysera cette passionnante collection appartenant à la culture visuelle mondiale.

Professeur d'histoire culturelle et de sémiotique visuelle à l'université du Caire, Maha Gad El Hak est cofondatrice du GRI (Groupe de Recherche sur l'Image), coordinatrice du premier projet : "L'image de Paris, l'image dans Paris. L'image comme vecteur culturel" (2006-2011), du second projet du GRI : "La photographie comme produit culturel et document historique" (2011-2016), et du troisième projet : "La Femme entre pratiques sociales et représentations discursives" (2016-2019). Elle est aussi experte et partenaire du site français : decryptimages.net.
Publications
"Paris, Le Caire et Sao Paulo à travers le site TV5 Monde", in Dialogues et Cultures, n°59 : "Usages pédagogiques du site de TV5 Monde", 2013, pp.17-34.
"Le Sentimental. Les Images en Égypte contemporaine" (avec Aida Hosny), in L. Gervereau (dir.), Dictionnaire mondial des Images, Nouveau Monde, Paris, 2006, pp.961-963 (réédité en 2010, Nouveau Monde (poche), pp.1473-1477).
"L'Écriture de l'Histoire entre discours verbal et discours iconique", in R. Jacquemond (dir.), Écrire l'Histoire de son temps. L'Écriture de l'Histoire, Paris, L'Harmattan, 2005, pp.137-148.
"À propos d'une tradition : récit photographique", in Mémoires de la Méditerranée : Génie du lieu, Actes du IIIe Symposium des expressions culturelles et artistiques de la Méditerranéité, Monastir, janvier 2004, pp.110-125.

Cyrielle LÉVÊQUE : Des cartes postales entre documents et indignation : une lecture de l'œuvre de Ken Gonzales Day
La pratique de collectionneur de l'artiste américain Ken Gonzales Day s'oriente dans le cadre du projet Erased lynching, vers des cartes postales présentant des scènes de lynchages dans l'Ouest américain envers les Amérindiens, les Chinois, les Latinos et les Afro-Américains. Ces actes ont été photographiés et largement diffusés aux États-Unis de manière légale de la fin du XIXe siècle jusque dans les années 1930. Ken Gonzales Day s'empare de ces dernières et intervient sur les images par le biais d'un processus créateur singulier. L'acte de témoignage et de transmission face à ces évènements incite le spectateur à réévaluer le statut initial de la carte postale. Quels leviers sont mis en place par l'artiste, pour mettre à jour des images qui viennent bouleverser notre rapport à l'information initiale ? Ce questionnement permettra de nous interroger sur les échanges qui s'opèrent entre le document, l'Histoire et la mémoire par le prisme de l'évanouissement de la figure et de révéler l'engagement critique qui sous-tend cette proposition.

Cyrielle Lévêque est photographe, plasticienne et docteure en sciences de l'art. Ses recherches plastiques et théoriques s'orientent vers la mise en récit d'images d'archives et vernaculaires sous diverses formes et portent une attention particulière aux processus de transmission. Au cœur de ces derniers s'exerce une recherche constante autour de l'image manquante et des rapports de la disparition et de son absence, qui compliquent tout témoignage visuel, élaborant l'idée d'une résistance des images grâce à l'œuvre d'art.

Danièle MÉAUX : Les cartes postales, des documents privilégiés pour les artistes enquêteurs du XXIe siècle
De nombreuses œuvres contemporaines — se positionnant au croisement de la tradition documentaire, des pratiques conceptuelles et des recherches en sciences humaines et sociales — manifestent un intérêt renouvelé pour la compréhension de phénomènes réels, présents ou passés : elles constituent de véritables enquêtes menées sur le terrain ou au sein des archives. Parmi les documents collectés par les artistes, les cartes postales occupent une place toute particulière. Elles portent des informations, véhiculent des lieux communs instructifs d'un point de vue sociologique, historique ou anthropologique, trahissent des stratégies économiques ou territoriales ; associant à l'image une correspondance inscrite à leur verso, elles possèdent également une épaisseur intrinsèque qui en fait des documents doués de complexité.

Spécialiste de la photographie contemporaine, Danièle Méaux est professeur en esthétique et sciences de l'art à l'université de Saint-Étienne. Elle dirige le CIEREC EA 3068. Elle a récemment coordonné la publication du numéro 334 de la Revue des Sciences Humaines : Les Formes de l'enquête. Elle est rédacteur en chef de la revue Focales.
Publications
La Photographie et le temps, PUP, 1997.
Voyages de photographes, PUSE, 2009.
Géo-photographies. Une approche renouvelée du territoire, Filigranes, 2015
Enquêtes. Nouvelles formes de photographie documentaire, Filigranes, 2019.

Wolfram NITSCH : Photographies parlantes. Cartes postales dans les romans de Claude Simon
Si, dans le Manifeste du surréalisme, Breton se plaît à dénigrer les "cartes postales" que sont à son avis les descriptions littéraires, Claude Simon prend une position tout à fait contraire. Dans ses romans, surtout dans Histoire (1967) et L'acacia (1989), il assigne une place importante aux cartes postales du début du XXe siècle et en offre souvent une description étendue. Les passages en question indiquent une perspective double du narrateur, à la fois critique et complice. D'une part, il évoque non sans un certain sarcasme l'usage des cartes postales dans la correspondance galante du milieu grand-bourgeois, dans la politique visuelle de l'empire colonial et dans la propagande patriotique de la Grande Guerre, tout en insistant sur la standardisation des "vues" photographiques et des messages sommaires. D'autre part, il met en valeur la capacité des cartes postales de provoquer de fortes émotions auprès du destinataire, soit par un envoi très fréquent qui produit une véritable "avalanche" de messages, soit par des effets sémiotiques involontaires de "majesté" ou de "désolation", dûs à une mauvaise qualité de tirage ou d'impression des photographies qui par là même deviennent "parlantes". En outre, le jeu de cartes postales qu'on peut arranger d'une manière ou de l'autre sert de "machine" littéraire au romancier qui cherche à réduire le romanesque par une composition analogique d'images mémorielles.

Wolfram Nitsch est professeur de littérature française et hispanique à l'université de Cologne. Ses principaux champs de recherche sont la prose française du XXe siècle, la littérature espagnole du siècle d'or et la littérature argentine moderne, ainsi que la médiologie, l'anthropologie littéraire et la théorie de l'espace. De 2014 à 2018, il a dirigé un projet de recherche sur la poétique du terrain vague (terrainvague.de), dont est sorti l'ouvrage Terrains vagues (2019).
Publications
Sprache und Gewalt bei Claude Simon (1992).
Barocktheater als Spielraum (2000).
Co-auteur du livre Komödie (2013).
A co-dirigé les volumes Lectures allemandes de Claude Simon (2013), Scénarios d'espace (2014), Le mouvement des frontières (2015) et Marcel Proust und der Erste Weltkrieg (2017).

Antoine QUILICI : Cartes postales de musées et appropriations
Si les boutiques de musées proposent encore des reproductions d'œuvres sans altération, hormis celles imposées par les choix des photographes, et qui ont constitué le Musée Imaginaire d'André Malraux, nombreuses sont aujourd'hui les cartes qui donnent à voir les tableaux les plus célèbres de l'histoire de l'art retouchés afin de les rendre plus simples ou amusants. Ces modifications que nous analyserons tirent bien parti du statut de la carte postale mais elles obéissent également à des stratégies commerciales. Elles peuvent en revanche prendre une dimension artistique lorsque le champ de liberté offert par la carte postale est vu comme l'espace de la subversion, de la réinterprétation et non plus celui de la fantaisie. En prenant comme point de départ La Joconde de Marcel Duchamp maquillée sur ce petit format, nous nous intéresserons ensuite aux diverses possibilités que ce rectangle de quelques centimètres offre aux artistes souhaitant reprendre les classiques. Nous verrons qu'en invitant les travaux des grands maîtres dans la sphère domestique, la carte permet aux artistes de les appréhender d'une façon intime, de les refaire, de les marier à d'autres techniques et d'ouvrir de nouvelles possibilités au Mail Art.

Antoine Quilici est doctorant en troisième année en arts plastiques à l'université Rennes 2 sous la direction de Sandrine Ferret (unité de recherche PTAC - EA 7472), ses recherches portent sur les produits dérivés de musées et la place qu'ils occupent dans un parcours de visite.

Marie-Clémence RÉGNIER : Imagerie et imaginaire contemporains des maisons d'écrivains et d'artistes en France : du polart à Instagram
Dans un premier moment historique, la communication s'appuiera sur un corpus iconotextuel pour interroger la manière dont la réhabilitation de la plupart des maisons d'écrivains et d'artistes emprunte à un répertoire d'images et de valeurs propre à une certaine catégorie de carte postale patrimoniale, voire patriotique. Elle étudiera ensuite des "portraits de maison" illustrés dans des collections ad hoc et des fictions contemporaines dont la trame narrative se déporte progressivement vers le dévoilement plus ou moins critique des mécanismes de construction du patrimoine et du "génie des lieux" à l'appui d'illustrations reposant sur les codes iconographiques de la carte postale. La comparaison avec cette dernière y est employée pour pointer la fiction d'authenticité, l'esthétique et l'instrumentalisation idéologique et politique qui sous-tendent encore aujourd'hui la fabrique et l'entretien complaisant de ces paysages "de carte postale" que sont les maisons dans leur environnement, dans des descriptions imitant ou parodiant un "style carte postale" clichéique. Il s'agira d'en délimiter les ressorts poétiques (accumulation de stéréotypes, saturation adjectivale, lyrisme intimiste…). Les cartes postales subissent ainsi un processus de remédiation dont les "posts" sur les réseaux sociaux constituent un autre avatar sur lequel s'ouvrira la communication. Facebook, Instagram ou encore Pinterest regorgent effectivement de contenus iconotextuels adressés non plus à un individu identifié mais à des "communautés" selon des codes iconographiques et discursifs spécifiques. Ces cartes postales 2.0 fonctionnent comme autant de "déjà vus". Ceux-ci véhiculent une imagerie et un imaginaire de la maison d'écrivain et d'artiste homogènes avec les exemples examinés précédemment, comme autant de représentations légendaires façonnées par des scénographies auctoriales marquées par un art de vivre propre au génie créateur. Toutefois, les usages que permettent les technologiques numériques induisent de nouvelles pratiques et de nouvelles représentations, comme l'appropriation de l'image standardisée et anonyme de la carte postale par la mise en scène de soi ou encore par la mise en réseau du "post" au moyen d'un hashtag.

Ancienne élève de l'École Normale Supérieure de Paris, agrégée de lettres modernes et diplômée de Sciences-po Paris, Marie-Clémence Régnier a soutenu une thèse en littérature française à la Sorbonne sur la genèse des maisons-musées d'écrivains en France. Elle est maître de conférences à l'université d'Artois. Ses recherches portent sur la construction de la figure de l'écrivain et de l'histoire littéraire dans les maisons-musées, les musées et les expositions littéraires et, plus largement, sur les interactions entre littérature, patrimoine et culture médiatique moderne depuis le XVIIIe siècle [en savoir plus].
Publications
"Ce que le musée fait à la littérature. Muséalisation et exposition du littéraire", Introduction au numéro d'Interférences littéraires/Literaire interferenties, n°16, "Ce que le musée fait à la littérature. Muséalisation et exposition du littéraire", Marie-Clémence Régnier (dir.), juin 2015.
"Hauteville House : une scène pour l'exil ? Mise en scène de soi et du chez soi", Actes du colloque international "L'écrivain vu par la photographie" (Colloque de Cerisy, 21- 28 juin 2014), Anne Reverseau, Jean-Pierre Montier et David Martens (dir.), Rennes, Presses de l'université de Rennes, 2017, p. 229-236.
""Je ne suis pas de ceux dont la postérité signalera les maisons". Place et statut des maisons de Théophile Gautier dans sa patrimonialisation (1867-1922)", Catherine Mayaux (dir.), Quand les écrivains font leur musée, Bruxelles, Peter Lang, 2017, p. 237-243.
"Aspects du "pittoresque" dans le processus de patrimonialisation des maisons des écrivains : le cas des maisons de Pierre Corneille dans L'Hermite en province et les Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France (1804-1829)", Actes de la journée d'étude organisée par Georges Zaragoza et le Musée de la vie romantique, Cahiers d'Études nodiéristes, Paris, Classiques Garnier, 2018/1, n°5, "Voyages pittoresques et romantiques : littérature et patrimoine dans la première moitié du XIXe siècle", p. 155-169.

Mathilde ROUSSIGNÉ : Cartes postales contemporaines et résidences d'écrivain. Littérature contextuelle, relationnelle, résidentielle ?
Les résidences d'écrivains stimulent un régime local de publication au double sens du terme : elles motivent des publications à diffusion restreinte et confrontent les écrivains à une écriture du séjour. Dans le cadre de ces deux modalités de publication locale, la carte postale apparaît alors comme un support privilégié. Qu'a à nous dire ce recours à la carte postale de la poétique des productions résidentielles ? Il nous éclaire, d'une part, sur les attentes et les contraintes qui pèsent sur cette production littéraire : assumer le besoin institutionnel de restitution, donner trace de l'expérience du séjour dans un lieu, faire de la littérature un art relationnel. Il donne à voir, aussi, les divers détournements et réappropriations de la littérature à l'épreuve de la carte postale. Il nous invite à penser, surtout, la littérature en termes de sociabilités, de médiations locales et de sphères de publications restreintes.

Mathilde Roussigné, ancienne élève de l'ENS de Lyon et agrégée de lettres modernes, mène une thèse sur l'épreuve du terrain en littérature contemporaine française sous la direction de Lionel Ruffel (Paris VIII) et de Gisèle Sapiro (EHESS). Elle a publié plusieurs articles sur les rapports d'enquêtes littéraires, les résidences d'écrivains et la question de l'intervention littéraire. Elle est membre du Séminaire Littéraire les Armes de la Critique (ENS Ulm). Elle enseigne à l'EHESS.

Noëlle ROUXEL-CUBBERLY : Un générique de cartes postales : le cas de la Rue Cases-Nègres d'Euzhan Palcy
Emblématiques de l'apogée de l'empire colonial français et de leur propre âge d'or, les cartes postales du générique de Rue Cases-Nègres (Palcy, 1983) ancrent l'intrigue dans la Martinique "exotique" des années 1930. Le film n'a pas commencé que ces cartes postales "parlent" : ainsi, à la légende "FORT-DE-FRANCE : La Rue de la Liberté", correspondent, ironiquement, arbres rectilignes, grilles dressées du palais de justice et rangées de militaires. Écho musical du sépia, le ragtime du générique, derrière ses accents à la fois gais et nostalgiques, évoque un "temps en lambeaux" alors que (ré)apparaissent dans le film des dimensions rythmiques et temporelles autres. On examinera la façon dont ce générique propose une réécriture et une relecture des représentations de la Martinique sur les cartes postales de l'époque.

Noëlle Rouxel-Cubberly est enseignante-chercheuse à Bennington College (Vermont). Ses recherches portent sur l'enseignement du français par le cinéma.
Publication
Les titres de film : Économie et évolution du titre de film français depuis 1968, Houdiard, 2011.

Denis SAINT-AMAND : La 'Pataphysique en cartes postales
Dans les premiers moments de sa fondation en 1948, le Collège de 'Pataphysique a produit des cartes postales réservées à ses membres et vouées à accueillir leur correspondance relative à l'institution. La face imprimée de ces cartes supporte à la fois l'élaboration d'un style potache inhérent à l'entreprise (gravures et photographies pourvues de légendes humoristiques, détournements, dessins irrévérencieux et absurdes, références aux textes fondateurs d'Alfred Jarry, etc.) et la constitution d'une mémoire collective (photographies des membres du Collège, seuls ou en groupe, lors de séances du Collège ou en vacances, etc.). On se propose d'interroger les logiques et mécanismes rhétoriques de ces faces imprimées, sur la base d'un corpus de plus de 250 cartes postales pataphysiciennes mises en circulation entre 1950 et 2000 et rassemblées dans l'anthologie établie par les éditions L'Hexaèdre (2014). En plus de la face iconique/imprimée, on se penchera également, à l'aune d'un corpus restreint d'une vingtaine de cartes destinées à Michel Lessard dans les années 1970-1980 et liées à l'activité de la faction montréalaise du Collège de 'Pataphysique, sur la façon dont les membres de l'institution s'approprient ces cartes et comment celles-ci deviennent le support d'un discours sur une activité collective fonctionnant en vase clos, voire comment elles peuvent favoriser l'émergence d'une création littéraire hors du livre.

Denis Saint-Amand est chercheur qualifié du FNRS à l'université de Namur. Codirecteur des revues Parade sauvage et COnTEXTES, il a notamment animé avec Anthony Glinoer le Lexique Socius. Attentif aux productions littéraires évoluant en dehors du marché du livre, spontanées et artisanales, il a livré une édition de l'Album zutique avec D. Grojnowski (GF, 2016) et a dirigé un numéro de la revue Mémoires du livre sur la "littérature sauvage" (2016).
Publications
La Littérature à l'ombre. Sociologie du Zutisme, Classiques Garnier, 2012.
Le Dictionnaire détourné, PUR, 2013.
La Dynamique des groupes littéraires (dir.), PULg, 2016.
Le Style potache, Éditions La Baconnière, 2019.

Géraldine SFEZ & Sarah TROCHE : Le bonheur en couleurs véritables
Les cartes postales, et plus précisément les cartes postales réalisées dans les années 1950-1960, ont été l'objet récemment d'un réinvestissement de la part de nombreux artistes contemporains. L'attrait de ce type de cartes postales semble en grande partie consister, pour ces artistes, dans les usages stéréotypés de la couleur et les mises en scènes figées qu'elles proposent. Les cartes postales constituent à ce titre, à l'instar des albums de photographies, des catalogues de vente par correspondance ou des dépliants touristiques, un répertoire d'images particulièrement cliché du bonheur. Comment penser la carte postale (son format, ses codes esthétiques, les représentations normées du territoire qu'elle induit) dans son articulation aux notions de cliché et de bonheur ? Pour explorer cette piste, on s'intéressera en particulier aux travaux de l'artiste "documentation Céline Duval", du photographe Mathieu Pernot, de l'écrivaine et vidéaste Valérie Mréjen, ainsi qu'aux Deux cent quarante-trois cartes postales en couleurs véritables de Georges Perec.

Géraldine Sfez est maîtresse de conférences en études cinématographiques à l'université de Lille et membre du CEAC (Centre d'Étude des Arts contemporains). Elle co-dirige depuis 2018 la revue du CEAC, Déméter. Théories et pratiques artistiques contemporaines. Ses recherches portent sur l'esthétique et la théorie des arts visuels contemporains et s'articulent principalement autour du rapport entre pratiques artistiques contemporaines et pratiques mémorielles d'une part, et des relations entre cinéma et art contemporain d'autre part. Elle a co-organisé à l'INHA (Institut National d'Histoire de l'Art), de 2012 à 2015, le séminaire "Écrans exposés. Cinéma, art contemporain, médias" ainsi que deux journées d'études sur le même thème au LaM (2014) et au Fresnoy (2016). Elle prépare avec Riccardo Venturi un ouvrage sur "L'attrait des écrans" pour la collection "Côté cinéma/Motifs" chez Yellow Now (à paraître, 2020).

Sarah Troche est maîtresse de conférences en esthétique et philosophie de l'art à l'université de Lille (UFR humanités) et membre du laboratoire Savoirs, Textes, Langage où elle dirige la thématique "Invention et pratiques dans les arts et la littérature". Ses recherches portent sur le travail de la mémoire dans les pratiques artistiques modernes et contemporaines, principalement dans le champ des arts plastiques et de la musique : arts de l'oubli (hasard méthodique, table rase, déprise, innocence active), norme du goût et habitudes perceptives, automatismes, gestes de reprise et de répétition, circulation et usages des images toutes faites et des clichés. Ses travaux ont fait l'objet de publications dans plusieurs revues (Nouvelle revue d'esthétique, Les Cahiers philosophiques, Tacet, Philonsorbonne) et ouvrages collectifs. Elle est également membre du comité de rédaction des revues Geste (2005-2012), Déméter et Methodos (depuis 2019).
Publication
Le hasard comme méthode, Figures de l'aléa dans l'art du XXe siècle, Presses universitaires de Rennes, coll. "Aesthetica", 2015.

Sur la question du cliché, Sarah Troche et Géraldine Sfez ont organisé une journée d'études en mars 2017 à l'université de Lille : "Faire cliché : enjeux esthétiques des images toutes faites". Elles ont également co-écrit un article : "Le bonheur en images : puissance et réactivation d'un cliché" dans The Images and the autonomy of their conflict, sous la dir. de José Quaresma, École des Beaux-Arts de Lisbonne, automne 2019.

Andy STAFFORD : La carte postale "postcoloniale" ?
Ce n'est sans doute pas une coïncidence que Le harem colonial de Malek Alloula sorte en 1981 au même moment que l'exposition de Marc Garanger au Festival d'Arles des "photos d'identité" qu'il avait prises des femmes algériennes pendant la Guerre d'Algérie pour les contrôles de l'armée française. La représentation des femmes nord-africaines avait certes ses exemples dans l'orientalisme terni des décennies antérieures ; mais le début des années quatre-vingts semblait promettre un renversement de cette imagerie colonialiste, renversement qui va à travers l'écriture romanesque d'une Leïla Sebbar, dans sa trilogie sur Shérazade (1982-1991), dans ses nouvelles et ses collaborations avec Garanger des années 1990, et surtout jusqu'à sa collaboration en 2002 avec Jean-Michel Belorgey sur des femmes d'Afrique du Nord dans les cartes postales. Mais pourquoi la carte postale pour un tel renversement ? Y-aurait-il une spécificité du médium qui pourrait défaire le stéréotype ? Cette analyse s'inscrit dans le contexte de l'extrême contemporain marqué ces jours-ci par la dispute amère autour du volume collectif Sexe, race et colonies (La Découverte 2018), et par le débat animé autour de l'exposition "Le Modèle noir en peinture" au musée d'Orsay (2019).

Spécialiste de l'œuvre de Roland Barthes, ainsi que du photo-texte, Andy Stafford a publié aussi sur les littératures francophones du Maghreb, de l'Afrique, des Antilles. Il contribue ces jours-ci à un volume sur Abdelkébir Khatibi dirigé par Khalid Lyamlahy et Jane Hiddleston (Liverpool University Press 2020), sur La revue du monde noir pour un volume sur les femmes et les revues (dirigé par Amélie Auzoux, Camille Koskas, Lisa Russo), et sur Mohamed Bourouissa dans un volume sur le photobook (Paul Edwards dir.). Habilité à diriger des recherches par l'université de Grenoble, il est enseignant-chercheur à l'université de Leeds au Royaume-Uni.

Pierre TAMINIAUX : Paul Nougé ou le poème comme carte postale
Cette intervention abordera avant tout la poésie visuelle du poète surréaliste belge Paul Nougé, qui occupe une place essentielle dans son œuvre singulière. Elle constitue à bien des égards une métaphore continue de la carte postale. Dans cet ensemble de propositions aléatoires, le poète dévoila une conception plastique des mots, c'est-à-dire la rencontre concrète dans l'espace de la page de fragments d'écriture et de formes graphiques. La carte postale, dans cette perspective, souligne l'idéal d'une forme d'expression instantanée et éphémère reposant sur des moyens modestes. On considérera en ce sens la carte postale, chez Nougé, comme un exemple original d'écriture automatique, mais aussi de collage poétique, fidèle en cela à l'esprit du surréalisme défini par André Breton, qui fut lui-même un grand amateur et collectionneur de cartes postales.

Pierre Taminiaux est professeur de littérature française et francophone du XXe et du XXIe siècles à Georgetown University.
Publications
Surmodernités : entre rêve et technique, L'Harmattan, 2003.
Littératures modernistes et arts d'avant-garde, Honoré Champion, 2013.
Du surréalisme à la photographie contemporaine : au croisement des arts et de la littérature, Honoré Champion, 2016.
Révolte et Transcendance : Surréalisme, situationnisme et arts contemporains, L'Harmattan, 2018.

Claire TENU : "The actuality of the past"
Je me suis intéressée aux cartes postales anciennes représentant des territoires que j’arpentais (Cherbourg ; un petit village en Creuse ; le port de Rouen et la vallée de la Seine pour un Observatoire photographique des paysages mené actuellement), en constituant de petites collections à mon usage, que j’ai parfois montrées en regard de mes photographies. Les cartes postales présentent, pour qui s'intéresse à la vue — à la croisée de la tradition picturale de la veduta et d'une histoire artistique et littéraire des topographies urbaines — des qualités descriptives presque incomparables, à la fois génériques et spécifiques. Les configurations urbaines et paysagères du moindre recoin de France ont été fixées dans les années 1900 à 1920, rejouant des points de vue déjà inscrits par la peinture ou la gravure, ou bien en forgeant de nouveaux. Cette communication sera l'occasion de faire le point sur l'incidence des cartes postales sur ma pratique artistique, afin de formuler des réflexions et des hypothèses sur l'intérêt que peuvent porter des artistes d'aujourd’hui à ces images imprimées. Ce propos s'appuiera aussi sur l'artiste Walker Evans, à qui j'emprunte la formule en titre.

Claire Tenu est artiste et enseignante à l'École supérieure d'art de Lorraine. Elle a développé une pratique de la photographie lyrique et spéculative, au croisement de diverses disciplines : composition et montage, description topographique et récit filmique, écriture et installation. Son exposition La ville que nous voyons au Centre d'art Le Point du Jour à Cherbourg en 2013 était accompagnée d'un livre. Elle a soutenu en 2016 une thèse en création artistique intitulée "Tamis lyrique", préparée à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris dans le cadre du programme doctoral SACRe (Université Paris Sciences et Lettres).

Gilles TEULIÉ : Représentations de l'espace colonial et appropriations territoriales dans l'industrie de la carte postale du début du XXe siècle
Sans prétendre à l'exhaustivité, cette communication se propose de présenter une typologie représentative de la manière dont les cartes postales aussi bien britanniques que françaises induisent une certaine vision des empires coloniaux. Nous verrons que les cartes postales reproduisant des cartes géographiques, les clichés des infrastructures coloniales, des constructions européennes, les exploitations agricoles régies par des Blancs, une présence physique blanche, qu'elle soit officielle (représentant des États), individuelle (colons) ou militaire, sont autant d'éléments d'appropriation symbolique d'un territoire. Il s'agira d'examiner le regard croisé entre britanniques et français au travers des cartes postales et d'essayer de rendre compte des modes opératoires qui ont typifié le regard du photographe colonisateur autour d'un projet se voulant à la fois esthétique et pragmatique de contrôle de l'espace colonisé et par la même occasion du colonisé lui-même.

Gilles Teulié est professeur de civilisation britannique et du Commonwealth à l'université Aix-Marseille. Son laboratoire de rattachement est le LERMA (Université Aix-Marseille). Il est membre de la SEPC (Société d'Étude des Pays du Commonwealth) et du GRER (Groupe de Recherche sur l'Eugénisme et le Racisme). Son champ d'étude porte sur les représentations de la guerre et de la violence dans le monde britannique (en particulier à l'époque victorienne) et tout spécialement en Afrique du Sud. Il prépare actuellement un ouvrage sur les "Greetings from the Colonies : Picture Postcards and European Empires, 1891-1939".

Gaëlle THÉVAL : Le mail art en revue : les cartes postales DOC(K)S
Fondée en 1976 par Julien Blaine, la revue de poésie expérimentale DOC(K)S se fonde dans son principe même sur la pratique du mail art. Le nom faisant coexister les deux termes de "docks" et de "docs" pour "documents", désigne la revue comme plateforme où des documents venus des quatre coins du monde convergent et s'échangent : à la logique anthologique et non sélective s'associe une perspective documentale, chaque envoi étant traité comme un document, non éditorialisé, car reproduit tel quel en offset. Dans cette communication nous centrerons le propos sur les usages et devenirs de la carte postale, qui a fait l'objet de trois numéros spéciaux de la revue, au sein des autres supports d'envoi. Objet essentiellement hybride et iconotextuel, la carte postale est en effet un support d'investissement privilégié de cette poésie postale et visuelle qui devient, dans la revue DOCKS, un objet singulier intégrant à sa poétique ses conditions d'envoi et de réception.

Gaëlle Théval est professeure agrégée à l'université de Rouen (IUT). Chercheuse membre du laboratoire MARGE (Université Lyon 3) et chercheuse associée au THALIM (Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle / CNRS), ses travaux portent sur les poésies expérimentales et contemporaines, dans le livre (comme espace de création) et hors du livre (poésie sonore, performance, vidéopoésie, poésie numérique…).
Publications
Poésies ready-made, XXe-XXIe siècles, Paris, L'Harmattan, 2015, coll. "Arts & médias".
Avec Hélène Campaignolle et Sophie Lesiewicz (dir.), Livre/Poésie : une histoire en pratique(s), Paris, Éditions des Cendres, 2017.
Avec Olivier Penot-Lacassagne (dir.), Poésie & performance, Nantes, Cécile Defaut, 2018.

Kim TIMBY : Le début de la vente de cartes postales dans les musées en France, 1900-1912
Les chefs-d'œuvre artistiques font partie des iconographies à succès de la carte postale illustrée dès ses débuts en France. Dans les musées, des cartes reproduisant les collections sont rapidement proposées, souvent par des gardiens entreprenants. Ce commerce est si florissant que dès 1905 les musées nationaux sont accusés de concurrence déloyale par un syndicat de marchands. Le gouvernement défend alors l'intérêt de la carte postale au musée : en faciliter l'accès est un service important pour les érudits et le grand public. L'État décide de prendre le contrôle de ce marché dans ses musées, avec des motivations à la fois culturelles et financières. Ainsi, avant même la Première Guerre mondiale, la carte postale est un support de diffusion de l'art ancien et contemporain, omniprésente dans l'espace public et les institutions, un intermédiaire essentiel pour la circulation de la connaissance artistique.

Kim Timby est historienne de la photographie, enseigne à l'École du Louvre et travaille pour une collection privée de photographies du XIXe siècle. Ses recherches explorent l'histoire culturelle des technologies photographiques. La carte postale et d'autres imageries populaires ont fait partie de son histoire des images en relief et animées (De Gruyter, 2015). Elle travaille actuellement sur les formes innovantes de la reproduction photographique d'œuvres d'art.


Le projet pOST : atelier mail art
Le collectif OST mène depuis plusieurs années le projet pOST, un atelier de création de cartes postales originales à envoyer à qui l'on veut et partout dans le monde.
À l'heure où des milliards de messages instantanés sont envoyés tous les mois sur le seul territoire belge, où des serveurs sur Internet donnent la possibilité à une seule personne d'envoyer 80000 mails par semaine, et bien plus de clic sur les smart phone, le traditionnel courrier papier se fait de plus en plus rare dans nos boîtes aux lettres si ce n'est les factures ou les criardes publicités.
Le projet pOST veut changer la donne et offrir l'occasion d'envoyer des messages aux amis, aux amants, aux voisins, à soi-même, à qui vous voulez !
OST met à votre disposition des tas de livres, magazines et images d'archives triés sur le volet. Dans ces ouvrages, il est permis de découper comme vous voulez, et à disposition vous aurez des outils graphiques pour créer un courrier avec la méthode du collage. Les oiseaux seront aussi à vos côtés pour vous aider à créer une carte toute spéciale !
Références
Différentes actions : ostcollective.org
Archives : flickr.com/photos/ostcollective/collections/72157646813737639
Un exemple d'atelier : vimeo.com/205012579

Né en 2009 à Bruxelles, le collectif OST conçoit et anime de nombreux projets artistiques et culturels en utilisant le médium photographique et différentes techniques de l'image afin de produire des messages riches de sens et de poésie. Fonctionnant comme un laboratoire expérimental à dimensions artistique et sociale, le collectif OST interroge des créateurs et des publics sur des notions d'identité, de représentation et d'imaginaire collectif.


BIBLIOGRAPHIE :

• Boivent Marie, "Cartes postales et reproductibilité de l'archive dans quelques pratiques artistiques contemporaines", Focales numéro 2 : Le recours à l'archive, 2019.
• Chéroux Clément & Eskildsen Ute (dir), La Photographie timbrée. L'Inventivité visuelle de la carte postale photographique au début du XXe siècle, Catalogue du Jeu de Paume, Paris (4 mars-8 juin 2008), Steidl, 2008.
• Canetti Elias, Masse et puissance, traduit de l'allemand par Robert Rovini, Paris, Éditions Gallimard [1966], 1986.
• Derrida Jacques, La Carte postale, de Socrate à Freud et au-delà, Paris, Flammarion, 1980.
• Gonzales-Day Ken, Lynching in the West : 1850-1935, Duke University Press, 2006.
• Immelé Anne, "Archives et constellations", Focales numéro 2 : Le recours à l'archive, 2018.
• Lageira Jacinto, L'art comme Histoire. Un entrelacement de poétique, Éditions Mimésis, Collection "Art, esthétique, philosophie", 2009.
• Sontag Susan, Sur la photographie, Paris, Éditions Bourgois, Collection "Énonciations", 2008.
• Sontag Susan, Devant la douleur des autres, Paris, Éditions Bourgois, Collection "Essais", 2003.


SOUTIENS :

• Laboratoire Pléiade - EA 7338 // Comité scientifique // Institut MEDIALECT | Université Sorbonne Paris Nord
• Projet Fictograph | Maison des Sciences de l'Homme en Bretagne (MSHB)
• Projet ERC Handling | Université catholique de Louvain

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du mardi 11 mai au lundi 17 mai 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


ART / ARGENT : L'ÉCONOMIE À L'ŒUVRE


DU MARDI 2 JUIN (19 H) AU MARDI 9 JUIN (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Patrice BAUBEAU, Martial POIRSON, Yann TOMA


ARGUMENT :

Ce colloque interdisciplinaire portera sur les relations entre les arts et l'économie d'hier à aujourd'hui. En effet, les formes de production, de représentation et de réception de l'art à travers les âges sont indissociables du système économique de leur temps sans en être pour autant une simple transposition, alors que la mise en fiction de l'économie, sa réalité parfois portée à la critique, sublimée ou transformée par l'art, autorisent de subtiles stratégies d’infiltration, de détournement, de subversion de l'attribution de la valeur. D'où l'existence d'un rapport de fascination et de répulsion mutuelle entre art et argent. Ce dialogue complexe s'éclaire en interrogeant la position des œuvres, des artistes et des publics, mais aussi, de façon symétrique, les modalités de captation des gestes artistiques au sein de l'activité économique proprement dite. Le travail créateur s'insère ainsi dans la production de valeur marchande comme dans ses processus de créance, tout en interrogeant ses modalités d'évaluation, de distribution ou d'appropriation, sous leurs formes économiques, sociales, politiques, culturelles et symboliques.

La rencontre accordera une large place à la recherche créative et à l'expérimentation artistique des objets et mécanismes économiques (monnaie, actions). Elle articulera relecture de textes canoniques, paroles de penseurs de différentes disciplines, expérimentations d'artistes et rencontres avec des acteurs de l'économie.


MOTS-CLÉS :

Argent, Arts, Créance, Crise, Économie, Fiction, Littérature, Monnaie


CALENDRIER PROVISOIRE :

Mardi 2 juin
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mercredi 3 juin
L'ÉCONOMIE DANS L'ART
Écritures de l'argent — Présidence : Claire PIGNOL
Matin
Patrice BAUBEAU & Martial POIRSON : Ouverture
Yann TOMA : Présentation de l'atelier récurrent (entreprise fictive, exposition, installation, performance)
Christophe HANNA & Nancy MURZILLI : Présentation de l'Agence de notation ArTeC

Les théâtres de l'argent, table ronde animée par Claire PIGNOL, avec Guillaume COT (Dom Juan : le crédit d'une œuvre) et Béatrice SCHUCHARDT (L'économie politique transformée en fiction : la mise en scène des secteurs économiques dans le théâtre sentimental espagnol et français)

Après-midi
Les commerces du théâtre, table ronde animée par Claire PIGNOL, avec Isabelle BARBÉRIS (Le procès anticapitaliste au théâtre : un discours de vérité) et Romain JOBEZ (Le théâtre est-il un luxe ? Des valeurs dans le domaine du spectacle vivant)

Christine BARON : Flux monétaires à l'état gazeux

Soirée
Atelier : Lecture de textes littéraires


Jeudi 4 juin
L'ÉCONOMIE DANS L'ART
Figurations, motifs, tropes économiques — Présidence : Arnaud ORAIN
Matin
Emmanuel BOUJU : Credit Crunch. Pour une poétique de l'insolvabilité [conférence-performance]

Pertes et profits, table ronde animée par Arnaud ORAIN, avec Marius Warholm HAUGEN (Économie du risque et mises en scène de la loterie au début du XIXe siècle) et Claire PIGNOL (Richesse réelle ou monétaire : des imaginaires conflictuels ?)

Après-midi
Déclinaisons, circulations, table ronde animée par Arnaud ORAIN, avec Ludovic DESMEDT (L'argent dans le neuvième art : les échanges monétaires vus par l'école franco-belge [intervention établie avec Jérôme BLANC]), Marie-Laure MASSEI-CHAMAYOU (Transcender les contraintes de l'économie domestique : Jane Austen, Frances Burney, Maria Edgeworth) et Christophe RIOUX

Atelier : Dématérialisation des objets monétaires, animé par Aude LAUNAY


Vendredi 5 juin
L'ÉCONOMIE DANS L'ART
Postures et impostures artistiques. Statements — Présidence : Yann TOMA
Matin
Yann TOMA : De Marcel Duchamp aux entreprises critiques - Chèque en bois, sociétés fictives et libération de capital artistique [conférence-performance]

Stock Exchange, table ronde animée par Yann TOMA, avec Christophe DOMINO, Res INGOLD (La relativité du vol), Jacinto LAGEIRA et Marion LAVAL-JEANTET (Les pratiques de détournement artistique de l'argent public face à la pression économique mondiale)

Après-midi
Désorientations, table ronde animée par Yann TOMA, avec Agnieszka KOMOROWSKA ("Ça n'existe pas, une société qui ne batte pas monnaie". Communauté et fictions économiques dans la trilogie Vernon Subutex de Virginie Despentes), Isabelle de MAISON ROUGE (Le fric c'est chic) et Stephen WRIGHT

Soirée
Dimension artistique de objets monétaires et financiers
Arnaud MANAS : "L'art de l'économie"
Projection-débat des deux documentaires sur l'affaire Bojarski : Le Cézanne de la fausse monnaie & Porte ouverte à la police judiciaire : 4ème et dernière partie


Samedi 6 juin
L'ART DE L'ÉCONOMIE
"HORS LES MURS" — OFFSHORE TOUR À TATIHOU — Animation : Léo BARCET
Performance présentée par le Collectif RYBN


Dimanche 7 juin
L'ART DE L'ÉCONOMIE
Rhétorique des économistes — Présidence : Yann MOULIER-BOUTANG
Matin
Éric MÉCHOULAN : Fausse monnaie et vérité artistique

Fictions d'économistes, table ronde animée par Yann MOULIER-BOUTANG, avec Sophie CRAS (Petits traités d'économie rédigés par des artistes), Arnaud ORAIN et Annika NICKENIG (Abondance et ambivalence de l'argent. Jean Bodin et sa Réponse aux paradoxes de Malestroit (1568))

Après-midi
Le style des économistes, table ronde animée par Yann MOULIER-BOUTANG, avec Alexandre PÉRAUD, Christophe REFFAIT (Les métaphores chez Jean-Baptiste Say) et Benoît WALRAEVENS (Adam Smith et le théâtre de la vie sociale : le rôle des caractères dans ses œuvres)


Lundi 8 juin
L'ART DE L'ÉCONOMIE
Fables et mythologies de l'économie — Présidence : Éric MÉCHOULAN
Matin
André ORLÉAN : Les fables des économistes

Après-midi
Imaginaires économiques, table ronde animée par Éric MÉCHOULAN, avec Élise SULTAN-VILLET (Homo eroticus et homo œconomicus. Le calcul libertin ou le bonheur comptable) et Slaven WAELTI

Yann MOULIER-BOUTANG : L'abeille et l'économiste


Mardi 9 juin
Matin
Discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Christine BARON : Flux monétaires à l'état gazeux
L'argent au XXIe siècle se caractérise par son invisibilité et son ubiquité. À la manière des flux financiers et leur caractère immaîtrisable, la sociologie contemporaine et les arts se dématérialisent, mais cette dématérialisation est-elle neuve ? Après un bref détour historique, la communication portera entre autres sur le corps désincarné d'Eric (Cosmopolis) face à la compacité du corps civique qui associe à l'argent une ontologie spécifique et une éthique. Il ne s'agit plus dans une perspective romantique de refonder éthiquement le monde contre le pouvoir de l'argent mais de faire face à une utopie en suspension "pulvérulente" où se dissout même la possibilité d'un espace critique (Walter Siti). L'émergence d'une économie de l'attention (Citton) et d'une économie affective (Hochschild, Le prix des sentiments, 2017) investit le corps même des sujets en contexte néocapitaliste. Surgit alors le paradoxe d'un flux à la fois invisible, sans poids, et intériorisé qui investit le corps du sujet néolibéral comme une nouvelle forme diffuse de biogouvernance où l'État n'a aucune part. C'est cette apparente contradiction que ce travail tentera d'explorer notamment à travers la valorisation de l'émotion en contexte néocapitaliste.

Christine Baron est professeur de littérature comparée à l'université de Poitiers en délégation CNRS à "République des savoirs" (ENS Ulm). Après une thèse de théorie en littérature sur la notion d'utopie chez Calvino, Borges, Queneau, elle s'est spécialisée en épistémocritique et dans l'étude des relations économie/littérature et droit/littérature (France-USA).
Publications
La pensée du dehors, 2007, Coll. "Ouverture philosophique", L'Harmattan.
La littérature et son autre, 2008, Coll. "Littérature comparée", L'Harmattan.
Realism, antirealism in the XXth Century, 2010, Rodopi, Amsterdam.
Littérature, droit et transgression, 2013, La Licorne.
"Littérature et économie ; contacts, conflits, perspectives", 2013, Épistémocritique, n°12.
Literature and economics, 2017, en collaboration avec Cinla Akdere, Routledge.
The productivity of plagiarism, avec Charlotte Krauss et Larissa Polubojarinova.
En cours de parution
Le récit judiciaire, 2020, Presses du CNRS.
Contextes littéraires, émotions judiciaires, 2020, Garnier.

Guillaume COT : Dom Juan : le crédit d'une œuvre
Dom Juan peut se lire comme une variation autour de la notion de crédit, en tant que création juridique et économique de valeur. La pièce met en scène des situations dans lesquelles un crédit est accordé, refusé ou dû à Dom Juan ou à d'autres personnages. Ce crédit peut être monétaire (comme dans le cas de Monsieur Dimanche), social (les frères d'Elvire), ou religieux (le Commandeur). Le crédit, la créance et la croyance fonctionnent dans l'œuvre selon une seule et même dynamique, et s'insinuent dans les moindres interactions. Nous proposons ainsi de nous saisir du phénomène du crédit, en tant que création de valeur par la croyance, comme grille de lecture dramaturgique, afin de dégager un discours porté par la pièce tant sur le crédit lui-même que sur le théâtre. Nous chercherons à déceler ce qui, dans Dom Juan, crée le théâtre par et autour du crédit.

Guillaume Cot est titulaire d'un master en études théâtrales de l'École normale supérieure ainsi que d'un master en droit public de l'université de la Sorbonne. Il est actuellement doctorant à l'université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, où il rédige une thèse sous la direction de Martial Poirson. Sa thèse est intitulée : "La Scène et la Loi. Les dramaturgies du droit pendant la Révolution française, 1789-1794". Il est également attaché temporaire d'enseignement et de recherche à l'université de Lille.

Sophie CRAS : Petits traités d'économie rédigés par des artistes
Qu'advient-il de l'économie lorsqu'elle est pensée, inventée, rêvée par les artistes ? On le sait peu, mais nombreux furent les artistes qui, de la fin du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, se firent un temps économistes et rédigèrent de véritables petits traités ambitionnant de renouveler la discipline. Cette contribution se propose de traverser ces textes et d'en explorer la portée d'aujourd'hui. Qu'ils aient suivi une formation universitaire en économie (tel Vassily Kandinsky ou Robert Filliou), qu'ils aient construit leur conception théorique de l'art en dialogue avec des économistes (comme William Morris ou Joseph Beuys), ou qu'ils aient élaboré un système théorique à part entière (à l'instar d'Asger Jorn ou d'Isidore Isou), ces artistes nous livrent une vision riche et singulière, tant sur la pensée économique de leur temps que sur les enjeux d'aujourd'hui.

Sophie Cras est maîtresse de conférences en Histoire de l'art contemporain à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et s'intéresse à de nouvelles approches à l'intersection de l'art et de l'économie. Son premier livre, L'économie à l'epréuve de l'art. Art et capitalisme dans les années 1960 (Presses du réel, 2018 ; traduit chez Yale University Press, 2019) s'intéresse au regard créatif et critique que les artistes contemporains ont porté sur l'économie de leur temps.

Ludovic DESMEDT : L'argent dans le neuvième art : les échanges monétaires vus par l'école franco-belge [intervention établie avec Jérôme BLANC]
Les échanges monétaires apparaissent de manière plus ou moins réaliste dans de nombreuses bandes dessinées : le but de cette communication consiste à délimiter le(s) rôle(s) de l'argent lorsqu'il est représenté dans les "grandes" séries franco-belges. Nous nous appuierons sur certains titres issus des séries Tintin, Astérix et Obélix, Lucky Luke, Les Schtroumpfs, Tif et Tondu, Gaston Lagaffe, Achille Talon ou Rahan pour repérer plusieurs thèmes : les effets sociaux de l'apparition de la monnaie, ses usages au sein de certaines communautés, la confrontation de systèmes monétaires différents, la corruption via la monnaie…

Jérôme Blanc est professeur des universités à Sciences Po Lyon et chercheur au laboratoire Triangle (UMR 5206). Ses travaux portent principalement sur la monnaie et la pluralité de ses formes, qu'il aborde en particulier d'un point de vue socioéconomique et d'histoire des idées.
Publication
Les monnaies alternatives, La Découverte, Repères, 2018.

Ludovic Desmedt est professeur à l'université de Bourgogne-Franche Comté et chercheur au LEDi. Il s'intéresse à l'évolution des pratiques bancaires et des théories monétaires.
Publication
A co-édité avec J. Blanc, Les pensées monétaires dans l'histoire, Classiques Garnier, 2014.

Marius Warholm HAUGEN : Économie du risque et mises en scène de la loterie au début du XIXe siècle
Cette intervention interrogera les mises en scène de la loterie dans le théâtre parisien au début du dix-neuvième siècle : Le hasard corrigé par l'amour (1801), Les Petites marionnettes, ou la Loterie (1806), L'Isle de mariages, ou les Filles en loterie (1809), Le Billet de Loterie (1811), La Maison en loterie (1818), Le jeune homme en loterie (1821). La suppression en 1793 de la Loterie royale, son rétablissement en 1795 avec la naissance de la Loterie nationale, et les débats qui accompagnaient ces décisions, reflétaient un problème économique, moral et politique : l'État français devait-il profiter d'une institution financière très rentable, ou devait-il abolir un système d'Ancien Régime servant à exploiter les classes populaires ? On examinera comment ces enjeux sont traduits dans les "comédies de loterie". Il s'agira surtout de déterminer dans quelle mesure celles-ci produisent des réponses explicites ou métaphoriques aux enjeux liés à la loterie comme institution financière.

Marius Warholm Haugen est maître de conférences en littérature française à NTNU, Université des sciences et techniques de Norvège, Département de Lettres modernes. Il est l’auteur de plusieurs articles sur la littérature française et italienne du dix-huitième siècle.
ntnu.edu/employees/marius.haugen
Publication
Jean Potocki : esthétique et philosophie de l'errance, Peeters 2014.

Res INGOLD : La relativité du vol
La compagnie aérienne transmediale exploite une large gamme de services complémentaires dans le cadre du trafic aérien et développe un service de substitutions du transfert des matières premières et des principes actifs. Elle s'est engagée depuis plus de 60 ans en faveur de la mobilité atmosphérique et de la sécurité des atterrissages. L'aviation civile est toujours au centre du modèle économique d'Ingold Airlines. Cependant le marché a unilatéralement accéléré et polarisé le développement. En conséquence, de nouveaux domaines de responsabilité sont apparus dans tous les secteurs de la mobilité. L'avenir du trafic aérien doit également être envisagé toujours davantage dans une perspective écologique. La perspective opérationnelle se tourne de plus en plus vers des motifs immatériels décisifs.

Romain JOBEZ : Le théâtre est-il un luxe ? Des valeurs dans le domaine du spectacle vivant
Le théâtre peut être l'objet de différentes sortes d'analyse, faciles à prendre en défaut quand elles ont tendance à mettre de côté sa dimension esthétique. D'une part, un discours purement économique, vite réduit à la question de sa rentabilité, de l'autre, des jugements normatifs, voire idéologiques. Or axiologie et économie critiquent toutes deux le spectacle vivant à l'aune de la valeur, notion qui a été récemment débattue dans le domaine de la sociologie. C'est ainsi que les travaux de Nathalie Heinich ont fait apparaître une tension entre descriptivité et normativité lorsqu'il est question de valeurs. Il convient de se demander si cette tension n'est pas constitutive de toute activité artistique, et plus particulièrement du théâtre, dans une opération consistant à la mise en circulation et à la conversion permanente des valeurs et qui s'apparenterait, depuis longtemps, au fonctionnement du monde du luxe.

Romain Jobez est maître de conférences HDR en études théâtrales à l'université de Poitiers et professeur associé à l'université de Bochum. Ses recherches portent sur le théâtre allemand et sur l'histoire des spectacles qu'il étudie du point de vue de la sociologie.
Bibliographie
Isabelle Barbéris, L'art du politiquement correct, Paris, 2019.
Nathalie Heinich, Des valeurs. Une approche sociologique, Paris, 2017.
Olivier Neveux, Contre le théâtre politique, Paris, 2019.

Agnieszka KOMOROWSKA : "Ça n'existe pas, une société qui ne batte pas monnaie". Communauté et fictions économiques dans la trilogie Vernon Subutex de Virginie Despentes
Circulant sur la même "pulsation souterraine" (Vernon Subutex 1, p. 233 sq.), art et argent sont intrinsèquement liés dans la trilogie Vernon Subutex de Virginie Despentes. C'est avant tout la musique qui tisse le lien entre les protagonistes du roman, dont la plupart frôle et/ou tombe dans la précarité, pour ensuite expérimenter une nouvelle communauté que la narration présente comme utopie sociale. Le leitmotiv musical concerne en même temps la symbolique du flux de l'argent et la polyphonie des voix. Les mouvements sur les marchés des capitaux suivent une logique de "l'infra-instabilité", et les protagonistes essaient de déchiffrer, chacun de sa manière, le "diapason du logarithme" économique (ibd.). La polyphonie des voix reste unie par une narration désillusionnée et sarcastique qui démonte les utopies en même temps qu'elle présente la toute-puissance de l'argent comme force destructrice de la société.

Agnieszka Komorowska est enseignant-chercheur en littérature française et espagnole à l'université de Mannheim. Elle est l'auteur d'une thèse de doctorat sur l'écriture de la honte dans la littérature française contemporaine (Winter, 2017), et a publié un livre collectif sur les poétiques de l'échec et la narration non-économique (Fink, 2018, avec Annika Nickenig). Elle prépare un thèse HDR sur la relation entre amitié et économie dans la littérature espagnole aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Marion LAVAL-JEANTET : Les pratiques de détournement artistique de l'argent public face à la pression économique mondiale
Le tournant du XXIe siècle a vu la naissance d'un certain nombre d'expérimentations artistiques de détournement de l'argent public très symptomatique d'une situation économique intenable pour les artistes : étalage des frais de production d'exposition présentés sous forme de billets de banque, présentation d'achat de biens personnels obtenus avec le concours des musées, promotions dans des magasins privés offertes par des institutions culturelles publiques… Un ensemble d'expériences visant tout autant la révision utopique du système consumériste, que la dénonciation des nouveaux rouages de l'institution culturelle dans lesquels la survie de l'artiste n'est pas prise en compte. Ces propositions singulières, ludiques, parfois cyniques, conduisent immanquablement le spectateur sur le terrain politique d'une remise en cause du système social et culturel dans lequel il vit. Profondément ancrés dans une réflexion sur l'économie contemporaine, ces gestes de détournement sont peut-être une des plus fortes expressions de liberté artistique à l'heure d'une mondialisation exclusivement focalisée sur l'argent.

Marion Laval-Jeantet est professeure des universités à Paris I–Panthéon-Sorbonne, artiste et chercheure en art, en bio-anthropologie et en ethnopsychiatrie. Elle mène au sein du duo Art Orienté Objet une œuvre artistique engagée fortement, marquée par les sciences du vivant, et en particulier l'écologie. Ses recherches en art portent sur l'art environnemental, le bio art et les rapports entre art et anthropologie.
Publications récentes
No man's land. L'homme a-t-il encore sa place ?, Paris, C.Q.F.D., 2019.
Microbiota. Créer et soigner, Paris, Presses du réel, 2020.

Isabelle de MAISON ROUGE : Le fric c'est chic
L'économie ou, singulièrement, l'écosystème de l'art, devient à la fois le sujet et l'objet de formulations plastiques, autant prétexte que modèle, thème que motif. En développant leurs propres structures de distribution, en devenant émetteurs de monnaie fiduciaire ou d'actions au porteur, certains artistes produisent un ensemble de propositions qui ouvrent largement les frontières entre art et vie, entre production artistique et formes d'économie. Par des attitudes diverses, associées à des projets spécifiques, ils engagent le regardeur-participant à s'interroger sur les rapports de force que détermine l'argent dans nos sociétés contemporaines, les actes compulsifs d'achat et les situations de crises que peuvent provoquer la surabondance.

Diplômée de la Sorbonne, docteur en art et science de l'art, Isabelle de Maison Rouge est historienne de l'art, critique d'art et commissaire d'exposition. Auteure de nombreux essais sur l'art contemporain et de textes de catalogues, elle collabore régulièrement à diverses revues d'art contemporain (artpress, Optical Sound, Possible, Point contemporain…).
Publications
Mythologies personnelles, Éditions d'art Scala, collection "Tableaux choisis", avril 2004, réédition 2006.
Business Model, Catalogue de l'exposition eponyme à La Vitrine am, 2014.
"Philippe Mairesse" [Entretien], Optical Sound, n°2, automne 2014.
"Quel statut pour l'art à la marge ?", artpress, mai 2015, n°422, p.85-87 [fre/eng].
"Yann Dumoget" [Entretien], Optical Sound, automne 2015.
10 clefs pour collectionner l'art contemporain, Archibooks, 2008, réédition actualisée juin 2010, réédition actualisée 2016.
Le mythe de l'artiste au-delà des idées reçues, Éditions du Cavalier Bleu, collection "Idées reçues", octobre 2017.
"Jazon Frings", artpress, janvier 2017, n°440, p.5, p.66-68 [fre/eng].
"Artiste infantilisé", Point contemporain, 2018.

Arnaud MANAS : "L'art de l'économie"
Cette contribution explorera les liens entre l'art et les signes monétaires par le biais des chemins de traverse que sont la falsification, le détournement et la dépréciation de la monnaie par l'art (et réciproquement). Il s'agit de déconstruire les combinaisons artistes-billets sous les angles techniques et sémantiques. En partant de l'art du billet, on abordera les questions de la croyance et de la crédibilité, et, en particulier, celle du common knowledge sur ce qu'est un billet et sa valeur. Les dialectiques de l'unique et de la reproduction, du vrai et du faux, de l'original et du simulacre, de l'authentique et de la contrefaçon permettront une mise en abyme de l'art et de la monnaie à travers des cas concrets :
- vrais artistes pour vrais billets : les cas Luc-Olivier Merson, Maurice Denis, Lucien Jonas ;
- vrai artiste pour faux-faux billet : le cas Picasso ;
- faux-vrai artiste pour vrai-faux billet, le cas Bojarski…

Arnaud Manas dirige le service du patrimoine historique et des archives de la Banque de France. Ingénieur, docteur en économie et en histoire, il est chercheur associé à l'université de Paris I – Sorbonne (IDHE.S). Ses travaux portent principalement sur l'histoire monétaire française et celle de la Banque de France. Ses recherches portent notamment sur l'histoire du faux-monnayage ainsi que sur le patrimoine artistique et culturel de la Banque de France.
Publications
L'or de Vichy, Éditions Vendemiaire, 2016.
Zweig & la Souterraine : l'or de la Banque de France, Artélia Éditions, 2016.
La Galerie dorée de la Banque de France. Quatre siècles d'art, d'histoire et de pouvoir, Banque de France, 2018.

Marie-Laure MASSEI-CHAMAYOU : Transcender les contraintes de l'économie domestique : Jane Austen, Frances Burney, Maria Edgeworth
Si les remarques de Jane Austen ou de Frances Burney sur l'argent dans leur correspondance respective révèlent plutôt leur préoccupation face à un budget domestique contraint, ces mêmes questions économiques et financières constituaient un ingrédient essentiel à l'élaboration d'une intrigue romanesque riche en rebondissements, voire le moteur de la diégèse, répondant aussi au goût des lecteurs qui se passionnaient pour les montants des dots des héritières et des fortunes des prétendants sur le marché matrimonial. Il s'agit donc de comprendre comment Jane Austen, Frances Burney et Maria Edgeworth se sont emparées de ces thématiques pour les faire évoluer dans une triple perspective : faire œuvre de pédagogie en familiarisant leurs contemporaines avec des représentations cadrées de l'économie domestique, conférer une nouvelle respectabilité au genre romanesque, et, par la représentation de femmes plus activement engagées dans l'économie, légitimer, voire professionnaliser leur activité de romancière.

Agrégée d'anglais, Marie-Laure Massei-Chamayou est maître de conférences en études anglophones à l'université Paris 1-Panthéon Sorbonne et membre du Centre d'Histoire du XIXe Siècle. Spécialiste de l'œuvre de Jane Austen, elle s'intéresse à l'évolution des représentations de l'argent, de l'économie domestique ou politique chez les romancières britanniques des XVIIIe et XIXe siècles, telles Eliza Parsons, Frances Burney, Maria Edgeworth, George Eliot, Elizabeth Gaskell ou Harriet Martineau.

Annika NICKENIG : Abondance et ambivalence de l'argent. Jean Bodin et sa Réponse aux paradoxes de Malestroit (1568)
La Réponse aux paradoxes de Malestroit, publié par Jean Bodin en 1568, constitue un exemple paradigmatique d'une interférence productive entre plusieurs domaines de connaissance différents. Dans le but de démentir la théorie monétaire de son collègue concernant les causes de la cherté en France, Bodin développe une théorie quantitative de la monnaie qui marquera l'évolution de la pensée économique. Dans son argumentation, il ne prend pas seulement en considération les aspects économiques de son temps, mais il se réfère à une multitude d'exemples historiques, philosophiques, bibliques et littéraires qui lui servent à illustrer son propos. L'on s'intéressera donc à l'utilisation de procédés littéraires de ce traité et suivra l'hypothèse qu'il existe une homologie productrice entre son contenu — à savoir la découverte d'une ambivalence problématique de l'abondance monétaire — et son utilisation d'une multitude de sources et de discours divers.

Annika Nickenig est enseignante-chercheuse à la Humboldt-Universität de Berlin. Elle prépare une HDR sur l'abondance esthétique et économique en Espagne et France (1550-1650). Domaine de recherches : littérature et économie, nouvelles, discours de l'idyllique.
Publications récentes
Poetiken des Scheiterns, München, 2018 (avec A. Komorowska).
"Übungen des Schreibens. Ich-Ökonomie", in M. de Montaignes, "De l'exercitation" (II,6), in Goumegou/Gipper, Elan und Müdigkeit, Würzburg, 2020.

Claire PIGNOL : Richesse réelle ou monétaire : des imaginaires conflictuels ?
La richesse n'est pas seulement composée de ressources, matérielles ou immatérielles, susceptibles de satisfaire des besoins. Elle est aussi l'objet de désirs dont l'évidence ne s'impose pas à l'agent qui les éprouve, et qui au contraire sont pour lui opaques et parfois contradictoires. Elle est par là l'objet d'une intense activité imaginative, à laquelle donne accès le roman. Les châteaux en Espagne que bâtissent les personnages, les raisons qu'ils donnent à leurs décisions, les désirs qu'ils expriment parfois confusément, font apparaître une variété d'imaginaires. Les imaginaires associés aux richesses réelles, qui sous-tendent les désirs des biens dont on jouit dans la consommation, s'opposent-ils aux imaginaires délirants et sans mesure associés à la forme monétaire de la richesse ? Ou peut-on à l'inverse faire apparaître une continuité entre besoins et désirs, entre une recherche raisonnable des jouissances et les pathologies de la démesure ?

Claire Pignol, maître de conférences en économie (U Paris I – PHARE), étudie l'histoire de la pensée et la philosophie économique ainsi que les représentations de l'économie dans la littérature narrative.
Publications récentes
"Which Economic Agent Does Robinson Crusoe Represent ?", Economics and Literature. A Comparative and Interdisciplinary Approach, C. Akdere & C. Baron (ed.), Routledge, 2018.
"L'échec économique : l'évaluation des situations au regard des intentions", Poetiken des Scheiterns. Formen und Funktionen unökonomischen Erzählens, A. Komorowska & A. Nickenig (ed.), Wilhelm Fink Verlag, 2018.

Christophe REFFAIT : Les métaphores chez Jean-Baptiste Say
Jets d'eau, pression de l'air et équilibre des forces : les métaphores et analogies qui apparaissent sous la plume de Jean-Baptiste Say, par exemple dans le "Discours préliminaire" du Traité d'économie politique de 1803, disent d'une part l'influence des sciences physiques sur la science économique en construction, d'autre part et plus généralement l'importance des images dans la rhétorique de l'économie. C'est dans et par ces expédients rhétoriques, et les références qu'ils supposent, qu'apparaît le mieux le sens du discours économique.

Christophe Reffait est professeur à l'université de Picardie Jules Verne (Amiens).
Publication
Les lois de l'économie selon les romanciers du XIXe siècle, Classiques Garnier, 2020.

Béatrice SCHUCHARDT : L'économie politique transformée en fiction : la mise en scène des secteurs économiques dans le théâtre sentimental espagnol et français
Le "genre sérieux" inventé par Diderot a connu un succès énorme non seulement en France, mais aussi en Espagne. L'adaptation du genre par les dramaturges espagnols, connue sous le terme de comedia lacrimosa ou género sentimental, va de pair avec la réception du roman sentimental anglais dans les deux pays. Cette intervention propose une comparaison des comédies sentimentales espagnoles et françaises en lien avec leurs représentations respectives du discours économique de l'époque. Il s'agira aussi d'analyser la relation entre valeurs morales et morale économique établie par les pièces dans leur contextes culturels différents : d'une part, une France de plus en plus sécularisée ; d'autre part, une Espagne toujours marquée par l'alliance de pouvoir entre l'Église et la couronne, et où le procédé de sécularisation se voit ralenti, sinon mis à terme par un gouvernement espagnol profondément inquiété par la Révolution française.

Béatrice Schuchardt est maître de conférences en littérature française et hispanophone à l'université de Münster (Westphalie, Allemagne). Elle a récemment fait son HDR sur les discours économiques du XVIIIe siècle et leurs personnifications dans les comédies sentimentales espagnoles.
Publications
Verkörperungen des Ökonomischen in sentimentalen Komödien der spanischen Spätaufklärung. Diskurs – Figur – Gattung – Geschlecht, Frankfurt/Main, Vervuert (à paraître).
"Économies amoureuses : homologies structurales dans les comédies espagnoles et françaises du XVIIIe siècle", in L'homme et la société, 200, 2, 2016, pp. 171-187.

Élise SULTAN-VILLET : Homo eroticus et homo œconomicus. Le calcul libertin ou le bonheur comptable
L'homo eroticus représenté par les romans libertins du XVIIIe siècle est-il l'ancêtre de l'homo œconomicus ? Étonnamment les libertins de Crébillon à Sade, en passant par Duclos, Dorat, Nerciat… font mentir l'adage "quand on aime, on ne compte pas". Certes, on trouve bien quelques obsédés du chiffre qui additionnent gaiement leurs exploits sexuels. Néanmoins, on rencontre tout autant des figures modérées qui optent pour la décroissance libidinale. Entre ces deux extrêmes, l'économie libertine à l'œuvre repose sur une circulation des corps dont on planifie la consommation immédiate tout en prévoyant une épargne mnésique en vue d'une jouissance différée. Ainsi, les dépenses libidinales ne sont pas si improductives : elles nourrissent l'imaginaire qui les capitalise quand elles n'inspirent pas la perle des plans économiques.

Élise Sultan-Villet est enseignante et docteure en philosophie (académie d'Amiens, université Picardie Jules Verne ; université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / HIPHIMO). Depuis 2014, elle est co-organisatrice du séminaire "Fictions et économies" avec Claire Pignol (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / PHARE) à l'université Paris 1.
Publications
L'économie à l'épreuve de la fiction, M. Chottin et É. Sultan (dir.), Paris, Corpus, revue de Philosophie, n°69, 2016.
"Le calcul des plaisirs et des peines dans les romans libertins du XVIIIe siècle", Paris, in Corpus, revue de philosophie, n°69, 2016.
"Du luxe au calme : la volupté dans les romans libertins", in Contre le luxe XVIIe-XVIIIe siècle, É. Pavy-Guilbert et F. Poulet (dir.), Paris, Classiques Garnier, "Rencontres / Le Siècle classique", à paraître.
Les romans libertins du XVIIIe siècle : la philosophie des sens dessus dessous, Paris, Honoré Champion, "Les Dix-huitièmes siècles", à paraître.

Benoît WALRAEVENS : Adam Smith et le théâtre de la vie sociale : le rôle des caractères dans ses œuvres
L'objet de cette communication est d'étudier la nature et le rôle des caractères dans les œuvres d'Adam Smith, l'un des fondateurs de l'économie politique mais surtout professeur de philosophie morale et de rhétorique pendant de nombreuses années. Smith analyse la tradition des caractères dans ses Lectures on Rhetoric and Belles Lettres, mais c'est surtout dans la Théorie des Sentiments Moraux puis dans la Richesse des Nations qu'il a recours, de manière répétée, à ces personnages fictifs, acteurs majeurs du théâtre de la vie sociale dont il nous donne la représentation dans ses œuvres. Nous chercherons donc à définir les caractères puis à analyser leurs différents rôles dans ses œuvres : heuristique, rhétorique et didactique. Smith présente à ses lecteurs une multiplicité de personnages qu'il fait dialoguer aussi bien au sein de ses œuvres qu'entre celles-ci, révélant ainsi l'unité et la cohérence de ses travaux.

Maitre de conférences en sciences économiques à l'université de Caen Normandie et chercheur au CREM, ses travaux relèvent de l'histoire de la pensée économique et de la philosophie économique. Il s'est intéressé en particulier à l'importance de la rhétorique dans l'œuvre d’Adam Smith.


BIBLIOGRAPHIE :

• Cinla Akdere and Christian Biet (ed.), Economics and Literature. A comparative and interdisciplinary Approach, London and New York, Routledge, 2018.
• Christine Baron (dir.), "Littérature et économie", Épistémocritique, n°12, Printemps 2013.
• Daniel Bell, Les contradictions culturelles du capitalisme [1976], Paris, PUF, 1979.
• Walter Benjamin, Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l'apogée du capitalisme [1923], Paris, Payot, 1982.
• Christian Biet, Stéphanie Loncle, Martial Poirson et Geneviève Sicotte (dir.), Fiction et économie : représentations de l'économie dans la littérature et les arts du spectacle, XIXe-XXIe siècles, Presses universitaires de Laval, 2013.
• Christian Biet, Yves Citton et Martial Poirson (dir.), Les Frontières littéraires de l'économie (XVIIe-XXe siècles), Paris, Desjonquères, 2008.
• Pierre Bras et Claire Pignol (dir.), Économie et littérature, L'Homme et la Société, n°200, 2016.
• Yves Citton, Portrait de l’économiste en physiocrate. Critique littéraire de l'économie politique, Paris, L'Harmattan, 2000.
• Pierre Force, Molière, ou le prix des choses. Morale, économie et comédie, Paris, Nathan, 1994.
• Pierre Force, Self-Interest before Adam Smith : A Genealogy of Economic Science, Cambridge University Press, 2003.
• Pierre Force (dir.), De la morale à l’économie politique : dialogue franco-américain sur les moralistes français, Revue Op. Cit., n°6, 1996.
• Frederic Jameson, Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif [1991], Beaux Arts de Paris éditions, 2011.
• D. N. McCloskey, "The Rhetoric of Economics", Journal of Economic Literature, vol. 31, 1983, p. 482-517.
• D. N. McCloskey, The Rhetoric of Economics, Madison, The University of Wisconsin Press, 1998.
• Éric Méchoulan, La crise du discours économique, Paris, Éditions Nota Bene, 2013.
• Martial Poirson, Art et argent au temps des Premiers Modernes, Oxford, SVEC, 2004:10, 2004.
• Martial Poirson, Politique de la représentation : littérature, arts du spectacle, discours de savoir, Paris, Champion, 2014.
• Martial Poirson, Spectacle et économie à l'âge classique, Paris, Classiques Garnier, 2011.
• Marc Shell, Money, Language and Thought : Literary and Philosophical Economies from the Medieval to the Modern Era, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1993.
• Marc Shell, Art and Money, Chicago-London, University of Chicago Press, 1995.
• Marc Shell, The Economy of Literature, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1996.
• Georg Simmel, Philosophie de l'argent [1900], Paris, PUF, 1987.
• Michael Watts, The Literary Book of Economics, ISI Books, 2003.

Publication 1990 : un des ouvrages


Arguments pour une méthode (Autour d'Edgar Morin)

ARGUMENTS POUR UNE MÉTHODE

(AUTOUR D'EDGAR MORIN)


Daniel BOUGNOUX, Jean-Louis LE MOIGNE, Serge PROULX (dir.)


L'œuvre interrogative et polycentrique d'Edgar Morin transgresse les séparations entre science et philosophie, sciences de l'homme et sciences de la nature, éthique et politique. Elle puise non seulement sa vie dans les idées, mais aussi ses idées dans une vie immergée dans l'expérience du siècle. Elle a pour dénominateur commun la recherche d'une connaissance non mutilée et le souci d'une pensée qui puisse relever le défi de la complexité du réel.
Cette œuvre à la fois alerte et en alerte, pacifique et turbulente, non désenchantée mais sans illusion, constitue par elle-même un colloque. Celui qui s'est tenu à Cerisy en juin 1986 réunissait autour de l'auteur de La Méthode, en un dialogue transdisciplinaire, des anthropologues, des épistémologues, des chercheurs en science politiques et sociales, mais aussi des amis de la Résistance et des témoins de notre actualité.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (1986) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°135]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Éditions du Seuil

ISBN : 2-02-011459-3

Nombre de pages : 272 p.

Prix public : 23 €

Année d'édition : 1990


Publications associées


Publication 1983 : un des ouvrages


L'auto-organisation. De la physique au politique

L'AUTO-ORGANISATION

DE LA PHYSIQUE AU POLITIQUE


Paul DUMOUCHEL, Jean-Pierre DUPUY (dir.)


La naissance d'un "nouveau paradigme", l'émergence d'une pensée neuve au carrefour des sciences exactes et des "humanités" d'hier est l'enjeu considérable de ce travail collectif. Est-il possible et fructueux d'ouvrir des chemins entre le biologique et le social, entre les sciences de la nature et du vivant et les sciences du politique et du social ? Dans quelles conditions les concepts "transversaux" circulent-ils d'une discipline à l'autre ?
Les théories de l'auto-organisation s'articulent autour de trois concepts fondamentaux qui battent en brèche les postulats admis jusqu'alors. L'instabilité du chaos d'abord, et la complémentarité paradoxale entre l'ordre et le désordre qu'il faut penser à présent aussi bien en physique, en biologie que dans les sciences sociales. Le concept d'autonomie ensuite, et la capacité d'une organisation (vivante ou sociale) de s'instituer elle-même et de se perpétuer en produisant ses lois.
La question du sens enfin, hier expulsée, et qui revient au cœur même des sciences "exactes", par exemple. L'énoncé de ces trois questions conduit à en poser une quatrième, non la moindre : celle de l'unité retrouvée du savoir.

Le colloque tenu à Cerisy en juin 1981 fut l'acte fondateur d'un programme de recherches. Il eut son prolongement l'automne de la même année, à l'université de Stanford en Californie et, quelques mois plus tard, débouchera sur la création de plusieurs institutions de recherche liées à l'École polytechnique et au CESTA.


Non disponible auprès du CCIC [n°79]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Éditions du Seuil

Collection : Empreintes

ISBN : 2-02-006457-X

Nombre de pages : 562 p.

Illustrations : N & B

Année d'édition : 1983

RÉÉDITIONS

L'auto-organisation. De la physique au politique - RééditionÉditeur : Éditions du Seuil

Collection : La Couleur des idées

ISBN : 978-2-0202-2043-9

Nombre de pages : 560 p.

Prix public : 59,40 €

Année d'édition : 1994

Non disponible auprès du CCIC


L'auto-organisation. De la physique au politique - RééditionÉditeur : Hermann Éditeurs

Collection : Cerisy / Archives

ISBN : 979-1-0370-1935-6

Nombre de pages : 576 p.

Illustrations : N & B

Prix public : 32 €

Date de parution : 20/04/2022

Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°79bis]