Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


LA PENSÉE AMÉNAGISTE EN FRANCE : RÉNOVATION COMPLÈTE ?


DU VENDREDI 6 SEPTEMBRE (19 H) AU VENDREDI 13 SEPTEMBRE (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Stéphane CORDOBES, Xavier DESJARDINS, Martin VANIER

Colloque organisé à l'initiative du Cercle des partenaires


ARGUMENT :

L'objectif scientifique de ce colloque est de contribuer au renouvellement de la pensée aménagiste en France. Dans ses fondamentaux, cette pensée date des années 1940-50. Des notions fondatrices comme l'équilibre, l'occupation harmonieuse, le désenclavement des territoires, la hiérarchie urbaine ont été instaurées comme des idéaux aménagistes à une époque où la France était encore plus proche (économiquement, technologiquement, culturellement, politiquement) de celle du XIXe siècle que de celle d'aujourd'hui. Depuis 60 ans, l'urbanisme a connu de très profonds renouvellements de ses principes, ses référentiels, ses modes de faire. Mais non "l'aménagement du territoire". Le terme même est désormais obsolète, au regard de ce qu'est devenu la société, son espace, son fonctionnement géographique. Il continue pourtant de rencontrer un succès d'estime. En 2006, un colloque de Cerisy a déjà été organisé sur ce sujet (L'aménagement du territoire : changement de temps, changement d’espace, à l'initiative d'Armand Frémont), et d'autres sur des sujets connexes. Mais il reste à travailler le fond des concepts à renouveler, l'aggiornamento d'une politique qui n'a d'ailleurs pas, depuis cette date, cessé de chercher ses marques, dans une certaine confusion (la compétitivité ? l'égalité ? la cohésion ?).

Territoires, réseaux, lieux : un nouvel agencement des trois grandes catégories de figures de l’espace est à énoncer, qui permette de rendre compte de la France telle qu'elle se transforme et telle qu'elle nécessite une politique nouvelle de l'espace. Ce colloque propose trois objectifs nouveaux :

1. Dépasser les notions obsolètes et les controverses stériles qui encombrent encore actuellement la pensée aménagiste. Loin de refaire l'histoire de l'aménagement du territoire, il s'agit de soumettre au test de la prospective la pertinence d'un certain nombre de notions encore ancrées dans les croyances aménagistes, pour mieux ouvrir l'espace de la réinvention.

2. Repenser l'aménagement de l'espace à partir des réseaux et de leurs opérateurs, davantage que par les territoires et leurs cadres de gestion. Plutôt que de repasser encore une fois par le jeu des institutions territoriales, leurs périmètres, leur gouvernance, leur architecture globale, il est proposé de lire le management de l'espace des réseaux par les entreprises qui les investissent, par les opérateurs de services afin d'interpeller leur vision spatiale et leur pensée ou imaginaire aménagiste plus ou moins implicite.

3. Amorcer une refondation conceptuelle de nature à porter la nouvelle pensée aménagiste en France. Réciprocité, réversibilité, hybridité, circularité, interterritorialité, scalabilité, réticularité… Un nouveau vocabulaire est en train de prendre place, mais il n'est pas encore en état de jouer la fonction politique qu'on pourrait attendre de lui. D'où l'enjeu d'y travailler pour permettre sa diffusion au-delà du cercle des experts. L'approche par les réseaux doit permettre cette refondation. Se posera alors la question du lieu comme figure spatiale majeure d'une articulation reformulée entre réseaux et territoires.

Par son objet et son ambition, ce colloque réunira celles et ceux qui, quels que soient leurs parcours professionnels et leurs engagements, veulent penser autrement l'aménagement de la France de demain.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 6 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Samedi 7 septembre
FONDAMENTAUX : OBSOLESCENCE ET PROSPECTIVE
Matin
Stéphane CORDOBES (CGET), Xavier DESJARDINS (Sorbonne Université) & Martin VANIER (École d'urbanisme de Paris) : Les promesses devenues intenables et leur nécessaire reformulation [dialogue introductif] [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Magali TALANDIER (Université Grenoble Alpes) : Aménagement du territoire et cycle de développement

Après-midi
Marie-Vic OZOUF-MARIGNIER (EHESS) : Aux sources idéologiques de l'aménagement du territoire
Frédéric SANTAMARIA (Université Paris-Diderot) : Les apports de l'UE à l'aménagement du territoire en France : vers une européanisation

Soirée
Karine HUREL (FNAU) : L'épuisement des cartes et représentations aménagistes [interpellation visuelle]


Dimanche 8 septembre
CONTROVERSES AMÉNAGISTES
Matin
La métropolisation contre les territoires ?, controverse entre Giuseppe BETTONI (Université de Rome) et Gilles PINSON (Sciences Po Bordeaux), animée par Stéphane CORDOBES

La France en panne de décentralisation ou malade de ses excès ?, controverse entre Arnaud BRENNETOT (Université de Rouen) et Anne-Cécile DOUILLET (Université de Lille), animée par Xavier DESJARDINS

Après-midi
Zonages et catégories d’intervention : passage obligatoire ou piège fatal ?, controverse entre Laurence BARTHE (Université de Toulouse) et Marc DUMONT (Université de Lille), animée par Xavier DESJARDINS

La pensée aménagiste peut-elle entrer dans l'anthropocène ?, controverse entre Morgan POULIZAC (Plein Sens) et Bruno REBELLE (Transitions), animée par Martin VANIER


Lundi 9 septembre
REPENSER L'AMÉNAGEMENT PAR LES RÉSEAUX (I)
Matin
Martin VANIER : Penser l'aménagement par les réseaux [introduction]

Est-ce que les opérateurs de réseaux ont une pensée aménagiste ?, table ronde animée par Marie DÉGREMONT (France Stratégie) et François-Mathieu POUPEAU (LATTS), avec des opérateurs de réseaux : Michel DERDEVET (ENEDIS), Pierre MESSULAM (SNCF MOBILITÉS) et Livier VENNIN (EDF)

Après-midi
La maîtrise d'ouvrage partagée des grands projets, table ronde animée par Antoine FRÉMONT (IFSTTAR) et Anne PONS (ADEUS), avec des opérateurs de réseaux : Laurent BESSE (SUEZ Eau France), Régis BOIGEGRAIN (RTE), Florence PAVAGEAU (LA POSTE) et Livier VENNIN (EDF)

Synthèse : Jérôme BARATIER (ATU37)

Soirée
Raphaële BERTHO (Historienne de la photographie, maîtresse de conférences à l'université de Tours) : Paysages sur commande : quel rôle pour la photographie dans les politiques d'aménagement du territoire ?


Mardi 10 septembre
"HORS LES MURS" — Sortie sur le terrain : le nord Cotentin
Visite de l'usine de traitement des déchets radioactifs Orano - La Hague
Déjeuner et échange avec Céline LE MEHAUTÉ (Directrice générale adjointe de la Communauté d'Agglomération du Cotentin), Jean-Marc PICAND (Directeur de projet, chargé d’accompagner le développement des travaux relatifs à l’EPR, Sous-Préfet) et Jean-Pierre POTTIER (Chef de mission insertion territoriale EDF), suivi d'une visite du chantier de l'EPR de Flamanville


Mercredi 11 septembre
REPENSER L'AMÉNAGEMENT PAR LES RÉSEAUX (II)
Matin
Xavier DESJARDINS : Les termes de la nouvelle régulation public-privé [introduction]

Opérateurs de réseaux et territoires : quelles articulations ?, table ronde animée par Jean DEBRIE (Université Paris 1) et Gaële LESTEVEN (ENPC), avec des opérateurs de réseaux : Henri de GROSSOUVRE (SUEZ), Christian GUIBERT (ORANGE) et Pierre MESSULAM (SNCF MOBILITÉS)

Après-midi
Services numériques et "à distance", table ronde animée par Nicolas DOUAY (Université Grenoble Alpes), avec des opérateurs de réseaux : Christopher FABRE (ENEDIS), Christian GUIBERT (ORANGE), Florence HENRY (LA POSTE) et Denis SOCHON (RATP)

Synthèse : Nacima BARON (École d'urbanisme de Paris)


Jeudi 12 septembre
UN NOUVEAU CONTRAT AMÉNAGISTE ?
Matin
Hugo BEVORT (Agence des territoires) : Les termes du nouveau contrat aménagiste national
Stéphane CORDOBES : La pensée anthropocène au service de l'aménagement

Après-midi
Philippe AUBERT : Propos inconséquents d'un pérégrin inattendu

Les visions politiques du nouveau contrat aménagiste, introduction par Stéphane CORDOBES, Xavier DESJARDINS & Martin VANIER puis échanges avec des élus dont notamment Alain PEREA (Député LREM de l'Aude), Dominique POTIER (Député PS de Meurthe-et-Moselle) et Jean-Louis VALENTIN (Président de la Communauté d'Agglomération du Cotentin)


Vendredi 13 septembre
SYNTHÈSES ET CONCLUSIONS
Matin
Rapport d'étonnement par la jeune recherche, avec Lavinia BLANQUET (Université Grenoble Alpes), Adrián Pablo GÓMEZ MAÑAS (Sorbonne Université), Mathilde MARCHAND (Université Paris-Est) et Achille WARNANT (EHESS)

Dialogue conclusif, avec l'ensemble des participants et animé par les directeurs du colloque

Après-midi
DÉPARTS


PRESSE / MÉDIAS :

• "La pensée aménagiste à l’heure de la transition écologique", entretien avec Marie DÉGREMONT (intervenante au colloque) réalisé par Sylvain ALLEMAND [en ligne sur le site L'EPA Paris-Saclay].


SOUTIENS :

• Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET)
• Opérateurs de Réseau : EDF, Enedis, La Poste, la RATP, SNCF Mobilités, Suez, Orange

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


LE HASARD, LE CALCUL ET LA VIE


DU MERCREDI 28 AOÛT (19 H) AU MERCREDI 4 SEPTEMBRE (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Thierry GAUDIN, Dominique LACROIX (†), Marie-Christine MAUREL, Jean-Charles POMEROL


ARGUMENT :

À la suite du colloque de 2016 "Sciences de la vie, sciences de l'information"(1), il est apparu que le "concept" de hasard jouait un grand rôle dans les interrogations de plusieurs orateurs aux spécialités diverses : biologistes, informaticiens, mathématiciens, philosophes. "Concept" entre guillemets car il s'agit d'une notion mal définie, polysémique et cependant omniprésente, depuis l'échelle moléculaire jusqu'à celle des écosystèmes et des systèmes économiques et sociaux. Ce hasard qui, comme on a pu le dire, est "la signature de Dieu quand il ne veut pas se dévoiler", fascine.

C'est pourquoi, il semble important d'organiser un nouvelle rencontre pour essayer de comprendre ou au moins préciser ce qui se cache derrière cet insaisissable hasard, et cela à partir de différents points de vue : ceux de la biologie et de l'évolution, ceux des mathématiques et de l'informatique, ceux de la physique, de la sociologie et de la philosophie. Autour d'éminents spécialistes de ces diverses disciplines qui nous feront partager leurs visions du hasard, ce colloque se propose de réunir un public varié qui pourra confronter les réponses des chercheurs à des questions fondamentales liées aux origines et à l'évolution de la vie, à l'évolution des écosystèmes et des sociétés humaines. Sans prétendre abolir le hasard d'un coup de dés, on espère que la confrontation des hypothèses et l'ouverture des débats, y compris aux auditeurs curieux, permettront d'en saisir maintes nuances ainsi que leurs conséquences scientifiques et philosophiques.

(1) Sciences de la vie, sciences de l'information, colloque de Cerisy, dirigé par Thierry Gaudin, Dominique Lacroix, Marie-Christine Maurel et Jean-Charles Pomerol (Eds), ISTE-Éditions, London, juillet 2017.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 28 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 29 août
QU'EST-CE QUE LE HASARD EN MATHÉMATIQUES ?
Matin
Gregory MIERMONT : Les trois hasards mathématiques
Gilles PAGÈS : De quoi le hasard est-il le nom ?

Après-midi
Jean-Paul DELAHAYE : Calcul, hasard, évolution et éthique
Stéphane DOUADY : Du chaos de l'onde-particule à la stabilité du vivant

Has.arts : comment le hasard structure la création ?, avec Patricia LOUÉ et Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU

Soirée
Étienne GHYS : Le chaos : une aventure mathématique [projection vidéo présentée par Gregory MIERMONT]


Vendredi 30 août
Matin
LES RUSES DU HASARD
Gilles DOWEK : Un chaos discret
Martin HAIRER : Pile ou face ? Des atomes aux feux de forêt

Après-midi
LE HASARD ET LA VIE
Mathias PESSIGLIONE : Le hasard dans la décision : quand les neurones tirent à pile ou face
Amaury LAMBERT : Apprendre les statistiques par sélection naturelle

Ateliers en parallèle : "Le monde est-il continu ?" & "Le climat, la décision"

Soirée
Bertrand VERGELY : Le divin hasard, avec Jean-Baptiste de FOUCAULD


Samedi 31 août
Matin
HASARD ET SOCIÉTÉ
Hervé LE TREUT : La COP21, 4 ans après ?
Ivar EKELAND : Hasard et équité

Après-midi
DÉTENTE


Dimanche 1er septembre
Matin
HASARD ET ÉVOLUTION
Giuseppe LONGO : La spécificité du hasard et du temps dans les sciences de la vie
Philippe GRANDCOLAS : Les trajectoires évolutives des organismes ne sont pas stochastiques

Après-midi
GÉNOME ET HASARD
Alessandra CARBONE : Effets phénotypiques des mutations, évolution des séquences et calcul
David SITBON : Dynamique de la chromatine, hasard et nécessité ?

Soirée
HASARD ET POÉSIE
Georges AMAR : Le sens de la vie (Pour une critique poétique de l'omni-science). Éléments de bio-poétique


Lundi 2 septembre
Matin
QUAND L'ACQUIS DEVIENT HÉRÉDITAIRE
Jonathan WEITZMAN : Le paysage épigénétique… et le hasard [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]
Bernard DE MASSY : Évoluer par hasard

Après-midi
HASARD ET ÉVOLUTION
Silvia DE MONTE : Écologie et évolution de la fonction collective
Guillaume ACHAZ : Le hasard explique-t-il "correctement" la biodiversité ?

Soirée
HASARD QUANTIQUE
François VANNUCCI : Le hasard sous contrôle


Mardi 3 septembre
Matin
PLACE DU HASARD EN BIOLOGIE
Bernard DUJON : Quand l'acquis devient héritable : la leçon des génomes
Antonio LAZCANO : Chance, determinism and the emergence of life

Après-midi
LE NOM DU HASARD
Marco SAITTA : Approches d'exploration assistée par ordinateur d'espaces chimiques prébiotiques
Clarisse HERRENSCHMIDT : Les mots du hasard et ce qu'ils véhiculent

Soirée
HASARD EN COSMOLOGIE
Michel CASSÉ : Création hasardeuse de multiples cosmos


Mercredi 4 septembre
Matin
LE HASARD ET L'HUMAIN
Introduction, par Thierry GAUDIN, Marie-Christine MAUREL et Jean-Charles POMEROL
Table ronde et conclusions

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Guillaume ACHAZ : Le hasard explique-t-il "correctement" la biodiversité ?
Depuis la formalisation des sciences de l'écologie et de l'évolution du début du XXe siècle, ont été discutés à maintes reprises les rôles relatifs des processus stochastiques et déterministes comme causes de la biodiversité, mesurée tant entre les espèces qu'au sein des espèces. En évolution, le hasard a d'abord occupé une place timide (1930-1970), puis est devenu la cause majeure expliquant la diversité (1970). En écologie, son rôle est a contrario resté mineur, malgré plusieurs tentatives d'introduction. Quels sont les observations permettant d'alimenter le débat ? La question du rôle relatif de ces deux processus est-elle bien posée ? Tous les organismes sont-ils soumis au même régime ? Nous explorerons plusieurs pistes de réflexion autour de ces questions.

Jean-Paul DELAHAYE : Calcul, hasard, évolution et éthique
La complexité de Kolmogorov et la profondeur logique de Bennett sont des concepts mathématiques qui aident à comprendre les ordinateurs, à parler de leur puissance, et surtout à donner un sens précis au mot "complexité" quand on l'applique à des objets numériques finis et plus généralement quand on l'applique aux objets du monde qu'ils soient inertes ou vivants. Ces concepts suggèrent une analyse de ce qu'est l'évolution de l'univers en termes non matériels et non énergétiques. Ils conduisent aussi à une définition du hasard. Les chercheurs qui ont contribué à cette vision informationnelle et computationnelle de l'univers construisent petit à petit une interprétation nouvelle de l'évolution cosmique comme un progrès du calcul. Certains en ont même déduit des considérations éthiques. Parmi les plus importants de ces chercheurs mentionnons Andrei Kolmogorov, Leonid Levin, Gregory Chaitin, Charles Bennett, John Mayfield, Luciano Floridi, Seith Lloyd et plus récemment Hector Zenil, Cédric Gaucherel et Clément Vidal. Notre but sera d'introduire à ce domaine original et novateur souvent mal compris.

Bibliographie
John Mayfield, The Engine of Complexity : Evolution as Computation, New York, Columbia University Press, 2013.
Hector Zenil, Irreducibility and computational equivalence, Springer, 2015.
Jean-Paul Delahaye & Clément Vidal, "Universal Ethics : Organized Complexity as an Intrinsic Value", in Evolution, Development and Complexity : Multiscale Evolutionary Models of Complex Adaptive Systems, Edited by Georgi Yordanov Georgiev, Claudio Flores Martinez, Michael E. Price & John M. Smart, Springer, 2018.

Bernard DUJON : Quand l'acquis devient héritable : la leçon des génomes
Envisagée un temps comme force de l'évolution biologique avant d'être clairement réfutée par la Génétique, l'hérédité de l'acquis réapparait aujourd'hui dans les génomes. Mais alors que l'hypothèse initiale subordonnait les gènes à leurs fonctions, ce qu'excluent les faits, son avatar en fait les maitres d'œuvre du processus. À l'aide d'exemples de résultats récents, j'essaierai de montrer comment l'universalité de l'ADN permet l'acquisition horizontale de gènes étrangers dans les génomes et quelles peuvent être les conséquences de ce processus aléatoire dans l'émergence de nouvelles lignées d'organismes.

Bibliographie
Landman (1991), "The inheritance of acquired characteristics", Ann. Rev. Genet, n°25, 1-20.
Chen, Yan et Duan (2015), "Epigenetic inheritance of acquired traits through sperm RNAs and sperm RNA modifications", Nature Reviews. Genetics, n°17, 733-743.
Soucy, Huang et Gogarten (2015), "Horizontal gene transfer : building the web of life", Nature Reviews. Genetics, n°16, 472-482.

Ivar EKELAND : Hasard et équité
Toute décision humaine est ouverte au soupçon. Le panneau des "juges intègres" a disparu du retable de l'Agneau Mystique, marquant ainsi que ce sont des personnages plus improbables encore que les saints et les martyrs. Le tirage au sort, lui, est insoupçonnable. La démocratie athénienne et la république de Venise l'utilisent pour pourvoir certaines charges publiques. Aujourd'hui encore les jurys sont tirés au sort : imagine-t-on qu'ils soient nommés ? C'est donc comme outil d'équité que le tirage au sort fait son entrée dans la société humaine, le pile ou face étant la balance juste. Il fallait un grand génie des mathématiques, comme l'était Pascal, pour déduire de cette idée simple les premiers calculs des probabilités. Si la théorie mathématique des probabilités s'est aujourd'hui bien éloignée de ses origines, on les retrouve dans certains aspects particuliers, ayant trait au comportement humain justement : théorie des jeux (l'angoisse du gardien de but au moment du penalty), les probabilités subjectives et la théorie de l'arbitrage en finance. Je retracerai ces développements et plaiderai pour la réintroduction du tirage au sort dans les assemblées délibératives.

Publications
I. Ekeland et E. Lecroart, Le hasard, une approche mathématique, Éditions du Lombard (Bande Dessinée), 2016.
I. Ekeland, Le chaos, Éditions du Pommier, 2006.
I. Ekeland, Au hasard, Éditions du Seuil, 1991.
I. Ekeland, Le calcul, l'imprévu, Éditions du Seuil, 1984.

Philippe GRANDCOLAS : Les trajectoires évolutives des organismes ne sont pas stochastiques
Analyser le rôle du hasard et des processus stochastiques dans le Vivant est un très vaste sujet. Il faut poser la question plus précisément pour pouvoir y répondre. Ma réflexion ne concerne pas les aspects moléculaires biologiques qui relèvent de la biologie des systèmes ou de la génétique moléculaire mais l'analyse des trajectoires évolutives des organismes. Ces trajectoires se dessinent d'individus ancêtres à individus descendants et peuvent être reconstruites par les méthodes phylogénétiques qui les interpréteront en termes de cousinages entre organismes. Leur nature implique que des états antérieurs — qu'ils soient anatomiques, morphologiques, comportementaux, moléculaires, etc. — déterminent au moins partiellement des états postérieurs. Si l'on pouvait rejouer de nombreuses fois le film de l'évolution, on obtiendrait vraisemblablement une certaine gamme de possibles mais pas toutes les possibilités imaginables. Cette situation est métaphorisée par des concepts expliquant l'évolution en termes de bricolage ou d'exaptation. Il est intéressant de comparer des interprétations empiriques de ces trajectoires avec des expériences d’évolution menées sur des organismes à temps courts pour comprendre la part déterministe de l'évolution des organismes.

Écologue et systématicien de formation, Philippe Grandcolas est Directeur de recherche au CNRS et Directeur de l'Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité, une unité mixte de recherche du Muséum national d'Histoire naturelle, du CNRS, de Sorbonne Université et de l'École Pratique des Hautes Études, comportant deux cents systématiciens et biologistes de l'évolution. Entre autres fonctions internationales, il est Vice-président du Science Comittee du GBIF et Point Focal National GTI France pour la Convention sur la Diversité Biologique. Ses recherches concernent l'évolution des faunes et du comportement des Insectes pour lesquelles il a travaillé sur le terrain dans de nombreux pays tropicaux. Au plan méthodologique, il s'est intéressé à la logique de l'intégration des savoirs sur la biodiversité dans les domaines liant analyse phylogénétique et description taxonomique.
isyeb.mnhn.fr | twitter.com/pgISYEB

Giuseppe LONGO : La spécificité du hasard et du temps dans les sciences de la vie
Le hasard se définit comme "l'imprédictibilité dans la théorie pertinente", de l'effet fluctuation classique de Turing (1950-52), au hasard quantique et biologique. Le hasard et l'irréversibilité du temps sont corrélés dans chacune de ces théories. La physique classique, quantique, la biologie de l'évolution et des organismes, les réseaux d'ordinateurs … présentent chacun des formes propres de hasard et, donc, demandent des analyses différentes du temps. Le hasard n'est pas du "bruit", surtout pas en biologie, où il contribue à la variabilité, donc à la production de diversité et adaptabilité, composantes essentielles de la stabilité structurelle du vivant. Un des défis du hasard en biologie consiste dans l'individuation d'un bon niveau mésoscopique d'analyse, très différent de ceux de la physique statistique et de la microphysique. La nécessaire recherche d'unité inter-théorique est une conquête difficile et non pas un a priori métaphysique.

Giuseppe Longo est directeur de recherche émérite CNRS au Centre Cavaillès, ENS, Paris, et Adjunct professor, School of Medicine, Tufts University, Boston. Il est ancien professeur de logique mathématique puis d'informatique à l'université de Pise.
Publications
G. Longo, Letter to Alan Turing, In print, 2018 [en ligne].
Avec A. Asperti, Categories, Types and Structures. Category Theory for the working computer scientist, M.I.T. Press, 1991.
Avec F. Bailly, Mathematics and the Natural Sciences : The Physical Singularity of Life, Imperial College Press, 2011 (en français, Hermann, 2006).
Avec M. Montévil, Perspectives on Organisms : Biological Time, Symmetries and Singularities, Springer, 2014.
Avec A. Soto, a édité (et co-écrit six articles) d'un numéro spécial de 2016 de la revue Prog Biophys Mol Biol : From the century of the genome to the century of the organism : New theoretical approaches.
Site et articles téléchargeables : di.ens.fr/users/longo/download-random.html

Mathias PESSIGLIONE : Le hasard dans la décision : quand les neurones tirent à pile ou face
Les théories économiques classiques ont défini des critères pour qu'une décision soit rationnelle. Un critère essentiel est la stabilité des préférences : si un agent préfère une option à une autre, il doit le faire en toutes circonstances. Or les agents humains dans leur vie quotidienne bafouent allègrement les critères de rationalité économique. Certains comportements irrationnels ont des causes identifiées, et sont par conséquent considérés comme des biais, comme le biais d'optimisme ou le biais de surconfiance. Ces biais sont généralement expliqués comme le produit indésirable d'une stratégie de décision qui est adaptée en moyenne, c'est-à-dire dans la plupart des situations de l'environnement dans lequel le cerveau a évolué, mais qui peut parfois jouer contre l'intérêt de la personne, notamment dans certaines situations artificielles du monde moderne. Cependant une grande partie des décisions reste imprévisible, malgré les apports théoriques récents des neurosciences. Cette imprévisibilité pourrait provenir de la faiblesse des modèles actuels, et serait dans ce cas résorbée lorsque l'ensemble des facteurs déterminants les choix seront découverts. Mais à l'inverse, il pourrait exister une stochasticité irréductible, inhérente au fonctionnement du cerveau. Pour rester dans un cadre déterministe, cette stochasticité pourrait elle-même provenir d'un mécanisme de génération aléatoire, favorisé par la sélection naturelle, parce qu'il force les individus à explorer et découvrir de nouvelles solutions.

Mathias Pessiglione a reçu une double formation de biologiste et de psychologue. Il dirige une équipe de recherche à l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (Paris). Ses recherches portent sur les mécanismes par lesquels le cerveau motive le comportement humain, dans le cas normal et dans les cas pathologiques, en neurologie et en psychiatrie.

François VANNUCCI : Le hasard sous contrôle
En physique classique, il n'y a pas de hasard. La réalité du monde est potentiellement connue hors du temps puisqu'on peut prédire l'avenir en appliquant les équations consacrées. Mais le hasard quantique qui règne dans le monde de l'infiniment petit superpose un autre niveau de réalité qui lui n'est connu qu'après sa réalisation.
Le hasard existe donc au niveau des particules, on ne sait pas prédire la trajectoire d'un électron dans un champ de force, mais ce hasard est contraint par des lois de distribution fondées sur les probabilités. Une population d'électrons se répartira sur des figures connues de diffraction ou d'interférences, le hasard quantique répond à un principe de "déterminisme faible".
Qu'en est-il du hasard de la vie quotidienne ? Une analyse d'occurrence de la chance indique que là aussi une loi mathématique existe.

François Vannucci a publié une douzaine de livres de vulgarisation scientifique : Le miroir aux neutrinos, L'astronomie de l'extrême univers (Odile Jacob), Proust à la recherche des sciences (le Rocher), La relativité, Combien de particules dans un petit pois, La place de l'homme dans l'univers (Le Pommier), Les neutrinos vont-ils au paradis (EdP), Neutrinos et vitesse de la lumière, Mécanique quantique sans douleur, Techniques de détection (Ellipses), Le vrai roman des particules (Dunod).
Depuis l'an dernier, il écrit pour le site "The Conversation". Y ont paru à ce jour douze articles sur les neutrinos, le hasard, Einstein, les rayons cosmiques ou encore la physique nucléaire…

Bertrand VERGELY : Le divin hasard
A priori, rien ne s'oppose plus à la raison que le hasard tout comme rien ne s'oppose plus au hasard que la raison. Qui dit hasard dit hasardeux. Qui dit hasardeux dit absence totale de logique, de cohérence et de maîtrise. Impossible de ce fait de diriger. Impossible de raisonner. D'où la première relation au hasard sous la forme du hasard refusé.
Le hasard pourrait s'arrêter là. C'est sans compter les autres faces de celui-ci.
Quand aujourd'hui, il est question de ne pas avoir une interprétation religieuse du monde, quand il est question donc de récuser l'idée d'une création du monde par un Dieu, c'est le hasard que l'on invoque. Quitte à choisir entre deux commencements absolus et, de ce fait, entre deux créations, mieux vaut cette création sans Dieu appelée hasard que ce hasard religieux appelé Dieu. Quitte à donner également un sens aux phénomènes tant naturels que humains, mieux vaut un explication purement matérielle dépourvue de sens qu'une interprétation religieuse donnant du sens.
Le hasard peut ne pas être simplement obstacle. Il peut être utile à la raison. Son usage polémique le montre. Comme le montre le hasard apprivoisé, son utilité ne s'arrête pas là.
Rentrons dans l'analyse du hasard tel qu'il est vécu. On s'aperçoit que celui-ci n'est pas neutre. Certains hasards sont des occasions, des opportunités, des chances qui se présentent. Les Anciens les appelaient kaïros. Cela s'explique par la logique de l'aléa, mot latin pour désigner le coup de dés ramenant au sens premier du terme hasard signifiant coup de dés en arabe. En bonne logique, quand le hasard est vraiment un hasard, il n'est pas soumis au hasard, mais à l'aléa. Ce qui signifie qu'il peut aller et venir, partir et revenir. Le jeu et, notamment le jeu de dés, a l'art d'en tirer parti pour générer du suspens. Au-delà du jeu de dés, le jeu de la séduction a l'art de le pousser à l'extrême en se faisant hasard. Jeu fascinant, mais limité.
La séduction a beau être séduisante, elle n'est pas satisfaisante. Elle ne peut l'être. Il lui manque le hasard créateur faisant d'elle un hasard de vie et non de mort que l'on ne trouve que dans le hasard dépassé.
On pense toujours le hasard comme extérieur à soi. Posons le comme inattendu, il devient intérieur à la pensée. La vie est riche, bien plus riche qu'on ne le pense. Surabondante, elle produit sans cesse des effets auxquels on ne s'attend pas, survenant sans que l'on sache comment ni d'où. À ce stade, on n'est plus dans une logique de l'accident ou bien encore de l'occasion mais du mystère et, plus encore de la grâce. Logique ô combien enrichissante, pour peu qu'on prenne la peine d'y entrer.

Jonathan WEITZMAN : Le paysage épigénétique… et le hasard
Le domaine de la génétique soulève plusieurs questions mystérieuses sur le rôle du hasard dans la définition de notre identité biologique. L'observation qu'un seul génome peut donner lieu à une multitude d'états phénotypiques pose la question de savoir comment la plasticité phénotypique est générée et maintenue. Le domaine de l'épigénétique explore cette question et s'est récemment concentré sur les mécanismes moléculaires pouvant expliquer la variation non-génétique. L'état épigénomique influence les schémas d'expression des gènes avec des conséquences sur les phénotypes cellulaires. Les caractéristiques moléculaires de l'épigénome peuvent représenter un mécanisme permettant d'intégrer les signaux environnementaux et de maintenir les réponses aux signaux environnementaux. Cette question importante concerne la manière dont les signaux environnementaux pourraient être convertis en mémoire épigénomique à long terme et les mécanismes sous-jacents à la stabilité et à la transmission de cette information non-génétique. De cette manière, l'état épigénétique est une conséquence des interactions aléatoires entre le génome et l'environnement.

Jonathan Weitzman est professeur de génétique à l'université Paris Diderot depuis 2006. Il était le directeur fondateur du Centre Épigénétique et Destin Cellulaire (UMR7216). Il dirige plusieurs initiatives interdisciplinaires dont le Laboratoire d'Excellence "LABEX Who Am I?", un consortium de recherche axé sur les questions d'identité. Il est également le coordinateur de l'Académie Vivante, un projet Art-Science. Il est membre senior de l'Institute Universitaire de France (IUF). Jonathan enseigne la génétique, l'épigénétique et la biologie des cellules souches à des étudiants de tout âge. Il est le co-directeur du Magistère européen de Génétique à l'université Paris Diderot et de l'École Universitaire de Recherche G.E.N.E. Ses recherches portent sur la compréhension des réseaux régulateurs géniques et sur les facteurs épigénétiques contribuant à la maladie. Il a publié plus de soixante articles dans des revues internationales et son premier livre 30 Second Genetics ["3 minutes pour comprendre les 50 découvertes fondamentales de la génétique"] a été publié en 2018.
twitter.com/Epigenetique | about.me/jonathan.weitzman


SOUTIENS :

• Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
ISTE Éditions

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


PSYCHANALYSE ET CULTURE :

L'ŒUVRE DE NATHALIE ZALTZMAN


DU LUNDI 19 AOÛT (19 H) AU LUNDI 26 AOÛT (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Jean-François CHIANTARETTO, Georges GAILLARD


ARGUMENT :

Avec les catastrophes génocidaires et leur projet négateur de l'appartenance humaine des victimes, dont la Shoah a constitué la figure emblématique, le vingtième siècle a marqué une rupture dans la culture. "L'écroulement de ce qui assurait à chacun, à son insu, inconsciemment, la certitude d'un pacte entre l'homme et lui-même, et les autres, cet écroulement a eu lieu, quelles que soient nos forces de dénégation".

Dans la perspective ouverte par Freud avec Malaise dans la culture, Nathalie Zaltzman a pris acte de l'absolue nécessité de repenser le travail de la culture, qui s'accomplit par le "psychique dans l'individuel". Le travail de la culture, consistant à rendre (partiellement) pensable ce qui indissociablement anime le sujet, le dépasse et lui échappe, est au cœur du travail de la cure. Cette posture théorique novatrice procède de l'invention en 1979 du concept de "pulsion anarchiste", qui a fait date dans le champ psychanalytique, tant au plan national qu'international, et participait d'une critique de la tendance des analystes à ramener toute conflictualité psychique au couple sexuel / narcissique.

Il s'agit de prolonger la théorisation freudienne de la pulsion de mort, en l'enrichissant d'une variante au service de la (sur)vie. Nathalie Zaltzman repense ainsi l'articulation narcissisme individuel / narcissisme collectif et dessine une approche de la négativité, au-delà de l'auto-destructivité narcissique de type mélancolique ou de la haine de la culture suscitée par l'exigence collective de sacrifices pulsionnels. Dans cette perspective, l'espace culturel apparaît irrémédiablement traversé par une lutte entre le travail de la culture comme prise de conscience transformatrice du négatif et la régression (auto)-destructrice, agglomérant dans la masse l'individuel et le collectif.

Ce colloque, ouvert aux psychanalystes comme à tous les auditeurs curieux, visera à faire comprendre la place aujourd'hui décisive de cette œuvre. Elle vient témoigner de l'importance vitale tout à la fois de la psychanalyse pour penser la puissance bivalente des processus culturels et de ce travail de pensée pour maintenir la puissance thérapeutique et scientifique de la psychanalyse.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 19 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 20 août
Matin
Monette VACQUIN : Démesure et civilisation… Et retour
Jean-Michel HIRT : La chute des corps [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
Geneviève BRISAC (écrivain) : Carte blanche


Mercredi 21 août
Matin
Catherine MATHA : Souffrir maintenant et indéfiniment : une maladie trop humaine
Raphaël MINJARD : Du chaos à la pulsion anarchiste : l'antre de l'éveil

Après-midi
Jean-Pierre PINEL : Les alliances inconscientes psychopathiques, une figure du Mal
Evelyne TYSEBAERT : Le mal. Ses représentations entre corps individuel et corps du monde


Jeudi 22 août
Matin
Georges GAILLARD : Travail de culture et rencontre avec "les figures intimes de la barbarie"
Gaia BARBIERI : Valeur subversive de Thànatos dans l'accompagnement clinique des sujets migrants

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 23 août
Matin
Jean-François CHIANTARETTO : Travail de la culture, travail de la mélancolie
Débat autour d'un texte inédit de Janine ALTOUNIAN : "Rupture et discontinuité au service de la survie ou à celui du lien chez Nathalie Zaltzman et Jean-François Chiantaretto"

Après-midi
Ghyslain LÉVY : Les émissaires de l'ailleurs
Noémie DURR : La rencontre d'un sujet hors héritage, étranger en lui-même


Samedi 24 août
Matin
François VILLA : Psyché anarchiste, psyché totalitaire ?
Aline COHEN DE LARA : Déliaison de vie ?

Après-midi
Barbara DE ROSA : Nathalie Zaltzman et l'enjeu du Kulturarbeit dans la rencontre entre témoignage et écoute
Isabelle LASVERGNAS : La pulsion anarchiste : pour un retour vers une métasociologie psychanalytique


Dimanche 25 août
Matin
Ellen CORIN : Pouvoirs et risques de la déliaison. Parcours aux limites
Christian FERRIÉ : Destins collectifs de la pulsion anarchiste (des rois de Thulé aux chefferies tupi-guarani)

Après-midi
Marie-Françoise LAVAL-HYGONENQ : Pulsion anarchiste, pulsion de mort, paradoxes de l'autoconservation
Arlette LECOQ : Entre l'esprit du mal et la vie de l'esprit, d'Angkar à Angkor


Lundi 26 août
Matin
Bilan et clôture du colloque

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Janine ALTOUNIAN : "Rupture et discontinuité au service de la survie ou à celui du lien chez Nathalie Zaltzman et Jean-François Chiantaretto"
En tressant ensemble de nombreuses citations de Nathalie Zaltzman et de Jean-François Chiantaretto, ce texte chercherait à montrer comment l'évaluation de la rupture et de la discontinuité comme facteurs de survie est présente non seulement dans l'élaboration théorique de Nathalie Zaltzman mais aussi dans celle de Jean-François Chiantaretto. Si Nathalie Zaltzman définit la pulsion anarchiste par la spécificité de sa temporalité : "Le mouvement anarchiste surgit lorsque toute forme de vie possible s'écroule", Jean-François Chiantaretto considère que rupture et discontinuité constituent néanmoins "la seule possibilité d'hébergement psychique" de celui qui a survécu à cet écroulement chez celui qui l'accueille mais ne peut qu'en mécomprendre le récit.

Janine Altounian, essayiste, a été co-traductrice et responsable de l'harmonisation dans l'équipe éditoriale des Œuvres complètes de Freud sous la direction de Jean Laplanche. Elle travaille par ailleurs sur la "traduction" de ce qui se transmet d'un trauma collectif aux héritiers des survivants.
Publications
"Ouvrez-moi seulement les chemins d’Arménie". Un génocide aux déserts de l'inconscient, Préface de René Kaës, Les Belles Lettres, 1990.
La Survivance, Traduire le trauma collectif, Préface de Pierre Fédida, Postface de René Kaës, Dunod, 2000.
L'écriture de Freud, Traversée traumatique et traduction, PUF, 2003.
L'intraduisible, Deuil, mémoire, transmission, Dunod, 2005.
Mémoires du génocide arménien. Héritage traumatique et travail analytique, Vahram et Janine Altounian, avec les contributions de K. Beledian, J.F. Chiantaretto, M. Fraire, Y. Gampel, R. Kaës, R. Waintrater, PUF, 2009.
De la cure à l'écriture. L'élaboration d'un héritage traumatique, PUF, 2012.
L'effacement des lieux. Autobiographie d'une analysante, héritière de survivants et traductrice de Freud, PUF, 2019.

Gaia BARBIERI : Valeur subversive de Thànatos dans l'accompagnement clinique des sujets migrants
Lorsque Nathalie Zaltzman théorise la "pulsion anarchiste", ce courant somme tout "individualiste" et "libertaire" de la pulsion de mort, elle complexifie radicalement la métapsychologie freudienne autour de Thànatos. Ainsi, Zaltzman forge un système conceptuel qui permet à la psychanalyse de fonctionner dans des champs de la pratique qui relèvent d'"expériences-limite", où le registre du besoin prime sur celui du désir, et où l'interférence entre politique et psyché est centrale. Dans mon travail clinique et de recherche auprès des sujets exilés, la question de l'exposition à la mort (physique, psychique et politique) de ces hommes et ces femmes est persuasive. À partir de la figure de "homo sacer", conceptualisée par le philosophe Giorgio Agamben en tant que "vie nue et tuable", et reprise par Nathalie Zaltzman, je partagerai avec vous cette recherche des lieux de vie occupés par des collectifs de personnes migrantes, ainsi que mes réflexions sur la pulsion anarchiste — ouverture subversive d'une alternative de vie, mouvement psychique de révolte subjective, inaugurant une verticalisation politique collective.

Gaia Barbieri, psychologue clinicienne, a une formation en philosophie et en sciences cognitives. Doctorante en Psychologie Clinique à l'université Lumière-Lyon 2, elle prépare une thèse intitulée "Ni patrie, ni destin : enjeux psychiques post-migratoires du sujet et du groupe, entre utopie et responsabilité collective".
Publications
2019, Ni patrie, ni destin ? Pour une pratique clinique militante auprès des jeunes exilés, Canal Psy, en cours de publication.
2019, "L'accueil des exilés en squat. Pensée en actes d'un habitat subversif", article co-écrit avec Arnaud De Rivière de La Mure, Nouvelle Revue de Psychosociologie, n°28, "Faire société autrement ?", en cours de publication.

Jean-François CHIANTARETTO : Travail de la culture, travail de la mélancolie
Du travail de la cure au travail de la culture, "l'humain" est censément pour chacun au cœur de la donne à la fois intrapsychique et culturelle. Mais lorsque vient à faire défaut la certitude minimale d'exister pour autrui, la donne devient précaire et le psychanalyste doit affronter des registres où l'enjeu pour le sujet est de survivre à la menace d'une disparition : celle de l'autre, de soi en l'autre, de l'autre en soi. Les travaux de Nathalie Zaltzman sont ici essentiels, tant du côté de la clinique psychanalytique que du côté des nouvelles formes du malaise dans la culture après la Shoah.

Philosophe et psychologue clinicien de formation, Jean-François Chiantaretto est psychanalyste et professeur de psychopathologie (Université Paris 13, UTRPP). Ses livres sont traversés par la question de l'interlocution interne, à l'entrecroisement de la clinique des limites et de l'écriture.
Derniers ouvrages
Trouver en soi la force d'exister, Paris, Campagne Première, 2011.
Avec Matha C. et Neau F., L'écriture du psychanalyste, Colloque de Cerisy, Paris, Hermann, 2018.

Aline COHEN DE LARA : Déliaison de vie ?
Les travaux de Nathalie Zaltzman, et notamment le concept de pulsion anarchiste, invitent à questionner le processus même de liaison pulsionnelle, parfois considéré comme l'un des buts du travail analytique. La clinique auprès d'enfants violents, où la destructivité est à l'œuvre, amène parfois à envisager la déliaison dans un versant plus positif, source de remobilisation psychique, tant individuelle qu'au regard du collectif. La liaison à tout prix ne revêt-elle pas parfois un caractère asséchant ?

Aline Cohen de Lara est professeure de psychologie (Université Paris 13-SPC); Psychanalyste, membre de la SPP et du comité de rédaction de la Revue française de psychanalyse.
Publications
"Quelques considérations actuelles sur "Les petites choses. Enfants du Coteau, temps de guerre"", in La psychanalyse : anatomie de sa modernité (autour des travaux de Laurence Kahn), Colloque de Cerisy, Éditions Belles Lettres, à paraître 2019.
"Fais pas ci, fais pas ça : un surmoi impatient", in L’impatience, Revue française de psychanalyse, Paris, Puf, n°2, Mai 2018.
"Sentiment de persécution et intériorisation du surmoi", in Persécutions, dir. André J., Petite bibliothèque de psychanalyse, Paris, PUF, 2018.
"Accueil ou écueil de la destructivité chez l'enfant et ses liens avec le sentiment inconscient de culpabilité, Un texte, des analystes, Autour de "L'enfant mal accueilli et sa pulsion de mort" de S. Ferenczi, Le coq héron, 224, Mars 2016, 44-50.
"Supporter la destructivité", in La destructivité chez l’enfant, dir. Cohen de Lara A., Danon Boileau L., Monographies et Débats de Psychanalyse, Paris, PUF, 2014, 147-162.

Ellen CORIN : Pouvoirs et risques de la déliaison. Parcours aux limites
La pulsion anarchiste est saisie à l'entrecroisement du collectif et du singulier. Divers exemples empruntés à la clinique et à la culture, celle d'"ailleurs" mais aussi le cinéma et la littérature, permettront d'interroger certaines conditions qui, dans la culture ou dans le social, favorisent l'inflexion de la pulsion de mort en pulsion anarchiste ou au contraire entravent cette possibilité. La Kulturarbeit sera saisie ici comme ce qui mobilise "ce qui, de la pulsion de mort, est psychiquement transformable".
Pour Nathalie Zaltzman, tant la pulsion anarchiste que la Kulturarbeit sont à mettre du côté d'une individuation permettant d'échapper aux contraintes de la massification. Si un tel travail s'accomplit essentiellement "par le psychique dans l'individuel", comme le soutient Nathalie Zaltzman, il peut mettre en jeu des éléments empruntés à la culture, au sens traditionnel du terme, en les infléchissant et les retravaillant en des réalités psychiques singulières. C'est l'hétérogénéité de la culture et les possibilités qu'elle ouvre ou actualise qui est ici mise au travail, dans la recherche de figurations d’enjeux psychiques inconscients. Dans le même souffle, il s'agira de voir comment la réalité matérielle, telle qu’elle s'invite à l'horizon de la cure ou dans le monde, reprise à son tour et transformée par la réalité psychique, peut donner une figure matérielle à l'emprise, lui conférant ainsi le poids d'un destin, d'une nécessité, et bloquer l'infléchissement de la pulsion de mort en pulsion anarchiste.

Ellen Corin est psychanalyste clinicienne, membre de la Société psychanalytique de Montréal. Elle a été professeur aux départements d'anthropologie et de psychiatrie de l'université McGill. Ses recherches l'ont conduite en République du Congo, où elle a notamment travaillé avec les groupes de possession par les esprits, et en Inde où elle s'est intéressée à la construction culturelle de l'expérience psychotique et aux parcours de vie des ascètes.
Publications
CORIN, E. (2018), "Le prisme de la persécution", in Jacques André et al. (dir.), Persécutions, Petite bibliothèque de psychanalyse, PUF.
CORIN, E., Padmavati, R. (2016), "The religious Texture of the Experience in psychosis", in H. Basu, R. Littlewood and A. Steinforth (eds), Spirit and Mind. Mental Health at the Intersection of Religion and Psychiatry, Berlin-Münster-Wien-Zürich-London, LIT Verlag, 89-110.
CORIN, E. (2010), "Le sujet et la structure. Tissage et contrepoint", in Tahon, M.-B. (dir.), Une anthropologue dans la cité. Autour de Françoise Héritier, Montréal, Athéna, 31-52.
CORIN, E. (2014), "Entre vie et mort. Les voies de l'actuel dans la psyché et la culture", in Revue française de psychanalyse, LXXVIII, 5, 1623-1630.

Barbara DE ROSA : Nathalie Zaltzman et l'enjeu du Kulturarbeit dans la rencontre entre témoignage et écoute
En se référant à la césure historique représentée par la Shoah, dans un petit et précieux essai de 2005 Nathalie Zaltzman analyse la problématique de la rencontre entre témoignage et écoute en soulignant la faille du Kulturarbeit qui a accompagné l'accueil des survivants. Le gain de conscience et intelligibilité offert par la littérature concentrationnaire a été raté par l'individu et la communauté humaine dans la mesure où ils se sont soustraits à l'œuvre de "dé-rangement" à laquelle elle les invitait. Dans cette contribution on essaiera de prolonger cette analyse en creusant le rôle, les possibilités et les limites de l'écoute testimoniale, dans l'idée que faire face à la dimension aporétique dans laquelle semble plongée la rencontre entre témoignage et écoute — aporie consubstantielle, mais aujourd'hui accrue par les failles du cadre collectif (Kaës, 1989, 2012) et du "témoin garant" (Chiantaretto, 2004, 2011) — n'est pas seulement un impératif éthique auquel nous sommes appelés en tant qu'individus et communauté, mais aussi une voie pour essayer de sortir de la zone grise de l'écoute (Levi, 1986, Mengaldo, 2007).

Barbara De Rosa a une formation en philosophie, psychanalyse et phd en psychologie, est enseignant-chercheur en psychologie dynamique (Département de Studi Umanistici, Université de Naples Federico II), membre de l'AIP et du SIUERPP, fait partie du comité de rédaction des revues Notes per la psicoanalisi et La Camera blu. Elle est la traductrice italienne de Nathalie Zaltzman et a dirigé l'ouvrage collectif qui lui est dédié Il male dal prisma del Kulturarbeit. Sull'opera di Nathalie Zaltzman (Milano, Franco Angeli, 2014). Thématiques de recherche : le mal extrême, notamment la Shoah, en rapport avec les questions du Kulturarbeit, du processus d'humanisation/déshumanisation, de l'emprise et du témoignage; les transformation de la fonction paternelle, la crise de la fonction adulte et l'actuel malaise dans la culture; l'agressivité et "longue" adolescence.
Publications en français
2018, "Le mal extrême, arcanum imperii, arcanum humani. Un regard intégré sur la notion d'emprise", Cliniques Méditerranéennes, 2/98.
2018, "Le Kulturarbeit et ses défaillances : passé et présent", in R. Hamon, Y. Trichet (sous la direction de), Les fanatismes, aujourd'hui. Enjeux cliniques des nouvelles radicalités, PUR.
2017, "Ranimer l'espoir. L'intervention psycho-éducative de Maestri di Strada", Connexion, 107.
2011, "La dimension du mal et le Kulturarbeit. Méditation sur L'esprit du mal de Nathalie Zaltzman", Bulletin du Quatrième Groupe, numéro spécial.
2009, "La violence dans la famille : Nue propriété, ou le piège… et son ouverture", Le Divan Familial, 23.

Noémie DURR : La rencontre d'un sujet hors héritage, étranger en lui-même
À partir de la rencontre avec un personnage littéraire : l'Étranger, venu de l'œuvre d'A. Camus, et plus particulièrement à partir de la scène de meurtre, je souhaite mettre au travail plusieurs questions : de quoi cet homme est-il étranger ?, quelle est l'impasse dans laquelle il semble arrêté ?, qu'est-ce que ce meurtre viendrait figurer ?, à qui appartient le corps qui tombe ?, à quoi renverrait le silence qu'il fallait rompre ? À partir d'un questionnement initial autour des liens entre exclusion sociale et temporalité, je propose de reprendre ces réflexions et de les développer à la lumière des concepts développés par Nathalie Zaltzman.

Noémie Durr est psychologue depuis 2006 et docteur en 2018. Thèse intitulée Figures de la mélancolie, exclusion sociale et temporalité. Article à paraître dans la revue de psychothérapie psychanalytique de groupe n°72 : Figurer l'informe, l'écriture comme prolongement de l'espace du corps.

Christian FERRIÉ : Destins collectifs de la pulsion anarchiste (des rois de Thulé aux chefferies tupi-guarani)
La réflexion de Nathalie Zaltzman sur la conception freudienne de la Kulturarbeit l'amène à envisager un double destin de la pulsion de mort, bouleversant de la sorte l'axiomatique pulsionnelle de Freud en considérant la possibilité d'un retournement de cette pulsion. Il s'agirait de partir de la lecture que la psychanalyste propose de l'ouvrage de J. Malaurie sur Les rois de Thulé pour la prolonger sur d'autres terrains ethnologiques afin d'éprouver et confirmer la fertilité de l'idée d'un tel retournement de la pulsion de mort : sans exclure d'autres travaux comme, par exemple, l'analyse de Zomia par l'anthropoloque James C. Scott, il sera tout particulièrement question du cas, étudié par les ethnologues Pierre et Hélène Clastres, des mouvements messianiques au sein des tribus tupi-guarani à propos desquels on peut risquer une interprétation ethnopsychanalytique. Tout en posant l'épineuse question de la transposition du cas individuel au niveau collectif, on montrera de quelle manière la pulsion anarchiste permet de dégager une force émancipatrice à l'occasion exceptionnelle d'une confrontation individuelle ou collective à la perspective de la mort : bravant le danger de mort, tirant toute leur force de survivre de cette confrontation exaltée à la perspective de mourir (Viva la Muertè), les individus en danger de mort se mettent ensemble en mouvement et se donnent la force politique de retourner la pulsion de mort contre elle-même.

Bibliographie
Le mouvement inconscient du politique - essai à partir de Clastres, Lignes, 2017 (312 p.).
"La dynamique inconsciente du mouvement politique", in M. Abensour et A. Kupiec, Pierre Clastres, Sens&Tonka, 2011, p. 323-339 (16 p.).
"Les Cannibales de Montaigne à la lumière ethnologique de Clastres", Publications numériques du CÉRÉdI, "Actes de colloques et journées d'étude (ISSN 1775-4054)", n°8, 2013 [en ligne].

Georges GAILLARD : Travail de culture et rencontre avec "les figures intimes de la barbarie"
La notion de kulturarbeit, telle que Nathalie Zaltzman l'a promue, met l'accent sur l'intrication entre le travail psychique qui incombe au sujet, la dimension collective et la dimension humaine. Qu'est ce qui spécifie ce travail dans la période contemporaine de mutation accélérée des arrière-fonds sociétaux, lorsque les métacadres se délitent et que le sujet doit faire face à de nouvelles modalités de déliaison et de libération de la pulsion meurtrière ? De la cure aux espaces où les sujets font groupe (groupes d'appartenance et groupes professionnels) permettre qu'advienne à la représentation les "figures intimes de la barbarie", suppose de confronter le narcissisme (là où il se met au service de Thanatos), et la tentation mélancolique, en prenant appui dans le lien, et dans cette l'"instance" en partage qu'est "l'espèce humaine".

Georges Gaillard est psychologue clinicien, professeur au Centre de recherche en psychologie et psychopathologie clinique (CRPPC EA653) Lyon 2 ; psychanalyste membre du Quatrième Groupe ; membre de Transition (Association européenne, analyse de groupe et d’institution).
Quelques publications
(2018), "Aléas dans la transmission : auto-engendrement, dette d'altérité, et travail d'historisation", Revue de Psychologie Clinique et Projective. Transmissions, 2018/1, n°24, Toulouse, Érès, p. 21-39.
(2016), "La conflictualité : une modalité de lien où s'arrime la destructivité humaine", Connexions, 2016/2, n°106, Toulouse, Érès, p. 71-85.
(2016), "Autorisé à vivre ? L'infans, la confusion vie-mort, et le travail d'appropriation subjective", Le Coq-Héron, 2016/1, n°224, p. 97-104.
(2015), "Le féminin, le meurtre et la promesse d'un accueil", in Quatrième Groupe Actes 4, 2015, Paradoxes du féminin, Paris, InPress, p. 119-134.
(2015), "L'institution, le "bien commun" et le "malêtre"", in R. Kaës et al., Crises et traumas à l'épreuve du temps. Le travail psychique dans les groupes, les couples et les institutions, Paris, Dunod, p. 99-129.

Jean-Michel HIRT : La chute des corps
"L'amitié, ce rapport sans dépendance, […], cette séparation fondamentale à partir de laquelle ce qui sépare devient rapport", cette approche de Maurice Blanchot concernant sa relation à Georges Bataille sera le fil rouge d'un propos où Nathalie Zaltzman, disparue, est cette interlocutrice intérieure, devenue. Autour du vide advenu, des noms apparaissent, écrivains, psychanalystes, réalisateurs, musiciens, qui ont donné lieu à tant d'échanges vivants voués à tomber dans l'oubli. Le temps de cette chute cherche ici à se dire.

Jean-Michel Hirt est Professeur d'Université (Psychopathologie – Interculturel) et membre de l'Association Psychanalytique de France.
Publications
L'insolence de l'amour, fictions de la vie sexuelle, Albin Michel, 2007.
La dignité humaine, sous le regard d'Etty Hillesum et de Sigmund Freud, Desclée de Brouwer, 2012.
Paul, l'apôtre qui "respirait le crime", pulsions et résurrection, Actes Sud, 2014.
La vraisemblable ascension de John Coltrane, Éditions Domens, 2019.

Isabelle LASVERGNAS : La pulsion anarchiste : pour un retour vers une métasociologie psychanalytique
Le travail de Nathalie Zaltzman sur la notion de pulsion réoriente les présupposés métahistoriques freudiens sur le travail de la culture et sur la groupalité psychique au cœur des dynamiques inconscientes subjectives et collectives. Dans la poursuite de ces élaborations métapsychologiques sur les destins de la vie pulsionnelle, on esquissera des parallèles avec les propositions de nature métaphysique dans l'œuvre de Jean Baudrillard sur le sujet de la condition humaine en ce début du XXIe siècle, ainsi que sur le mal et l'implosion du politique dans le contexte dit de post-histoire.

Isabelle Lasvergnas est psychanalyste, Professeur honoraire, UQAM. Auteur de très nombreux articles, elle a dirigé plusieurs ouvrages collectifs, dont récemment, La consultation psychanalytique aujourd'hui, entre héritages et remaniements, Monographie, Filigrane, 2018.
Publications récentes
"L'attraction du double dans la filiation : du socius à la transmission analytique", Psychanalyse et Psychose, 2018.
"Transcrire la trace", in J.-F. Chiantaretto, C. Matha & F. Neau (dir.), L'écriture du psychanalyste, Colloque de Cerisy, Hermann Éditeurs, 2018.
"Temporalité psychique des premières rencontres et noyaux inconscients transmis dans la cure. La fonction conservatoire des entretiens préliminaires", Filigrane, 2018.
"L'abime des mots", in L. Grenier (dir.), Écritures du divan, 2017.
"Le corps exorbité", in J.-F. Chiantaretto & C. Matha (dir.), Écritures de soi, Écritures du corps, Colloque de Cerisy, Hermann Éditeurs, 2016.

Marie-Françoise LAVAL-HYGONENQ : Pulsion anarchiste, pulsion de mort, paradoxes de l'autoconservation
Avec la pulsion anarchiste, N. Zaltzman vient interroger les deux dualismes pulsionnels, plus particulièrement les deux pôles que Freud a successivement opposés au pôle libidinal : le pôle autoconservatif en 1910 et celui des pulsions de mort en 1920. Cette notion nous engage à penser autrement la clinique avec certains patients : "Reconnaître à l'activité anarchiste des pulsions de mort sa dimension de protestation vitale, c'est se donner les moyens de cesser d'incarcérer dans des étiquettes douteuses et impuissantes les trouble-fête de l'hygiène mentale et les ratés de la pratique analytique protocolaire…" écrit N. Zaltzman dans ce texte princeps de 1979. C'est le même projet qui anime les reconsidérations de M. de M'Uzan avec l'opposition : vital-identital/sexual, à distinguer d'un dualisme pulsionnel. Tous les deux prolongent une réflexion sur la dimension paradoxale du champ auto-conservatif laissé en jachère par Freud, qui reconnaissait en 1938 dans l'Abrégé "ne pas avoir réussi à élucider complètement" le renversement de la pulsion d'autoconservation en autodestruction.

Marie-Françoise Laval-Hygonenq est membre titulaire de la Société Psychanalytique de Paris.
Bibliographie
N. Zaltzman, De la guérison psychanalytique, Épîtres, PUF, 1998.
N. Zaltzman, La résistance de l'humain, Petite bibliothèque de psychanalyse, PUF, 1999.
N. Zaltzman, L'esprit du mal, Éd. de l'Olivier, penser/rêver, 2007.
M. de M'Uzan, De l'art à la mort, RTEL, Gallimard, 1977.
M. de M'Uzan, Aux confins de l'identité, NRF, Gallimard, 2005.
M. de M'Uzan, Nouveaux développements en psychanalyse autour de la pensée de M. de M'Uzan, EDK, 2011.

Arlette LECOQ : Entre l'esprit du mal et la vie de l'esprit, d'Angkar à Angkor
Mon propos débutera par une réflexion sur le statut du Mal que Nathalie Zaltzman situe hors filiation et sur l'héritage archaïque, en ce compris les références ontogénétiques et phylogénétiques. Richard III et Broddeck, l'un se situant avant, et l'autre après la césure des barbaries du XXe siècle, me permettront d'illustrer quelques facettes du travail de culture par l'art et la tragédie en ce qui concerne le premier, par la compulsion de répétition collective si bien mise en évidence dans le rapport de Broddeck de Philippe Claudel, en ce qui concerne le second.

Arlette Lecoq est psychiatre, psychanalyste, membre titulaire et membre de la commission de la SBP, secrétaire scientifique de la SBP, membre de l'IPA et Maître de conférences à l'université de Liège. Elle participe au groupe FIMMPIC de la SBP consacré aux Figures Intrapsychiques de la Mort et du Mal dans la Psyché Individuelle et Collective.

Ghyslain LÉVY : Les émissaires de l'ailleurs
Ce sont les messagers qui nous apportent, venant de nos lointains intimes, des nouvelles de nos objets perdus ou des objets que nous ne parvenons pas à perdre. Je suivrai ici le chemin que Nathalie Zaltzman avait ouvert avec son concept de sexualité mélancolique, quand détachement et séparation ont échoué et que le lien d'amour triomphe dans la mort. À travers l'écriture d'une fiction clinique, j'explorerai cette "charge cadavérique du lien d'amour", lorsque l'Histoire génocidaire est venue, à travers les générations, déchirer le temps, et que la passion de mourir reste le seul témoignage d'une telle déchirure.

Ghyslain Lévy est psychiatre et psychanalyste, membre du Quatrième Groupe.
Il a dirigé l'ouvrage collectif L'esprit d'insoumission, réflexion autour de la pensée de Nathalie Zaltzman, aux éditions Campagne Première, 2011, qui vient d'être réédité.
Il vient de publier Survivre à l'indifférence (Campagne Première, 2019).

Catherine MATHA : Souffrir maintenant et indéfiniment : une maladie trop humaine
La souffrance humaine, fidèle compagne de vie, liée à la solitude originelle de l'être humain face à l'angoisse de sa finitude, ne se laisse pas aisément apaiser. Car, paradoxe scandaleux, ce à quoi l'homme semble tenir le plus est sa souffrance, en dépit de ce dont il cherche à se convaincre. Les formes diverses dans lesquelles elle s'incarne en témoignent et conjuguent différemment les forces d'Eros et de Thanatos. Depuis les situations d'impuissance douloureuse où l'homme se convainc qu'il ne peut pas ce qu'il voudrait pour mieux se préserver du risque de la confrontation à un véritable impossible, aux "situations-limites" telles que décrites par Nathalie Zaltzman, où l'enjeu est celui d'une survie psychique quand la menace de mort est effective. Si la conceptualisation du masochisme et de ses différentes figures a ouvert des voies de compréhension sur les œuvres silencieuses de la pulsion de mort quand elle se drape d'érotisation, l'élaboration de la pulsion anarchiste qui tire sa force de la seule pulsion de mort en ouvre une autre.

Psychologue clinicienne de formation, Catherine Matha est Psychanalyste et Maître de Conférences en Psychologie clinique et psychopathologie à l'université Paris 13 SPC.
Publications
Les attaques du corps à l'adolescence, Dunod, 2018.
Blessures de l'adolescence, , avec Fanny Dargent, Puf, 2011.
Écritures de soi, Écritures du corps, avec Jean-François Chiantaretto (dir.), Colloque de Cerisy, Hermann, 2016.
L'écriture du psychanalyste, avec Jean-François Chiantaretto et Françoise Neau (dir.), Colloque de Cerisy, Hermann, 2018.

Raphaël MINJARD : Du chaos à la pulsion anarchiste : l'antre de l'éveil
Réanimer signifie ramener un malade, un blessé à la vie par une série de soins intensifs destinés à rétablir les fonctions vitales abolies ou compromises à la suite d'une intervention chirurgicale, d'un accident ou de toute autre agression pathologique. Une jeune spécialité médicale à la pointe du développement technologique telle que la réanimation ou les soins intensifs permettait-elle de penser l'éveil à la vie psychique ? Le moment de télescopage que représente l'éveil provocant confusion, délire et parfois hallucinations pourrait-être une fenêtre sur l'originaire dont le processus serait appelé à se répéter à l'identique ou de façon plus artificiel pour survivre. Réanimer traite autant de l'éveil, du lien et de la déliaison que de la vie et de la mort. Réanimer traite également du négatif des points de tension, de stase et de conflits internes exprimés ou non, mais agissants le sujet dont la parole est suspendue au moins pour un temps. Réanimer nous emmène au confins de l’articulation psyché soma, à la racine de la pulsion ; en ce sens la réanimation peut s’entendre aussi dans la métaphore du souffle de vie, de la "relance" de l'élan vital et de l'expérience limite. La théorie de la pulsion anarchiste nous permettrait-elle de penser ces mouvements ?

Raphaël Minjard est Psychologue clinicien, psychanalyste, participant au IVeme Groupe, Maître de Conférences en psychopathologie clinique au Centre de recherche en psychologie et psychopathologie clinique (CRPPC EA653) Lyon 2. Il est co-fondateur de la revue In Analysis, revue trandisciplinaire en psychanalyse et sciences.
Publications
Minjard R. (2019), "Corps débordant, parole absente : La vie psychique en réanimation", in F. Thomas, Le soin en médecine intensive. Les enjeux contemporains en réanimation, Paris, Seli Arslan.
Minjard R. & Di-Rocco V. (2018), "L'excitation hallucinée. Hallucinations et éveil de coma", in In Analysis, 2(1), 40–45.
Minjard R. & Combe C. (2017), "Je ne sens pas", in In Analysis, novembre, Vol 2, Numéro 3, Paris, Elesevier Masson.
Minjard R. (2016), "L'entretien en réanimation médico-chirurgicale adulte", in P. Attigui et B. Chouvier, L'entretien clinique, Paris, Armand Colin, 2ème Ed.
Minjard R. (2014), "L'éveil de coma ; approche psychanalytique", in Psychismes, Paris, Dunod, 257 p.

Jean-Pierre PINEL : Les alliances inconscientes psychopathiques, une figure du Mal
Dans L'esprit du Mal (2007), Nathalie Zaltzman prend appui sur une œuvre littéraire : Sa majesté des mouches, un roman de William Golging (1954), pour interroger le travail de la culture dans le traitement psychique du mal. L'ouvrage décrit les transformations subjectives et groupales qui s'opèrent dans un groupe d'enfants naufragés sur une île déserte, abandonnés par toute figure tutélaire. L'attention de Nathalie Zaltzman va se porter sur une question centrale : celle des modalités de régression du narcissisme individuel et collectif dans le déploiement d'agirs meurtriers commis à plusieurs.
Cette communication se situera dans le champ d'une psychanalyse en extension Kaës (2015), visant à mieux comprendre les interférences, les résonances et les nouages entre les espaces intra-, inter- et trans-subjectifs pour explorer une modalité de la destructivité, une modalité du mal, qui procède du nouage entre ces trois espaces psychiques, que je propose de désigner comme une alliance inconsciente psychopathique. Elle visera à caractériser les conditions dans lesquelles s'effectue la régression ouvrant la voie aux différents agirs destructeurs, aux désirs et plaisirs du meurtre comme de l'auto-anéantissement. Elle développera la proposition selon laquelle l'agir meurtrier se déploie lorsque prévaut une modalité de négatif, celle d'une absence du répondant (Kaës). Enfin, le propos se centrera sur les configurations intersubjectives dans lesquelles l'absence du répondant se forme paradoxalement in praesentia. L'analyse des processus psychiques mobilisés en ces configurations visera à en singulariser les sous-bassement pulsionnels mais également les ressorts groupaux et institutionnels. Le propos se clôturera par une réflexion sur les prolongements cliniques et culturels de telles configurations de liens psychopathologiques.

Publications
Pinel J.-P. (2018), "Adolescentes, agirs délinquants et convocation du répondant", Adolescence, 36, 1, p. 133-146.
Drieu D. ; Pinel J.-P. (2015), Violence et institution, Paris, Dunod, Préface de René Kaës.
Pinel J.-P. (2014), "Le traitement institutionnel des incestualités-mafieuses familiales intériorisées chez les adolescents", Le divan familial. L'énigme du sexuel dans les familles et les institutions, 33, Automne 2014, p. 17-34.
Pinel J.-P. (2011), "Les adolescents en grandes difficultés psychosociales : errance subjective et délogement généalogique", Connexions, 96, p. 9-26.
Pinel J.-P. (2011), "Group analytic work with violent preadolescents : working-through and subjectivation", Group Analysis, London, Vol. 44(2), London, p. 196-207.

Evelyne TYSEBAERT : Le mal. Ses représentations entre corps individuel et corps du monde
L'œuvre de Nathalie Zaltzman a analysé les questions du mal et du travail de culture de manière approfondie et novatrice. En explorant les ressources psychiques dont dispose l'humain pour faire face à une réalité dominée par le primat de la destruction physique et morale, elle s'est demandé si l'on pouvait tenter d'approcher de ces ressources psychiques sans sortir, au moins en partie, de l'univers freudien où la vie inconsciente est mue par l'organisation fantasmatique du désir au service des buts d'Éros.
Cette réflexion sera structurée autour des questions du corporel, du sensoriel et de leur transmission, tels qu'ils se manifestent dès le départ de la vie psychique. Une parenthèse littéraire sur le crime collectif et un cas clinique de meurtre individuel mettront en avant cet en-deçà de l'inconscient freudien qui permet de rendre pensable une activité pulsionnelle de vie et de mort hors liaison par l'activité fantasmatique inconsciente.

Monette VACQUIN : Démesure et civilisation... Et retour
La vie m'a fait l'inestimable cadeau de trente ans d'amitié avec Nathalie Zaltzman. Nouée dans le travail, cette amitié prit la forme de décennies de conversations qui ne furent interrompues que par sa mort. Démesure et civilisation sont des concepts propres à son œuvre, dont je m'efforcerai de faire partager l'amplitude à travers ses travaux mais aussi à partir de nos échanges privés. "La démesure est l'ancrage humain, sa marque de fabrication, sa vocation naturelle (…) Mais prendre la mesure de l'ancrage humain dans la folie, c'est disposer d’une raison suffisamment solide pour vivre avec cette démesure sans vivre ni dans sa terreur, ni dans son idéalisation", écrivait-elle dans Faire une analyse, et guérir : de quoi. De mon côté, je travaillais sur la question inédite du conflit de la techno-science et de la civilisation, sur les délires de la raison, en prenant soin d'en repérer les dimensions liées à l'histoire et à l'inconscient. Un retour de l'hybris dans des lieux imprévus…

Monette Vacquin est psychanalyste et écrivain. Membre du bureau de "Schibboleth, Actualité de Freud", association internationale inter-universitaire. Membre du conseil scientifique du département d'éthique bio-médicale du Collège des Bernardins. Ancien membre du Collège de Psychanalystes, Paris. Lauréate du Grand Prix "Science et conscience" attribué par "Humanisme et Société".
Principaux ouvrages
Frankenstein ou les délires de la raison, François Bourin, 1989 / Julliard, 1995 (Traduit en allemand et en japonais).
Main basse sur les vivants, Fayard, 1999.
Grave ma non troppo, Beethoven, dernier mouvement, Penta, 2014.
Frankenstein aujourd'hui, égarements de la science moderne, Belin, 2016 (Traduit en chinois).
Ouvrages collectifs
Tensions et défis éthiques dans le monde contemporain, mai 2012, Éd. des Rosiers, sous la dir. de M. G. Wolkowitcz.
États du Symbolique aujourd'hui, juin 2014, Éd. In Press, dirigé par M. G. Wolkowicz.
Figures de la cruauté, mai 2016, Éd. In Press, sous la direction de M. G. Wolkowicz.
Le sujet face au réel et dans la transmission, 2017, Éd. In Press, sous la direction de M. G. Wolkowicz.
Si c'était Jérusalem, février 2018, Éd. In Press, sous la direction de M. G. Wolkowicz.
Une France Soumise, sous la direction de G. Bensoussan, Préface d'E. Badinter, Albin Michel, 2017.
Le Nouvel Antisémitisme en France, Préface d'E. de Fontenay, avec P. Val, P. Bruckner, G. Bensoussan, J.-P. Winter, etc., Albin Michel, 2018.
Direction d'ouvrage et préface
La Responsabilité, Éd. Autrement, Collection "Morales", 1994.
Travaux sur la musique
Publiés sur le site "l'interprète-musicien", sous la direction de R. Stricker.

François VILLA : Psyché anarchiste, psyché totalitaire ?
La pulsion peut s'avérer possiblement, comme l'envisage N. Zaltzman, porteuse d'une tendance anarchiste qui révèle la participation de la pulsion de mort à la vitalité de la vie psychique. Cela ne nous permet pas d'en déduire que cette dimension anarchiste caractérise la psyché et nous devrons envisager la tendance totalitaire qui œuvre aussi dans la psyché. Au-delà du caractère péremptoire de ces affirmations, notre projet est de les soumettre à la question et à la discussion.

François Villa est professeur d'université (psychopathologie psychanalytique), université de Paris. Il est co-porteur du programme interdisciplinaire La personne en médecine et co-porteur du LabEx Who Am I ?. Il est psychanalyste, membre de l'Association Psychanalytique de France et de l'Association Psychanalytique internationale.
Publications
La Puissance du vieillir, Paris, Le fil rouge, Paris, PUF, 2010.
Le caractère dans la pensée freudienne, Paris, Hors collection, Paris, PUF, 2009.
"Identité de perception, identité de pensée et tentation totalitaire", in Wolkowicz M. G. (éd), Tensions et défis éthiques dans le monde contemporain, Paris, Les éditions des Rosiers, 2013, 493-512.
"Au cœur du rêve, la horde", Penser/rêver, 2009, n°15, "Toute-puissance", Éd. de l'Olivier, 41-60.
"La psychanalyse a-t-elle les moyens de penser le mal ? À propos de L'esprit du mal de Nathalie Zaltzman", L'évolution psychiatrique, 2009, 74 (2), Elsevier, 314-324.
Avec Eva Weil
"Lettre à Nathalie… absente", in Lévy G. et coll., L'esprit d'insoumission - Réflexions autour de la pensée de Nathalie Zaltzman, Paris, Campagne Première, 2011.
"The spirit of evil. By Nathalie Zaltzman", Paris, Éditions de l'Olivier, 'penser/rêver', 2007. 109 pp., International Journal of Psychoanalysis, 2010, 91, 3, June, 667–674. doi: 10.1111/j.1745-8315.2010.315(4).x.


SOUTIENS :

• Unité transversale de recherche psychogénèse et psychopathologie (UTRPP, EA 4403) | Université Sorbonne Paris Nord
• Centre de recherche en psychopathologie et psychologie clinique (CRPPC, EA 653) | Université Lumière Lyon 2

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


DUMAS AMOUREUX :

FORMES ET IMAGINAIRES DE L'ÉROS DUMASIEN


DU LUNDI 19 AOÛT (19 H) AU LUNDI 26 AOÛT (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Julie ANSELMINI, Claude SCHOPP


ARGUMENT :

L'Éros proprement amoureux de Dumas, qui le poussa à accumuler sa vie durant conquêtes et maîtresses, est la figure emblématique d'une énergie vitale et d'un désir de littérature et d'action qui n'a pas, en tant que tel, fait l'objet d'une suffisante attention.

Ce colloque — le premier qui, à la veille des cent cinquante ans de la mort de l'écrivain, le fera entrer à Cerisy — vise ainsi à explorer l'Éros dumasien dans ses divers aspects et ses multiples enjeux, selon trois directions privilégiées. D'abord, le désir amoureux et érotique, sa représentation, sa productivité et sa portée dans les différents genres illustrés par Dumas (théâtre, romans, contes, récits de voyages, autobiographie, causeries, etc.). Ensuite, et plus largement, le désir comme origine et foyer de la création dumasienne, et tel qu'il permet d'en comprendre la fécondité, la variété, mais aussi les modes d'énonciation et de réception. Enfin, les empreintes du désir chez les descendants (biologiques et littéraires) de Dumas; comment les motifs sentimentaux et l'érotisme façonnent l'imaginaire dumasien, manifesté et fantasmé par les réécritures, les adaptations ou les suites de ses œuvres (comme le D'Artagnan amoureux de Roger Nimier, auquel le titre du colloque adresse un clin d'œil).

Cette rencontre, qui réunira les meilleurs spécialistes du sujet, s'ouvrira à tous les lecteurs amoureux de Dumas.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 19 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 20 août
Matin
AUX ORIGINES
Julie ANSELMINI & Claude SCHOPP : Introduction
Claude SCHOPP : Les deux amours d'Alexandre Dumas

Après-midi
L'AMOUR EN VOYAGE
Nathalie SOLOMON : Impressions de voyage et sentiment amoureux : "J'en ferai un volume"
Héléna DEMIRDJIAN : Naples et Dumas : un cheminement amoureux

Soirée
Samantha CARETTI : De l'enthousiasme chez les romantiques et Dumas


Mercredi 21 août
Matin
ÉROS ET FABRIQUE DU SUCCÈS
Karl AKIKI : 5 Shades of Dumas
Sandrine CARVALHOSA : La fabrique médiatique du désir d'auteur : le cas d'Alexandre Dumas

Après-midi
DÉTERMINATIONS ET SUBVERSION DU DÉSIR
Daniel DESORMEAUX : L'amour nègre chez Alexandre Dumas
Estelle BÉDÉE : Érotisme dumasien : entre conformisme et révolution(s)

Soirée
"De l'amour chez Dumas", lectures par Philippe MÜLLER & Vincent VERNILLAT [Compagnie PMVV le grain de sable]


Jeudi 22 août
Matin
FOLIES AMOUREUSES
Julie ANSELMINI : Dumas, écrivain de l'amour fou
Valery RION : Aimer la mort, aimer Méduse : l'éros dumasien dans les récits fantastiques

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 23 août
Matin
ÉROS ET HISTOIRE (I)
Maxime PRÉVOST : Le Désir séculaire : les XVIe et XVIIe siècles contrastés de Dumas
Lise DUMASY : L'Amour, la Mort et le Destin au prisme du roman historique dumasien

Après-midi
ÉROS ET HISTOIRE (II)
Àngels SANTA : Le sentiment amoureux dans Mémoires d'un médecin : l'exemple de La Comtesse de Charny
Isabelle SAFA : Éros et Clio : l'amour comme principe de production de l'histoire
Philippe CHANIAL : Eros, Agapè et politique : l'amour comme utopie chez Alexandre Dumas


Samedi 24 août
Matin
AMOURS DE THÉÂTRE
Christine PRÉVOST : Viol et subornation dans les drames historiques et modernes de Dumas : entre ressort mélodramatique et métaphore du pouvoir
Anne-Marie CALLET-BIANCO : Le mariage et l'amour dans les comédies de Dumas [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
AMOURS ET AMITIÉS DE LÉGENDE
Edith PERRY : La Reine Margot : l'amour à outrance. D'Alexandre Dumas à Patrice Chéreau
Giulio TATASCIORE : Le brigand amoureux : une figure de l'imaginaire dumasien
Maria Lucia DIAS MENDÈS : "L'amitié d'un grand homme est un bienfait des dieux !" : Dumas et l'amour fraternel

Soirée
D'Alexandre Dumas à Patrice Chéreau [Projection]


Dimanche 25 août
Matin
ÉROS EN REPRÉSENTATION
Dominique de FONT-RÉAULX : Décors pour un bal masqué, désirs de la représentation
Steffie VAN NESTE : "Voir sans être vu". Amour et curiosité dans l'œuvre romanesque d'Alexandre Dumas

Après-midi
DUMAS ET LES SIENS
Marianne SCHOPP : L'amour paternel chez Dumas
Michel BRIX : À propos de Jenny Colon. Dumas et les amours de Nerval
Marc DAMBRE : Roger Nimier chez Dumas : amours de lecture, erreurs de l'amour


Lundi 26 août
Matin
Conclusions et clôture du colloque

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Karl AKIKI : 5 Shades of Dumas
Le propos de cette communication détourne le titre d'un célèbre bestseller transmédia de notre époque (50 Shades of Grey, E. L. James). À l'instar de ce roman qui explore les strates insoupçonnées du désir, nous reviendrons sur l'auteur sulfureux que fut Dumas et sur les nuances (shades) qu'il propose pour contrer le "code de la conjugalité". Nous nous proposons de démontrer comment le désir constitue, au niveau de l'architexte, le moteur des actions, le destinateur des quêtes des personnages. Les couches intertextuelles suivantes vont s'effriter : le triangle mimétique qui permet aux relations de s'alimenter, l'homosexualité masculine et féminine qui accompagne l'évolution des actants, l'importance du travestissement et de la logique carnavalesque, les fantasmes les plus tus et qui sont livrés au grand jour (sadomasochisme, nécrophilie, inceste et autres rapports que Dumas explore), le retour aux mythes qui interrogent le désir humain (Ulysse et Pénélope, Orphée et Eurydice, Pyrame et Thisbée). Cette évolution questionnera constamment le pôle de la réception pour lequel la sexualité est un incubateur de succès. Elle permettra de comprendre la popularité de l'œuvre d'un auteur qui fait couler encore beaucoup d'encre et de pellicule.

Bibliographie
Akiki Karl, La recette du roman populaire, façon Alexandre Dumas, thèse soutenue en avril 2013 à Paris 3-Sorbonne nouvelle [en ligne].
Akiki Karl, Dumas aux frontières du fantastique, Mémoire de Master, Beyrouth, Université Saint-Joseph, 2006.
Fernandez Dominique, Les douze muses d'Alexandre Dumas, Paris, Éditions Grasset, 1999.
Revue de la Bibliothèque nationale de France, Dossier "Alexandre Dumas", n°11, octobre 2002.

Julie ANSELMINI : Dumas, écrivain de l'amour fou
Comme le rêve, l'amour ouvre un univers à part, délicieux ou terrible. Il n'est pas seulement un indispensable ressort romanesque : investi d'une dimension magique, il s'avère capable d'abolir les barrières entre les êtres, mais aussi de détruire leur raison et de les faire basculer dans l'Autre Monde lorsqu'il s'agit d'un amour extrême. Dans Olympe de Clèves (1852), "tomber fou amoureux" prend ainsi un sens littéral : amoureux éperdu de l'éblouissante Olympe, Bannière est enfermé à l'asile de Charenton; à sa mort, sa maîtresse, à son tour, tombe foudroyée de malheur et d'amour. Nous examinerons comment, bien avant les surréalistes, Dumas prend au sérieux l'amour fou, forme de sublime où se mêlent indissociablement le merveilleux et l'effroi, l'intensité et le risque.

Ancienne élève de l'ENS Paris, Julie Anselmini est maître de conférences à l'université de Caen Normandie. Spécialiste de Dumas père, ses travaux portent aussi sur la critique des écrivains du XIXe siècle. Elle a codirigé en 2016 à Cerisy avec Fabienne Bercegol et Mariane Bury le colloque "Portraits dans la littérature : de Gustave Flaubert à Marcel Proust" (publié en 2018 aux Éditions Classiques Garnier, collection "Cerisy-Littérature").

Estelle BÉDÉE : Érotisme dumasien : entre conformisme et révolution(s)
L'analyse consiste en une observation de la tension permanente entre Eros et Thanatos que Dumas exerce lorsqu'il s'agit d'écrire le désir. Le texte romanesque, travaillé par la frustration, oscille entre érotisme suggéré, "raisonnable" si l'on peut dire, conforme aux mœurs de son époque — Dumas se présente lui-même comme "l'homme religieux par excellence" dans sa Préface de La Comtesse de Charny — et un déchaînement de l'imaginaire, où la volonté de divertir prend le pas sur celle d'instruire (fonction qu'il attribue au roman populaire en général et à son œuvre en particulier) et contribue donc à l'élaboration d'un érotisme plus transgressif, que les nombreuses adaptations et interprétations ont exploré de façon beaucoup plus explicite. Nous tenterons donc d'observer comment l'individualité de Dumas, son histoire et son identité (ou plutôt le morcellement de ses identités), anomalies au sein du paysage littéraire français du XIXe siècle, ont façonné, conjointement à une écriture romantique devenue presque caricaturale du genre, très "scolaire", un paysage érotique révolutionnaire et ludique.

Bibliographie
Mémoire sur La Représentation féminine chez La Comtesse de Ségur en 2009.
Mémoire sur La Représentation des classes en littérature et en littérature populaire : Les Mystères de Paris d'Eugène Sue en 2010.
Article pour la revue Le Pan Poétique des Muses : "La Comtesse de Ségur et l'hystérie", écrit en 2010, publié en 2015.
Compte-rendu du n°43 de la revue Autour de Vallès pour le site Belphégor en 2014.
Thèse de doctorat : L'insurrection dans le roman du XIXe siècle, de Prosper Mérimée à Lucien Descaves, soutenue en 2017.

Michel BRIX : À propos de Jenny Colon. Dumas et les amours de Nerval
Les amours du poète et de l'actrice constituent un des clichés du romantisme. Alexandre Dumas a évoqué ce thème dans ses Nouveaux mémoires (1866), à propos de Gérard de Nerval. Celui-ci avait fait état, dans Sylvie (1853), de la passion qu'il aurait nourrie pour une actrice qu'il nomme Aurélie et dont le modèle est sans doute Jenny Colon. De nombreux proches de Nerval ont contribué, avant et après Sylvie, à représenter Gérard en soupirant de Jenny Colon. Dans cette perspective, il est intéressant de relire les pages des Nouveaux mémoires, qui donnent à Dumas, dans cette affaire, un rôle essentiel de confident, d'intermédiaire, voire d'amant en titre.

Bibliographie
A. Dumas, Sur Gérard de Nerval. Nouveaux mémoires, Éd. C. Schopp, Bruxelles, Complexe / coll. "Le Regard littéraire", 1990.
G. de Nerval, Œuvres complètes, éd. dirigée par J. Guillaume et C. Pichois, Paris, Gallimard / "Bibliothèque de la Pléiade", 3 tomes, 1984-1993.
C. Pichois et M. Brix, Gérard de Nerval, Paris, Fayard, 1995.
C. Schopp, Alexandre Dumas, le génie de la vie, 2e éd., Paris, Fayard, 1997.

Anne-Marie CALLET-BIANCO : Le mariage et l'amour dans les comédies de Dumas
S'il a peint l'amour sous un angle tragique dans ses romans et ses drames, Dumas l'a aussi abordé sur le mode léger dans ses comédies, en l'associant, comme Molière, au mariage, conclu in fine. D'autres héritages se laissent percevoir, comme celui de Marivaux, qui décortique les sentiments et le langage des amants. À l'instar de ses contemporains (Scribe, Labiche), mais avec des choix dramatiques différents, Dumas se pose en observateur lucide et souriant des mœurs de son époque. On s'intéressera à l'usage qu'il fait de la distance chronologique dans les "grandes" comédies pour évoquer des questions de son époque, comme les rapports entre les sexes et le mariage arrangé. Les petites comédies, qui s'apparentent aux Proverbes de Musset, reprennent ces motifs sur le mode burlesque, en exploitant un comique de situation et d'accumulation. Envers des grands drames romantiques, elles transposent leurs intrigues dans le climat heureux et sans conséquence du divertissement qui triomphe en conduisant inéluctablement les protagonistes vers le terminus du mariage.

Maître de conférences à l'université d'Angers, Anne-Marie Callet-Bianco a publié plusieurs romans de jeunesse de Dumas. Elle co-dirige avec Sylvain Ledda l'édition de son Théâtre complet aux éditions Garnier.
Publication
Callet-Bianco A.-M., Ledda. S. (dir.), Le Théâtre de Dumas père, entre héritage et renouvellement, PUR, 2018.

Samantha CARETTI : De l'enthousiasme chez les romantiques et Dumas
Si l'histoire littéraire du XIXe siècle a retenu la notion de mélancolie pour caractériser la production et la sensibilité romantiques, l'enthousiasme, notion héritière d'une longue tradition philosophique et littéraire, semble avoir défini de façon privilégiée le premier romantisme dans ses champs d'étude les plus divers. Mouvement de l'Histoire, il donne une nouvelle vigueur à l'engagement politique; inspiration divine, il fait advenir le sacre de l'écrivain et redéfinit l'acte de création artistique; et manifestation du Dieu en nous, il ramène la spiritualité au cœur du monde, de l'homme, mais aussi du langage. Nous examinerons donc comment l'enthousiasme incarne l'énergie autour de laquelle se rallient les premiers écrivains romantiques, mais aussi comment Alexandre Dumas se réapproprie cette notion en pleine gloire pour en faire une composante et une dynamique romanesques et dramatiques, autant qu'une poétique sensible dans la création et la réception de ses œuvres.

Doctorante contractuelle en littérature française du XIXe siècle sous la direction de Brigitte Diaz (LASLAR) à l'université de Caen Normandie, Samantha Caretti travaille sur les stratégies publicitaires de promotion de la littérature romantique en France. Elle a rédigé un mémoire de master de recherche portant sur la notion d'enthousiasme comme énergie du premier romantisme. Présidente de la Société des Amis de Custine, elle s'intéresse également à l'œuvre et à la correspondance d'Astolphe de Custine.

Sandrine CARVALHOSA : La fabrique médiatique du désir d'auteur : le cas d'Alexandre Dumas
Cette communication propose de montrer comment les textes journalistiques écrits par Alexandre Dumas et les textes rédigés par d'autres auteurs à son sujet ont construit une image de Dumas, un "corps textuel", que les lecteurs ont pu chercher à rencontrer, par écrit ou en chair et en os. Écrivain célèbre, Alexandre Dumas a joué un rôle actif dans sa propre médiatisation et dans la gestion de la relation avec ses lecteurs-admirateurs, créant et entretenant la fascination pour sa personne, le "désir d'auteur". Le cas d'Alexandre Dumas est à la fois singulier et emblématique : la séduction dumasienne offre en effet un témoignage éclairant sur le statut de l'homme de lettres au début de l'"ère médiatique" (selon le titre de l'ouvrage d'A. Vaillant et de M.-E. Thérenty).

Sandrine Carvalhosa est enseignante, docteure en littérature française, membre associée du RIRRA21. Ses recherches portent sur la presse au XIXe siècle, et sur l'écriture journalistique d'écrivains.
Elle a publié plusieurs articles portant sur le journalisme d'Alexandre Dumas et a contribué à l'édition des articles de critique dramatique d'Alexandre Dumas de 1836 à 1838 (Cahiers Alexandre Dumas, n°42, 2015).

Philippe CHANIAL : Eros, Agapè et politique : l'amour comme utopie chez Alexandre Dumas
Sous bien des aspects, l'amour fut la grande affaire des utopies et de la pensée socialiste du XIXe siècle. De la célébration, par Fourier, de la force subversive de l'Eros et du libre jeu des passions — ou, à l’inverse, de l'éloge proudhonien de la "suprême volupté" de l'Agapè propre à cette école de dévouement que constitue l'amour conjugal — à la sacralisation, chez les saint-simoniens (et jusqu'à Auguste Comte), du Couple comme unité politique primordiale et de la communion amoureuse comme principe de toute "œuvre sociale", le lien amoureux apparaît comme la matrice et l'horizon d'une société émancipée. Plus encore, en exaltant l'amour comme "le principal émancipateur du genre humain" (Leroux), ces utopies politiques et sociales ne sont-elles pas, fondamentalement, des utopies amoureuses ? Cette communication se propose d'explorer cette hypothèse en quelque sorte à rebours : non en étudiant ces fictions politiques pour y dévoiler la puissance d'Eros et d'Agapè, mais en interrogeant la force de la fiction romanesque à entrelacer ces deux utopies. L'analyse portera sur deux contemporains de ces prophètes d'un nouvel ordre amoureux : Alexandre Dumas père et, en contrepoint, George Sand; et quelques-unes de leurs œuvres : Joseph Balsamo (1846), Le comte de Monte Cristo (1844-46) et, surtout, Création et rédemption (1872) pour le premier, Le meunier d'Angibault (1845), Le péché de Monsieur Antoine (1845), La ville noire (1860), Nanon (1872) pour la seconde. Il s'agira notamment, à leur lecture, de déterminer dans quelle mesure, si littéraire et politique en reconfigurant le sensible produisent tous deux des fictions, les corps et les cœurs aimants de la poétique littéraire peuvent prétendre "faire politique" et laquelle : infra-, méta- ou contre-politique ?

Marc DAMBRE : Roger Nimier chez Dumas : amours de lecture, erreurs de l'amour
La trilogie des mousquetaires entre dès l'enfance dans l'univers de Roger Nimier (1925-1962) et y demeure jusqu'à ses derniers jours, quand il signe D'Artagnan amoureux ou Cinq ans avant. C'est alors par Dumas que le romancier retrouve, après neuf ans de silence, le plaisir de créer. Ce livre n'est pas, en effet, un simple pastiche. Le mot avait été employé dans les journaux, souvent à charge, alors que cette histoire d'amour entre le mousquetaire et la future Mme de Sévigné n'est pas seulement pour l'auteur une occasion de poursuivre la critique littéraire par d'autres moyens. Quand il préface Les Trois Mousquetaires en 1961, il y voyait une histoire de "mélancolie glacée" : intuition de la dimension inventive de son dernier livre. Autrement dit, dans D'Artagnan amoureux, fidélité à un certain Dumas et singularité de Nimier vont de pair.

Marc Dambre est professeur émérite de littérature française à la Sorbonne Nouvelle - Paris 3, UMR 7172 Thalim.
Il a publié Roger Nimier hussard du demi-siècle en 1989 et rassemblé textes et inédits, de L'Élève d'Aristote (1981) et Journées de lecture II (1995) à la Correspondance avec Paul Morand (2015). Initiateur de nombreux colloques, il en a édité les actes, tels Roger Nimier quarante après "Le Hussard bleu" (1995) et Les Hussards (2000).

Héléna DEMIRDJIAN : Naples et Dumas : un cheminement amoureux
Écrit quelques années après son passage clandestin dans le Royaume des Deux Siciles, Le Corricolo, extraordinaire mélange de littérature et de vécu, permet de saisir Naples dans son bouillonnement et son Histoire. La ville semble tendre un miroir à la personnalité aventureuse et jouisseuse de l'écrivain, et c'est sans doute ce qui fait du Corricolo le plus beau des récits de voyage consacrés à Naples. Jean-Noël Schifano affirme : "À Naples, Dumas a vu Naples; Stendhal, de "bal charmant" en "bal charmant", n'y a presque vu que du Stendhal". Il semble que si Dumas a su si bien saisir l'essence de cette ville, c'est parce qu'elle lui ressemble. Bouillonnante, vivante, en perpétuel mouvement, peuplée de Napolitains rusés et habités par la quête du plaisir, la ville ressemble à l'ogre Dumas, jouisseur effréné et aventurier plein d'humour. L'écriture de Dumas, en perpétuel mouvement, variant d'un genre littéraire à l'autre, réalise le miracle littéraire de donner au lecteur l'impression qu'il monte à bord du corricolo, cet étrange véhicule tiré par des chevaux morts, fait pour accueillir un seul voyageur et s'offrant finalement à tous ceux qui le souhaitent, et qu'il visite Naples, secoué par les cahots de la route, emmené par le galop impétueux de chevaux en fin de compte bien vivants, saisi enfin par l’intense désir de l'auteur.

Héléna Demirdjian, professeur certifiée de Lettres Modernes, prépare sous la direction de Corinne Saminadayar-Perrin une thèse intitulée : "Sociétés secrètes et collectivité nationale dans le roman historique au XIXe siècle, Dumas, Raffi, Scott".
Elle a codirigé avec Annick Asso et Patrick Louvier l'ouvrage Exprimer le génocide des Arméniens, Connaissances, arts, engagements, paru aux PUR en 2016. Elle est également l'auteur d’articles critiques, de traductions et d'un roman.

Daniel DESORMEAUX : L'amour nègre chez Alexandre Dumas
Nous croyons déceler une forme d'amour nègre dans l'œuvre romanesque de Dumas, c'est-à-dire un amour qui relèverait des fantasmes aristocratiques de la "race" et d'une confrontation refoulée entre des âmes inférieures et supérieures. Cet amour nègre prendrait racine dans une obscure volonté de jouissance d'un orgueil exalté qui déborderait dans l'apologie de la domination, dans l'idée de transgression des désirs interdits et surtout dans l'instinct de vengeance inavouable. Disons que cet amour nègre, profondément antisocial et antidonjuanesque, est incapable de freiner sa lente descente dans un gouffre quasi baudelairien. Pour avancer dans mon hypothèse, je parlerai d'opposition entre roman et poésie d'amour, de monstruosité amoureuse, de bête, d'esclave, un peu, peut-être, de miscégénation ou de métissage dans la science coloniale. Si l'on respecte la nomenclature raciale dans les colonies avant 1848, Alexandre Dumas père n'est pas un "mulâtre" et encore moins un "nègre". Mais alors, qu'est-ce qu'un nègre au milieu du XIXe siècle dans les milieux scientifiques ? Personne ne sait vraiment, c'est en vain que la Société d'anthropologie de Paris, fondée en 1859 par Paul Broca, cherchera à éclaircir ce mystère en étiquetant un spécimen vivant, Alexandre Dumas, même si l'intéressé a beau se défendre. Qu'est-ce qu'un nègre dans les milieux littéraires parisiens où Dumas était admis ? Une kyrielle de fictions éloignées de la réalité. Gustave Flaubert rentre ceci dans son Dictionnaire des idées reçues : "NÈGRES : S'étonner que leur salive soit blanche, et de ce qu'ils parlent français". Oublions Mirecourt. Après tout, Charles Baudelaire (l'idolâtre des femmes créoles, poète énervé d'amour, exote très ouvert à une négritude amoureuse avant la lettre, lecteur bienveillant des romans et du salon de 1859 de Dumas) voyait sans méchanceté toujours en lui un nègre extravagant et naïf. D'ailleurs, qui des deux, Baudelaire ou Dumas, est le plus nègre et le plus amoureux ? En fin de compte nous nous appuierons notamment sur toute la série "Mémoires d'un médecin", et mise en parallèle avec Georges (1843), sans oublier l'Ingénu (1854), pour montrer comment les nègres amoureux chez Dumas peuvent être classés selon deux grands critères : bêtes amoureuses et bêtes noires. L'a-t-on déjà remarqué ? Dès qu'on parle des bêtes noires, l'idée d’accouplement hors-nature n'est pas loin…

Daniel Desormeaux est professeur des littératures française, antillaise et comparée à l'université de Chicago.
Publication
Alexandre Dumas, fabrique d'immortalité, Paris, Classiques Garnier, 2014.

Maria Lucia DIAS MENDÈS : "L'amitié d'un grand homme est un bienfait des dieux !" : Dumas et l'amour fraternel
Homme amoureux de la vie, Dumas a particulièrement cultivé l'amour fraternel. La fraternité a toujours été présente dans sa vie autant que comme thème de ses œuvres (on songe à la plus célèbre d'entre elles, liant Athos, Porthos, Aramis et D'Artagnan), dans sa vision du mouvement romantique et dans ses relations personnelles. Dans cette communication, il sera question de la manière dont Dumas a compris et démontré l’amitié envers ses compagnons du romantisme et, surtout, envers Victor Hugo, avec qui sa relation a duré trente-cinq années, entre allées et venues, séparations et rapprochements.

Lise DUMASY : L'Amour, la Mort et le Destin au prisme du roman historique dumasien
Je choisis de prendre pour hypothèse que la trame historique du roman dumasien n'est pas étrangère au déroulement et à la conclusion — heureuse ou tragique — des amours de ses protagonistes, et vice versa. En tant qu'elles sont des entités fondamentalement prises dans les déterminations historiques, comme le sont tous les personnages de Dumas, les héros et les héroïnes ont, par les modalités de leurs relations amoureuses, quelque chose à nous dire de l'entrelacs que l'auteur tisse entre destinée individuelle et destin collectif, du combat que se livrent dans le cadre de l'Histoire, énergie vitale et pulsion de mort. Pour mettre à l'épreuve cette hypothèse, je choisis d'analyser le corpus des grands cycles romanesques qui explorent la période révolutionnaire et l'âge contemporain (de Dumas) : les deux grands cycles des Mémoires d'un médecin et de Création et Rédemption, portant tous deux sur la période révolutionnaire, qui encadrent, aussi bien dans le temps du récit que dans celui de leur rédaction, le massif contemporain des Mohicans de Paris. Je porterai une attention particulière aux relations de désir et de pouvoir qui lient — et délient — les couples amoureux des principaux protagonistes du roman, en lien avec leur position socio‐historique figurée et leur rôle dans le diégèse. J'essaierai d'en tirer quelques conclusions quant à la conception dumasienne de l'individu dans l'Histoire.

Auteure d'une thèse sur le roman‐feuilleton de l'époque romantique (1983) et d'une habilitation à diriger les recherches sur Modernité, roman, anthropologie culturelle (1992), Lise Dumasy‐Queffélec, professeure de littérature française à l'université Grenoble Alpes est une spécialiste du roman du XIXe siècle, particulièrement du roman‐feuilleton, sur lequel elle a publié plusieurs livres et de nombreux articles.
Publication
"Les Mohicans de Paris ou comment être romantique sous le Second Empire", in Entre presse et littérature : Le Mousquetaire, journal, sous la direction d'Alexandre Dumas, Pascal Durand et Sarah Mombert (dir.), Université de Liège, 2008.

Dominique de FONT-RÉAULX : Décors pour un bal masqué, désirs de la représentation
À peine deux ans après la mort du peintre en 1863, Alexandre Dumas dédie une courte biographie à Eugène Delacroix. L'artiste et l'écrivain ont été proches jusqu'à la fin des années 1830, avant que leurs relations ne se distendent. Dumas consacre plusieurs pages à un événement de 1833, évoquant l'organisation d'un bal masqué. Ayant eu la possibilité d'occuper provisoirement un appartement voisin du sien, il avait demandé à plusieurs de ses amis peintres — Eugène Delacroix, Louis Boulanger, Clément Boulanger, Tony et Alfred Johannot, Alexandre Decamps, Antoine Barye, Louis Godefroy Jadin, Célestin Nanteuil — de peindre les murs et le plafond pour offrir un décor digne de la soirée attendue. Les jeunes gens se mirent rapidement à la tâche. Delacroix fut le dernier à s'y consacrer mais y livra un chef-d'œuvre, la représentation du roi Rodrigue, un des derniers rois wisigoth d'Espagne (l'œuvre est aujourd'hui conservée à la Kunsthalle de Brême). La narration de ce moment, dont Dumas avait gardé le souvenir plus de trente ans après, constitue un des passages les plus vifs, les plus enlevés de la biographie. Y transparaissent à la fois le plaisir de la réunion des jeunes artistes s'affairant à sa demande, concevant un décor éphémère à son bal travesti, et la tension manifeste que Dumas avait fait naître, en créant une rivalité implicite entre les peintres. Dumas se montrait ici non seulement amateur de peinture mais animé d'un désir de la représentation, où se mêlaient affects et esthétique. En prenant ce court texte comme point de départ, mon intervention tentera d'analyser la manière dont la création picturale et la fréquentation de ses auteurs ont pu être pour Dumas une manière d'exalter son désir pour la représentation peinte.

Dominique de Font-Réaulx, conservateur général, est directrice de la Médiation et de la Programmation culturelle, musée du Louvre. Pendant près de six ans, la directrice du musée Eugène-Delacroix, elle a travaillé sur les écrits du peintre et édité, en 2018 chez Flammarion, ses manuscrits de jeunesse.
Son livre, Delacroix, la liberté d’être soi, a été publié en 2018 chez Cohen&Cohen.

Edith PERRY : La Reine Margot : l'amour à outrance. D'Alexandre Dumas à Patrice Chéreau
Dans le roman de Dumas, la passion amoureuse occupe une place non négligeable. Le lecteur ne cesse de craindre pour la Mole, pour Henri de Navarre, pour Margot car l'amour, dans la mesure où il est transgressif, les met en danger. Néanmoins, pour déjouer les pièges et les suspicions, les personnages mettent en jeu de nombreux talents.
En écho avec le massacre de la Saint Barthélémy et les scènes de chasse, l'Éros appelle l'outrance tant du point de vue esthétique que du point de vue éthique. La Mole devient le héros de l'hybris dans cette entreprise marquée par le dépassement de soi et la témérité. Sa mort est marquée par l'excès des souffrances infligées.
Notre projet consiste à mettre en relation le roman de Dumas et le film de P. Chéreau et à nous demander ce que le film fait au roman et plus particulièrement comment il traite la question de l'Éros.

Publications
"Justice : un roman placé sous le signe d'Hermès", in Hector Malot, la morale et le droit, études réunies par Francis Marcoin, Magellan & Cie, 2014.
"La faim du monde", in Le Pardaillan, revue de littératures populaires et cultures médiatiques, n°5, septembre 2018.

Maxime PRÉVOST : Le Désir séculaire : les XVIe et XVIIe siècles contrastés de Dumas
Alexandre Dumas est le grand romancier de l'échec. Échec héroïque, d'abord (les Mousquetaires ne parviennent pas plus à sauver Charles Ier que les Compagnons de Jéhu à opposer une rébellion ultimement efficace à la République), mais échec amoureux aussi : n'en déplaise à Roger Nimier, Athos est le seul mousquetaire amoureux et son amour se révèle maudit; comme par atavisme, le vicomte de Bragelonne courra à la perte par dépit amoureux. C'est que le Grand Siècle d'Alexandre Dumas n'est pas le XVIIe (qui serait plutôt celui de la déchéance, notamment amoureuse) mais bien le XVIe (l'admiration que porte Athos pour son ancêtre Enguerrand de La Fère est emblématique : "Nous sommes des nains, nous autres, à côté de ces hommes-là"), sur tous les plans dont celui de l'Éros. En effet, le passé qui inspire tout particulièrement Athos est le XVIe siècle, époque où, selon lui, l'idéal chevaleresque avait encore cours auprès de l'aristocratie, et où, suggère Dumas, il se trouvait encore des artistes pour magnifier et transfigurer ces exploits : Benvenuto Cellini, l'Arioste, le Tasse. Cette communication montrera que la magnification du XVIe siècle dans l'œuvre d'Alexandre Dumas n'est jamais aussi explicite qu'en ce qui a trait à l'Éros. Il y a bien désir séculaire chez Dumas, c'est-à-dire que le romancier crée une représentation contrastée de l'amour siècle par siècle. Si l'amour mène inexorablement à l'échec tant le comte de la Mole et Bussy d'Amboise qu'Athos et le vicomte de Bragelonne, le jeu semble du moins pour ces premiers en valoir la chandelle, alors que l'amour d'Athos pour Milady est tragique, et celui de Raoul pour Louise de la Vallière malavisé et dérisoire. Comment expliquer cette double représentation des forces du désir dans le cycle des Valois et celui des Mousquetaires ? Comment et pourquoi Dumas fait-il du XVIe siècle celui de l'Éros ? C'est à ces questions que nous tenterons d'apporter réponse.

Maxime Prévost est directeur du département de français de l’université d'Ottawa, il s'intéresse à la littérature romantique et aux mythologies modernes.
Publications
Rictus romantiques. Politiques du rire chez Victor Hugo, Presses de l'université de Montréal, 2002.
L'aventure extérieure. Alexandre Dumas mythographe et mythologue, Paris, Honoré Champion, 2018.

Valery RION : Aimer la mort, aimer Méduse : l'éros dumasien dans les récits fantastiques
Alexandre Dumas est aussi un "fantastiqueur", on a tendance à l'oublier. Dans ses récits fantastiques, Dumas met en scène des relations amoureuses de personnages masculins avec des femmes mortes. On retrouve cette thématique dans la nouvelle "Les Gentilshommes de la Sierra Morena". Dans La Femme au collier de velours et dans Les Mille et Un Fantômes, il met en scène des personnages féminins ayant subi une décollation, parvenant néanmoins à survivre. L'apparition de ces beautés d'échafaud participe de l'émergence de la beauté méduséenne qui s'incarne dans le cadre de la fiction lorsqu'un personnage féminin suscite chez un personnage masculin une forme de désir amoureux ou de fascination esthétique favorisés par une certaine proximité avec la mort.

Valery Rion est doctorant en littérature française du XIXe siècle à l'université de Neuchâtel en Suisse et enseigne le français et l'histoire au lycée cantonal de Porrentruy. Ses recherches portent essentiellement sur le pouvoir herméneutique du mythe de Méduse pour expliquer le bouleversement esthétique qui intervient pendant la période romantique avec l'émergence d'une beauté effrayante, liée à la mort. Auteur de différents articles sur Jules Verne, Georges Rodenbach, Théophile Gautier, il a remporté le prix de la publication 2017 de la society of dix-neuviémistes (SDN). Il est aussi l'auteur de la préface liminaire et de la postface des deux premiers volumes de la collection "Méduséenne" aux Éditions Otrante, notamment Colliers de velours. Parcours d'un récit vampirisé, anthologie qui regroupe toutes les versions de ce récit dont celle de Dumas.
valeryrion.ch

Isabelle SAFA
Agrégée de lettres modernes et docteur en littérature française, Isabelle Safa est membre associé du centre Jacques Seebacher (Paris-Diderot). Ses recherches portent sur le roman et le théâtre historique. Elle participe à l'édition du Théâtre complet d'Alexandre Dumas. Elle est secrétaire générale des Amis d'A. Dumas et trésorière du Comité de Liaison des Associations Dix-neuviémistes (CL19).

Àngels SANTA : Le sentiment amoureux dans Mémoires d'un médecin : l'exemple de La Comtesse de Charny
Ce roman de Dumas sur la Révolution Française est en même temps une excuse pour réfléchir sur le sentiment amoureux. Comme beaucoup de ses contemporains, Dumas va nous donner de Marie-Antoinette un portrait plus ou moins ressemblant. Les voiles de la fiction l'autorisent à faire davantage d'écarts que ne pouvait s'en permettre Lamartine dans son Histoire des Girondins. Dans La Comtesse de Charny, Marie-Antoinette est confrontée au sentiment amoureux; d'un côté, l'amant de cœur représenté par le duc de Charny — qui reproduit d'une certaine manière le comte de Fersen — et, de l'autre côté, le sentiment de l'amitié — représenté par Andrée de Taverney — qui rappelle la princesse de Lamballe. Par cette intrigue, le cœur de la reine face au sentiment est analysé en détail et met en valeur sa personnalité profonde. En même temps Dumas va bâtir un roman fleur bleue entre Charny et Andrée en nous offrant un magnifique exemple de l'amour-passion.

Àngels Santa est professeure émérite de littérature française à l'université de Lleida en Catalogne (Espagne). Elle appartient à un groupe de recherche sur la Littérature populaire française et la culture médiatique. Sa recherche porte aussi sur l'écriture féminine et autobiographique t sur la littérature comparée (française-espagnole-catalane). Elle a organisé en 2002 à l'université de Lleida le colloque international : "Alexandre Dumas et Victor Hugo. Voyage des textes et textes du voyage".
Publications
"Les Trois mousquetaires, texte inspirateur de El Club Dumas de Arturo Pérez Reverte", in Cent cinquante ans après, Les Trois Mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo, Fernande Bassan & Claude Schopp (éds.), Champflour, Marly-le Roi, 1995.
"Le Robespierre d'Alexandre Dumas", in Images de Robespierre, Jean Ehrard (éd.), Vivarium et Instituto Italiano per gli studi filosofici, Napoli, 1996.
"Quelques considérations sur la réception d'Alexandre Dumas père en Espagne", in Œuvres et Critiques, 1996, Tübingen.
"Éléments autobiographique dans Une Aventure d'Amour", in Alexandre Dumas père, une façon d'être soi, Universitat de Valencia, Valencia, 1997, Dolores Jiménez & Elena Real (éds.).
"Le regard d'autrui : Alexandre Dumas et Mariano José de Larra", in Dramaturgies romantiques, Georges Zaragoza (éd.), Éditions Universitaires de Dijon, 1999.
"Le rôle de l'auberge dans la littérature populaire : Les Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas et Les Pardaillan de Michel Zévaco", in Lieux d'hospitalité, hospices, hôpital, hostellerie, Alain Montandon (éd.), Presses universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 2001.
"Mémoires d'un médecin, de l'histoire à la fiction", in Dumas, une lecture de l'histoire, Michel Arrous (éd.), Maisonneuve&Larose, Paris, 2003.
"Jules Vallès et les écrivains populaires : Eugène Sue, Alexandre Dumas et Paul Féval", in Autour de Jules Vallès, Revue de lectures et d'études valésiennes, nº33, Saint-Etienne, 2003-2004.
Alexandre Dumas y Victor Hugo. Viaje de los textos y textos del viaje, Francisco Lafarga y Angels Santa (eds.), Pagès editors, Lleida, 2006.
"Dumas gothique, poétique de la demeure", in Les vies parallèles d'Alexandre Dumas, textes réunis par Charles Grivel, Revue des Sciences Humaines, nº290, Septentrion, Lille, 2008.

Claude SCHOPP : Les deux amours d'Alexandre Dumas
Dans une lettre à Louis Perrée, imprimée dans Le Siècle (22 décembre 1849), Dumas affirme : "J'ai deux religions : Dieu et l'art. J'ai eu deux amours : ma mère, mon pays". Laissant de côté Dieu et art, principes immortels que Dumas reconnaît être ses religions, nous nous attacherons à analyser les manifestations, dans son œuvre, de ce qu'il déclare être ses amours. Mère et patrie semblent bien être des figures tutélaires, figures sentimentales qui, contrairement à l'art et à Dieu, sont soumises à la fragilité. On pourra souligner l'opposition entre religions et amours en extrayant les textes déchirants relatifs à la mort de la mère ou ceux révélant les dangers mortels qui menacent la patrie.

Claude Schopp est éditeur de nombreuses œuvres de Dumas et auteur de plusieurs travaux biographiques touchant Dumas et son entourage.

Marianne SCHOPP : L'amour paternel chez Dumas
Si les relations de Dumas avec son fils sont maintenant bien connues, montrant un amour inconditionnel et passionné de la part du père, même s'il y eut quelques brouilles, jamais sérieuses ni de longue durée, les relations avec sa fille Marie, moins connues, sont ambiguës, faites de ruptures et de réconciliations, compliquées parce que c'était une femme. Nous étudierons à travers la correspondance que Dumas échange avec l'une et l'autre les sentiments qu'il y exprime, faits d'élan débridés mais aussi d'insatisfaction.

Marianne Schopp est l'auteur d'une biographie : Dumas fils ou l'anti-Œdipe (en collaboration avec Claude Schopp).

Nathalie SOLOMON : Impressions de voyage et sentiment amoureux : "J'en ferai un volume"
Les voyages de Dumas, alternant anecdotes historiques et péripéties, accordent une grande importance à la personne du voyageur: ses mésaventures sérieuses ou cocasses, les périls réels dont il réchappe sont omniprésents dans ces pages retentissantes et débridées. Semblent manquer cependant l'expression du désir, l'esquisse d'aventures amoureuses d'un Gautier en Espagne ou à Constantinople. Où sont les femmes dans les voyages de Dumas ? Enveloppées dans la bonne humeur généralisée, sont-elles oubliées ? Le sentiment amoureux absent de ces pages ? C'est négliger la silhouette de Pauline en Suisse, ou l'évocation discrète des amours de cette Tchervelonaise qui donna bien des sujets de chagrin à son mari dans le Caucase. La discrétion même de l'évocation mérite qu'on se penche sur la question, justement parce qu'elle semble peu caractéristique de la manière dumasienne. Quand le voyage devient (presque) roman, alors Dumas se rêve (peut-être) amoureux…

Nathalie Solomon est professeur de littérature française du XIXe siècle à l'université de Perpignan. Son intérêt la porte vers le récit de l'époque romantique, tout particulièrement Balzac et le récit de voyage. Elle travaille sur les questions de dysfonctionnement narratif, sur la question du possible, sur les rapports entre potin et littérature.

Giulio TATASCIORE : Le brigand amoureux : une figure de l'imaginaire dumasien
Dans l'épisode romain du Comte de Monte-Cristo, le brigand Carlini tue sa bien-aimée pour qu'elle ne serve pas d'amusement collectif à ses camarades de la bande. Quant au berger Luigi Vampa, il devient brigand pour impressionner et défendre la belle Teresa. La dimension érotique joue un rôle important dans la construction d'un personnage "type" romantique, le "brigand italien", auquel Dumas confie une très grande partie de l'action et de la morale du roman. Le brigand amoureux est aussi une figure récurrente de l'imaginaire dumasien, si l'on pense notamment à Pauline ou bien à Pascal Bruno. Mise en scène de l'amour fou, l'érotisme déviant est aussi une clé d'accès aux systèmes culturels de représentation du crime dont Dumas devient en même temps récepteur, artisan et divulgateur. Notre communication vise donc à présenter une réflexion sur la genèse et les significations mythopoïétiques, ethnographiques et politiques du brigand dumasien.

Giulio Tatasciore, chercheur en Histoire moderne à l'École Normale Supérieure de Pise (Italie), a obtenu en 2017 son doctorat en Histoire de l'Europe à l'université de Teramo (Italie), en cotutelle l'université Paris Diderot-Paris 7.
Publications
2017, "La fabbrica del criminale. Alexandre Dumas e le rappresentazioni del brigantaggio meridionale tra letteratura e politica", Società e storia, 156.
2015, "Rappresentare il crimine. Strategie politiche e immaginario letterario nella repressione del brigantaggio (1860-1870)", Meridiana. Rivista di storia e scienze sociali, 84.
2014, "Per una storia culturale del crimine. Alcuni recenti studi francesi", Storica, 60.
2013, "Il banditismo d'onore corso nell'immaginario di viaggio francese (1815-1915)", Diacronie. Studi di storia contemporanea, 15/3.

Steffie VAN NESTE : "Voir sans être vu". Amour et curiosité dans l'œuvre romanesque d'Alexandre Dumas
Dans l'univers romanesque de Dumas, la figure du curieux se décline selon plusieurs modalités : elle prend la forme du savant, du collectionneur ou bien du voyeur. Le voyeur, qui se trouve souvent à la Cour (Chicot, d'Artagnan), est très présent dans les scènes amoureuses peintes par Dumas. Se cachant derrière une haie, l'amoureux dumasien observe l'objet de son désir sans être vu lui-même. Ce voyeurisme est fondé soit sur la jalousie (le Comte de Monsoreau qui se cache pour espionner Diane de Méridor et son amant Bussy, chapitre intitulé "les Guetteurs") soit sur le désir érotique (le Comte de Charny qui s'installe dans une petite maison à Versailles pour contempler de loin la Reine). Dumas souligne en même temps les dangers de cette indiscrète curiosité : dans Le Vicomte de Bragelonne (voir chap. CXV, CXXX et CXXXI), Louis XIV est ainsi "puni de sa curiosité peu digne de son rang" (chap. CXVIII) après avoir espionné la Vallière, qui "se croyant seule avec deux amies, leur a fait confidence de sa passion pour le roi" (chap. CXVII). Ces occurrences de voyeurisme dans l'œuvre dumasienne sont d'autant plus significatives si l'on songe au fait que l'acte de regarder par le trou d'une serrure a fondé au XIXe siècle "toute une jurisprudence de la "curiosité malsaine"" (Cochoy 2011, p. 244 ; voir Iacub 2008). Cette communication vise à étudier le rapport étroit entre amour, curiosité et (in)discrétion dans l'œuvre romanesque de Dumas, tout en soulignant les tensions entre espace privé et espace public.

Steffie Van Neste, ATER et doctorante à l'université de Gand, prépare un doctorat sur la curiosité dans l'œuvre d'Alexandre Dumas père.​
Publications
Steffie Van Neste, "The Intersection of the Secular and the Sacred in Un Cas de conscience by Alexandre Dumas Père", in M HRA WORKING PAPERS IN THE HUMANITIES 13, éd. Daisy Gudmunsen & Claudia Dellacasa, 2018.
Steffie Van Neste, ""Qu'est-ce que c'est que l'amour ?". Curiosité, amour et monstruosité chez Stendhal", in Néophilologus, 101.4, 2017, p. 513–522.


DE L'AMOUR CHEZ DUMAS

Textes d’Alexandre Dumas

Compagnie PMVV le grain de sable > Lecture > Création

Alexandre Dumas père vivait ses aventures amoureuses au grand jour, sans s'encombrer des commérages ou d'une culpabilité de mauvais aloi. De ses premières amours avec une certaine Aglaé aux plaisirs parfois tarifés de sa fin de vie, l'annuaire de ses conquêtes impressionne le plus blasé. Dans son œuvre, il a créé des héroïnes libres et magnifiques, les blondes amoureuses et voluptueuses, les brunes plus dangereuses, les femmes fragiles et les maîtresses-femmes. C'est ainsi que les motifs sentimentaux et l'érotisme façonnent l'imaginaire dumasien.

Choix des textes et lecture : Philippe Müller, Vincent Vernillat. Avec l'aide de Julie Anselmini.

Sites : rencontresdete.fr // legraindesable.net


BIBLIOGRAPHIE :

• ANSELMINI Julie, Le Roman d'Alexandre Dumas père ou la Réinvention du merveilleux, Genève, Droz, 2010.
• ANSELMINI Julie (dir.), Dumas critique, Limoges, PULIM, 2013.
• DECAUX Alain, Dictionnaire amoureux d'Alexandre Dumas, Plon, 2010.
• DESORMEAUX Daniel, Alexandre Dumas, fabrique d'immortalité, Garnier, 2014.
• NIMIER Roger, D'Artagnan amoureux, Gallimard, 1962.
• PREVOST Maxime, Alexandre Dumas mythographe et mythologue. L'aventure extérieure, Champion, 2018.
Revue des Sciences Humaines, n°2/2008 : Les Vies parallèles d'Alexandre Dumas, C. Grivel (dir.).
• SCHOPP Claude, Alexandre Dumas. Le génie de la vie, Fayard, 1997.
• SCHOPP Claude, Dictionnaire Dumas, CNRS Éditions, 2010.
• SCHOPP Claude & LEDDA Sylvain, Les Dumas. Bâtards magnifiques, Vuibert, 2018.


SOUTIENS :

Groupama Centre Manche
Société des Amis d'Alexandre Dumas
• Équipe de recherche LASLAR (EA 4256) | Université de Caen Normandie
UFR HSS - "Humanités & Sciences Sociales" | Université de Caen Normandie
• Maison de la recherche en sciences humaines (MRSH) | Université de Caen Normandie

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


JEAN BAUDRILLARD, L'INTELLIGENCE DU TEMPS QUI VIENT


DU VENDREDI 9 AOÛT (19 H) AU VENDREDI 16 AOÛT (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Françoise GAILLARD, François L'YVONNET


ARGUMENT :

Pour comprendre notre monde dont sa lucidité a anticipé l'avènement, que ce soit sur la question du terrorisme, de la disparition du réel sous l'effet d'une virtualisation galopante, du passage au-delà du vrai et du faux, il est plus que jamais nécessaire de lire ou de relire l'œuvre de Jean Baudrillard.

Notre entrée dans l'univers numérisé et de la réalité augmentée confirme en effet les intuitions quasi prophétiques développées dès 1976 dans L'échange symbolique et la mort. Et pourtant Jean Baudrillard n'est pas un auteur de science fiction. C'est un philosophe, un sociologue, un écrivain doublé d'un photographe.

Si sa pensée présente un caractère prédictif et anticipe le devenir, c'est qu'elle pousse la logique des processus jusqu'à leur point extrême.

Jean Baudrillard, n'est plus là pour analyser notre monde. Mais il l'a déjà fait. Et leur surprenante capacité d'anticipation fait de ses écrits, parfois mal compris à l'époque en raison de leur temps d'avance, des références aujourd'hui incontournables pour les jeunes et moins jeunes chercheurs, philosophes, spécialistes de l'image, théoriciens de la communication, penseurs du numérique, artistes ou encore cinéastes, en France comme à l'étranger. Tous se trouvent donc conviés à participer à cette semaine qui vise, en relisant les travaux de Jean Baudrillard, à mieux comprendre le monde qui vient.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 9 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Samedi 10 août
Matin
Discussion autour du film Traverses d'Edgar Morin et de l'enregistrement audio de Répliques : Baudrillard - Finkelkraut
Interventions et témoignages de Françoise GAILLARD, Marc GUILLAUME et François L'YVONNET : "Baudrillard pataphysicien" - "De la revue Utopie à Traverses"

Après-midi
Françoise GAILLARD : Notre monde est-il devenu baudrillardien ?
Benoît HEILBRUNN : Jean Baudrillard, la consommation ou la subversion du sens


Dimanche 11 août
Matin
Flavien ENONGOUE : Digression sur le migrant. Approche spectrale de l'altérité
Isabelle RIEUSSET-LEMARIÉ : Sémiologie des illusions transcendantales : un art furtif de la critique

Après-midi
Marc GUILLAUME : De quelques opérateurs à l'œuvre dans la pensée de Jean Baudrillard - Présentation de l'Association Cool Memories
Clara SCHMELCK : Baudrillard penseur de l'hyper-lien


Lundi 12 août
Matin
Edouard SCHAELCHLI : Baudrillard-Ellul, le dialogue impossible
Emmanuelle FANTIN : Faudrait-il prendre le hasard au sérieux ? Les ventouses du destin
Camille ZÉHENNE : La réversibilité de la traverse

Après-midi
Didier VIVIEN : Arthur Baudrillard, photographies et déserts (paysans) !
Pierre-Ulysse BARRANQUE : Baudrillard et Benjamin

Soirée
Philippe AUBERT : Rage d'exister


Mardi 13 août
Matin
Jean-Louis VIOLEAU : Baudrillard et l'architecture (le monstre)
Jean-Philippe DOMECQ : Baudrillard et l'art : le "contemporain" pouvait-il faire critère ?

Après-midi
DÉTENTE


Mercredi 14 août
Matin
Vincent CHANSON : Métro-hyperréel : Baudrillard à New York
Jean-Baptiste THORET : Baudrillard et le cinéma américain

Après-midi
Nicolas POIRIER : Baudrillard et Gombrowicz : les déserts américains et l'exil argentin comme opérateurs de distanciation critique
Didier LAMAISON : Jean Baudrillard et la mort de la mort


Jeudi 15 août
Matin
François L'YVONNET : Entrer dans la pensée de Jean Baudrillard [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]
Alan N. SHAPIRO : L'importance de Baudrillard pour "l'avenir"

Après-midi
Discussion autour du film Mots de passe de Leslie Grunberg
Discussion générale


Vendredi 16 août
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Pierre-Ulysse BARRANQUE : Baudrillard et Benjamin
Walter Benjamin aura été, pour Jean Baudrillard, l'un des auteurs fondamentaux dans le développement de sa pensée philosophique. À l'instar de Barthes, de Mauss, Benjamin fait partie des auteurs revendiqués dans le panthéon philosophique que présente Baudrillard dans D'un fragment l'autre. Avec sa formation de germaniste, Baudrillard a été un des premiers théoriciens français à intégrer les découvertes de Benjamin, et ce au moins depuis les années de la revue Utopie, en 1971. On peut ainsi dire que Baudrillard est une fois de plus précurseur dans la philosophie française, car il a très tôt compris qu'il y avait un avant et après Benjamin dans le champ de la pensée critique. La fidélité à Benjamin s'affirmera chez Baudrillard jusque dans les derniers textes, comme Carnaval et cannibale (2004). Nous reviendrons notamment sur l'influence de L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, et des thèses Sur le concept d'histoire sur Baudrillard.

Pierre-Ulysse Barranque est doctorant en Esthétique à Paris-1 Panthéon-Sorbonne, rattaché au laboratoire EsPas (ACTE). Sa thèse s'intitule : "Acte esthétique et acte politique chez Debord et Baudrillard", et est dirigée par Pascale Weber. Diplomé en philosophie et en anthropologie, il vit et enseigne la philosophie au Chili.
Publications
Alma Bolón (dir.), Ducasse Maldoror Lautréamont – Mayo del 68 – Erotismo sexualidad, Y contra el hombre que los hace esclavos, Montevideo, Librería Linardi y Risso/Universidad de la República, 2019.
Rêves, révoltes et voluptés : Jean Paul Curnier (1951-2017), Paris, Lignes, 2018.
Claire Pagès, Marion Schumm (dir.), Situations de Sartre, Paris, Éditions Hermann, 2013.
Pierre-Ulysse Barranque, Laurent Jarfer (dir.), In Situs. Théorie, spectacle et cinéma chez Guy Debord et Raoul Vaneigem, Paris, Éditions Gruppen, 2013.

Vincent CHANSON : Métro-hyperréel : Baudrillard à New York
Cette intervention se donnera pour objectif d'explorer l'appréhension baudrillardienne de cette métropole que l'on peut assurément qualifier, en s'inspirant de Walter Benjamin, de "capitale du XXe siècle" : New York, "héritière de tout à la fois, Athènes, Alexandrie, Persépolis", comme l'écrit Baudrillard dans la section qui lui est consacrée dans son fameux ouvrage Amérique. Rendre compte d'une expérience de l'urbanité donc, qui est celle de l'accélération, de l'hyperréalité, de l'hologramme ou de la conflagration sidérale : "l'espace y est la pensée même", nous dit-il. Ainsi, nous voudrions rattacher les écrits de Jean Baudrillard à propos de NYC à une certaine filiation critique qui a envisagé l'expérience de la ville comme motif central d'une théorisation des formes sociales modernes et hypermodernes : de Benjamin ou Kracauer aux expérimentations psycho-géographiques, c'est en effet cette figure du concept spatialisé ou fait architecture qui nous occupera, ceci en ce qu'elle nous dit quelque chose de fondamental à propos du capitalisme tardif et de son régime d'effectivité esthético-conceptuel. De plus, nous voudrions aussi aborder ce qui a pu relier le travail de Baudrillard à toute une scène caractéristique du Downtown Manhattan du tournant des années 70-80.

Vincent Chanson est docteur en philosophie, chercheur rattaché au laboratoire Sophiapol (université Paris Nanterre), et éditeur. Ses travaux portent sur la théorie critique (Adorno, Marx, Benjamin, Sohn-Rethel, Kracauer), l'histoire de la philosophie allemande contemporaine et l'esthétique.
Publication
La réification. Histoire et actualité d'un concept critique (co-direction), La Dispute, 2014.

Jean-Philippe DOMECQ : Baudrillard et l'art : le "contemporain" pouvait-il faire critère ?
La tribune de Jean Baudrillard, L'art contemporain est nul, fit scandale lorsqu'elle parut dans Libération le 20 mai 1996. Le scandale focalisa sur la qualification de "nullité", qui n'était pas même nuancée d'un point d'interrogation. L'énoncé, bien dans l'esprit d'autres intitulés de Jean Baudrillard, était destiné non pas tant à prendre le contrepied de l'opinion dominante, mais à provoquer celle-ci en reprenant deux approximations sémantiques qui pipaient le débat sur la production esthétique contemporaine bien avant et après l'intervention de Baudrillard. Ces deux approximations n'étant pas perçues comme telles à l'époque, l'étaient-elles par Baudrillard ? Elles étaient en tout cas perceptibles dès alors, à savoir : qu'il ne peut y avoir d'art "nul", ni "contemporain". On montrera pourquoi.

Emmanuelle FANTIN : Faudrait-il prendre le hasard au sérieux ? Les ventouses du destin
D'après Baudrillard, nous devons séduire notre propre destin. À l'inverse, le hasard est pour le penseur un alibi collectif : le hasard est un tampon molletonné avec lequel nous épongeons constamment les significations des événements qui nous entourent; il est un bain laiteux et lénifiant dans lequel nous trempons volontiers notre vie. Nous supposons que les événements peuvent advenir par pure contingence, qu'il existerait quelque part une force nébuleuse qui nous soumettrait aux scintillements de l'Aléatoire. Mais en prêtant un tant soit peu attention à ces mouvement secrets du monde, en scrutant les courbures parfois inattendues du réel, et en lisant attentivement l'œuvre de Jean Baudrillard, il est possible de prendre la réalité à son propre piège. Le hasard — tout comme le vide — ne peut pas exister, à moins de le prendre très au sérieux, de se laisser séduire par les effets avant même de chercher à comprendre les causes, et de s'abandonner enfin aux ventouses du destin.

Emmanuelle Fantin, maître de conférences au CELSA Sorbonne-Université, est chercheuse au GRIPIC. Ses recherches portent sur la culture matérielle et les processus marchands d'une part, sur les instrumentalisations de la mémoire, de l'histoire et des temporalités de l'autre. Elle travaille actuellement sur la place des animaux dans la fabrique de ville ainsi que sur les formes médiatiques du XIXe siècle. Elle est membre du comité de rédaction des revues Le Temps des Médias et de Time & Society. L'œuvre de Baudrillard traverse l'ensemble de ses recherches, et elle prépare un ouvrage sur cet auteur avec Camille Zéhenne.

Didier LAMAISON : Jean Baudrillard et la mort de la mort
La mort fut séculairement le lieu privilégié des échanges symboliques. Quelle place lui revient-elle dans un monde qui a rendu obsolète le passage par les valeurs symboliques ? Simulacres et virtualité permettent-ils de remplir cette fonction jadis vitale ? Jusqu'où ira la volonté contemporaine de mettre à mort la mort ? Jusqu'où sont allées les méditations métaphysiques de Baudrillard ? Comparaison avec Heidegger, autre penseur de la mort pour une condition humaine sans Dieu.

Didier Lamaison est agrégé de lettres classiques. Polygraphe résolu : roman, essai, poésie, théâtre. Traducteur de grec, latin et portugais (Brésil). Élève et ami de deux "J.-B." : Jean Beaufret et Jean Baudrillard. Rugbyman (PUC). Membre fondateur des "4 L".

François L'YVONNET : Entrer dans la pensée de Jean Baudrillard
Entrer dans la pensée de Jean Baudrillard n'est pas chose aisée. Non que sa langue soit particulièrement difficile, elle évite au contraire la prose jargonnante qui faisait naguère florès. Si son discours peut paraître parfois elliptique, c'est qu'il obéit à une logique singulière qui sous-tend l'ensemble de sa pensée. Même il s'est bien gardé de l'exposer explicitement. Quant à son œuvre, elle peut sembler déroutante : elle commence par des textes de facture classique (qui aujourd'hui encore sont des références sociologiques ou anthropologiques), avant d'adopter la forme brève, celle du fragment ou de l'aphorisme.
On n'entre pas dans la pensée de Jean Baudrillard comme dans un moulin.
Il faut accepter de se laisser désorienter, de perdre ses repères théoriques. Il faut prendre la mesure de l'audace de sa pensée. L'audace, c'est le courage de la pensée.
En somme, il faut "oser", comme nous le recommandait déjà Platon, dans le Sophiste.

François L'Yvonnet est professeur de philosophie et éditeur. Membre du conseil scientifique de la chaire "Edgar Morin de la Complexité" à l'ESSEC. Membre associé de la Chaire sur l'Altérité à la Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH).
Publications consacrées à Jean Baudrillard
D'un Fragment l'autre (entretiens avec Jean Baudrillard), Albin Michel, 2001.
Direction du Cahier de l'Herne "Baudrillard", L'Herne, 2005.
L'Effet Baudrillard, Éditions François Bourin, 2014.
Éditeur de deux textes de Jean Baudrillard aux éditions de l'Herne
Pourquoi tout n'a-t-il pas déjà disparu ?, 2007.
Carnaval et cannibale, 2008.

Isabelle RIEUSSET-LEMARIÉ : Sémiologie des illusions transcendantales : un art furtif de la critique
En filigrane de ce constat baudrillardien ("le monde n'existe que par cette illusion définitive qui est celle du jeu des apparences") on recroise "l'illusion transcendantale" dont Kant pointait la résistance à toute tentative de déconstruction, précisément parce qu'elle serait une illusion constitutive de la Raison humaine. Dans la dialectique transcendantale kantienne, comme dans la posture baudrillardienne, la critique, face à l'"illusion transcendantale" impossible à faire disparaître, ne peut être qu'un art "furtif" en écho à l'"art furtif" qui, lassé de la fonction de l'art (prophétisée par Baudrillard) de "faire disparaître la réalité", a choisi de faire disparaître l'art. Cependant, même si Baudrillard semble redoubler la ronde postmoderne des simulacres, il arrive que la carapace de l'ironie se fende et laisse passer la fulmination de rage contre l'obscénité des logiques d'illusion à l'œuvre dans nos sociétés contemporaines. Pour autant, l'issue baudrillardienne n'est pas dans la réprobation outragée mais dans le gai savoir nietzschéen : "Le monde n'est pas assez cohérent pour mener à l'Apocalypse". Ce qui peut nous éviter le pire, c'est de ne pas prétendre se soustraire à "l'illusion transcendantale" en alléguant la bêtise d'une supposée vérité révélée. Il n'y a pas de "savoir absolu" sur le réel, seulement des "idées régulatrices" : Baudrillard, décidément, kantien, peut-être ?

Isabelle Rieusset-Lemarié est maître de Conférences HDR à l'université Paris 1. Ses recherches sur G. Bataille (cf. le séminaire qu'elle a dirigé au Collège International de Philosophie auquel a participé Maurice de Gandillac) et W. Benjamin (cf. le séminaire qu'elle a dirigé à l'université Européenne de la Recherche dans lequel sont intervenus Jean Baudrillard et Paul Virilio) l'ont conduit à une analyse du bouc émissaire en termes de contagion (cf. son livre Une fin de siècle épidémique, Actes Sud, 1992) et à des analyses esthétiques de la reproductibilité technique (cf. son ouvrage La société des clones à l'ère du multimédia, Actes Sud, 1999). Ses travaux sur le goût et les parfums (cf. son livre Déesses du parfum et de la métamorphose, Berg International, 2011) se prolongent par une lecture cosmopolitique de l'Esthétique de Kant et du jugement de goût.

Edouard SCHAELCHLI : Ellul-Baudrillard, le dialogue impossible
Sur deux lignes parallèles, Jacques et Jean, Ellul et Baudrillard, visent un point ultime — le même ? —, par delà le seuil critique où la pensée, s'affrontant (se frottant) au réel, court le risque mortel de découvrir, dans le monde ultra-médié de la technique, que tout revient peut-être au même : de savoir ou de croire, de lutter ou de jouer, de pardonner ou de séduire, de vaincre ou de mourir, d'être ou de paraître — avec ou sans dieu, avec ou sans caution. Qu'ont donc en commun ces deux penseurs de la catastrophe inscrite en creux dans tout projet d'accomplir toutes les possibilités de la rationalité technicienne, sinon ceci : de penser l'impossible comme ce qui, à proprement parler, doit advenir ? D'où l'impossibilité de l'échange pour l'un, de la prière pour l'autre, pour tous deux du dialogue, de la révolution.

Professeur agrégé de lettres classiques et docteur en littérature, Edouard Schaelchli est chrétien et partisan résolu de la décroissance, il s'efforce de penser notre présence au monde sous le double signe de la disparition du monde paysan et de la libération du sexe, phénomènes littéralement impensables.
Publications
Nihilisme et Narcissisme. Baudrillard : de quel côté du miroir ?, La Revue des Ressources, 2013.
Jean Giono. Le Non-lieu imaginaire de la guerre, Eurédit, 2016.
Ellul l'intraitable, Lemieux, 2018.

Alan N. SHAPIRO : L'importance de Baudrillard pour "l'avenir"
Baudrillard a commencé sa carrière en tant que sociologue et critique du capitalisme néo-marxiste. Cependant, il était également un érudit en littérature (allemande). Les critiques du capitalisme postulent généralement un sujet humain qui incarne ou exprime la critique. Baudrillard est passé de la théorie "critique" à la théorie "fatale", et a fait le geste audacieux de dire que "tout est simulation" (il aurait pu dire plutôt que "la simulation est en hausse et la réalité en déclin"). Cela a mis en place une riche tension créatrice provoquée par une aporie logique-rhétorique. Si vous opérez avec une épistémologie "réaliste", vous ne pouvez pas en même temps (A) dire que tout est une simulation et (B) être la personne qui fait cette déclaration. Baudrillard le savait. Si la simulation est absolue, vous ne pouvez pas le dire. Mais vous pourriez le dire comme un certain type de science-fiction. L'avenir a déjà eu lieu. Baudrillard trouve des façons de parler de la société qui sont comme de la littérature ou de la fiction. Dans ses derniers textes, la forme de simulation est le mode de l'ironie, la parodie et le carnavalesque. Le paradoxe de l'hyper-réalité conduit Baudrillard à "prendre le parti des objets" et au pouvoir de la métaphore. Ce qu'il a ressenti dans la photographie en tant que scène d'illusion radicale peut aussi être réalisé dans d'autres pratiques futures du design.

Alan N. Shapiro est un théoricien des médias et "théoricien de la science-fiction" new-yorkais, vivant en Europe depuis les années 1990. Il a fait de nombreuses apparitions à la télévision et à la radio en Allemagne, en Italie et en Suisse. Il est l'auteur des ouvrages Star Trek : Technologies de la disparition, L'Herbier technologique, Le logiciel du futur et Le design transdisciplinaire. Il a été professeur invité dans des universités d'art allemandes et enseigne actuellement le "design et l'informatique" à la Haute École des Arts et des Sciences Appliquées de Lucerne. Il a publié six essais sur Jean Baudrillard dans la Revue internationale d'études Baudrillard.

Jean-Louis VIOLEAU : Baudrillard et l'architecture (le monstre)
Comment faire le tour du rapport, à la fois intime et méfiant, que Jean Baudrillard a entretenu avec l'architecture ? En partant, comme il se doit, de Disney, en passant par le canard et les Venturi, avant de s'arrêter sur la figure du monstre (architectural), pour prolonger vers Jean Nouvel et les ambiguïtés de la transparence, et enfin déboucher sur quelques projets contemporains, notamment le très condamnable Europacity. Au fil de ce trajet se dessine une double interrogation, sur ce qu'est devenu le post-modernisme architectural, mais aussi sur la persistance de la notion d'auteur en architecture.

Sociologue, Jean-Louis Violeau enseignne à l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Nantes et à l'École urbaine de Sciences Po Paris. De 2012 à 2016, il a dirigé le laboratoire ACS (Architecture-Culture-Société – CNRS) accueilli au sein de l'ENSA Paris-Malaquais où il a été nommé professeur après y avoir été chercheur durant 15 ans. Il collabore régulièrement avec les revues d'architecture, et a publié plus d'une vingtaine d'ouvrages, depuis les Situations construites en 1998, auprès d'éditeurs variés, MIT Press, Recherches, Joca Seria, in Folio, Picard, Seuil… Il a notamment consacré à Jean Baudrillard un bref ouvrage autour d'Utopie, 68 et la fonction utopique paru aux éditions Sens & Tonka en 2013, ainsi que deux "portraits sociologiques" de Rem Koolhaas et Jean Nouvel aux éditions B2 en 2014 et 2015.

Camille ZÉHENNE : La réversibilité de la traverse
Très rapidement, à l'inverse de son habitude perfide, l'existence me frappe de déréalité, les signes affluent, il est 11H00, le soleil ne s'est pas levé, il pleut sur Nantes, mon double se love dans le recoin d'une terrasse, des écrans se mettent à réciter un poème et l'imaginaire collectif qui a en partie constitué ma singularité est mis en branle quand je lis que "la fin est déjà là, à partir du commencement". Quelque chose en moi a été vaincu, le réel se troue enfin, l'obsession de faire la preuve de notre existence se dilue dans le souffle coupé de l'herbe sous le pied. L'inertie et le silence. À travers la pensée de Jean Baudrillard, il s'opère un renversement, le rebours de la vitesse, une traverse qui ne relève ni de la sociologie, ni de la philosophie, ni du moralisme, ni de la poésie, qui pourtant ne cesse de revenir en zigzag, en dessinant des espaces sans tracés, déjà là et fatale.

Née en 1985, Camille Zéhenne soutient une thèse en sciences de l'information et de la communication sur les interactions dans l'espace public en parallèle de son parcours à l'ENSAPC (École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy) dont elle sort diplômée en 2014. Depuis, tout en continuant ses activités de chercheuse, elle développe une pratique artistique principalement axée autour de performances et de vidéos. Avec Bulle Meignan, au sein du collectif "Les froufrous de Lilith", elle organise le Food&film, une séance de projection de films d'univers variés au Doc une fois par mois. Elle travaille actuellement sur plusieurs projets de film et prépare un ouvrage sur Jean Baudrillard en collaboration avec Emmanuelle Fantin.


BIBLIOGRAPHIE :

Ouvrages de Jean Baudrillard en français

Le Système des objets, Gallimard, 1968.
La Société de consommation, Denoël, 1970.
Pour une critique de l'économie politique du signe, Gallimard, 1972.
Le Miroir de la production, Casterman, 1973 (Galilée, 1985).
L'Échange symbolique et la mort, Gallimard, 1976.
Oublier Foucault, Galilée, 1977.
L'effet Beaubourg, Galilée, 1977.
À l'ombre des majorités silencieuses, Denoël, 1978.
L'Ange de stuc, Galilée, 1978.
Le PC ou les paradis artificiels du politique, Cahiers d'Utopie, 1978.
De la séduction, Galilée, 1979.
Simulacres et simulation, Galilée, 1981.
Les Stratégies fatales, Grasset, 1983.
La Gauche divine, Grasset, 1984.
Amérique, Grasset, 1986.
L'autre par lui-même. Habilitation, Galilée, 1987.
Cool Memories I, Galilée, 1987.
Cool Memories II, Galilée, 1990.
La Transparence du Mal, Galilée, 1990.
La guerre du Golfe n'aura pas lieu, Galilée, 1991.
L'Illusion de la fin, Galilée, 1992.
Le Crime parfait, Galilée, 1994.
Figures de l'altérité, avec Marc Guillaume, Descartes et Cie, 1994.
Fragments. Cool Memories III, Galilée, 1995.
Écran total, Galilée, 1997.
Le Paroxyste indifférent, entretien avec Philippe Petit, Grasset, 1997.
Le Complot de l'art & Entrevus à propos du "Complot de l'art", Sens & Tonka, 1997.
Illusions, Désillusions esthétiques, Sens & Tonka, 1997.
De la conjuration des imbéciles, Sens & Tonka, 1998.
Car l'illusion ne s'oppose pas à la réalité, Descartes et Cie, 1998.
À l’ombre du millénaire ou le suspens de l'an 2000, Sens & Tonka, 1998.
La Pensée radicale, Sens & Tonka, 1998.
L'Échange impossible, Galilée, 1999.
Cool Memories IV, Galilée, 2000.
Mots de passe, Pauvert, 2000.
Les Objets singuliers, avec Jean Nouvel, Calmann-Lévy, 2000.
D'un fragment l'autre, entretiens avec François L'Yvonnet, Albin Michel, 2001.
Télémorphose, Sens & Tonka, 2001.
Le Ludique et le policier, et autres textes inédits parus dans Utopies (1967-1978), Sens & Tonka, 2001.
L'Esprit du terrorisme, Galilée, 2002.
Pataphysique, Sens & Tonka, 2002.
Power inferno, Galilée, 2002.
La Violence du monde, avec Edgar Morin, Le Félin - Institut du Monde Arabe, 2003.
Le Pacte de lucidité ou l'intelligence du mal, Galilée, 2004.
À propos d'Utopie, Sens & Tonka, 2005.
Le complot de l'Art & Cie, Sens & Tonka, 2005.
Cool Memories V, Galilée, 2005.
Oublier Artaud, entretien avec Sylvere Lotringer, Sens & Tonka, 2005.
Les Exilés du dialogue, entretien avec Enrique Valiente Noailles, Galilée, 2005.
Le chat de faïence au lieu d'être en chair, Sens & Tonka, 2005.
Pourquoi tout n'a-t-il pas déjà disparu ?, L'herne, 2007-2008.
Carnaval et cannibale, L'Herne, 2008.
Pourquoi la guerre aujourd'hui ?, avec Jacques Derrida, Lignes, 2015.
L'agonie de la puissance, Sens & Tonka, 2015.

Sur la photographie

Les Allemands, Photographies de René Burri, Texte de Jean Baudrillard, Éditions Delpire, 1963.
• Richard Avedon, Unter den Linden, Portfolio in "L'Égoïste", Texte de Jean Baudrillard, 1991.

Traductions

• Bertolt Brecht (L'Arche, 1965) : Dialogues d'Exilés (avec G. Badia).
• Friedrich Engels (Éditions sociales, 1969) : Le rôle de la violence dans l'histoire suivi de Violence et économie dans l'établissement du nouvel Empire allemand (avec E. Bottigelli, P. A. Stéphane).
• Karl Marx & Friedrich Engels (Éditions sociales, 1968) : L'idéologie allemande (avec H. Auger, G. Badia, R. Cartelle).
• Wilhelm E. Mülhmann (Gallimard, 1964) : Messianismes révolutionnaires du Tiers Monde.
• Peter Weiss (Le Seuil) : L'Adieu aux parents (1962); Marat-Sade (1963); Point de fuite (1964); L'Instruction (1966); Chant du fantoche Lusitanien (1968); Discours sur la genèse et le déroulement de la très longue guerre de libération du Vietnam (1968).

Principales études (en français) sur la pensée de Jean Baudrillard

• Alain Gauthier, Jean Baudrillard, une pensée singulière, Lignes, 2008.
• Valérie Guillaume (dir.), Jean Baudrillard. Une biographie intellectuelle (Les années Traverses, Centre Pompidou, 1975-1988), Le Bord de l'eau, 2013.
• Serge Latouche, Jean Baudrillard ou la subversion par l'ironie, Le Passager clantestin, 2016.
• Serge Latouche, Remember Baudrillard, Fayard, 2019.
• Ludovic Leonelli, La Séduction Baudrillard, Éditions de L'École Nationale de Beaux-Arts, 2007.
• François L'Yvonnet (dir.), Jean Baudrillard, Cahier de l'Herne, 2005 (avec la traduction de neuf poèmes d'Hölderlin).
• François L'Yvonnet, L'Effet Baudrillard, François Bourin, 2013.
• Jean-Olivier Majastre (dir.), Sans oublier Baudrillard, La Lettre volée, 2003.
• Michel Neyraut, Hard Memories, en hommage à Jean Baudrillard, Sens & Tonka, 2013.
• Olivier Penot-Lacassagne (dir.), Back to Baudrillard, CNRS éditions, 2015.
• Nicolas Poirier (dir.), Baudrillard, cet attracteur étrange, Le Bord de l'eau, 2016.
• Revue Lignes, n°31, février 2010, "Le gai savoir de Baudrillard" (dirigé par Jean-Paul Curnier et Michel Surya).
• Anne Sauvageot, Jean Baudrillard, la passion de l'objet, Presses universitaires du Mirail, 2014.
• François Séguret, Baudrillard pataphysicien, 1, 2, 3, 4 & 5, Sens & Tonka, 2018.
• Jean-Louis Violeau, Utopie, 68 et la fonction utopique, Sens & Tonka, 2013.

Un site internet, en langue anglaise, lui est dédié : baudrillardstudies.ubishops.ca

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


ÉCRIRE POUR INVENTER

( À PARTIR DES TRAVAUX DE JEAN RICARDOU )


DU MERCREDI 31 JUILLET (19 H) AU MERCREDI 7 AOÛT (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Marc AVELOT, Mireille CALLE-GRUBER, Gilles TRONCHET


ARGUMENT :

Inlassablement Jean Ricardou a écrit avec les plus grands soins : des ouvrages novateurs, de fiction comme de théorie; il a même tenté l'expérience du "mixte". De ce patient exercice, où il a déployé, durant plus d'un demi-siècle, une exceptionnelle inventivité, il s'est attaché sans cesse à réfléchir sur la manière dont il s'accomplissait et sur les enjeux dont il était porteur.
De cette production ingénieuse et de cette conceptualisation rigoureuse, le colloque fondé sur les travaux pionniers de Jean Ricardou vise non seulement à offrir un panorama aussi large et précis que possible, mais également à éclairer les pistes prometteuses qui sont ouvertes à des recherches ultérieures, en particulier grâce à la textique, discipline dont il fut l'initiateur.

Ce colloque se veut résolument ouvert sur une pluralité de domaines et d'approches : loin de se focaliser sur telle période ou telle composante des travaux envisagés, il s'attache à promouvoir une réflexion multiple, qui permette de confronter les diverses phases et les multiples centres d'intérêt impliqués par les productions de Jean Ricardou. Un objectif majeur consiste à dégager les facteurs décisifs qui ont donné cohérence à la démarche de l'écrivain et du penseur dont les travaux seront étudiés: l'incessante prise en compte de l'écriture et des effets qu'elle peut déterminer, la progressive mise au point d'une méthode de pensée débouchant sur un ensemble de concepts très élaboré, l'indéfectible souci des interactions dans tous les domaines entre pratique et théorie, la vigilante critique de toutes les idées préconçues, de tout l'impensé que cristallise l'idéologie.

Cette rencontre réunira des intervenants d'horizons variés, universitaires, plasticiens, musiciens ou écrivains, jeunes chercheurs, dont plusieurs ont, dans leurs pratiques, bénéficié du travail de Jean Ricardou, et beaucoup ont diversement œuvré à ses côtés. Il est largement ouvert aux étudiants, aux enseignants, aux pédagogues, ainsi qu'à tous ceux qui souhaitent apprendre à mieux écrire pour mieux comprendre et pour inventer.

Les journées ne seront pas distribuées selon une progression chronologique ni un découpage thématique, mais selon des groupements susceptibles de faire apparaître, grâce à divers points de consonances entre des interventions variées, les aspects communs aux différentes facettes du travail examiné. En regard des conférences, traitant d'un problème général, comme la production de récits, les ateliers d'écriture ou la traduction, figureront des tables rondes et des interventions plus ponctuelles, offrant l'analyse des structures propres à un objet particulier, qu'il s'agisse d'un récit, d'une œuvre d'art, d'un document publicitaire, débouchant le cas échéant sur la proposition d'un perfectionnement, selon la démarche du RAPT (Récrit Avisé par la textique), propre à la textique. Logiquement, l'éventail des activités conjuguera la pratique avec la théorie, incluant un atelier d'écriture, basé sur un programme de règles inspiré de celui que Jean Ricardou avait élaboré pour les séminaires annuels de textique, tandis que plusieurs installations, en lien étroit avec la circonstance, seront mises en place par des plasticiens, dans et hors de l'enceinte du Centre culturel.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 31 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 1er août
Matin
ÉCRITURE DE LA PRATIQUE À LA THÉORIE
Mireille CALLE-GRUBER : Jean Ricardou dans le rétroviseur du Nouveau Roman
Jean-Christophe TOURNIÈRE : "Jean Ricardou" : écrits, théorie

Après-midi
La fiction et ses enjeux, table ronde animée par Mireille CALLE-GRUBER, avec
Claudia BOULIANE : La poétique touristique de Jean Ricardou
Jeanne CASTILLON : Les fabriques de la fiction. Les dispositifs conducteurs de Jean Ricardou à Claude Simon
Giuseppe CRIVELLA : L'observatoire de Cannes ou comment décrire une description ?

Vernissage de l'exposition "Archives Jean Ricardou" (IMEC)

Soirée
Claudy MALHERBE : Nouvelles accointances d'un texte et d'une musique (partie I)


Vendredi 2 août
Matin
PÉDAGOGIE DE L'ÉCRITURE
Nicole BIAGIOLI : L'atelier d'écriture ricardolien, une utopie durable
Paul LÉON : Liserons et écriverons

Après-midi
Problèmes de la contrainte, table ronde animée par Hermes SALCEDA, avec
Rémi SCHULZ : Coïncidences ricardoliennes
Bernardo SCHIAVETTA : Trouver l'impensé : invention de la forme, invention du sens

Atelier d'écriture
Non sans une certaine adresse, par Daniel BILOUS

Soirée
Claudy MALHERBE : Nouvelles accointances d'un texte et d'une musique (partie II)


Samedi 3 août
Matin
ROUSSEL ET RICARDOU
Sjef HOUPPERMANS : Relire La prise de Constantinople à partir de Roussel
Christelle REGGIANI : Ricardou lecteur de Roussel
Hermes SALCEDA : Quelques enjeux théoriques de l'écriture roussellienne

Après-midi
Écrire l'espace, intérieur, extérieur, table ronde animée par Edith HEURGON & Jean-Christophe TOURNIÈRE, avec
Sandra SIMMONS : La Marge Émerge
Quentin LAZZARESCHI & Joana TEULE : Pas très loin [performance-visite]
Nicolas TIXIER : Un Ricardou édifiant
Stéphanie BALDISSAR : La déco décodée

Soirée
Communications, pièce radiophonique de Jean RICARDOU


Dimanche 4 août
Matin
L'ÉCRITURE AUGMENTÉE
Marc AVELOT : L'homme sans ombre. Esth-éthique de Jean Ricardou
Johan FAERBER : Ricardou après la littérature

Après-midi
Initiation à la textique
Avec Gilles TRONCHET et quelques RAPT (Récritures Avisées Par la Textique)

Écrire, entre langues et cultures, table ronde animée par Gilles TRONCHET, avec
Bente CHRISTENSEN : Traduction ou ré-écriture — versions norvégiennes d'Alain Robbe-Grillet, Topologie d'une cité fantôme et de Jean Ricardou, La prise / prose de Constantinople
Didier COSTE : Si par un jour d'été un spectateur

Atelier d'écriture
La prison libératrice, avec le Collectif Textique

Soirée
Pétanque


Lundi 5 août
Matin
TEXTIQUE : ANALYSE ET TRANSFORMATION
Daniel BILOUS : Une carambole texturale [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]
Laurent LIENART : Tribalisme dans Les Lieux-dits

Après-midi
Métastructures dans les arts plastiques, table ronde animée par Marc AVELOT, avec
Johanna GOSSART : Séries noires, carrés blancs, etc.
Alain LONGUET : Un parcours interactif du Paradigme d'Albert Ayme
Jean-Claude RAILLON : Débords

Atelier d'écriture
La prison libératrice, avec le Collectif Textique

Soirée
Daniel BILOUS : Félix le Chat médite et autres mécanomates


Mardi 6 août
Matin
DÉPLOIEMENTS DE LA TEXTIQUE
Isabelle ALFANDARY : Il n'y a pas de hors-textique
Gilles TRONCHET : Matériaux pour la théorie

Après-midi
ÉCRITURE DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE
Anne-Marie PETITJEAN : Quelles théories de l'écrit pour les formations en écriture créative ?

Atelier d'écriture
La prison libératrice, avec le Collectif Textique

Soirée
La parole à Jean RICARDOU, diffusion audio


Mercredi 7 août
Matin
Présentation des projets éditoriaux, par Marc AVELOT
Perspectives de recherches en textique, par Gilles TRONCHET
Discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Marc AVELOT : L'homme sans ombre. Esth-éthique de Jean Ricardou
L'insistance d'énoncés normatifs dans les écrits de Jean Ricardou laisse supposer que sous-jacent à leur visée conceptuelle ou descriptive existe tout un ensemble de valeurs dont l'organicité dessine une véritable éthique. L'objet de cette contribution sera de mettre à jour cette "esth-éthique" de Jean Ricardou et de s'interroger tout à la fois sur son statut, son efficace et ses limites.

Stéphanie BALDISSAR : La déco décodée
Il s'agira de voir comment la Textique, initiée par Jean Ricardou et considérée comme une théorie de l'espace traitant "l'écrit" au sens large, peut trouver une application concrète dans un domaine pour le moins inattendu, en l'occurrence celui de la décoration intérieure. Le tout en partant d'une phrase de Vincent Van Gogh : "Peindre une robe jaune, non parce qu'elle est robe, mais parce qu'elle est jaune".

Stéphanie Baldissar est professeur certifiée de Lettres Modernes depuis 12 ans, titulaire d'un Master Recherche Mention Langues, Littératures et civilisations, participante au Semtext et membre du Cortext depuis 2002, membre du Collectif Textique depuis 2016. Participation au Forum organisé en la mémoire de Jean Ricardou en 2017 suivie de la parution d'un article dans "Présents de Jean Ricardou" : "(R)apports collectifs". Participation au colloque "L'écriture mimétique" en novembre 2008 et publication d'un article dans les actes : "Agnos/tics : ou comment douter du style de Mauriac en imitant les tics de Mauriac".

Nicole BIAGIOLI : L'atelier d'écriture ricardolien, une utopie durable
Nouveau romancier, critique et enseignant, Jean Ricardou a inventé un dispositif didactique fondé sur l'atelier d'écriture et basé sur une théorie matérialiste de la pratique scripturale qui conjugue les savoirs d'expérience et les savoirs d'action des écrivains et des enseignants. Nous montrerons en quoi ce dispositif a inauguré une utopie durable, qui a pour objectif une démocratisation de l'écriture créative, fondée sur une approche innovante de type transformatif et collaboratif et un renversement des valeurs communément attribuées à l'écrit et à la pratique de l'écriture. Cette conception de l'atelier d'écriture a contribué à démystifier l'écriture créative, en la décentrant de la sphère de la production littéraire, dans une perspective intermédiale, interartiale et interdidactique, ce qui en a fait un objet d'apprentissage et un outil de résilience scolaire, sociale, et médicale toujours actuel.

Nicole Biagioli est professeur émérite de langue et littérature française au CTEL (Centre Transdisciplinaire de recherche sur la Littérature et les Arts Vivants, à l'université de Nice). Formée aux ateliers d'écriture par Claudette Oriol-Boyer et Jean Ricardou, elle a participé à la création de la revue Texte en Main. Elle est l'auteur de publications sur l'œuvre de Jean Ricardou et de Michel Butor, sur la didactique de l'écriture littéraire et sur l'écriture créative.

Daniel BILOUS : Une carambole texturale
Le concept de représentation étant peut-être plus sûrement identifiable quand il s'agit d'images visuelles, on s'appliquera à lire selon la Textique certaine affiche publicitaire due à l'art d'Eugène Ogé et datée de 1910, pour les Billards Brunswick [visible en ligne]. Si un grand nombre d'éléments y ressortissent directement ou indirectement à l'installation d'une "scène de genre" reconnaissable, il en est d'autres qui, et de façon spectaculaire, échappent résolument à cette détermination et, par là, ambiguisent puissamment la réception de l'image. Ce sera l'occasion d'observer la dialectique entre une visée représentative promotionnelle et le régime particulier que la discipline appelle "métareprésentatif".

Daniel BILOUS : Félix le Chat médites et autres mécanomates
Jean Ricardou appréciait le sympathique héros d'Otto Messmer, qui n'agit jamais sans une mûre réflexion, et dont les ressources imaginatives préfigurent souvent ce que la modernité pourrait bien saluer en fait d'invention fictionnelle. En hommage à l'écrivain, ce mécanomate saisit le Chat marchant de long en large, en pleine cogitation.

Claudia BOULIANE : La poétique touristique de Jean Ricardou
Tout au long des "Trente Glorieuses", le tourisme de masse alors en plein essor occupe de plus en plus de place dans la société française. Il est fréquemment représenté dans la littérature, qui s'empare du prêt-à-penser propre à l'époque sur la question de cette pratique sociale pour l'interroger, le mettre à distance, le détourner ironiquement, en souligner les bévues avec humour, en faire la critique. C'est le cas de L'observatoire de Cannes que publie Jean Ricardou en 1961, qui fait table rase des clichés alimentés par les discours prescriptifs quant à la manière d'occuper le temps libre. Il s'agira, dans un premier temps, de procéder à la microlecture des intertextes publicitaires ainsi que des jeux avec leurs formes-sens et leurs mots de passe, de manière à montrer comment il s'attache à "démasquer" le lieu mythique du développement du tourisme balnéaire en France, comme le suggère cette image récurrente dès l'incipit du roman et qui sert également à illustrer des notions de Pour une théorie du nouveau roman. Il sera question, dans un second temps, du rôle particulier du premier roman dans le processus d’expérimentation stylistique à la suite duquel seront formulés les principes avancés dans les premiers ouvrages théoriques de Ricardou.

Claudia Bouliane est professeure adjointe à l'université d'Ottawa. Elle est spécialiste de la littérature française du XXe siècle. Elle a publié l'ouvrage L'adolescent dans la foule : Aragon, Nizan, Sartre aux Presses de l'université de Montréal en 2018. Son projet de recherche actuel porte sur les représentations littéraires des "Trente Glorieuses du tourisme" (1950-1980). Elle a déjà fait paraître des articles et donné des conférences sur la question de la mise en texte du phénomène social qu'est le tourisme de masse.

Bente CHRISTENSEN : Traduction ou ré-écriture – versions norvégiennes d'Alain Robbe-Grillet, Topologie d'une cité fantôme et de Jean Ricardou, La prise/prose de Constantinople
En tant que traducteur littéraire, on est confronté à une multiplicité de textes; de différents auteurs, de différentes langues et cultures, de différentes époques. Pourtant, il existe une constante : la traduction de ces textes est possible, même si le traducteur doit utiliser tout son savoir et travailler assidûment. Il est très rare de rencontrer un texte littéraire qu'on peut qualifier d'intraduisible. Le Nouveau Roman français a produit des textes qui posent des problèmes redoutables au traducteur, car la langue y est devenue un matériau qui a une valeur intrinsèque, qui n’est pas uniquement un moyen pour évoquer un contenu. On doit prendre en considération la manière de dire, pas seulement ce qui est dit. Néanmoins, il est possible, dans la plupart des cas, de trouver des solutions à des problèmes qui se posent en traduisant ces textes. Ce qui m'intéresse ici, est ce qui arrive quand on se trouve face à un texte qui ne se laisse pas restituer dans une autre langue sans être profondément modifié, sans être "ré-écrit". Pourquoi est-ce que ce texte est "impossible" à traduire ? Quelles sont les caractéristiques d'un tel texte ? Pour sonder ces questions, je vais prendre appui sur ma propre pratique. Il y a quelques années, j'ai traduit Topologie d'une cité fantôme d'Alain Robbe-Grillet. C'est un texte parfois compliqué à traduire, mais il n'est pas impossible de le rendre en norvégien d'une façon adéquate. Quand j'ai voulu m'attaquer à La prise/prose de Constantinople de Jean Ricardou, j'ai rencontré des problèmes d'une autre envergure. Même si ce texte offre une (ou plusieurs) histoire(s) — entre autres la conquête de Constantinople en 1204 et l'expédition d'un groupe de linguistes dans le parc d'un château — il est tellement basé sur la matérialité de la langue française que le traducteur doit parfois baisser les bras. En comparant Topologie d'une cité fantôme et La prise/prose de Constantinople, je vais essayer de voir à quel moment la matérialité du texte prend le dessus, à cerner les limites du traduisible. Je vais également présenter des propositions de ré-écriture de passages de La prise/prose de Constantinople, pour voir les pertes et les gains d'une telle pratique.

Didier COSTE : Si par un jour d'été un spectateur
Tout en étant historiquement située dans le parcours d'une vaste mouvance formaliste et métafictionnelle — de Mallarmé aux oulipiens actifs d'aujourd'hui, en passant, en dehors du Nouveau Roman, par Nabokov et Barth, Blanchot et des Forêts —, l'œuvre littéraire de Jean Ricardou, de L'Observatoire de Cannes à La Cathédrale de Sens, avec la minutiosité de ses (ar)rangements verbaux, déploie un plus complet arsenal de résistance au récit que quasiment toute autre connue. Ses artifices de composition, comme et plus encore que les procédés de Raymond Roussel, sont de ceux qui, en dépit de l'invitation didactique à la réécriture, la barrent, en particulier sous les espèces de la traduction interlinguistique. Animés, paradoxalement, par la haine du mouvement qui déplace les lignes, les dispositifs ricardoliens de production du texte n'échappent pourtant pas plus aux effets de représentation et de translation que les marges du surréalisme (Huidobro) ou le lettrisme (Isidore Isou) n'ont pu, bien antérieurement, échapper aux effets de sens. Tout se joue, sous couvert de matérialisme du signifiant, dans une extrémiste tension entre forclusion et transgression, dans des "mécanismes de fascination" proches de ceux proposés par Robert Lapoujade. Le lecteur de Ricardou sera donc toujours un lecteur malgré lui, poussé dans ses retranchements, appelé à mettre en œuvre son désir de Réel against all odds.

Giuseppe CRIVELLA : L'observatoire de Cannes ou comment décrire une description ?
Dans ce roman publié en 1961, la description fonctionne comme un graphe de métamorphoses d'un logos interminablement référé à soi-même. L'observatoire de Cannes est alors l'histoire d'une pratique descriptive dont les mots et les images véhiculées s'entre-répondent strictement, l'histoire d'une tranche narrative indéfiniment traduite en d'autres tranches narratives homologues entre elles mais tout à fait inassimilables l'une à l'autre, l'histoire de systèmes auto-référés — donc apparemment fermés — se référant à d'autres systèmes — donc ouverts — mais se référant à de nouveaux systèmes auto-référés. L'observatoire de Cannes devient l'histoire de formes prenant sens dans un système, donc enveloppées et englobées dans un réseau spécifique d'articulations, mais parfois et comme tout à coup, prenant un autre sens que celui d'origine, dépassant leur auto-référence intérieure et donc évoluant à l'extérieur de toute coordonnée systématique, comme une excroissance pathologique, vers une nouvelle référence trans-systématique intérieure à la réticulation verticale des correspondances croisées qui ne cessent de se multiplier et de confondre les plans sur lesquels la description se pluralise, comme un rayon perdu à la recherche de son miroir…

Giuseppe Crivella, PhD en phénoménologie (Université de Pérouse). Membre de la Société Philosophique de Bourgogne. Rédacteur de la revue de philosophie Kaspar Hauser. Come si accede la pensiero. Auteur de plusieurs essais portant sur Alain Robbe-Grillet, Michel de Montaigne, Michel Butor, Roland Barthes, Maurice Blanchot et bien d'autres. Spécialiste de philosophie contemporaine française et allemande, il a traduit en italien des textes de Jean-Jacques Wunenburger et Michel Henry, Dominique Pradelle et Roger Caillois, Jean Baudrillard et Roland Barthes. Son dernier travail se concentre sur la dimension de l'anté-prédicatif dans la phénoménologie husserlienne de l'espace (Verso le matrici antepredicative della fenomenologia trascendentale, éd. Mimesis, Mai 2018).

Johanna GOSSART : Séries noires, carrés blancs, etc.
L'intervention s'intéressera à l'examen de la suite "Paradigme", réalisée par l'artiste peintre Albert Ayme et éditée dans l'ouvrage du même nom, examen minutieusement conduit par Jean Ricardou, dans un texte repris au sein de la Revue des Sciences Humaines sous le titre "L'effervescence du virtuel". Elle s'articulera autour de trois questions : la matérialité de l'ouvrage et l'œuvre d'abord, les précautions critiques et idéologiques du scripteur ensuite, et la démarche analytique du théoricien enfin.
Il s'agira ainsi de mettre en évidence certaines des relations existant entre la méthode de l'examen et la théorie Textique élaborée plus tard, et ressortissant à ce qu'il est loisible de nommer, imitant le premier intitulé de la contribution offerte par Jean Ricardou lors du colloque de Cerisy "Albert Ayme et le paradigme en peinture" qu'il dirigea en août 1982, "les suites d'une idée".

Bibliographie
Paradigme (œuvre à croissance illimitée à partir d'un unique carré), œuvre d'Albert Ayme et texte de Jean Ricardou, Éditions Traversière, 1976.
"Peinture politique" par Jean Ricardou, édité dans une brochure de la galerie Carmen Martinez.
"Cristal qui change" (initialement "Les suites d'une idée"), Jean Ricardou au Colloque de 1982 (Cerisy).
Écrits d'un peintre (pour un statut propre à l'abstraction), Albert Ayme, Éditions Traversière, 1962-1997.
"Les paradigmes d'Albert Ayme", Gérard-Georges Lemaire, Magazine Littéraire, septembre 1977.
Théorie de l'art moderne (une conception structuraliste de la peinture), Paul Klee, 1924, Bibliothèque Médiations.

Sjef HOUPPERMANS : Relire La prise de Constantinople à partir de Roussel
Ou plutôt relire la Prose de Constantinople avec Roussel. En effet, compagnon de route qu'on admire et dont on se méfie à l'occasion, Roussel fascine par son étrangeté familière, par son jeu entre mots et images, entre vie et mort. Par toute une série de lectures exemplaires Jean Ricardou a témoigné de son intérêt suivi pour l'œuvre roussellienne. Pourtant nous pouvons supposer que son œuvre de fiction — pour autant que cette répartition peut servir de formule de travail — a été contaminée par cette fréquentation assidue. Nous ne serons pas étonnés néanmoins si les traces de ce commerce sont parfois dissimulées. Un cas remarquable se présente justement pour ce roman majeur qu'est La Prise de Constantinople. Comme en fait preuve un numéro de Tel Quel, une archi-exergue de cette fiction a été empruntée à Roussel. C'est la hie qui de cette manière s'impose comme génératrice, par immaculée conception s'entend, car sa virginité de demoiselle concurrence celle de la mariée de Marcel Duchamp. Les conséquences textuelles, para-isomorphiques, sont diverses, ludiques, passionnantes.

Sjef Houppermans est professeur émérite de l'université de Leiden (Pays-Bas). Il poursuit des recherches en littérature moderne et contemporaine s'appuyant sur des approches stylistiques et psychanalytiques. Il est l'auteur de livres sur entre autres Proust, Beckett, Robbe-Grillet, Ollier, Camus, Simon…
Publications
Raymond Roussel. Écriture et Désir, Éditions José Corti, 1983.
A coordonné le numéro 7 des Cahiers Raymond Roussel (2019).
Recueil : Écritures du désir.

Quentin LAZZARESCHI & Joana TEULE : Pas très loin [performance-visite]
Mettre en place une relation textuelle avec un espace, à investir en dehors de la page.
En point de départ, une boîte aux lettres installée pour écrire à un mur.
Des mots adressés à un espace.
C'est un parcours, un courrier qui chemine et traverse des temporalités, des territoires.
La relation épistolaire précède l'intervention sur le lieu : elle s'inscrit de manière pérenne, consiste en un écrit comme peut l'entendre la textique.
Une appropriation.
C'est un travail de contextes, d'allers-retours, de distances et de proximités.
Il est évolutif, à alimenter.
Cette intervention est restituée par une présentation orale, construite et scénarisée à partir d'un corpus d'éléments, de lettres, de relations, qui, une fois liées, constitueront l'ensemble de la proposition.

Quentin Lazzareschi est artiste, auteur d'un travail centré sur les questions de visibilité — en tant qu'art; les contextes; les situations: avec des actions, des interventions, des déplacements; la création d'objets — en tant que sculptures; la documentation: avec des photographies, des textes; du récit. Il travaille dans plusieurs départements et dans plusieurs disciplines. Il vit à Saint-Étienne.

Joana Teule est une artiste qui cherche à investir tous les gestes dont procèdent sa vie et son travail de la plus grande attention. Les objets qu'elle construit sont souvent issus d'une logique de concentration, elle cherche à condenser les processus, les moments et les lieux dont ils proviennent. Elle utilise souvent des techniques comme la gravure sur bois, la prospection ou la distillation qui sont autant de moyens de pratiquer sa propre concentration et celles des choses auxquelles elle veut se rendre attentive.
Texte écrit par Pierre-Olivier Dosquet (2018).

Paul LÉON : Liserons et écriverons
"C'est en lisant que l'on devient liseron". La formule a généralement du succès dans les classes. Aussi bien, hasarda un jour Jean Ricardou, citant "le mot aimable de Raymond Queneau", "C'est en écrivant que l'on devient écriveron". Or, en définitive, ce que Jean nous a inlassablement enseigné pourrait bien tenir tout entier, ou presque, dans le mixage croisé de ces deux formules : "C'est en lisant que l'on devient écriveron", "C'est en écrivant que l'on devient liseron", autrement dit : "la lecture est une phase constitutive du procès d'écriture". Ce va-et-vient entre lecture et écriture, Jean Ricardou l'aura initialement expérimenté, ce qui lui valut durablement le dédain des Institutions, en tant que maître de classes élémentaires. Et c'est sans doute la raison pour laquelle le fulgurant théoricien de l'écrit qu'il est par la suite devenu, a su mieux que personne parler — à tous les sens du mot — aux maîtres et à leurs formateurs en dépit des résistances. Lier lecture et écriture, pratique et théorisation dans le cadre d'écritures en atelier, d'"ateliers d'écriture": c'est cette façon de penser et de faire, suivant laquelle "l'écriture est une activité compatible avec le pluriel", qu'il a su communiquer aux enseignants les plus convaincus de la nécessité de pratiquer autrement dans les classes — de "pratiquer" tout court — en les domaines de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Nous rendrons compte ici, feuilletant quelques articles canoniques parus au fil du temps sur ces questions ("Écrire en classe", "Pluriel de l'écriture", "Deviens lecteur le scripteur que tu es", etc., ainsi que la précieuse série des six "Textuelles" publiées entre 1984 et 1989 dans la revue TEM), de diverses notions fondatrices — éminemment opératoires, suivant notre expérience au sein des groupes — dans leurs successives formulations continûment remises en chantier: s'agissant de l'écrit sa double polarité matérielle et idéelle; s'agissant de lecture l'occultation lectorale, la "recouverte", qu'opère celle-ci à l'encontre de celle-là et les stratégies pour la combattre; s'agissant d'écriture la notion de récriture "car c'est en transformant ce qu'(on) a écrit qu'(on) écrit" et celle corollaire de "complexification", de "programme" d'écriture, celle de "Texte"; ou encore cette proposition, exorbitante au regard de l'idéologie ambiante, selon laquelle l'écrivain — l'élève — "n'a nul besoin d'avoir, au préalable, un quelque chose à dire", qu'il est avant tout "celle ou celui qui accepte l'apport spécifique de l'écrit dans la formation de sa pensée".

Laurent LIENART : Tribalisme dans Les Lieux-dits
Parmi toutes les luttes qui s'opèrent au sein du roman de Jean Ricardou, Les Lieux-dits, il en est une qui semble quelque peu méconnue, en l'occurrence celle que se livrent les langues tribales. Avec patience, il s'agira de l'analyser, autrement dit, pour la textique, de la déméconnaître.

Alain LONGUET : Un parcours interactif du Paradigme d'Albert Ayme
Plus de trois décennies après le colloquede Cerisy "Albert Ayme et le paradigme en peinture", dirigé par Jean Ricardou, la technologie informatique permet de porter un regard actualisé sur cette œuvre emblématique d'Albert Ayme, qui reste aux yeux de tous un repère exemplaire de modernité artistique. Accompagné des textes de Jean Ricardou, ce parcours interactif de Paradigme, en présentant les multiples aspects de la combinatoire de cette œuvre générative. sera une façon de redécouvrir le tressage subtil qui a uni ces deux auteurs. Ce projet pourrait aussi prendre la forme d'une installation numérique (borne ou projection, présentée pendant le colloque).

Alain Longuet est photographe, vidéaste, artiste et ami du peintre Albert Ayme. Il a réalisé de nombreuses prises de vues photographiques de ses œuvres pour les publications des éditions Traversière. Dès 1990, un premier portage de Paradigme pour ordinateur a été réalisé sur IBM-PC. Une deuxième version a été présentée en Arles à l'occasion de la Rétrospective Albert Ayme de 2007 au Musée Réattu. La dernière actualisation date de 2018. Elle vient d'être présentée à la Galerie Victor Sfez du 23 sept. au 10 nov. et à la Galerie Abstract Project du 19 nov. au 2 déc. 2018.

Anne-Marie PETITJEAN : Quelles théories de l'écrit pour les formations en écriture créative ?
Dans cette intervention, j'interrogerai la place de la théorisation dans les cursus de création littéraire qui ont émergé en France depuis 2012 et sont mieux connus des universités anglo-saxonnes. Prenant appui sur un intérêt croissant pour la pratique au détriment de la conceptualisation, les formations universitaires en écriture créative s'écartent de l'ambition théoricienne qui animait Jean Ricardou; il est pourtant possible de reconnaître, dans son parcours de théoricien-créateur, une cohésion des perspectives critiques, didactiques et auctoriales qui intéresse particulièrement les recherches actuelles sur la conscientisation du geste de création littéraire. C'est cette cohésion que nous chercherons à décrire dans les pratiques contemporaines des cursus littéraires en France, à partir de l'expérience d'enseignement et de recherche menée depuis une dizaine d'années à l'université de Cergy-Pontoise par une équipe d'enseignants-chercheurs. Elle nous permettra d'envisager une filiation de la recherche académique en écriture créative avec la tradition des ateliers d'écriture français largement portée en son temps par Jean Ricardou.

Anne-Marie Petitjean est maître de conférences en Langue et Littérature française à l'université de Cergy-Pontoise, Laboratoire Agora, Master lettres & DU Écriture créative et Métiers de la rédaction.
Bibliographie
Oriol-Boyer, C., Bilous, D. (dir.), 2013, Ateliers d'écriture littéraire, Colloque de Cerisy, Paris, Hermann Éditeurs.
Petitjean, A.-M., 2017, "Une conception bien française de l'atelier d'écriture", Forum Jean Ricardou, Collège International de Philosophie, Centre Culturel International de Cerisy, M. Avelot, M. Calle-Gruber, E. Heurgon (dir.), Paris, 21 avril 2017.
Petitjean, A.-M., 2018, "La formation à la conduite d'ateliers d'écriture comme facteur de réflexivité critique sur les processus de création", Les Cahiers d'Agora, n°1 [en ligne].
Ricardou, J., 1989, "Écrire à plusieurs mains", in Pratiques, n°61, pp. 111-117.
Ricardou, J., 1992, "Pluriel de l'écriture", in Ateliers d'écriture, Colloque de Cerisy, C. Oriol-Boyer (dir.), Grenoble, L'Atelier du Texte (Ceditel), p. 22.

Jean-Claude RAILLON : Débords
Il est loisible de distinguer deux façons pour une œuvre plastique de gérer l'espace qui s'impose à elle comme une contrainte foncière. L'une consiste à discrètement s'en accommoder. L'autre consiste à exposer la contrainte comme telle pour en jouer. La présente contribution se propose de fournir sous cette vue l'analyse comparée d'un couple d'outrepassements remarquables, le premier qu'offre, dans sa partie inférieure droite, certain bas-relief roman, le second qu'offre, dans sa partie inférieure droite, certain panneau du retable de l'Agneau mystique par les frères Van Eyck. L'étude sera conduite à la lumière du concept textique d'ortho(plasto)texture.

Christelle REGGIANI : Ricardou lecteur de Roussel
L'œuvre de théoricien de la littérature (et plus généralement des systèmes de signes) de Jean Ricardou n'a pas été séparée de son activité critique, s'agissant en particulier de ses auteurs de prédilection, au premier rang desquels a figuré Raymond Roussel. On se propose donc d'examiner de près l'ensemble des écrits que Jean Ricardou a consacrés à Roussel, pour tenter de mettre au jour les enjeux de cette activité critique poursuivie tout au long de l'itinéraire intellectuel de Ricardou.

Christelle Reggiani est professeure de stylistique française à la faculté des lettres de Sorbonne Université.
Publications
Rhétoriques de la contrainte. Georges Perec, l'Oulipo, Saint-Pierre-du-Mont, Éditions InterUniversitaires, 1999.
Éloquence du roman. Rhétorique, littérature et politique aux XIXe et XXe siècles, Genève, Droz, 2008.
L'Éternel et l'Éphémère. Temporalités dans l'œuvre de Georges Perec, Amsterdam-New York, Rodopi, 2010.
Poétiques oulipiennes. La contrainte, le style, l'histoire, Genève, Droz, 2014.
Elle a également dirigé l'édition des Œuvres de Georges Perec dans la "Bibliothèque de la Pléiade" des éditions Gallimard (2017).

Hermes SALCEDA : Quelques enjeux théoriques de l'écriture roussellienne
L'intérêt de Jean Ricardou pour Roussel a été récurrent et s'est prolongé dans le temps puisqu'une quarantaine d'années séparent la première étude qu'il lui a consacrée (1971) de la dernière (2012). Roussel exerçait sur Jean Ricardou une certaine fascination qui l'amenait à revenir sur ses textes pour les mettre à l'épreuve des concepts théoriques du matérialisme textuel qu'il a élaboré. À la loupe de l'examen ricardolien l'écriture roussellienne est souvent ressortie à la fois comme une tentative novatrice et contradictoire. Novatrice parce que le Procédé a posé les bases d'une pratique matérialiste de l'écriture, et contradictoire parce que l'auteur avait affirmé, en même temps, sa volonté de se construire en tant que tel. L'écriture de Roussel, ainsi tendue entre le matérialisme du Procédé et l'affirmation de l'ego de l'auteur, aurait basculé dans l'idéologie de l'expressivité. Pourtant, malgré ses contradictions, Roussel semble résister particulièrement bien à la récupération par le monde académique dans lequel sa place reste marginale. J'adopterai le point de vue inverse de celui de Jean Ricardou pour interroger les aspects qui font que Roussel résiste aux tentatives de récupération par le système littéraire au point que sa réception s'est déplacée vers le monde des arts plastiques. Il s'agira, en somme, de relever les lieux qui continuent de faire de Roussel un espace de choix pour des batailles théoriques entre des positions bien tranchées.

Bernardo SCHIAVETTA : Trouver l'impensé : invention de la forme, invention du sens
Depuis mes toutes premières lectures de Ricardou et jusqu'à aujourd'hui, je peux et je dois décrire ma position en tant qu'écrivain avec ces phrases à lui, celles qui dès 1973 m'ont permis de comprendre ce que j'avais commencé à faire (non pas à vouloir dire, à vouloir faire) : "loin de ce mythique personnage tout-puissant qui projetterait sur la feuille, avec un bonheur inégal, tel sens dont il aurait la propriété, l'écrivain est peut-être celui qui, par l'écriture, se lie si étrangement au langage, qu'il se trouve aussitôt immensément démuni et de soi et du sens (…) Il peut se lire et se relire: tel texte, irrécusablement de lui, c'est comme s'il avait été écrit par quelque autre" (Le Nouveau Roman, Seuil, 1973, p. 15). Toutefois, pendant cette longue période, il y a eu, entre mes pratiques d'écriture et l'évolution des idées de Ricardou, autant de coïncidences que d'écarts. Ces discordances et concordances, fécondes sur le plan de l'invention, seront le thème de mon exposé.

Rémi SCHULZ : Coïncidences ricardoliennes
Les noms des huit Lieux-dits de Ricardou ont été choisis afin que, disposés en ordre alphabétique, ils forment un carré dont la diagonale permet de lire le quatrième lieu, BELCROIX. Après coup, Ricardou s'est avisé qu'il y avait bien davantage dans sa grille que ce qu'il avait programmé. Il y a consacré diverses interventions, qui ont en partie nourri Le théâtre des métamorphoses. Après avoir fait le point sur ce qui est connu, je me propose de montrer qu'il y a bien davantage encore.

Venu tardivement à l'écriture, Rémi Schulz a publié un roman en 2000, ainsi que divers articles et nouvelles dans diverses revues. Découvrant Ricardou très récemment, il s'est avisé de multiples correspondances entre leurs écritures. Ce qui l'a conduit à achever un vieux projet, ricardolien sans le savoir, en ligne ici : novelroman1908.blogspot.com.

Sandra SIMMONS : La Marge Émerge
Lors de plusieurs séminaires de textique, à Cerisy, un travail collectif a pu faire évoluer une forme d'écriture nouvelle que j'ai mise en place et qui se nomme les "margelles". Jean Ricardou, qui a lui-même œuvré comme plasticien et s'est intéressé tout au long de ses travaux aux productions de divers artistes, a prêté aux "margelles" une grande attention et a fourni ses conseils, avisés par la textique, pour leur mise au point. À l'occasion de ce colloque, une transformation sera expérimentée dans l'étable, proche du château, qui accueille des expositions : il s'agit de rendre moins illisible, grâce à un dispositif signalétique, une déclivité du sol peu repérable pour les visiteurs qui risquent de s'y tordre la cheville ou de tomber. Du point de vue de la textique, cette intervention peut s'entendre comme une récriture qui à la fois devrait permettre de moins mal appréhender les caractéristiques du lieu et d'en perfectionner l'accès pour l'utilité de chacun.

Nicolas TIXIER : Un Ricardou édifiant
Jean Ricardou n'a pas fait qu'accueillir l'architecture et la question urbaine au sein des séminaires de Textique à Cerisy (2000 et 2001), il a participé directement à des réflexions urbaines sur au moins un projet, celui du développement Ouest du site de La Défense à Paris. À partir de quatre courriers, qui sont comme autant de contributions datant du début des années 90 adressées au Groupe de réflexion sur l'Ouest de la Grande Arche de La Défense, on regardera comment Jean Ricardou au sein de ce groupe a esquissé une application de la Textique aux questions de projet urbain.

Gilles TRONCHET : Matériaux pour la théorie
Jean Ricardou, durant les années 1970, s'est attaché notamment aux problèmes que pose l'opérativité d'une écriture obéissant à des réglages spécifiques : procédures et méthodes sont interrogées comme les ressorts d'un travail fondé sur le langage et sur les lettres dont les agencements sont aptes à générer de la représentation. La fabrique du texte, terme dont la portée n'était pas encore nettement précisée, est abordée comme le résultat d'un processus opératoire, dont les principaux ressorts se trouvent spécifiés grâce à des concepts. L'hypothèse sera faite qu'une telle recherche préludait à la nouvelle discipline que constitue la textique, théorie unifiante de l'écrit et des opérations d'écriture, à l'élaboration de laquelle Jean Ricardou a consacré l'essentiel de ses efforts des années 80 jusqu'à sa disparition, en 2016. S'efforçant avant tout d'éclairer les mécanismes et les structures de l'écrit, il a suspendu l'examen des opérations productrices. Il s'agira donc, d'une part, de manifester les liens entre l'édifice de la textique et la perspective antérieure, d'autre part, de montrer que celle-ci, fût-ce à l'état d'ébauche, offre à la théorie un matériau fécond, susceptible d'être intégré à la théorie d'ensemble qu'a initiée Jean Ricardou.

Enseignant la langue et la littérature latines à l'université de Nantes, Gilles Tronchet s'est aussi beaucoup intéressé à la théorie de l'écrit et des opérations d'écriture, la textique, initiée par Jean Ricardou. Il a publié en 2012 un ouvrage intitulé Aperçu de la textique et participe actuellement à un travail collectif pour l'édition posthume d'ouvrages de Jean Ricardou, avec notamment Intelligibilité structurale de la page, paru en 2018, et Salut aux quatre coins (Mallarmé à la loupe), à paraître en 2019.


SOUTIENS :

• Centre de recherche en littérature (LAMO, EA 4276) | Nantes Université
• Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité, XIXe-XXIe siècles (THALIM, UMR 7172)

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


RACONTER L'ENQUÊTE :

UNE FORME POUR LES RÉCITS DU XXIe SIÈCLE ?


DU LUNDI 22 JUILLET (19 H) AU LUNDI 29 JUILLET (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Christian CHELEBOURG, Dominique MEYER-BOLZINGER


ARGUMENT :

L'imaginaire et la forme de l'enquête semblent imprégner tous les récits d'aujourd'hui et on apprécie l'enquête pour son ambivalence : une structure linéaire et aisément reconnaissable, néanmoins ouverte à la dimension métanarrative, voire aux récits potentiels et aux fausses pistes, quand elle reste inachevée, puisqu'on raconte aussi bien les enquêtes qui n'aboutissent pas. La posture de l'enquêteur semble le dernier avatar héroïque, glissant du détective-lecteur au lecteur-détective, érigeant le détail holmésien ou le soupçon borgésien au rang de modèles méthodologiques, s'inscrivant sans difficulté dans une esthétique de la trace au cœur des préoccupations contemporaines. Dans cette perspective peuvent être évoqués les romans de Patrick Modiano, les récits de Michèle Audin et Philippe Artières, le théâtre de Wajdi Mouawad, les essais de Pierre Bayard et Ivan Jablonka.

Raconter l'enquête, plutôt que son seul résultat, signifie certes que la recherche importe autant que son aboutissement, mais l'exhibition de la fabrique incite aussi à reconsidérer la définition du récit, à en mettre certaines formes canoniques à distance, par la fragmentation par exemple, sans toutefois les abandonner entièrement.

Il s'agira d'identifier la présence de l'enquête dans les récits du XXIe siècle et d'en définir les fonctions, de mesurer combien la structure progressive-régressive est devenue une forme transgenre des récits d'aujourd'hui. La réflexion portera sur des récits fictifs ou factuels dans lesquels on reconnait une enquête, sans pour autant constituer des romans ou des films policiers. Elle s'ouvre non seulement à la littérature contemporaine, mais aussi au cinéma et à la BD, et encore aux récits construits par les sciences humaines, en particulier les disciplines dont la démarche repose sur l'interprétation de traces.

L'étude se focalisera sur ce que la forme de l'enquête apporte aux récits contemporains : une dynamique, liée au suspense et à l'indétermination du récit, qui facilite l'immersion dans la fiction, mais aussi l'occasion d'une distance liée à l'observation du lecteur-enquêteur. Mais l'examen pourra être élargi à la structure des récits et les représentations de la vérité, la posture de l'enquêteur et ses relations avec la voix narrative, l'inscription d'une réflexion méthodologique au sein même du récit.

Ce colloque, qui mènera donc une série d'enquêtes sur l'enquête, sera ouvert à tous les lecteurs-détectives, experts ou amateurs.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 22 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 23 juillet
Matin
Dominique MEYER-BOLZINGER : Raconter l'enquête : un art du portrait
Laurent DEMANZE : Un nouvel âge de l'enquête : formes et imaginaires contemporains

Après-midi
Aurélie BARJONET : L'ère du non-témoin : les enquêtes des "petits-enfants de la Shoah"
Guillaume LABRUDE : Les surprenantes vertus de l'ignorance : l'enquête au cœur des mondes vidéoludiques de Hidetaka Miyazaki
Michèle AUDIN : Écrire (avec) l'enquête : biographie, histoire, roman ?

Soirée
La Mer à Bord, conférence-rencontre avec le plasticien franco-viennois Hervé MASSARD [soirée commune avec le colloque en parallèle "La négation à l'œuvre dans les textes"]


Mercredi 24 juillet
Matin
Christian CHELEBOURG : "However Improbable" : la maïeutique de l'enquête à l'épreuve du surnaturel
Pierre-Frédéric CHARPENTIER : À la recherche de Valentin Feldman, locuteur inconnu d'un mot célèbre [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
Caroline KLENSCH : Once Upon A Time : enquête au pays des contes de fées
Gilles MENEGALDO : Modalités d'une enquête déconstruite : jeux narratifs et temporels et réflexivité dans Usual Suspects (Bryan Singer, 1995), The Ninth Gate (Roman Polanski, 1999) et Curse of the Jade Scorpion (Woody Allen, 2001)

Soirée
Rencontre-débat, avec l'écrivaine Michèle AUDIN [soirée commune avec le colloque en parallèle "La négation à l'œuvre dans les textes"]


Jeudi 25 juillet
Matin
Cécile LEGUY : Raconter l'enquête ethnographique aujourd'hui
Danièle MÉAUX : Enquêtes photographiques

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 26 juillet
Matin
Simone GROSSMAN : L'écrivain : inquisiteur ou coupable ? Portrait-type du criminel dans deux fictions de Pierre Lasry
Lauric GUILLAUD : Du gothique au néo-gothique, de la métaphysique à l'ésotérisme : continuité et ruptures des modalités de l'enquête dans le roman policier contemporain

Après-midi
Maryse PETIT : La dissolution du policier (romans de Sandrine Collette, Hervé Le Corre, Frank Bouysse)
Charlotte WADOUX : En lisant, en enquêtant : l'enquête intertextuelle dans les romans néo-Victoriens

Soirée
Film : Carré 35


Samedi 27 juillet
Matin
Béatrice LEHALLE : Carré 35 : enquête et secrets de famille sous le regard du psychanalyste
Jean-Paul MEYER : Enquête du fils, récit du père dans Maus, d'Art Spiegelman : le témoignage et son recueil en embrayage iconotextuel

Après-midi
Stéphanie BENSON : Tip Tongue : Enquêter pour apprendre
Maxime CORDELIER : Neutraliser la mort : l'ultime récit d'enquête du XXIe siècle

Soirée
Musique et danse [soirée commune avec le colloque en parallèle "La négation à l'œuvre dans les textes"]


Dimanche 28 juillet
Matin
Aurélie Lila PALAMA : "L'enquête est finie !". Énigme et aventure dans les romans de Pierre Bottero
Dennis TREDY : Comment séparer le vrai du faux ? L'explosion actuelle des séries documentaires True Crime et l'inter-perméabilité des faits réels et de la fiction

Après-midi
Sébastien BERTRAND : L'énigme impériale. Enquête sur Hirohito, empereur du Japon (1926-1989)
Pierre BAYARD : Introduction à la critique policière

Soirée
Lectures partagées [soirée commune avec le colloque en parallèle "La négation à l'œuvre dans les textes"]


Lundi 29 juillet
Matin
Écrire l'enquête ?, Michèle AUDIN interroge Stéphanie BENSON

Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SYLVAIN ALLEMAND :

"Un historien sur les pas de l’enquêteur", entretien avec Pascal ORY (participant au colloque) [en ligne sur le site de Paris-Saclay Le Média].


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Michèle AUDIN : Écrire (avec) l'enquête : biographie, histoire, roman ?
Narrateur ou enquêteur ? Détective ou historien ? Histoire ou roman ? Ce sont quelques-unes des questions que je me suis posées pour écrire… certains de mes livres — et dont j'aimerais parler avec les participants du colloque.

Bibliographie
Une vie brève, L'arbalète-Gallimard (2013), Folio 6048.
Cent vingt et un jours, L'arbalète-Gallimard (2014).
Mademoiselle Haas, L'arbalète-Gallimard (2016).
Comme une rivière bleue, L'arbalète-Gallimard (2017).
Oublier Clémence, L'arbalète-Gallimard (2018).

Aurélie BARJONET : À l'ère des non-témoins : les enquêtes des "petits-enfants de la Shoah"
Dans son essai bien connu de 1998, Annette Wieviorka distinguait trois temps pour décrire l'histoire de la mémoire de la Shoah. Le dernier était qualifié d'"ère du témoin". Aujourd'hui, les écrivains qui prennent la plume pour raconter cet événement sont quasi exclusivement des "non-témoins" (non-witnesses, G. Weissman). Bien conscients de représenter une "génération charnière" (hinge generation, D. Mendelsohn), les derniers à pouvoir encore rencontrer des témoins, les écrivains petits-enfants recourent souvent, pour leur narration, à l'enquête, notamment parce que cette forme leur permet d'exposer leur condition de non-témoins. Quand elles sont littéraires, les enquêtes peuvent aller au-delà de cette exposition, voire inclure la recréation pittoresque d'un monde disparu (J. S. Foer, A. Gutfreund), le recours à la poésie (M. Rubinstein) ou encore passer par le dessin et l'humour (J. Dres)… Elles donnent aussi souvent lieu à une réflexion sur le présent et sa violence (F. Humbert), sur l'écriture du passé (D. Mendelsohn, I. Jablonka) et, parfois, à une remise en cause des clichés du discours mémoriel (tels que la réparation du passé, cf. l'enquête de C. Schneck). En effet, l'enquête peut se faire transgressive et dénoncer une imposture (C. Royer) ou alors une gestion bien intentionnée mais défaillante du passé (N. Krug). On se penchera sur de nombreux textes littéraires d'écrivains internationaux, ainsi que sur des romans graphiques, qui figurent un enquêteur à la conquête de son héritage familial, afin de montrer tous les avantages de cette forme. L'on distinguera également des phénomènes d'influence, et de différences, d'un pays à l'autre.

Aurélie Barjonet est maître de conférences en Littérature comparée à l'université de Versailles, Saint-Quentin-en-Yvelines et directrice adjointe du Centre d'Histoire culturelle des sociétés contemporaines. En 2007, elle a soutenu une thèse sur Zola et en 2018 une HDR comportant un inédit intitulé Le Poids et l'attrait des passés non vécus. Les écrivains "petits-enfants de la Shoah" (garante : Catherine Coquio). Depuis 2016, elle co-édite la revue Mémoires en jeu avec Philippe Mesnard et Luba Jurgenson. En juin 2009, elle a coorganisé, avec Cyril Aslanov et Liran Razinsky, le premier colloque international sur "Les Bienveillantes à l'université hébraïque de Jérusalem".
Ouvrages
Aurélie Barjonet et Jean-Sébastien Macke (dir.), Lire Zola au XXIe siècle, Paris, Classiques Garnier, "Colloques de Cerisy - Littérature n°5", 2018, 470 p.
Aurélie Barjonet et Liran Razinsky (dir.), Writing the Holocaust Today : Critical Perspectives on Jonathan Littell's "The Kindly Ones", Amsterdam, Rodopi, Coll. "Faux titre (381)", 2012, 265 p.
Articles (sélection)
"Une troisième génération réparatrice ?", dans Helena Duffy (dir.), French Forum, n° spécial The Holocaust in French Literature 1997-2017, à paraître au printemps 2019.
"Générations d'après, générations relais ?", dans Philippe Mesnard (dir.), La Littérature testimoniale, ses enjeux génériques, SFLGC, collection "Poétiques comparatistes", Lucie éditions, 2017, p. 143-159.
"Le savoir de la troisième génération", Revue des sciences humaines, n°321, Wolfgang Asholt et Ursula Bähler (dir.), Le Savoir historique du roman contemporain, janvier-mars 2016, p. 101-116.
"Déconstruire et reconstruire son héritage pour mieux le revendiquer. Quand les petits-enfants réalisent des documentaires sur leur histoire familiale", Témoigner. Entre Histoire et Mémoire, n°121, 2015, p. 121-134.
"Les petits-enfants : une génération d'écrivains hantée", dans Ivan Jablonka (dir.), L'Enfant-Shoah, PUF, 2014, p. 219-235.

Pierre BAYARD : Introduction à la critique policière
La critique policière vise à mettre en doute ce que racontent les textes littéraires. Ainsi enquête-t-elle sur les dossiers criminels bâclés, sur la vie sexuelle cachée des personnages ou sur les cas mystérieux de disparition. Soupçonneuse de nature et reprenant à la paranoïa ses mécanismes de repérage des indices et de construction du sens, elle offre ainsi un terrain privilégié pour aider, de l'intérieur, à réfléchir sur les fake news et le complotisme.

Bibliographie
Qui a tué Roger Ackroyd ?, Minuit, 1998.
Enquête sur Hamlet, Minuit, 2002.
L'Affaire du chien des Baskerville, Minuit, 2008.
La Vérité sur "Dix petits nègres", Minuit, 2019.

Stéphanie BENSON : Tip Tongue : Enquêter pour apprendre
Depuis la naissance de la littérature de jeunesse proprement dite, au début du vingtième siècle, la structure de l'enquête a été souvent adoptée comme forme de prédilection (Enid Blyton). La narration devient alors un mystère à éclaircir ou un crime à résoudre où l'enquête diégétique épouse l'enquête menée par le lecteur pour déchiffrer et comprendre les enjeux. Tandis que le personnage mène l'enquête dans l'histoire, le lecteur émet ses propres hypothèses et apprend, de manière plus ou moins passive, des éléments de structure linguistique et de vocabulaire. Lorsque le projet de recherche qui a abouti à la création de la collection Tip Tongue (Éditions Syros) pour lire en langue étrangère était en phase d'élaboration, il a semblé logique de reprendre la structure de l'enquête afin de promouvoir le travail d'apprentissage du lecteur en langue étrangère. En travaillant la notion d'enquête de manière consciente, l'auteur du roman Tip Tongue engage le lecteur dans un travail d'hypothèse et de vérification de résultat pour résoudre non seulement un mystère diégétique mais également le fonctionnement de la langue étrangère.

Stéphanie Benson est Maître de conférences en anglais et didactique et écrivain, directrice depuis 2014 de la collection Tip Tongue aux Éditions Syros qui prend appui sur la structure de l'enquête en littérature jeunesse pour introduire progressivement dans la narration des romans, la langue étrangère.
stephaniebenson.org

Sébastien BERTRAND : L'énigme impériale. Enquête sur Hirohito, empereur du Japon (1926-1989)
L'une des figures historiques les plus emblématiques du XXe siècle constitue encore aujourd'hui un objet de fascination et de controverses. Au cours de son long règne, l'empereur Hirohito a vu son pays concentrer toutes les aventures d'un siècle d'excès : expansionnisme militariste, guerre mondiale, occupation étrangère, renaissance politique, "miracle économique" et conquête des marchés mondiaux. Souverain divin, "sacré et inviolable" à son avènement, Hirohito a accompagné ces mutations et semble même les incarner : depuis 1946, il n'est officiellement qu'un monarque aux pouvoirs limités, "symbole de l'État et de l'unité du peuple". Ce parcours et ce statut uniques dans l'histoire contemporaine en font apparemment un sujet de choix pour l'historien, dont la vocation première, à suivre Hérodote, serait d'enquêter. Mais les investigations sur Hirohito se heurtent à des difficultés inédites parmi les grands acteurs du XXe siècle : contextualisation complexe, spécificité culturelle, sources et témoignages contradictoires, découvertes régulières remettant en cause les précédentes, caractère impénétrable du système impérial japonais, etc. Sortir des enquêtes à charge ou à décharge semble difficile et arriver à des conclusions définitives, presque impossible. Après avoir présenté brièvement l'empereur Hirohito et les interrogations qu'il suscite pour les historiens, l'intervention mettra en lumière les différentes méthodes d'enquête, les difficultés rencontrées et, ainsi, le caractère résolument énigmatique du monarque dont l'empreinte historique est plus que jamais d'actualité, à l'heure où son petit-fils monte sur le trône du chrysanthème.

Sébastien Bertrand, professeur agrégé et docteur en histoire contemporaine, enseigne en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles aux Lycées Janson de Sailly (Paris XVIe) et Chaptal (Paris VIIIe). Ses travaux portent sur l'Asie orientale (Japon, Corée du Sud, monde chinois) et sur l'inscription des cultures de jeunesse dans l'histoire contemporaine. Il a participé à quatre colloques de Cerisy : "Walt Disney" (2011), "Littérature et culture de jeunesse : configuration des mœurs" (2013), "Secrets, complots, conspirations" (2016), "Les superhéros" (2018).
Publication
"Adolescence et mythologie : Saint Seiya, manga et anime éducatifs", in C. Chelebourg et F. Marcoin (dir.), Civiliser la jeunesse, Les Cahiers Robinson, n°38, Artois Presses Université, 2015.

Pierre-Frédéric CHARPENTIER : À la recherche de Valentin Feldman, locuteur inconnu d'un mot célèbre
Juif, communiste et résistant, le philosophe Valentin Feldman est mort fusillé le 27 juillet 1942 au mont Valérien, en lançant aux soldats du peloton d'exécution ce qui serait considéré comme le mot le plus célèbre de l'histoire de la Résistance : "Imbéciles, c'est pour vous que je meurs !…". Or, des décennies durant, ces huit mots constituèrent la seule trace de l'homme qui les avait prononcés. De là, l'idée (et le défi) de partir à la recherche de ce jeune fantôme, qui avait pourtant côtoyé de son vivant d'illustres contemporains ayant pour noms Claude Lévi-Strauss, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Victor Basch ou encore Gaston Bachelard. Longue et incertaine, cette quête devait emprunter plusieurs voies, celle des livres et celle des archives, mais également celle de la mémoire vive. Avec, à la clé des découvertes parfois inattendues — dont certaines menacèrent jusqu'à la viabilité même de l'entreprise… L'œuvre de Valentin Feldman se réduit à un bref essai didactique, L'Esthétique française contemporaine (Félix Alcan, 1936), tandis que l'on peut parcourir ses articles donnés à la Revue de synthèse sur bnf-gallica. Il fallut attendre sept décennies pour découvrir son Journal de guerre (1940-1941) (Farrago, 2006). Évoqué par de nombreux auteurs, le philosophe a aussi inspiré au cinéaste Jean-Luc Godard le sujet d'un court métrage, Le Dernier Mot (1988).

Pierre-Frédéric Charpentier enseigne dans le secondaire, ainsi qu'à l'université et à Sciences Po Toulouse. Chercheur en histoire, il consacre ses travaux à la Ve République (Le Troisième Homme. Histoire des grands perdants de l'élection présidentielle, 2017), ou à la musique populaire (Rock The Casbah. Le son de The Clash, 2015), mais surtout à l'histoire des idées (La Drôle de guerre des intellectuels français, 2008, puis Les Intellectuels français et la guerre d'Espagne, 2019).

Christian CHELEBOURG : "However Improbable" : la maïeutique de l'enquête à l'épreuve du surnaturel
On s'est habitué à ce que l'enquête serve à résoudre des énigmes. Le genre policier a très certainement contribué au prestige de ce dispositif narratif. Rien ne garantit néanmoins que la vérité soit au bout de l'enquête, pas plus que la victoire au bout du fusil. Nous nous attacherons à montrer que le récit inquisiteur est avant tout une rhétorique qui produit une conviction de vérité. C'est à ce titre qu'il est utilisé dans une série comme Ancient Aliens (2010-) et dans maints documentaires pseudo-historiques, tels ceux qui prolifèrent sur National Geographic. C'est à ce titre que Lee Strobel l'utilise pour "prouver" la Résurrection dans son récit apostolique The Case for Christ : A Journalist's Personal Investigation of the Evidence for Jesus (1998), adapté par Jon Gunn en 2018. Dans l'articulation maïeutique de la déduction et de l'induction, l'enquête est déductive, et comme telle elle subordonne l'observation aux hypothèses de l'enquêteur. La science, elle, exige le complément de la démarche inductive. La démarche intellectuelle inhérente à l'enquête et à son récit est moins démonstrative qu'auto-persuasive.

Maxime CORDELIER : Neutraliser la mort : l'ultime récit d'enquête du XXIe siècle
"La mort est une maladie, comme toutes les autres. On doit en guérir" dit le scientifique Tommy Creo après avoir échoué à éradiquer le cancer de sa défunte femme dans le film The Foutain de Darren Aronofsky. Alors que le courant transhumaniste offre à l'humanité l'espoir de transcender ses limites naturelles par les nanotechnologies et la cyborgisation, la perspective d'assister dans un avenir plus ou moins proche à la "mort de la mort", comme le formulerait volontiers le docteur Laurent Alexandre, paraît de moins en moins incongrue et, plus que jamais, un glissement s'opère dans la représentation que le monde occidental se fait de la mort et de son inéluctabilité. Avec l'affirmation de ce que Michel Foucault appelait les "biopouvoirs", la mort est devenue affaire d’État, santé et sécurité s'entremêlant. Si selon Georges Balandier "chaque société repose sur un pari d'immortalité", les dispositifs prolongeant l'espérance de vie médicalisent la mort qui de fait change de visage, si bien qu'aujourd'hui, d'après Louis-Vincent Thomas, "on ne meurt plus, on meurt seulement de quelque chose". Mobilisant désormais bien plus de médecins que de prêtres, la mort, autrefois prolongement de la vie, événement auquel le collectif se préparait, est devenu le strict contraire de la vie, une agression injuste envers l'individualité de chacun : "Déconstruite et désymbolisée, la mort est devenue une affaire strictement individuelle et se décline sous forme de droit, et même de choix" souligne la sociologue Céline Lafontaine dans La Société Post-Mortelle. La quête d'immortalité est donc désormais entre les mains de professionnels des technosciences qui, financés par de grandes institutions de notre monde contemporain tels la NASA ou Google, mènent avec acharnement une enquête les menant aux racines du mal : sénescence des cellules, dysfonctionnement du corps humain, reproduction et perpétuation de l'espèce… Médicalisée et technicisée, soumise aux process de la recherche scientifique, la quête d'immortalité s'apparente davantage à une enquête, avec ce qu'elle comporte comme tâtonnements, fausses pistes, macabres découvertes, sérendipité, et accompagnée bien entendu de cette conviction d'agir en faveur du bien commun et de la justice. Ces nouveaux enjeux de nos civilisations inspirent les cultures populaires qui, à travers de nombreux récits d'(en)quêtes vers l'immortalité, nous offrent, de par leur dimension prospective, beaucoup d'indices quant à l'émergence de nouveaux socles ontologiques sur lesquels l'individu contemporain repose ou peut être susceptible de reposer.

Laurent DEMANZE : Un nouvel âge de l'enquête : formes et imaginaires contemporains
L'"âge de l'enquête" : c'est la formule d'Émile Zola qui décrit là un XIXe siècle emporté par une fièvre d'investigations et de déchiffrements. Une formule d'actualité au XXIe siècle, au moment où s'ouvre un nouvel âge de l'enquête : les écrivains contemporains investissent à nouveaux frais le terrain social, à la croisée du reportage, des sciences sociales et du roman noir. C'est cette passion renouvelée du réel que je voudrais saisir ici, à travers les gestes de l'enquête. S'étonner, explorer, collecter, restituer, poursuivre, suspendre: cette liste ouverte d'opérations concrètes, de pratiques et d'expérimentations dessine le cheminement même de l'enquête. Elle dessine également les moments d'une dynamique, inlassable et inachevable, qu'empruntent aujourd'hui les écrivains pour élucider, nommer et raconter l'épaisseur du monde, en donnant voix aux vies silencieuses. Cette obsession de l'enquête, je la traque à mon tour depuis le XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, dans une littérature qui s'invente aux franges des disciplines — d'Emmanuel Carrère à Jean Rolin, d'Ivan Jablonka à Hélène Gaudy, d'Emmanuelle Pireyre à Patrick Modiano, de Philippe Artières à Kamel Daoud, de Philippe Vasset à Svetlana Alexievitch.

Laurent Demanze est professeur à l'université Grenoble Alpes. Ses travaux portent sur la littérature contemporaine à laquelle il a consacré de nombreux articles dans Critique, Les Temps modernes, Europe ou Études françaises. Il dirige la collection "Écritures contemporaines" aux éditions Garnier et a coordonné de nombreux collectifs, consacrés entre autres à Emmanuel Carrère, Pierre Michon ou Pierre Senges.
Publications
Encres orphelines : Pierre Bergounioux, Gérard Macé et Pierre Michon, José Corti, 2008.
Gérard Macé : l'invention de la mémoire, José Corti, 2009.
Les Fictions encyclopédiques de Gustave Flaubert à Pierre Senges, José Corti, 2015.
Un nouvel âge de l'enquête, José Corti, mai 2019.

Simone GROSSMAN : L'écrivain : inquisiteur ou coupable ? Portrait-type du criminel dans deux fictions de Pierre Lasry
Pierre Lasry, écrivain et cinéaste montréalais d'origine judéo-marocaine, met en scène des personnages juifs accusés de meurtre qui mènent l'enquête, mués en détectives pour trouver le vrai coupable et prouver leur innocence. Dans Don Juan et les moulins à vents (2008), un journaliste est soupçonné d'avoir tué une convertie. Dans L'homme qui n'avait rien à dire (2011), un écrivain est accusé de l'assassinat d'une jeune Québécoise. Toutefois le vrai mystère sur la mise en accusation d'innocents demeure irrésolu. L'enquête aboutit au vrai coupable, à savoir la culture du bouc émissaire légitimant la mise en accusation abusive des catégories sociales vulnérables, Juifs, Noirs, marginaux et autres. L'enquêteur, lui-même bouc émissaire, se fait le porte-parole des boucs émissaires de tous lieux et époques, par delà le Québec d'aujourd’hui où se situent les actions des romans de Lasry.

Simone Grossman est professeure de littérature française et québécoise à l'université Bar Ilan. La littérature québécoise contemporaine est son principal domaine de recherche. Elle a publié de nombreux articles sur la littérature contemporaine du Québec. Elle s'intéresse tout particulièrement aux écrivains juifs de Montréal.
Publications récentes
"Transculture et judéite dans Don Juan et les moulins à vent de Pierre Lasry", Canadian Jewish Studies, vol. 25, 2017, p.79-92.
"Lieu du crime : l'atelier du peintre", Vertu des contraires. Art, artiste, société (Patrick Lhot, Sous la dir.), Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2018, p.247-258.
"La photographie, rituel de la post-mémoire", revue-textimage.com, automne 2018.
"Des marranes au Québec ? Tensions identitaires et judéité dans Une Juive en Nouvelle-France de Pierre Lasry", Québec Studies, n°66, décembre 2018, p.121-136.

Lauric GUILLAUD : Du gothique au néo-gothique, de la métaphysique à l'ésotérisme : continuité et ruptures des modalités de l'enquête dans le roman policier contemporain
Les prolongements du gothique se font sentir au XIXe siècle et même au-delà. Par sa tendance à l'hybridité générique, le gothique ouvre sur d'autres genres comme le roman policier. Le vertige de la norme physique s'y confond avec celui du psychisme, les protagonistes subissant métamorphoses ou transferts. La notion même d'identité est questionnée dans ce jeu obscur de dédoublement qui sape les fondements de l'ontologie (Martin Faber : The Story of a Criminal de William Gilmore Simms). Les premières enquêtes de la littérature policière mêlent investigations policières, analyses psychiques et éléments irrationnels. Ce syncrétisme générique apparaîtra plus tard avec l'émergence des "détectives de l'étrange", l'enquête conventionnelle étant parasitée par un irrationnel typique de la fin du XIXe siècle. Il faudra attendre la fin du XXe siècle pour assister à la naissance du "polar ésotérique", qui réhabilite le fantastique et l'occultisme en confrontant les détectives au "retour des morts". Il s'agira ainsi d'étudier les modalités actuelles de l'enquête dans le roman "ésotérique", héritées de celles du gothique, aussi bien du point de vue narratif que thématique (quête / enquête).

Lauric Guillaud, professeur émérite de littérature et de civilisation américaines à l'université d'Angers, ancien directeur du CERLI, a publié nombre d'articles sur l'imaginaire anglo-saxon : les mondes perdus, les mythes américains, le gothique, le fantastique, les détectives de l’étrange, etc.
Principales publications
Lovecraft : une approche généalogique. De l'horreur au sacré, ODS, 2017.
Le polar ésotérique, sources, thèmes, interprétations (avec Philippe Marlin), ODS, 2016.
Le retour des morts. Imaginaire, science, verticalité, Éd. Rouge Profond, 2010.
La Terreur et le sacré : la nuit gothique américaine, Éd. Michel Houdiard, 2007.
Codirection d'ouvrages
Persistances gothiques dans la littérature et les arts de l'image, Colloque de Cerisy, Éd. Bragelonne, 2012.
Les détectives de l'étrange. Tome I : Domaine anglo-saxon, Colloque de Cerisy, Éd. Le Manuscrit, 2007.
Les détectives de l'étrange. Tome II : Domaine francophone et expansions diverses, Colloque de Cerisy, Éd. Le Manuscrit, 2007.

Caroline KLENSCH : Once Upon A Time : enquête au pays des contes de fées
La série américaine Once Upon A Time (2011-2018) réalisée par Edward Kitsis et Adam Horowitz pour ABC plonge le spectateur dans un petit village peuplé de personnages féeriques ayant oublié leur identité. Les sept saisons mettent en scène la quête identitaire, la découverte des héros et de leurs exploits, les mauvais sorts, vacillant entre le monde réel et le pays des contes. Le personnage du shérif se présente comme fil rouge à travers tous les périples, rassemblant les habitants de Storybrooke et dévoilant les secrets qui les entourent. Loin de se limiter à arrêter les "méchants", il guide plutôt la quête identitaire, le retour aux origines, l'acceptation de ses forces et faiblesses. Cette communication aura pour objectif d'interroger la figure du shérif comme démiurge et passeur, permettant d'établir le lien entre la fiction réaliste et l'imaginaire. De plus, elle s'intéressera à la dynamique de l'enquête comme moteur narratologique, réactivé de saison en saison. La quête identitaire, nécessaire par amnésie ou négation, est un autre leitmotiv symptomatique de ce XXIe siècle en quête de repères. Les contes figurent ainsi comme héritage rassurant, mais en besoin de renouvellement afin de pouvoir encore trouver leur place dans le paysage télévisuel actuel.

Guillaume LABRUDE : Les surprenantes vertus de l'ignorance : l'enquête au cœur des mondes vidéoludiques de Hidetaka Miyazaki
Depuis les années 1980 et la démocratisation du scénario au sein de la sphère vidéoludique, les jeux vidéo ont souvent proposé aux joueurs d'explorer des mondes créés de toutes pièces afin de comprendre leurs mécaniques et de s'en servir pour progresser en leur sein et ainsi dévoiler leurs secrets. Avec la trilogie Dark Souls et Bloodborne, le studio japonais From Software, sous la direction de Hidetaka Miyazaki, s'est donné pour signature de catapulter le public dans des mondes hostiles dont il ignore tout et dont il ne saura rien s'il se contente de suivre de manière linéaire la trame principale. En troquant son rôle de combattant pour celui d'explorateur, le joueur s'ouvre ainsi à la découverte d'une histoire qu'il ne connait pas et que l'œuvre ne lui propose pas frontalement de découvrir. Analyser des éléments de décors, des lignes de dialogues avec des personnages cachés dans les recoins les plus difficiles d'accès du monde dans lequel il évolue, des artéfacts disséminés çà et là sans aucune indication pour les trouver : les mondes vidéoludiques de Miyazaki sont un appel à l'enquête non pas pour finir le jeu de façon basique mais bien pour comprendre les origines de sa diégèse. Ainsi les productions From Software mettent-elles en avant un véritable questionnement : l'enquête n'est-elle pas, au fond, la véritable méthode narrative pour comprendre un monde vidéoludique ?

Guillaume Labrude termine sa thèse sur les représentations de la famille dans Batman et ses adaptations depuis 1939 sous la direction de Christian Chelebourg. Depuis 2016, il participe aux colloques de Cerisy sur l'imaginaire. Il a déjà communiqué sur les œuvres de Hidetaka Miyazaki : à l'université de Québec à Montréal avec Dark Souls et l'obscur cheminement vers le mythe : Nostalgie de l'Enfer, syncrétisme, hiérophanie et mise en scène ainsi qu'à Nancy lors du colloque H.P Lovecraft avec Remédiatisation de l'essence lovecraftienne : narration cognitive, affective et psychomotrice dans Bloodborne de Hidetaka Miyazaki. Il est également illustrateur et auteur de bandes dessinées pour la revue Fantasy Arts and Studies.

Cécile LEGUY : Raconter l'enquête ethnographique aujourd'hui
Si c'est par souci de scientificité que les anthropologues-ethnologues du début du XXe siècle se refusaient à mêler le récit de leurs enquêtes au compte rendu de leurs travaux, préférant raconter leurs aventures dans un ouvrage plus littéraire publié en parallèle, c'est aussi pour garantir à leurs recherches la rigueur et la justesse scientifique qu'aujourd’hui, les chercheurs empruntent une démarche réflexive les conduisant à expliciter les conditions dans lesquelles ils ont recueilli leurs données et mené leurs analyses. Cependant, que raconte-t-on vraiment d'une enquête ethnographique ? Le travail du chercheur sur le terrain ne se limite pas à observer des faits ou relever des anecdotes : pour mener une véritable enquête, il doit apprendre à interpréter des indices et utilise pour cela non seulement ses capacités d'analyse, mais aussi cette sorte d'intuition permise par la situation d'immersion qui met en scène l'ensemble du corps et ses différents langages et mène à des raisonnements qui relèvent le plus souvent de l'abduction, au sens peircien du terme. Ainsi, raconter l'enquête pour un ethnologue du XXIe siècle, ne serait pas seulement exposer la manière dont on a obtenu ses données mais bien plutôt relater ses propres cheminements cognitifs et corporels dans un contexte culturel et linguistique dont on a tout à apprendre.

Cécile Leguy est professeur d'anthropologie linguistique à l'université Sorbonne Nouvelle et mène ses recherches au sein du CNRS-Lacito (Langues et civilisations à tradition orale). Ses enquêtes ethnographiques portent sur les modalités de la communication et les arts de la parole en Afrique de l'Ouest. Elle est co-rédactrice en chef des Cahiers de Littérature Orale.

Béatrice LEHALLE : Carré 35 : enquête et secrets de famille sous le regard du psychanalyste
Carré 35, documentaire d'Éric Caravaca sorti en 2017, se présente comme un "film-enquête" sur un secret de famille. Différents thèmes s'y articulent autour de l'oubli et de la mémoire, de l'histoire intime en lien avec l'Histoire de l'exil et de la décolonisation. Notre regard de psychanalyste prendra en considération ces diverses strates, la tension entre temporalité historique et psychique, et la question de la représentation. Nous aborderons l'utilisation du documentaire en tant qu'outil d'enquête pour la levée des secrets de famille et la place qu'y figure le spectateur.

Psychiatre et psychanalyste (membre de la Société psychanalytique de Paris), Béatrice Lehalle s'est régulièrement intéressée à l'articulation entre l'art, l'écriture et la psychanalyse.
Publications
"Synthèse méthodologique de l'approche psychanalytique des arts plastiques", in Psychanalyse des arts de l'image, Colloque de Cerisy, Éditions Clancier-Guénaud, 1981 (réédition Hermann Éditeurs, 2012).
"Sérendipité et psychanalyse", in La Sérendipité, le hasard heureux, Colloque de Cerisy, Hermann Éditeurs, 2011.
"Ouvertures et résonances psychanalytiques actuelles de l'œuvre de Sylvie Germain", L'univers de Sylvie Germain, Colloque de Cerisy, PU de Caen, 2008.
"Sublimation et crise du milieu de la vie", Revue Française de Psychanalyse, 2005/5.
"Une psychanalyste en crèche : quel cadre ? quel processus ?", RFP, 2011/4.
"L'animal dans le Terrier de Kafka, ou l'ultime combat contre la mort", RFP, 2011/1.
"La Tombe du Plongeur. Une étude du crime dans L'Étranger de Camus", RFP, 2012/4.
Bibliographie
Œuvres complètes de Freud, PUF.
L'écorce et le noyau (N. Abraham et M. Torok), Flammarion.
La transmission psychique inconsciente (A. Ciccone), Dunod.
Les visiteurs du Moi (A. de Mijolla), Les Belles lettres.
Secrets de famille (S. Tisseron), Que sais-je ?
"Du secret", Nouvelle Revue de Psychanalyse, n°14, 1976.

Danièle MÉAUX : Enquêtes photographiques
Nombreux sont les photographes contemporains qui mettent en scène — dans des livres ou des installations — les enquêtes qu'ils ont menées sur le terrain. Loin d'une simple restitution des apparences, leurs œuvres donnent à partager une expérience tendue dans un effort de compréhension du monde; elles combinent éléments de documentation, interviews, récits de vie, images, croquis, prélèvements variés… s'articulant en une syntaxe élaborée, afin de conduire le spectateur à s'interroger lui-même sur le pan de réalité questionné. Ce sont plus précisément les dispositifs élaborés par ces photographes qui seront ici pris en considération : ils se présentent tout à la fois comme une forme renouvelée de mise en intrigue de l'enquête qui a été menée et comme une machinerie sophistiquée susceptible de mobiliser la curiosité du spectateur.

Spécialiste de la photographie contemporaine, Danièle Méaux est professeur des universités en esthétique et sciences de l'art.
Publications
La Photographie et le temps, PUP, 1997.
Voyages de photographes, PUSE, 2009.
Géo-photographies. Une approche renouvelée du territoire, Filigranes, 2015.
Enquêtes. Nouvelles formes de photographie documentaire, Filigranes, mars 2019.
Elle dirige la revue Focales.

Gilles MENEGALDO : Modalités d'une enquête déconstruite : jeux narratifs et temporels et réflexivité dans Usual Suspects (Bryan Singer, 1995), The Ninth Gate (Roman Polanski, 1999) et Curse of the Jade Scorpion (Woody Allen, 2001)
La forme de l'enquête a depuis longtemps été associée à différents genres littéraires, et pas seulement à la littérature policière. Nombreux sont les enquêteurs/enquêtrices dans le roman gothique anglais. Bien des récits fantastiques classiques et modernes ont recours à une structure d'enquête. Les Trois Imposteurs de Arthur Machen tout comme les contes de Sheridan le Fanu ou ceux de M. R James comportent un personnage d'enquêteur. Plusieurs récits de Lovecraft ("L'Appel de Cthulhu" par exemple) adoptent aussi ce dispositif narratif que l'on retrouve dans divers "polars ésotériques" contemporains. Au cinéma, nombreux sont les films, documentaires ou fiction, qui adoptent cette forme. Il s'agira ici d'analyser trois films appartenant à des genres différents et croisant aussi divers genres. Usual Suspects appartient clairement au genre policier, mais il subvertit les codes du film noir et propose une déconstruction jubilatoire de la forme de l'enquête, et du personnage de l'enquêteur qui à l'instar du spectateur est totalement manipulé par le narrateur criminel. The Ninth Gate adapte un roman de Perez-Reverte et associe étroitement les conventions du genre policier et celle du récit fantastique, proposant une intrigue complexe et de multiples fausses pistes pour le héros détective. Enfin, dans Curse of the Jade Scorpion, Woody Allen associe les codes du film noir et de la comédie romantique et le dispositif de l'enquête est largement subverti par ce mélange des genres. Ces trois films adoptent une posture clairement réflexive et comportent aussi une dimension de parodie et de pastiche.

Jean-Paul MEYER : Enquête du fils, récit du père dans Maus, d'Art Spiegelman : le témoignage et son recueil en embrayage iconotextuel
Maus, on le sait, est un roman graphique écrit et dessiné par Art Spiegelman, qui raconte les entretiens de l'auteur avec son père, Vladek, dans les derniers mois de sa vie. Partant des témoignages du vieil homme, survivant des camps d'extermination, l'œuvre raconte en textes et images la jeunesse de Vladek, son mariage avec Anja, puis la guerre et les camps. À travers le récit, c'est la destinée de la communauté juive qui est retracée, face à la montée du nazisme et à la shoah.
L'une des particularités de Maus est qu'il raconte deux histoires à la fois : celle d'Artie rendant visite à son père, celle du père se remémorant sa vie. Dans la BD, l'enchâssement des deux récits, typique des narrations de seconde main, prend un tour inhabituel. Le texte et l'image, embrayés ou non sur les deux plans de l'énonciation, produisent sur le récit du père un effet de perspective, au propre comme au figuré. Dans Maus, ce n’est pas seulement la parole de Vladek qui est mise en images, c'est tout le dispositif de captation et de réception de cette parole qui est mis en scène.

Bibliographie
Bardizbanian, A., 2015, "De la médiation à la médiatisation du témoignage : formes du trauma et de sa transmission dans Maus d'Art Spiegelman", Sillages critiques, n°19.
Haudot, J., 2009, "Bande dessinée et témoignage : la mise en récit de la Shoah", Hermès, n°54, 155-160.
Heinich, N., 1998, "Le témoignage, entre autobiographie et roman : la place de la fiction dans les récits de déportation", Mots, n°56, 33-49.
McGlothlin, E., 2003, "No Time like the Present : Narrative and Time in Art Spiegelman's Maus", Narrative, n°11 (2), 177-198.
Ribière, M., 2001, "Maus. A Survivor’s Tale by Art Spiegelman : a second-hand narrative in comic-book form", in Ribière M. & Baetens, J. (dir.), Time, Narrative and the Fixed Image / Temps, narration et image fixe (p. 131-143), Amsterdam/Atlanta, Rodopi.

Jean-Paul Meyer est enseignant-chercheur à l'université de Strasbourg, où il enseigne la linguistique et la didactique du français. Ses travaux portent sur les formes et les domaines de la littéracie, notamment la littéracie visuelle. Il a publié sur les relations texte-image dans la bande dessinée, le roman illustré, l'image didactique, etc. Depuis quelque temps, il se consacre plus spécialement à la question des adaptations d'œuvres littéraires en bande dessinée, qu'il étudie dans une perspective sémantique et sémiotique.
Cinq articles récents de Jean-Paul Meyer (autour du thème)
Meyer, J.-P., "Diffraction de l'image narrative : Sherlock Holmes dans le vitrail", in Machinal, H., Menegaldo, G., Naugrette, J.-P. (dir.), Sherlock Holmes, un nouveau limier pour le XXIe siècle, PU de Rennes, 2016, Colloque de Cerisy, 273-287.
Arena, D. B., Arena-Pastorello, A., Meyer J.-P., "Gestes pour écrire et lire à l'heure des appareils numériques", Revue de Recherches en Littératie Médiatique Multimodale, vol. 3, 2016 [en ligne].
Meyer, J.-P., "Les aventures de Blueberry en BD : Une sémiographie du western", in Menegaldo, G., Guillaud, L. (dir.), Le western et les mythes de l'Ouest, PU de Rennes, 2015, Colloque de Cerisy, 532-546.
Meyer, J.-P., "Aspects idéographiques de l'écriture enfantine. L'empreinte du corps dans le signifiant graphique", in Abel, F., Delbraccio, M., Petit, M. (dir.), Écriture(s) et psychanalyse : quels récits ?, Hermann Éditeurs, 2015, Colloque de Cerisy, 79-96.
Meyer, J.-P., "Pour une littéracie visuelle", Spirale, n°53, 2014, 133-144 [en ligne].

Dominique MEYER-BOLZINGER : Raconter l'enquête : un art du portrait
Que s'est-il passé entre la naissance du roman policier à la fin du XIXe siècle et ce début de XXIe où l'on constate l'omniprésence du récit d'enquête ? La diffusion du récit d'enquête hors du roman policier est liée aux transformations du genre et à sa progressive légitimation, dans lesquelles Simenon et Modiano jouent un rôle qu'il faut souligner. Ce transfert de la structure narrative de l'enquête, qui permet l'inscription de la narration dans le récit, provoque aussi une mutation du récit d'enquête, récit d'intrigue s'il en est, en art du portrait, en équilibre parfois instable entre unification et fragmentation.

Corpus provisoire
Artières Philippe, Vie et mort de Paul Gény, 2013.
Audin Michèle, Une vie brève, 2013.
Boltanski Christophe, Le Guetteur, 2018.
Bosc Adrien, Constellation, 2014.
Modiano Patrick, Rue des Boutiques Obscures, 1978.
Modiano Patrick, Dora Bruder, 1997.
Simenon Georges, Maigret et la jeune morte, 1954.

Dominique Meyer-Bolzinger est maîtresse de conférences à l'université de Haute-Alsace (Mulhouse). Spécialiste de l'enquête, elle s'intéresse tout particulièrement aux méthodes d'investigation fictive, à l'imaginaire de l'enquête et aux transferts du roman policier vers la littérature. Elle est l'auteure de plusieurs articles sur ces questions, en particulier sur les traces du roman policier dans l'œuvre de Patrick Modiano.
Publications
Meyer-Bolzinger Dominique, "Scène et piste : spatialité du récit d'enquête", in Y. Calbérac, R. Ludot-Vlasak, Textualités et spatialités, Savoirs en prisme, n°8, 2018.
Meyer-Bolzinger Dominique, "Raconter l'enquête / raconter l'histoire : la scène finale des romans policiers", in Dialogues Mulhousiens, n°3, Intervention(s), Journées Doctorales des Humanités 2018, sous la direction d'Inkar Kuramayeva et Régine Battiston, janvier 2019, p. 217-225 [en ligne].
Meyer-Bolzinger Dominique, La méthode de Sherlock Holmes, de la clinique à la critique, Campagne Première, 2012.
Meyer-Bolzinger Dominique, "L'écriture policière de Modiano, ou l'enquête en suspens", in Gilles Menegaldo, Maryse Petit (dir.), Manières de noir. La fiction policière contemporaine, Colloque de Cerisy, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 265-277.
Meyer-Bolzinger, Dominique, "Investigation et remémoration : l'inabouti de l'enquête chez Patrick Modiano", in C. Reggiani, B. Magné (dir.), Écrire l'énigme, Presses universitaires de Paris Sorbonne, 2007, p. 231-239.

Aurélie Lila PALAMA : "L'enquête est finie !". Énigme et aventure dans les romans de Pierre Bottero
L'enquête, dans les romans de Pierre Bottero, apparaît comme un marqueur générique du réalisme. Elle apparaît dans les romans du quotidien plus que dans les œuvres de fantasy ; mais c'est surtout dans les fictions mixtes, celles qui jouent sur l'articulation du naturel et du surnaturel, qu'elle prend tout son sens. Si l'on n'apprend guère à quel moment commencent les enquêtes qui s'y trouvent mentionnées, leur fin marque le basculement des héros dans l'aventure et s'accompagne pour eux d'une prise de conscience de leur singularité, de leur mission. À la phase d'enquête, parsemée de simples mésaventures, succèdent la quête et l'aventure véritable, impliquant un risque de mort, conformément à la définition de Jean-Yves Tadié. L'enquête, dans ce contexte, apparaît comme une forme dévaluée de l'aventure, un genre frappé au sceau de la clôture, incompatible avec l'imaginaire ouvert d'un auteur toujours enclin à ouvrir de nouvelles portes sur de nouveaux mondes de fiction.

Maryse PETIT : La dissolution du policier (romans de Sandrine Collette, Hervé Le Corre, Frank Bouysse)
Des auteurs contemporains français sont publiés, chroniqués, commentés sous la catégorie désormais reconnue de "polar". De leurs romans, le lecteur attend la découverte, puis la résolution d'un (ou de plusieurs) crime(s), au long d'un parcours semé d'indices, de suppositions, de pistes, vraies ou fausses, guidé par la figure tutélaire d'un enquêteur, qui, policier ou pas, s'empare de la posture et de l'affaire et est en responsabilité de la mener à bien. Tel est le schéma de base de l'"enquête", qu'elle soit menée dans un milieu policier, médical, journalistique, et décrite dans une publication journalistique, romanesque ou policière. Pourtant, certains auteurs de "polars" semblent désormais s'écarter de ce schéma, en en brouillant les lignes : rôles traditionnels (victime, coupable, entourage touché…) disséminés entre plusieurs personnages, absence d'enquêteur, crime longtemps inconnu, résolution tronquée… Le devenir de la structure d'enquête, largement répandue désormais dans d'autres genres littéraires, serait-il justement de disparaître de son terrain d'origine ? Ou d'évoluer de telle sorte que se pose la question de l'identification : qu'est-ce qui ferait alors la spécificité du polar comme genre ?

Maryse Petit, maître de conférences honoraire de l'université de Lille, membre associé du laboratoire Cecille, a depuis quelques années centré son travail de recherche sur le statut et les codes du roman policier. Elle a, à cet égard, co-dirigé deux colloques de Cerisy : La fiction policière aujourd'hui (2007) et Le goût du noir (2013).

Dennis TREDY : Comment séparer le vrai du faux ? L'explosion actuelle des séries documentaires True Crime et l'inter-perméabilité des faits réels et de la fiction
La fascination du public anglo-saxon pour les "vrais" témoignages de criminels et pour l'exposition détaillée des crimes les plus crapuleux ne date pas d'hier. On peut citer le succès des "rogue biographies" au début du XVIIIe siècle, phénomène ayant engendré les premiers romans en anglais, ou bien l'attrait des "penny dreadfuls" à la fin du XIXe siècle. Cela dit, le roman true crime tel qu'on l'entend aujourd'hui a percé il y a 50 ans aux États-Unis, notamment avec De sang froid de Truman Capote (1966) et surtout avec Helter Skelter de Vincent Bugliosi (1974), ce dernier étant lui-même le procureur dans le procès de Charles Manson, sujet du récit. À la télévision, par contre, les docu-séries racontant de vrais crimes et réelles enquêtes n'avaient pas trop la côte auprès des téléspectateurs, n'étant presque exclusivement que des émissions bon marché et d'un sensationnalisme grossier, reléguées à de petites chaînes dédiées et à une diffusion en heures creuses sur les autres chaînes. Comment expliquer alors la véritable explosion actuelle des séries true crime, certaines de grande qualité, à la télévision américaine, avec par exemple la diffusion de plus d'une trentaine de docu-séries criminelles différentes en 2018 ? Une explosion de true crime déclenchée vraisemblablement en 2015 par le succès inattendu de Making a Murderer, une docu-série marquante qui a mis sérieusement en doute l'inculpation des deux hommes incarcérés depuis 2007 pour le meurtre d'une jeune photographe, Teresa Halbach. Cette communication, en plus d'expliquer ce phénomène, cherche à décortiquer les manières dont ces "enquêtes d'enquêtes" sont menées, leur sérialité remaniée et les formules employées, qui mélangent vérité et fiction, témoignages et déductions, images d'archives et reconstitutions par des acteurs. Comment et pourquoi ce genre télévisuel mal-aimé est-il devenu soudainement l'un des genres de séries les plus populaires ? Nous ouvrons notre enquête…

Dennis Tredy est maître de conférences en littérature américaine à l'université de Paris III - Sorbonne Nouvelle et co-fondateur de la Société Européenne des Études Jamesiennes (ESJS). Il a publié trois volumes sur James, Reading Henry James in the Twenty-First Century (2019), Henry James and the Poetics of Duplicity (2013) et Henry James's Europe : Heritage and Transfer (2011), ainsi que de nombreux articles sur James et d'autres auteurs américains. Il a également publié des études sur l'adaptation filmique des romans américains, ainsi que des études sur la série télévisée américaine, notamment sur la sitcom et sur l'adaptation des émissions radio au milieu du XXe siècle, et sur la représentation des minorités et de la contreculture dans les années 1950, 1960 et 1970.

Charlotte WADOUX : En lisant, en enquêtant : l'enquête intertextuelle dans les romans néo-Victoriens
On dit souvent du roman néo-Victorien que sa structure repose sur un mouvement double: récit rétrospectif se tournant vers le dix-neuvième siècle, il n'en reste pas moins critique quant à la société contemporaine d'où il émerge. Les critiques du genre, telles Rosario Arias et Patricia Pulham s'accordent pour dire que la trace, considérée comme présence d'une absence, est le paradigme qui définit ces romans. On voit bien dans cette structure double, la structure du roman policier telle que définie par Todorov et, dans le paradigme de la trace, nous retrouvons le signe d'une littérature indiciaire. On verra également que les réécritures d'œuvres inachevées, telles Le Mystère d'Edwin Drood (1870) de Charles Dickens, constituent de véritables "textes parallèles", pour reprendre l'expression de Fabienne Soldini: "l'auteur contemporain est lui-même lecteur, écrivant une solution possible du mystère". Il s'agira donc de voir comment les romans néo-Victoriens, dans leur rapport intertextuel au passé, s'approprient la structure policière et font de leur lecteur, un lecteur-détective des pistes intertextuelles. Nous verrons que cette démarche dynamise la réécriture qui devient moyen de médiation entre le lecteur contemporain et la littérature victorienne.

Charlotte Wadoux est doctorante à l'université Sorbonne Nouvelle Paris 3 et à l'université de Kent à Canterbury. Sa recherche porte sur la fiction néo-Victorienne, en particulier, les réécritures des romans de Charles Dickens. Sa thèse envisage ces réécritures sous l'angle du mode de la détection. La réécriture inviterait donc le lecteur à "jouer les détectives". Elle a publié l'article "Dickens and his Doppelgangers : Playing Detective in Neo-Victorian Fiction" dans le journal Litterae Mentis [en ligne].
Bibliographie
ARIAS, Rosario, "Traces and Vestiges of the Victorian Past in contemporary Fiction", in Neo-Victorian Literature and Culture : Immersions and Revisitations, Nadine Boehm-Schnitker and Susanne Gruss (eds.), New York; London, Routldege, 2014, pp. 111-122.
ARIAS, Rosario et Patricia Pulham (eds), Haunting and Spectrality in Neo-Victorian Fiction : Posessing the Past, New York, Palgrave Macmillan, 2010.
HEILMANN, Ann et Mark Llewellyn, Neo-Victorianism : The Victorians in the twenty-first century 1999-2009, New-York, Palgrave Macmillan, 2010.
TODOROV, Tzvetan, Poétique de la prose choix, suivi de Nouvelles recherches sur le récit, Paris, Seuil, 1978.
SOLDINI, Fabienne, "La lecture de romans policiers : une activité cognitive", Langage & société, vol. 76, 1996, pp. 75-103.


SOUTIENS :

• Laboratoire Littératures, imaginaire, sociétés (Lis) | Université de Lorraine
• Institut de recherche en langues et littératures européennes (ILLE) | Université de Haute-Alsace (UHA)

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


LA NÉGATION À L'ŒUVRE DANS LES TEXTES


DU LUNDI 22 JUILLET (19 H) AU LUNDI 29 JUILLET (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Agnès FONTVIEILLE-CORDANI, Nicolas LAURENT


ARGUMENT :

Comment la négation opère-t-elle dans les textes littéraires ? La négation, qui traverse toutes les disciplines des sciences humaines, a donné lieu à des travaux considérables en logique, en philosophie, en psychanalyse ou en linguistique. Mais son fonctionnement dans les œuvres n'a pas encore fait l'objet d'une approche stylistique générale tant les mots grammaticaux — plus instructionnels que conceptuels — peuvent passer inaperçus. L'objet du présent colloque est d'examiner le "travail" en contexte des formes négatives, dans le sillon desquelles seront aussi considérés la négation lexicale et ce qui relève, plus largement, de la négation sémantique, voire de la "négativité".

Par sa visée discursive, la négation est au cœur des genres argumentatifs. Quels jeux propres au dialogue et au(x) dialogisme(s) peut-on observer dans le théâtre, dans l'essai, mais aussi dans d'autres genres non immédiatement interactionnels ? Par ailleurs, la négation est le ressort essentiel de nombreuses figures : comment fonctionnent-elles en contexte ? Et de quelle manière la négation interagit-elle avec les autres figures ? Comment, enfin, envisager la contrepartie référentielle de la négation, sa puissance de représentation ? Comment, entre dit et non-dit, les mots négatifs posent-ils la question des limites du langage lorsqu'ils servent paradoxalement à dire ce qui n'est pas — selon les ontologies diversifiées de l'absence, de l'inexistence, du néant ?

Ouverte à tous, cette rencontre offrira un grand moment d'échange et de débat entre stylisticiens de tous horizons, spécialistes de genres et de siècles différents (XVIe-XXIe). Une exposition du plasticien franco-viennois Hervé Massard sera organisée dans les lieux, et offrira l'occasion d'un échange avec l'artiste.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 22 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 23 juillet
Matin
Agnès FONTVIEILLE-CORDANI & Nicolas LAURENT : Introduction

Après-midi
Claude MULLER : Le rôle de la négation dans quelques récits et textes à présentation autobiographique
Philippe WAHL : Poétiques négatives. Beckett en diachronie

Soirée
La Mer à bord, conférence-rencontre avec le plasticien franco-viennois Hervé MASSARD [soirée commune avec le colloque en parallèle Raconter l'enquête : une forme pour les récits du XXIe siècle ?]


Mercredi 24 juillet
Matin
Isabelle SERÇA : Nier, est-ce contredire ou dire l'absence ?
Fabienne BOISSIERAS : Mouvements involontaires et renversements spectaculaires : les opérations négatives dans les comédies de Marivaux

Après-midi
Lucile GAUDIN-BORDES : "Elle n'avait rien à voir, aussi bien était-elle…", négation et étalement discursif dans Un été de glycine de Michèle Desbordes
Sandrine VAUDREY-LUIGI : La textualité négative de Réparer les vivants de Maylis de Kerangal

Soirée
Rencontre-débat, avec l'écrivaine Michèle AUDIN [soirée commune avec le colloque en parallèle Raconter l'enquête : une forme pour les récits du XXIe siècle ?]


Jeudi 25 juillet
"HORS LES MURS"
Expédition sur les îles Chausey


Vendredi 26 juillet
Matin
Sophie MILCENT-LAWSON : Romances sans paroles et sourire sans chat. Négation et reconfiguration du sens dans les syntagmes de type N1 sans N2
Claire BADIOU-MONFERRAN : Coordination négative : le moment "classique"

Après-midi
Roselyne de VILLENEUVE : D'un Cid à l'autre : négation et "tragédisation"
Suzanne DUVAL : Négation et bien-dire épistolaire à l'époque baroque


Samedi 27 juillet
Matin
Marc BONHOMME : Modalités et fonctions de la négation dans l'interrogation rhétorique. L'exemple des Fables de La Fontaine
Emily LOMBARDERO : Aimer ou ne pas haïr : la litote en question dans les nouvelles historiques et galantes [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
Denis VIGIER : La querelle des forces vives dans L'Encyclopédie au prisme de la négation
Romain BENINI : La négation dans l'écriture métrique : quels enjeux ?

Soirée
Musique et danse [soirée commune avec le colloque en parallèle Raconter l'enquête : une forme pour les récits du XXIe siècle ?]


Dimanche 28 juillet
Matin
Stéphanie THONNERIEUX : Négation et poésie du deuil : les morts (ne) sont plus que des mots
Sibylle ORLANDI : La négation chemin faisant : poésie et via negativa au XXe siècle

Après-midi
Sémir BADIR & Thomas FRANCK : Rhétoriques de la négation dans l'œuvre de Roland Barthes : de la démystification au neutre
Ilias YOCARIS : "Ne pensez pas que je cherche à vous convaincre de quoi que ce soit" : réfutation, polyphonie et (dé)négation dans Les Bienveillantes

Soirée
Lectures partagées [soirée commune avec le colloque en parallèle Raconter l'enquête : une forme pour les récits du XXIe siècle ?]


Lundi 29 juillet
Matin
Christelle REGGIANI : La négation du voyage

Prolongements, avec Marie-Christine LALA et Claude MULLER

Lecture, par Hervé MASSARD

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Claire BADIOU-MONFERRAN : Coordination négative : le moment "classique"
La réflexion portera sur le coordonnant négatif en n- (ne, ni, ny). Elle montrera à son sujet par quelles procédures et sous quelles conditions le français classique (au sens large, conduisant du second tiers du XVIIe siècle au troisième quart du XVIIIe siècle), "réanalyse" en faits de style des phénomènes participant jusqu'ici des faits de langue. Seront notamment étudiés :
(1) le réemploi "polyphonique" et "réfutatoire" du coordonnant négatif en "atmosphère non pleinement positive" — notamment, dans les propositions interrogatives et les systèmes comparatifs de modalité positive;
(2) le réemploi quasi "figural" (figures d'emphase : amplification, hyperboles…) du coordonnant en n- dans certains contextes "pleinement négatifs" — celui de la négation à trois termes [Ni / (Ni…ni)…ne…pas], ou encore celui des négations à deux termes (adverbe ne et coordonnant négatif) combinant, de manière presque inédite dans l'histoire au long cours du français, ni poly-syndétique et adverbe de surenchère, suivant le format [ni X ni même Y];
(3) la reconfiguration "scalaire" de l'opposition ni vs ni…ni — le coordonnant simple servant un principe de "hiérarchie dans l'équivalence" et la négation polysyndétique venant neutraliser ce principe.
Succédant au moment "logique" (français médiéval et préclassique) de la coordination négative, et précédant à son moment "grammatical" (français moderne et contemporain), le français classique en constitue le grand tournant "argumentatif". Cet infléchissement pragmatique, qui, toute proportion gardée, fut assez largement exploité et recyclé par la stylistique de genre et la stylistique d'auteur contemporaines, invite à ouvrir encore davantage les définitions du style à leur composante historique: celle du "style d'époque".

Claire Badiou-Monferran est professeur de langue et stylistique à l'université de Lorraine. Spécialiste de linguistique diachronique et de stylistique historique, ses travaux de recherche portent principalement sur le français classique. Elle est notamment la coordinatrice d'un numéro collectif sur "la négation en français classique" (revue Le français moderne, 2004, n°143).
Bibliographie
Antoine, G. (1958-1962), La coordination en français, Paris, d’Artrey.
Badiou-Monferran, C. (2000), Les conjonctions de coordination, ou "l'art de lier ses pensées" chez La Bruyère, Paris, Champion.
Badiou-Monferran, C. (2002), "Coordonner : (qu') est-ce (qu') ajouter ?", in J. Authier-Revuz & M.-C. Lala (éds), Figures d'ajout. Phrase, texte, écriture, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, p. 97-110.
Badiou-Monferran, C. (2003), "Représentations du français classique dans les grammaires modernes : l'exemple de la coordination négative par ni", XVIIe siècle et modernité, dir. Hélène Merlin-Kajman, XVIIe siècle, n°223, p. 237-249.
Badiou-Monferran, C. (Dir.) (2004), La négation en français classique, Langue française, n°143.
Badiou-Monferran, C. (2004), "Négation et coordination en français classique : le morphème ni dans tous ses états", Langue française, n°143, p. 69-92.
Badiou-Monferran, C. (2005), "Psychomécanique et évolution de signifiant : le cas du coordonnant négatif à l'aube du français moderne", Langue française, n°147, p. 84-97.
Badiou-Monferran, C. (2006), "Cohérence et cohésion en français classique : l'exemple de l'opposition "ne / ni […] aussi" vs "ne / ni non plus"", in F. Calas (dir.), Actes du colloque des 17-19 février 2005, "Cohérence et Discours", Paris, Presses universitaires de la Sorbonne, coll. "Études linguistiques", p. 229-240.
Badiou-Monferran, C. (à par.), "Sémantique des coordonnants et, ou, ni", in C. Marchello-Nizia, B. Combettes, S. Prévost & T. Scheer (éds), Grande Grammaire Historique du français, chap. 41.3, Berlin, De Gruyter.
Jaubert, A. (2013), "Littérarité, style et décalage pragmatique", in C. Badiou-Monferran (éd.), La Littérarité des belles-lettres : un défi pour les sciences du texte ?, Paris, Classiques Garnier, p. 225-239.
Laurent, N. (2013), "Du discours à l'œuvre", in C. Badiou-Monferran (éd.), La Littérarité des belles-lettres : un défi pour les sciences du texte ?, Paris, Classiques Garnier, p. 197-211.
Vaugelas, C., F. de ([1647], 2009. Éd. Z. Marzys), Remarques sur la langue française, Genève, Droz.

Sémir BADIR & Thomas FRANCK : Rhétoriques de la négation dans l'œuvre de Roland Barthes : de la démystification au neutre
La pensée de Roland Barthes s'est durablement portée sur la négation. Elle en a exploré divers aspects, parmi lesquels : la critique ni-ni, la démystification de la doxa dans les Mythologies, la dénégation, l'exemption de sens dans Sade, Fourrier, Loyola, l'énonciation impossible dans une analyse du conte d'E. A. Poe "La vérité sur le cas de M. Valdemar", le manque dans Fragments du discours amoureux, enfin le neutre dans le cours dédié à ce thème, neutre qu'il prend soin de distinguer du "ni… ni…" en en faisant un principe actif (quoique négatif). Or Roland Barthes n'est sans doute pas un penseur comme d'autres; il se voyait comme un penseur de phrases ou, pour le dire plus simplement, comme un écrivain essayiste. Dans cette communication, nous voudrions examiner comment cette pensée a pu s'imprégner dans une écriture et s'exprimer dans des singularités rhétoriques, énonciatives et syntaxiques. Barthes cherchait en effet une nouvelle façon d'écrire, en particulier une façon d'écrire dans le genre de l'essai qui se déroberait à la rhétorique classique de l'argumentation, considérée comme trop antagonique. Nous suivrons cette recherche au fil des œuvres, en prenant à témoin l'usage des diverses formes d'expression de la négativité qui s'y manifeste.

Références bibliographiques
Roland Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1957.
Roland Barthes, Sade, Fourrier, Loyola, Paris, Seuil, 1971.
Roland Barthes, "Analyse textuelle d'un conte d'Edgar Poe", in C. Chabrol, Sémiotique narrative et textuelle, Paris, Larousse, 1973.
Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux, Paris, Seuil, 1977.
Roland Barthes, Le Neutre. Cours au Collège de France 1977-1978, Paris, Seuil-IMEC, 2002.
Bernard Comment, Roland Barthes, vers le neutre, Paris, Bourgois, 1991.
Daniel Fischlin (ed.), Negation, Critical Theory, and Postmodern Textuality, Dordrecht, Springer, 1994.
Michèle Gendreau-Massaloux, "La déliaison", Parcours de Barthes. Communications, 63, 1996, pp. 185-192.
Irène Langlet, "Inactualités des Mythologies ?", in M. Macé et A. Gefen (dir.), Barthes, au lieu du roman, Paris, Desjonquères-Nota Bene, 2002, p. 127-132.
Anne Longuet Marx, "Des paradoxes du neutre", Parcours de Barthes. Communications, 63, 1996, pp. 175-184.
Mathieu Messager, ""Par elle me vient une existence dramatique" : Roland Barthes et la grammaire", Revue Roland Barthes, 1, 2014 [en ligne].
Claude Stéphane Perrin, Le neutre et la pensée, Paris, L'Harmattan, "Ouverture philosophique", 2009.
Victor J. Vitanza, Negation, Subjectivity, and The History of Rhetoric, Suny Press, 1996.

Sémir Badir est maître de recherches du Fonds de la Recherche Scientifique-FNRS à l'université de Liège. Ses intérêts de recherche visent les aspects épistémologiques des théories linguistiques et sémiotiques, qu'il développe notamment dans le collectif Lttr 13, ainsi que les modèles conceptuels appliqués aux formes artistiques. Il a co-dirigé une vingtaine d’ouvrages et numéros de revue (Protée, Semen, Semiotica, Visible…), parmi lesquels, parus en 2017, Pratiques émergentes et pensée du médium (avec François Provenzano) et L'image peut-elle nier ? (avec Maria Giulia Dondero). Il est co-responsable de plusieurs projets internationaux de recherche (avec Waldir Beividas, convention WBI-CAPES 2011-2013; avec Nicolas Couégnas, Driss Ablali et Érik Bertin, projet ANR 2014-2017).
Publications
Hjelmslev, Belles-Lettres, 2000.
Saussure. La langue et sa représentation, L'Harmattan, 2001.
Épistémologie sémiotique. La théorie du langage de Louis Hjelmslev, Honoré Champion, 2014.

Thomas Franck est doctorant en philosophie politique et en rhétorique à l'université de Liège et prépare une thèse de doctorat sur la réception de Theodor Adorno dans les revues françaises, et plus précisément dans Arguments et Communications.
Publications
Lecture philosophique du discours romanesque, Lambert-Lucas, 2017.
À codirigé le 12e numéro des Cahiers du GRM intitulé "Matérialités et actualité de la forme revue".

Romain BENINI : La négation dans l'écriture métrique : quels enjeux ?
La négation, avec les contraintes syntaxiques et prosodiques qu'elle suppose, permet de faire émerger plusieurs éléments complexes de la structuration du vers classique. D'un point de vue général, il s'agira de cerner les éléments en question et d'observer ce que la place de la négation dans les vers nous dit de la concordance et de son évolution : comment les différents mots et morphèmes négatifs mettent-ils au jour les spécificités de la langue des vers ? Cette tentative de description s'accompagnera d'un travail d'historicisation des phénomènes en question, en comparant l'usage de la négation dans les vers à travers plusieurs pièces, l'une de Racine, l'autre de Népomucène Lemercier, la dernière de Hugo. Une dernière étape de cette présentation consistera à interroger, en fonction des phénomènes observés et en confrontation avec l'économie générale des pièces, les enjeux stylistiques que les divers usages métriques de la négation peuvent y représenter.

Romain Benini est maître de conférences à l'UFR de langue française de Sorbonne Université. Il est l'auteur d'une thèse sur la métrique et la stylistique des chansons imprimées pendant la deuxième République et le co-organisateur, avec F. Dell, du Séminaire de Métrique Générale.

Marc BONHOMME : Modalités et fonctions de la négation dans l'interrogation rhétorique. L'exemple des Fables de La Fontaine
L'interrogation rhétorique implique la négation selon deux configurations : soit une interrogation positive est identifiable comme une assertion négative implicite; soit une interro-négation est interprétable comme une assertion positive implicite. Nous nous proposons d'approfondir le fonctionnement de telles inversions de valeur de vérité dans le corpus représentatif des Fables de La Fontaine, en liaison avec l'organisation stylistique de cette œuvre. Dans un premier temps, nous analyserons les modalités de ces basculements du sens en soulignant le rôle de leurs indices syntaxiques, l'incertitude fréquente de leurs orientations, ainsi que leur dépendance étroite du cadre narratif des fables. Dans un deuxième temps, nous montrerons la polyvalence fonctionnelle de la dimension négative attachée aux interrogations rhétoriques de ces fables. Celle-ci y endosse des fonctions variables suivant les contextes : énonciatives (dilution des prises en charge des énoncés), communicationnelles (pseudo-dialogisme) et argumentatives (impositions / rejets de points de vue).

Marc Bonhomme est professeur émérite de linguistique française à l'université de Berne.
Publications
Figures clefs du discours, Le Seuil, 1998.
Discours métonymique, Peter Lang, 2006.
L'Argumentation publicitaire [avec Jean-Michel Adam], Armand Colin, 2012.
Pragmatique des figures du discours, Champion, 2014.
Il a aussi publié de nombreux articles dans les domaines de la rhétorique, de l'histoire de la langue française et de l'analyse du discours.

Suzanne DUVAL : Négation et bien-dire épistolaire à l'époque baroque
Au XVIIe siècle, l'essor de la littérature épistolaire imprimée favorise l'émergence de modèles de belle prose, et, en leur sein, de patrons stylistiques circulant dans l'ensemble de la production lettrée. Les années 1620, marquées par l'épisode de la querelle des Lettres de Jean-Louis Guez de Balzac, présentent à la recherche en stylistique un corpus épistolaire peu étudié dans cette perspective, et particulièrement intéressant pour comprendre les évolutions du beau style et la manière dont l'imaginaire du purisme langagier informe les pratiques d'écriture. Les usages de la double et triple négation y sont particulièrement saillants et s'inscrivent dans des figures d'euphémisme et de litote. Leur observation met en évidence la dynamique interactive de la négation et son lien avec l'oralité : la multiplication des négations dans une séquence écrite resserrée met en scène la spontanéité d'un discours qui s'ajuste à son destinataire au fur et à mesure qu'il s'énonce. À ce titre, ces patrons de négation, qui à première vue s'apparentent à une préciosité stylistique et nuisent à la lisibilité du discours, s'inscrivent en réalité dans une rhétorique du naturel caractéristique de l'époque envisagée.

Suzanne Duval est Maître-Assistante à l'université de Lausanne, au sein de l'équipe de linguistique française. Elle est spécialiste des patrons stylistiques de la prose fictionnelle et épistolaire à l'époque classique.
Publication
La prose poétique de l'époque baroque (1571-1670), Paris, Garnier, 2017.

Agnès FONTVIEILLE-CORDANI
Agnès Fontvieille-Cordani est maîtresse de conférences en langue et stylistique françaises à l'université Lumière Lyon 2 et membre de Passages XX-XXI (EA4160). Elle est spécialiste de prose (J. Genet, N. Sarraute, J. Echenoz) et de poésie (A. Rimbaud, P. Eluard) modernes et contemporaines. Son approche des textes privilégie certaines questions d'ordre rythmique et syntaxique : l'apposition, l'ordre des mots, les phrases figées, la négation.
Publication
Essai : Paul Eluard. L'inquiétude des formes, PUL, 2013.

Lucile GAUDIN-BORDES : "Elle n'avait rien à voir, aussi bien était-elle…", négation et étalement discursif dans Un été de glycine de Michèle Desbordes
On trouve dans le roman de Michèle Desbordes, Un été de glycine (Verdier, 2005), un usage particulier de la négation consistant à poser comme point de départ de la description d'un objet non pas ce qu'il est mais une sorte de définition par défaut, un "ce qu'il n’est pas" (vs ce qu'on attendrait qu'il soit). J'examinerai dans un premier temps les configurations discursives associées à cet usage, y compris figurales, puis questionnerai leur pertinence contextuelle sous les angles sémantique, dialogique, et intertextuel, afin de montrer comment le "par défaut" affiché de la négation non seulement sert la dynamique textuelle, allant parfois jusqu'à la séquencer, mais accompagne au long cours les étapes de la construction discursive du référent.

Lucile Gaudin-Bordes est maître de conférences en linguistique à l'université de Toulon, membre du laboratoire Babel EA-2649. Ses travaux portent sur l'analyse pragma-énonciative des figures du discours et la question des normes discursives et textuelles. Outre plusieurs articles consacrés au rapport à la norme chez Philippe Beck et Emmanuelle Pireyre, elle a codirigé avec Michèle Monte l'ouvrage Normes textuelles : émergence, variations et conflits (PU de Franche-Comté, 2017).

Nicolas LAURENT
Nicolas Laurent est maître de conférences en linguistique et stylistique françaises à l'École Normale Supérieure de Lyon et membre de l'IHRIM (UMR 5317). Ses travaux portent en particulier sur le nom propre et ses "seuils", la pensée de l'individu dans la langue, la grammaire de la phrase et la sémantique des mots grammaticaux.
Publication
La Part réelle du langage. Essai sur le système du nom propre et sur l'antonomase de nom commun, Paris, Champion, 2016.

Emily LOMBARDERO : Aimer ou ne pas haïr : la litote en question dans les nouvelles historiques et galantes
Au XVIIe siècle, Chimène n'est pas seule à "ne pas haïr" celui qu'elle aime : au contraire, la litote occupe une place de choix parmi les codes du discours galant, qui imposent leur joug rigoureux à la représentation littéraire des passions. Dans les nouvelles historiques et galantes de la fin du XVIIe siècle, les discours des personnages aussi bien que le récit lui-même semblent parfois saturés par les marques de la négation syntaxique, liées à la présence de nombreuses litotes fortement lexicalisées. En étudiant les emplois de la litote dans les nouvelles de la fin du XVIIe siècle, nous souhaitons, d'une part, interroger le lien qui unit cette figure à la négation, et, d'autre part, évaluer son rendement stylistique dans le corpus des nouvelles de la fin du XVIIe siècle. Nous ferons l'hypothèse que, loin d'être un poncif ininterrogé du discours galant, la litote vaut pour symbole des normes sociales et littéraires qui s'imposent à l'expression (notamment féminine) des passions, normes dont certains personnages — mais aussi certains auteurs — tendent à s'affranchir dans l'exercice singulier d'une parole, voire d'un style.

Emily Lombardero est attachée temporaire d'enseignement et de recherche (ATER) à l'université Lumière Lyon 2; elle prépare actuellement, sous la direction de Claire Badiou-Monferran, une thèse de doctorat sur la langue de la fiction dans les nouvelles historiques et galantes de la fin du XVIIe siècle.

Hervé MASSARD : La Mer à Bord
Œuvrer à ce qui met l'Absence en présence, œuvrer à la Représentation, c'est s'essayer à déconstruire les évidences. Dans la Représentation artistique, la Négation est une cheville ouvrière qui cherche à soustraire la Ressemblance du Vraisemblable. Elle donne à saisir ce qui n'est pas convenu mais qui est plus probable. La Représentation s'est imposée dans mon travail sur la Photographie, sans doute parce que celle-ci justement force la Ressemblance. Ainsi avec le temps, à l'exercice de la Soustraction, il n'a fini par rester qu'une marge infime. Une marge qui tend à la Négation et qui n'est pas théorique. La Mer à Bord est une histoire de cette Négation au travers des différents âges d'une intellection qui s'appose entre Réalité et Réel. Cette intervention présentera mon travail sur la Représentation, avec des visuels qui constituent autant de traces à ce propos.

Hervé Massard est un plasticien français, né en 1971, vivant à Vienne. Il a travaillé à la Photographie et l'a enseignée (chargé de cours entre autres à la Webster University) comme "pratique théorique". Depuis, il l'a portée sur un plan conceptuel et abstrait, où néanmoins la "Bildfindung" (le Devenir Image) reste au centre de la pratique. La Mer à Bord fut présentée à la foire internationale d'Art ArtAustria (Galerie Ruberl).

Sophie MILCENT-LAWSON : Romances sans paroles et sourire sans chat. Négation et reconfiguration du sens dans les syntagmes de type N1 sans N2
Ce travail entend explorer la puissance de représentation d'une configuration morpho-syntaxique singulière : les syntagmes de type N1 sans N2. L'analyse sémantique proposera une typologie des anomalies combinatoires qui définissent cette construction. On s'attachera principalement aux syntagmes qui procèdent à la soustraction d'un sème inhérent au N1 ("mer sans sel", "mémoire sans souvenir"). Ce moule morphologique sera abordé dans la diversité de ses réalisations poétiques et littéraires, dans un corpus principalement emprunté à la littérature française des XIXe et XXe siècles. L'étude des réalisations discursives en contexte s'efforcera d'établir à quelles conditions il convient de requalifier les anomalies sémantiques générées par ce schème en termes de figures : hyperbole ("rêve sans fin"), métaphore ("nuit sans rivages"), métonymie ("sommeil […] sans portes et sans toit")… Par-delà les tentatives typologiques, il s'agira d'explorer la puissance poétique de ces formes en montrant comment ces expressions recèlent une force d'interrogation à la fois sur le langage et sur le monde. La réflexion s'attachera ainsi à élucider les affinités entre la présence de cette structure singulière et les enjeux mêmes de l'écriture littéraire, qui vise à dépasser l'évidence des stéréotypes, à ouvrir la langue à ses virtualités, en utilisant le langage pour dire non seulement le factuel et le réel, mais aussi le virtuel et le contrefactuel. Or, ce schème qui conteste les définitions tautologiques des seuls référents prototypiques se présente comme une forme linguistique apte à créer des référents nouveaux, inédits, voire impossibles : des lyres sans cordes, des sourires sans visage, des fleuves sans rivages.

Sophie Milcent-Lawson est maîtresse de conférences en langue et littérature françaises à l'université de Lorraine. Stylisticienne et spécialiste des figures, elle prépare actuellement une HDR sur les tentatives de représentation d’un point de vue animal en littérature.
Publications
Liste et effet-liste en littérature, Sophie Milcent-Lawson, Raymond Michel et Michelle Lecolle (dir.), coll. "Rencontres", série "Théorie de la littérature", Classiques Garnier, 2013.
Giono, Les Âmes fortes, avec Sylvie Vignes, Paris, Atlande, coll. "Clefs concours/Lettres XXe siècle", novembre 2016.
L'écriture "entre deux mondes" de Marie Darrieussecq, Karine Germoni, Sophie Milcent-Lawson, Cécile Narjoux (dir.), EUD, coll. "Langages", à paraître en 2019.
Jean Giono. Une poétique de la figuration, Gérard Berthomieu, Sophie Milcent-Lawson (dir.), série "Rhétorique, stylistique, sémiotique", Classiques Garnier, à paraître.
Elle a également rédigé une quinzaine d'entrées stylistiques pour le Dictionnaire Giono [M. Sacotte et J.-Y. Laurichesse (dir.), Garnier, 2016] et publié une trentaine d'articles consacrés aux œuvres d'auteurs du XXe et du XXIe siècles parmi lesquels Giono, Simon, Beckett, Echenoz ou encore Darrieussecq.
Ses travaux en zoopoétique s'attachent à explorer les tentatives de représentation d'un point de vue animal en régime fictionnel [voir "Zoographies", Revue des Sciences humaines, n°328, oct-déc 2017 et "Du chien confident à l'animal sujet de conscience", Colloque en ligne Fabula La Parole aux animaux, avril 2018).

Claude MULLER : Le rôle de la négation dans quelques récits et textes à présentation autobiographique
Il en va des négations comme de beaucoup d'autres formes à valeur illocutoire : certains emplois ont une amplitude limitée et prosaïque, lorsqu'il s’agit de contester une assertion précédente ou de décrire par la négative un état de fait, alors que d'autres ont un rôle structurant, éclairent un chapitre ou plus encore de l'œuvre et par le riche contenu des implicites qu'elles dévoilent, représentent parfois l'ancrage formel d'une signification plus vaste, voire de la visée de l'auteur. Les récits se présentant comme des autobiographies, qu'elles soient réelles, déguisées ou fabriquées, utilisent souvent des négations dont le sens dépasse celui de l'événementiel, pour prendre une signification qui éclaire l'œuvre tout entière. La première phrase d'Un adolescent d'autrefois, roman de vieillesse de Mauriac, est négative : "Je ne suis pas un garçon comme les autres". Elle éclaire toute la suite de ce récit d'adolescence et d'éducation sentimentale. Tout à fait à la fin du livre, une autre formule négative lui fait écho, lorsque le narrateur plongé dans la foule parisienne se décrit ainsi : "À Paris, je ne suis personne". La formule n'est pas, dans ce contexte, auto-dépréciative, elle exprime plutôt une forme de libération. Dans d'autres cas, le narrateur oppose ce qu'il a été et ce qu'il est devenu : ainsi F. Nourissier (dans À défaut de génie) disant : "Je ne reconnais plus celui que j'ai cru être". Le sens de la même expression négative que chez Mauriac est bien différent : "…qui suis-je ? Personne. le miroir est vide". Il s'agit cette fois de l'évocation d'une déchéance due à la vieillesse et à la maladie. La formule prend son sens par le contexte général de l'œuvre. Des emplois peu usités dans la langue courante ne sont pas exclus. La négation qui décrit des événements non vécus par exemple. Encore dans Mauriac, ce pastiche du Flaubert de L'éducation sentimentale mis à la forme négative, où le narrateur se projette dans sa vison étriquée du futur : "Il ne voyagea pas, il ne connut pas la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l'étourdissement des paysages et des ruines, l'amertume des sympathies interrompues. Il ne revint pas, parce qu'il n'était pas parti…". On se propose d'explorer des emplois de négation qui font sens dans quelques récits à coloration autobiographique des XXe et XXIe siècles.

Bibliographie
Simone de Beauvoir, La force des choses, Gallimard, 1963.
Antoine Compagnon, La classe de rhéto, Gallimard, 2012.
Régis Debray, Loués soient nos seigneurs, Une éducation politique, Gallimard, 1996.
François Mauriac, Un adolescent d'autrefois, 1969 (Garnier-Flammarion, 1982).
François Nourissier, À défaut de génie, Gallimard, 2000 (Folio, 2001).

Claude Muller, agrégé de lettres modernes, docteur d'État, est professeur émérite en Sciences du Langage à Bordeaux (Université Bordeaux Montaigne, et CNRS, UMR 5623). Une grande partie de son activité de chercheur a été consacrée à l'étude de la négation. Voir sur le site Claude Muller linguiste (principaux textes disponibles, sauf livres).
Principales publications
1991: La négation en français, Syntaxe, sémantique et éléments de comparaison avec les autres langues romanes, Droz, Genève.
1992: "La négation comme jugement", Langue Française, 94, 26-34.
1994: "La négation comme jugement : une application aux interronégatives", Linx, n°spécial "La Négation", dir. P. Attal.
2008: "La négation : un opérateur transversal", De Lingua Latina, revue de linguistique latine en ligne, n°1, 1-21.
2010: "La "concordance négative" revisitée, in Peter Blumenthal & Salah Mejri (Eds), Les configurations du sens, Beiheft 37, 2010, Zeitschrifit für französische Sprache und Literatur, Franz Steiner Verlag, Stuttgart, 73-88.
2012: "Négation directe vs. négation indirecte : quelle est la place des négatifs parmi les indéfinis en français ?", Linguarum Varietas, Pisa-Roma, Fabrizio Serra : Intorno alla negazione. Analisi di contesti negativi dalle lingue antiche al romanzo (Atti della giornata di studi, Roma, 26-2-2009, a cura di Mauro Lasagna, Anna Orlandini, Paolo Poccetti), 147-168.
2016: "La négation : le "côté obscur" de la référence, effets pragmatiques et conséquences grammaticales", in Emilia Hilgert, Silvia Palma, Pierre Frath et René Daval (Eds), Res per nomen V, Négation et référence, Epure (Presses de l'université de Reims), 121-137.
2017: "La distribution des indéfinis négatifs du français", Cahiers de lexicologie, n°111, 2017 - 2, La sémantique en France : un état des lieux (II), 193-214.

Sibylle ORLANDI : La négation chemin faisant : poésie et via negativa au XXe siècle
La pratique de la "voie négative", dont on peut situer la naissance en Occident avec Denys l'Aréopagite, et qui place la négation au fondement même du geste énonciatif (on ne peut approcher le divin qu'en énonçant ce qu'il n'est pas), innerve nombre de créations poétiques au XXe siècle. Le corpus apophatique constitue ainsi une référence explicite dans des textes aussi différents que Le Contre-Ciel de René Daumal et Quelque chose noir de Jacques Roubaud, recueil auquel font écho plusieurs passages du "grand incendie de Londres". La via negativa se trouve alors vidée de son substrat théologique pour servir d'autres démarches: une ascèse individuelle chez Daumal, une écriture de l'absence chez Roubaud, qui fait du "de li non aliud" de Nicolas de Cuse une définition du geste poétique. L'enjeu de notre communication sera donc d'interroger les manifestations morphosyntaxiques de la négation chez ces poètes, tout en posant les jalons d'un imaginaire linguistique nourri de la lecture des théologiens médiévaux, mais aussi des troubadours, des kabbalistes et des penseurs orientaux.

Docteure qualifiée en langue et littérature françaises et en Sciences du langage, agrégée de Lettres modernes et ancienne étudiante à l'ENS de Lyon, Sibylle Orlandi est actuellement lectrice d'échange à l'université Statale de Milan et à l'Institut français Italia. Elle a soutenu en 2015, à l'université Lyon 2 Lumière, une thèse consacrée aux créations poétiques et plastiques de Ghérasim Luca et poursuit aujourd'hui des recherches en stylistique dans le champ de la littérature des XXe et XXIe siècles.

Christelle REGGIANI : La négation du voyage
À partir d'un corpus varié de récits de voyages modernes et contemporains (des XIXe et XXe siècles) — incluant sans s'y limiter L'Usage du monde de Nicolas Bouvier —, on envisagera la négation comme une opération déterminée par la visée discursive propre à ce genre essayistique. On voudrait montrer comment la "bascule du sens" qu'elle met en œuvre acquiert dans ce cadre une pertinence particulière, au point de fonder une poétique négative capable de résoudre l'aporie constitutive d'un genre attaché par vocation à dire l'ailleurs avec les mots de l'ici. La négation apparaît alors, dans les termes de Georges Kleiber, comme un "mode de donation" des référents dont l'importance est cruciale dans l'économie poétique propre au récit de voyage, tenant à l'inflexion particulière imprimée à l'équilibre instable du "parti pris des choses" et du "compte tenu des mots".

Christelle Reggiani est professeure de stylistique française à la faculté des lettres de Sorbonne Université.
Publications
Rhétoriques de la contrainte. Georges Perec, l'Oulipo, Saint-Pierre-du-Mont, Éditions InterUniversitaires, 1999.
Éloquence du roman. Rhétorique, littérature et politique aux XIXe et XXe siècles, Genève, Droz, 2008.
L'Éternel et l'Éphémère. Temporalités dans l'œuvre de Georges Perec, Amsterdam-New York, Rodopi, 2010.
Poétiques oulipiennes. La contrainte, le style, l'histoire, Genève, Droz, 2014.
Elle a également dirigé l'édition des Œuvres de Georges Perec dans la "Bibliothèque de la Pléiade" des éditions Gallimard (2017).

Isabelle SERÇA : Nier, est-ce contredire ou dire l'absence ?
Negare, "dire non, affirmer que… ne… pas". De l'usage de l'inverseur justement chez Giraudoux (La Guerre de Troie n'aura pas lieu) au mot-trou de Duras (Le Ravissement de Lol V. Stein), on s'interrogera sur les différents types de négation : nier, est-ce contredire ou dire l'absence ? On s'appuiera pour ce faire sur la théorie de l'argumentation dans la langue et la conception polyphonique de l'énonciation d'Oswald Ducrot, et tout particulièrement sur la description de la négation descriptive et de la négation polémique telle qu'il la présente dans Les Mots du discours (Minuit, 1980), avant de revenir sur cette distinction un peu plus tard dans Le Dire et le Dit (Minuit, 1985).

Isabelle Serça est professeure de stylistique française à l'université Toulouse-Jean Jaurès.
Publications
Esthétique de la ponctuation, Gallimard, "Blanche", 2012.
Les coutures apparentes de la Recherche : Proust et la ponctuation, Éditions Champion, coll.  "Recherches proustiennes", 2010.
Cahiers de l’AIEF (Association Internationale des études françaises), n°69, 2017, Les Belles Lettres : "La Ponctuation des écrivains".
La langue de Maylis de Kerangal : "Étirer l’espace, allonger le temps" (éd.), Éditions Universitaires de Dijon, "Langages", 2017 (en collaboration avec M. Bonazzi et C. Narjoux).
Marcel Proust et la forme linguistique de la Recherche (éd.), Éditions Champion, coll. "Recherches proustiennes", 2013 (en collaboration avec G. Henrot).

Stéphanie THONNERIEUX : Négation et poésie du deuil : les morts (ne) sont plus que des mots
Que la disparition d'un proche passe par un discours investi par la négation est une évidence (ne pas/plus être). Mais qu'est-ce qui est véritablement nié dans la poésie du deuil ? L'être disparu (entre désignation par "il/elle" et adresse en "tu"), le sujet lui-même ("je ne peux pas/plus…") et la possibilité de l'expression poétique ("la poésie peut/ne peut pas/ne peut que…"). L'étude de plusieurs textes de la seconde moitié du XXe siècle (Jaccottet, Roubaud, Esteban, Deguy, Emaz, Rouzeau et Fourcade) permettra de souligner, au-delà des récurrences, certains paradoxes et glissements dans les opérations de négation. Si la parole se trouve souvent confrontée au mot "rien" très polyvalent sur les plans syntaxique et sémantique (entre peu de choses et néant), elle cherche à donner au disparu un statut impossible : celui d'un absent-présent, d'un inexistant toujours là, dans une époque marquée par la crise des rites sociaux et de la spiritualité, et où l'écriture de l'intimité est désormais consciente des excès de l'expression subjective et de la naïveté d'une possible consolation poétique.

Bibliographie
Paul Eluard. Capitale de la douleur, M.-A. Gervais-Zaninger et S. Thonnerieux, Neuilly, Éditions Atlande, 2013.
Stylistique & méthode. Quels paliers de pertinence textuelle ?, M. Monte, S. Thonnerieux et P. Wahl (dir.), Lyon, PUL, 2018.
""Oh mon père […] je te répète". Répétitions et poésie du deuil dans Pas revoir de Valérie Rouzeau", Répétition et signifiance. L'invention poétique, V. Magri-Mourgues et P. Wahl, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, à paraître.
"La poésie face à la mort : la proximité dans la distance", communication au colloque "Poétique historique de la poésie de circonstance (XVIe-XXIe siècles)", 2018.

Sandrine VAUDREY-LUIGI : La textualité négative de Réparer les vivants de Maylis de Kerangal

"Soudain, il s'approche à l'oreille de Thomas pour lui murmurer à l'oreille : dis-nous seulement si on peut dire non,
allez vas-y […] il finit par s'appuyer dos à la fenêtre, noir et massif dans le contre-jour : allez, vas-y,
on peut refuser ou pas ?" (Réparer les vivants, p. 133-134).

Avant même d'être le récit d'une transplantation cardiaque, Réparer les vivants est le roman d'un renoncement à une vie, la narration d'un éventuel refus qui se transforme en acceptation par une mère et un père de laisser prélever les organes sur leur fils de 19 ans. De ce fait, la raison d'être de la narration appelle l'étude de la négation : si le oui ou le non demandent à être juridiquement prononcés, ils se situent également à la limite du dicible, du non-dit. En ce sens la syntaxe de la négation est inséparable non seulement d'une dimension ontologique qui engage sa représentation mais également du matériau stylistique. Mais peut-on, au-delà de ce roman où la négation semble être un des principes de la création, dégager des invariants stylistiques de la négation chez Kerangal ? En d'autres termes, l'usage de la négation se constitue-t-il en stylème kerangalien ? Ces interrogations devront alors répondre à une question sous-jacente: l'étude de la négation dans Réparer les vivants a-t-elle été l'occasion de souligner le style d'une œuvre singulière ou, plus largement, le style de l'œuvre kerangalienne, bref de repérer une configuration idiolectale ?

Sandrine Vaudrey-Luigi est maître de conférences à l'université Sorbonne Nouvelle–Paris 3. Elle travaille actuellement sur différents auteurs contemporains. Ses recherches portent principalement sur l'histoire des formes langagières depuis 1850 et sur les styles d'époque.
Publication
La langue romanesque de Marguerite Duras, une liberté souvenante, Classiques Garnier, 2013.

Denis VIGIER : La querelle des forces vives dans L'Encyclopédie au prisme de la négation
Pour fournir des définitions les plus justes possibles, objet majeur dans l'Encyclopédie, d'Alembert s'est donné pour tâche d'avancer des preuves. Dans notre communication, nous nous intéresserons à la "querelle des forces vives" (P. Costabel, 1989) où il s'oppose essentiellement aux Jésuites et à Leibniz sur la question de la définition de la Force. À partir d’un corpus contrôlé d'articles extraits de la version de l'Encyclopédie disponible en ligne sur le site de l'ARTFL (encyclopedie.uchicago.edu), nous proposerons une analyse à deux voix articulant approche linguistique de l'opération de négation et mise au jour du rôle qu'elle joue dans les ressorts du raisonnement scientifique et de la rhétorique de la preuve.

Denis Vigier est linguiste. Son travail se situe à l'interface de la syntaxe, de la sémantique et du discours et intègre l'approche instrumentée sur corpus.
Publications
Vigier D. (2017), "La préposition dans au XVIe siècle. Apports d'une linguistique instrumentée", Langages, 206 (2), 85-103.
Blumenthal P., Vigier D. (éds) (2017), Études diachroniques du français et perspectives sociétales, Berne, P. Lang, 314 p.

Roselyne de VILLENEUVE : D'un Cid à l'autre : négation et "tragédisation"
Sans cesse remis sur le métier entre 1637 et 1660, Le Cid accomplit une conversion générique, de la "tragi-comédie" à la "tragédie". Or cette "tragédisation" s'accompagne d'une inflation des négations. Il s'agit donc de montrer comment la négation s'impose dans le travail de réécriture comme un stylème générique de la tragédie, alors même que le système grammatical de la négation n'est pas encore pleinement stabilisé. Le propos se fonde sur une étude systématique des négations, qui tient compte de leur typologie, du scope, du différentiel sémantique entre forclusifs concurrentiels, des interactions cotextuelles, de la distribution dans l'économie textuelle. La négation bi-tensive, qui déploie, d'un corrélateur à l'autre, une temporalité intrinsèque, met stylistiquement en tension l'énoncé et correspond à l'expression d'une polémicité interne, à l'émergence de l'autre en soi. La recherche porte aussi sur la négation uniceptive qui, en raison de son cinétisme à inversion, est le vecteur privilégie d'un certain type d'événementialité tragique et un marqueur du discours de Dom Diègue.

Agrégée de lettres modernes, Roselyne de Villeneuve est maître de conférences en grammaire-stylistique à Sorbonne Université. Ses recherches portent essentiellement sur la stylistique du XIXe siècle.
Publication
La Représentation de l'espace instable chez Nodier, Champion, 2010.

Philippe WAHL : Poétiques négatives. Beckett en diachronie
La poétique de Beckett a évolué vers une radicale mise en cause des codes de la figuration du sujet et de la représentation littéraire. On s'intéressera au rôle de la négation dans le travail du texte, moins pour illustrer la veine de l'absurde ou de l'absence, que pour montrer l'énergie formelle requise par la mise en scène d'un "mal voir, mal dire". Placée sous le signe de la perception, soumise à l'interaction des points de vue, l'écriture met en jeu la problématique du "mode de donation" de la référence. La négation, initialement exploitée par Beckett comme opérateur logique, se fait agent de configuration du discours dans son style tardif, alors que le travail d'institution de l'univers de discours programme aussi son effacement. La philosophie du langage pourra apporter un éclairage aux analyses linguistiques et textuelles, ainsi qu'à leurs enjeux esthétiques.

Philippe Wahl est maître de conférences en langue et stylistique françaises à l'université Lumière Lyon 2, où il anime le groupe de recherche Textes & Langue (EA 4160 Passages XX-XXI).
Publications récentes
La Prose de Samuel Beckett. Configuration et progression discursives, J. Piat et P. Wahl (dir.), Presses universitaires de Lyon, coll. "Textes & Langue", 2013.
Stylistique et méthode. Quels paliers de pertinence textuelle ?, M. Monte, S. Thonnerieux et P. Wahl (dir.), Presses universitaires de Lyon, coll. "Textes & Langue", 2018.

Ilias YOCARIS : "Ne pensez pas que je cherche à vous convaincre de quoi que ce soit" : réfutation, polyphonie et (dé)négation dans Les Bienveillantes
La communication portera sur les énoncés négatifs observables dans le roman de Jonathan Littell Les Bienveillantes (2006). Ce roman met en scène Max Aue, un idéologue nazi, assez cultivé, doublé d'un tueur en série mentalement déséquilibré : le personnage relate lui-même son parcours durant la période 1935-1945, en évoquant notamment les crimes contre l'humanité qu'il a perpétrés sur le front de l'Est mais aussi les meurtres qu'il a commis dans la vie civile… Or, le recours constant d'Aue à la négation sous toutes ses formes a une importance décisive sur le plan stylistique : il s'inscrit dans le cadre d'une stratégie argumentative implicitement apologétique typique du discours politique de l'extrême droite en général. En effet, le narrateur des Bienveillantes procède tout au long du texte à une série de dénégations ambiguës qui esquissent l'ethos douteux de l'"ancien fasciste à demi repenti" (B, 24) et visent à le disculper (en partie du moins) pour les atrocités innommables qu'il a commises, à minimiser l'importance de ses actes, à instaurer une certaine complicité entre lui et le lecteur et à entretenir savamment le flou quant à ses motivations profondes. Afin de montrer dans le détail en quoi consiste une telle stratégie, j'entends étudier notamment dans le texte de Littell les rapports entre négation et polyphonie discursive, les rapports entre négation et discours implicite ainsi que les prolongements psychanalytiques des tournures négatives, qui peuvent (dans certains cas de figure) être envisagées en fonction de la théorie freudienne de la (dé)négation (Verneinung).

Ilias Yocaris est maître de conférences HDR en littérature française à l'université Côte d'Azur. Ses recherches portent sur le fonctionnement sémiotique des textes littéraires, les fictions postmodernes et les composantes du style verbal. Il est entre autres l'auteur de Style et semiosis littéraire (Paris, Classiques Garnier, 2016, coll. "Investigations stylistiques").
Bibliographie
Ruth Amossy (dir.), 1999, Images de soi dans le discours. La construction de l'éthos, Lausanne, Delachaux & Niestlé.
Murielle-Lucie Clément (dir.), 2010, Les Bienveillantes de Jonathan Littell, Cambridge, Open Book Publishers.
Antoine Compagnon, 2007, "Nazisme, histoire et féerie : retour sur Les Bienveillantes", Critique, 726, pp. 881-896.
Jacques Damourette & Édouard Pichon, 1983, Des mots à la pensée. Essai de grammaire de la langue française, Paris, Slatkine, T. I.
Laurent Danon-Boileau, 2002, Notice "Négation", in de Mijolla (dir.), 2002, Dictionnaire international de la psychanalyse, Paris, Calmann-Lévy, pp. 1088-1089.
Oswald Ducrot, 1972, Dire et ne pas dire, Paris, Hermann.
Oswald Ducrot, 1984, Le Dire et le dit, Paris, Minuit, coll. "Propositions".
Sigmund Freud, 1992 (1925), "La négation", trad. de l'allemand par Jean Laplanche, in Œuvres complètes. Psychanalyse, Vol. XVII : 1923-1925, Paris, PUF, pp. 167-171.
Catherine Kerbrat-Orecchioni, 1986, L'Implicite, Paris, Armand Colin, coll. "U".
Jean Laplanche & Jean-Bertrand Pontalis, 1981 (1968), Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF.
Jonathan Littell, 2006a, Les Bienveillantes [B], Paris, Gallimard, coll. "NRF".
Jonathan Littell, 2006b, "Le phénomène Littell", entretien avec Guy Duplat, La Libre Belgique, 28 septembre 2006 [en ligne].
Jonathan Littell, 2006c, "Il faudra du temps pour expliquer ce succès", Le Monde des Livres, 16 novembre 2006 [en ligne].
Jonathan Littell, 2006d, "Jonathan Littell, homme de l'année", La Revue Littéraire, décembre 2006.
Jacques Moeschler, 1982, Dire et contredire, Berne/Francfort, Peter Lang.
Claude Muller, 1991, La Négation en français, Genève, Droz.
Gérard Moignet, 1981, Systématique de la langue française, Paris, Klincksieck, coll. "Bibliothèque française et romane".
Henning Nølke, 1993, "Formes et emplois des énoncés négatifs : polyphonie et syntaxe de ne...pas", in Le Regard du locuteur. Pour une linguistique des traces énonciatives, Paris, Kimé, pp. 215-232.
Liran Razinsky, 2008, "History, excess and testimony in Jonathan Littell's Les Bienveillantes", French Forum, 33, 3, pp. 69-87.
Monique Schneider, 2002, Notice "Négation", in de Mijolla (dir.), 2002, Dictionnaire international de la psychanalyse, Paris, Calmann-Lévy, pp. 1089-1090.
Jean Solchany, 2007, "Les Bienveillantes ou l’histoire à l'épreuve de la fiction", Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, n°54, 3, pp. 159-178.
Susan R. Suleiman, 2009, "When the perpetrator becomes a reliable witness of the Holocaust : on Jonathan Littell's Les Bienveillantes", New German Critique, 36, 1, pp. 1-19.
Marc Wilmet, 2010 (1997), Grammaire critique du français, Bruxelles, De Boeck/Duculot.


SOUTIENS :

• Laboratoire Passages XX-XXI (EA 4160) | Université Lumière Lyon 2
• Institut d'histoire des représentations et des idées dans les modernités (IHRIM, UMR 5317) & LabEx ASLAN | Université de Lyon (UDL)
• Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


TERRITOIRES SOLIDAIRES EN COMMUN :

CONTROVERSES À L'HORIZON DU TRANSLOCALISME


DU VENDREDI 12 JUILLET (19 H) AU VENDREDI 19 JUILLET (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Elisabetta BUCOLO, Hervé DEFALVARD, Geneviève FONTAINE

Colloque organisé à l'initiative du Cercle des partenaires


ARGUMENT :

Nous sommes entrés dans "une sorte de nouvel âge des communs, celle de l'enracinement des communs dans la société, de leur extension à des domaines sans cesse élargis de la vie sociale et de leur pérennisation dans le temps", telle est l'une des conclusions du premier colloque de Cerisy (Vers une république des biens communs ?, Éditions Les Liens qui Libèrent, 2018). Après un deuxième colloque consacré en 2017 à L'alternative du commun, cette troisième rencontre vise à débattre des questions, peu abordées dans les précédentes éditions, des territoires solidaires en commun. Il questionnera notamment les manières dont les solidarités locales autour de diverses ressources (santé, logement, énergie, emploi, culture…) s'articulent aujourd'hui à des solidarités jouant à des échelles territoriales plus larges jusque et y compris mondiales.

Comment ces multiples réalités qui se développent dans les territoires, portées par l'économie sociale et solidaire, le mouvement du libre ou les mouvements sociaux, peuvent-elles ne pas se limiter à panser les plaies des crises écologiques, démocratiques et sociales ? À quelles conditions peuvent-elles, à l'inverse, faire système selon de multiples échelles autour d'un socle commun de nouvelles solidarités ?

Ce colloque propose de formuler ensemble une réponse en faisant l'hypothèse d'un translocalisme des communs. D'une part, elle considère que se déploient aujourd'hui sur les territoires des constructions sociales qui relient diverses échelles spatiales, voire temporelles : de l'ancrage local à un élargissement progressif des dimensions, jusqu'à atteindre, parfois, une configuration mondiale. D'autre part, elle suppose que ces constructions se font à travers plusieurs axes du translocalisme, comme l'écologique, le numérique ou encore le démocratique, donnant lieu à des universalismes locaux et non alignés.

À partir de conférences plénières introduisant ces axes du translocalisme, de tables rondes associant acteurs et chercheurs, de débats et de controverses mettant en tension les notions et les pratiques, l'objectif est de stimuler une intelligence collective des communs translocaux permettant de sortir de l'opposition actuelle entre mondialisme et localisme, qui nourrit le duo infernal du néolibéralisme et du populisme.

La rencontre s'ouvrira avec le Projet Poétique Planétaire avec lequel, depuis 2013, en plusieurs langues, des poèmes d'un lieu sont adressés par voie postale à des habitants d'autres territoires de France et du monde, faisant de la poésie une langue commune locale et universelle.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 12 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Samedi 13 juillet
Matin
Elisabetta BUCOLO, Hervé DEFALVARD & Geneviève FONTAINE : Introduction

En parallèle
Table ronde 1 : Ressource des territoires à révéler, avec Barbara BLIN BARROIS [PTCE Ôkhra], Philippe CHEMLA [PTCE Tétris] et Fatima MOSTEFAOUI [Collectif Pas sans nous]
Table ronde 2 : Territoires solidaires et emploi, avec Rachid CHERFAOUI [Maison d'économie solidaire], Daniel LE GUILLOU [Territoires Zéro Chômeur de LD] (L'emploi : du droit citoyen au bien commun du territoire) et Claude SICART [Le PoleS]

Après-midi
Jean-Louis LAVILLE [Cnam] : Démocratie et solidarité

Débat public 1 : Formes de solidarité et commun, avec Philippe EYNAUD [IAE-Paris 1] et Stéphane VEYER [Coop des communs]

Restitution des tables rondes 1 & 2

Soirée
Bernard STEPHAN [Éditions de l'Atelier] : Présentation du projet éditorial en commun


Dimanche 14 juillet
Matin
Table ronde 4 : Systèmes alimentaires solidaires territorialisés, avec Gheorghe CIASCAI [Univ. Cantemir de Bucarest] (Phénomènes inédits dans l’écosystème des communs de Roumanie : coopérative agricole Carrefour Vărăşti entre l’approche économique et la responsabilité sociale corporative), Giuseppe LI ROSI [Collectif Simenza] (L'expérience du collectif Simenza dans la gestion de la biodiversité sicilienne) et Marc LOURDAUX [Échanges paysans Hautes-Alpes] (Le commun & les Singuliers. Démarche de structuration en écosystème des circuits courts agricoles en Provence Alpes Côte d'Azur)

Débat public 2 : Regards croisés Nord-Sud, une épistémologie commune ?, avec Pedro HESPANHA [Univ. de Coimbra] et Stéphanie LEYRONAS [AFD] (Sortir d'une relation Nord Sud à sens unique - l'aide au développement peut-elle se réinventer ?)

Après-midi
Lionel MAUREL [Cnrs] : Faire atterrir les Communs numériques. Des utopies métaphysiques aux nouveaux territoires de l'hétérotopie [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]


Lundi 15 juillet
Matin
Jean-François DRAPERI [Cnam] : Le temps des méso-républiques inter-coopératives

En parallèle
Table ronde 5 : Culture et commun dans les territoires, avec Laura AUFRÈRE [Univ. Paris 13], Cécile OFFROY [Opale] et Raphaël LHOMME [Revue Profession Spectacle] (La revue Profession Spectacle comme ressource commune)
Table ronde 6 : Grandes entreprises et territoire, avec Sylvain BAUDET [Banque des Territoires], Fabien JOURON [La Poste] et Eric LESUEUR [Veolia] (Innovation sociale et territoires)

Après-midi
Restitution des tables rondes 5 & 6

Débat public 3 : Valeurs et communs pour les territoires, avec Nicolas CHOCHOY [Institut Godin] et Hervé DEFALVARD [Chaire ESS - UPEM]

Table d'enjeux et de controverses ACTTES : "Faire avec ou sans les mastodontes ?"

Soirée
Débat public 4 : Pouvoirs publics et commun, avec Silke HELFRICH [Commons Strategies Group] et François Xavier VIALLON [Univ. de Lausanne]


Mardi 16 juillet
Matin
En parallèle
Table ronde 7 : Échelles territoriales de la santé en commun, avec Corinne BEBIN [SCIC "Solidarité Versailles Grand Age"] (Favoriser la coopération des acteurs d'un territoire pour améliorer les parcours de vie, une proposition originale : la SCIC "Solidarité Versailles Grand Age"), Olivier BENOIT [Aides] et Eric BONNEAU [SCIC Ecoreso]
Table ronde 8 : Habiter en commun les territoires, avec Camille FONTENELLE [Association Enerterre] et Joseph HAERINGER [Habitat et Humanisme] (Comment transformer un "Habitat" en un "Habiter". L'histoire d'un projet)

Restitution des tables rondes 7 & 8

Après-midi
"HORS LES MURS"
Visite de deux acteurs de la solidarité : SCIC Ecoreso (Gourfaleur) & Association Enerterre (Ferme du Bas Quesnay, Saint-André de Bohon) puis accueil à la Maison du Parc des Marais du Cotentin (Les Ponts D'Ouve, Saint Côme du Mont) par Jean-Baptiste WETTON (Responsable du pôle environnement et biodiversité) [organisée en partenariat avec le Conseil départemental de la Manche]

Soirée
Jacques JOUET : Présentation du projet planétaire poétique


Mercredi 17 juillet
Matin
En parallèle
Table ronde 3 : Énergie durable et territoire, avec Arnaud ASSIÉ [Cired], Michel CARRÉ [Association "Énergies Citoyennes en Pays de Vilaine"] et Pierre GUELMAN [Enedis]
Débat public 5 : Émancipation et commun, avec Fanélie CARREY-CONTE [Coop des communs] et Melaine CERVERA [Univ. de Lorraine] (Possibilités d'auto-émancipation et changement institutionnel)

Isabelle DELANNOY [Do Green] : Économie symbiotique, écologie et commun

Après-midi
Débat public 6 : Monnaie et commun, avec Denis DUPRÉ [Univ. de Grenoble] (Rôle des monnaies dans le cadre d'une perspective d'effondrement de notre société thermo-industrielle. Récit de science-fiction : 2034 Les chinois sont entrés dans Paris) et Marie FARE [Univ. Lyon 2] (Penser autrement les monnaies)

Débat public 7 : Critères et outils de gestion et commun, avec Nicole ALIX [Coop des communs] (Quels critères pour élaborer des outils de gestion adaptés aux communs ?) et Denis DURAND [Revue Économie et politique] (Prises de pouvoir locales sur l'économie et cohérence systémique)

Soirée
Table d'enjeux et de controverses : "L'action public en commun ?"


Jeudi 18 juillet
Matin
En parallèle
Table ronde 9 : Friches en commun et territoires, avec Sylvie BARROS [Mairie de Thiers] (Valorisation et redynamisation de la Vallée des usines à Thiers par l'économie sociale et solidaire), Benedetta CELATI [Univ. de Pise] (Friches "en commun" et régénération urbaine en Italie : une interaction complexe entre solidarités territoriales et régulation juridique) et Maïté JUAN [Post-doctorante Cnrs] (Les communs urbains à Barcelone : penser l'autogouvernement citoyen avec les institutions)
Table ronde 10 : Éducation populaire, construire un monde commun, avec Ana DUBEUX [Univ. Fédérale Rurale de Pernambouc] (Éducation Populaire en commun : son rôle, ses défis) et Colin ROBINEAU [Univ. Paris 2] (Politiser en construisant du commun : le cas d'un squat d'activités de l'Est parisien)

Débat public 8 : Droit, commun et territoire, avec Benjamin CORIAT [Coop des communs] et Viviane HAMON [Conseil] (Le système de garantie participatif. Un commun intellectuel local comme alternative à la certification par tierce-partie)

Après-midi
Restitution des tables rondes 9 & 10

Débat public 9 : Coopératives et commun pour quelles solidarités ?, avec Jean-Louis BANCEL [Crédit coopératif] et Noémie de GRENIER [Coopaname]

Soirée
Lecture de poèmes "Territoires de Cerisy et solidarité", écrits par des agents de La Poste suite à un atelier d'écriture animé par Jacques JOUET


Vendredi 19 juillet
Matin
Rapports d'étonnements & Clôture participative

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Jean-François DRAPERI : Le temps des méso-républiques inter-coopératives
Une sociologie historique des économies alternatives nous enseigne que celles-ci ont été initiées tantôt par des travailleurs, tantôt par des consommateurs, tantôt par des États. Leurs projets se situent à l'échelle du groupement de personnes ou de l'entreprise (c'est l'utopie de micro-républiques de producteurs), à celle de l'œcoumène (c'est l'utopie de la macro-république de consommateurs), ou encore à celle des nations (c'est l'utopie des républiques de développement coopératif). En ce début de XXIe siècle, les propositions alternatives portent simultanément sur les conditions de production, d'échanges et de consommation. Elles se situent à l'échelle de territoires connectés, qu'elles coproduisent par le biais d'inter-coopérations, les unes internes à l'économie sociale et solidaire, les autres externes à celle-ci. Ces inter-coopérations définissent des méso-républiques inter-coopératives qui questionnent les principes historiques de la coopération et de l'économie sociale issus de Rochdale. Ces méso-républiques constituent des modèles qui se déclinent en divers types appréhendés comme des milieux, qu'on distingue essentiellement à partir des rapports qu'ils entretiennent avec l'économie dominante et avec les collectivités publiques. L'analyse de ces milieux permet de dessiner une géographie des économies alternatives.

Publications
Draperi J.-F., L'économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoires et démocratie, Dunod, 2011.
Draperi J.-F., La république coopérative, Larcier, 2012.
Draperi J.-F. et Le Corroller C. (coord.), S'inspirer du succès des coopératives, Dunod, 2016.
Draperi J.-F., "Territoires", in CnCres, Atlas commenté de l'économie sociale et solidaire, Dalloz, 2017.
Draperi J.-F., Histoires d'économie sociale et solidaire, Les Petits Matins, 2017.
Draperi J.-F., Coopérer pour consommer autrement, Presses de l'économie sociale / FNCC, 2017.

Geneviève FONTAINE
Agrégée de Sciences Économiques et Sociales, Geneviève Fontaine est l'une des initiatrices du Pôle Territorial de Coopération Économique TETRIS (Transition Écologique Territoriale par la recherche et l'Innovation Sociale) basé à Grasse (France) où elle anime et coordonne le centre de recherche appliquée pluridisciplinaire qui structure ce PTCE. Doctorante de l'université de Marne-la-Vallée et chargée de mission de l'Institut Godin, ses recherches portent sur le croisement entre les analyses sur les communs et l'approche par les capabilités du développement durable.

Lionel MAUREL : Faire atterrir les Communs numériques. Des utopies métaphysiques aux nouveaux territoires de l'hétérotopie
Logiciels libres et Open Source ; projets collaboratifs comme Wikipédia ou Open Street Map ; œuvres culturelles partagées sous licence Creative Commons : autant d'exemples de Communs numériques qui ont pris aujourd'hui une importance significative. Néanmoins, ces objets sont souvent présentés comme des Communs "immatériels", "informationnels" ou "de la Connaissance", par opposition à des Communs dits "naturels", "matériels" ou "environnementaux". Ce type de dichotomie fait écho au Grand Partage entre Nature et Culture, remis en question dans les travaux de Bruno Latour, et notamment dans son ouvrage Où atterrir ? Comment s'orienter en politique. Les travaux originaux d'Elinor Ostrom (prix Nobel d'économie 2009) et de Charlotte Hess avaient pourtant le mérite de ne pas opérer ce type de séparation, car elles pensaient de front la dimension matérielle des Communs de la connaissance et le rôle du partage des connaissances dans les Communs naturels.
Mais ces enseignements ont peu à peu été oubliés au profit d'une conception désincarnée des Communs numériques, réduits à leur dimension purement informationnelle. C'est notamment l'influence de la cyberculture américaine des pionniers de l'Internet qui a conduit à les concevoir comme des "Communs intangibles de l'esprit" (James Boyle) flottant dans l'éther numérique. Suivant les propositions de Bruno Latour, il importe aujourd'hui de sortir de cette pensée dualiste pour "faire atterrir" les Communs numériques, en les appréhendant comme inséparables des infrastructures et des objets matériels constituant le réseau que forme Internet. C'est même une urgente nécessité pour parvenir à penser des Communs numériques qui ne seraient plus "hors-sol", mais enracinés dans les sols et dans les corps, en cessant de séparer les enjeux d'émancipation des humains des questions écologiques devant être regardées en face à l'heure de l'Anthropocène.

Lionel Maurel - Calimaq
Auteur du blog S.I.Lex
Profil Twitter
Co-fondateur du collectif SavoirsCom1, politiques des biens communs de la connaissance
Membre de l'association la Quadrature du Net


TR1 : Ressource des territoires à révéler, avec Barbara BLIN BARROIS (PTCE Ôkhra), Philippe CHEMLA (PTCE Tétris) et Fatima MOSTEFAOUI (Collectif Pas sans nous)
Les ressources des territoires susceptibles d'être gérées en commun ou de constituer un monde commun pour et par les habitants sont parfois invisibilisées, oubliées, voire vécues comme des handicaps. Comment les révéler ? Comment en faire un élément commun à partager sur le territoire et au-delà ?


TR 2 : Territoires solidaires et emploi, avec Rachid CHERFAOUI (Maison d'économie solidaire), Daniel LE GUILLOU (Territoires zéro chômeur de longue durée) et Claude SICART (Le PoleS)
L'emploi de qualité est, sur de nombreux territoires, une ressource menacée pour de nombreuses personnes qui en sont privées. Si la société civile s'est souvent mobilisée pour offrir des réponses à cette question sociale, avec l'IAE par exemple, quelles sont aujourd'hui les nouvelles perspectives qui sur les territoires concourent à faire de l'activité un commun pour tous ?

Daniel LE GUILLOU : L'emploi : du droit citoyen au bien commun du territoire
Aujourd'hui en France, près de 50% des personnes privées d'emploi le sont depuis plus d'un an et la plupart d'entre elles ne touchent plus aucune allocation au titre du chômage. En dépit de la (timide) reprise économique constatée depuis 2016, le nombre des personnes concernées par le chômage de longue durée ne diminue pas. La privation durable d'emploi coûte cher à la collectivité nationale (43 milliards € en 2017, soit environ 16000 € par personne privée durablement d'emploi), elle est également, et peut-être surtout, à l'origine de l'augmentation de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Depuis le début des années 90, période à laquelle les premières mesures visant à réduire le coût du travail ont été prises, les mesures générales et ciblées se sont multipliées et leur montant a plus que doublé (122 milliards € en 2015). Et pourtant, les résultats s'avèrent, au minimum, décevants. Face à ce double constat — un marché de l'emploi fabriquant de la précarité et des politiques de l'emploi inefficientes — le projet "Territoires zéro chômeur de longue durée" prétend que nous n'avons pas tout essayé. Grâce à l'expérimentation en cours dans 10 territoires depuis janvier 2017, il s'agit de montrer qu'en partant de la mobilisation et de la volonté d'un territoire, il est possible de proposer, conformément au préambule de la Constitution, un emploi digne et durable, sans sélection, à toutes les personnes privées durablement d'emploi qui le souhaitent et cela à coût nul pour les finances publiques.

Engagé dans le projet "Territoires zéro chômeur de longue durée" depuis 2015, Daniel Le Guillou est actuellement vice-président de l'entreprise à but d'emploi du territoire expérimental de Thiers (63) et chargé de la capitalisation au sein de l'association "Territoires zéro chômeur de longue durée".
Bibliographie
"Travailler et apprendre ensemble", Collectif, Éditions Quart Monde, 2010.
"L'entreprise réinventée", Desmedt Gérard, Éditions Quart Monde / Éditions de l'Atelier, 2012.
Présentation du projet TZCLD [en ligne].
"L'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée : une opportunité pour renforcer l'État social ?", Le Guillou Daniel, Semenowicz Philippe, communication pour le colloque : "Quel modèle social pour le XXIe siècle ?", juin 2017.
"Un emploi, c'est mon droit", Soulé Véronique, Éditions Quart Monde, 2018.
"Zéro chômeur, dix territoires relèvent le défi", Goubert Didier, Hédon Claire, Le Guillou Daniel, Éditions de l'Atelier, à paraître (avril 2019).


TR3 : Énergie durable et territoire, avec Arnaud ASSIÉ (Cired), Michel CARRÉ (L'association "Énergies Citoyennnes en Pays de Vilaine") et Pierre GUELMAN (Enedis)
Symbole des liens entre le global et le local, les modes de production, de distribution, de répartition et d'utilisation de l'énergie touchent aux enjeux économiques, environnementaux, démocratiques et sociaux auxquels nous devons collectivement faire face. Autonomie, souveraineté, organisation citoyenne de l'énergie sur les territoires, quel rôle pour les communs ?

Michel CARRÉ : L'association "Énergies Citoyennnes en Pays de Vilaine"
L'association est créée en 2003 par des citoyens intéressés pour produire et économiser des énergies renouvelables. Ils ont créé des outils juridiques et financiers, et des outils de production : une société de capital risque; une société de services pour les appuis techniques et juridiques; trois sociétés de portages de parcs éoliens; des animations et outils financés par ces investisseurs pour permettre des économies d'énergie (groupements d'achats, constructions de cuiseurs bois, de fours solaires…); la création de deux réseaux régionaux (bretons et ligériens) et du réseau national Énergie Partagée. En projet, on peut citer deux nouveaux parcs éoliens et plusieurs centrales solaires. En tout, une cinquantaine de bénévoles très actifs, 150 participants réguliers aux activités (conseils d'administration, conseils de directions, comités de pilotage…), seize salariés.
Nos convictions sont les suivantes : les énergies fossiles et fissiles doivent être rapidement dépassées, en conjuguant accélération de la production de renouvelables et économies d’énergie; comme le vent, le soleil, l'eau, sont à tout le monde, il n'y a aucune raison pour que la plus-value produite ne reste pas sur le territoire (dividendes et impôts locaux); les projets sont complexes mais maîtrisables par les citoyens engagés (bénévoles pilotant les sociétés des parcs) qui ont acquis de vrais savoirs faire qu'il faut faire reconnaître aux banquiers, à la puissance publique, à EDF…; les riverains, les élus doivent pouvoir rencontrer les responsables des installations et faire prendre en compte leurs souhaits; l'entrée est thématique (les énergies), mais la préoccupation globale : en recherchant l'implication du plus grand nombre sur des sujets transversaux (énergie, déchets, eau…), on vise une société démocratique, solidaire et résiliente; les collectivités publiques doivent s'emparer rapidement de ces préoccupations pour accélérer le mouvement, ne pas laisser progresser la financiarisation de ces secteurs d'activités; ces approches doivent aussi permettre aux espaces ruraux de devenir créateurs de nouvelles richesses à exporter vers les espaces urbains.

Michel Carré est militant bénévole de l'implication citoyenne pour une réelle démocratie solidaire et écologique. Retraité (64 ans) de la formation professionnelle d'agriculteurs, de responsables associatifs et de collectivités en milieu rural. Il préside l'association "Énergies Citoyennes en Pays de Vilaine" (EPV) depuis 3 ans.


TR4 : Systèmes alimentaires solidaires territorialisés, avec Gheorghe CIASCAI (Univ. Cantemir de Bucarest), Giuseppe LI ROSI (Collectif Simenza) et Marc LOURDAUX (Échanges paysans)
Face à l'agriculture intensive et au système de la Grande distribution, de plus en plus d'acteurs sur les territoires s'organisent pour reconstruire une autre économie : consommateurs citoyens des Amap, agriculteurs et militants des semences reproductibles et même grandes entreprises, font émerger des systèmes alimentaires solidaires territorialisés : à travers quels combats, quelles difficultés ? En s'appuyant sur quels liens entre le local et le plus global ?

Gheorghe CIASCAI : Phénomènes inédits dans l'écosystème des communs de Roumanie : Coopérative Agricole Carrefour Vărăşti entre l'approche économique et la responsabilité sociale corporative
La création en 2017 de la coopérative agricole Carrefour Vărăşti près de Bucarest par quatre paysans de Vărăşti et la grande entreprise Carrefour est-elle un événement exceptionnel parce que la coopérative en Roumanie reste marquée par la mauvaise image de la coopérative communiste. Cette nouvelle coopérative peut être pensée selon le modèle des communs sociaux selon une déclinaison particulière dans le translocalisme de laquelle la grande entreprise joue un rôle essentiel. Les ressources mises en commun sont produites par environ 60 producteurs qui, en tant que membres de la coopérative, ont le droit de les vendre à la coopérative qui les met en commun en destination des magasins de Carrefour en Roumanie. La création de la coopérative s’est appuyée sur le renouveau du droit roumain en matière de coopérative agricole et de circuits courts. La coopérative construit une première communauté locale, celle des paysans de Vărăşti, membres de la coopérative dont quatre d’entre eux, en plus du droit d’accès à la mise en commun de la ressource, ont des droits de gestion et d’aliénation. Mais la construction locale est en lien étroit avec des solidarités construites à des échelles extra-locales. La première échelle est celle de la Roumanie. La solidarité organisée par la loi en matière des circuits courts se situe entre les consommateurs et les producteurs roumains afin que les deux bénéficient d’une alimentation en circuit court. La seconde échelle est celle de la grande entreprise multinationale Carrefour à travers la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE), qui va d’ailleurs au-delà de la possibilité de faire bénéficier les consommateurs de Carrefour de produits frais locaux et d'assurer aux producteurs des débouchés sécurisés à leur production maraichère. Cette RSE repose sur un levier sinon démocratique du moins qui relie l’entreprise à l’intérêt général.

Gheorghe Ciascai a deux maîtrises en philosophie et en sciences politiques à l'université "Babes-Bolyai" de Cluj-Napoca, un diplôme conjoint en droit européen d'affaires à l'université Paris I Sorbonne et à l'université de Bucarest. Il a obtenu le titre de docteur en philosophie à l'université "Babes-Bolyai" de Cluj-Napoca. Depuis 2010, il est maître de conférences à la Faculté de Sciences Politiques de l'université chrétienne "Dimitrie Cantemir" de Bucarest où il a dirigé le master Économie sociale entre 2011 et 2013. Ses domaines d'intérêt sont : relations internationales, études européennes, communication et relations publiques internationales, économie sociale, philosophie des sciences sociales. Entre 2014 et 2016, il a participé aux projets de création d'entreprises sociales en Roumanie financées par le Fonds Social Européen. Dans le domaine de l'économie sociale, il a publié l'article "La mise en valeur des friches industrielles : un projet roumain d'entreprise sociale à Vad dans le cadre d'un programme de l'Union européenne" dans Cahier de recherche Chaire ESS - UPEM, numéro spécial (2016).

Marc LOURDAUX : Le commun & les Singuliers. Démarche de structuration en écosystème des circuits courts agricoles en Provence Alpes Côte d'Azur
La dynamique en Provence Alpes Côte d'Azur consiste à créer une plate-forme commerciale régionale 100% Bio, capable de réunir l'ensemble du "panier agricole Bio du territoire", pour le distribuer en restauration hors domicile et dans les magasins bio. Ce projet de "commun" est le fruit de la confrontation entre les enjeux nationaux des filières bio avec les histoires singulières des plates-formes de circuits courts départementales et de leurs territoires. Il fait le pari d'un réseau équitable et pérenne. D'une manière générale, ces démarches s'inscrivent dans une logique de "médiation commerciale d'intérêt territorial". Ce sont des "OVNI" qui revisitent, expérimentent au présent, la vie des "Biens communs" dans le domaine des circuits courts agricoles. Ils relèvent d'une forme hybride entre privé et public, qui s'intéresse, se nourrit et tisse des liens entre les acteurs, entre les territoires, entre le local et le global. Elles ont un triple atout : jouer un rôle d'"Assembleur - Rassembleur", à contre-courant du repli sur soi et de l'hyperspécialisation professionnelle mortifères, reposer la question dans le bon ordre, des fins et des moyens et bénéficier d'une vitesse d'interactions vives entre les différentes parties prenantes.


TR5 : Culture et commun dans les territoires, avec Laura AUFRÈRE (Univ. Paris 13), Cécile OFFROY (Opale) et Raphaël LHOMME (Revue Profession Spectacle)
Les communs culturels, les initiatives solidaires, les pratiques alternatives, œuvrent pour une réappropriation et une reconnaissance des droits culturels face à la standardisation et la marchandisation de la culture. Comment ces pratiques se construisent et émergent-elles ? Comment impactent-elles la conception élitiste et dominante de la culture dite légitime ? Quelles formes d’émancipation sont possibles ?

Raphaël LHOMME : La revue Profession Spectacle comme ressource commune
Lors de cette contribution, j'aborderai le rôle que peut avoir une publication comme Profession Spectacle dans la réflexion autour des formes de solidarité liées à la culture, comprise au sens large des droits culturels. Cette revue en ligne — via sa rubrique "Droits culturels & ESS" — permet en effet de porter à la connaissance des acteurs du monde du spectacle, mais aussi de tous ceux qui s'intéressent à la culture, des exemples et analyses d'initiatives solidaires et de pratiques alternatives œuvrant à une réappropriation et à une reconnaissance des droits culturels, et relevant d'une démarche d'économie sociale et solidaire. Ces exemples pratiques peuvent ainsi contribuer à la réflexion des acteurs de la culture autour de ces enjeux. Les partenariats — locaux et nationaux — qu'entretient la revue sont également à même de permettre la mise en relation et l'activation de solidarités entre différentes échelles territoriales. Il s'agira alors de montrer en quoi Profession Spectacle peut être considérée comme une ressource commune dans le monde de la culture, s'insérant dans des partenariats avec divers acteurs, sur plusieurs échelles territoriales (locale et nationale), et contribuant ainsi à activer les solidarités territoriales.

Raphaël Lhomme est actuellement professeur de Sciences économiques et sociales (SES) au lycée Raoul Follereau de Belfort, en Franche-Comté. Il est par ailleurs référent pour l'Économie sociale et solidaire (ESS) et les droits culturels au sein de la revue culturelle en ligne Profession Spectacle. Il a d'ailleurs rédigé pour cette dernière une série d'articles sur les relations entre ESS, droits culturels et approche par les capabilités.


TR6 : Grandes entreprises et territoire, avec Sylvain BAUDET (La Banque des territoires), Fabien JOURON (La Poste) et Eric LESUEUR (Veolia)
À travers l'économie circulaire, les circuits-courts ou l'économie sociale et solidaire, les territoires deviennent de plus en plus l'objet de gouvernance territoriale. Comment les grandes entreprises se positionnent-elles dans cette évolution ? De quels liens entre les échelles de territoires sont-elles porteuses et pour quel partage de la valeur ?

Eric LESUEUR : Innovation sociale et territoires
Les métiers de service à l'environnement sont généralement articulés autour de délégations ou de marchés publics quand ils s'exercent au bénéfice des collectivités locales. Il en va ainsi de la gestion de l'eau potable et de l'assainissement notamment, mais également de la gestion des déchets des transports et, dans certains cas, de l'énergie. Il s'agit bien sûr de services essentiels aux habitants et au fonctionnement des écosystèmes urbains en particulier et leur bonne mise en œuvre à un impact très important sur l'environnement, au-delà des limites des territoires directement concernés. L'équité d’accès à ces services est indispensable pour maintenir leur cohésion sociale et leur dynamisme économique. Comment mettre en place de nouveaux partenariats entre collectivités locales, opérateurs, mais aussi acteurs de la société civile ou de l'économie sociale et solidaire, pour répondre de manière durable à ces enjeux cruciaux ? Comment mettre à profit les mécanismes de l'Économie Circulaire et les opportunités offertes par la révolution numérique pour intégrer l'ensemble des citoyens dans une dynamique de progrès ? Peut-on envisager une forme hybridée de partenariat public-privé qui associe l'efficacité sociale et économique à la performance environnementale des territoires ? Comment les grandes entreprises peuvent-elles contribuer à renforcer les liens et les apprentissages entre des territoires divers et entre les échelles de territoires ? Les mentalités des acteurs évoluent très rapidement et des coopérations robustes et efficaces commencent à se dessiner.

Eric Lesueur est le Président exécutif de 2EI, filiale du groupe VEOLIA dédiée à l'innovation et au conseil sur les services urbains pour les villes et territoires durables notamment dans le domaine de l'innovation sociale. Eric Lesueur est en particulier le Managing Director de Grameen Veolia Water, social business pour l'eau potable au Bangladesh, en partenariat avec Mohamed Yunus. 2EI a également développé POP Up, un réseau international d'incubateurs d'entreprenariat social autour des activités de VEOLIA. Diplômé de l'École Polytechnique, Eric Lesueur a rejoint VEOLIA en 1993 où il a occupé plusieurs responsabilités, comme Directeur Environnement ou Directeur Adjoint de la R&D, avant de créer 2EI en 2008.


TR7 : Échelles territoriales de la santé en commun, avec Corinne BEBIN (SCIC "Solidarité Versailles Grand Age"), Olivier BENOÎT (Aide) et Claude DUMAS (SCIC Ecoreso)
À l'instar de la santé communautaire, des collectifs, des associations, des mutuelles et des coopératives proposent à leurs publics (personnes âgées, publics fragiles, porteurs d'handicaps, …) des formes d'accompagnement et de participation innovantes. Il s'agit de réfléchir en commun pour l'amélioration de leur santé et de leur qualité de vie. Jusqu'à quel point est-il possible de soutenir ces processus dans le contexte très réglementé de la santé ? Quelles marges de manœuvre sont possibles pour la prise en compte des besoins exprimés collectivement ?

Corinne BEBIN : Favoriser la coopération des acteurs d'un territoire pour améliorer les parcours de vie, une proposition originale : la SCIC "Solidarité Versailles Grand Age"
La coopération entre acteurs sociaux, médico-sociaux et sanitaires : une démarche mise en œuvre par la SCIC "Solidarité Versailles Grand Age".
L'analyse des trois principaux déterminants du maintien de l'autonomie a conduit les acteurs du territoire à s'interroger sur les moyens et outils à disposition pour une mise en œuvre opérationnelle. Ainsi la Ville — par la voix de son CCAS — demeurait légitime quant à l'attention portée à la demande du Rester chez soi, par la gestion ou l'animation de services à domicile. C'est aux familles et aux professionnels du "domicile" que s'adressait la question du "Ne pas être isolé" tandis que c'est aux professionnels de santé de toutes institutions que revenait la question du "Accéder facilement aux soins". Confirmant sa volonté de contribuer à l'amélioration de la qualité de vie telle qu'envisagée par Wood, chaque acteur concerné par l'un des trois principaux déterminants se déclara favorable à utiliser un outil juridique innovant : la société coopérative d'intérêt collectif en ce qu'elle illustrait la volonté coopérative dans le respect d'un juste équilibre des acteurs en présence. Ainsi, il appartenait à deux promoteurs de l'innovation de concrétiser cette volonté. D'une part, le CCAS de la Ville, à deux titres, celui de gestionnaire d'un EHPAD (totalement habilité à l'aide sociale) et d'un SSIAD, et celui de financeur d'un projet de reconstruction. D'autre part, une foncière, Entreprendre pour Humaniser la Dépendance (EHD), membre du mouvement Habitat et Humanisme spécialisé dans l'épargne solidaire et solidement implantée sur le territoire. Ainsi la création — en 2012 — de la Société Coopérative d'Intérêt collectif Solidarité Versailles Grand Age affiche une convergence avec les principes retenus par la loi ASV.
Personnes impliquées : Bernard Devert (Habitat et humanisme), Melina Ferlicot (CCAS Ville de Versailles), Kevin Charras (Fondation Médéric Alzheimer), Docteur Pierre Aquino (Fondation Méderic Alzheimer) et Sophie Quelennec (Lepine Versailles).

Corinne Bebin est diplômée de l'IEP Paris et de l'INSHEA. Maire-adjoint déléguée aux affaires sociales et à la Santé de la Ville de Versailles. Vice-présidente du CCAS. Présidente de la Société Coopérative d'Intérêt Collectif (SCIC) Solidarité Versailles Grand Age. Élue locale depuis 10 ans, l'expérience de l'accompagnement de la vulnérabilité enrichit quotidiennement ses réflexions éthiques sur l'action politique. Présidente de la Commission spécialisée Médico-Sociale - CRSA - ARS Ile de France.


TR8 : Habiter en commun les territoires, avec Camille FONTENELLE (Association Enerterre) et Joseph HAERINGER (Habitat et Humanisme)
Favoriser l'accès de tous à un logement digne et abordable est l'un des principes défendus dans la loi Alur. Mais cela doit s'accompagner de la participation des habitants à la définition, la conception, voire la réhabilitation de leur logement. Habiter en commun implique donc une pensée nouvelle sur les lieux et les liens à tisser pour habiter autrement la ville comme la campagne. Quels projets communs sont aujourd'hui possibles ? Quelles modalités de mise en œuvre pour une réelle participation des habitants ? À quelles nouvelles reconfigurations territoriales cela donne lieu ?

Joseph HAERINGER : Comment transformer un "Habitat" en un "Habiter". L'histoire d'un projet
Le défi que tente de relever ce projet est de substituer à la démarche dominante d'une succession de phases (conception du projet, construction, livraison et emménagement des habitants), celle d'une imbrication du monde de l'immobilier et de celui des habitants afin de rompre les rapports entre les ingénieurs concepteurs (architectes, entreprises, finances) et les habitants (locataires assujettis aux dispositifs du logement social). Du fait de sa proximité avec les publics concernés, l'association Habitat et Humanisme se fait successivement porteuse des attentes et besoins des futurs locataires, puis chargée de constituer le public de locataires et, in fine, garant d'un bon fonctionnement en "donnant les clés" aux habitants. Cette imbrication requiert des agencements particuliers et des agents de traduction afin de pouvoir aménager un espace commun local suffisamment autonome pour tisser ces liens. La possibilité d'un tel espace d'ajustement, d'exploration de pratiques nouvelles, nécessite un ancrage plus large localement, mais aussi national, fédéral en l'espèce. Le réseau national, dans sa triple dimension d'échanges d'expériences entre associations, d'expertise apportée au projet local par la technostructure fédérale et de plaidoyer auprès des pouvoirs publics, constitue une sorte d'"écosystème", sorte de vivier favorable à l'éclosion et à la diffusion de telles innovations.

Sociologue, Joseph Haeringer a été associé au LISE-CNRS (laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique) après avoir exercé les fonctions de direction d'association. Enseignant à Sciences Po Formation, il était coresponsable pédagogique de l'Executive Master "Sociologie de l'association et action dirigeante". Ses travaux de recherche portent notamment sur les associations d'action sociale et médico-sociale. Dans cette perspective, il a publié divers articles ou participé à divers ouvrages sur l'évaluation, la gouvernance et la participation des usagers. La Démocratie : un enjeu pour les associations d'action sociale et médico-sociale est le dernier ouvrage qu'il a dirigé. Il prépare un ouvrage collectif sur le changement dans les associations.


TR9 : Friches en commun et territoires, avec Sylvie BARROS (Mairie de Thiers), Benedetta CELATI (Univ. de Pise) et Maïté JUAN (Post-doctorante CNRS)
Quarante ans de désindustrialisation et de réduction des services publics ont produit de nombreux territoires abandonnés, marqués par la poussée de friches de toute sorte. Comment celles-ci ont-elles été réinvesties par des acteurs du territoire selon une logique des communs ? À quelles difficultés ces acteurs sont-ils confrontés, quelles solutions innovantes inventent-ils ?

Benedetta CELATI : Friches "en commun" et régénération urbaine en Italie : une interaction complexe entre solidarités territoriales et régulation juridique
Les friches — urbaines et industrielles — et leur régénération constituent une déclination spécifique du concept plus large et aux définitions multiples de la régénération urbaine. Une notion, cette dernière, profondément marquée par la relation et les liens avec la communauté et le territoire dans lequel elle se déploie. D'un point de vue juridique, les éléments à retenir sont plusieurs : il s'agit d'ailleurs de dépasser l'approche classique de l'aménagement et de la gestion du territoire, pour intégrer aussi la question des droits fondamentaux des individus. L'Italie représente un prisme d'observation important, du fait du grand nombre des solutions locales de réutilisation et requalification des lieux désaffectés qui se répandent dans ses régions. Le droit semble parfois incapable de dialoguer avec les innovations sociales produites par ces dernières, et de le traduire, par conséquent, en innovations règlementaires, alors qu'il s'avère, dans d'autres cas, un instrument précieux de soutien et de pérennisation des projets locaux. Comment relever alors le défi de conjuguer des initiatives mobilisant des énergies citoyennes avec des réponses législatives, surtout régionales, qui évoquent une pluralité d'objectifs associés, mais qui éprouvent également des difficultés à sortir de la dimension qui favorise les rendements privés des investisseurs plutôt que le commun ? Ce point, aussi bien que celui du translocalisme, comme circulation et interconnexion vertueuse des bonnes pratiques, ouvrent des pistes de réflexion fertiles sur les opportunités et limites d'une interaction complexe entre espaces d'autonomie (et d'autogouvernement) et la nécessité, qui émerge dans une dynamique de transformation, d'institutionnalisation et fédéralisation des différentes expériences.

Benedetta Celati, docteure en droit public de l'économie à l'université de Pise et en sciences économiques à l'université Paris-Est, est actuellement post-doctorante sur la thématique des politiques publiques et des instruments juridiques pour la valorisation socio-économique des territoires, également dans la perspective de la régénération urbaine. Pour sa recherche doctorale, elle a abordé le sujet des dynamiques socio-économiques locales et de leur interaction avec le droit, en étudiant, sous le prisme de l'économie sociale et solidaire comme vecteur de transformation sociale, des communautés énergétiques durables et des monnaies alternatives.
Publications
Celati, B. (2016), "Economia sociale e dinamiche istituzionali", Rivista del Gruppo di Pisa, 3, 1-18.
Celati, B. (2016), "Les communautés énergétiques durables : un modèle social fondé sur le commun et la subsidiarité", in Communs et transformations sociales : Expériences européennes sous un regard pluriel, Acte du Workshop international, 16 mai 2016, Université Paris Est Marne-la-Vallée, Cahier de recherche Chaire Ess-Upem, Numéro spécial 2016, 104-13.
Celati, B. (2017), "Le monete alternative nel modello dell'amministrazione condivisa", Labsus, Laboratorio per la Sussidiarietà, 1-4.
Celati, B. (2017), "Coconstruction des politiques publiques en Italie", Jurisassociations, Dossier ESS/Pouvoirs publics, 554, 31-32.
Celati, B. (2018), "La rigenerazione dei siti industriali dismessi: diritto e tecnica", Labus, Laboratorio per la sussidiarietà, 1-2.
Celati, B. (2018), "Le monete locali come strumenti giuridici per l’attuazione del principio di democraticità", Rivista Trimestrale di Diritto dell'Economia, 3, 349-390.

Maïté JUAN : Les communs urbains à Barcelone : penser l'autogouvernement citoyen avec les institutions
La présente contribution explore de quelle manière une initiative citoyenne issue d'une logique d'occupation, l'Ateneo Popular Nou Barris à Barcelone, a réussi à légitimer un nouveau paradigme de participation citoyenne et d'action publique, la "gestion communautaire", en s'inscrivant dans une triple stratégie de résistance, d'interpellation et de co-construction de politique publique. Un premier temps visera à décrire le modèle de la "gestion communautaire", touchant à l'autogouvernement local et coopératif, par des communautés d'habitants, de services publics, et articulant gouvernance participative et engagement dans l'économie solidaire. Dans un deuxième temps, nous montrerons la double dynamique de contre-pouvoir et de coopération sous-tendant l'institutionnalisation progressive de la gestion communautaire, et nous approfondirons les modalités d'élaboration d'un nouveau cadre conceptuel et juridique encadrant les communs urbains à Barcelone, le processus "Patrimoine citoyen — communs urbains", faisant figure de véritable innovation institutionnelle issue de la coopération conflictuelle entre société civile et pouvoirs publics.

Maïté Juan est docteure en sociologie, post-doctorante au GIS Démocratie et participation, MSH Paris Nord (CNRS) et chercheure associée au programme de recherche "Démocratie et économie plurielles" du Collège d'études mondiales (FMSH). Ses travaux se situent à la croisée de la démocratie participative et de l'économie solidaire, et tendent à articuler science politique et sociologie économique. Elle mène actuellement une étude postdoctorale sur les "recherches participatives".
Elle a notamment publié les articles suivants : "Les communs urbains à Barcelone : vers une réinvention de la gouvernance territoriale ?", Espaces et sociétés, 2018/4 (n°175) ; "Écologie des savoirs et créativité citoyenne : la co-construction des politiques de gestion communautaire entre associations et pouvoirs publics à Barcelone", Connexions, 2019/1 (n°111) ; "Participatory Art as a Social Practice of Commoning to Reinvent the Right to the City", Voluntas, June 2018. Elle a également codirigé le numéro "L'association : un espace d'innovation démocratique ? Expériences et pratiques de gouvernance, de participation et d'accompagnement", Cahiers de l'action, 2019/1 (n°53).


TR10 : Éducation populaire, construire un monde commun, avec Ana DUBEUX (Univ. Fédérale Rurale de Pernambouc) et Colin ROBINEAU (Univ. Paris 2)
Sans monde commun, il est difficile de faire société. L'éducation pour et par tous au service de l'émancipation individuelle et collective est-elle une ressource pour construire un monde commun local et planétaire ? Quels liens peut-on tisser entre éducation populaire, commoning et communs pour faire société en évitant les dangers du localisme ?

Ana DUBEUX : Éducation Populaire en commun : son rôle, ses défis
L'éducation populaire est essentielle à la construction d'un projet démocratique de société en commun. Les limites du modèle économique actuel et ses impacts dans la vie en société nous renvoient au besoin de revisiter les principes et pratiques de l'éducation populaire en tant que socle de la construction de ce projet. Le Brésil a eu pendant 15 ans un gouvernement qui a mis en place, en partenariat avec les mouvements sociaux, une politique publique d´économie solidaire dont une des priorités était les processus éducatifs populaires tournés vers les thématiques liées à une autre économie à partir de la logique des épistémologies du sud. Cette initiative avait pour but principal de renforcer des réseaux d'éducateurs populaires en économie solidaire à partir des processus de formation de formateurs qui vivaient l'économie solidaire au quotidien, provoquant un effet cascade de multiplication des formations dans les diverses régions et villes du pays. Actuellement, ce pays a un gouvernement d'extrême droite et un énorme recul devant la conquête de droits obtenus pendant les 15 dernières années s'annonce. Ainsi, les réseaux d'éducateurs populaires vont devoir agir face à une réalité adverse, pour construire la lutte collective dans une société où les fissures sociales et économiques conduisent à la suppression des droits humains fondamentaux. Notre contribution poretera sur le besoin de réinventer l'éducation populaire à partir des problématiques actuelles, surtout liées à l'économique, en la comprenant, ainsi que l'affirme Paulo Freire, comme un point de départ pour que les citoyens prennent conscience du besoin de changer leur propre réalité à partir d'un projet collectif de société en commun.

Ana Dubeux, docteur en sociologie, diplômée de l'université de Paris I, est actuellement professeur du Département de Sciences de l'Éducation à l'université Fédérale Rurale de Pernambouc au Brésil, membre du Centre de Recherche en Agroécologie et Paysannerie et de l'Incubateur Technologique de Coopératives Populaires de cette université. Travaillant toujours dans la perspective de la recherche-action avec des mouvements sociaux liés à l'agroécologie et à l'économie solidaire, ses recherches lient ces thématiques à la quête d'un nouveau sens au processus de construction de connaissances et de la science à partir de la perspective des épistémologies du sud et des communs.
Publications
Dubeux A., "Extensao universitaria no Brasil : democratizando o saber da universidade na perspectiva do desenvolvimento territorial", Sinergias - Dialogos educativos para a transformação social, v. 6, p. 9-24, 2018.
Dubeux A., Batista M. P., "Agroecologia e Economia Solidária : um diálogo necessário à consolidação do direito à soberania e segurança alimentar e nutricional", Redes (Santa Cruz do Sul. Online), v. 22, p. 227-249, 2017.
Medeiros A., Vilaca M., Nunes Da Silva J., Dubeux A. (Org.), Economia Solidaria, educação popular e pedagogia da autogestão - reaprendendo a aprender pelas veredas da descolonização do saber no nordeste, 1a. ed. Recife : MXM Grafica e editora, 2018, 146 p.
Dubeux A., Brito H. D. (Org.), Educação em Economia Solidaria e autogestão, 1a. ed. Recife : MXM Grafica e editora, 2018, 95 p.
Dubeux A., Medeiros A., Aguiar M. V. A. (Org.), Agroecologia na convivência com o semiarido : Sistematização de experiências vividas, sentidas e aprendidas, 1a. ed. Recife : Editora dos Organizadores, 2015, v. 1, 181 p.
Dubeux A., Medeiros A., Vilaca M., Santos S. (Org.), A construção do Conhecimento em Economia Solidaria. Sistematização de Experiências no Chão do Trabalho e da Vida no Nordeste, 1a. ed. Recife : F&A Grafica e Editora Ltda, 2012, v. 1, 288 p.
Dubeux A., "Technological incubators of Solidarity economy initiatives : a methodology for promoting social innovation in Brazil", in Moulaert F., MacCallum D., Mehmood A., Hamdouch A. (Org.), The International Handbook in Social Innovatio Social innovation : Collective action, Social learning and Transdisciplinary research, 1aed. Cheltenham : Edwrd Elgar Publishing, 2012, p. 299-307.

Colin ROBINEAU : Politiser en construisant du commun : le cas d'un squat d'activités de l'Est parisien
Les travaux de Colin Robineau se situent au croisement de la sociologie, des sciences de l'information et de la communication et de la science politique. Accordant une place centrale à la démarche ethnographique, ses recherches interrogent de façon transversale des objets variés : les formes contemporaines de l'engagement, les modalités d'organisation et de politisation d'espaces publics locaux et contestataires, les processus de socialisation politique ainsi que les conditions de possibilité de la critique ordinaire de l'ordre social.
Publications
"S'engager corps et âme. Socialisations secondaires et modes de production du militant "autonome"", Agora débats/jeunesses (Presses de Sciences Po), vol. 3, n°80, 2018, p. 53-69.
"Constituer un contre-public en marge des médias : négociations, circulations et normativités d'un discours "révolutionnaire" au sein d'une cantine de quartier‪", Études de communication, vol. 2, n°47, 2016, p. 131-148.‬‬
"Ouvrir les portes d'un squat d'activités à des non-militants pour amorcer une politisation. Conditions et enjeux de la mise en suspens du sens pratique", Savoir/Agir, vol. 4, n°38, 2016, p. 53-59.
"Quand le sociologue est dans la confidence : les fonctions et les usages sociaux du secret en terrain militant radical", ¿Interrogations?, n°22, juin 2016 [en ligne].


DP1 : Formes de solidarité et commun, avec Philippe EYNAUD (IAE-Paris 1) et Stéphane VEYER (Coop des communs)
Les articulations possibles entre économie sociale et solidaire et communs sont évidentes à la fois dans le débat théorique comme dans les pratiques. L'ESS comme les communs proposent un dépassement par rapport à une lecture dichotomique de la société fondée uniquement sur l'État et le marché. Or, plusieurs questions restent ouvertes. Les contextes de mobilisation et d'émergence comme les enjeux de régulation, d'opposition, voire de revendication auprès des pouvoirs publics, impliquent diversement les acteurs. Quels sont les enjeux de reconnaissance comme d'opposition qui traversent les débats ? Quels dépassements et quelles synergies sont possibles ?


DP2 : Regards croisés Nord-Sud, une épistémologie commune ?, avec Pedro HESPANHA (Univ. de Coimbra) et Stéphanie LEYRONAS (AFD)
Une ligne imaginaire, qui n'est pas uniquement géographique, divise le monde en deux. Dans ce partage, les réalités des Sud ont été tellement disqualifiées qu'elles disparaissent et deviennent invisibles ou inintelligibles. Comment la perspective des communs nous permet-elle de dépasser les distinctions, visibles et invisibles, qui divisent le monde en deux ? Est-t-il possible, dans une perspective renversée, de trouver dans ces réalités des matrices d'action qui peuvent éclairer et servir d'exemple dans les Nords du monde ?


DP3 : Valeurs et communs pour les territoires, avec Nicolas CHOCHOY (Institut Godin) et Hervé DEFALVARD (Chaire ESS - UPEM)
Le commun est intimement lié à ce que nous avons des raisons de valoriser et, ce faisant, il nous amène à questionner les représentations de la valeur. Quels liens entre valeurs au sens sociologique du terme et commun ? Comment les communs peuvent-ils échapper au localisme des valeurs ? Si la valeur économique n'est ni attachée aux biens, ni aux personnes comme dans les théories classiques en économie, mais est une construction sociale, alors les communs semblent en redistribuer les cartes. Comment la représentation économique de la valeur s'en trouve-t-elle bousculée ? Le commun ne nécessite-t-il pas également de modifier notre représentation du temps ?


DP4 : Pouvoirs publics et commun, avec Silke HELFRICH (Commons Strategies Group) et François Xavier VIALLON (Univ. de Lausanne)
Le mouvement des communs, dans une perspective de société des communs, interroge aussi la place, le rôle et la posture des pouvoirs publics vis-à-vis des communs. Des collectivités locales aux pouvoirs supranationaux en passant par l'État, les pouvoirs publics doivent-ils et peuvent-ils être des facilitateurs ou des co-producteurs des communs ? Quelles représentations de l'organisation démocratique et des pouvoirs publics véhiculent les communs et la pratique des communs ?


DP5 : Émancipation et commun, avec Fanélie CARREY-CONTE (Coop des communs) et Melaine CERVERA (Univ. de Lorraine)
La perspective des communs pose la question de la préservation et du partage égalitaire mais sous-tend également celle de la transformation et de la capacité d'agir de collectifs. Quel horizon émancipateur les communs mobilisent-ils ? Quelles stratégies de réappropriation et de revendication sont possibles dans la perspective des communs ? Quels processus d’émancipation se mettent en œuvre par des expérimentations sociales et économiques ?

Melaine CERVERA : Possibilités d'auto-émancipation et changement institutionnel
Pour ce débat public, il s'agit d'ouvrir la discussion sur les possibilités concrètes d'une auto-émancipation des citoyens et citoyennes associés en prenant l'exemple de l'habitat alternatif ou collectif ancré dans des communs de territoire. Des études de cas aussi éloignées que les communautés d'habitat alternatif diffusant des spectacles vivants d'une part, des lieux de vie et d'accueil en protection de l'enfance développant une approche libertaire d'autre part, viendront illustrer les possibilités de changements institutionnels trans-locaux aux marges du social pour une transformation sociale vers une société du commun. L'intervention posera la question des possibilités d'auto-émancipation dans des cadres contraints, ouvrant le débat sur les capacités de subversion des collectifs autonomes.

Melaine Cervera, docteur en sciences économiques, maître de conférences en sociologie à l'université de Lorraine et co-fondateur de l'association de promotion des expérimentations sociales (APEX), étudie la co-construction de l'action publique entre les pouvoirs publics et les associations en termes d'accompagnement des publics fragiles. Les dynamiques d’économie solidaire et des communs sur les territoires constituent pour lui un terrain d'étude privilégié pour repenser les analyses de la solidarité et de l'autonomie.


DP6 : Monnaie et commun, avec Denis DUPRÉ (Univ. de Grenoble) et Marie FARE (Univ. Lyon 2)
Dans la perspective autant anthropologique qu'économique de la monnaie comme lien social, celle-ci ne peut échapper à sa relecture à l'aune du mouvement des communs. Dans cette réflexion, deux entrées questionnant le monopole étatique sur la monnaie semblent possibles : l'échelle du monde avec les cryptomonnaies et l'échelle locale avec les monnaies complémentaires. Quelle place pour les communs dans ces réinventions ? Ces deux entrées s'opposent-elles ou se rejoignent-elles à l'aune des communs ?

Denis DUPRÉ : Rôle des monnaies dans le cadre d'une perspective d'effondrement de notre société thermo-industrielle. Récit de science-fiction
À l'heure où sont écrites ces lignes, le 16 mars 2019, les crypto-monnaies ont un coup de blues et les monnaies locales restent marginales dans l'économie. Ce même jour a eu lieu la marche mondiale pour le climat. L'effondrement de la société thermo-industrielle devient de plus en plus probable et de plus en plus proche. Comment penser l'utilité des monnaies pour garder une société encore humaine où la possibilité de vie digne pour tous reste accessible ? Nous allons décrire un scénario d'effondrement dont nous ne pouvons pas estimer la probabilité. Nous ferons donc de la science-fiction. Dans ce cadre, nous décrirons un imaginaire possible d'un collectif qui créerait des institutions nouvelles. Nous regarderons comment les formes monétaires pourraient être définies par cette communauté, associant crypto-monnaies et monnaies locales. Cette utopie nous permettra de donner des éléments de réponses à trois interrogations. Comment les monnaies influeront sur les valeurs de la communauté ? Comment les monnaies permettront des échanges de matières avec les communautés extérieures ? Comment les monnaies participeront aux échanges de valeurs avec les communautés extérieures ?

Après avoir passé 15 ans dans divers organismes bancaires, Denis Dupré enseigne l'éthique, la finance et l'écologie territoriale depuis 20 ans à l'université Grenoble-Alpes et à l'ENSIMAG (Institut national polytechnique de Grenoble). Il a écrit une dizaine de livres sur l'éthique, la finance et la monnaie disponible [souvent en version gratuite]. Denis Dupré alerte, depuis 1998, sur les risques de démesure de notre système financier et sur la puissance exponentielle de l'économie nuisible. Il a proposé des actions collectives pour remettre la finance à sa place en vue d'élaborer une économie au service des projets d'autonomie des hommes et a participé à quelques initiatives pour réformer la finance (Finance et biens communs à Genève, Finance And Sustainability en France, Stopevasionfiscale).

Marie FARE : Penser autrement les monnaies
Qualifiées de sociales, citoyennes, locales ou complémentaires, des monnaies à dénominations, formes, objectifs et usages multiples connaissent, depuis plusieurs décennies et partout dans le monde, une visibilité et un développement croissants. La plasticité des systèmes monétaires à l'échelle d'un territoire ou d'une communauté — ainsi que les possibilités ouvertes par l'utilisation des principes monétaires à des fins définies par des groupes spécifiques d'acteurs, y compris de citoyens — reste cependant trop peu étudiée. Plusieurs facteurs contribuent à entretenir cet angle mort : la représentation commune de la monnaie comme objet de souveraineté coupé des dynamiques citoyennes; le champ d'influence encore restreint de la plupart des monnaies sociales et complémentaires; leur dimension souvent folklorique, conviviale et joyeuse, qui tranche avec le sérieux de la fonction monétaire et son inscription dans l'univers bancaire et technocratique. Or ces monnaies portent des potentialités riches de perspectives : il en est ainsi du soutien à des dynamiques territoriales socioéconomiques et politiques, de l'instauration de pratiques économiques reposant sur de nouvelles normes (sociales et environnementales), ainsi que du développement de la capacité d'agir des individus et des communautés, dont il s'agit d'étudier le caractère disruptif. S'il est relativement aisé de voir, dans le développement de ces différentes monnaies, une réponse à la crise économique, certaines d'entre elles s'inscrivent résolument dans un projet politique plus vaste, transformateur, où il s'agit d'interroger en profondeur le faire société. Si la crise systémique nous invite à repenser notre modèle de développement mondialisé, elle tend partout à réactiver un véritable désir d'inventer de nouveaux projets de société mieux ancrés dans les réalités locales et suivant des réponses articulées entre elles, respectant et intégrant les particularismes sans en promouvoir les écueils. Diversité et démocratie, bien-être individuel et collectif, coopération et co-élaboration, partage équitable des ressources, participation citoyenne et "faire commun" : en d'autres termes, cette transformation touche à l'ensemble des sphères économique, sociale mais surtout culturelle et symbolique. La monnaie constituant à cet égard un puissant levier de changement, il s'agit d'ouvrir ici un double débat. Le premier débat porte sur l'intérêt — et peut-être l'urgence — de penser autrement la monnaie, c'est-à-dire dans sa capacité transformatrice. Le second débat porte sur les chemins qu'empruntera cette transition, sur le rôle et la place des territoires, ainsi que sur les formes nouvelles d’expression et d’action adoptées par la démocratie.

Marie Fare est économiste, maître de conférences à l'université Lumière-Lyon 2 et membre du laboratoire Triangle (UMR 5206). Ses travaux se concentrent sur la pluralité monétaire et particulièrement sur les monnaies locales, sociales et complémentaires, analysées au regard des enjeux du développement territorial soutenable.
Publications
Marie Fare, Repenser la monnaie, transformer les territoires, faire société, Éditions Charles Léopold Mayer, 2016.
Marie Fare, "Sustainable territorial development and monetary subsidiarity", in Georgina M. Gomez (ed.), Monetary Plurality in Local, Regional and Global Economies, Routledge, 2018.
Tristan Dissaux et Marie Fare, "Jalons pour une approche socioéconomique des communs monétaires", Économie et institutions, n°26, numéro spécial sur l'institutionnalisme monétaire, 2018.
Jérôme Blanc et Marie Fare, "La monnaie, éclairages et débats institutionnalistes", Économie et institutions, n°26, Introduction du numéro spécial sur l'institutionnalisme monétaire, 2018.
Jérôme Blanc et Marie Fare, "Pathways to improvement. Successes and difficulties of local currency schemes in France since 2010", International Journal of Community Currency Research, vol. 22, Winter, p. 60‑73, 2018.
Marie Fare et Pepita Ould-Ahmed, "Why are Complementary Currency Systems difficult to grasp within conventional economics ?", Interventions économiques / Papers in Political Economy, numéro special "Dialogues et controverses sur la nature sociale du rapport monétaire", n°59, 2017.
Marie Fare et Pepita Ould-Ahmed, "Complementary Currency Systems and their ability to support economic and social changes", Development and change, vol. 48, n°5, pp. 847–872, 2017.


DP7 : Critères et outils de gestion et commun, avec Nicole ALIX (Coop des communs) et Denis DURAND (Revue Économie et politique)
Notre "monde commun" est largement façonné par les outils de gestion. Le régime dominant de la valeur pour l'actionnaire est orienté par ses critères financiers (le ROI ou le ROA) qui se déclinent en critères de gestion faisant l'objet de multiples reportings, dessine ainsi notre monde actuel. L'économie sociale et solidaire n'est pas exempte de cette évolution avec, par exemple, les contrats à impact social (les social impact bonds). Une économie en commun appelle non seulement une critique de ces critères de gestion mais aussi et peut-être surtout la mise en place de nouveaux critères.

Nicole ALIX : Quels critères pour élaborer des outils de gestion adaptés aux communs ?
Nicole Alix est présidente de La Coop des Communs, pour construire des alliances entre économie sociale et solidaire et les communs. HEC 74, elle a travaillé 15 ans au Crédit Coopératif dont elle a été la directrice du développement et 25 ans dans le monde associatif de l'action sociale et la santé (DGA de l'UNIOPSS, créatrice du "Comité de la Charte pour le don en confiance", DG du groupe de Maisons de retraite Isatis).

Denis DURAND : Prises de pouvoir locales sur l'économie et cohérence systémique
L'accumulation du capital qui commande tout le fonctionnement du système économique contemporain est régulée par un critère : le taux de profit. Ce critère, rendu encore plus pesant par la globalisation financière, est profondément contradictoire avec l'exigence désormais vitale d'une promotion de toutes les capacités humaines et des biens communs qui en sont la condition : écologie, santé, éducation, culture, sécurité, paix… La réponse à cette exigence doit donc conduire à opposer au critère de rentabilité de nouveaux critères d’efficacité économique, sociale et écologique qui peuvent aider les expériences et mobilisations dans les territoires à faire émerger une cohérence globale ouvrant la voie à un dépassement du capitalisme et du libéralisme. On s’appuie dans cette démarche sur les travaux fondateurs de Paul Boccara.

Denis Durand, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et de l'université Paris I, a été directeur adjoint à la Banque de France où il a également exercé des responsabilités syndicales. Il a été membre du Conseil économique et social puis du Conseil économique, social et environnemental. Il est actuellement codirecteur de la revue Économie et politique.
Publications
Un autre crédit est possible !, Le Temps des CeRises, Paris, 2005.
En collaboration avec Frédéric Boccara et Yves Dimicoli, Pour une autre Europe, Le Temps des CeRises, Paris, 2014.
Financer l'expansion des services publics en Europe, Note de la fondation Gabriel-Péri, Paris, 2016.
Sept leviers pour prendre le pouvoir sur l'argent, Éditions du Croquant, Paris, 2017.


DP8 : Droit, commun et territoire, avec Benjamin CORIAT (Coop des communs) et Viviane HAMON (Conseil)
Le droit constitue un élément essentiel du contexte plus ou moins favorable au développement des communs et à leur interconnexion. Les communs quant à eux produisent des règles dans cet environnement institutionnel mais peuvent-ils contribuer à le transformer ? Comment penser le rôle du droit dans ce mouvement de transformation sociale ? Existe-t-il dans les différentes approches et traditions juriques des pistes pour un rôle du droit dans le translocalisme des communs ?

Viviane HAMON : Le système de garantie participatif. Un commun intellectuel local comme alternative à la certification par tierce-partie
Le droit constitue un élément essentiel du contexte plus ou moins favorable au développement des communs et à leur interconnexion. Les communs quant à eux produisent des règles dans cet environnement institutionnel mais peuvent-ils contribuer à le transformer ? Comment penser le rôle du droit dans ce mouvement de transformation sociale ? L'exemple du Système Participatif de Garantie (SPG) permet d'illustrer cette question. Ce processus de certification par les pairs peut être défini comme un bien intellectuel commun, ancré au plus près des parties-prenantes dans les territoires. Il s'oppose aux standards internationaux dominants de la certification par tierce-partie (CTP) et de la normalisation qui bénéficient d'une reconnaissance juridique imbriquée aux différentes échelles nationale, européenne (UE) et mondiale. Créé pour certifier les productions paysannes, le SPG appliqué à l'agriculture biologique s'est répandu dans un grand nombre de pays acquérant, dans certains d'entre eux, une reconnaissance juridique (ex. Brésil). L'organisation internationale IFOAM consacre l'alliance des SPG de l'agriculture biologique. Développé initialement en Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le label Bâtiments Durables Méditerranéens (BDM) a pour objet de certifier les performances environnementales et durables des bâtiments, en tenant compte du contexte climatique, culturel et social de leur territoire d'implantation et en utilisant le SPG. Aujourd'hui adapté dans d'autres régions françaises (Occitanie, Ile de France, Nouvelle Aquitaine…), ce label participe également à une association européenne de labels équivalents (CESBA). Une alliance d'organisations et d'acteurs utilisant le SPG — agriculture biologique, bâtiment durable mais aussi banques solidaires, entreprises de l'ESS… — peut-elle permettre de sécuriser juridiquement le SPG, commun intellectuel ancré dans le territoire, pour le faire reconnaître par les institutions nationales et internationales en tant qu'alternative aux processus privés de certification par tierce-partie, aujourd'hui totalement dominants ?

Viviane Hamon (École Supérieure de Commerce de Paris - DEA Sciences de gestion - Master d'anthropologie) est consultante indépendante depuis 1985. Son activité est centrée sur l'application du marketing sociétal aux questions du développement durable des territoires (agriculture, tourisme, économie locale) et de la transition énergétique. Sur ces sujets, elle contribue à la création, la mise en œuvre et à l'évaluation de politiques publiques auprès des collectivités territoriales (EPCI et de Régions) et d'agences nationales (ADEME, ANAH, Plan Bâtiment Durable...). En 2006, elle a participé à la création du label Bâtiments Durables Méditerranéens et est aujourd'hui membre du Comité d'Orientation Stratégique de l'Association Envirobat-BDM.


DP9 : Coopératives et commun pour quelles solidarités ?, avec Jean-Louis BANCEL (Crédit coopératif) et Noémie de GRENIER (Coopaname et Manucoop)
Au XIXe siècle, avant le cloisonnement juridique, la coopérative est à la fois association, coopération et mutualisation autour d'un intérêt commun. Après un siècle de fragmentations juridiques, le retour des communs ouvre un débat sur l'identité des coopératives que vient alimenter les nouveaux statuts de SCIC ou de CAE. Selon les différents points de vue, comment les finalités, les frontières et les échelles de la coopérative sont-elles reconfigurées ?

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


PORTRAITS DE PAYS. TEXTES, IMAGES, SONS


DU MERCREDI 3 JUILLET (19 H) AU MERCREDI 10 JUILLET (14 H) 2019

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Sophie LÉCOLE SOLNYCHKINE, David MARTENS, Jean-Pierre MONTIER


ARGUMENT :

Dépeindre un lieu, quoi de plus courant ? La pratique est si ancienne que sa familiarité a pour une large part occulté l'existence d'un genre à part entière, le portrait de territoire, dédié à la (re)présentation de lieux tels que des villes, des régions et des pays. Ce genre n'a cessé d'évoluer au cours d'une histoire qui l'a vu se décliner sous différentes formes médiatiques : du livre aux sites web en passant par la photographie, le cinéma et la télévision, la radio ou encore dans le cadre d'expositions.

Ce colloque a pour ambition de proposer la cartographie de ce genre aussi méconnu qu'extraordinairement courant. Pour ce faire, des spécialistes de différentes disciplines (études littéraires, histoire et esthétique de la photographie, du cinéma…) seront conviés à un dialogue avec des auteurs de portraits de pays ainsi qu'avec celles et ceux que ces questions intéressent.


Vies de château (Joachim Glaude)


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 3 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 4 juillet
Matin
Sophie LÉCOLE SOLNYCHKINE, David MARTENS & Jean-Pierre MONTIER : Introduction
Jean-Pierre MONTIER : Qu'est-ce, finalement, qu'un "pays" ? Rives, dérives de Pierre Loti au Japon

Après-midi
Jean ARROUYE : Portraits gioniens de la Haute-Provence ou la photographie multiréférentielle instrument d'un art moderne de la vanité
Entretien entre Thomas CLERC (écrivain) et Sophie LÉCOLE SOLNYCHKINE

Vernissage de l'exposition de Benjamin LE BRUN : "Le Centre des loisirs" [lauréat du "prix Cerisy" lors d'un concours photographique, organisé en 2018 par le collectif Point-Virgule, à l'occasion du colloque de Cerisy : "Nouveaux enjeux prospectifs des territoires et co-construction des stratégies"]

Soirée
Projection du film documentaire Les Habitants (2016), en présence du réalisateur Raymond DEPARDON et animée par Danièle MÉAUX


Vendredi 5 juillet
Matin
Laurence LE GUEN : De "Children of all Lands Stories" à la collection "Enfants du monde", offrir un regard sur l'Autre en littérature jeunesse
Gyöngyi PAL : Les portraits du pays de bocage de Trassard

Après-midi
Danièle MÉAUX : Le territoire comme il est habité. À propos de réalisations photographiques et filmiques de Raymond Depardon
Marcela SCIBIORSKA : Des "livres de photographies pour tous". Stratégies éditoriales derrière les portraits de pays à la Guilde du Livre

Soirée
Julien POIDEVIN, créateur sonore - auteur d'un portrait sonore de Caen


Samedi 6 juillet
Matin
Alexandre GALAND : L'enregistrement de terrain, pour des portraits sonores de "mondes inconnaissables"
Pauline NADRIGNY : Knud Viktor : images sonores du Lubéron

Après-midi
DÉTENTE


Dimanche 7 juillet
Matin
Catherine BERTHO-LAVENIR : Il Bel Paese, le "petit pays" : portraits de pays dans les revues du Touring Club d'Italie et de France
Olivier LUGON & François VALLOTTON : Élargir le regard via le multimédia : les différentes déclinaisons du "portrait de pays" au sein de la stratégie audiovisuelle des Éditions Rencontre (1962-1972)

Après-midi
Donata MENEGHELLI : Les villes invisibles de Sophie Calle : entre Suite vénitienne et Souvenirs de Berlin-Est
Bruno GOOSSE : Waterloo n'est pas à Waterloo

Soirée
Présentation de la revue Gradalis, avec Sébastien CASSIN (À propos des Séjours Rocheux), Sophie LÉCOLE SOLNYCHKINE et Pauline NADRIGNY


Lundi 8 juillet
Matin
Anne SIGAUD : Les Archives de la Planète d'Albert Kahn : l'autochrome et le film au service de la conceptualisation et de la promotion de la nation (1909-1932)
David MARTENS : "Villes Mondes" (France Culture). Portraits urbains polyphoniques et radiophonie littéraire [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
Sophie LÉCOLE SOLNYCHKINE : Portraitures élémentaires. Séjourner aux marges du monde
Benjamin THOMAS : Flandres (2006, Bruno Dumont) : topologies sensibles


Mardi 9 juillet
Matin
Sarah LABELLE : Figurations de la "ville intelligente" : motifs de l'agir ingénieur
Julia BONACCORSI : Veiller, surveiller : défigurations de la ville

Après-midi
Hécate VERGOPOULOS : Les portraits sinistres de ville
Sophie de PAILLETTE : "Portraits identitaires de territoires"

Soirée
Portrait sonore (restitution), par Joachim GLAUDE


Mercredi 10 juillet
Matin
Patrick BARRÈS : La ville rouge de Michael Matthys : portrait de ville, une logique du fragmentaire [texte lu par Sophie LÉCOLE SOLNYCHKINE]

Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Patrick BARRÈS : La ville rouge de Michael Matthys : portrait de ville, une logique du fragmentaire
Dans son album La ville rouge (2009), Michael Matthys réunit des images de la ville de Charleroi, conçues à partir du relevé cinématographique et de l'empreinte photographique d'espaces-tiers, et réalisées avec du sang de bœuf issu des abattoirs de Gilly et suivant les développements d'un dessin d'esquisse. Nous interrogerons les relations entre ces fragments-mondes, attachés à la viscosité du rouge sang, à la versatilité du trait et à une représentation en défaut, et les éclats de réalité d'un milieu urbain identifié comme le "pays noir".

Patrick Barrès est Professeur en arts appliqués, arts plastiques à l'université Toulouse – Jean Jaurès, Directeur du LARA-SEPPIA (Laboratoire de Recherche en Audiovisuel – Savoirs, Praxis et Poïétiques en Art), responsable de l'axe de recherche "Poïétiques du Cinéma d'animation", responsable du Master "Motion design & Cinéma d'animation" de l'ISCID (Institut Supérieur Couleur Image Design). Artiste plasticien. Auteur de textes critiques sur les arts visuels, le cinéma et les pratiques du site (architecture, paysage, land art).
Sélection de publications
Expériences du lieu, paysage, architecture, design, Archibooks, 2008.
Gradalis. Carnets de Topoïétique : Limitis, hodologies de la frontière, Éditions Passage(s), n°1, 2016; n°2, 2019 / avec Sophie Lécole Solnychkine).

Julia BONACCORSI : Veiller, surveiller : défigurations de la ville
Le propos portera sur des modalités de représentation visuelle de l'espace urbain qui relèvent de projets documentaires spécifiques, non culturels, artistiques ou touristiques : il s'agit des productions photographiques ou filmiques générées par exemple par l'enregistrement de dysfonctionnements urbains par les usagers de la ville via des applications mobiles, par des opérations militantes de collecte photographique de dispositifs anti-sdf, ou encore par les dispositifs d'enregistrement et de surveillance. La réflexion portera sur les médiations documentaires et esthétiques qui instruisent les sens politiques ou critiques de ces anti-portraits de la ville, à partir d'une analyse ethno-sémiotique des énonciations visuelles, des dispositifs et des processus de publicisation. Les statuts glissants de ces images (prise de note, preuve, témoignage), leur auctorialité ambiguë, leur dimension éphémère, les modalités singulières de leur visionnage, constitueront les principaux axes d'exploration de plusieurs cas contemporains de défigurations de la ville.

Julia Bonaccorsi est professeure en sciences de l'information et de la communication à l'université Lyon 2 et membre d'ELICO, EA 4147. Ses recherches portent sur les dimensions sociales et symboliques des modes d'intelligibilité et représentations de l'urbain, comme la visualisation de données et la photographie.
Publications
"Les Observatoires photographiques ou la production d'un regard public sur le paysage", in Tardy Cécile (éd.), Les médiations documentaires des patrimoines, avec Anne Jarrigeon, L'Harmattan, 2014.
"Le sens collectif de l'écran dans la ville", Interfaces Numériques, 5, 2016.
Territoires. Enquête communicationnelle, avec Sarah Cordonnier, EAC, 2019 (à paraître).
"L'agir documentaire, une politique du détail. À partir du cas de #SoyonsHumains", Communication & Langages, 2019 (à paraître).

Sébastien CASSIN : Présentation de la revue Gradalis — À propos des Séjours Rocheux
Contribuer à la revue Gradalis fut pour moi l'occasion de rassembler une variété d'expériences pyrénéennes et d'en faire le récit sensible. Dans le cadre instauré par la revue, ces expériences furent articulées à la manière d'une errance qui, venant du nord, s'est progressivement faufilée entre les monts — vers la frontière —, et ce afin d'en exhumer les caractères minéraux particuliers. Au plus près du terrain, j'ai cherché à exprimer la variété des manières dont on fréquente ses ressources minérales, depuis la rencontre des roches qui au-dedans structurent la montagne jusqu’à l'investissement de celles qui font cabanes et que l'on habite. La montagne est un lieu de fascination : on y trouve une forme de splendeur qui n'a pas lieu dans la ville. Simplement, et à force d'épier les monts, on en arrive à comprendre pourquoi telle roche affleure là plutôt qu'ailleurs; pourquoi telle fente a lézardé celle-ci; et pourquoi l'érosion a mordu cette face plutôt qu'une autre. Aussi, il faut se prendre au jeu de la montagne afin de surprendre le comportement qu'adopte spontanément la matière en son milieu.

Sébastien Cassin est designer en conception d'espace, et doctorant en design à l'université Toulouse - Jean Jaurès, membre du LARA-SEPPIA. Ses recherches portent sur la prise en compte d'une poétique paysagère dans les pratiques de conception d'espace.

Alexandre GALAND : L'enregistrement de terrain, pour des portraits sonores de "mondes inconnaissables"
La pratique de l'enregistrement de terrain rend sensible à une série de sons discrets, voire inaudibles pour l'oreille humaine, émis par les entités qui habitent un lieu. En nous invitant à cette reconnaissance de la multiplicité des êtres et des formes de vie, ces captations sonores sont de précieux guides dans l'attention nécessaire aux territoires qu'imposent les "crises" écologiques en cours. Cet exposé se propose d'inviter à quelques "promenades en des mondes inconnaissables" (d'après l'expression de l'éthologue Jakob von Uexküll), qui seraient autant de portraits de "pays" réanimés.

Docteur en Histoire, art et archéologie, Alexandre Galand est collaborateur scientifique de l'université de Liège.
Publications
Field Recording. L'usage sonore du monde en 100 albums, Éditions Le mot et le reste, 2012.
Monstres et merveilles. Cabinets de curiosités à travers le temps, Album illustré par Delphine Jacquot, Seuil, 2018.
The Flemish Primitives VI. The Bernard van Orley Group, Catalogue scientifique des œuvres peintes de l'artiste Bernard van Orley, Éditions Brepols, 2013.

Bruno GOOSSE : Waterloo n'est pas à Waterloo
Waterloo est le nom d'une petite ville en périphérie de Bruxelles. Ce nom est connu dans le monde comme celui d'une bataille. Il est tellement connu qu'il est devenu un nom commun. C'est aussi le nom d'un champ. Mais ce champ n'est pas situé à Waterloo. C'est la contingence de la localisation du quartier général du vainqueur de la bataille qui a donné son nom au champ. Cette variabilité du toponyme proche d'une délocalisation a-t-elle favorisé l'utilisation du nom propre comme nom commun ? Derrière cette question anodine se profile une géographie fluide dont la conférence envisage de dresser le portrait.

Bruno Goosse est artiste et professeur à l'Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Son travail porte sur la manière dont le texte, notamment juridique, et ses montages fictionnels, conditionnent notre rapport au réel, à l'image et à l'art. Ses recherches sont rendues publiques sous forme d'expositions, de livres, et de films.
Publications
Classement diagonal, Éditions la lettre volée, Bruxelles, 2018.
Around Exit, Éditions La Part de l'Œil, Bruxelles, 2014.
Co-direction avec Jean Arnaud, Document, fiction et droit en art contemporain, PUP/ArBA, Marseille et Bruxelles, 2015.
Et dirigé le volume 30 de La Part de l'Œil: Arts plastiques/cinéma. Mikhaïl Bakhtine et les arts, Éditions La Part de l'Œil, Bruxelles, 2016/17.

Sophie LÉCOLE SOLNYCHKINE : Portraitures élémentaires. Séjourner aux marges du monde
Cette communication propose de s'intéresser à la question du portrait de pays en la croisant à celle des imaginaires matériologiques. Il s'agira de travailler sur deux plans de références croisés : d'abord celui de la représentation — de la qualité particulière de représentation qu'est l'image cinématographique —, pour y investiguer la manière dont s'y développent des portraits de territoires qui ont ceci de particulier qu'ils se situent aux marges de la terre et du monde humain, là où l'efficacité de nos outils de préhension du monde s'efface, restituant le monde à sa seule présence élémentaire. Les deux films que nous étudierons ont en commun le fait de fabriquer des images de "territoires" au contact de la matière aqueuse : océan liquide pour Léviathan (Lucien Castaing-Taylor, Verena Paravel, 2012), gels et neige pour Ága (Milko Lazarov, 2018). Dans ces deux films, le recouvrement de la terre par les eaux rend malaisée la lecture du territoire (qui pourtant ne cesse d'être là), et demande alors de revenir à la question du portait, pour la reconsidérer. Il faut passer là à un second plan de référence, celui de l'investissement des qualités métaphoriques de la matière, notamment de leur usage par la philosophie pour incarner des idées, dont elles exprimeraient, comme figuralement, certaines propriétés que les mots peineraient à dire. Dès lors, c'est à formuler une proposition de définition liquide du portrait que nous nous emploierons.

Laurence LE GUEN : De "Children of all Lands Stories" à la collection "Enfants du monde", offrir un regard sur l'Autre en littérature jeunesse
Le portrait de pays phototextuel a une réalité effective en littérature jeunesse, avec une grande variété de publications. Ces ouvrages sont régulièrement publiés dans des périodes où le livre pour enfants est perçu comme le moteur d'un nouvel humanisme pacifiste. Les ouvrages qui fleurissent aux États-Unis comme en France après les deux Guerres Mondiales portent tous en eux le même message d'espoir, transmettre la conviction que le monde, dans sa diversité et sa complexité, est un: le nôtre, notre monde à tous. Cette communication croisera les ouvrages de la série des années 1920 "Children of all Land Stories", de la photographe américaine Madeline Brandeis, avec ceux de la collection "Enfants du monde" portés par les photographies de Dominique Darbois, pour montrer comment photographies et textes s'allient pour offrir au jeune lecteur un autre regard sur l'Autre et promouvoir ainsi la paix entre les peuples.

Laurence Le Guen, doctorante à l'université de Rennes 2, Cellam, mène des recherches sur le livre pour enfants illustré par la photographie en France et aux États-Unis. Elle a publié notamment "Sac à Tout de Séverine, récit-photo en 1903", dans la revue Contemporary French Civilization. Elle assure le commissariat de l'exposition "Ergy Landau à livres ouverts". Elle est par ailleurs auteur de livres pour enfants et membre de l'Afreloce, qui regroupe les chercheurs en littérature jeunesse.

Olivier LUGON & François VALLOTTON : Élargir le regard via le multimédia : les différentes déclinaisons du "portrait de pays" au sein de la stratégie audiovisuelle des Éditions Rencontre (1962-1972)
En 1962, les Éditions Rencontre lancent une collection de livres illustrés consacrée au voyage: l'Atlas des Voyages, dirigée par Charles-Henri Favrod. Chez l'éditeur lausannois cependant, un tel projet encyclopédique sur les pays du monde dépasse rapidement le seul domaine de l'album imprimé pour s'étendre à d'autres supports et d'autres médias, du "livre de diapositives" (la Bibliovision) à l'encyclopédie sur fiches (l'Encyclopédie du monde actuel, EDMA) et bientôt au film (la Communauté d'action pour le développement de l'information audiovisuelle, CADIA). Pour l'entreprise, le "portrait de pays" participe ainsi à une dynamique plus large de diversification de ses activités éditoriales en direction du champ de l'"audiovisuel" et à un nouveau déploiement multimédiatique du modèle encyclopédique.

Olivier Lugon est historien de la photographie, professeur à l'université de Lausanne. Spécialiste de la photographie du XXe siècle, de l'histoire de la scénographie d'exposition et de la projection, il a notamment publié Le Style documentaire : d'August Sander à Walker Evans (Macula, 2001) et prépare un ouvrage sur Nicolas Bouvier iconographe, à paraître en 2019. En 2017, il a été co-commissaire de l'exposition Diapositive : histoire de la photographie projetée au Musée de l'Élysée, Lausanne. Avec Christian Joschke, il codirige la revue Transbordeur : photographie, histoire, société chez Macula.

François Vallotton est professeur ordinaire d'histoire contemporaine à l'université de Lausanne où il enseigne plus spécialement l'histoire des médias. Auteur de nombreuses contributions dans le domaine de l'histoire culturelle et intellectuelle, il a notamment consacré sa thèse à l'histoire de l'édition suisse francophone. Il a aussi développé de nombreux projets d'enseignement et de recherche portant sur l'histoire de la radio et de la télévision dans une perspective suisse mais également transnationale. Cofondateur du Centre interdisciplinaire des Sciences historiques de la culture à l'université de Lausanne.

David MARTENS : "Villes Mondes" (France Culture). Portraits urbains polyphoniques et radiophonie littéraire
Entre 2013 et 2016, France Culture programme, le dimanche en deuxième partie d'après-midi, une émission permettant à ses auditeurs et à ses auditrices de découvrir de nombreuses villes de par le monde. "Villes-mondes" se présente comme une série de "voyages" d'une cinquantaine de minutes "au cœur des villes avec leurs créateurs, artistes, écrivains…". Revêtant, sur un plan générique, la forme du portrait, l'émission fait le pari de la découverte sonore en combinant des ambiances sonores des cités avec le discours de ceux qui y vivent, qu'ils soient français ou locaux. Il s'agira à l'occasion de cet exposé de dresser le portrait-robot de l'émission en rendant compte des procédés et des modalités à travers lesquels elle façonne le visage des villes qu'elle présente, ainsi qu'en analysant les valeurs qui sous-tendent la ligne éditoriale de la série.

Danièle MÉAUX : Le territoire comme il est habité. À propos de réalisations photographiques et filmiques de Raymond Depardon
De novembre 2004 à février 2010, Depardon sillonne la France à bord d'une fourgonnette et collecte des vues des "zones grises" du territoire, de ses aménagements ordinaires et vernaculaires. Un certain nombre de ces vues ont été rassemblées dans l'ouvrage La France de Raymond Depardon et exposées à la BnF du 30 septembre 2010 au 9 janvier 2011. Ce sont les traces laissées par les hommes au sein des paysages qui retiennent alors l'attention du photographe. C'est une nouvelle approche du pays qu'il propose, en 2016, dans le film Les Habitants. Si le parcours du photographe tient encore de la dérive, un autre dispositif s'est substitué à la chambre photographique : Depardon visite le territoire avec une caravane, au sein de laquelle il filme des échanges entre personnes. Ce sont dès lors les dialogues, les intonations, les accents… qui témoignent des modes de vie accrochés aux lieux. La démarche de Depardon se rapproche de celle de l'ethnologue. Elle illustre une propension — lisible chez d'autres photographes contemporains — dont on se propose d'interroger ici les formes et les enjeux.

Spécialiste de la photographie contemporaine, Danièle Méaux est professeur des universités en esthétique et sciences de l'art.
Publications
La Photographie et le temps, PUP, 1997.
Voyages de photographes, PUSE, 2009.
Géo-photographies. Une approche renouvelée du territoire, Filigranes, 2015.
Enquêtes. Nouvelles formes de photographie documentaire, Filigranes, mars 2019.
Elle dirige la revue Focales.

Donata MENEGHELLI : Les villes invisibles de Sophie Calle : entre Suite vénitienne et Souvenirs de Berlin-Est
Sophie Calle est un figure très significative dans l'art contemporain, son travail est difficile à classer car il relève au même temps de l'art conceptuel, de l'art narratif, de la photographie et de l'installation audiovisuelle, de l'autofiction, du récit photo, tout en ayant une dimension performative. Dans beaucoup de ses installations/ouvrages, l'espace géographique et urbain, les lieux, les pays et le voyage jouent un rôle capital (qu'on songe, par exemple, à L'Erouv de Jérusalem, au Japon et à la transsibérienne dans Douleur exquise ou aux États-Unis dans son longue métrage No Sex Last Night), même si les modalités de représentation qu'elle choisit sont très souvent déroutantes, notamment en raison des rapports complexes qu'elle établie entre mots et images. Cette communication abordera ces enjeux à partir de deux ouvrages qui ont la particularité d'être centrés respectivement sur deux villes que l'on peut considérer à certains égards antithétiques : d'une part, Venise, la ville historique, touristique, magique, romantique, ville d'art par excellence, toujours exposée, connue et visitée par tout le monde, mille fois reproduite et écrite; d'autre part, Berlin-Est, une ville qui n'en est même pas une (pas avant 1949 et depuis 1990, en tout cas), synonyme de grisaille, d'architecture staliniste, de laideur, de vide, au moins dans la perception et le sens communs. Dans cet exposé, on comparera les diverses stratégies employées par Sophie Calle dans la représentation de ces deux villes, en interrogeant la façon dont elles jouent avec le seuil problématique entre le visible et l'invisible, les attentes (ce qui est prévisible, évident, culturellement donné) et l'inattendu, l'incertain, ou, encore, entre l'espace public et l'espace privé, la mémoire collective et l'expérience individuelle.

Donata Meneghelli est maître de conférence, HDR, de Littérature comparée et de Littérature et études visuelles à l'université de Bologne. Elle dirige la revue Scritture migranti. Elle s'intéresse notamment à la théorie et à l'histoire du roman, à l'intermédialité, à la théorie narrative, au rapports entre la littérature et la culture visuelle, à la littérature de la migration, à l'adaptation cinématographique et aux questions de la transfictionalité. Elle a écrit des essais sur Henry James, Joseph Conrad, Jean Rhys, Alain Robbe-Grillet, William Faulkner, Sophie Calle.
Publications
Una forma che include tutto. Henry James e la teoria del romanzo, Il Mulino, 1997.
Teorie del punto di vista, La nuova Italia, 1998.
Opere e vite, numéro monographique de la revue Inchiesta letteratura, Dedalo, 2000.
"What Can a Film Make of a Book ? Seeing Literature through Apocalypse Now and Barry Lyndon", Image [&] Narrative, 8, May 2004.
"Quadri senza cornici, cornici senza quadri : il romanzo nello specchio della pittura", in La cornice, sous la direction de F. Bertoni e M. Versari, CLUEB, 2006.
"Sophie Calle : tra fotografia e parola", in Guardare oltre, sous la direction de S. Albertazzi et F. Amigoni, Meltemi, 2007.
"La tension entre la forme et l’informe dans le roman du XXe siècle", Formules, 13, 2009.
"Le texte et son ombre ou le lecteur supplicié dans Projet pour une révolution à New York", Interférences littéraires, 6, mai 2011.
Storie proprio così. Il racconto nell’era della narratività totale, Morellini, 2012.
Senza fine. Sequel, prequel, altre continuazioni, Morellini, 2018.

Jean-Pierre MONTIER : Qu'est-ce, finalement, qu'un "pays" ? Rives, dérives de Pierre Loti au Japon
Le cas de Pierre Loti me semble intéressant pour cette raison que je ne suis pas certain qu'il ait réalisé des "portraits de pays". La quasi-totalité de son œuvre paraît pourtant relever de ce genre, et il a tous les attributs de l'écrivain ayant rapporté de divers continents des récits qui, oscillant entre fictions et choses vues, sont reçus par le public sous cet angle générique. Mais c'est la malléabilité ou la plasticité de l'idée même de "pays" qui, chez lui, sont significatives. Il y a des raisons historiques : à l'époque, pays voisine sémantiquement avec nation, empire, colonie, races. Il y a aussi des raisons tenant à sa posture : réaliser un portrait de pays requiert empathie et extraversion, or Loti est la plupart du temps dans l'introversion et la nostalgie. Peut-on faire le portrait d'un pays comme un voyage autour de sa chambre, en egocentrique? De quel "arrière-pays" (Bonnefoy) ce genre peut-il être aussi le lieu ?

Gyöngyi PAL : Les portraits du pays de bocage de Trassard
L'œuvre littéraire et photographique de Jean-Loup Trassard est centrée sur son lieu natal, la Mayenne, le bocage ou, plus précisément, l'entourage de sa maison. Une enfance campagnarde influence toute son œuvre d'écrivain et de photographe. Il est l'auteur entre autres d'une quinzaine de livres où sont juxtaposés des textes et des photographies, qu'il qualifie d'"ethnopoétiques", ayant "à la fois un souci ethnographique ou technique de vérité et en même temps les choses sont abordées sous l'angle poétique". Ses récits contournent et expérimentent la possibilité de description du territoire en mobilisant divers sens du lecteur : la vue, le toucher et l'ouïe, en mettant à l'épreuve les écarts possibles entre textes et photographies.

Gyöngyi Pal est maître de conférences à l'université de Kaposvár en Hongrie où elle enseigne l'esthétique de la photographie et la communication visuelle. Après sa thèse sur des écrivains photographes en 2010 à l'université Rennes 2 et à l'université de Szeged, elle a travaillé en tant qu'ingénieur de recherche sur le projet PHLIT, le site web et base de données de la photolittérature. Entre 2016-18, au cours d'un post-doctorat, elle a mis en œuvre le site MAFIA consacré à la photolittérature hongroise.

Marcela SCIBIORSKA : Des "livres de photographies pour tous". Stratégies éditoriales derrière les portraits de pays à la Guilde du Livre
La Guilde du Livre, club du livre édité à Lausanne entre 1936 et 1977 et chapeauté par Albert Mermoud, est aujourd'hui perçue comme pionnière au sein du champ de l'édition suisse en tant qu'une des premières maisons d'édition dans le monde francophone à proposer des ouvrages ornés d'illustrations de qualité à prix accessibles. Axé sur la démocratisation de la culture par le biais d'objets d'une haute qualité littéraire et technique, le club du livre connaît ses plus grands succès avec la parution de portraits de pays et de villes, fruits de collaborations entre des photographes et des écrivains renommés. Le mode de distribution des ouvrages de la collection, cherchant à se placer "en dehors de toute méthode commerciale ordinaire" et fortement lié à la parution périodique du Bulletin de la Guilde du Livre, contribue à la création d'une importante communauté de lecteurs autour de la maison d'édition. Cette communication se proposera d'examiner la correspondance entre divers acteurs de la collection "Albums photographiques", tels que l'éditeur, les photographes et les écrivains sollicités, afin de mettre en lumière les processus qui ont mené à l'élaboration de portraits de pays et de villes au sein de la Guilde du Livre. Elle visera à répondre à certaines questions qui se posent d'un point de vue macrotextuel, telles que: quel rôle les portraits de pays revêtent-ils dans le cadre d'une entreprise de démocratisation du "beau livre" annoncée dans le manifeste de la Guilde ? Quelles stratégies éditoriales ont-elles sous-tendu la création des portraits de pays, particulièrement au moment de la naissance du genre au sein de la maison d'édition ? Quelles évolutions le genre du portrait de pays et de villes subit-il au sein de la collection au regard du développement parallèle du tourisme et du marché du livre à cette époque ? Comment la Guilde du Livre entend-elle se démarquer dans ce contexte de ses collections concurrentes ?

Après avoir achevé sa thèse, intitulée "Les Albums de la Pléiade. Histoire et analyse discursive d'une collection patrimoniale", à la KU Leuven et la Sorbonne Université, Marcela Scibiorska effectue actuellement un post-doctorat à l'université de Lausanne, portant sur les portraits de pays et de villes dans la Guilde du Livre. Elle s'intéresse, plus largement, aux collections éditoriales d'un point de vue de leur hybridation générique et médiatique et de leur fonction publicitaire, ainsi qu'aux modes de patrimonialisation de la littérature.
Publications
Anne Reverseau et Marcela Scibiorska, "Usages du document dans Documents 34. La revue surréaliste comme lieu d'hybridation", dans La Licorne, vol. 109, 2014.
Marcela Scibiorska, ""Homme de son temps, et du nôtre". Les Albums de la Pléiade, un patrimoine littéraire vivant", dans Mémoires du livre / Studies in Book Culture, vol. 7, n°1, 2015.
Marcela Scibiorska, "La généricité composite d'une collection patrimoniale : les "Albums de la Pléiade"", dans Cahier voor Literatuurwetenschap, n°9, 2017.
Marcela Scibiorska, "L'auteur comme produit d'appel : les figures d'écrivains dans les "Albums de la Pléiade"", dans Nottingham French Studies, à paraître.

Anne SIGAUD : Les Archives de la Planète d'Albert Kahn : l'autochrome et le film au service de la conceptualisation et de la promotion de la nation (1909-1932)
Entre 1909 et 1932, le banquier français Albert Kahn (1860-1940) initie et finance un programme de captation visuelle du monde qu'il intitule Les Archives de la Planète et dont il confie la direction scientifique au professeur de géographie humaine Jean Brunhes (1869-1930). Dans un premier temps, les films et les autochromes produits dans ce cadre sont envisagés comme des matériaux scientifiques utiles à la construction disciplinaire d'une géographie politique qui réfléchit principalement sur la notion d'État-nation. Pendant la Première Guerre mondiale, la collection participe d'un mouvement général qui prend conscience de la valeur de l'image comme support de défense des intérêts nationaux et des liens sont noués avec les services de propagande de l'État. Le retour à la paix ne fait pas disparaître le sentiment d'urgence à défendre la place de la France dans le monde et à promouvoir un modèle républicain en cours de redéfinition, aussi la collection continue-t-elle à accompagner l'État dans son effort de rayonnement à l'international. C'est ce dernier point que nous proposons de développer dans la présente contribution, avec une recherche inédite consacrée aux relations entre les Archives de la Planète et la construction dans les années 1920 d'une politique de propagande touristique conçue comme un programme de représentation de la nation, à la réalisation duquel participent en s'interpénétrant initiatives privées et initiatives publiques.

Anne Sigaud, chargée de recherche au musée départemental Albert-Kahn, a été commissaire des expositions Clichés japonais : 1908-1930, le temps suspendu (2010) et La Mongolie entre deux ères : 1912-1913 (2012) puis a dirigé un projet pluriannuel de recherche sur la collection des Archives de la Planète pendant la Première Guerre mondiale. Elle est membre du consortium du projet ANR Ciné08-19 coordonné par Laurent Véray (université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle). Elle prépare une thèse de doctorat en histoire contemporaine intitulée "Les fondations d'Albert Kahn. Production et usage de l'information documentaire, entre intérêts publics et intérêts privés (1898-1940)".
Publications
Perlès Valérie & Sigaud Anne (dir.), Réalités (in)visibles. Autour d'Albert Kahn, les archives de la Grande Guerre, Paris, Bernard Chauveau, 2019, 285 p., à paraître (février).
Sigaud Anne, "Entre documentation et propagande : vocation et usage politique des Archives de la Planète", dans Perlès Valérie (dir.), Les Archives de la Planète, Liénart, 2019, à paraître (février).
Sigaud Anne, "The Archives of the Planet : Between Comopolitanism and Patriotism", dans Björli Trond & Jakobsen Kjetil (ed.), Cosmopolitics of Visual Memory, Londres, Intellect, 2019, à paraître.
Castro Teresa & Sigaud Anne, "Revisiting the Archives de la Planète's Films", dans Provenance and Early Cinema, Actes du 15e colloque international Domitor, Rochester (NY, 13-16 juin 2018), à paraître.

Benjamin THOMAS : Flandres (2006, Bruno Dumont) : topologies sensibles
Flandres (2006), le film de Bruno Dumont, s'il annonce une topologie, ne s'engage pas dans la délimitation d'un périmètre, ne se soucie pas des découpages administratifs actuels, ni même anciens, de la province de Flandre, que ce fût pour raviver un héritage riche et complexe à opposer aux simplistes fantasmes identitaires, ou pour nourrir ceux-ci. Rien n'est plus étranger à son projet. Et l'un des signes que l'espace dont il est question chez Dumont n'est pas un territoire au sens de ce que l'on délimite par des frontières pour réaffirmer un "lieu propre" (Certeau), tient au contraste entre les deux lignes de force du film. L'une d'elles nous emmène avec les personnages à la guerre, dans un Moyen-Orient sans nom, écho des guerres actuelles menées par l'Occident, voire survivance de la guerre d'Algérie. Là, en effet, c'est de territoire, qu'il est question, ô combien… Par contraste, les Flandres du film forment un espace sensible. Et ce que le cinéma fait passer d'elles dans le sensible, c'est leur qualité de lieux qui s'éprouvent. Un climat, des météores, des chemins, des bosquets, la plaine, des atmosphères, qui semblent offrir aux corps les formes mêmes de leurs affects: toute une "co-naissance" de corps et de leur "milieu d'existence" (Merleau-Ponty). Ce sont les modalités de cette singulière délinéation que nous aimerions examiner ici.

Benjamin Thomas, Maître de conférences (HDR) en études cinématographiques à l'université de Strasbourg.
Publications
Le Cinéma japonais d'aujourd'hui. Cadres incertains, PU de Rennes, 2009.
(dir.) Tourner le dos. Sur l'envers du personnage au cinéma, PU de Vincennes, 2013.
L'Attrait du vent, Yellow Now, 2016.
Fantômas de Louis Feuillade, Vendémaire, 2017.
Faire corps avec le monde. De l'espace cinématographique comme milieu, Circé, 2019.

Hécate VERGOPOULOS : Les portraits sinistres de ville
Depuis quelques temps, les territoires — et en particulier les villes — se voient valorisés non plus par l'évocation de leurs remarquables lieux culturels (les immanquables du tourisme), mais parce qu'ils sont sinistres ou sinistrés : la Nouvelle-Orléans accueille ainsi des Katrina tours qui montrent comment l'ouragan de 2005 a détruit la ville, de même qu'il est possible de se rendre dans les favelas de Rio de Janeiro ou les townships de Johannesburg pour y voir comment les pauvres vivent. Ces pratiques qui renvoient à ce que certains appellent le dark tourism sont plus anciennes qu'il n’y paraît. Déjà, au XXe siècle, alors que Paris devenait la capitale de la modernité, touristes et Parisiens se rendaient volontiers sur les lieux de crime ou à la morgue afin d'y observer le désastre de la vie urbaine. Ils étaient accompagnés, dans cette tâche, par une multitude de textes dans lesquels se jouaient quelque chose du portrait de la ville. Journalistes et écrivains, promeneurs, flâneurs, enquêteurs, observateurs ont en effet décrit Paris par là où elle péchait — ses marges —, que ce soit dans les colonnes de la presse, dans leur correspondance personnelle ou dans leurs récits et romans. Ces textes, qui ont finalement tourné en observables et en spectacles de curiosité des lieux et victimes de drames urbains, posent au fond une question simple : un portrait de ville peut-il être sinistre ? Ou encore : comment le portrait de territoire prend-il en charge sa part sinistre ? En apportant des éléments de réponse à ces questions, on pourra étudier plus avant ce que le portrait fait au territoire.


SOUTIENS :

Laboratoire de recherche MDRN | KU Leuven, Belgique
• Répertoire de la photolittérature ancienne et contemporaine (PHLIT) & Centre d'études des langues et littératures anciennes et modernes (CELLAM, EA 3206) | Université Rennes 2
• Laboratoire de recherche en audiovisuel - Savoirs, praxis et poïétiques en art (LARA-SEPPIA, EA 4154) | Université Toulouse - Jean Jaurès
ANR LITTéPUB
Musée départemental Albert-Kahn
• Projet FICTOGRAPH soutenu par la Maison des Sciences de l'Homme de Bretagne (MSHB)