Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du mercredi 19 mai au mardi 25 mai 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


FRANCISCO VARELA, UNE PENSÉE ACTUELLE

AUTOPOÏÈSE, ÉNACTION, PHÉNOMÉNOLOGIE


DU MERCREDI 1er JUILLET (19 H) AU MERCREDI 8 JUILLET (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Natalie DEPRAZ, Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU


COMITÉ SCIENTIFIQUE :

Michel BITBOL, Amy COHEN, Natalie DEPRAZ, Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU, Claire PETITMENGIN, Jean PETITOT


ARGUMENT :

Francisco Varela a contribué de manière significative au champ des sciences cognitives et a notamment proposé la théorie de l'énaction. Il s'est aussi beaucoup intéressé à la phénoménologie et a forgé une approche nouvelle de la conscience émergeant mais irréductible à la dynamique neuronale, qu'il a nommée la neurophénoménologie. Il a également fondé le Mind and Life Institute, un lieu de dialogue avec le Dalaï Lama et de réflexion sur les liens possibles entre sciences et pratiques contemplatives, notamment la méditation. Enfin, son travail autour des notions d'émergence et d'autopoïèse, notamment avec Humberto Maturana, a eu, non seulement dans le domaine de la biologie, une influence importante.

Il nous a paru essentiel, presque 20 ans après sa disparition, de revisiter sa pensée, de voir quel était son impact aujourd'hui et les champs disciplinaires qui se l'étaient appropriée. Ce colloque est donc conçu comme un dialogue entre sciences dures et sciences humaines, entre art et science, entre science et conscience. Il se veut aussi un lieu et un moment pour réfléchir à l'interdisciplinarité et à sa mise en pratique.


MOTS-CLÉS :

Art et science, Autopoièse, Bouddhisme, Conscience, Création artistique, Émergence, Énaction, Épistémologie, Interdisciplinarité, Méditation, Neurophénoménologie, Philosophie, Phénoménologie, Pratiques contemplatives, Sciences cognitives, Sciences humaines, Sciences de l'éducation, Varela (Francisco)


CALENDRIER PROVISOIRE :

Mercredi 1er juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 2 juillet
Matin
Amy COHEN-VARELA : Ouverture

UNE VISION ÉLARGIE DE LA SCIENCE
Jean-Pierre DUPUY : L'émergence, l'épanouissement et le déclin d'une idée majeure dans l'histoire des sciences et des techniques : un ordre sans designer [vidéo]
Valérie BONNARDEL : Quel effet cela fait-il d'être un cyborg ? Examinons le cas de la couleur

Après-midi
Henri ATLAN : La rencontre entre biologie et philosophie [vidéo]
Antoine LUTZ : Exploration neurophénoménologique de la relation entre douleur et souffrance chez des méditants novices et experts
Michel LE VAN QUYEN : Activité endogène, oscillation et synchronisation de l'activité dynamique du cerveau

Soirée
Autour du film Monte Grande : What Is Life ? de Franz Reichle


Vendredi 3 juillet
LA PHÉNOMÉNOLOGIE À SES LIMITES
Matin
Jean PETITOT : Que signifie naturaliser la phénoménologie ?
Tom FROESE : Being and Being-with versus the naturalization of phenomenology

Après-midi
Michel BITBOL : La dialectique du corps et de la conscience : une traduction métaphysique de la neurophénoménologie
Natalie DEPRAZ : La cardiophénoménologie. Ou comment raffiner la neurophénoménologie ?
Jean-Daniel THUMSER : Aux entrailles de la subjectivité : pour une cardio et une gastrophénoménologie

Soirée
Présentation artistique


Samedi 4 juillet
LA PENSÉE DE FRANCISCO VARELA, SOURCE D'INSPIRATIONS ÉDUCATIVES
Matin
Michèle DUZERT : Vivre ensemble son autonomie

Après-midi
DÉTENTE

Soirée
Autour du film Monte Grande : What Is Life ? de Franz Reichle


Dimanche 5 juillet
UNE SIGNATURE VARÉLIENNE : L'ÉNACTION
Matin
Claire PETITMENGRIN : L'énaction comme expérience vécue
Charles LENAY : Énaction et interaction : la question du possible
Andreas WEBER : Skincentric Ecology

Après-midi
François SEBBAH : Énaction et éthique
Fabrice MÉTAIS : Faire sens et rencontrer l'autre : énaction et éthique levinassienne

Soirée
Présentation artistique


Lundi 6 juillet
MÉDITATION EN ACTION ET NATURE DE L'ESPRIT
Matin
Le DALAÏ-LAMA : Témoignage
Amy COHEN-VARELA : Titre non communiqué
Philippe CORNU : L'esprit et sa nature ultime dans le Dzogchen

Après-midi
Fabrice MIDAL : Ce que j'ai appris de la méditation grâce à Francisco Varela
Alexis LAVIS : L'approche varélienne du bouddhisme et le rôle du bouddhisme dans l'œuvre de Varela
Elena ANTONOVA : The Mindful Brain and the Nature of Mind : could the neuroscience of mindfulness say anything about consciousness and awareness ?

Soirée
Autour du film Monte Grande : What Is Life ? de Franz Reichle


Mardi 7 juillet
LES ARTISTES : QUEL "CERCLE CRÉATEUR" ?
Matin
Table ronde 1, avec Nico DOCKX (À Travers le Temps et le Jour), Catherine GROUT (Mises en mouvement), Raphaële JEUNE (Varela à l'aventure de l'art) et Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU (Phénoménologie, Conscience et Création)

Après-midi
Table ronde 2, avec Carole HOFFMAN (L'émergence, dans l'oscillation de l'entre-deux), Xavier LAMBERT (Autopoïèse et générativité), Frédéric MATHEVET (Énaction politique dans les arts sonores contemporains) et Célio PAILLARD (L'émergence entre : l'accumulation comme stratégie de création)

Soirée
Présentation artistique


Mercredi 8 juillet
Matin
Table ronde finale et bilan

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Charles LENAY : Énaction et interaction : la question du possible
Les difficultés à l'origine de la fracture apparue entre les approches varéliennes de l'énaction qui se développent actuellement autour de l'idée de sense-making et les approches de l'école de Maturana qui maintiennent une rigoureuse clôture organisationnelle de l'autopoïèse, peuvent se comprendre à partir de la question d'une naturalisation de l'expérience du possible. Je proposerai une piste pour résoudre cette question à partir d'une approche interactionniste prenant au sérieux l'altérité de la rencontre entre différentes clôtures organisationnelles. À l'appui de ces idées, je présenterai une étude expérimentale minimaliste des conditions de la constitution de l'expérience d'une séparation dans un champ de possibles.

Charles Lenay est professeur de sciences cognitives et philosophie, COSTECH (Connaissance, Organisation et systèmes Techniques) à l'université de technologie de Compiègne. Il consacre l'essentiel de ses recherches aux interactions entre organismes vivants et à la constitutivité biologique et technique de l'expérience humaine.

Jean PETITOT : Que signifie naturaliser la phénoménologie ?
Au cours des années 1990, j'ai co-organisé avec Francisco Varela, Jean-Michel Roy et Bernard Pachoud un séminaire au long cours sur la naturalisation de la phénoménologie. Ces travaux ont débouché sur la publication en 1999 de l'ouvrage Naturalizing Phenomenology : Issues in contemporary phenomenology and cognitive science (Stanford University Press). Plusieurs façons de concevoir les relations entre la phénoménologie husserlienne comme eidétique descriptive et les neurosciences cognitives y sont développées. Je me propose de revenir sur ces réflexions.

Né en 1944 à Paris, directeur d'études retraité à l'EHESS, Jean Petitot est un spécialiste des modèles mathématiques en sciences cognitives. Il a appliqué les théories des singularités et des bifurcations constitutives des modèles morphodynamiques de René Thom à divers aspects du structuralisme, à la phénoménologie de la perception et aux neurosciences cognitives. Ces recherches l'ont conduit à un programme de naturalisation de la phénoménologie husserlienne. Il est également un philosophe des sciences et a été dans ce domaine l'un des réintroducteurs de la philosophie transcendantale en mathématiques et en physique modernes.
Publications
Petitot J., 1999 (ed. with F. Varela, J.-M. Roy & B. Pachoud), Naturalizing Phenomenology : Issues in Contemporary Phenomenology and Cognitive Science, Stanford, Stanford University Press.
Petitot J., 2002, "Eidétique morphologique de la perception", Naturaliser la phénoménologie, J. Petitot, F. Varela, J.-M. Roy, B. Pachoud (eds), CNRS Éditions, Paris, 427-484 [en ligne].
Petitot J., 2004, "Géométrie et Vision dans Ding und Raum de Husserl", Des lois de la pensée aux constructivismes, M.-J. Durand-Richard (ed.), Intellectica, 2004/2, 39, 139-167 [en ligne].
Petitot J., 2010, ""Le hiatus entre le logique et le morphologique". Prédication et perception", Semiosis and Catastrophes. René Thom's Semiotic Heritage, W. Wildgen, P.A. Brandt (eds), Peter Lang, Bern, 141-166 [en ligne].
Petitot J., 2014, "Landmarks for neurogeometry", Neuromathematics of Vision, G. Citti, A. Sarti (eds), Springer, Berlin, Heidelberg, 1-85 [en ligne].
Petitot J., 2017, Elements of Neurogeometry. Functional Architectures of Vision, Lecture Notes in Morphogenesis, Springer.
Colloques de Cerisy
(dir.) 1982, Logos et théorie des catastrophes (à partir du travail de René Thom).
(dir.) 1988, Rationalité et objectivités.
(dir.) 1990, Avec Fernando Gil et Heinz Wismann, 1790-1990 - Le destin de la philosophie transcendantale.
(dir.) 1996, Avec Paolo FAabbri, Umberto Eco : au nom du sens.
"Auto-organisation, criticité et temporalité", in Jean-Pierre Dupuy. Dans l'œil du cyclone, Carnets Nord, 2008..


BIBLIOGRAPHIE :

• F. Varela, Principles of Biological Autonomy, Elsevier/North-Holland, New York, 1979, 306 pp (en français : Autonomie et Connaissance : Essai sur le Vivant, Seuil, Paris, 1988).
• H. Maturana and F. Varela, Autopoiesis and Cognition : The realization of the living, Boston, 1980, 141 pp.
• F. Varela, "L'auto-organisation : de l'apparence au mécanisme", in L'auto-organisation. De la physique au politique, Colloque de Cerisy, Éditions du Seuil, 1983.
• H. Maturana and F. Varela, The Tree of Knowledge : A new look at the biological roots of human understanding, Shambhala/New Science Library, Boston, 1987 (en français : L'Arbre de la Connaissance, Addison-Wesley France, Paris, 1994).
• F. Varela, Connaître Les Sciences Cognitives, tendances et perspectives, Éditions du Seuil, Paris, 1988.
• F. Varela, E. Thompson and E. Rosch, The Embodied Mind : Cognitive science and human experience, MIT Press, Cambridge, 1991 (en français : L'Inscription Corporelle de l'Esprit, Seuil, Paris, 1993).
• F. Varela, Un Know-how per l'ettica, The Italian Lectures 3, Editrice La Terza, Roma, 1992 (en français : Quel savoir pour l'éthique ? Action, sagesse et cognition, Éditions La Découverte, Paris, 1996).
• F. Varela and J.-P. Dupuy (Eds.), Understanding Origin : Scientific Ideas on the Origin of Life, Mind, and Society (A Stanford University Interational Symposium), Boston Studies Phil. Sci., Kluwer Assoc., Dordrecht, 1992.
• J. Hayward and F. Varela (Eds.), Gentle Bridges : Dialogues between the Cognitive Sciences and the Buddhist Tradition, Shambhala Publishers, 1992 (en français : Passerelles : Entretiens avec des scientifiques sur la nature de l'esprit, Albin Michel, 1995).
• M. R. Anspach & F. Varela, "Le système immunitaire : un "soi" cognitif autonome", in Introduction aux sciences cognitives, Colloque de Cerisy, Éditions Gallimard, Coll. "Folio Essais", 1992 (réédition en 1995 et 2004).
• F. Varela, Invitation aux Sciences Cognitives, Éditions du Seuil, "Points Sciences", 1996.
• F. Varela (Ed.), Sleeping, Dreaming and Dying : Dialogues between the Sciences and the Buddhist Tradition, Wisdom Book, Boston, 1997 (en français : Dormir, Rêver, Mourir, NIL Éditions, Paris, 1998).
• F. Varela and J. Shear (Eds.), The View from Within : First-Person Methodologies in the Study of Consciousness, Special Issue, Journal of Consciousness Studies, 6(2-3), 1999 (also available as book : Imprint Academic, London, 1999).
• J. Petitot, F. Varela, B. Pachoud and J.-M. Roy (Eds.), Naturalizing Phenomenology : Contemporary Issues in Phenomenology and Cognitive Science, Stanford University Press, Stanford, 1999.
• J. Hayward and F. Varela (Eds.), Gentle Bridges : Conversations with the Dalai Lama on the Sciences of Mind, Shambhala Publishers, 2001.
• N. Depraz, F. Varela and P. Vermersch, On Becoming Aware : Steps to a Phenomenological Pragmatics, Benjamin Publishing, Advances in Consciousness Research, New York, 2003.
• S. Brier and J. Bopry (Eds.), Francisco J. Varela 1946-2001, Special Issue, Cybernetics & Human Knowing, 2004 (also available as book : Imprint Academic, London, 2004).
• C. Petitmengin (Eds.), Ten Years of Viewing from Within : The Legacy of Francisco Varela, Special Issue, Journal of Consciousness Studies, 2009 (also available as book : Imprint Academic, London, 2009).
• F. Varela, Le cercle créateur - Écrits (1976-2001), Seuil, Paris, 2017.


SOUTIENS :

• Équipe de recherche interdisciplinaire sur les aires culturelles (ERIAC, EA 4705) | Université de Rouen Normandie
Archives Husserl (UMR 8547) | CNRS / ENS
• Laboratoire Perception Représentations Image Son Musique (PRISM, UMR 7061) | CNRS / Aix-Marseille Université

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du samedi 26 juin au samedi 3 juillet 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


JULIA KRISTEVA : RÉVOLTE ET RELIANCE

HUMANITÉS, LITTÉRATURE, PSYCHANALYSE


DU MARDI 23 JUIN (19 H) AU DIMANCHE 28 JUIN (14 H) 2020

[ colloque de 5 jours ]



DIRECTION :

Sarah-Anaïs CREVIER GOULET, Keren MOCK, Nicolas RABAIN, Beatriz SANTOS

Avec la participation de Julia KRISTEVA


ARGUMENT :

Cette rencontre se propose comme une traversée dans l'œuvre protéiforme de Julia Kristeva. Toujours en acte, la pensée qu'elle déploie est à l'écoute des bouleversements de l'histoire, des théories et des disciplines, tout comme des enjeux contemporains et des questions éthiques. Conçue dans les mouvements de révolte et de reliance, elle prend ancrage au cœur même de ce qui relie l'intime et le social-historique : là est la force créative d'une œuvre dont le rayonnement dépasse cultures et disciplines.

L'exigence de la vision humaniste de l'auteure oblige à suivre l'héritage des Lumières : c'est en confrontant les points de vue que, dans le vaste ensemble de leurs enchevêtrements, la complexité se dévoile. De la signifiance au récit intertextuel, de l'inscription inconsciente aux limites de la vie, de la révolte adolescente à la violence des pouvoirs de l'horreur, des portraits littéraires aux expressions esthétiques et artistiques, du besoin de croire à la pulsion de savoir, les trois volets de ce colloque (humanités, littérature, psychanalyse) permettront de considérer à sa juste mesure la singularité du parcours kristévien.

Sans pour autant prétendre à l'exhaustivité, les réflexions éclairées par le débat avec de nombreux penseurs tant français qu'étrangers permettront d'entretenir un dialogue privilégié avec celle qui se définit comme un "monstre de carrefours" et qui est assurément, non seulement une personnalité hors pair, mais aussi l'une des intellectuelles les plus importantes de notre temps.


MOTS-CLÉS :

Croyance, Esthétique, Éthique, Fictions, Kristeva (Julia), Langage, Psychanalyse


CALENDRIER PROVISOIRE :

Mardi 23 juin
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mercredi 24 juin
Matin
Carin FRANZÉN : L'œuvre de Julia Kristeva — un antidote au vide symbolique dans la culture contemporaine
Discutante : Keren MOCK

Dialogue — Modérateur : Samuel LEPASTIER
Jean-Louis BALDACCI & Françoise COBLENCE : Reliance et sublimation dans l'esthétique et dans la clinique

Après-midi
Éthique et médecine, table ronde animée par Danièle BRUN, avec Jean-Claude AMEISEN, Eivind ENGEBRETSEN et Charles GARDOU

Dialogue — Modérateur : Nicolas RABAIN
Laurent DANON-BOILEAU : Exil, mélancolie, sublimation & Gilbert DIATKINE : Interprétation et traduction

Soirée
Lectures, par Charlotte CASIRAGHI, Sihem HABCHI & Teodor KOTOV


Jeudi 25 juin
Matin
Alice JARDINE : At the risk of thinking
Discutante : Keren MOCK

Laurie LAUFER : Souffrir non souffrir : le soleil noir de la mélancolie
Discutante : Beatriz SANTOS

Après-midi
Perspectives contemporaines sur la chora, table ronde avec Sarah-Anaïs CREVIER GOULET, Miglena NIKOLCHINA et Audrey RICHARD-BURTEY

Griselda POLLOCK : Rencontre politique, éthique et esthétique entre Julia Kristeva et Marilyn Monroe

Soirée
Écrivains : témoignage et écriture, avec Michal BEN-NAFTALI, Philippe FOREST et Tiphaine SAMOYAULT


Vendredi 26 juin
Matin
Les territoires de la fiction, table ronde avec Marilia AISENSTEIN, Pierre-Louis FORT et Keren MOCK

Marian HOBSON : "Le son de cloche" : système / dissémination dans la pensée de Julia Kristeva
Discutante : Rachel BOUÉ-WIDAWSKY

Après-midi
Adolescence et révolte, table ronde avec Samuel DOCK, Brigitte MOÏSE DURAND et Nicolas RABAIN

Entretien avec Philippe SOLLERS

Soirée
Julia KRISTEVA : Avons-nous besoin de croire ?, entretien avec Martin LEGROS, accompagné au saxophone par Raphaël IMBERT


Samedi 27 juin
Matin
Dialogue — Modérateur : Thamy AYOUCH
Ellen MORTENSEN : L'écriture de la chair. Julia Kristeva sur Colette et l'alphabet nouveau de sens & Cecilia SJÖHOLM : Kristeva, Arendt et la vie du sujet

Dialogue — Modérateur : Laurent DANON-BOILEAU
Dominique DUCARD : Le milieu interne du langage & Marie-Christine LALA : Les mutations du sémiotique entre langue, sujet et discours

Après-midi
Portraits littéraires, table ronde animée par Nicolas AUDE, avec Éric MARTY et Jean-François RABAIN

Dialogue
Karine ROUQUET-BRUTIN : Julia Kristeva et la question du matricide de la langue natale & David UHRIG : Le "pathos" du Neutre

Soirée
"HORS LES MURS" — À LA CATHÉDRALE DE COUTANCES
Stabat Mater, concert organisé par Jean-François DÉTRÉE, avec Pauline JAMBET (récitante), Françoise MASSET (voix) et Pascale ROUET (orgue)


Dimanche 28 juin
Matin
Discussion avec Julia KRISTEVA

Rapport d'étonnement des doctorants, animé par Nicolas AUDE

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Marilia AISENSTEIN
Philosophe de formation, Marilia Aisenstein est psychanalyste, titulaire formateur de la Société Hellénique de Psychanalyse et de la Société de Psychanalyse de Paris dont elle a été présidente. Elle s'est essentiellement impliquée dans l'Association Internationale en étant Représentant de l'Europe au Comité Exécutif et président du Comité des Nouveaux Groupes. Elle a beaucoup écrit en Grec et en Anglais sur le corps, le transfert, la maladie psychosomatique. Une traduction de son dernier livre est sous presse aux Éditions d'Ithaque sous le titre : Désir, Douleur, Pensée.

Nicolas AUDE
Ancien élève de l'ENS de Paris (2008), agrégé de Lettres modernes (2013), Nicolas Aude est docteur en littérature comparée de l'université Paris Nanterre. Sa thèse, en cours de publication, s'intitule "Les Aveux imaginaires. Scénographie de la confession dans le roman du XIXe siècle (Angleterre, France, Russie)". Ses recherches actuelles portent sur Fédor Dostoïevski et la littérature mondiale.

Jean-Louis BALDACCI : Reliance et sublimation
Les notions d'abjection et de reliance de Julia Kristeva se proposent d'enrichir la compréhension et le traitement des "nouvelles maladies de l'âme" que rencontre de nos jours la psychanalyse. En recoupant la notion freudienne de sublimation, elles permettent à la métapsychologie d'interroger les champs de la créativité et de l'esthétique.
Bibliographie
Kristeva J., Les nouvelles maladies de l'âme, Paris, Fayard, 1993.
Kristeva J., La reliance ou de l'érotisme maternel, Revue Française de Psychanalyse, 5-2011, pp. 1559-1570.
Kristeva J., Autour d'Emile Benveniste, ouvrage collectif, Coll. "Fiction et Cie", Paris, Seuil, 2016, pp. 97-151.
Kristeva J., Je me voyage, entretiens avec Samuel Dock, Paris, Fayard, 2016.

Jean-Louis Baldacci, psychiatre, psychanalyste, membre titulaire formateur de la Société psychanalytique de Paris, a dirigé le Centre de Consultations et de Traitements Psychanalytiques Jean Favreau de 2000 à 2015.
Publication
"Dépasser les bornes". Le paradoxe du sexuel, PUF, 2018.

Laurent DANON-BOILEAU : Exil, mélancolie, sublimation
L'exil est fauteur de déracinement psychique. Mais il peut également être source de déploiement. Et, de ce point de vue, il dispose de l'une au moins des qualités inhérentes aux objets de la psychanalyse telle que le transfert, le refoulement ou la pulsion. Il peut être fléau ou bienfait, la pire ou la meilleure des choses. Dans ses formes les plus connues, tel qu'il apparaît d'ordinaire, c'est un drame responsable de mélancolie. Pourtant, à certaines conditions, il peut aussi constituer une incitation décisive à la sublimation. L'œuvre de Julia Kristeva permet d'approcher la valence paradoxale de l'exil qui n'est ni nostalgie ni exode mais exigence de travail de traduction et de perlaboration entre terre (et langue) maternelle et terre et langue d'asile. C'est dans cette perspective que s'inscrira cette intervention.

Références bibliographiques
Kristeva J. (1987), Soleil noir. Dépression et mélancolie, Folio, Gallimard.
Kristeva J. (1994), Le temps sensible - Proust et l'expérience littéraire, Gallimard.
Kristeva J. (2001), Étrangers à nous-mêmes, Folio, Gallimard.

Gilbert DIATKINE : Interprétation et traduction
Une nouvelle traduction d'une œuvre déjà traduite antérieurement nous apporte souvent un éclairage inédit qui modifie notre compréhension du texte. Si la traduction nouvelle est bonne, elle nous fait pénétrer plus avant dans notre approche de l'original. Comme Julia Kristeva l'écrit, citant Proust, l'œuvre originale est elle-même une traduction de l'œuvre que l'auteur portait en lui. De même, un psychanalyste sait qu'il a donné une interprétation à son patient si celui-ci lui répond en y associant un matériel nouveau, auquel l'analyste ne s'attendait pas, mais néanmoins complètement déterminé par l'organisation des fantasmes inconscient du patient. Comme la traduction, l'interprétation est virtuellement un travail infini, mais qui s'approche toujours plus près de la vérité du sujet. À la lumière du rapprochement entre interprétation et traduction, nous discuterons deux idées importantes de Julia Kristeva : "La Chose" et "L'opposition sémiotique/symbolique".

Références bibliographiques
Kristeva J. (1987), Soleil noir. Dépression et mélancolie, Folio essais, Paris, 257p.
Kristeva J. (2013), "Traduire la douleur, ou le langage comme contre-dépresseur", Figures de la psychanalyse, 2013/2, 13-25.
Kristeva J. (2014), L'amour de l'autre langue, Sommet du livre à la Bibliothèque Nationale de France.

Dominique DUCARD : Le milieu interne du langage
Penser la complexité du langage exige du linguiste d'adopter un point de vue sémiologique qui traverse les domaines des humanités, des sciences sociales et des sciences de l'esprit. Pour reprendre le questionnement du sens provoqué par la sémanalyse dans les années 1970, nous confronterons le modèle épistémologique de la linguistique de l'énonciation (Culioli) et la conception de la signifiance selon Julia Kristeva, construite sur la double instance du sémiotique/symbolique et le dédoublement du texte en génotexte et phénotexte, les deux approches se rejoignant dans une référence commune à la khōra platonicienne. Cela nous conduira à introduire la notion de milieu interne du langage, dans la perspective d'une théorie de l'énonciation visant l'activité signifiante de langage, dans ses deux dimensions (inter)subjective et transindividuelle, de l'intime au commun.

Dominique Ducard enseigne la sémiologie et la linguistique à l'université Paris-Est Créteil. Ses travaux de recherche portent sur l'activité signifiante de langage dans l'exercice de la parole et du discours, à travers l'étude des textes, et, plus largement, sur l'activité symbolique de représentation liée au langage, dans la perspective d'une sémiologie interprétative (R. Barthes, J. Kristeva) fondée sur une théorie de l'énonciation (Culioli).

Pierre-Louis FORT
Maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise et membre du laboratoire Agora de l'UCP, Pierre-Louis Fort consacre l'essentiel de ses recherches à la littérature française des XXe/XXIe siècle et à la littérature de jeunesse.
Publications
Ma mère, la morte, l'écriture du deuil chez Yourcenar, Beauvoir et Ernaux, Imago, 2007.
Critique et littérature, Gallimard, 2008.
Simone de Beauvoir, Essai, coll. "Libre cours", PU de Vincennes, 2016.
Codirection
(Re)découvrir l'œuvre de Simone de Beauvoir : du Deuxième Sexe à La Cérémonie des adieux, avec J. Kristeva, P. Fautrier et A. Strasser, Éditions du Bord de l'eau, 2008.
La France et l'Algérie en 1962, avec C. Chaulet Achour, Karthala, 2014.
Annie Ernaux, un engagement d'écriture, avec V. Houdart-Merot, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2015.
Sur l'œuvre de J. Kristeva
Il a préparé le volume La Haine et le pardon, Fayard (2005) et a écrit plusieurs articles consacré à ses travaux, en français ("Du "monstre de carrefour" au "monstre sacré" : pour une esthétique du thyrse chez Julia Kristeva" ou en anglais ("At the crossroads of language and identity : Julia Kristeva's bilingualism »).
Il travaille plus précisément sur son œuvre romanesque : il a ainsi conduit deux entretiens avec Julia Kristeva à propos de sa conception du roman dans L'Infini et vient de terminer un article sur ce sujet à paraître prochainement dans The philosophy of Julia Kristeva (Sarah Beardsworth ed., Volume XXXVI in the Library of Living Philosophers series, Open Court Publishing Company, USA).

Carin FRANZÉN : L'œuvre de Julia Kristeva — un antidote au vide symbolique dans la culture contemporaine
Face aux malaises d'une culture dirigée par le capitalisme global, appauvrissant la singularité du sujet et sa capacité de critique et de résistance, il est devenu de plus en plus urgent de retrouver les moyens d'une reliance entre sujets pour mieux résister à une nouvelle normativité qui incite chacun à se soumettre à une flexibilité à tout prix. Cette communication montrera comment Kristeva, par son renouvellement de la tradition humaniste à travers la psychanalyse, l'art et la littérature, nous offre une remise en cause essentielle de ces "nouvelles maladies de l'âme", donnant sur une autre structuration de la subjectivité et de la personne ainsi qu'une pratique de plasticité ouverte à de nouvelles transformations.

Après sa thèse de doctorat sur la poétique psychanalytique de Julia Kristeva (soutenu à l'université de Stockholm en 1995), Carin Franzén a dédié ses recherches en littérature comparée à des études où l'œuvre de Kristeva a une place centrale.
Publication
"An Antidote to the Crisis of Contemporary Culture : Rereading Kristeva on Duras", in The Philosophy of Julia Kristeva, éd. Beardsworth & Auxier (à paraître en août 2020).

Charles GARDOU
Charles Gardou est anthropologue et professeur à l'université Lumière Lyon 2, où il est, entre autres, responsable scientifique du master spécialisé Référent Handicap. À partir d'un itinéraire qui l'a confronté à la diversité humaine dans différents lieux du monde, il consacre ses travaux à la diversité, à la vulnérabilité et à leurs multiples expressions. Il a créé et dirige la collection "Connaissances de la diversité" aux Éditions érès, où il est l'auteur de plus de 20 ouvrages, traduits en plusieurs langues. Il a créé et co-présidé avec Julia Kristeva le Conseil National du Handicap et organisé avec elle les Premiers États Généraux du handicap à l'UNESCO en 2005. Il est l'initiateur d'un appel national qui a abouti à la cérémonie mémorielle du 10 décembre 2016 sur l'Esplanade de droits de l'Homme au Trocadéro, où le Président de la République a rendu hommage aux 45000 personnes fragilisées par la maladie ou le handicap, abandonnées à la mort dans les hospices et hôpitaux psychiatriques sous l'Occupation.
Publications
Pascal, Frida Kahlo et les autres… Ou quand la vulnérabilité devient force, Éditions érès, 2009 (réédition en 2014).
La société inclusive, parlons-en ! Il n'y a pas de vie minuscule, Éditions érès, 2012 (réédition en 2018).

Marian HOBSON : "Le son de cloche" : système / dissémination dans la pensée de Julia Kristeva
Les penseurs français qui percent dans les années 60 et 70 ont une caractéristique commune : tout se passe comme s'ils développaient des vocables singuliers qui marqueraient leur style. Pourtant ceux-ci sont repris par d'autres de leurs contemporains, qui participent ainsi comme dans un nœud d'échos, de relais. Et cela sans former nécessairement un groupe par l'orientation de leur pensée. Cette communication cherchera à établir ce que pourrait indiquer cette particularité, et si c'en est une.

Marian Hobson a été maître assistante, Université de Genève (1973-1976) ; Fellow Trinity College, Université de Cambridge (1977-1992) [la première femme Fellow] ; Professeure, Université de Cambridge (1982-1992) ; Professeure, Queen Mary University of London (1992-2005). Depuis, elle est professeure émérite.
Visiting Professor : Université de Paris 7 (1997), University of Johns Hopkins (1996, 2005, 2006), University of Michigan (2006), University of Harvard (2007).
Visiting Lecturer : East China Normal School (automne 2011), Shang’Hai, Jiao Tong University, Institute for Advanced Study in European Culture (2016).
Publications
The object of art : the theory of illusion in 18th century France, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, 2006 ; en français : L'art et son objet : Diderot, la théorie de l'illusion et les arts en France au XVIIIe siècle, Paris, Champion, 2007 ; publié en chinois, East China Normal Press Ltd, 2019.
Jacques Derrida : opening lines, London, Routledge, 1998 ; publié en turc, 2004.
Diderot and Rousseau : Networks of Enlightenment, articles édités par Kate E. Tunstall and Caroline Warman, Oxford, Voltaire Foundation, 2011 ; publié en chinois, 2014, East China Normal Press Ltd.
Diderot, Lettre sur les aveugles, Lettre sur les sourds et muets, éditées avec notes, Paris, Flammarion, 2000.
Diderot, Le Neveu de Rameau, édité avec notes, Geneva, Droz.
Denis Diderot's Rameau's Nephew : a Multi-Media Edition, Cambridge, 2014. Édité par Marian Hobson. Traduit par Kate E. Tunstall et Caroline Warman. Musique jouée par des étudiants du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, sous la direction de Pascal Duc, qui a choisi les morceaux. Les notes ne sont pas identiques à l'édition publiée chez Droz.

Alice JARDINE : At the Risk of Thinking
At the Risk of Thinking est la première biographie de Julia Kristeva. Cet ouvrage destiné à un vaste lectorat anglophone a pour but de rendre plus accessible le travail de Kristeva en liant son parcours personnel, depuis son enfance en Bulgarie communiste jusqu'à sa vie d'intellectuelle publique internationale, à l'histoire de ses idées. Alice Jardine va partager quelques réflexions à propos de son travail biographique qui, sans hésiter à mettre en évidence la complexité de l'écriture de Kristeva, souligne surtout l'appel de Kristeva à une renaissance urgente d'une pensée interdisciplinaire audacieuse afin de comprendre — et d'agir dans — le monde d'aujourd'hui.

Alice Jardine est professeur de langues et littératures romanes et d'études des femmes, du genre et de la sexualité à Harvard University, aux États-Unis. Sa biographie intellectuelle de Julia Kristeva, At the Risk of Thinking : An Intellectual Biography of Julia Kristeva paraît chez Bloomsbury Press en janvier 2020. Parmi ses autres publications : The Future of Difference, Gynésis : Configurations of Woman and Modernity, et Living Attention : On Teresa Brennan. D’autre part, avec Thomas Gora et Leon Roudiez, Alice Jardine a traduit Desire in Language : A Semiotic Approach to Literature and Art de Julia Kristeva.

Marie-Christine LALA : Les mutations du sémiotique entre langue, sujet et discours
La rencontre avec l'œuvre de Julia Kristeva participe de la même curiosité ardente, constante et partagée, qui fait traverser les domaines du savoir contemporain dans les sciences de l'homme, délivrant à la fois les risques et les richesses de toute perspective transdisciplinaire. En particulier, l'horizon sémiologique des sciences du langage suscite des interrogations critiques, toujours renouvelées, sur les mutations du sémiotique. Dès les années 1970, les travaux de Kristeva se portent sur les épistémologies de la linguistique pour placer au centre les rapports du sujet à la langue. Leur regard pionnier sur l'apport de Benveniste n'a fait que se confirmer dans les récentes études des manuscrits de ce grand linguiste du discours, des langues et du langage. Dans ce dialogue, nous souhaitons examiner à nouveaux frais certains concepts proposés par Kristeva, comme la dyade sémiotique/symbolique, tout en mesurant le chemin parcouru dans le champ de la linguistique de l'énonciation.

Marie-Christine Lala est maître de conférences-HDR en sciences du langage et en langue et littérature françaises à l'université de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Ses publications portent en particulier sur l'analyse linguistique du texte littéraire et sur les écritures des XX-XXIe siècles (Bataille, Leiris, Duras, Quignard, Echenoz, Guyotat…). Elle est l'auteure de Georges Bataille, Poète du réel (Bern, Peter Lang, 2010) – monographie issue de ses séminaires au Collège international de philosophie. Le domaine de ses recherches postule l'extension d'une sémantique discursive où l'énonciation et la linguistique textuelle autorisent l'émergence de nouveaux concepts en analyse du discours.

Keren MOCK
Diplômée de psychologie et de philosophie, traductrice, docteur ès lettres, Keren Mock a soutenu sa thèse sous la direction de Julia Kristeva et de Pierre-Marc de Biasi (prix de l'Institut des Humanités de Paris). Après avoir assuré pendant plusieurs années une charge de cours d'hébreu moderne à l'ENS de Paris et avoir été ATER au département d'Études Psychanalytiques, elle a été lauréate en 2016 de la Visiting Junior Scholar Fellowship du France-Stanford Center for Interdisciplinary Studies. Son ouvrage, Hébreu, du sacré au maternel (CNRS Éditions, 2016) explore dans une perspective interdisciplinaire les processus par lesquels l'hébreu a pu redevenir une langue maternelle.
Ouvrage
Hébreu, du sacré au maternel, Préfaces de Pierre-Marc de Biasi et Julia Kristeva, Paris, CNRS Édition, 2016, 360 p.
Quelques publications
"Language and Sacredness in The Quest for Subjectivity", in The Philosophy of Julia Kristeva, Library of Living Philosophers, S. G. Beardworth (ed.), LaSalle, Ilinois, Open Court (à paraître en 2020), ch. 20, p. 467-480.
"Freud et la langue maternelle : une définition par le négatif", in Cliniques méditerranéennes, n°101 (1), (à paraître en 2020), pp. 127-138.
"Mélancolie des origines", in Meurtre de la mère, coll. "Présent de la psychanalyse", P. Merot (ed.), Paris, Puf, 2019, p. 93-109.
"La nature du nom : modification, conservation et dégénérescence", in J. Baumgarten, I. Rosier-Catach et P. Totaro (dir.), Spinoza, philosophe grammairien : le Compendium grammatices linguae hebraeae, Paris, CNRS Éditions, 2019, p. 185-201.
"Dans l'ombre de l'objet : Le deuil au risque du double", in Research in Psychonalysis, 2018/2, n°26, p. 121a-129a (en français et anglais).
"The Need to Believe and the Archive : Interview with Julia Kristeva", in V. Shemtov, A. Weitzman (dir.), Dibur, 3, 2016, Stanford University [en ligne].

Griselda POLLOCK : Rencontre politique, éthique et esthétique entre Julia Kristeva et Marilyn Monroe
En 1954, Willem de Kooning a peint une image triste et poignante intitulée Marilyn. Après avoir terminé une série de six peintures hiératiques intitulées Woman / Femme (1950-53) qui pourrait bien faire référence à l'émergence d'une "star" du cinéma américain, à savoir Marilyn Monroe en tant qu'icône cinématographique du début des années 1950, ce "portrait" de 1954 "dément" les "êtres éclatés, féroces, drôles et inaccessibles quoique massacrés par l'artiste", pour reprendre les mots de Julia Kristeva décrivant la série Woman en 1977. "Mais si elles avaient été créées par une femme ?", demande-t-elle à la fois. Dans cette conférence, nous esquisserons un discours "kristévien" sur la création artistique et l'esthétique de la différence sexuelle à travers l'image (représentation) et les pratiques de l'art (processus et matérialité), en montrant comment les différents écrits de Kristeva proposent des façons de croiser le marxisme, le féminisme et la psychanalyse freudienne permettant de repenser la politique et l'éthique de l'esthétique. Nous considérerons l'image créée par Marilyn Monroe à travers une lentille historique de l'art féministe, façonnée par différentes théorisations psychanalytiques de la créativité.

Karine ROUQUET-BRUTIN : Julia Kristeva et la question du matricide de la langue natale
J'ai toujours été frappée par les échos jubilatoires que déclenchait la lecture du texte de Julia Kristeva "Écrire en français" dans les groupes de jeunes chercheurs étrangers rassemblés autour de cette tâche : écrire, transcrire, traduire leur recherche en français(1). Sans aucun doute, il s'agissait là d'un moment épiphanique. S'ouvrait alors, travaillée au forceps par les métaphores et le jeu des oxymores, une chambre intime, subjective, donnant corps à une scène jusqu'ici inouïe. Serait-ce la scène du "matricide" annoncée par l'affirmation : "Il y a du matricide dans l'abandon d'une langue natale"(2) ?
(1) Dans les ateliers "Écrire la recherche en français", que j'ai animés à la Cité internationale Universitaire de Paris et dans le Centre de Formation des Doctorants à Paris Diderot Sorbonne Cité.
(2) Kristeva, Julia, "Écrire en français", Tu parles !? Le français dans tous ses états, Flammarion, Paris, 2001, p. 63-74.

Karine Rouquet-Brutin est Docteure es Lettres sous la direction de Julia Kristeva. Enseignante de littérature, psychopédagogue, elle a travaillé en Institution Psychiatrique, Médico-pédagogique, et Psychanalytique.
Publication
L'alchimie thérapeutique de la lecture. Des larmes au lire, Paris, L'Harmattan, 2000.
Articles
Avec Diana Cheaib et Susanne Muller, "Partir étudier ailleurs, passer une frontière, trouver une langue", Les discours meurtriers aujourd'hui, Colloque de Cerisy, juillet 2018.
"La mise en place du destinataire intérieur dans divers travaux d'écriture en Institution Psychiatrique ou dans un cadre thérapeutique", Écriture et psychose. Lire l'illisible, sous la direction de Laurence Aubry, PUP, 2018.
"France, ma souffrance !", Actes du Xème séminaire de la Francophonie, Uma leia &meia, Université Feira de Santana (Brésil), 2015.
"Passer une frontière, trouver une langue", Violence politique, traumatisme, processus d'élaboration et de création, Éditions Academia, Coll. "Intellection", n°21, L'Harmattan, 2012.
"Destins métisses et constructions identitaires : l'appel à l'autre langue, l'autre culture", Exils, migrations, création, sous la direction d'Évelyne Hanquart-Turner, Indigo et côté-femmes éditions, 2008.

Cecilia SJÖHOLM
Cecilia Sjöholm est professeur d'esthétique à l'université de Södertörn à Stockholm. Elle a publié largement sur l'histoire de l'esthétique, notamment en conjonction avec la politique et la psychanalyse.
Publications
Doing Æsthetics with Arendt ; How to see Things, Columbia University Press (2015).
Kristeva and the Political, London, Routledge (2005).
The Antigone Complex ; Ethics and the Invention of Feminine Desire, Calif, Stanford University Press (2004).

David UHRIG : Le "pathos" du Neutre
Soucieux de retrouver un "dédoublement initial" au cœur des œuvres qu'il a commentées, Blanchot a décrit avec une extrême acuité phénoménologique la limite transcendantale — et non psychologique — de tout projet littéraire. Comme l'a souligné Roland Barthes dans son cours sur Le Neutre, cette manière de concevoir la littérature n'est possible qu'à la condition de faire du langage "quelque chose d'atopique". Rien n'oblige à accepter une conception de la littérature en vertu d'une transparence dont Blanchot lui-même a pu souligner "le statut ambigu et non innocent : il y aurait une opacité de la transparence…". En nous appuyant sur cette idée d'André Green que "c'est par l'affect que le moi se donne une représentation irreprésentable de lui-même", nous chercherons à définir ce que Julia Kristeva n'a pas hésité à désigner comme le "pathos" blanchotien.

David Uhrig a débuté ses recherches, sous la direction de Julia Kristeva, il y a vingt-cinq ans. Au croisement de la philosophie et de la psychanalyse, le recueil Pulsions du Temps (Fayard, 2013), traduit en anglais sous le titre Passions of our time (Columbia University Press, 2018), est le fruit de son travail éditorial. Enseignant à New York University, David Uhrig est spécialiste de l'œuvre de Maurice Blanchot dont il a révélé la genèse complexe et contradictoire (Chroniques politiques des années 30, Gallimard, 2017).


Perspectives contemporaines sur la chora, table ronde avec Sarah-Anaïs CREVIER GOULET, Miglena NIKOLCHINA et Audrey RICHARD-BURTEY
Nous réfléchissons dans un séminaire théorico-clinique depuis deux ans sur la thématique de la "chair des mots" autour du travail de Julia Kristeva et avec elle. La chair des mots serait définie au XVIIe siècle par Baltasar Gracian comme "intense profondeur des mots" et, dans notre pratique psychanalytique, permettrait d'amener notre écoute au cœur du conflit ou du trauma psychosexuel en repérant au plus près la co-présence pulsion-langage.
Pour cette table ronde, nous souhaitons mettre en perspective et articuler la chora avec la chair des mots. Il s'agirait de rester dans notre chair de psychanalyste et d'éclairer ce pont sémantique de chora linguistique à chair des mots psychanalytiques. Nous partons ainsi de l'hypothèse que la chair des mots serait l'équivalent psychanalytique de la chora définie dans "la révolution du langage poétique" comme "un dialogue qui traite des commencements : l'articulation de processus et de pulsions primaires qui seraient le matériau d'où émerge le langage".
Dans la chora mais aussi dans la chair des mots, nous serions du côté du sémiotique, d'une expérience qui est un indicateur mais ne vient pas encore symboliser.
Dans notre pratique ce serait ainsi ces moments souvent épiphaniques de jaillissement d'une sensation transféro contre-transférentielle que l'analyste va restituer afin de laisser une trace, amorcer un mouvement pulsionnel qui amènera vers un mouvement psychique qui sera restitué peut-être par des mots sans en être la finalité.

Miglena Nikolchina est professeure au département d'histoire et de théorie littéraires de l'université de Sofia, Bulgarie. Son écriture théorique est à la croisée de la littérature, de la philosophie, des études politiques et de la théorie féministe. Beaucoup de ses articles sur Julia Kristeva.
Publications
Matricide in Language : Writing Theory in Kristeva and Woolf, 2004.
Lost Unicorns of the Velvet Revolutions : Heterotopias of the Seminar, 2013.

Audrey Richard-Burtey est psychiatre et psychanalyste, membre adhérent de la SPP, de la SEPEA, et médecin directeur du CMPPU d'Aix-En-Provence. Elle co-anime depuis septembre 2017 un séminaire d'étude et de recherche clinique et théorique avec Julia Kristeva intitulé La chair des mots.
Bibliographie
Aisenstein M., "La chair des mots", in J. Press, I. Nigolian (dir.), Corps parlant, corps parlé, corps muet, In Press, 2016.
Freud S. (1888), "Quelques considérations pour une étude comparative des paralysies motrices organique et hystériques", in Résultats, idées, problèmes, T.1, Puf, 1984.
Freud S. (1890), "Le traitement psychique", in Résultats, idées, problèmes, T.1, Puf, 1984.
Freud S. (1893-1895), Études sur l'hystérie, Puf, 1956.
Freud S. (1933), Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse, Gallimard, 1984.
Green A., Le discours vivant : la conception psychanalytique de l'affect, Paris, Puf, 1973.
Kristeva J., "Les métamorphoses du "langage" dans la découverte freudienne", in Sens et non sens de la révolte, Fayard, 1996.
Kristeva J., "La chair des mots", in B. Chervet (dir.), L'interprétation, monographies et débats de psychanalyse, Puf, 2012.
Kristeva J., "L'affect, cette "intense profondeur des mots", in Pulsions du temps, Fayard, 2013.
Winnicott D. W., "L'esprit et ses rapports avec le psyché-soma", in De la pédiatrie à la psychanalyse, Payot, 1969.


BIBLIOGRAPHIE :

Julia Kristeva, romancière

• Kristeva J. (1991), Le Vieil Homme et les loups, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (1992), Les Samouraïs, Paris, Gallimard, coll. "Folio".
• Kristeva J. (1996), Possessions, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2004), Meurtre à Byzance, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2008), Thérèse mon amour : Sainte Thérèse d'Avila, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2015), L'Horloge enchantée, Paris, Fayard.

Essais linguistiques et littérature

• Joyaux J. (1969), Le Langage, cet inconnu – Une initiation à la linguistique, Paris, Éditions SGPP (Réédité sous le nom de Julia Kristeva en 1981 aux Éditions du Seuil, coll. "Points").
• Kristeva J. (1969), Σημειωτική – Recherches pour une sémanalyse, Paris, Éditions du Seuil, coll. "Tel Quel".
• Kristeva J. (1974), La Révolution du langage poétique. L'avant-garde à la fin du XIXe siècle : Lautréamont et Mallarmé, Paris, Éditions du Seuil, coll. "Tel Quel".
• Kristeva J. (1977), Polylogue, Paris, Éditions du Seuil, coll. "Tel Quel".
• Kristeva J. (1994), Le Temps sensible – Proust et l'expérience littéraire, Paris, Gallimard.

Autres essais

• Kristeva J. (1974), Des Chinoises, Paris, Éditions Des femmes.
• Kristeva J. (1980), Pouvoirs de l'horreur. Essai sur l'abjection, Paris, Éditions du Seuil, coll. "Tel Quel".
• Kristeva J. (1983), Histoires d'amour, Paris, Éditions Denoël, coll. "L'Infini".
• Kristeva J. (1987), Soleil noir – Dépression et mélancolie, Paris, Gallimard, NRF.
• Kristeva J. (1988), Étrangers à nous-mêmes, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (1993), Les Nouvelles Maladies de l'âme, Paris, Fayard.
• Clément C. & Kristeva J. (1998), Le Féminin et le sacré, Paris, Stock.
• Kristeva J. (1996), Sens et non-sens de la révolte – Pouvoirs et limites de la psychanalyse, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (1997), La Révolte intime – Pouvoirs et limites de la psychanalyse II, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (1998), L'Avenir d’une révolte, Paris, Calmann-Lévy, coll. "Petite Bibliothèque des Idées".
• Kristeva J. (1999), Le Génie féminin, tome I : Hannah Arendt, Paris, Folio.
• Kristeva J. (2000), Le Génie féminin, tome II : Melanie Klein, Paris, Folio.
• Kristeva J. (2002), Le Génie féminin, tome III : Colette, Paris, Folio.
• Kristeva J. (2001), Au risque de la pensée, La Tour-d'Aigues, Éditions de l'Aube.
• Kristeva J. (2003), Lettre ouverte au président de la République sur les citoyens en situation de handicap, à l'usage de ceux qui le sont et ceux qui ne le sont pas, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2005), La Haine et le Pardon, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2007), Cet incroyable besoin de croire, Paris, Bayard.
• Kristeva J. & Vanier J. (2011), Leur regard perce nos ombres, Paris, Fayard.
• Kristeva J. & Sollers Ph. (2015), Du mariage considéré comme un des beaux-arts, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2016), Je me voyage – Mémoires. Entretiens avec Samuel Dock, Paris, Fayard.
• Kristeva J. (2016), Beauvoir présente, Paris, Fayard, coll. "Pluriel".

Textes en ligne de Julia Kristeva

kristeva.fr/textes.html


SOUTIENS :

• Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) | Ministère de la Culture
UFR IHSS, Département d'Études psychanalytiques - CRPMS & UFR LAC, CERILAC | Université Paris Cité
THALIM (UMR 7172) | CNRS / Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 / ENS
• Commission de la Recherche (CR) & Relations Internationales et Partenariats (RIP) | Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du vendredi 30 avril au mardi 4 mai 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


ARTS ET ÉCRITS REBELLES

IMAGES DISSIDENTES ET RÉSISTANCES DE LA LANGUE


DU MERCREDI 17 JUIN (19 H) AU DIMANCHE 21 JUIN (14 H) 2020

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Idoli CASTRO, Sonia KERFA, Sophie LARGE, Evelyne LLOZE, Yolaine PARISOT


ARGUMENT :

Se rebeller, c'est repartir en guerre selon l'étymologie. Repartir implique un acte de réinvention des pratiques tant artistiques que littéraires, et il faut faire crédit à la rébellion et à la dissidence d'une capacité d'inventivité qui atteint l'ensemble des créations humaines, y compris les arts. Plus de soixante-dix ans après la célèbre définition de l'"artiste engagé" par Sartre, ce colloque propose d'analyser les reconfigurations actuelles de la résistance dans les arts et les écrits, et ainsi d'étudier en quoi l'émergence de nouvelles épistémologies ont pu profondément les modifier en faisant entrer dans le champ de la connaissance certaines pratiques. Les travaux s'intéresseront non pas à une aire culturelle mais à un réseau de relations : celles du monde dit occidental articulé aux mondes des "Suds" qui ont expérimenté des formes de rébellions et des révolutions multiples et diverses, mais aussi des manières de vivre la démocratie et de revendiquer des libertés individuelles qui ont été fécondes pour la création.


MOTS-CLÉS :

Arts visuels, Émancipation, Littérature, Rébellion, Réinvention


COMMUNICATIONS (suivies de débats) :

* Juan ALBARRÁN : Santiago Sierra et les sujets de la résistance
* Florian ALIX : Réécriture de l'Histoire coloniale au féminin : médiation et sensation chez Assia Djebar (La Femme sans sépulture), Anna Moï (Riz noir) et Léonora Miano (La Saison de l'ombre)
* Paula BARREIRO LÓPEZ : De retour à l'archive visuelle révolutionnaire : pratiques artistiques mondialisées et leurs spectres tricontinentaux
* Anne-Laure BONVALOT : Écofictions des Suds : "réalisme magique", environnementalisme littéraire et décolonialité
* Sylvie CHALAYE : Les marronnages de la création afro-diasporique contemporaine
* Chloé CHAUDET : Peter Weiss transaréal ? Enjeux et limites d'une (re)lecture de L'Esthétique de la résistance par temps de mondialisation
* Romuald FONKOUA : Léon-Gontran Damas, les voies rebelles de l'anthropologie et de la poésie
* Béatrice JOSSE : Contre l'art des œuvres d'art
* Samia KASSAB-CHARFI : La langue nue du judéotunisien : le récit en souffle continu de Marco Koskas
* Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Transformisme et politique dans les Caraïbes hispanophones (Cuba et Porto Rico)
* Claire LAGUIAN : Les nouvelles Guérillères dans la poésie espagnole contemporaine : féminismes et représentations lesbiennes et queer
* Nadia LOUAR : Les figures insolentes de Virginie Despentes
* Valérie MAGDELAINE-ANDRIANJAFITRIMO : Créer et éditer depuis l'océan Indien : pratiques rebelles ou normalisation de l'expression artistique ?
* Valérie K. ORLANDO : Les voix insoumises postcoloniales des cinéastes maghrébines
* Amelia SANZ : Littératures numérisées : possibilités de dissidence (au Sud). Littératures numériques : poétiques politiques (du Sud)
* Michèle SORIANO : Contre-archives, écritures cyborgiennes et dissidence. Créations collectives dans le cinéma contre-hégémonique argentin
* Pascale THIBAUDEAU : Voix résistantes dans le cinéma espagnol contemporain : de l'objet au sujet
* Éliane VIENNOT : Langue des hommes ou langue de l'égalité : une rébellion renouvelée

SOIRÉES :

* Gerty DAMBURY : Fuir, c'est encore se rebeller
* Olivier HADOUCHI : Autour d'une sélection de court-métrages latino-américains révolutionnaires
* María RUIDO : "État d'inconfort", à partir de son film Estado de malestar (VOSTA)

PERFORMANCE :

* Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Cabaret tropical


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Juan ALBARRÁN : Santiago Sierra et les sujets de la résistance
Les plus connus (et les plus polémiques) projets de l'artiste espagnol Santiago Sierra ont été construits à partir d'un recrutement de travailleurs rémunérés pour faire des tâches absurdes, improductives, voire humiliantes. De cette manière, Sierra se place dans la position d'un entrepreneur qui exploite ses employés pour produire de l'art. Face à ces œuvres qui veulent formuler une critique du capitalisme actuel, on se demande quel type de sujet-artiste incarne Sierra ? Quelle marge d'action reste aux travailleurs, ou performeurs délégués ? Comment peuvent-ils résister aux relations de travail conçues par l'artiste ? Et, finalement, quelle est la position du spectateur dans ce type de performances ? Cette contribution tentera de répondre à ces questions en prenant en considération certains des plus importants apports théoriques qui ont transformé le concept de sujet/subjectivité pendant les dernières décennies.

Juan Albarrán est professeur d'histoire de l'art à l'universidad Autónoma de Madrid. Il s'intéresse aux rapports entre art et politique depuis les années 70. Il est membre du projet international MoDe(s) et dirige le magazine Utopía. Revista de crítica cultural (Madrid-Ciudad de México).
Dernières publications
Disputas sobre lo contemporáneo, Exit, 2019.
Performance y arte contemporáneo, Cátedra, 2019.

Florian ALIX : Réécriture de l'Histoire coloniale au féminin : médiation et sensation chez Assia Djebar (La Femme sans sépulture), Anna Moï (Riz noir) et Léonora Miano (La Saison de l'ombre)
On se proposera de lire l'œuvre de trois romancières contemporaines à l'aune du concept postcolonial de writing back, conçu par Bill Ashcroft, Garreth Griffiths et Helen Tiffin comme un exercice de réécriture critique d'un corpus européen depuis des espaces marqués par l'implantation coloniale. Dans le cas qui nous occupe, l'approche prendra une coloration intersectionnelle puisqu'à cette question politique s'ajoute dans les romans une réflexion sur le genre et, dans une certaine mesure, sur les groupes sociaux (sinon sur les classes). Le writing back doit alors être conçu dans toute sa complexité : les romancières ne mobilisent pas simplement une reconfiguration littéraire mais également d'autres arts ou médias. En même temps, ce travail passe aussi par une tentative de se détacher d'un cadre épistémique au profit de la mise en œuvre d'une écriture de la sensation, comme outil stratégique de déplacement de la pensée de l'Histoire. L'écriture romanesque des trois romancières se situe donc entre complexité de la médiatisation et usage de la sensation (apparemment) immédiate : c'est cet entre-deux que nous nous proposons d'explorer.

Florian Alix est maître de conférences à la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université, rattaché au CIEF / CELLF. Il est l'auteur d’'une thèse sur l'essai postcolonial. Plusieurs de ses articles ont paru sur les littératures subsahariennes, maghrébines et antillaises (Edouard Glissant, Dany Laferrière, Abdelkebir Khatibi, Mongo Béti, Valentin Y. Mudimbe…). Membre du collectif "Write back", il a codirigé l'ouvrage Postcolonial Studies : modes d'emploi (Lyon, PUL, 2013).

Paula BARREIRO LÓPEZ : De retour à l'archive visuelle révolutionnaire : pratiques artistiques mondialisées et leurs spectres tricontinentaux
Avec la première conférence tricontinentale à La Havane (1966), la configuration d'un mouvement transnational de résistance et de soutien aux luttes de libération dans le sud global (Amérique latine, Afrique et Asie) s'est formée. Ce mouvement a fourni une structure qui allait au-delà des tactiques politiques et militaires, s'étendant au-delà du champ de bataille paysan et urbain pour devenir une tactique utile dans le domaine de l'art et de la culture en Europe, aux États-Unis et en Amérique latine dans les années soixante et soixante-dix. Quarante années plus tard, l'archive tricontinentale et son arsenal d'images, longtemps oubliés, sont en train de renaître à travers des pratiques rebelles d'une multitude d'artistes visuels et réalisateurs afin de contrecarrer la colonialité du pouvoir et le capitalisme cognitif de notre monde actuel.

Paula Barreiro López est professeure d'histoire de l'art contemporain à l'université de Grenoble-Alpes (LARHRA UMR 5190). Elle dirige la plateforme internationale MoDe(s) et, dans ce cadre, le projet Résistance(s) Partisane(s).
Publications
Atlántico Frío. Historias transnacionales del arte y la política en los tiempos del telón de acero, 2019.
Avant-garde Art and Criticism in Francoist Spain, 2017.
Modernidad y vanguardia : rutas de intercambio entre España y Latinoamérica, 2015 (édité avec Fabiola Martínez).
Crítica(s) de arte : discrepancias e hibridaciones de la Guerra Fría a la globalización, 2014 (avec Julian Díaz).

Anne-Laure BONVALOT : Écofictions des Suds : "réalisme magique", environnementalisme littéraire et décolonialité
Dans les littératures environnementales contemporaines émanant des anciens pays colonisés, on repère de nombreux textes que la critique tend à considérer comme relevant du "réalisme magique". Le phénomène est tel que les deux catégories — "réalisme magique" et fiction environnementale — tendent même à se recouvrir, unies par des liens étroits dont la nature n'a, à ce jour, fait l'objet d'aucun examen systématique. Nous chercherons ainsi, en appui sur un corpus d'écofictions mêlant à la mise en texte de cosmovisions non-dualistes une critique de la prédation extractiviste globale, à comprendre comment l'environnementalisme littéraire des Suds renouvelle, refonde ou transcende ledit "réalisme magique". Cette communication s'attachera à dégager une poétique partagée, un fonds narratologique et esthétique commun aux écofictions du Sud Global, qui cherche notamment à mettre en lumière les présupposés culturels ou les réflexes herméneutiques qui président à la lecture du roman environnemental décolonial.

Anne-Laure Bonvalot est maîtresse de conférences en littératures et cultures hispaniques à l'université de Nîmes et chercheuse au LLACS — Université Paul Valéry Montpellier 3, ses domaines de spécialité sont la littérature espagnole contemporaine, la littérature comparée (domaines hispanophone, francophone, lusophone, catalanophone ; domaine africain) et la traduction. Ses travaux portent sur les formes de la fiction politique contemporaine, mais aussi sur la littérature environnementale, la fiction écologique, l'écocritique et l'écopoétique, en particulier dans les territoires du Sud global — éconarratologie décoloniale.

Sylvie CHALAYE : Les marronnages de la création afro-diasporique contemporaine
Des expressions hip-hop, chorégraphiques, plastiques ou musicales aux dramaturgies contemporaines, la création afro-diasporique a développé un geste marron aussi émancipateur que rebelle, geste de salut et de réinvention de soi, source d'inédit dont nous nous proposons d'analyser les enjeux esthétiques et politiques à travers quelques exemples.

Historienne des arts du spectacle et spécialiste des dramaturgies afro-diasporiques contemporaines, Sylvie Chalaye s'intéresse également aux esthétiques jazz et aux expressions scéniques issues du hip-hop. Professeur et directrice de recherche à l'université Sorbonne Nouvelle, elle co-dirige l'Institut de recherche en études théâtrales et a créé en 2007 le laboratoire "Scènes francophones et écritures de l'altérité" (SeFeA) dont le programme est consacré aux dramaturgies traversées par l'histoire coloniale et l'histoire des migrations.
Publication
Corps marron. Les poétiques de marronnage des dramaturgies afro-contemporaines, Passage(s), 2018.

Chloé CHAUDET : Peter Weiss transaréal ? Enjeux et limites d'une (re)lecture de L'Esthétique de la résistance par temps de mondialisation
"Roman-essai" de près de mille pages, Die Ästhetik des Widerstands (3 vol., 1975-1981) s'est maintes fois heurté à la résistance même des traducteurs et éditeurs, en dépit de son statut d'œuvre culte dans l'aire germanophone. Sa réédition récente en langue française (Klincksieck, 2017, dans la traduction d'Éliane Kaufholz-Messmer) nous invite à une (re)lecture actualisante de cette "Iliade du mouvement ouvrier et de la lutte contre le fascisme au XXe siècle" (Nicolas Weill). Il s'agira ainsi d'envisager la dimension fondatrice de cette somme intermédiale dans le cadre d'une épistémologie des arts rebelles. À ce titre, nous nous proposons d'interroger la portée transaréale (Ottmar Ette) de l'engagement littéraire et artistique prôné, figuré et réalisé par Peter Weiss : dans quelle mesure son magnum opus peut-il toujours se lire comme un "manifeste pour l'internationalisme" (Linda Lê) ?

Chloé Chaudet est maîtresse de conférences en littérature générale et comparée à l'université Clermont Auvergne, et membre du CELIS. Après avoir publié un essai, issu de sa thèse, consacré aux Écritures de l'engagement par temps de mondialisation (Classiques Garnier, 2016), elle poursuit ses recherches sur les liens entre littérature, politique et société dans une perspective internationale et, plus récemment, transmédiale.

Béatrice JOSSE : Contre l'art des œuvres d'art
Évincées de l'histoire de l'art académique, la performance ainsi que les autres formes d'œuvres protocolaires ou collectives n'ont guère eu de place dans les collections muséales, focalisées exclusivement sur les aspects matériels des œuvres. Alors que la notion de patrimoine immatériel est officialisée par l'Unesco à la fin des années 90, j'intègre des œuvres performatives, souvent conjuguées au féminin, au Fonds régional d'art contemporain de Lorraine basé à Metz. Il constitue ainsi la première collection publique en France à entériner cette forme d'acquisitions de formes live à réactiver, à interpréter. Animée par une démarche profondément féministe qui permet de révéler plus largement les questions d'invisibilité, je poursuis au MAGASIN des horizons à Grenoble la sape d'un certain monde de l'art arc-bouté sur la valeur marchande.

Béatrice Josse s'est formée en droit et en histoire de l'art avant d'être nommée au 49 Nord 6 Est - Frac Lorraine en 1993 puis au MAGASIN à Grenoble en 2006, destiné à collectionner des œuvres d'art. Elle a réussi à infléchir considérablement le nombre d'artistes masculins tout en y infiltrant des pratiques immatérielles (performances, protocoles…). Outre des monographies d'artistes femmes historiques : Vera Molnar, Nil Yalter, Cécilia Vicuna, Tania Mouraud…, elle a aussi organisé de nombreuses expositions collectives en lien avec ses engagements féministes : "Territoire occupé", "2 ou 3 choses que j'ignore d'elles", "Les Immémoriales"… Dorénavant à la direction du Magasin des horizons à Grenoble, elle s'oriente vers une nouvelle définition du rôle de l'artiste dans la société en proposant des projets pluridisciplinaires, ainsi qu'une formation professionnelle ouverte aux questions art/société/climat…

Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Transformisme et politique dans les Caraïbes hispanophones (Cuba et Porto Rico)
Quelle est la politique de la performance de drag dans les Caraïbes hispaniques ? Dans cette communication, nous nous concentrerons sur deux artistes : Mickey Negrón (Porto Rico) et Pedro Manuel González Reinoso, mieux connu sous le nom de Roxana Rojo (Cuba). Nous contextualiserons leur travail par rapport à une politique de résistance dissidente qui négocie selon des contextes spécifiques. Dans le cas de Mickey Negrón, nous parlerons de sa performance PonerMickeytarme : ritual de pluma y purificación (2015), qui a été réalisée comme une intervention et protestation contre une marche menée par les églises pentecôtistes et évangéliques qui s'opposent à l'éducation avec une perspective de genre à Porto Rico. Dans le cas de González Reinoso, nous discuterons de son livre Vidas de Roxy, ó el aplatanamiento de una rusa en Cuba (2010) et sa participation à deux documentaires du jeune cinéaste Lázaro González González, Máscaras (2014) et Villa Rosa (2016), dans lesquels l'artiste drag discute de son incarnation d'un personnage russe à Cuba. Travaillant avec l'idée que la performance remet en question le genre et que la culture peut servir dans le cadre d'un processus décolonial, nous examinerons comment ces artistes questionnent et défient les cadres hégémoniques et les relations de pouvoir en lien avec la sexualité et l'État.

Lawrence La Fountain-Stokes est professeur de culture américaine et de langues et littératures romanes à la University of Michigan, Ann Arbor (États Unis). Ses recherches portent sur la littérature, le théâtre et la performance queer des Caraïbes hispanophones et de la diaspora.
Publications
Queer Ricans : Cultures and Sexualities in the Diaspora (2009).
Uñas pintadas de azul/Blue Fingernails (2009).
Abolición del pato (2013).
A Brief and Transformative Account of Queer History (2016).
Keywords for Latina/o Studies (2017).
Escenas transcaribeñas : ensayos sobre teatro, performance y cultura (2018).

Claire LAGUIAN : Les nouvelles Guérillères dans la poésie espagnole contemporaine : féminismes et représentations lesbiennes et queer
La poésie espagnole contemporaine est marquée par l'avènement de nombreuses poètes qui explorent dans leurs vers les identités lesbiennes et queer, comme marques d'une dissidence au sein du cis-tème hétéropatriarcal. Leur guerre symbolique et langagière est teintée par l'intermédialité caractéristique de l'extrême contemporain. Par ailleurs, elle est influencée par l'apparition de courants de pensée récents qui ont surgi après les féminismes européens des années 70. Nous pensons par exemple aux perspectives queer et aux études de genre qui inspirent ces poètes dont la radicalité s'aventure sur des terrains relativement neufs dans l'histoire des féminismes, tels que le postporn ou le pornoterrorisme. Néanmoins, nous verrons comment cette dissidence contemporaine s'inscrit également dans la continuité des luttes artistiques, en reconfigurant la figure fondamentale des Guérillères poétisée par Monique Wittig en 1969, et en conservant la viscéralité wittiguienne et sa déconstruction générique du langage.

Claire Laguian est docteure en littérature espagnole et professeure agrégée (PRAG) à l'université Gustave Eiffel (anciennement Paris-Est Marne-la-Vallée). Au-delà de ses travaux de doctorat sur la poésie contemporaine canarienne, elle a également travaillé sur les écrits poétiques des nombreuses écrivaines engagées ces dernières années en Espagne. Par ailleurs, elle a dirigé des ateliers d'écriture créative et d'autotraduction autour des stéréotypes et représentations de genre en littérature.

Valérie MAGDELAINE-ANDRIANJAFITRIMO : Créer et éditer depuis l'océan Indien : pratiques rebelles ou normalisation de l'expression artistique ?
Des revues artistiques, culturelles et littéraires contemporaines des îles du sud-ouest de l'océan Indien comme Indigo, Fragments, Project'îles, Lettres de Lémurie, Kanyar ou Point barre, résolument plurielles et pluridisciplinaires, rendent compte des productions artistiques des îles en s'appuyant sur un postulat : l'idée d'une Relation indianocéane ou "lémure". Ces revues contribuent-elles à poser un acte politique fort, en proposant une recomposition des champs artistiques internationaux devant prendre en considération des espaces anciennement minorés, ou bien contribuent-elles à une certaine normalisation des pratiques littéraires et artistiques ? Ces nouveaux regards sur les arts offrent ainsi l'occasion de réfléchir à une redéfinition de ce que peuvent être la rébellion et la résistance d'un "Sud global".

Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo est maître de conférences en littératures françaises et francophones à l'université de La Réunion. Elle est aussi rédactrice en chef de la revue NEF - Nouvelles Études Francophones, directrice des Presses universitaires Indianocéaniques. Francophoniste, elle est spécialisée dans les littératures de l'océan Indien. Elle a codirigé ou dirigé plusieurs ouvrages ou numéros de revues, dont, avec G. Armand et Y. Parisot, TROPICS, n°4, Discours artistiques du contemporain au prisme de l'océan Indien : fictions, critique et politiques (2018).

Valérie K. ORLANDO : Les voix insoumises postcoloniales des cinéastes maghrébines
À partir de plusieurs films, cette communication étudiera le cinéma féminin produit par les maghrébines vivant l'époque postcoloniale. Leurs œuvres cinématiques ont contribué au fil des décennies postcoloniales aux discours sociopolitiques et culturels au Maghreb. Cette communication considérera aussi certains moments historiques qui ont influencé les sujets des cinéastes du Maghreb. Ces moments comprennent : Les années de plomb au Maroc, La décennie noire en Algérie et La révolution du jasmin en Tunisie.

Valérie K. Orlando est professeur de littérature francophone à l'université du Maryland. Elle a obtenu la bourse Fulbright-Tocqueville Distinguished Chair (automne 2019) et une bourse du Collegium-Lyon, L'Insitut d'études avancées (printemps 2020).
Publications récentes
The Algerian New Novel : The Poetics of a Modern Nation, 1950-1979, University of Virginia Press, 2017.
New African Cinema, Rutger's University Press, 2017.
Screening Morocco : Contemporary Film in a Changing Society, Ohio UP, 2011.

María RUIDO : "État d'inconfort", à partir de son film Estado de malestar (VOSTA)
"Le capital rend le travailleur malade, puis les multinationales pharmaceutiques lui vendent des médicaments pour qu'il aille mieux. Les causalités sociales et politiques de la détresse mentale sont mises de côté en même temps que le mécontentement est individualisé et intériorisé." [Mark Fisher, Réalisme capitaliste]
Estado de malestar ["État de détresse"] (2019) prend comme point de départ une série de textes de Mark Fisher, Franco Berardi "Bifo" et Santiago López Petit, ainsi que des conversations avec des philosophes, des psychiatres et des patients ou des personnes diagnostiquées, notamment le collectif militant InsPiradas, à Madrid. Il se présente comme un essai visuel sur la symptomatologie et la souffrance psychique à l'ère du réalisme capitaliste, sur la douleur que notre mode de vie nous inflige et sur les lieux et modalités de résistance et/ou de changement que nous pouvons construire pour le combattre.
Estado de malestar - María Ruido - Video HD, super 8mm, 16 mm - 63 mn - 2019 - VO : espagnol - Sous-titres : anglais

Maria Ruido est réalisatrice, artiste, chercheure et enseignante. Elle vit à Madrid et à Barcelone, où elle enseigne au département d'Arts visuels depuis 2002, et où elle participe à plusieurs études sur les représentations et leurs contextes de production. Ses travaux des recherches portent sur les imaginaires du travail dans le capitalisme post-fordiste, sur les mécanismes qui construisent la mémoire et ses relations avec les différents récits historiques et, actuellement, sur l'imaginaire décolonial et ses possibilités d’émancipation.
Filmographie
2002 - La memoria interior (33 mn)
2003 - Tiempo real (43 mn)
2005 - Ficciones anfibias (33 mn)
2008 - Plan Rosebud 1 (114 mn) + Plan Rosebud 2 (120 mn)
2009 - Zona Franca (20 mn)
2010 - Le paradis (4 mn)
2010 - Lo que no puede ser visto debe ser mostrado (12 mn)
2011 - ElectroClass (53 mn)
2014 - Le rêve est fini / The dream is over (47 mn)
2015 - L'œil impératif / The imperative eye (63 mn)
2017 - Mater Amatísima (55 mn)
2019 - Estado de malestar (63 mn)

Amelia SANZ : Littératures numérisées : possibilités de dissidence (au Sud). Littératures numériques : poétiques politiques (du Sud)
À partir d'une distinction nette entre les littératures numérisées, qui naissent lors du passage du support papier au support numérique, et les littératures numériques qui sont nées dans et pour un environnement électronique, nous présenterons les enjeux de ce que nous appelons "l'hypercolonialisme" numérique triomphant et sa thématisation par des artistes. Nous présenterons autant les effets pervers de la globalisation du numérique que la souveraineté épistémologique revendiquée par des chercheurs et des créateurs. Nos exemples seront tirés des pays hispanophones, du Sud, pour atteindre un Sud global bien présent au Nord.

Amelia Sanz est professeure de littérature française et humanités numériques à l'université Complutense de Madrid. Son travail de recherche a suivi de près l'évolution du numérique depuis la création du groupe de recherche LEETHI (Littératures Européennes du Texte à l'Hypermédia) en 2000, à la direction du programme d'e-learning dans son université (2008-2012). À présent elle coordonne le Master en Lettres numériques : études avancées des textualités numériques à l'UCM (2015-2020).
ucm.es/leethi/amelia-sanz-cabrerizo

Pascale THIBAUDEAU : Voix résistantes dans le cinéma espagnol contemporain : de l'objet au sujet
Dans un pays encore marqué par la répression et la violence d'État, comment le cinéma espagnol contemporain rend-il compte des rébellions et résistances passées ? Cette intervention s'intéressera à deux modalités d'expression de la résistance au cinéma : celle qui prend le passé pour objet et observe l'histoire depuis un point de vue extérieur ; celle qui l'interroge depuis une subjectivité impliquée. Pour ce faire, nous aurons recours à quelques productions du cinéma mainstream, qui traitent de la résistance au fascisme et visent à mettre en garde les spectateurs contre ses possibles résurgences (par exemple Lettre à Franco d'Alejandro Amenábar). Puis seront examinées des propositions plus audacieuses de cinéastes (Carolina Astudillo, Alejandro Alvarado et Concha Barquero) qui offrent une caisse de résonance à des subjectivités passées tout en résistant, depuis certaines propositions formelles, aux effets pervers induits par l'esthétique et les procédés narratifs du cinéma dominant.

Pascale Thibaudeau est professeure à l'université Paris 8 et spécialiste du cinéma hispanique. Ses recherches actuelles portent sur les rapports entre cinéma, histoire et mémoire. Elle a coordonné trois numéros de revues sur ces questions : Politiques, Récits et Représentations de la mémoire en Espagne et en Amérique Latine aux XXe et XXIe siècles, Pandora, n°12, 2014 ; Spectres de la guérilla dans les cinémas hispaniques, HispanismeS, n°7, 2016 ; Las revoluciones en el visor: intervención, persistencia y usos, Fotocinema, n°17, 2018.

Éliane VIENNOT : Langue des hommes ou langue de l'égalité : une rébellion renouvelée
Les polémiques qu'a connues la société française depuis une quarantaine d'années, d'abord autour de la "féminisation" des noms de métiers et fonctions, puis autour de "l'écriture inclusive" font apparaitre deux idées fausses. La première : elles seraient nouvelles. La seconde : elles auraient pour fondement le désir des féministes contemporaines de modifier la langue afin de lui faire servir leurs objectifs. La conférence reviendra sur ces croyances en montrant que ce sont au contraire les distorsions introduites dans la langue par des lettrés masculinistes qui ont provoqué des contestations — dès le XVIIe siècle, et d'abord au sein du milieu savant lui-même. Le sujet concerne bien entendu toute la francophonie, dont les territoires d'implantation ont subi l'influence des diktats parisiens dans une mesure inversement proportionnelle à leur éloignement de la Métropole.

Éliane Viennot a enseigné la grammaire et la littérature française dans les universités de Seattle (USA), Nantes, Corte, Saint-Étienne, et elle a été dix ans membre de l'Institut universitaire de France. Ses recherches portent sur les écrivaines de la Renaissance, les actrices politiques de ce temps, l'histoire des relations de pouvoir entre les sexes en France, la Querelle des femmes et ses conséquences dans la langue française.
elianeviennot.fr


BIBLIOGRAPHIE :

• BALASINSKI Justyne, "Art et constestation", in Olivier FILLEULE (éd.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, pp. 67-73.
• BALASINSKI Justyne & MATHIEU Lilian, "Introduction", in Justyne BALASINSKI & Lilian MATHIEU (éd .), Art et contestation, Rennes, PUR, 2010, pp. 9-27.
• BRETON André & RIVERA Diego, Pour un art révolutionnaire indépendant, Mexico, le 25 juillet 1938 [Manifeste de la Fédération internationale des Artistes révolutionnaires indépendants / rédigé avec la collaboration de Léon Trotsky], Service d'édition et de librairie du Parti communiste internationaliste (IVe Internationale), 1938, 4 p.
• DELEUZE Gilles, "Qu'est-ce que l'acte de création ?", Conférence donnée dans le cadre des mardis de la fondation Femis 17/05/1987 [Disponible sur webdeleuze.com].
• DEWITTE Jacques, Le Pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit, essai sur la résistance au langage totalitaire, Michalon, 2007.
• SAID Edward, L'Orientalisme : L'Orient créé par l'Occident, Paris, Éditions du Seuil [1980], 2005.
• SARTRE Jean-Paul, "Qu'est-ce que la littérature ?", Les Temps modernes, 1947.
• SCOTT James C., La domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne, Paris, Éditions Amsterdam [1992], 2008.
• TARROW Sidney, "La mondialisation des conflits : encore un siècle de rébellion ?", Études internationales, n°24, vol. 3, 1993, p. 513–531.


SOUTIENS :

• Laboratoire Passages XX-XXI | Université Lumière Lyon 2
• Institut des langues et cultures d'Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie (ILCEA4) | Université Grenoble Alpes (UGA)
• Unité de recherche interdisciplinaire "Interactions culturelles et discursives" (ICD, EA 6297) | Université de Tours
• Centre d'études sur les langues et les littératures étrangères et comparées (CELEC, EA 3069) | Université Jean Monnet Saint-Étienne
• Laboratoire de recherche "Lettres, idées, savoirs" (LIS, EA 4395) | Université Paris-Est Créteil (UPEC)
• Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA, UMR 5190) | Université Grenoble Alpes (UGA)
• Projets internationaux Idex Ré-Part | Université Grenoble Alpes (UGA) et I+D MoDe(s) | Université de Barcelone

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du mercredi 18 mai au dimanche 22 mai 2022 [en savoir plus].

La direction du CCIC


DE QUOI L'ART BRUT EST-IL LE NOM ?


DU JEUDI 11 JUIN (19 H) AU LUNDI 15 JUIN (14 H) 2020

[ colloque de 4 jours ]


Jean Perdrizet. Sans titre (Un robot ouvrier qui voit les formes par coupes de vecteurs en étoile), circa 1970. Encre et crayons de couleur sur papier, 65 x 40 cm © courtesy christian berst art brut


DIRECTION :

Christian BERST, Raphaël KOENIG


ARGUMENT :

L'art brut demeure sans doute un des derniers grands impensés de l'art. Même si — comble du paradoxe pour un art que Jean Dubuffet voulait "épris d'obscurité" — celui-ci est plus que jamais sous les feux de la rampe, de la Biennale de Venise au Musée Guggenheim en passant par le Musée d'art moderne de la Ville de Paris et le MoMA, il ne cesse de susciter interrogations, émerveillements, et remises en cause.

Preuve de la capacité sans cesse renouvelée d'œuvres "hors-norme", créées par des artistes évoluant le plus souvent dans une altérité sociale ou mentale, de chambouler "l'horizon d'attente" de leurs spectateurs, introduisant ainsi un ferment disruptif au sein des mécanismes de création, de validation et d'exposition du monde de l'art.

Preuve également de l'instabilité sémantique d'une notion qui, depuis trois quart de siècle, semble singulièrement rétive aux tentatives de définition ou de systématisation : tout en proclamant, au milieu des années 1940, l'existence d'un "art brut" qui s'affirme avec l'évidence d'un phénomène naturel, Jean Dubuffet ne l'a-t-il pas également placé sous le signe d'une étrange amnésie ? Personnage à la Calvino, perpétuellement en quête de définition, "l'art qui ne sait pas son nom" semble devoir nous inviter à un questionnement ouvert, à condition du moins de s'affranchir du manichéisme de ses débuts.

Il semble donc crucial que les instances culturelles s'y attèlent, même s'il faut pour cela qu'elles se dotent de nouveaux outils pour en saisir toute la portée. L'examen de ce champ — sans concession ni complaisance pour les dogmes du passé — permettra de mieux comprendre le travail que font les œuvres d'art sur ceux qu'elles émeuvent, afin de rédiger ce chapitre essentiel qui fait encore largement défaut à l'histoire de l'art.

Dans ce but, ce colloque fondamentalement interdisciplinaire associera des intervenants issus de l'université — combinant ainsi les méthodologies respectives de l'histoire de l'art et des idées, de la philosophie, de la sociologie, et de la littérature française et comparée — mais aussi des praticiens — psychanalystes, commissaires d'exposition, critiques d'art, galeristes, collectionneurs — afin de croiser les approches et de faire surgir de nouvelles perspectives sur un sujet encore largement inexploré.


MOTS-CLÉS :

Altérité, Art brut, Art des fous, Avant-garde, Création, Création hors-norme, Esthétique, Histoire de l'art, Médiumnité, Métaphysique, Mondes de l'art, Mythes, Mythologie individuelle, Sociologie de l'art


COMMUNICATIONS (suivies de débats) :

* Christian BERST et Raphaël KOENIG : Introduction

(PRÉ-) HISTOIRE, MYTHE, NOTION(S)
* Christian BERST : L'art brut en question
* Antoine FRÉROT : Ce que l'art brut me fait
* Marianne JAKOBI : Indéfinissable, innommable, insaisissable : l'invention d'un nom ou les mirages de l'art brut
* Choghakate KAZARIAN : En marge de l'art brut : Eilshemius et l'outsider art
* Raphaël KOENIG : Art brut et avant-gardes : stratégies d'exposition
* Jean-Marc LEVERATTO : Mesurer l'altérité. Le jugement de l'œuvre d'art dite "brute" et ses enjeux
* Marina SERETTI : Choc traumatique et "œuvres-projectiles" : l'efficacité de l'art brut

FORMES DE LA CRÉATION : MÉDIAS, PRATIQUES INDIVIDUELLES ET COLLECTIVES
* Gérard AUDINET : Médiumnité et art brut
* Annie FRANCK : Une œuvre : une adresse ? Perspectives psychanalytiques sur l'art brut
* Gustavo GIACOSA : Art brut et pratiques collectives, extension ou antinomie ?
* Maximilian GILLESSEN : Art brut, machines, écriture
* Carles GUERRA et Joana MASÓ : Productivisme, institution et pratiques collectives à Saint-Alban
* Marc LENOT : Tirer ou coller : la photographie brute en question
* Pascal PIQUE : Art brut et énergétiques de l'invisible

ART BRUT ET MONDES DE L'ART : ENJEUX INSTITUTIONNELS ET CONCEPTUELS
* Bruno DUBREUIL : L'art brut en miroir de l'art contemporain
* Claire MARGAT : L'Art Brut : un art sans fins ou une Fin de l'Art ?
* Jean-Hubert MARTIN : Ces autres magiciens de la terre
* Catherine MILLET : Le chapitre manquant de l'histoire de l'art
* Corinne RONDEAU : Ce qu'il y a de brut, c'est la surprise


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Bruno DUBREUIL : L'art brut en miroir de l'art contemporain
Il y aurait deux façons de considérer l'art brut : la première consisterait à le circonscrire au moment historique de son invention par Jean Dubuffet et à le maintenir à l'intérieur du champ esthétique et conceptuel tracé par les critères définis. Ce qui serait la plus sûre façon de l'anesthésier et d'en limiter la portée. La seconde viserait à considérer l'art brut comme une force agissante, porteuse d'attitudes et de pratiques capables d'innerver, à chaque époque, l'art de son temps. L'art brut finirait alors par occuper une sorte de fonction dans le paysage artistique contemporain : celle de contribuer à contrebalancer un geste artistique qui se conformerait d'avance au contexte social, culturel et économique qui va en conditionner la réception. Face à une pensée artistique alors menacée de devenir une rhétorique appliquée, l'art brut reste cette forme d'incarnation du territoire infini du risque.

Bruno Dubreuil interroge les œuvres et les pratiques artistiques (notamment la photographie). Ses analyses sont nourries par sa propre pratique ainsi que par les échanges survenant dans ses ateliers de création ou d'esthétique (Une autre histoire de l'art, Gie Binome). Ces réflexions se prolongent au travers d'expositions qu'il conçoit (Immixgalerie, Paris) et sur la revue en ligne qu'il a créée : viensvoir.oai13.com. Plusieurs chroniques y traitent de l'art brut. Il a publié dans Brut Now, l'art brut au temps des technologies.

Gustavo GIACOSA : Art brut et pratiques collectives, extension ou antinomie ?
Les ateliers de création au sein d'institutions psychiatriques ou d'handicap mental encouragent depuis plusieurs décennies l'expression et la socialisation de leur hôtes et deviennent au fur et mesure des changement sociaux des réserves où critiques, collectionneurs et commissaires d'expositions vont chercher l'Art Brut de nos jours. Entre les enjeux de tutelle et de divulgation des uns et la sauvegarde de la cohérence de canons esthétiques des autres, la création artistique hors du système de production et diffusion de l'art contemporain, révèle toutes ses contradictions. Si l'encouragement à l'action et la stimulation artistique est contraire au diktat de Dubuffet, comment et dans quelles conditions certains "créateurs d'atelier" échappent à ces conditionnements positifs et devient des exceptions au sein même de leurs institutions ? Quel est l'impact des pratiques collectives pour ce réservoir de radicalité créatrice qu'est l'art brut ?

Gustavo Giacosa est metteur en scène et commissaire d'expositions, né à Sunchales (Argentine) en 1969. Après des études de lettres à l'université de Santa Fe et la rencontre avec le metteur en scène Pippo Delbono, il développe une recherche sur le rapport entre l'art et la folie au sein de différentes formes artistiques en devenant commissaire des plusieurs expositions sur cette thématique. Ses recherches sont à l'origine d'une collection d'Art Brut et d'Art Contemporain : Puentes (Ponts) qui est présenté de manière permanente à Rome dans l'espace "A due" Art Studio. À partir de 2012, il s'établit en France où il crée à Aix-en-Provence avec le pianiste et compositeur Fausto Ferraiuolo une plateforme multidisciplinaire qui regroupe la diversité de ses productions : SIC.12.

Carles GUERRA et Joana MASÓ : Productivisme, institution et pratiques collectives à Saint-Alban
Lié à la présence de Paul Éluard et de Jean Dubuffet à l'hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole (Lozère) où, dans les années 1940, ont travaillé les psychiatres Lucien Bonnafé, François Tosquelles et Jean Oury, l'art brut est né comme une forme d'extractivisme culturel visant à séparer un certain nombre d'objets de "l'ensemble thérapeutique" dans lequel ils ont été produits. En extrayant ces objets de leurs contextes de production et d'une économie du troc, on les a aussi séparés des pratiques collectives liées à la vie de l'hôpital : la circulation de la parole dans les assemblées, les ateliers d'ergothérapie, les mises en scène théâtrales, les activités festives, l'écriture dans le journal intérieur de l'hôpital, l'imprimerie ou les séances cinéma en commun qui suivaient le modèle de l'autogestion et des coopératives de malades. Il s'agira dans cette intervention d'analyser ce changement radical de paradigme affectant l'ensemble de ces objets : d'une logique de production dans le cadre de structures économiques locales largement autogérées à leur réception dans le cadre d'un nouveau système de validation culturelle et de production de valeur marchande issu des avant-gardes. À travers l'histoire de Saint-Alban, il s'agira donc de réfléchir aux formes de productivisme qui présidèrent à la naissance de l'art brut, et de se pencher sur ses conséquences économiques et politiques contemporaines.

Carles Guerra est commissaire d'exposition, critique d'art et enseignant, ancien directeur de la Fondation Antoni Tàpies et de La Virreina Centre de la Imatge (Barcelone), et ancien Conservateur en Chef du Museu d'Art Contemporani de Barcelona (MACBA).

Joana Masó est professeur d'études françaises et d'études de genre à l'université de Barcelone où elle est chercheuse à la Chaire UNESCO "Femmes, développement et cultures".

Depuis 2017, ils travaillent à un projet d'exposition et de livre autour du psychiatre François Tosquelles et de l'hôpital de Saint-Alban, au centre de la mythologie de l'art brut en France après la Seconde Guerre mondiale.

Choghakate KAZARIAN : En marge de l'art brut : Eilshemius et l'outsider art
En 1917, Marcel Duchamp surprend le monde de l'art new yorkais en déclarant que Louis Michel Eilshemius (1864-1941), un artiste inconnu de 53 ans, est l'auteur l'une des deux meilleures œuvres de la première exposition sans jury de la Society of Independents Artists. Né dans une famille aisée, Eilshemius bénéficie de la parfaite formation académique : études à la Art Students League à New York puis à l’Académie Julian à Paris et nombreux voyages en Europe, en Afrique du Nord et dans le Pacifique. Après avoir exposé, très jeune, à la National Academy of Design and à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, il sombre dans l'indifférence la plus totale jusqu'en 1917. La généalogie de sa réception montre comment le succès comme le rejet de l'œuvre d'Eilshemius sont construits sur son image d'outsider, terminologie d'autant plus complexe pour un artiste à la formation et aux ambitions académiques mais néanmoins situé dans une double marge : tantôt trop étrange pour faire partie du monde de l'art traditionnel, tantôt trop traditionnel pour correspondre à l'esthétique moderniste.

Choghakate Kazarian est historienne de l'art et conservateur du patrimoine. Diplômée de l'École du Louvre, de La Sorbonne - Paris IV et de l'Institut National du Patrimoine, elle fut conservateur au Musée d'Art moderne de Paris de 2011 à 2018. Elle prépare actuellement un doctorat au Courtauld Institute of Art sur l'artiste américain Albert Pinkham Ryder. Ses expositions et publications ont porté sur des artistes tels que Henry Darger, Lucio Fontana, Piero Manzoni, Karel Appel, Marcel Duchamp ou Louis Michel Eilshemius.

Marc LENOT : Tirer ou coller : la photographie brute en question
Ce n'est que depuis 2004 (avec une exposition à San Francisco) que la photographie est reconnue comme un des éléments de l'art brut, avec deux modes créatifs différents, deux approches différentes de l'image. D'une part les artistes bruts qui photographient eux-mêmes : aussi bien des autoportraits, souvent déguisés, travestis, modifiés, que des photographies obsessionnelles de femmes, épouse ou compagne, ou bien passantes, actrices ou marionnettes ; d'autres photographient obsessionnellement leur environnement, et quelques-uns jouent avec la matière photographique elle-même. D'autre part, les artistes bruts qui utilisent des photographies (et des radiographies) dans des collages et des photomontages, en complétant leurs dessins, en tatouant d'écriture des images trouvées, ou en construisant des montages complexes, panoramiques ou constructivistes.

Marc Lenot, après des études à Polytechnique et au MIT et une carrière d'économiste, s'est réinventé sur le tard en critique d'art et chercheur sur la photographie : blog Lunettes Rouges, master à l'EHESS, doctorat en histoire de l'art, livre Jouer contre les appareils sur la photographie expérimentale, prix AICA France 2014 de la Critique d'art.

Jean-Marc LEVERATTO : Mesurer l'altérité. Le jugement de l'œuvre d'art dite "brute" et ses enjeux
Avec l'aide des outils de la sociologie de l'expertise artistique, nous identifierons dans un premier temps les différents types d'épreuves de la qualité artistique auxquelles s'expose aujourd'hui l'œuvre dite "brute". Dans un second temps, l'approche anthropologique contemporaine nous aidera à approfondir notre compréhension des cadres de l'expérience que l'on peut faire de l'art dit "brut", des différentes ontologies qui peuvent nous permettre de ressentir la valeur artistique de l'événement qu'il constitue et d'en reconnaître la signification éthique.

Jean-Marc Leveratto est professeur de sociologie. Ses recherches portent sur les techniques du corps, la culture artistique et la sociologie de l'expérience esthétique. Sur l'évaluation des artistes et des œuvres d'art, il a publié notamment La mesure de l’art. Sociologie de la qualité artistique, Paris, La dispute, 2000 et Introduction à l'anthropologie du spectacle, ibid., 2006. Il a également réalisé de nombreuses enquêtes sur la culture contemporaine, dont Internet et la sociabilité littéraire (avec Mary Leontsini), 2008 et Cinéphiles et cinéphilies (avec Laurent Jullier), 2010.

Claire MARGAT : L'Art Brut : un art sans fins ou une Fin de l'Art ?
L'Art Brut met en question ce qu'on entend par l'Art : à la fois idéal philosophique et conception historiciste formulée dans L'Esthétique de Hegel. L'idée hegelienne de Fin de l'Art a donné lieu à des interprétations diverses(1). L'Art Brut est problématique : est-ce un art authentique ou un non-art, situé aux limites de ce qui est reconnu comme art et qui permet son extension ? Comprendre l'Art Brut suppose d'examiner non comment un art est qualifié (brut, singulier, outsider, etc…) mais comment l'Art est compris selon l'époque. L'Art (symbolique/classique/romantique) exprimait une communauté, une religiosité collective. L'Art Brut, expression de singularités individuelles, manifeste un repli tel qu'un art populaire ou national cesse de faire sens.
(1) A. Danto, La Fin de l'Art, 1984, L'assujetissement philosophique de l'art, 1993, Après la Fin de l'Art, 1996.

Claire Margat est agrégée de philosophie et titulaire d'un doctorat en philosophie esthétique à Paris 1 (L'Esthétique de l'horreur, du Jardin des supplice d'Octave Mirbeau aux Larmes d'Eros de Georges Bataille).
Publications
A dirigé le Hors Série artpress 2 d’automne 2013 : Les Mondes de l'Art Brut.
2014, Catalogue de l'exposition Peter Kapeller, Décembre 2014 galerie Christian Berst.
2015, Catalogue d'Aloïse Corbaz en constellation. Le ravissement d'Aloïse Corbaz, LaM, Lille Métropole.
Quinzaines n° du 15 janvier, 2018, Dossier sur l'art brut : Images et textes de la folie.
2018, L'ART BRUT Citadelles & Mazenod : Quand l'Art Brut devient culturel et Devenirs de l'Art Brut.
artpress, automne 2018 : Graphomanies brutes ?, in Hors Série sur Graphisme et Art.
À paraître aux Presses universitaires de Bordeaux en 2020 : L’art brut, un art sans artiste ?
Artistes bruts sur lesquels des articles ont été publiés : Aloïse Corbaz, Seni Awa Camara, Jean Dubuffet, Henry Darger, Peter Kappeler, Michel Nedjar (ARTPRESS janvier 2018) Marilena Pelosi, Ceija Stojka…

Jean-Hubert MARTIN : Ces autres magiciens de la terre
La question de l'art des marginaux asociaux et des autodidactes est souvent assimilée à celle des artistes de sociétés sans écriture. En somme hors de l'art occidental issu des paradigmes de la Renaissance, les autres se retrouveraient tous dans le même sac. Syndrome Vasari. Tentative de donner des définitions claires de pratiques variées et critique de la notion d'art brut telle que définie par Dubuffet, qui agit en artiste autant qu'en chercheur. Quelques exemples inédits dans un domaine de recherche infini.

Jean-Hubert Martin, diplômé en histoire de l'art, a participé à l'élaboration du centre Pompidou. Il fut directeur de la Kunsthalle de Berne, du Musée national d'art moderne du Centre Pompidou, du Musée national des arts d’'Afrique et d'Océanie de Paris et du Museum Kunst Palast de Düsseldorf. Il a dirigé les programmes artistiques du Château d'Oiron et du Padiglione d'Arte Contemporanea à Milan et a été commissaire de nombreuses expositions en France et à l'étranger :
Magiciens de la terre, Paris 1989 : a tenté de remettre en question l'exclusion et les critères pratiqués par le réseau de l'art contemporain dit international.
Partages d'exotisme, Biennale de Lyon, 2000 : montrait les écarts et les hybridations entre des formes culturelles impossibles à définir.
Altäre, Dusseldorf, 2001 : les expressions religieuses du monde actuel sont-elles de l'art ?
Dubuffet et l'art brut, Dusseldorf, Lausanne et Lille, 2005.
Sur le fil, galeries Christian Berst et Jean Brolly, Paris, 2016 : mélangeait l'art brut et l'art contemporain.
Publication
"Dubuffet et ses stratégies d'élargissement de l'art", in Les Albums photographiques de Jean Dubuffet = The Photograph Albums of Jean Dubuffet, Milan, 5 Continents ; Lausanne : Collection de l'Art Brut, 2017, p. 24-30 [fre/eng].

Corinne RONDEAU : Ce qu'il y a de brut, c'est la surprise
La surprise est sans doute le trouble persistant d'une rencontre inattendue. Dans le champ de l'art contemporain, l'art brut est ce qui vient sans annoncer sa venue. Se refusant à la classification malgré des motifs obsessifs, il est ce qui existe sans attente que l'attente elle-même, ce qui ne s'atteint pas. En un sens, l'art brut est toujours de l'ordre d'une révélation. Le brut de l'art est un "Il y a", un on-ne-sait quoi sans projet, l'expérience extrême d'un possible, proche de ce que nomme Georges Bataille, L'expérience intérieure. Ses moyens souvent pauvres, ses formes presque toujours ritualisées impliquent l'interruption des modes insistants du regard et du savoir qu'il soit historique ou esthétique. Le brut relève l'expérience de l'art comme un désenchaînement, peut-être une dramatisation, une façon de "sortir de nous-mêmes".

Corinne Rondeau est maître de conférences en esthétique et sciences de l'art à l'université de Nîmes, collaboratrice sur France Culture, critique d'art et de cinéma. Auteur de plusieurs essais monographiques, le dernier en date Chantal Akerman, Passer la nuit, éd. de l'éclat, 2017.

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque annulé

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été annulé.

La direction du CCIC


CIRCULATIONS DES CARTES POSTALES DANS LA LITTÉRATURE ET LES ARTS
( XXe - XXIe SIÈCLES )


DU MARDI 2 JUIN (19 H) AU MARDI 9 JUIN (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]


Eric Baudart et Thu Van Tran, Blue Saïgon, 2017, courtesy des artistes


DIRECTION :

Magali NACHTERGAEL, Anne REVERSEAU


ARGUMENT :

Ce colloque rassemblera artistes et chercheurs de différents horizons pour explorer le rôle qu'un objet, a priori banal, a pu avoir dans la culture visuelle et littéraire des XXe et XXIe siècles. Il s'agira d'étudier, jusqu'à l'époque contemporaine, les différentes façons dont poètes, écrivains et artistes ont regardé, ont manipulé, ont joué avec la carte postale et comment ils se sont appropriés ou se sont opposés à ce modèle médiatique plus polémique qu'il n'y paraît. Comment la carte postale, en étant réinvestie par les artistes contemporains, en particulier dans les protocoles iconographiques et de collection, connaît un renouveau qui amène aussi un regard critique sur cette production vernaculaire de masse ?

En abordant à la fois l'imaginaire de la carte postale dans les avant-gardes historiques et ses réinventions contemporaines, ce colloque entend proposer une relecture de ce medium moderne qui insiste sur ses enjeux communicationnels. Malgré les fluctuations de la production et la variabilité des supports, la notion de "carte postale" reste opérante et usitée jusque dans les correspondances numériques, témoignant du modèle médiatique qu'elle représente encore aujourd'hui.


MOTS-CLÉS :

Art contemporain, Arts visuels, Histoire visuelle, Littérature, Objet médiatique, Photographie


CALENDRIER PROVISOIRE :

Mardi 2 juin
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mercredi 3 juin
Matin
Magali NACHTERGAEL & Anne REVERSEAU : Introduction
Servanne MONJOUR & Nicolas SAURET : Rematérialisation de la carte postale : autour de General Instin

Après-midi
CARTES POSTALES ET ART CONTEMPORAIN
Antoine QUILICI : Cartes postales de musées et appropriations
Marie BOIVENT : Les cartes postales d'artistes : fictions de l'image vs fictions du texte
Élisa BRICCO : Cartes postales : récit minimal et autobiographie chez Valérie Mréjen

Soirée
Dialogue avec Valérie MRÉJEN (artiste et écrivaine) sur son utilisation de la carte postale


Jeudi 4 juin
Matin
CARTES POSTALES ET ENJEUX HISTORIQUES CONTEMPORAINS
Dominique CASIMIRO : Des mémoires d'encre, de papier et de colle. L'art postal latino-américain face aux dictatures
Andy STAFFORD : La carte postale "postcoloniale" ?
Noëlle ROUXEL-CUBBERLY : Un générique de cartes postales : le cas de la Rue Cases-Nègres d'Euzhan Palcy

Après-midi
CARTES POSTALES DES EMPIRES
Caroline FERRARIS-BESSO : Tahiti, envers de la carte postale
Gilles TEULIÉ : Représentations de l'espace colonial et appropriations territoriales dans l'industrie de la carte postale du début du XXe siècle


Vendredi 5 juin
Matin
CARTES POSTALES ET EXPÉRIENCES LITTÉRAIRES
Denis SAINT-AMAND : La 'Pataphysique en cartes postales
Gaëlle THÉVAL : Le mail art en revue : les cartes postales DOC(K)S
Mathilde ROUSSIGNÉ : Cartes postales contemporaines et résidences d'écrivain. Littérature contextuelle, relationnelle, résidentielle ?

Après-midi
Le projet pOST : atelier mail art, avec des élèves du collège Anne Heurgon-Desjardins de Cerisy
Rencontre avec le collectif OST : retour sur expérience
Visite de l'exposition de livres d'artistes sur la carte postale


Samedi 6 juin
Matin
Jean-Pierre MONTIER : Les écrivains objets de cartes postales, autour de Louis Guilloux
Wolfram NITSCH : Photographies parlantes. Cartes postales dans les romans de Claude Simon
Pierre TAMINIAUX : Paul Nougé ou le poème comme carte postale

Après-midi
DÉTENTE


Dimanche 7 juin
Matin
CARTES POSTALES ET PATRIMOINE
Kim TIMBY : Le début de la vente de cartes postales dans les musées en France, 1900-1912
Marie-Clémence RÉGNIER : Imagerie et imaginaire contemporains des maisons d'écrivains et d'artistes en France : du polart à Instagram

Après-midi
RETOURS SUR EXPÉRIENCES ARTISTIQUES
Claire TENU : "The actuality of the past"
Renaud EPSTEIN : Un jour, une ZUP, une carte postale : retour réflexif sur une (re)mise en circulation
Cyrielle LÉVÊQUE : Des cartes postales entre documents et indignation : une lecture de l'œuvre de Ken Gonzales Day

Soirée
Raphaëlle BERTHO : Recherche autobiographique à travers deux albums de cartes postales


Lundi 8 juin
Matin
HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE DE LA CARTE POSTALE
Marie-Ève BOUILLON : Pour une histoire transnationale de la carte postale
Laurence CORBEL : Le Brésil en cartes postales : iconographies poétiques et critiques
Maha GAD EL HAK : Les cartes postales de L'Égypte d'Hier en couleurs (2008)

Après-midi
Danièle MÉAUX : Les cartes postales, des documents privilégiés pour les artistes enquêteurs du XXIe siècle
Géraldine SFEZ & Sarah TROCHE : Le bonheur en couleurs véritables


Mardi 9 juin
Matin
Conclusion

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Marie BOIVENT : Les cartes postales d'artistes : fictions de l'image vs fictions du texte
De nombreux artistes ont conçu des cartes postales, séduits par ce format compact produit en série, au coût de fabrication peu élevé, prévu pour voyager "à découvert". Mais si beaucoup exploitent ce support comme un simple moyen de faire circuler des reproductions d'œuvres, un certain nombre d'entre eux préfère tirer parti ou jouer avec les particularités de cette image-objet. Cette communication se propose d'examiner les déplacements opérés par les artistes dans les cartes qu'ils produisent, et d'observer comment ils mettent au jour, revisitent, voire dénoncent la fonction de la carte postale et analysent les mythes et croyances qu'elle a pu véhiculer. La mise en abyme ou encore la déconstruction de la relation du visuel (recto) à la légende (verso) sont autant de moyens qui leur permettent de mener une subtile réflexion sur la nature de l'échange propre aux cartes postales ou encore d'instiller dans cet objet banal a priori inoffensif une charge tantôt poétique, tantôt politique.

Marie Boivent est maîtresse de conférences en arts plastiques à l'université Rennes 2 où elle est membre de l'équipe d'accueil "Pratiques et théories de l'art contemporain". Ses recherches portent sur les publications d'artistes depuis les années 1960, en particulier lorsqu'elles empruntent des formes populaires, légères et/ou éphémères telles que les revues d'artistes, les calendriers, les tracts, ou les cartes postales.

Élisa BRICCO : Cartes postales : récit minimal et autobiographie chez Valérie Mréjen
La carte postale est un objet multifacette dans la pratique créative de Valérie Mréjen : ce sont des images trouvées dans les marchés aux puces qui sollicitent ensuite l'écriture fictionnelle et autobiographique. L'attrait pour les cartes postales est aussi évident si on parcourt la liste des œuvres de l'autrice où l'on découvre que l'exploitation de ces images est constante dans sa pratique artistique, et ne se limite pas à l'utilisation du support carte postale pour des installations par exemple, mais se développe dans les vidéos et les films où les images deviennent les décors des histoires racontées. La relation entre texte et image se déploie de manière hétérogène dans les récits, quel que soit le médium utilisé, la carte postale est un vecteur de sens et un support de l'écriture fragmentaire par laquelle Mréjen mène sa quête autobiographique et sa création autofictionnelle.

Élisa Bricco est professeur de littérature française à l'université de Gênes en Italie. Elle consacre sa recherche à la littérature française d'aujourd'hui, à la poésie, à la prose et depuis quelques années elle travaille sur les enjeux de l'intermédialité (roman et peinture, roman et cinéma, phototexte, bande dessinée). En 2012, elle a coordonné le numéro 23 de la revue en ligne Cahiers de narratologie sur "Le sujet et l'art dans la prose française contemporaine (1990-2012)". En 2015, elle a publié le volume Le Défi du roman. Narration et engagement oblique à l'ère postmoderne (Peter Lang) et la même année le collectif Le Bal des arts. Le sujet et l'image : écrire avec l'art (Quodlibet). En 2016 est paru dans la revue Nuova Corrente (126) le collectif Écritures hybrides d'aujourd'hui (Scritture ibridate contemporanee) et en 2018 le collectif dirigé avec Nancy Murzilli Pratiques artistiques intermédiales dans la revue en ligne Publifarum. Elle prépare un volume sur Raconter avec la photographie (2020). Elle dirige le groupe de recherche de l'ARGEC (Atelier de recherches génois sur les écritures contemporaines).

Laurence CORBEL : Le Brésil en cartes postales : iconographies poétiques et critiques
Le Brésil, pays de cartes postales ? À rebours des visions édulcorées qu'offrent les clichés touristiques, des artistes brésiliennes se sont emparées de ce support modeste et facile à diffuser pour proposer d'autres images dont on se propose d'analyser le potentiel critique. Depuis les années 1970 jusqu'à aujourd'hui, certains travaux de Sonia Andrade, Ana Bella Geiger, Regina Silveira, Rivanne Neuenschwander et Mayana Redin s'emploient à relire les représentations que véhiculent les images typiques dont les cartes postales, miroir déformant de la société brésilienne, sont souvent le vecteur. À travers un répertoire de gestes de parasitage, de détournement, de déconstruction mais aussi de poétisation, ces artistes substituent à une représentation mythique, exotique ou pittoresque de la "brésilianité", des images résistantes et poétiques, mettant ainsi au jour une politique du visible.

Laurence Corbel est enseignante-chercheuse en esthétique et philosophie de l'art à l'université de Rennes 2. Elle dirige les programmes de recherche "Arts en temps de crise au Brésil, en Argentine et en Colombie : résistances et activismes au prisme des mémoires politiques" et "Écrits et paroles d'artistes : contributions aux scènes artistiques contemporaines d'Amérique latine".
perso.univ-rennes2.fr/laurence.corbel

Renaud EPSTEIN : Un jour, une ZUP, une carte postale : retour réflexif sur une (re)mise en circulation
La communication propose un retour réflexif sur le projet "Un jour, une ZUP, une carte postale" développé par l'auteur depuis 2014, consistant dans la publication quotidienne d'une carte postale de grands ensembles des années 1950-1970. Cette (re)mise en circulation de cartes représentant des quartiers qui, après avoir incarné la modernité et le progrès social dans la France des trente glorieuses, sont devenus les symboles de la crise socio-urbaine, a suscité un flux continu de réactions sur les réseaux sociaux et des réappropriations artistiques diverses. Tout autant que la pratique de collection/diffusion de l'auteur, ce sont ces réactions et réappropriations qui seront analysées. Cette analyse s'appuiera notamment sur un traitement de plus de 2000 tweets de ces cartes postales de ZUP, qui permettra de quantifier les interactions (réponses, retweets, likes) suscitées par chacun d'eux. L'exploitation de la base ainsi constituée cherchera à déterminer les facteurs (géographiques, historiques, esthétiques) explicatifs des variations observées.

Renaud Epstein est maître de conférences en science politique à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, spécialiste de la politique de la ville. Ses tweets "Un jour, une ZUP, une carte postale" ont servi de support à la création d'un papier peint par le collectif d'artistes et d'activistes Initiative Urban Kulturen, qui a été exposé à Berlin et aux rencontres photographiques d'Arles. Il prépare un actuellement un ouvrage sur les cartes postales de grands ensembles d'habitat social.
Publication
Rénovation Urbaine. Démolition-reconstruction de l'État, Presses de Sciences Po, 2013.

Caroline FERRARIS-BESSO : Tahiti, envers de la carte postale
Nous nous intéresserons aux avatars du mythe de Tahiti ou de la "Nouvelle Cythère", qui correspondent à autant de retournements affectant la carte postale telle qu'elle se manifeste dans le contexte polynésien : du recto vers le verso, du texte vers l'image puis de retour vers le texte. Dans un premier temps, nous considérons ce qui fait impression dans la production littéraire et artistique des XVIIIe et XIXe siècles, en accordant une attention particulière aux écrits et dessins de Pierre Loti et Paul Gauguin. Nous étudions ensuite la manière dont ces impressions sont codifiées dans les cartes postales du début du XXe siècle. Enfin, nous considérons la circulation de "cette image de carte postale paradisiaque" dans le recueil de nouvelles Cartes postales (2015) de Chantal T. Spitz : en s'appropriant le style du texte de la carte, elle fait mentir l'image pauvre du mythe et réaffirme la primauté de la parole.

Caroline Ferraris-Besso est professeur assistante dans le département de français à Gettysburg College, en Pennsylvanie. Ses travaux de recherche portent sur la fabrique des minorités par le biais de la littérature et des arts dans l'Empire Colonial Français. Elle travaille à un manuscrit intitulé Postcarding the Other : Polynesia and the Nineteenth-Century French Imagination.

Maha GAD EL HAK : Les cartes postales de L'Égypte d'Hier en couleurs (2008)
Notre étude, tournant autour du spatial et de l'humain dans ce recueil d'images, tentera de s'interroger sur les points suivants : "Quels y sont les genres de cartes postales utilisées ? L'emploi de chaque type répond-il à une explication quelconque ? Pour quelles raisons les auteurs ont-ils aujourd'hui édité cet ouvrage ? Est-ce une question de nostalgie d'une période révolue ou y aurait-il d'autres motifs à ce discours icono-verbal ? Et quelles conclusions peut-on tirer quant aux rapports existant entre pratiques et représentations ?". C'est pour répondre à ces questions que l'on analysera cette passionnante collection appartenant à la culture visuelle mondiale.

Professeur d'histoire culturelle et de sémiotique visuelle à l'université du Caire, Maha Gad El Hak est cofondatrice du GRI (Groupe de Recherche sur l'Image), coordinatrice du premier projet : "L'image de Paris, l'image dans Paris. L'image comme vecteur culturel" (2006-2011), du second projet du GRI : "La photographie comme produit culturel et document historique" (2011-2016), et du troisième projet : "La Femme entre pratiques sociales et représentations discursives" (2016-2019). Elle est aussi experte et partenaire du site français : decryptimages.net.
Publications
"Paris, Le Caire et Sao Paulo à travers le site TV5 Monde", in Dialogues et Cultures, n°59 : "Usages pédagogiques du site de TV5 Monde", 2013, pp.17-34.
"Le Sentimental. Les Images en Égypte contemporaine" (avec Aida Hosny), in L. Gervereau (dir.), Dictionnaire mondial des Images, Nouveau Monde, Paris, 2006, pp.961-963 (réédité en 2010, Nouveau Monde (poche), pp.1473-1477).
"L'Écriture de l'Histoire entre discours verbal et discours iconique", in R. Jacquemond (dir.), Écrire l'Histoire de son temps. L'Écriture de l'Histoire, Paris, L'Harmattan, 2005, pp.137-148.
"À propos d'une tradition : récit photographique", in Mémoires de la Méditerranée : Génie du lieu, Actes du IIIe Symposium des expressions culturelles et artistiques de la Méditerranéité, Monastir, janvier 2004, pp.110-125.

Cyrielle LÉVÊQUE : Des cartes postales entre documents et indignation : une lecture de l'œuvre de Ken Gonzales Day
La pratique de collectionneur de l'artiste américain Ken Gonzales Day s'oriente dans le cadre du projet Erased lynching, vers des cartes postales présentant des scènes de lynchages dans l'Ouest américain envers les Amérindiens, les Chinois, les Latinos et les Afro-Américains. Ces actes ont été photographiés et largement diffusés aux États-Unis de manière légale de la fin du XIXe siècle jusque dans les années 1930. Ken Gonzales Day s'empare de ces dernières et intervient sur les images par le biais d'un processus créateur singulier. L'acte de témoignage et de transmission face à ces évènements incite le spectateur à réévaluer le statut initial de la carte postale. Quels leviers sont mis en place par l'artiste, pour mettre à jour des images qui viennent bouleverser notre rapport à l'information initiale ? Ce questionnement permettra de nous interroger sur les échanges qui s'opèrent entre le document, l'Histoire et la mémoire par le prisme de l'évanouissement de la figure et de révéler l'engagement critique qui sous-tend cette proposition.

Cyrielle Lévêque est photographe, plasticienne et docteure en sciences de l'art. Ses recherches plastiques et théoriques s'orientent vers la mise en récit d'images d'archives et vernaculaires sous diverses formes et portent une attention particulière aux processus de transmission. Au cœur de ces derniers s'exerce une recherche constante autour de l'image manquante et des rapports de la disparition et de son absence, qui compliquent tout témoignage visuel, élaborant l'idée d'une résistance des images grâce à l'œuvre d'art.

Danièle MÉAUX : Les cartes postales, des documents privilégiés pour les artistes enquêteurs du XXIe siècle
De nombreuses œuvres contemporaines — se positionnant au croisement de la tradition documentaire, des pratiques conceptuelles et des recherches en sciences humaines et sociales — manifestent un intérêt renouvelé pour la compréhension de phénomènes réels, présents ou passés : elles constituent de véritables enquêtes menées sur le terrain ou au sein des archives. Parmi les documents collectés par les artistes, les cartes postales occupent une place toute particulière. Elles portent des informations, véhiculent des lieux communs instructifs d'un point de vue sociologique, historique ou anthropologique, trahissent des stratégies économiques ou territoriales ; associant à l'image une correspondance inscrite à leur verso, elles possèdent également une épaisseur intrinsèque qui en fait des documents doués de complexité.

Spécialiste de la photographie contemporaine, Danièle Méaux est professeur en esthétique et sciences de l'art à l'université de Saint-Étienne. Elle dirige le CIEREC EA 3068. Elle a récemment coordonné la publication du numéro 334 de la Revue des Sciences Humaines : Les Formes de l'enquête. Elle est rédacteur en chef de la revue Focales.
Publications
La Photographie et le temps, PUP, 1997.
Voyages de photographes, PUSE, 2009.
Géo-photographies. Une approche renouvelée du territoire, Filigranes, 2015
Enquêtes. Nouvelles formes de photographie documentaire, Filigranes, 2019.

Wolfram NITSCH : Photographies parlantes. Cartes postales dans les romans de Claude Simon
Si, dans le Manifeste du surréalisme, Breton se plaît à dénigrer les "cartes postales" que sont à son avis les descriptions littéraires, Claude Simon prend une position tout à fait contraire. Dans ses romans, surtout dans Histoire (1967) et L'acacia (1989), il assigne une place importante aux cartes postales du début du XXe siècle et en offre souvent une description étendue. Les passages en question indiquent une perspective double du narrateur, à la fois critique et complice. D'une part, il évoque non sans un certain sarcasme l'usage des cartes postales dans la correspondance galante du milieu grand-bourgeois, dans la politique visuelle de l'empire colonial et dans la propagande patriotique de la Grande Guerre, tout en insistant sur la standardisation des "vues" photographiques et des messages sommaires. D'autre part, il met en valeur la capacité des cartes postales de provoquer de fortes émotions auprès du destinataire, soit par un envoi très fréquent qui produit une véritable "avalanche" de messages, soit par des effets sémiotiques involontaires de "majesté" ou de "désolation", dûs à une mauvaise qualité de tirage ou d'impression des photographies qui par là même deviennent "parlantes". En outre, le jeu de cartes postales qu'on peut arranger d'une manière ou de l'autre sert de "machine" littéraire au romancier qui cherche à réduire le romanesque par une composition analogique d'images mémorielles.

Wolfram Nitsch est professeur de littérature française et hispanique à l'université de Cologne. Ses principaux champs de recherche sont la prose française du XXe siècle, la littérature espagnole du siècle d'or et la littérature argentine moderne, ainsi que la médiologie, l'anthropologie littéraire et la théorie de l'espace. De 2014 à 2018, il a dirigé un projet de recherche sur la poétique du terrain vague (terrainvague.de), dont est sorti l'ouvrage Terrains vagues (2019).
Publications
Sprache und Gewalt bei Claude Simon (1992).
Barocktheater als Spielraum (2000).
Co-auteur du livre Komödie (2013).
A co-dirigé les volumes Lectures allemandes de Claude Simon (2013), Scénarios d'espace (2014), Le mouvement des frontières (2015) et Marcel Proust und der Erste Weltkrieg (2017).

Antoine QUILICI : Cartes postales de musées et appropriations
Si les boutiques de musées proposent encore des reproductions d'œuvres sans altération, hormis celles imposées par les choix des photographes, et qui ont constitué le Musée Imaginaire d'André Malraux, nombreuses sont aujourd'hui les cartes qui donnent à voir les tableaux les plus célèbres de l'histoire de l'art retouchés afin de les rendre plus simples ou amusants. Ces modifications que nous analyserons tirent bien parti du statut de la carte postale mais elles obéissent également à des stratégies commerciales. Elles peuvent en revanche prendre une dimension artistique lorsque le champ de liberté offert par la carte postale est vu comme l'espace de la subversion, de la réinterprétation et non plus celui de la fantaisie. En prenant comme point de départ La Joconde de Marcel Duchamp maquillée sur ce petit format, nous nous intéresserons ensuite aux diverses possibilités que ce rectangle de quelques centimètres offre aux artistes souhaitant reprendre les classiques. Nous verrons qu'en invitant les travaux des grands maîtres dans la sphère domestique, la carte permet aux artistes de les appréhender d'une façon intime, de les refaire, de les marier à d'autres techniques et d'ouvrir de nouvelles possibilités au Mail Art.

Antoine Quilici est doctorant en troisième année en arts plastiques à l'université Rennes 2 sous la direction de Sandrine Ferret (unité de recherche PTAC - EA 7472), ses recherches portent sur les produits dérivés de musées et la place qu'ils occupent dans un parcours de visite.

Marie-Clémence RÉGNIER : Imagerie et imaginaire contemporains des maisons d'écrivains et d'artistes en France : du polart à Instagram
Dans un premier moment historique, la communication s'appuiera sur un corpus iconotextuel pour interroger la manière dont la réhabilitation de la plupart des maisons d'écrivains et d'artistes emprunte à un répertoire d'images et de valeurs propre à une certaine catégorie de carte postale patrimoniale, voire patriotique. Elle étudiera ensuite des "portraits de maison" illustrés dans des collections ad hoc et des fictions contemporaines dont la trame narrative se déporte progressivement vers le dévoilement plus ou moins critique des mécanismes de construction du patrimoine et du "génie des lieux" à l'appui d'illustrations reposant sur les codes iconographiques de la carte postale. La comparaison avec cette dernière y est employée pour pointer la fiction d'authenticité, l'esthétique et l'instrumentalisation idéologique et politique qui sous-tendent encore aujourd'hui la fabrique et l'entretien complaisant de ces paysages "de carte postale" que sont les maisons dans leur environnement, dans des descriptions imitant ou parodiant un "style carte postale" clichéique. Il s'agira d'en délimiter les ressorts poétiques (accumulation de stéréotypes, saturation adjectivale, lyrisme intimiste…). Les cartes postales subissent ainsi un processus de remédiation dont les "posts" sur les réseaux sociaux constituent un autre avatar sur lequel s'ouvrira la communication. Facebook, Instagram ou encore Pinterest regorgent effectivement de contenus iconotextuels adressés non plus à un individu identifié mais à des "communautés" selon des codes iconographiques et discursifs spécifiques. Ces cartes postales 2.0 fonctionnent comme autant de "déjà vus". Ceux-ci véhiculent une imagerie et un imaginaire de la maison d'écrivain et d'artiste homogènes avec les exemples examinés précédemment, comme autant de représentations légendaires façonnées par des scénographies auctoriales marquées par un art de vivre propre au génie créateur. Toutefois, les usages que permettent les technologiques numériques induisent de nouvelles pratiques et de nouvelles représentations, comme l'appropriation de l'image standardisée et anonyme de la carte postale par la mise en scène de soi ou encore par la mise en réseau du "post" au moyen d'un hashtag.

Ancienne élève de l'École Normale Supérieure de Paris, agrégée de lettres modernes et diplômée de Sciences-po Paris, Marie-Clémence Régnier a soutenu une thèse en littérature française à la Sorbonne sur la genèse des maisons-musées d'écrivains en France. Elle est maître de conférences à l'université d'Artois. Ses recherches portent sur la construction de la figure de l'écrivain et de l'histoire littéraire dans les maisons-musées, les musées et les expositions littéraires et, plus largement, sur les interactions entre littérature, patrimoine et culture médiatique moderne depuis le XVIIIe siècle [en savoir plus].
Publications
"Ce que le musée fait à la littérature. Muséalisation et exposition du littéraire", Introduction au numéro d'Interférences littéraires/Literaire interferenties, n°16, "Ce que le musée fait à la littérature. Muséalisation et exposition du littéraire", Marie-Clémence Régnier (dir.), juin 2015.
"Hauteville House : une scène pour l'exil ? Mise en scène de soi et du chez soi", Actes du colloque international "L'écrivain vu par la photographie" (Colloque de Cerisy, 21- 28 juin 2014), Anne Reverseau, Jean-Pierre Montier et David Martens (dir.), Rennes, Presses de l'université de Rennes, 2017, p. 229-236.
""Je ne suis pas de ceux dont la postérité signalera les maisons". Place et statut des maisons de Théophile Gautier dans sa patrimonialisation (1867-1922)", Catherine Mayaux (dir.), Quand les écrivains font leur musée, Bruxelles, Peter Lang, 2017, p. 237-243.
"Aspects du "pittoresque" dans le processus de patrimonialisation des maisons des écrivains : le cas des maisons de Pierre Corneille dans L'Hermite en province et les Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France (1804-1829)", Actes de la journée d'étude organisée par Georges Zaragoza et le Musée de la vie romantique, Cahiers d'Études nodiéristes, Paris, Classiques Garnier, 2018/1, n°5, "Voyages pittoresques et romantiques : littérature et patrimoine dans la première moitié du XIXe siècle", p. 155-169.

Mathilde ROUSSIGNÉ : Cartes postales contemporaines et résidences d'écrivain. Littérature contextuelle, relationnelle, résidentielle ?
Les résidences d'écrivains stimulent un régime local de publication au double sens du terme : elles motivent des publications à diffusion restreinte et confrontent les écrivains à une écriture du séjour. Dans le cadre de ces deux modalités de publication locale, la carte postale apparaît alors comme un support privilégié. Qu'a à nous dire ce recours à la carte postale de la poétique des productions résidentielles ? Il nous éclaire, d'une part, sur les attentes et les contraintes qui pèsent sur cette production littéraire : assumer le besoin institutionnel de restitution, donner trace de l'expérience du séjour dans un lieu, faire de la littérature un art relationnel. Il donne à voir, aussi, les divers détournements et réappropriations de la littérature à l'épreuve de la carte postale. Il nous invite à penser, surtout, la littérature en termes de sociabilités, de médiations locales et de sphères de publications restreintes.

Mathilde Roussigné, ancienne élève de l'ENS de Lyon et agrégée de lettres modernes, mène une thèse sur l'épreuve du terrain en littérature contemporaine française sous la direction de Lionel Ruffel (Paris VIII) et de Gisèle Sapiro (EHESS). Elle a publié plusieurs articles sur les rapports d'enquêtes littéraires, les résidences d'écrivains et la question de l'intervention littéraire. Elle est membre du Séminaire Littéraire les Armes de la Critique (ENS Ulm). Elle enseigne à l'EHESS.

Noëlle ROUXEL-CUBBERLY : Un générique de cartes postales : le cas de la Rue Cases-Nègres d'Euzhan Palcy
Emblématiques de l'apogée de l'empire colonial français et de leur propre âge d'or, les cartes postales du générique de Rue Cases-Nègres (Palcy, 1983) ancrent l'intrigue dans la Martinique "exotique" des années 1930. Le film n'a pas commencé que ces cartes postales "parlent" : ainsi, à la légende "FORT-DE-FRANCE : La Rue de la Liberté", correspondent, ironiquement, arbres rectilignes, grilles dressées du palais de justice et rangées de militaires. Écho musical du sépia, le ragtime du générique, derrière ses accents à la fois gais et nostalgiques, évoque un "temps en lambeaux" alors que (ré)apparaissent dans le film des dimensions rythmiques et temporelles autres. On examinera la façon dont ce générique propose une réécriture et une relecture des représentations de la Martinique sur les cartes postales de l'époque.

Noëlle Rouxel-Cubberly est enseignante-chercheuse à Bennington College (Vermont). Ses recherches portent sur l'enseignement du français par le cinéma.
Publication
Les titres de film : Économie et évolution du titre de film français depuis 1968, Houdiard, 2011.

Denis SAINT-AMAND : La 'Pataphysique en cartes postales
Dans les premiers moments de sa fondation en 1948, le Collège de 'Pataphysique a produit des cartes postales réservées à ses membres et vouées à accueillir leur correspondance relative à l'institution. La face imprimée de ces cartes supporte à la fois l'élaboration d'un style potache inhérent à l'entreprise (gravures et photographies pourvues de légendes humoristiques, détournements, dessins irrévérencieux et absurdes, références aux textes fondateurs d'Alfred Jarry, etc.) et la constitution d'une mémoire collective (photographies des membres du Collège, seuls ou en groupe, lors de séances du Collège ou en vacances, etc.). On se propose d'interroger les logiques et mécanismes rhétoriques de ces faces imprimées, sur la base d'un corpus de plus de 250 cartes postales pataphysiciennes mises en circulation entre 1950 et 2000 et rassemblées dans l'anthologie établie par les éditions L'Hexaèdre (2014). En plus de la face iconique/imprimée, on se penchera également, à l'aune d'un corpus restreint d'une vingtaine de cartes destinées à Michel Lessard dans les années 1970-1980 et liées à l'activité de la faction montréalaise du Collège de 'Pataphysique, sur la façon dont les membres de l'institution s'approprient ces cartes et comment celles-ci deviennent le support d'un discours sur une activité collective fonctionnant en vase clos, voire comment elles peuvent favoriser l'émergence d'une création littéraire hors du livre.

Denis Saint-Amand est chercheur qualifié du FNRS à l'université de Namur. Codirecteur des revues Parade sauvage et COnTEXTES, il a notamment animé avec Anthony Glinoer le Lexique Socius. Attentif aux productions littéraires évoluant en dehors du marché du livre, spontanées et artisanales, il a livré une édition de l'Album zutique avec D. Grojnowski (GF, 2016) et a dirigé un numéro de la revue Mémoires du livre sur la "littérature sauvage" (2016).
Publications
La Littérature à l'ombre. Sociologie du Zutisme, Classiques Garnier, 2012.
Le Dictionnaire détourné, PUR, 2013.
La Dynamique des groupes littéraires (dir.), PULg, 2016.
Le Style potache, Éditions La Baconnière, 2019.

Géraldine SFEZ & Sarah TROCHE : Le bonheur en couleurs véritables
Les cartes postales, et plus précisément les cartes postales réalisées dans les années 1950-1960, ont été l'objet récemment d'un réinvestissement de la part de nombreux artistes contemporains. L'attrait de ce type de cartes postales semble en grande partie consister, pour ces artistes, dans les usages stéréotypés de la couleur et les mises en scènes figées qu'elles proposent. Les cartes postales constituent à ce titre, à l'instar des albums de photographies, des catalogues de vente par correspondance ou des dépliants touristiques, un répertoire d'images particulièrement cliché du bonheur. Comment penser la carte postale (son format, ses codes esthétiques, les représentations normées du territoire qu'elle induit) dans son articulation aux notions de cliché et de bonheur ? Pour explorer cette piste, on s'intéressera en particulier aux travaux de l'artiste "documentation Céline Duval", du photographe Mathieu Pernot, de l'écrivaine et vidéaste Valérie Mréjen, ainsi qu'aux Deux cent quarante-trois cartes postales en couleurs véritables de Georges Perec.

Géraldine Sfez est maîtresse de conférences en études cinématographiques à l'université de Lille et membre du CEAC (Centre d'Étude des Arts contemporains). Elle co-dirige depuis 2018 la revue du CEAC, Déméter. Théories et pratiques artistiques contemporaines. Ses recherches portent sur l'esthétique et la théorie des arts visuels contemporains et s'articulent principalement autour du rapport entre pratiques artistiques contemporaines et pratiques mémorielles d'une part, et des relations entre cinéma et art contemporain d'autre part. Elle a co-organisé à l'INHA (Institut National d'Histoire de l'Art), de 2012 à 2015, le séminaire "Écrans exposés. Cinéma, art contemporain, médias" ainsi que deux journées d'études sur le même thème au LaM (2014) et au Fresnoy (2016). Elle prépare avec Riccardo Venturi un ouvrage sur "L'attrait des écrans" pour la collection "Côté cinéma/Motifs" chez Yellow Now (à paraître, 2020).

Sarah Troche est maîtresse de conférences en esthétique et philosophie de l'art à l'université de Lille (UFR humanités) et membre du laboratoire Savoirs, Textes, Langage où elle dirige la thématique "Invention et pratiques dans les arts et la littérature". Ses recherches portent sur le travail de la mémoire dans les pratiques artistiques modernes et contemporaines, principalement dans le champ des arts plastiques et de la musique : arts de l'oubli (hasard méthodique, table rase, déprise, innocence active), norme du goût et habitudes perceptives, automatismes, gestes de reprise et de répétition, circulation et usages des images toutes faites et des clichés. Ses travaux ont fait l'objet de publications dans plusieurs revues (Nouvelle revue d'esthétique, Les Cahiers philosophiques, Tacet, Philonsorbonne) et ouvrages collectifs. Elle est également membre du comité de rédaction des revues Geste (2005-2012), Déméter et Methodos (depuis 2019).
Publication
Le hasard comme méthode, Figures de l'aléa dans l'art du XXe siècle, Presses universitaires de Rennes, coll. "Aesthetica", 2015.

Sur la question du cliché, Sarah Troche et Géraldine Sfez ont organisé une journée d'études en mars 2017 à l'université de Lille : "Faire cliché : enjeux esthétiques des images toutes faites". Elles ont également co-écrit un article : "Le bonheur en images : puissance et réactivation d'un cliché" dans The Images and the autonomy of their conflict, sous la dir. de José Quaresma, École des Beaux-Arts de Lisbonne, automne 2019.

Andy STAFFORD : La carte postale "postcoloniale" ?
Ce n'est sans doute pas une coïncidence que Le harem colonial de Malek Alloula sorte en 1981 au même moment que l'exposition de Marc Garanger au Festival d'Arles des "photos d'identité" qu'il avait prises des femmes algériennes pendant la Guerre d'Algérie pour les contrôles de l'armée française. La représentation des femmes nord-africaines avait certes ses exemples dans l'orientalisme terni des décennies antérieures ; mais le début des années quatre-vingts semblait promettre un renversement de cette imagerie colonialiste, renversement qui va à travers l'écriture romanesque d'une Leïla Sebbar, dans sa trilogie sur Shérazade (1982-1991), dans ses nouvelles et ses collaborations avec Garanger des années 1990, et surtout jusqu'à sa collaboration en 2002 avec Jean-Michel Belorgey sur des femmes d'Afrique du Nord dans les cartes postales. Mais pourquoi la carte postale pour un tel renversement ? Y-aurait-il une spécificité du médium qui pourrait défaire le stéréotype ? Cette analyse s'inscrit dans le contexte de l'extrême contemporain marqué ces jours-ci par la dispute amère autour du volume collectif Sexe, race et colonies (La Découverte 2018), et par le débat animé autour de l'exposition "Le Modèle noir en peinture" au musée d'Orsay (2019).

Spécialiste de l'œuvre de Roland Barthes, ainsi que du photo-texte, Andy Stafford a publié aussi sur les littératures francophones du Maghreb, de l'Afrique, des Antilles. Il contribue ces jours-ci à un volume sur Abdelkébir Khatibi dirigé par Khalid Lyamlahy et Jane Hiddleston (Liverpool University Press 2020), sur La revue du monde noir pour un volume sur les femmes et les revues (dirigé par Amélie Auzoux, Camille Koskas, Lisa Russo), et sur Mohamed Bourouissa dans un volume sur le photobook (Paul Edwards dir.). Habilité à diriger des recherches par l'université de Grenoble, il est enseignant-chercheur à l'université de Leeds au Royaume-Uni.

Pierre TAMINIAUX : Paul Nougé ou le poème comme carte postale
Cette intervention abordera avant tout la poésie visuelle du poète surréaliste belge Paul Nougé, qui occupe une place essentielle dans son œuvre singulière. Elle constitue à bien des égards une métaphore continue de la carte postale. Dans cet ensemble de propositions aléatoires, le poète dévoila une conception plastique des mots, c'est-à-dire la rencontre concrète dans l'espace de la page de fragments d'écriture et de formes graphiques. La carte postale, dans cette perspective, souligne l'idéal d'une forme d'expression instantanée et éphémère reposant sur des moyens modestes. On considérera en ce sens la carte postale, chez Nougé, comme un exemple original d'écriture automatique, mais aussi de collage poétique, fidèle en cela à l'esprit du surréalisme défini par André Breton, qui fut lui-même un grand amateur et collectionneur de cartes postales.

Pierre Taminiaux est professeur de littérature française et francophone du XXe et du XXIe siècles à Georgetown University.
Publications
Surmodernités : entre rêve et technique, L'Harmattan, 2003.
Littératures modernistes et arts d'avant-garde, Honoré Champion, 2013.
Du surréalisme à la photographie contemporaine : au croisement des arts et de la littérature, Honoré Champion, 2016.
Révolte et Transcendance : Surréalisme, situationnisme et arts contemporains, L'Harmattan, 2018.

Claire TENU : "The actuality of the past"
Je me suis intéressée aux cartes postales anciennes représentant des territoires que j’arpentais (Cherbourg ; un petit village en Creuse ; le port de Rouen et la vallée de la Seine pour un Observatoire photographique des paysages mené actuellement), en constituant de petites collections à mon usage, que j’ai parfois montrées en regard de mes photographies. Les cartes postales présentent, pour qui s'intéresse à la vue — à la croisée de la tradition picturale de la veduta et d'une histoire artistique et littéraire des topographies urbaines — des qualités descriptives presque incomparables, à la fois génériques et spécifiques. Les configurations urbaines et paysagères du moindre recoin de France ont été fixées dans les années 1900 à 1920, rejouant des points de vue déjà inscrits par la peinture ou la gravure, ou bien en forgeant de nouveaux. Cette communication sera l'occasion de faire le point sur l'incidence des cartes postales sur ma pratique artistique, afin de formuler des réflexions et des hypothèses sur l'intérêt que peuvent porter des artistes d'aujourd’hui à ces images imprimées. Ce propos s'appuiera aussi sur l'artiste Walker Evans, à qui j'emprunte la formule en titre.

Claire Tenu est artiste et enseignante à l'École supérieure d'art de Lorraine. Elle a développé une pratique de la photographie lyrique et spéculative, au croisement de diverses disciplines : composition et montage, description topographique et récit filmique, écriture et installation. Son exposition La ville que nous voyons au Centre d'art Le Point du Jour à Cherbourg en 2013 était accompagnée d'un livre. Elle a soutenu en 2016 une thèse en création artistique intitulée "Tamis lyrique", préparée à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris dans le cadre du programme doctoral SACRe (Université Paris Sciences et Lettres).

Gilles TEULIÉ : Représentations de l'espace colonial et appropriations territoriales dans l'industrie de la carte postale du début du XXe siècle
Sans prétendre à l'exhaustivité, cette communication se propose de présenter une typologie représentative de la manière dont les cartes postales aussi bien britanniques que françaises induisent une certaine vision des empires coloniaux. Nous verrons que les cartes postales reproduisant des cartes géographiques, les clichés des infrastructures coloniales, des constructions européennes, les exploitations agricoles régies par des Blancs, une présence physique blanche, qu'elle soit officielle (représentant des États), individuelle (colons) ou militaire, sont autant d'éléments d'appropriation symbolique d'un territoire. Il s'agira d'examiner le regard croisé entre britanniques et français au travers des cartes postales et d'essayer de rendre compte des modes opératoires qui ont typifié le regard du photographe colonisateur autour d'un projet se voulant à la fois esthétique et pragmatique de contrôle de l'espace colonisé et par la même occasion du colonisé lui-même.

Gilles Teulié est professeur de civilisation britannique et du Commonwealth à l'université Aix-Marseille. Son laboratoire de rattachement est le LERMA (Université Aix-Marseille). Il est membre de la SEPC (Société d'Étude des Pays du Commonwealth) et du GRER (Groupe de Recherche sur l'Eugénisme et le Racisme). Son champ d'étude porte sur les représentations de la guerre et de la violence dans le monde britannique (en particulier à l'époque victorienne) et tout spécialement en Afrique du Sud. Il prépare actuellement un ouvrage sur les "Greetings from the Colonies : Picture Postcards and European Empires, 1891-1939".

Gaëlle THÉVAL : Le mail art en revue : les cartes postales DOC(K)S
Fondée en 1976 par Julien Blaine, la revue de poésie expérimentale DOC(K)S se fonde dans son principe même sur la pratique du mail art. Le nom faisant coexister les deux termes de "docks" et de "docs" pour "documents", désigne la revue comme plateforme où des documents venus des quatre coins du monde convergent et s'échangent : à la logique anthologique et non sélective s'associe une perspective documentale, chaque envoi étant traité comme un document, non éditorialisé, car reproduit tel quel en offset. Dans cette communication nous centrerons le propos sur les usages et devenirs de la carte postale, qui a fait l'objet de trois numéros spéciaux de la revue, au sein des autres supports d'envoi. Objet essentiellement hybride et iconotextuel, la carte postale est en effet un support d'investissement privilégié de cette poésie postale et visuelle qui devient, dans la revue DOCKS, un objet singulier intégrant à sa poétique ses conditions d'envoi et de réception.

Gaëlle Théval est professeure agrégée à l'université de Rouen (IUT). Chercheuse membre du laboratoire MARGE (Université Lyon 3) et chercheuse associée au THALIM (Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle / CNRS), ses travaux portent sur les poésies expérimentales et contemporaines, dans le livre (comme espace de création) et hors du livre (poésie sonore, performance, vidéopoésie, poésie numérique…).
Publications
Poésies ready-made, XXe-XXIe siècles, Paris, L'Harmattan, 2015, coll. "Arts & médias".
Avec Hélène Campaignolle et Sophie Lesiewicz (dir.), Livre/Poésie : une histoire en pratique(s), Paris, Éditions des Cendres, 2017.
Avec Olivier Penot-Lacassagne (dir.), Poésie & performance, Nantes, Cécile Defaut, 2018.

Kim TIMBY : Le début de la vente de cartes postales dans les musées en France, 1900-1912
Les chefs-d'œuvre artistiques font partie des iconographies à succès de la carte postale illustrée dès ses débuts en France. Dans les musées, des cartes reproduisant les collections sont rapidement proposées, souvent par des gardiens entreprenants. Ce commerce est si florissant que dès 1905 les musées nationaux sont accusés de concurrence déloyale par un syndicat de marchands. Le gouvernement défend alors l'intérêt de la carte postale au musée : en faciliter l'accès est un service important pour les érudits et le grand public. L'État décide de prendre le contrôle de ce marché dans ses musées, avec des motivations à la fois culturelles et financières. Ainsi, avant même la Première Guerre mondiale, la carte postale est un support de diffusion de l'art ancien et contemporain, omniprésente dans l'espace public et les institutions, un intermédiaire essentiel pour la circulation de la connaissance artistique.

Kim Timby est historienne de la photographie, enseigne à l'École du Louvre et travaille pour une collection privée de photographies du XIXe siècle. Ses recherches explorent l'histoire culturelle des technologies photographiques. La carte postale et d'autres imageries populaires ont fait partie de son histoire des images en relief et animées (De Gruyter, 2015). Elle travaille actuellement sur les formes innovantes de la reproduction photographique d'œuvres d'art.


Le projet pOST : atelier mail art
Le collectif OST mène depuis plusieurs années le projet pOST, un atelier de création de cartes postales originales à envoyer à qui l'on veut et partout dans le monde.
À l'heure où des milliards de messages instantanés sont envoyés tous les mois sur le seul territoire belge, où des serveurs sur Internet donnent la possibilité à une seule personne d'envoyer 80000 mails par semaine, et bien plus de clic sur les smart phone, le traditionnel courrier papier se fait de plus en plus rare dans nos boîtes aux lettres si ce n'est les factures ou les criardes publicités.
Le projet pOST veut changer la donne et offrir l'occasion d'envoyer des messages aux amis, aux amants, aux voisins, à soi-même, à qui vous voulez !
OST met à votre disposition des tas de livres, magazines et images d'archives triés sur le volet. Dans ces ouvrages, il est permis de découper comme vous voulez, et à disposition vous aurez des outils graphiques pour créer un courrier avec la méthode du collage. Les oiseaux seront aussi à vos côtés pour vous aider à créer une carte toute spéciale !
Références
Différentes actions : ostcollective.org
Archives : flickr.com/photos/ostcollective/collections/72157646813737639
Un exemple d'atelier : vimeo.com/205012579

Né en 2009 à Bruxelles, le collectif OST conçoit et anime de nombreux projets artistiques et culturels en utilisant le médium photographique et différentes techniques de l'image afin de produire des messages riches de sens et de poésie. Fonctionnant comme un laboratoire expérimental à dimensions artistique et sociale, le collectif OST interroge des créateurs et des publics sur des notions d'identité, de représentation et d'imaginaire collectif.


BIBLIOGRAPHIE :

• Boivent Marie, "Cartes postales et reproductibilité de l'archive dans quelques pratiques artistiques contemporaines", Focales numéro 2 : Le recours à l'archive, 2019.
• Chéroux Clément & Eskildsen Ute (dir), La Photographie timbrée. L'Inventivité visuelle de la carte postale photographique au début du XXe siècle, Catalogue du Jeu de Paume, Paris (4 mars-8 juin 2008), Steidl, 2008.
• Canetti Elias, Masse et puissance, traduit de l'allemand par Robert Rovini, Paris, Éditions Gallimard [1966], 1986.
• Derrida Jacques, La Carte postale, de Socrate à Freud et au-delà, Paris, Flammarion, 1980.
• Gonzales-Day Ken, Lynching in the West : 1850-1935, Duke University Press, 2006.
• Immelé Anne, "Archives et constellations", Focales numéro 2 : Le recours à l'archive, 2018.
• Lageira Jacinto, L'art comme Histoire. Un entrelacement de poétique, Éditions Mimésis, Collection "Art, esthétique, philosophie", 2009.
• Sontag Susan, Sur la photographie, Paris, Éditions Bourgois, Collection "Énonciations", 2008.
• Sontag Susan, Devant la douleur des autres, Paris, Éditions Bourgois, Collection "Essais", 2003.


SOUTIENS :

• Laboratoire Pléiade - EA 7338 // Comité scientifique // Institut MEDIALECT | Université Sorbonne Paris Nord
• Projet Fictograph | Maison des Sciences de l'Homme en Bretagne (MSHB)
• Projet ERC Handling | Université catholique de Louvain

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du mardi 11 mai au lundi 17 mai 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


ART / ARGENT : L'ÉCONOMIE À L'ŒUVRE


DU MARDI 2 JUIN (19 H) AU MARDI 9 JUIN (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Patrice BAUBEAU, Martial POIRSON, Yann TOMA


ARGUMENT :

Ce colloque interdisciplinaire portera sur les relations entre les arts et l'économie d'hier à aujourd'hui. En effet, les formes de production, de représentation et de réception de l'art à travers les âges sont indissociables du système économique de leur temps sans en être pour autant une simple transposition, alors que la mise en fiction de l'économie, sa réalité parfois portée à la critique, sublimée ou transformée par l'art, autorisent de subtiles stratégies d’infiltration, de détournement, de subversion de l'attribution de la valeur. D'où l'existence d'un rapport de fascination et de répulsion mutuelle entre art et argent. Ce dialogue complexe s'éclaire en interrogeant la position des œuvres, des artistes et des publics, mais aussi, de façon symétrique, les modalités de captation des gestes artistiques au sein de l'activité économique proprement dite. Le travail créateur s'insère ainsi dans la production de valeur marchande comme dans ses processus de créance, tout en interrogeant ses modalités d'évaluation, de distribution ou d'appropriation, sous leurs formes économiques, sociales, politiques, culturelles et symboliques.

La rencontre accordera une large place à la recherche créative et à l'expérimentation artistique des objets et mécanismes économiques (monnaie, actions). Elle articulera relecture de textes canoniques, paroles de penseurs de différentes disciplines, expérimentations d'artistes et rencontres avec des acteurs de l'économie.


MOTS-CLÉS :

Argent, Arts, Créance, Crise, Économie, Fiction, Littérature, Monnaie


CALENDRIER PROVISOIRE :

Mardi 2 juin
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mercredi 3 juin
L'ÉCONOMIE DANS L'ART
Écritures de l'argent — Présidence : Claire PIGNOL
Matin
Patrice BAUBEAU & Martial POIRSON : Ouverture
Yann TOMA : Présentation de l'atelier récurrent (entreprise fictive, exposition, installation, performance)
Christophe HANNA & Nancy MURZILLI : Présentation de l'Agence de notation ArTeC

Les théâtres de l'argent, table ronde animée par Claire PIGNOL, avec Guillaume COT (Dom Juan : le crédit d'une œuvre) et Béatrice SCHUCHARDT (L'économie politique transformée en fiction : la mise en scène des secteurs économiques dans le théâtre sentimental espagnol et français)

Après-midi
Les commerces du théâtre, table ronde animée par Claire PIGNOL, avec Isabelle BARBÉRIS (Le procès anticapitaliste au théâtre : un discours de vérité) et Romain JOBEZ (Le théâtre est-il un luxe ? Des valeurs dans le domaine du spectacle vivant)

Christine BARON : Flux monétaires à l'état gazeux

Soirée
Atelier : Lecture de textes littéraires


Jeudi 4 juin
L'ÉCONOMIE DANS L'ART
Figurations, motifs, tropes économiques — Présidence : Arnaud ORAIN
Matin
Emmanuel BOUJU : Credit Crunch. Pour une poétique de l'insolvabilité [conférence-performance]

Pertes et profits, table ronde animée par Arnaud ORAIN, avec Marius Warholm HAUGEN (Économie du risque et mises en scène de la loterie au début du XIXe siècle) et Claire PIGNOL (Richesse réelle ou monétaire : des imaginaires conflictuels ?)

Après-midi
Déclinaisons, circulations, table ronde animée par Arnaud ORAIN, avec Ludovic DESMEDT (L'argent dans le neuvième art : les échanges monétaires vus par l'école franco-belge [intervention établie avec Jérôme BLANC]), Marie-Laure MASSEI-CHAMAYOU (Transcender les contraintes de l'économie domestique : Jane Austen, Frances Burney, Maria Edgeworth) et Christophe RIOUX

Atelier : Dématérialisation des objets monétaires, animé par Aude LAUNAY


Vendredi 5 juin
L'ÉCONOMIE DANS L'ART
Postures et impostures artistiques. Statements — Présidence : Yann TOMA
Matin
Yann TOMA : De Marcel Duchamp aux entreprises critiques - Chèque en bois, sociétés fictives et libération de capital artistique [conférence-performance]

Stock Exchange, table ronde animée par Yann TOMA, avec Christophe DOMINO, Res INGOLD (La relativité du vol), Jacinto LAGEIRA et Marion LAVAL-JEANTET (Les pratiques de détournement artistique de l'argent public face à la pression économique mondiale)

Après-midi
Désorientations, table ronde animée par Yann TOMA, avec Agnieszka KOMOROWSKA ("Ça n'existe pas, une société qui ne batte pas monnaie". Communauté et fictions économiques dans la trilogie Vernon Subutex de Virginie Despentes), Isabelle de MAISON ROUGE (Le fric c'est chic) et Stephen WRIGHT

Soirée
Dimension artistique de objets monétaires et financiers
Arnaud MANAS : "L'art de l'économie"
Projection-débat des deux documentaires sur l'affaire Bojarski : Le Cézanne de la fausse monnaie & Porte ouverte à la police judiciaire : 4ème et dernière partie


Samedi 6 juin
L'ART DE L'ÉCONOMIE
"HORS LES MURS" — OFFSHORE TOUR À TATIHOU — Animation : Léo BARCET
Performance présentée par le Collectif RYBN


Dimanche 7 juin
L'ART DE L'ÉCONOMIE
Rhétorique des économistes — Présidence : Yann MOULIER-BOUTANG
Matin
Éric MÉCHOULAN : Fausse monnaie et vérité artistique

Fictions d'économistes, table ronde animée par Yann MOULIER-BOUTANG, avec Sophie CRAS (Petits traités d'économie rédigés par des artistes), Arnaud ORAIN et Annika NICKENIG (Abondance et ambivalence de l'argent. Jean Bodin et sa Réponse aux paradoxes de Malestroit (1568))

Après-midi
Le style des économistes, table ronde animée par Yann MOULIER-BOUTANG, avec Alexandre PÉRAUD, Christophe REFFAIT (Les métaphores chez Jean-Baptiste Say) et Benoît WALRAEVENS (Adam Smith et le théâtre de la vie sociale : le rôle des caractères dans ses œuvres)


Lundi 8 juin
L'ART DE L'ÉCONOMIE
Fables et mythologies de l'économie — Présidence : Éric MÉCHOULAN
Matin
André ORLÉAN : Les fables des économistes

Après-midi
Imaginaires économiques, table ronde animée par Éric MÉCHOULAN, avec Élise SULTAN-VILLET (Homo eroticus et homo œconomicus. Le calcul libertin ou le bonheur comptable) et Slaven WAELTI

Yann MOULIER-BOUTANG : L'abeille et l'économiste


Mardi 9 juin
Matin
Discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Christine BARON : Flux monétaires à l'état gazeux
L'argent au XXIe siècle se caractérise par son invisibilité et son ubiquité. À la manière des flux financiers et leur caractère immaîtrisable, la sociologie contemporaine et les arts se dématérialisent, mais cette dématérialisation est-elle neuve ? Après un bref détour historique, la communication portera entre autres sur le corps désincarné d'Eric (Cosmopolis) face à la compacité du corps civique qui associe à l'argent une ontologie spécifique et une éthique. Il ne s'agit plus dans une perspective romantique de refonder éthiquement le monde contre le pouvoir de l'argent mais de faire face à une utopie en suspension "pulvérulente" où se dissout même la possibilité d'un espace critique (Walter Siti). L'émergence d'une économie de l'attention (Citton) et d'une économie affective (Hochschild, Le prix des sentiments, 2017) investit le corps même des sujets en contexte néocapitaliste. Surgit alors le paradoxe d'un flux à la fois invisible, sans poids, et intériorisé qui investit le corps du sujet néolibéral comme une nouvelle forme diffuse de biogouvernance où l'État n'a aucune part. C'est cette apparente contradiction que ce travail tentera d'explorer notamment à travers la valorisation de l'émotion en contexte néocapitaliste.

Christine Baron est professeur de littérature comparée à l'université de Poitiers en délégation CNRS à "République des savoirs" (ENS Ulm). Après une thèse de théorie en littérature sur la notion d'utopie chez Calvino, Borges, Queneau, elle s'est spécialisée en épistémocritique et dans l'étude des relations économie/littérature et droit/littérature (France-USA).
Publications
La pensée du dehors, 2007, Coll. "Ouverture philosophique", L'Harmattan.
La littérature et son autre, 2008, Coll. "Littérature comparée", L'Harmattan.
Realism, antirealism in the XXth Century, 2010, Rodopi, Amsterdam.
Littérature, droit et transgression, 2013, La Licorne.
"Littérature et économie ; contacts, conflits, perspectives", 2013, Épistémocritique, n°12.
Literature and economics, 2017, en collaboration avec Cinla Akdere, Routledge.
The productivity of plagiarism, avec Charlotte Krauss et Larissa Polubojarinova.
En cours de parution
Le récit judiciaire, 2020, Presses du CNRS.
Contextes littéraires, émotions judiciaires, 2020, Garnier.

Guillaume COT : Dom Juan : le crédit d'une œuvre
Dom Juan peut se lire comme une variation autour de la notion de crédit, en tant que création juridique et économique de valeur. La pièce met en scène des situations dans lesquelles un crédit est accordé, refusé ou dû à Dom Juan ou à d'autres personnages. Ce crédit peut être monétaire (comme dans le cas de Monsieur Dimanche), social (les frères d'Elvire), ou religieux (le Commandeur). Le crédit, la créance et la croyance fonctionnent dans l'œuvre selon une seule et même dynamique, et s'insinuent dans les moindres interactions. Nous proposons ainsi de nous saisir du phénomène du crédit, en tant que création de valeur par la croyance, comme grille de lecture dramaturgique, afin de dégager un discours porté par la pièce tant sur le crédit lui-même que sur le théâtre. Nous chercherons à déceler ce qui, dans Dom Juan, crée le théâtre par et autour du crédit.

Guillaume Cot est titulaire d'un master en études théâtrales de l'École normale supérieure ainsi que d'un master en droit public de l'université de la Sorbonne. Il est actuellement doctorant à l'université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, où il rédige une thèse sous la direction de Martial Poirson. Sa thèse est intitulée : "La Scène et la Loi. Les dramaturgies du droit pendant la Révolution française, 1789-1794". Il est également attaché temporaire d'enseignement et de recherche à l'université de Lille.

Sophie CRAS : Petits traités d'économie rédigés par des artistes
Qu'advient-il de l'économie lorsqu'elle est pensée, inventée, rêvée par les artistes ? On le sait peu, mais nombreux furent les artistes qui, de la fin du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, se firent un temps économistes et rédigèrent de véritables petits traités ambitionnant de renouveler la discipline. Cette contribution se propose de traverser ces textes et d'en explorer la portée d'aujourd'hui. Qu'ils aient suivi une formation universitaire en économie (tel Vassily Kandinsky ou Robert Filliou), qu'ils aient construit leur conception théorique de l'art en dialogue avec des économistes (comme William Morris ou Joseph Beuys), ou qu'ils aient élaboré un système théorique à part entière (à l'instar d'Asger Jorn ou d'Isidore Isou), ces artistes nous livrent une vision riche et singulière, tant sur la pensée économique de leur temps que sur les enjeux d'aujourd'hui.

Sophie Cras est maîtresse de conférences en Histoire de l'art contemporain à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et s'intéresse à de nouvelles approches à l'intersection de l'art et de l'économie. Son premier livre, L'économie à l'epréuve de l'art. Art et capitalisme dans les années 1960 (Presses du réel, 2018 ; traduit chez Yale University Press, 2019) s'intéresse au regard créatif et critique que les artistes contemporains ont porté sur l'économie de leur temps.

Ludovic DESMEDT : L'argent dans le neuvième art : les échanges monétaires vus par l'école franco-belge [intervention établie avec Jérôme BLANC]
Les échanges monétaires apparaissent de manière plus ou moins réaliste dans de nombreuses bandes dessinées : le but de cette communication consiste à délimiter le(s) rôle(s) de l'argent lorsqu'il est représenté dans les "grandes" séries franco-belges. Nous nous appuierons sur certains titres issus des séries Tintin, Astérix et Obélix, Lucky Luke, Les Schtroumpfs, Tif et Tondu, Gaston Lagaffe, Achille Talon ou Rahan pour repérer plusieurs thèmes : les effets sociaux de l'apparition de la monnaie, ses usages au sein de certaines communautés, la confrontation de systèmes monétaires différents, la corruption via la monnaie…

Jérôme Blanc est professeur des universités à Sciences Po Lyon et chercheur au laboratoire Triangle (UMR 5206). Ses travaux portent principalement sur la monnaie et la pluralité de ses formes, qu'il aborde en particulier d'un point de vue socioéconomique et d'histoire des idées.
Publication
Les monnaies alternatives, La Découverte, Repères, 2018.

Ludovic Desmedt est professeur à l'université de Bourgogne-Franche Comté et chercheur au LEDi. Il s'intéresse à l'évolution des pratiques bancaires et des théories monétaires.
Publication
A co-édité avec J. Blanc, Les pensées monétaires dans l'histoire, Classiques Garnier, 2014.

Marius Warholm HAUGEN : Économie du risque et mises en scène de la loterie au début du XIXe siècle
Cette intervention interrogera les mises en scène de la loterie dans le théâtre parisien au début du dix-neuvième siècle : Le hasard corrigé par l'amour (1801), Les Petites marionnettes, ou la Loterie (1806), L'Isle de mariages, ou les Filles en loterie (1809), Le Billet de Loterie (1811), La Maison en loterie (1818), Le jeune homme en loterie (1821). La suppression en 1793 de la Loterie royale, son rétablissement en 1795 avec la naissance de la Loterie nationale, et les débats qui accompagnaient ces décisions, reflétaient un problème économique, moral et politique : l'État français devait-il profiter d'une institution financière très rentable, ou devait-il abolir un système d'Ancien Régime servant à exploiter les classes populaires ? On examinera comment ces enjeux sont traduits dans les "comédies de loterie". Il s'agira surtout de déterminer dans quelle mesure celles-ci produisent des réponses explicites ou métaphoriques aux enjeux liés à la loterie comme institution financière.

Marius Warholm Haugen est maître de conférences en littérature française à NTNU, Université des sciences et techniques de Norvège, Département de Lettres modernes. Il est l’auteur de plusieurs articles sur la littérature française et italienne du dix-huitième siècle.
ntnu.edu/employees/marius.haugen
Publication
Jean Potocki : esthétique et philosophie de l'errance, Peeters 2014.

Res INGOLD : La relativité du vol
La compagnie aérienne transmediale exploite une large gamme de services complémentaires dans le cadre du trafic aérien et développe un service de substitutions du transfert des matières premières et des principes actifs. Elle s'est engagée depuis plus de 60 ans en faveur de la mobilité atmosphérique et de la sécurité des atterrissages. L'aviation civile est toujours au centre du modèle économique d'Ingold Airlines. Cependant le marché a unilatéralement accéléré et polarisé le développement. En conséquence, de nouveaux domaines de responsabilité sont apparus dans tous les secteurs de la mobilité. L'avenir du trafic aérien doit également être envisagé toujours davantage dans une perspective écologique. La perspective opérationnelle se tourne de plus en plus vers des motifs immatériels décisifs.

Romain JOBEZ : Le théâtre est-il un luxe ? Des valeurs dans le domaine du spectacle vivant
Le théâtre peut être l'objet de différentes sortes d'analyse, faciles à prendre en défaut quand elles ont tendance à mettre de côté sa dimension esthétique. D'une part, un discours purement économique, vite réduit à la question de sa rentabilité, de l'autre, des jugements normatifs, voire idéologiques. Or axiologie et économie critiquent toutes deux le spectacle vivant à l'aune de la valeur, notion qui a été récemment débattue dans le domaine de la sociologie. C'est ainsi que les travaux de Nathalie Heinich ont fait apparaître une tension entre descriptivité et normativité lorsqu'il est question de valeurs. Il convient de se demander si cette tension n'est pas constitutive de toute activité artistique, et plus particulièrement du théâtre, dans une opération consistant à la mise en circulation et à la conversion permanente des valeurs et qui s'apparenterait, depuis longtemps, au fonctionnement du monde du luxe.

Romain Jobez est maître de conférences HDR en études théâtrales à l'université de Poitiers et professeur associé à l'université de Bochum. Ses recherches portent sur le théâtre allemand et sur l'histoire des spectacles qu'il étudie du point de vue de la sociologie.
Bibliographie
Isabelle Barbéris, L'art du politiquement correct, Paris, 2019.
Nathalie Heinich, Des valeurs. Une approche sociologique, Paris, 2017.
Olivier Neveux, Contre le théâtre politique, Paris, 2019.

Agnieszka KOMOROWSKA : "Ça n'existe pas, une société qui ne batte pas monnaie". Communauté et fictions économiques dans la trilogie Vernon Subutex de Virginie Despentes
Circulant sur la même "pulsation souterraine" (Vernon Subutex 1, p. 233 sq.), art et argent sont intrinsèquement liés dans la trilogie Vernon Subutex de Virginie Despentes. C'est avant tout la musique qui tisse le lien entre les protagonistes du roman, dont la plupart frôle et/ou tombe dans la précarité, pour ensuite expérimenter une nouvelle communauté que la narration présente comme utopie sociale. Le leitmotiv musical concerne en même temps la symbolique du flux de l'argent et la polyphonie des voix. Les mouvements sur les marchés des capitaux suivent une logique de "l'infra-instabilité", et les protagonistes essaient de déchiffrer, chacun de sa manière, le "diapason du logarithme" économique (ibd.). La polyphonie des voix reste unie par une narration désillusionnée et sarcastique qui démonte les utopies en même temps qu'elle présente la toute-puissance de l'argent comme force destructrice de la société.

Agnieszka Komorowska est enseignant-chercheur en littérature française et espagnole à l'université de Mannheim. Elle est l'auteur d'une thèse de doctorat sur l'écriture de la honte dans la littérature française contemporaine (Winter, 2017), et a publié un livre collectif sur les poétiques de l'échec et la narration non-économique (Fink, 2018, avec Annika Nickenig). Elle prépare un thèse HDR sur la relation entre amitié et économie dans la littérature espagnole aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Marion LAVAL-JEANTET : Les pratiques de détournement artistique de l'argent public face à la pression économique mondiale
Le tournant du XXIe siècle a vu la naissance d'un certain nombre d'expérimentations artistiques de détournement de l'argent public très symptomatique d'une situation économique intenable pour les artistes : étalage des frais de production d'exposition présentés sous forme de billets de banque, présentation d'achat de biens personnels obtenus avec le concours des musées, promotions dans des magasins privés offertes par des institutions culturelles publiques… Un ensemble d'expériences visant tout autant la révision utopique du système consumériste, que la dénonciation des nouveaux rouages de l'institution culturelle dans lesquels la survie de l'artiste n'est pas prise en compte. Ces propositions singulières, ludiques, parfois cyniques, conduisent immanquablement le spectateur sur le terrain politique d'une remise en cause du système social et culturel dans lequel il vit. Profondément ancrés dans une réflexion sur l'économie contemporaine, ces gestes de détournement sont peut-être une des plus fortes expressions de liberté artistique à l'heure d'une mondialisation exclusivement focalisée sur l'argent.

Marion Laval-Jeantet est professeure des universités à Paris I–Panthéon-Sorbonne, artiste et chercheure en art, en bio-anthropologie et en ethnopsychiatrie. Elle mène au sein du duo Art Orienté Objet une œuvre artistique engagée fortement, marquée par les sciences du vivant, et en particulier l'écologie. Ses recherches en art portent sur l'art environnemental, le bio art et les rapports entre art et anthropologie.
Publications récentes
No man's land. L'homme a-t-il encore sa place ?, Paris, C.Q.F.D., 2019.
Microbiota. Créer et soigner, Paris, Presses du réel, 2020.

Isabelle de MAISON ROUGE : Le fric c'est chic
L'économie ou, singulièrement, l'écosystème de l'art, devient à la fois le sujet et l'objet de formulations plastiques, autant prétexte que modèle, thème que motif. En développant leurs propres structures de distribution, en devenant émetteurs de monnaie fiduciaire ou d'actions au porteur, certains artistes produisent un ensemble de propositions qui ouvrent largement les frontières entre art et vie, entre production artistique et formes d'économie. Par des attitudes diverses, associées à des projets spécifiques, ils engagent le regardeur-participant à s'interroger sur les rapports de force que détermine l'argent dans nos sociétés contemporaines, les actes compulsifs d'achat et les situations de crises que peuvent provoquer la surabondance.

Diplômée de la Sorbonne, docteur en art et science de l'art, Isabelle de Maison Rouge est historienne de l'art, critique d'art et commissaire d'exposition. Auteure de nombreux essais sur l'art contemporain et de textes de catalogues, elle collabore régulièrement à diverses revues d'art contemporain (artpress, Optical Sound, Possible, Point contemporain…).
Publications
Mythologies personnelles, Éditions d'art Scala, collection "Tableaux choisis", avril 2004, réédition 2006.
Business Model, Catalogue de l'exposition eponyme à La Vitrine am, 2014.
"Philippe Mairesse" [Entretien], Optical Sound, n°2, automne 2014.
"Quel statut pour l'art à la marge ?", artpress, mai 2015, n°422, p.85-87 [fre/eng].
"Yann Dumoget" [Entretien], Optical Sound, automne 2015.
10 clefs pour collectionner l'art contemporain, Archibooks, 2008, réédition actualisée juin 2010, réédition actualisée 2016.
Le mythe de l'artiste au-delà des idées reçues, Éditions du Cavalier Bleu, collection "Idées reçues", octobre 2017.
"Jazon Frings", artpress, janvier 2017, n°440, p.5, p.66-68 [fre/eng].
"Artiste infantilisé", Point contemporain, 2018.

Arnaud MANAS : "L'art de l'économie"
Cette contribution explorera les liens entre l'art et les signes monétaires par le biais des chemins de traverse que sont la falsification, le détournement et la dépréciation de la monnaie par l'art (et réciproquement). Il s'agit de déconstruire les combinaisons artistes-billets sous les angles techniques et sémantiques. En partant de l'art du billet, on abordera les questions de la croyance et de la crédibilité, et, en particulier, celle du common knowledge sur ce qu'est un billet et sa valeur. Les dialectiques de l'unique et de la reproduction, du vrai et du faux, de l'original et du simulacre, de l'authentique et de la contrefaçon permettront une mise en abyme de l'art et de la monnaie à travers des cas concrets :
- vrais artistes pour vrais billets : les cas Luc-Olivier Merson, Maurice Denis, Lucien Jonas ;
- vrai artiste pour faux-faux billet : le cas Picasso ;
- faux-vrai artiste pour vrai-faux billet, le cas Bojarski…

Arnaud Manas dirige le service du patrimoine historique et des archives de la Banque de France. Ingénieur, docteur en économie et en histoire, il est chercheur associé à l'université de Paris I – Sorbonne (IDHE.S). Ses travaux portent principalement sur l'histoire monétaire française et celle de la Banque de France. Ses recherches portent notamment sur l'histoire du faux-monnayage ainsi que sur le patrimoine artistique et culturel de la Banque de France.
Publications
L'or de Vichy, Éditions Vendemiaire, 2016.
Zweig & la Souterraine : l'or de la Banque de France, Artélia Éditions, 2016.
La Galerie dorée de la Banque de France. Quatre siècles d'art, d'histoire et de pouvoir, Banque de France, 2018.

Marie-Laure MASSEI-CHAMAYOU : Transcender les contraintes de l'économie domestique : Jane Austen, Frances Burney, Maria Edgeworth
Si les remarques de Jane Austen ou de Frances Burney sur l'argent dans leur correspondance respective révèlent plutôt leur préoccupation face à un budget domestique contraint, ces mêmes questions économiques et financières constituaient un ingrédient essentiel à l'élaboration d'une intrigue romanesque riche en rebondissements, voire le moteur de la diégèse, répondant aussi au goût des lecteurs qui se passionnaient pour les montants des dots des héritières et des fortunes des prétendants sur le marché matrimonial. Il s'agit donc de comprendre comment Jane Austen, Frances Burney et Maria Edgeworth se sont emparées de ces thématiques pour les faire évoluer dans une triple perspective : faire œuvre de pédagogie en familiarisant leurs contemporaines avec des représentations cadrées de l'économie domestique, conférer une nouvelle respectabilité au genre romanesque, et, par la représentation de femmes plus activement engagées dans l'économie, légitimer, voire professionnaliser leur activité de romancière.

Agrégée d'anglais, Marie-Laure Massei-Chamayou est maître de conférences en études anglophones à l'université Paris 1-Panthéon Sorbonne et membre du Centre d'Histoire du XIXe Siècle. Spécialiste de l'œuvre de Jane Austen, elle s'intéresse à l'évolution des représentations de l'argent, de l'économie domestique ou politique chez les romancières britanniques des XVIIIe et XIXe siècles, telles Eliza Parsons, Frances Burney, Maria Edgeworth, George Eliot, Elizabeth Gaskell ou Harriet Martineau.

Annika NICKENIG : Abondance et ambivalence de l'argent. Jean Bodin et sa Réponse aux paradoxes de Malestroit (1568)
La Réponse aux paradoxes de Malestroit, publié par Jean Bodin en 1568, constitue un exemple paradigmatique d'une interférence productive entre plusieurs domaines de connaissance différents. Dans le but de démentir la théorie monétaire de son collègue concernant les causes de la cherté en France, Bodin développe une théorie quantitative de la monnaie qui marquera l'évolution de la pensée économique. Dans son argumentation, il ne prend pas seulement en considération les aspects économiques de son temps, mais il se réfère à une multitude d'exemples historiques, philosophiques, bibliques et littéraires qui lui servent à illustrer son propos. L'on s'intéressera donc à l'utilisation de procédés littéraires de ce traité et suivra l'hypothèse qu'il existe une homologie productrice entre son contenu — à savoir la découverte d'une ambivalence problématique de l'abondance monétaire — et son utilisation d'une multitude de sources et de discours divers.

Annika Nickenig est enseignante-chercheuse à la Humboldt-Universität de Berlin. Elle prépare une HDR sur l'abondance esthétique et économique en Espagne et France (1550-1650). Domaine de recherches : littérature et économie, nouvelles, discours de l'idyllique.
Publications récentes
Poetiken des Scheiterns, München, 2018 (avec A. Komorowska).
"Übungen des Schreibens. Ich-Ökonomie", in M. de Montaignes, "De l'exercitation" (II,6), in Goumegou/Gipper, Elan und Müdigkeit, Würzburg, 2020.

Claire PIGNOL : Richesse réelle ou monétaire : des imaginaires conflictuels ?
La richesse n'est pas seulement composée de ressources, matérielles ou immatérielles, susceptibles de satisfaire des besoins. Elle est aussi l'objet de désirs dont l'évidence ne s'impose pas à l'agent qui les éprouve, et qui au contraire sont pour lui opaques et parfois contradictoires. Elle est par là l'objet d'une intense activité imaginative, à laquelle donne accès le roman. Les châteaux en Espagne que bâtissent les personnages, les raisons qu'ils donnent à leurs décisions, les désirs qu'ils expriment parfois confusément, font apparaître une variété d'imaginaires. Les imaginaires associés aux richesses réelles, qui sous-tendent les désirs des biens dont on jouit dans la consommation, s'opposent-ils aux imaginaires délirants et sans mesure associés à la forme monétaire de la richesse ? Ou peut-on à l'inverse faire apparaître une continuité entre besoins et désirs, entre une recherche raisonnable des jouissances et les pathologies de la démesure ?

Claire Pignol, maître de conférences en économie (U Paris I – PHARE), étudie l'histoire de la pensée et la philosophie économique ainsi que les représentations de l'économie dans la littérature narrative.
Publications récentes
"Which Economic Agent Does Robinson Crusoe Represent ?", Economics and Literature. A Comparative and Interdisciplinary Approach, C. Akdere & C. Baron (ed.), Routledge, 2018.
"L'échec économique : l'évaluation des situations au regard des intentions", Poetiken des Scheiterns. Formen und Funktionen unökonomischen Erzählens, A. Komorowska & A. Nickenig (ed.), Wilhelm Fink Verlag, 2018.

Christophe REFFAIT : Les métaphores chez Jean-Baptiste Say
Jets d'eau, pression de l'air et équilibre des forces : les métaphores et analogies qui apparaissent sous la plume de Jean-Baptiste Say, par exemple dans le "Discours préliminaire" du Traité d'économie politique de 1803, disent d'une part l'influence des sciences physiques sur la science économique en construction, d'autre part et plus généralement l'importance des images dans la rhétorique de l'économie. C'est dans et par ces expédients rhétoriques, et les références qu'ils supposent, qu'apparaît le mieux le sens du discours économique.

Christophe Reffait est professeur à l'université de Picardie Jules Verne (Amiens).
Publication
Les lois de l'économie selon les romanciers du XIXe siècle, Classiques Garnier, 2020.

Béatrice SCHUCHARDT : L'économie politique transformée en fiction : la mise en scène des secteurs économiques dans le théâtre sentimental espagnol et français
Le "genre sérieux" inventé par Diderot a connu un succès énorme non seulement en France, mais aussi en Espagne. L'adaptation du genre par les dramaturges espagnols, connue sous le terme de comedia lacrimosa ou género sentimental, va de pair avec la réception du roman sentimental anglais dans les deux pays. Cette intervention propose une comparaison des comédies sentimentales espagnoles et françaises en lien avec leurs représentations respectives du discours économique de l'époque. Il s'agira aussi d'analyser la relation entre valeurs morales et morale économique établie par les pièces dans leur contextes culturels différents : d'une part, une France de plus en plus sécularisée ; d'autre part, une Espagne toujours marquée par l'alliance de pouvoir entre l'Église et la couronne, et où le procédé de sécularisation se voit ralenti, sinon mis à terme par un gouvernement espagnol profondément inquiété par la Révolution française.

Béatrice Schuchardt est maître de conférences en littérature française et hispanophone à l'université de Münster (Westphalie, Allemagne). Elle a récemment fait son HDR sur les discours économiques du XVIIIe siècle et leurs personnifications dans les comédies sentimentales espagnoles.
Publications
Verkörperungen des Ökonomischen in sentimentalen Komödien der spanischen Spätaufklärung. Diskurs – Figur – Gattung – Geschlecht, Frankfurt/Main, Vervuert (à paraître).
"Économies amoureuses : homologies structurales dans les comédies espagnoles et françaises du XVIIIe siècle", in L'homme et la société, 200, 2, 2016, pp. 171-187.

Élise SULTAN-VILLET : Homo eroticus et homo œconomicus. Le calcul libertin ou le bonheur comptable
L'homo eroticus représenté par les romans libertins du XVIIIe siècle est-il l'ancêtre de l'homo œconomicus ? Étonnamment les libertins de Crébillon à Sade, en passant par Duclos, Dorat, Nerciat… font mentir l'adage "quand on aime, on ne compte pas". Certes, on trouve bien quelques obsédés du chiffre qui additionnent gaiement leurs exploits sexuels. Néanmoins, on rencontre tout autant des figures modérées qui optent pour la décroissance libidinale. Entre ces deux extrêmes, l'économie libertine à l'œuvre repose sur une circulation des corps dont on planifie la consommation immédiate tout en prévoyant une épargne mnésique en vue d'une jouissance différée. Ainsi, les dépenses libidinales ne sont pas si improductives : elles nourrissent l'imaginaire qui les capitalise quand elles n'inspirent pas la perle des plans économiques.

Élise Sultan-Villet est enseignante et docteure en philosophie (académie d'Amiens, université Picardie Jules Verne ; université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / HIPHIMO). Depuis 2014, elle est co-organisatrice du séminaire "Fictions et économies" avec Claire Pignol (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / PHARE) à l'université Paris 1.
Publications
L'économie à l'épreuve de la fiction, M. Chottin et É. Sultan (dir.), Paris, Corpus, revue de Philosophie, n°69, 2016.
"Le calcul des plaisirs et des peines dans les romans libertins du XVIIIe siècle", Paris, in Corpus, revue de philosophie, n°69, 2016.
"Du luxe au calme : la volupté dans les romans libertins", in Contre le luxe XVIIe-XVIIIe siècle, É. Pavy-Guilbert et F. Poulet (dir.), Paris, Classiques Garnier, "Rencontres / Le Siècle classique", à paraître.
Les romans libertins du XVIIIe siècle : la philosophie des sens dessus dessous, Paris, Honoré Champion, "Les Dix-huitièmes siècles", à paraître.

Benoît WALRAEVENS : Adam Smith et le théâtre de la vie sociale : le rôle des caractères dans ses œuvres
L'objet de cette communication est d'étudier la nature et le rôle des caractères dans les œuvres d'Adam Smith, l'un des fondateurs de l'économie politique mais surtout professeur de philosophie morale et de rhétorique pendant de nombreuses années. Smith analyse la tradition des caractères dans ses Lectures on Rhetoric and Belles Lettres, mais c'est surtout dans la Théorie des Sentiments Moraux puis dans la Richesse des Nations qu'il a recours, de manière répétée, à ces personnages fictifs, acteurs majeurs du théâtre de la vie sociale dont il nous donne la représentation dans ses œuvres. Nous chercherons donc à définir les caractères puis à analyser leurs différents rôles dans ses œuvres : heuristique, rhétorique et didactique. Smith présente à ses lecteurs une multiplicité de personnages qu'il fait dialoguer aussi bien au sein de ses œuvres qu'entre celles-ci, révélant ainsi l'unité et la cohérence de ses travaux.

Maitre de conférences en sciences économiques à l'université de Caen Normandie et chercheur au CREM, ses travaux relèvent de l'histoire de la pensée économique et de la philosophie économique. Il s'est intéressé en particulier à l'importance de la rhétorique dans l'œuvre d’Adam Smith.


BIBLIOGRAPHIE :

• Cinla Akdere and Christian Biet (ed.), Economics and Literature. A comparative and interdisciplinary Approach, London and New York, Routledge, 2018.
• Christine Baron (dir.), "Littérature et économie", Épistémocritique, n°12, Printemps 2013.
• Daniel Bell, Les contradictions culturelles du capitalisme [1976], Paris, PUF, 1979.
• Walter Benjamin, Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l'apogée du capitalisme [1923], Paris, Payot, 1982.
• Christian Biet, Stéphanie Loncle, Martial Poirson et Geneviève Sicotte (dir.), Fiction et économie : représentations de l'économie dans la littérature et les arts du spectacle, XIXe-XXIe siècles, Presses universitaires de Laval, 2013.
• Christian Biet, Yves Citton et Martial Poirson (dir.), Les Frontières littéraires de l'économie (XVIIe-XXe siècles), Paris, Desjonquères, 2008.
• Pierre Bras et Claire Pignol (dir.), Économie et littérature, L'Homme et la Société, n°200, 2016.
• Yves Citton, Portrait de l’économiste en physiocrate. Critique littéraire de l'économie politique, Paris, L'Harmattan, 2000.
• Pierre Force, Molière, ou le prix des choses. Morale, économie et comédie, Paris, Nathan, 1994.
• Pierre Force, Self-Interest before Adam Smith : A Genealogy of Economic Science, Cambridge University Press, 2003.
• Pierre Force (dir.), De la morale à l’économie politique : dialogue franco-américain sur les moralistes français, Revue Op. Cit., n°6, 1996.
• Frederic Jameson, Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif [1991], Beaux Arts de Paris éditions, 2011.
• D. N. McCloskey, "The Rhetoric of Economics", Journal of Economic Literature, vol. 31, 1983, p. 482-517.
• D. N. McCloskey, The Rhetoric of Economics, Madison, The University of Wisconsin Press, 1998.
• Éric Méchoulan, La crise du discours économique, Paris, Éditions Nota Bene, 2013.
• Martial Poirson, Art et argent au temps des Premiers Modernes, Oxford, SVEC, 2004:10, 2004.
• Martial Poirson, Politique de la représentation : littérature, arts du spectacle, discours de savoir, Paris, Champion, 2014.
• Martial Poirson, Spectacle et économie à l'âge classique, Paris, Classiques Garnier, 2011.
• Marc Shell, Money, Language and Thought : Literary and Philosophical Economies from the Medieval to the Modern Era, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1993.
• Marc Shell, Art and Money, Chicago-London, University of Chicago Press, 1995.
• Marc Shell, The Economy of Literature, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1996.
• Georg Simmel, Philosophie de l'argent [1900], Paris, PUF, 1987.
• Michael Watts, The Literary Book of Economics, ISI Books, 2003.

Publication 1990 : un des ouvrages


Arguments pour une méthode (Autour d'Edgar Morin)

ARGUMENTS POUR UNE MÉTHODE

(AUTOUR D'EDGAR MORIN)


Daniel BOUGNOUX, Jean-Louis LE MOIGNE, Serge PROULX (dir.)


L'œuvre interrogative et polycentrique d'Edgar Morin transgresse les séparations entre science et philosophie, sciences de l'homme et sciences de la nature, éthique et politique. Elle puise non seulement sa vie dans les idées, mais aussi ses idées dans une vie immergée dans l'expérience du siècle. Elle a pour dénominateur commun la recherche d'une connaissance non mutilée et le souci d'une pensée qui puisse relever le défi de la complexité du réel.
Cette œuvre à la fois alerte et en alerte, pacifique et turbulente, non désenchantée mais sans illusion, constitue par elle-même un colloque. Celui qui s'est tenu à Cerisy en juin 1986 réunissait autour de l'auteur de La Méthode, en un dialogue transdisciplinaire, des anthropologues, des épistémologues, des chercheurs en science politiques et sociales, mais aussi des amis de la Résistance et des témoins de notre actualité.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (1986) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°135]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Éditions du Seuil

ISBN : 2-02-011459-3

Nombre de pages : 272 p.

Prix public : 23 €

Année d'édition : 1990


Publications associées


Publication 1983 : un des ouvrages


L'auto-organisation. De la physique au politique

L'AUTO-ORGANISATION

DE LA PHYSIQUE AU POLITIQUE


Paul DUMOUCHEL, Jean-Pierre DUPUY (dir.)


La naissance d'un "nouveau paradigme", l'émergence d'une pensée neuve au carrefour des sciences exactes et des "humanités" d'hier est l'enjeu considérable de ce travail collectif. Est-il possible et fructueux d'ouvrir des chemins entre le biologique et le social, entre les sciences de la nature et du vivant et les sciences du politique et du social ? Dans quelles conditions les concepts "transversaux" circulent-ils d'une discipline à l'autre ?
Les théories de l'auto-organisation s'articulent autour de trois concepts fondamentaux qui battent en brèche les postulats admis jusqu'alors. L'instabilité du chaos d'abord, et la complémentarité paradoxale entre l'ordre et le désordre qu'il faut penser à présent aussi bien en physique, en biologie que dans les sciences sociales. Le concept d'autonomie ensuite, et la capacité d'une organisation (vivante ou sociale) de s'instituer elle-même et de se perpétuer en produisant ses lois.
La question du sens enfin, hier expulsée, et qui revient au cœur même des sciences "exactes", par exemple. L'énoncé de ces trois questions conduit à en poser une quatrième, non la moindre : celle de l'unité retrouvée du savoir.

Le colloque tenu à Cerisy en juin 1981 fut l'acte fondateur d'un programme de recherches. Il eut son prolongement l'automne de la même année, à l'université de Stanford en Californie et, quelques mois plus tard, débouchera sur la création de plusieurs institutions de recherche liées à l'École polytechnique et au CESTA.


Non disponible auprès du CCIC [n°79]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Éditions du Seuil

Collection : Empreintes

ISBN : 2-02-006457-X

Nombre de pages : 562 p.

Illustrations : N & B

Année d'édition : 1983

RÉÉDITIONS

L'auto-organisation. De la physique au politique - RééditionÉditeur : Éditions du Seuil

Collection : La Couleur des idées

ISBN : 978-2-0202-2043-9

Nombre de pages : 560 p.

Prix public : 59,40 €

Année d'édition : 1994

Non disponible auprès du CCIC


L'auto-organisation. De la physique au politique - RééditionÉditeur : Hermann Éditeurs

Collection : Cerisy / Archives

ISBN : 979-1-0370-1935-6

Nombre de pages : 576 p.

Illustrations : N & B

Prix public : 32 €

Date de parution : 20/04/2022

Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°79bis]

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


MAÎTRISER LE TEMPS ET FAÇONNER L'HISTOIRE

LES HISTORIENS NORMANDS AUX ÉPOQUES MÉDIÉVALE ET MODERNE


DU MERCREDI 25 SEPTEMBRE (19 H) AU DIMANCHE 29 SEPTEMBRE (14 H) 2019

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Stéphane LECOUTEUX, Fabien PAQUET


COMITÉ SCIENTIFIQUE :

Pierre BAUDUIN, Edoardo D’ANGELO, Alexis GRÉLOIS, Marie-Agnès LUCAS AVENEL, Christophe MANEUVRIER, Laurence MATHEY-MAILLE, Annick PETERS-CUSTOT, Elisabeth VAN HOUTS


ARGUMENT :

Dix ans après le colloque de Cerisy consacré à L'historiographie médiévale normande et ses sources antiques, nous proposons de réunir les mêmes institutions (le Centre culturel international de Cerisy, la ville d'Avranches et l'université de Caen Normandie [CRAHAM et OUEN]) pour entrer, de façon plus globale, dans les cabinets des annalistes, chroniqueurs et historiens normands des époques médiévale et moderne.

La recherche d'une proximité et d'une intimité avec les auteurs vise à mieux connaître leurs méthodes de travail et ainsi mieux appréhender leurs écrits. Cette démarche est le fruit de travaux récents ou en cours, portés par des chercheurs principalement français, italiens et anglophones. Outre de nouvelles lectures des textes, il s'agira aussi de mettre en avant de récentes découvertes d'écrits historiques restés jusqu'à ce jour inédits.

La perspective du colloque sera large : les textes étant sans cesse repris, recopiés, réécrits, traduits et connus par des traditions postérieures à leur écriture, les confronter sur le long terme est indispensable. On ne traitera pas, en outre, de la seule Normandie mais bien de l'ensemble des lieux d'implantation de Normands (en France, dans les îles Britanniques et en Méditerranée, mais aussi en Afrique et en Amérique), de l'an mil jusqu’au XVIIIe siècle. Sont ainsi compris sous l'appellation large d'"historiens normands" tous les auteurs d'origine normande ou actifs en Normandie qui ont produit des textes à caractère historique. On pourra comparer leurs travaux à ceux d'auteurs extérieurs aux mondes normands mais traitant de ceux-ci.

En cela, ce colloque complètera celui organisé par Pierre Bauduin et Edoardo d'Angelo à Ariano Irpino en 2016, consacré aux historiographies modernes et contemporaines des mondes normands médiévaux. Il abordera également la question des silences de l'historien, thème qui a déjà fait l'objet de deux journées d'études organisées par Catherine Jacquemard et Corinne Jouanno à l'université de Caen Normandie en 2015 et en 2016.

Dans le cadre de ce colloque, qui se tiendra principalement au Centre culturel international de Cerisy, une exposition de manuscrits contenant des œuvres d'historiens normands, provenant de différents lieux de conservation d'Europe, sera présentée à Avranches (dans la salle du trésor du Scriptorial, de début juillet à fin septembre 2019, ainsi qu'à la Bibliothèque patrimoniale, durant les jours du colloque) : une séance se tiendra sur place et des communications auront lieu dans la salle du conseil de la mairie d’Avranches.

Ce colloque pourra enfin être l'occasion d'amorcer un projet d'édition (ou de réédition) papier et/ou numérique d'une collection de sources narratives normandes. Si la réalisation d'une version normande d'un Recueil des historiens des Gaules et de la France semble aujourd'hui aussi complexe que dépassée, nous souhaitons lancer, dans un premier temps, un projet de réédition et de confrontation de l'ensemble des sources annalistiques normandes.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 25 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 26 septembre
Matin
Stéphane LECOUTEUX & Fabien PAQUET : Introduction et étude de cas "Maîtriser le temps et façonner l'histoire chez les auteurs des Gesta normannorum ducum"

L'HISTORIEN ET LE TEMPS
Marie-Céline ISAÏA : Méthodes documentaires, représentations du temps et projet historiographique des hagiographes normands (XIe-XIIIe siècles)
Laura CLEAVER : Eton College ms. 96 and the Shaping of History

Après-midi
ÉCRIRE ET TRADUIRE : LA PART DE L'AUTEUR
Pierre BOUET : Les marques de subjectivités dans l'Historia Normannorum de Dudon de Saint-Quentin
Antonio TAGLIENTE : La "destruction de la seignorie de li Longobart". Écriture, exégèse et traduction de l'Ystoire de li Normant, entre princes, saints et "faux prophètes"
Françoise LAURENT : "Ce qu'en l'estoire truis e vei / N'i vuil laisser ne oublier". La conquête de la Sicile dans la version de l'Histoire des ducs de Normandie de Benoît de Sainte-Maure


Vendredi 27 septembre
Matin
HISTOIRE ET POLITIQUE, ENTRE FRANCE ET ANGLETERRE
Charles C. ROZIER : Maîtriser le temps dans l'Historia ecclesiastica d'Orderic Vital
Lydwine SCORDIA : Maîtriser le temps pour un jeune prince : le Rosier des guerres de Pierre Choinet, commandé par Louis XI pour le futur Charles VIII
Anne CURRY : Une chronique écrite par des soldats : College of Arms MS M 9 et la guerre de Cent Ans en Normandie au XVe siècle

Après-midi
"HORS LES MURS" — À AVRANCHES
Visite du Scriptorial et de l'exposition temporaire "Façonner l'histoire de la Normandie. Manuscrits et chartes du Moyen Âge"
Séance publique à l'Hotel de Ville d'Avranches (salle du conseil) :
L'HISTORIEN FACE AUX TEXTES
Christophe MANEUVRIER & Françoise VIELLIARD : Faut-il vraiment considérer la "Briev estoire del navigaige mounsire Jehan Prunaut" en Afrique comme une forgerie du XIXe siècle ? [enregistrement vidéo en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]
Benjamin POHL : La mémoire de Robert de Torigni du Moyen Âge à aujourd'hui


Samedi 28 septembre
Matin
ÉCRIRE L'HISTOIRE EN MILIEU MONASTIQUE ET CLÉRICAL (1)
Lucile TRAN-DUC : Une entreprise mémorielle dans l'abbaye de Fontenelle au XIe siècle : l'œuvre du moine Guillaume
Emily A. WINKLER : Wace, the Anglo-Norman Past, and the History of Human Experience
Isabelle GUYOT-BACHY : Autour de l'anonyme de Caen ou pourquoi écrire une chronique universelle en Normandie en 1343 ? [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
ÉCRIRE L'HISTOIRE EN MILIEU MONASTIQUE ET CLÉRICAL (2) : LE CAS CISTERCIEN
Richard ALLEN : Écrire l'histoire dans la Normandie cistercienne (XIIe-XIIIe siècle) : premier aperçu
Mario LOFFREDO : "Et cum prius fuisset ferus et crudelis…" Les Normands et Roger II dans une chronique monastique de l'âge souabe [texte lu par Antonio TAGLIENTE]
Olivia BURGARD : La chronique de l'abbaye cistercienne de Mortemer (XIIe siècle)


Dimanche 29 septembre
Matin
DES ÉCOLES HISTORIQUES ?
Pierre COURROUX : La topique des batailles chez les chroniqueurs Normands du XIIe siècle
Luigi RUSSO : Les difficultés de l'historien : panorama historiographique de l'Orient normand (XIIe siècle)

Véronique GAZEAU : Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Richard ALLEN : Écrire l'histoire dans la Normandie cistercienne (XIIe-XIIIe siècle) : premier aperçu
S'il existe bien un "esprit cistercien" et une sensibilité des moines blancs à l'écrit, pour emprunter les expressions de Dominique Stutzmann, l'attention des spécialistes n'a pas toujours été assez attirée sur la production historique cistercienne. En ce qui concerne la Normandie médiévale, la production textuelle de ses maisons cisterciennes reste largement méconnue, voire peu considérée, en dépit du fait que la rédaction de certains textes historiographiques d'intérêt général — le Chronicon Valassense, le cartulaire-chronique de Mortemer, le soi-disant Chronicon Savigniacense — peut être attribuée à des abbayes normandes. Cette intervention vise donc à donner un premier tour d'horizon de cette production historiographique et à tenter de mettre en lumière les enjeux de l'écriture historique dans la Normandie cistercienne (XIIe-XIIIe siècle). L'étude des textes du genre historiographique (chroniques, annales) rédigés ou copiés par les abbayes cisterciennes normandes nous permet de répondre à plusieurs questions sur l'émergence des historiens dans le milieu cistercien, sur le rôle joué ou non par les abbés dans la production historiographique, et sur l'histoire comme outil pédagogique, surtout en ce qui concerne le comput. Il s'agit aussi de réfléchir sur l'écrit historique et les stratégies de construction identitaire, autant en ce qui concerne l'ordre cistercien que la Normandie elle-même, et sur l'écrit comme un élément de passage d'une identité individuelle à une identité collective (cette question est d'un intérêt particulier par rapport à l'abbaye de Savigny, seul chef d'ordre monastique fondé en Normandie incorporé en 1147 à l'ordre cistercien). Se pencher sur les textes historiques produits par ou pour les abbayes cisterciennes normandes est également l'occasion d'approfondir la réflexion sur les liens entre textes historiques et ceux d’autres genres (notamment diplomatique) dans le milieu cistercien.

Pierre BOUET : Les marques de subjectivités dans l'Historia Normannorum de Dudon de Saint-Quentin
Dudon de Saint-Quentin a rédigé une Historia Normannorum, qui souffre d'être une œuvre de commande. Pour son information, il bénéficia, en effet, de l'aide précieuse, mais partisane, de la famille ducale (Gonnor, Raoul d'Ivry). Le livre comprend quatre biographies : celle d'Hasting, le chef viking sans scrupule, et celles des trois premiers ducs. Comme il le déclare dans sa préface, Dudon cherche à célébrer le lignage issu de Rollon et à montrer que l'installation de ces Vikings en Neustrie s'inscrit dans un projet providentiel. Lors du colloque, notre intention est de présenter les marques de subjectivité qui constituent une particularité de cette histoire : choix de la materia, interventions implicites et explicites de l'auteur tant dans le cours du récit historique que dans les nombreuses poésies qui scandent la narration, procédés littéraires et théologie de l'Histoire. Comment Dudon parvient-il à concilier ses exigences historiques avec ses emprunts aux modèles du panégyrique et de l'hagiographie ? Telle sera une des nombreuses questions auxquelles nous essaierons de répondre.

Olivia BURGARD : La chronique de l'abbaye cistercienne de Mortemer (XIIe siècle)
La chronique de l'abbaye cistercienne de Mortemer regorge d'informations permettant de nous rapprocher de ses auteurs. Par les sources à disposition de ces derniers, telles que les chartes, mais aussi la Règle du Maître, la Bible ou encore les transmissions orales, et mises en œuvre dans la chronique, par la construction de l'histoire de l'établissement dans une volonté de mémoire, d'autorité et de légitimité, par les techniques d'écriture aussi bien matérielle que rhétorique, en témoigne l'analyse de l'intertextualité, par l'influence d'autres genres littéraires tels que les gesta abbatum, ce sont les auteurs que nous sommes en mesure d'appréhender plus finement en analysant leurs méthodes, mais aussi leur perception du monde environnant qu'il soit séculier, clérical et laïque, ou régulier. Cette chronique est un témoin d'une grande valeur en ce qu'elle met en scène une volonté de maîtriser le temps, dans la volonté de rendre actuels et toujours valides les évènements passés. Elle témoigne également d'un souhait de façonner l'histoire, en rendant celle de l'abbaye de Mortemer fidèle aux préceptes de Cîteaux autant qu'inscrite dans les temps successifs de son développement.

Olivia Burgard est actuellement étudiante en Master 2 "Histoire et Civilisations de l'Europe" à la faculté des Sciences Historiques de l'université de Strasbourg. Son sujet de mémoire en cours est "La chronique de l'abbaye cistercienne de Mortemer (XIIe siècle), édition, traduction et commentaire.

Laura CLEAVER : Eton College ms. 96 and the Shaping of History
Le manuscrit 96 d'Eton College, probablement compilé à Glastonbury au milieu du XIIIe siècle, transmet un récit historique sous la forme d'un diagramme généalogique. Chaque personnage mentionné y est représenté par une petite image placée, le plus souvent, dans des médaillons. Son créateur s'est servi avant tout de l'œuvre populaire de Pierre de Poitiers, la généalogie des ancêtres du Christ, à laquelle il a ajouté les rois de Bretagne mentionnés par Geoffrey de Monmouth, les ducs de Normandie, les rois d'Angleterre et de France, les empereurs du Saint-Empire romain germanique et les papes jusqu’à Innocent IV. Une des principales sources utilisée pour la création de cet ouvrage semble avoir été la chronique de Robert de Torigni. Le manuscrit d'Eton fournit donc une preuve importante, bien qu'auparavant ignorée, que l'œuvre de Robert de Torigni était connue dans l'ouest de l'Angleterre au XIIIe siècle. Cette communication étudiera les sources textuelles utilisées dans le ms 96 d'Eton College afin d'établir la transmission des récits historiques normands en Angleterre au XIIIe siècle. Ce faisant, nous considérerons les circonstances dans lesquelles ce manuscrit a été produit. Il s'agira d'examiner comment la mise en page et les enluminures ont été utilisées afin de transformer des sources textuelles et produire cette représentation du passé à la fois inhabituelle et éminemment visuelle. Ainsi, ce travail de recherche éclairera la réception des récits historiques de Normandie dans l'Angleterre du XIIIe siècle tels qu'ils ont été intégrés au sein une tradition plus vaste et étaient illustrés.

Laura Cleaver is the Ussher Lecturer in Medieval Art at Trinity College Dublin. Her research focuses on illuminated manuscripts of the twelfth and thirteenth centuries. Her book Illuminated History Books in the Anglo-Norman World was published by Oxford University Press in 2018. She has recently been awarded an ERC grant for a five-year project on the trade in medieval manuscripts in the twentieth century.

Pierre COURROUX : La topique des batailles chez les chroniqueurs Normands du XIIe siècle
Les batailles, lieux privilégiés de la mémoire historique, sont aussi un lieu propice pour étudier les mécanismes d'emprunts et de création historique. En effet, bien plus que de donner des informations sur ce qui se passa effectivement lors d'un affrontement, les chroniqueurs médiévaux racontaient ce qui aurait dû se passer, un récit hautement idéalisé où les détails réels se trouvaient enchâssés dans une narration exemplaire (dans le sens médiéval du mot, bien proche des exempla de l'hagiographie), faite d'un mélange de copie de modèles anciens et d'imagination historique pour combler les lacunes d'une information rarement satisfaisante pour des affrontements anciens. Nous voudrions étudier le cas de plusieurs histoires des ducs de Normandie dans un large XIIe siècle : le Rou de Wace, la Chronique des ducs de Normandie de Benoît, les Gesta Normannorum Ducum de Guillaume de Jumièges et leurs continuations, et la Chronique des ducs de Normandie en prose du début du XIIIe siècle, souvent connue à travers la version dite de l'anonyme de Béthune.
Nous voudrions voir ces jeux de reprises et de démarcations à travers les récits de bataille chez ces historiens. Cette étude sera fondée sur un répertoire des topoï dans les récits de bataille des chroniqueurs médiévaux sur lequel nous travaillons actuellement à l'université de Southampton. Elle permettra de peser les modèles utilisés, mais aussi l'originalité de chaque historien par le prisme de ses inventions historiques. À une époque où l'histoire devait avoir un sens immanent, expression de la volonté divine, ces interventions des chroniqueurs nous permettront de questionner leur manière de concevoir le sens de l'histoire.

Pierre Courroux est agrégé et a soutenu en 2013 un thèse à l'université de Poitiers sur L'écriture de l'histoire dans les chroniques de langue française (XIIe-XVe siècle), parue en 2016 aux éditions Classiques Garnier. Il y a notamment analysé la chronique de Benoît de Sainte-Maure. Il est actuellement Newton International Fellow de la British Academy à l'université de Southampton, où il mène un projet sur la description des batailles chez les chroniqueurs anglais et français des XIIe-XVe siècles.

Anne CURRY : Une chronique écrite par des soldats : College of Arms MS M 9 et la guerre de Cent Ans en Normandie au XVe siècle
Il existe dans le College of Arms à Londres une chronique inédite en français écrite avant 1457 dans le cercle de Sir John Fastolf, un des chevaliers anglais les plus célèbres des guerres anglo-françaises du quinzième siècle. Ce texte donne beaucoup d'informations sur la guerre en Normandie 1415-29 : par exemple, des listes des capitaines des garnisons en Normandie avant l'arrivée des anglais en 1417. Cette chronique était utilisée par le grand historien anglais du XVIe siècle, Edward Hall. Deux des auteurs de la chronique étaient des soldats qui ont servi dans les garnisons anglaises en Normandie. La chronique contient beaucoup d'éléments sur la conquête de Maine (1424-7) et les liens avec la Normandie. En tout, plus de 400 français sont mentionnés par leur nom dans cette chronique, qui est la seule chronique en français connue qui était écrite pour et par les anglais. Il semble que ce texte avait pour but l'invocation pour le vieux Sir John Fastolf des années de gloire d'Henri V et du duc de Bedford, avant l'arrivée sur scène de Jeanne d'Arc.

Anne Curry est professeur d'histoire médiévale à l'université de Southampton et en a été la doyenne de la Faculté des Humanités de 2010 à 2018. Elle a publié plusieurs ouvrages sur la bataille d'Azincourt et s'est impliquée dans les commémorations du 600e anniversaire de cette bataille.
Elle a dirigé le projet "The Soldier in Later Medieval England" (medievalsoldier.org) et poursuit ses recherches sur l'armée anglaise en Normandie de 1415 à 1450, sur laquelle elle a publié de nombreux ouvrages. Actuellement, elle dirige le projet "Rôles gascons, 1317-1468" (gasconrolls.org) sur l'Aquitaine anglaise.
Elle a édité avec Véronique Gazeau, La guerre en Normandie (XIe-XVe siècle), Presses universitaires de Caen, 2018 [colloque de Cerisy, 2015].

Véronique GAZEAU
Véronique Gazeau est professeur émérite d'histoire médiévale, membre associée du CRAHAM-UMR 6273 à l'université de Caen Normandie, et directrice des Annales de Normandie.
Publications
Normannia monastica (Xe-XIIe siècle).
Princes normands et abbés bénédictins.
Prosopographie des abbés bénédictins, 2007.

Isabelle GUYOT-BACHY : Autour de l'anonyme de Caen ou pourquoi écrire une chronique universelle en Normandie en 1343 ?
En repartant de l'unique manuscrit ayant conservé la chronique universelle composée par l'anonyme de Caen (BnF, lat. 4942), la communication propose d'abord de faire le point sur un dossier historiographie largement délaissé depuis l'édition partielle d'E. Châtel (Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, 1892). Quelle place donner à ce texte dans l'historiographie de la première moitié du XIVe siècle ? Puis, en centrant l'observation sur la partie consacrée à l'histoire normande et anglo-normande, on s'efforcera d'en comprendre les enjeux dans l'économie générale d'un texte qui se présente comme une chronique universelle. Enfin, on replacera le manuscrit dans la bibliothèque d'un de ses possesseurs, Normand, Jean Golein, traducteur pour le roi Charles V.

Isabelle Guyot-Bachy, dont les recherches portent sur tous les aspects des chroniques médiévales produites en France, a d'abord étudié une œuvre, le Memoriale historiarum de Jean de Saint-Victor, de sa genèse, portée par un milieu (la communauté des chanoines de Saint-Victor de Paris au début du XIVe siècle), à sa réception contemporaine et ultérieure. Sous le titre La Flandre et les Flamands au miroir des historiens du royaume, elle a mené une enquête systématique sur plus de deux cents textes provenant des différents espaces du royaume. Au contact de ce large panel, elle a abordé les différents genres dans lesquels les historiens livrèrent leurs conceptions du passé, leur capacité à se jouer des modèles et des autorités pour forger un projet personnel, enfin, les conditions de travail de l'historien médiéval et les mécanismes du succès des œuvres…
Publications
La Flandre et les Flamands au miroir des historiens du royaume (Xe-XVe siècle), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017.
Le "Memoriale historiarum" de Jean de Saint-Victor, Un historien et sa communauté au début du XIVe siècle, Turnhout, Brepols, 2000 (Bibliotheca victorina, XII) [Ouvrage récompensé par le 2e prix Gobert décerné en 2002 par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres].
"La Chronique abrégée des rois de France et les Grandes chroniques de France : concurrence ou complémentarité dans la construction d'une culture historique en France à la fin du Moyen Âge ?", dans E. Kooper et S. Levelt (éd.), The Medieval Chronicle, VIII, 2013, p. 205-222.
"Quelques tendances de l'écriture de l'histoire dans le royaume de France (1270-1348)", dans Corinne Péneau (dir.), Itinéraires du savoir de l'Italie à la Scandinavie (Xe-XVIe siècle), Études offertes à Élisabeth Mornet, Publications de la Sorbonne, 2009, p. 279-298.

Marie-Céline ISAÏA : Méthodes documentaires, représentations du temps et projet historiographique des hagiographes normands (XIe-XIIIe siècles)
Lors du colloque de Cerisy consacré en 2009 aux sources antiques de l'historiographie médiévale normande, Rosamond McKitterick a démontré l'imperméabilité du monde normand à la tradition historiographique franque : les historiens normands des XIe et XIIe s. connaissent mal le passé carolingien et négligent de copier les grandes Annales qui le caractérisent(1), un désintérêt qui peut s'expliquer en partie par l'autonomie de la Normandie ducale. L'enquête peut être approfondie en mettant à profit les sources hagiographiques. En Normandie comme ailleurs, le discours des Vitae dépend en partie du projet politique de leurs auteurs et repose sur un propos fondamentalement historiographique; les Vitae imposent parfois une relecture orientée du passé franc, par exemple pour vanter en saint Hugues de Rouen un descendant de Charlemagne dans le contexte du règne de Louis IV d’Outremer(2). La communication examinera l'hypothèse que les Vitae écrites dans le contexte normand des XIe-XIIIe siècle permettent de suivre les modalités d'une acclimatation de l'histoire franque, au moment critique du rattachement de la Normandie au domaine capétien. Elle étudiera notamment :
- le travail de documentation des hagiographes : s'ils négligent les Annales royales, ils reviennent à une tradition historiographique tardo-antique (Jérôme, Eusèbe-Rufin, Isidore) qui ne différencie pas radicalement la Normandie de la Francie contemporaine. L'armature chronologique de leur représentation du monde est, sous réserve d'inventaire, celle d'une histoire traditionnelle de l'Église latine, mais où certains jalons (Constantin) peuvent avoir été minimisés.
- le projet de réécriture du passé mérovingien : quand un anonyme rédige à Jumièges une troisième Vie de sainte Bathilde (BHL 910)(3), datée par hypothèse des années 1200, il se souvient soudain d'un temps où les rois francs fondaient en Normandie des monastères qui bénéficiaient de leurs largesses. Il ne sait rien de la longue tradition relative à la reine mérovingienne — ou ne veut rien en conserver — mais produit une histoire longue qui referme pour Jumièges la parenthèse d'une protection ducale indépendante. Ce dossier est emblématique d'un tri normand dans l’historiographie héritée du monde franc; on doit chercher à savoir s'il est représentatif ou isolé.
- la production de manuscrits composites, hagiographiques et historiographiques : l'existence du manuscrit auj. Rouen, BM 1132 (anciennement Y 15) (G 23 dans le fonds de Jumièges, fin XIIe s.-XIIIe s.) témoigne d'une façon éloquente du rôle historiographique assigné à l'hagiographie; il est bien connu des spécialistes pour contenir une rédaction des Annales de Jumièges; il se trouve qu'il contient aussi cette troisième Vie de sainte Bathilde (BHL 910). Par l'étude de quelques dossiers comparables, c'est-à-dire en suivant le contexte manuscrit de transmission de Vitae normandes, on espère préciser à la fois le travail concret des historiens-hagiographes normands et leur façon de façonner le passé.
(1) R. McKitterick, "Postérité et transmission des œuvres historiographiques carolingiennes dans les manuscrits des mondes normands", in L'historiographie médiévale normande et ses sources antiques, P. Bauduin, M.-A. Lucas-Avenel (dir.), Colloque de Cerisy, PU de Caen, 2014, p. 25-40.
(2) J. Le Maho, "La production éditoriale à Jumièges vers le milieu du Xe siècle", Tabularia. Jumièges, foyer de production documentaire, mis en ligne le 22 octobre 2001.
(3) G. Huet, "La légende des énervés de Jumièges. Texte latin", BÉC 77 (1916), p. 197-216, aux p. 202-216.

Marie-Céline Isaïa, ancienne élève de la Rue d'Ulm, est maître de conférences habilitée à diriger des recherches en histoire du Moyen Âge de l'université Jean-Moulin Lyon 3. Chercheur du CIHAM-UMR 5648, elle consacre ses travaux à l'historiographie et à l'hagiographie latine du haut Moyen Âge et du Moyen Âge central. Elle a dirigé en 2018 la livraison des Cahiers de civilisation médiévale (61e année) et publie en 2019 avec François Bougard les actes du colloque Lyon carolingien (Brepols, HAMA).
Travaux principaux en lien avec le sujet du colloque
"Un Père grec dans l’hagiographie latine en Italie. Athanase à Milan et les Vies latines de saint Denys", Les Pères grecs en Italie, Colloque international de l'EFR, dir. A. Peters-Custot et C. Rouxpetel, sous presse.
"Histoire et hagiographie de saint Just, évêque de Lyon", Hagiographica. Rivista di agiografia e biografia XIX, Firenze, 2012, p. 1-30.
Mémoire inédit d'habilitation : Le temps et l'histoire dans les Vitae latines (VIIe-XIe s.), présentation du dossier le 5 novembre 2018 devant l'université de Nanterre.

Françoise LAURENT : "Ce qu'en l'estoire truis e vei / N'i vuil laisser ne oublier". La conquête de la Sicile dans la version de l'Histoire des ducs de Normandie de Benoît de Sainte-Maure
Dans sa Chronique des ducs de Normandie, composée dans le dernier tiers du XIIe siècle à la demande sans doute d'Henri II Plantagenêt, Benoît de Sainte-Maure a pour ambition de retracer, à la suite de Wace, auteur du Roman de Rou, les "vies" des ducs de Normandie depuis l'ancêtre et fondateur du lignage, Rollon, jusqu'au duc-roi Henri Ier sur le règne de qui s'achève son long récit. Alors que, conformément au modèle des textes sources, la narration suit toujours la chronologie des événements qui marquèrent la succession des principats normands, l'auteur vernaculaire prend dans la partie consacrée à Guillaume le Conquérant la liberté de rompre avec cette organisation chronologique pour dresser le récit de la conquête de la Sicile par les barons normands, Tancrède de Hauteville et son fils Robert dit "Guiscard". Dans les Gesta normannorum ducum d'Orderic Vital et de Robert de Torigni dont il s’inspire, l'histoire des Normands en Sicile est retracée en deux épisodes distincts, conformément à la chronologie des différentes phases de la conquête du pays qui s'étendit des années 1060 à 1130. Dans la version vernaculaire, elle se concentre en un long et unique récit qui se présente d'ailleurs dans le texte sous forme de décrochage :
Ce qu'en l'estoire truis e vei
Qu'autre i escristrent avant mei,
Qui digne i seit de reconter,
N'i vuil laisser ne oblier. (v. 38287-38290)
Appuyée sur la comparaison du texte roman avec sa source latine, l'analyse du passage ainsi annoncé permet d'étudier le travail de traducteur opéré par Benoît sur la matière dont il héritait et, surtout, de saisir les intentions qui président à la modification qu'il apporte. Placé, contrairement au texte source, avant le récit du conflit de la succession dynastique anglaise à la mort d'Édouard le Confesseur, l'épisode sicilien, loin d'être une digression, offre un éclairage politique sur l'histoire, en particulier sur la conquête normande de Guillaume dont il va traiter à la suite. Cette nouvelle configuration de l'histoire normande, voire la préfiguration de celle-ci, témoigne des réelles qualités d'un traducteur qui s'impose comme un historien.

Françoise Laurent, professeur de Langue et de Littérature médiévales à l'université Clermont Auvergne, fait porter ses travaux sur l'hagiographie et l'historiographie des XIIe et XIIIe siècles en territoire anglo-normand.
Publications
"Pour Dieu et pour le roi". Rhétorique et idéologie dans l'Histoire des ducs de Normandie de Benoît de Sainte-Maure, Champion, 2010.
En collaboration avec Laurence Mathey-Maille et Michelle Szkilnik, Des saints et des rois. L'hagiographie au service de l'histoire, Champion, 2014.

Mario LOFFREDO : "Et cum prius fuisset ferus et crudelis…" Les Normands et Roger II dans une chronique monastique de l'âge souabe
Dans le riche panorama de la production des chroniques du Mezzogiorno souabe, une œuvre d'origine monastique n'a guère retenu l'attention des chercheurs. Il s'agit de la soi-disant chronique de Sainte-Marie de Ferraria, rédigée autour des premières décades du XIIIe siècle par un moine anonyme de l'abbaye de Terra di Lavoro. La particularité de l'œuvre est que, malgré sa production dans un environnement monastique, les vicissitudes du conventus passent au second plan par rapport aux objectifs principaux de l'auteur, c'est-à-dire montrer les développements politiques qui ont affecté les Pouilles et la Campanie de l'arrivée des Normands jusqu'à l'échec de la Croisade de Frédéric II. Il s'agit donc d'une chronique politico-institutionnelle. Le récit de la formation du royaume et de la figure de Roger II prend une valeur particulière dans le texte. En fait, bien que dans la chronique n'émerge pas un sentiment "anti-normandes" tout court, l'auteur exprime la condamnation la plus claire contre le fondateur de la dynastie au pouvoir. Cependant, à la fin de sa vie, l'image de Roger présentée dans le texte du moine cistercien change complètement: de crudelis et avidus, le souverain devient pacificus et rectus. Ce changement de position est bien sûr lié aux intentions de l'auteur de la chronique de conférer une aura de légitimité au gouvernement normand. Cette communication étudiera donc la représentation de l'image des Normands et en particulier de Roger II dans la chronique cistercienne négligée, en soulignant les points de contact et les différences entre les diverses sources qui peuvent contribuer à approfondir le thème abordé.

Mario Loffredo est né à Lamezia Terme en 1988; il a fait ses études à l'université de Salerne où il a obtenu son master 2 en 2014 avec un mémoire en Histoire des institutions médiévales. Auprès de la même université, il a obtenu son doctorat avec une thèse sur Les Cisterciens dans le Midi médiéval (XIIe-XVe siècles) sous la direction d'Amalia Galdi. Pendant son travail de thèse, il a eu l'occasion d'approfondir l'étude d'un texte généralement négligé par les études existantes : la Chronique de l'abbaye de Santa Maria della Ferraria. Ses intérêts de recherche portent également sur la comparaison des différentes composantes culturelles du Midi au Moyen Âge et sur les institutions religieuses diocésaines, notamment sur les chapitres cathédraux.
Publications
"Présences slaves en Italie Méridionale (VIe-XIe siècles)", Schola Salernitana. Annali, 20, 2015, p. 11-46.
"Le Chapitre de la Cathédrale de Salerne entre Moyen Age et époque moderne", Schola Salernitana. Annali, 23, 2018, p. 7-50.

Christophe MANEUVRIER & Françoise VIELLIARD : Faut-il vraiment considérer la "Briev estoire del navigaige mounsire Jehan Prunaut" en Afrique comme une forgerie du XIXe siècle ?
Le récit portant le titre de "Briev estoire del navigaige mounsire Jehan Prunaut, roenois, en la tiere des noirs homes et isles a nous incogneus awecques les estranges façons de vivre des dits noirs et une colloque en lor language" a été publié par Pierre Margry en 1867 à partir d'une copie effectuée vers 1852 par Lucien de Rosny sur un manuscrit copié à Londres. Dès l'année suivante, Richard Henry Major affirma dans un ouvrage retentissant qu'il était tout à fait impossible que ce récit soit authentique et qu'il ne pouvait s'agir que d'un faux. Depuis la publication de l'ouvrage de Richard Henry Major, tous les historiens européens se sont rangés à cet avis. Charles de la Roncière et Raymond Mauny, en particulier, l'ont rejeté d'un revers de manche. Considéré depuis comme une forgerie, la "Briev estoiredel navigaige mounsire Jehan Prunaut" a été oubliée ou moquée, alors qu'elle n'a pourtant fait l'objet d'aucune étude critique poussée. C'est cette étude, à la fois linguistique, philologique et historique, que nous envisageons de présenter, afin de déterminer si ce texte doit être définitivement considéré comme une forgerie (et dans ce cas s'il est possible de déterminer les conditions de sa réalisation) ou si, au contraire, il pourrait contenir des éléments authentiques ou des éléments de réécriture indiquant que des marins normands ont bel et bien pu atteindre le Sénégal dans la seconde moitié du XIVe siècle.

Françoise Vielliard est professeur émérite à l'École nationale des chartes (philologie romane). Membre résident de la Société des antiquaires de France. Membre du conseil d'administration de la Société de l'Histoire de France. Organisatrice avec Gilles Désiré dit Gosset du colloque de Cerisy : "Léopold Delisle", octobre 2004 (actes publiés par Françoise Vielliard et Gilles Désiré dit Gosset, Saint-Lô, 2007).
Quelques publications liées au thème du colloque
"La culture des historiens anglo-normands : l'exemple de Thomas de Kent", dans Médiévales 16, Le travail sur le modèle, Articles recueillis par Danielle Buschinger, Amiens, 2002, p. 29-40.
"Richard Cœur de Lion et son entourage normand : le témoignage de l'Estoire de la guerre sainte", dans Bibliothèque de l'École des chartes, t. 160, 2002, p. 5-52.
"L'histoire des ducs de Normandie, du manuscrit à l'édition contemporaine : l'exemple du Roman de Rou de Wace", dans La place de la Normandie dans la diffusion des savoirs : du livre manuscrit à la bibliothèque virtuelle, Caen, 2006 (Congrès des sociétés historiques et archéologiques de Normandie, 11), p. 37-54.
"Les deux versions de la partie octosyllabique longue du Roman de Rou et leur postérité médiévale", dans Medioevo romanzo, t. 35, 2011, p. 33-57.
"Discussion. La traduction de l'Historia Normannorum d'Aimé du Mont Cassin. Une nouvelle (mais inutile) édition et un état de la recherche récente", dans Bibliothèque de l'École des chartes, t. 169, 2011, p. 269-283.
"De la première rédaction de la partie octosyllabique longue du Roman de Rou à la seconde. Étude des procédés d'amplification", dans Le texte dans le texte. L'interpolation médiévale, Études réunies par Annie Combes et Michelle Skilnik, Paris, 2013 (Rencontres, 49, série Civilisation médiévale, 4), p. 41-61.
""La plume guerrière". Serventois et sirventes politiques dans le royaume de France au temps de la régence de Blanche de Castille", dans Saint-Louis en Normandie. Hommage à Jacques Le Goff, Colloque de Cerisy, publié sous la direction de Jean-Baptiste Auzel et Jean-François Moufflet, Saint-Lô, Archives départementales, Maison de l'histoire de la Manche, 2017, p. 166-186.

Benjamin POHL : La mémoire de Robert de Torigni du Moyen Âge à aujourd'hui
Dans cette communication, j'examinerai comment on se souvint et on célébra Robert de Torigni (1106-86) et son héritage du douzième siècle jusqu'à nos jours. Pour commencer, je discuterai comment Robert a été commémoré par les moines de ses deux communautés monastiques, Le Bec-Hellouin et le Mont Saint-Michel, aussi bien pendant les années qui suivirent immédiatement sa mort que pendant les décennies suivantes. J'explorerai les raisons particulières pour lesquelles le souvenir de Robert a été perpétué, et le rôle que sa memoria a joué dans la mémoire collective et institutionnelle de ces deux monastères. Je me demanderai aussi si Robert a participé activement à la création de son propre héritage, comment cet héritage s'est développé et a changé au fil du temps, au moyen d'une analyse des méthodes qui ont été utilisées pour commémorer Robert pendant les siècles subséquents jusqu'à aujourd'hui. Par exemple, comment a-t-on traité la vie et les actes de Robert pendant les dix-huitième et dix-neuvième siècles, et comment peut-on comparer ce traitement avec, d'un coté, les souvenirs de Robert au Moyen Âge et, de l'autre, les évaluations scientifiques de sa carrière et de ses réalisations pendant ces dernières années ? En étudiant la mémoire de Robert de Torigni du Moyen Âge à l'époque moderne, cette présentation contribuera à la connaissance d'un des plus importants abbé-historiens du douzième siècle, qui est aussi l'un des plus complexes et des plus méconnus d'entre eux.

Benjamin Pohl est maître de conférences en Histoire médiévale à l'université de Bristol (Royaume-Uni). Il est spécialiste de l'histoire normande, du monachisme médiéval et des études paléographiques et codicologiques.
Il a publié plus de trente articles, ainsi que sa monogaphie Dudo of St. Quentin's Historia Normannorum : Tradition, Innovation and Memory (York Medieval Press, 2015). Il est en train de préparer son nouvel ouvrage intitulé Medieval Abbots and the Writing of History, c.1000–1300 (Oxford University Press).

Charles C. ROZIER : Maîtriser le temps dans l'Historia ecclesiastica d'Orderic Vital
L'Historia ecclesiastica (Histoire ecclésiastique) d'Orderic Vital, est l'une des œuvres les plus connues de l'histoire de la Normandie médiévale. Cette communication se propose d'examiner la notion du temps selon Orderic Vital, à partir des questions suivantes : quels textes ont éclairé ses idées sur le temps ? Comment a-t-il assigné des dates aux événements historiques ? Comment sa connaissance de la théorie du temps a-t-elle influencé son écriture de l'histoire ? Nous pouvons relever l'intérêt d'Orderic pour le concept du temps tout au long de l'Historia ecclesiastica, d'abord par le fait qu'Orderic connaissait de grandes chroniques et qu'il avait vu les successeurs de Marianus Scotus à Worcester et à Cambrai (HE, II, pp. 186-9). Nous savons aussi qu'Orderic avait contribué à la chronique de Saint-Évroult (conservée à Paris, Bibliothèque nationale de France, Manuscrit Latin 10062). On précisera d'abord les connaissances d'Orderic sur la théorie du temps, en présentant ses additions au MS Lat.10062, et notamment en identifiant dans les textes qu'il a ajoutés la nature de ses ajouts. Ensuite, j'examinerai comment cet intérêt se traduit dans Historia ecclesiastica d'Orderic par la datation des événements et la sélection des sujets abordés au sein de cette organisation. Cette communication devrait affiner notre compréhension des méthodes et motivations d'Orderic en tant qu'historien. Pour cela, on replacera son écriture de l'histoire dans le paysage intellectuel du XIIe siècle, en mettant en lumière le fait qu'Orderic était engagé dans des débats pointus sur le calcul du temps et la datation du monde. On montrera aussi comment l'écriture de l'histoire a permis à Orderic d'orienter sa communauté dans de vastes cadres temporels et géographiques et d'approfondir sa connaissance, à travers l'écriture du passé dans d'autres domaines connexes, tels que la chronographie, l'exégèse biblique, la théologie, etc…

Charles C. Rozier a étudié l'histoire à University of Kent, Cantorbery, de 2003 à 2006, et pour son doctorat à Durham University de 2008 à 2014. Il a travaillé comme Lecturer in Medieval History à Swansea University, 2016-18. Depuis Octobre, il travaille comme Lecturer in Medieval European History à Durham University. Ses recherches concernent l'écriture de l'histoire au Moyen Age (X-XIIe siècles). Il a écrit sur les historiens Symeon of Durham, Eadmer of Cantorbery et Orderic Vital.
Publications
Orderic Vitalis : Life, Works and Interpretations, éditeur avec Daniel Roach, Giles Gasper et Elisabeth van Houts, Woodbridge, Boydell Press, 2016.
Writing History in the Community of St Cuthbert, c.800-1150AD, York Medieval Press, 2019.
"Between History and Hagiography : Eadmer of Canterbury's vision of the Historia novorum in Anglia", Journal of Medieval History, 45, Fev. 2019.
"Repairing the Loss of the Past : the use of Written, Oral and Physical Evidence in the Ecclesiastical History of Orderic Vitalis", Historical Research, 2019.

Luigi RUSSO : Les difficultés de l'historien : panorama historiographique de l'Orient normand (XIIe siècle)
L'historiographie moderne a longtemps reconnu la ténue tradition manuscrite des textes concernant la présence des Normands dans le Mezzogiorno d'Italie. Notre intérêt est donc de vérifier les modalités et les formes de la production et de la transmission de l'histoire dans l'Orient latin au XIIe siècle, avec une référence particulière à la principauté d'Antioche, où les héritiers de Bohémond I d'Hauteville ont dominé la scène politique pendant plus de trente ans. En relisant la Gesta Francorum et aliorum Hierosolimitanorum, le Tancredus de Raoul de Caen, la Bella Antiochena de Gautier le Chancelier, nous nous efforcerons d'une part d'enquêter sur les événements textuels des ouvrages mentionnés et de reconstituer le contexte dans lequel ces travaux ont été réalisés.

Maître de conférences en histoire médiévale à l'université européenne de Rome, Luigi Russo est membre du CESN (Centro Europeo di Studi Normanni) et de l'OUEN (Office universitaire d'études normandes). Licencié en histoire médiévale à l'université de Bologne (1995), il a soutenu une thèse de doctorat à l'université de Turin sur les sources de la première croisade (1996-2000). Sa production scientifique compte plus de 50 titres, en particulier sur l'histoire des croisades aux XIIe-XVe siècles; son dernier livre est I crociati in Terrasanta. Una nuova storia (1095-1291), Roma, 2018.
universitaeuropeadiroma.academia.edu/LuigiRusso

Lydwine SCORDIA : Maîtriser le temps pour un jeune prince : le Rosier des guerres de Pierre Choinet, commandé par Louis XI pour le futur Charles VIII
Le Rosier des guerres est un traité en moyen français, commandé par Louis XI à son médecin et astrologue, Pierre Choinet, pour la formation du futur Charles VIII. Le texte dont je termine l'édition est inédit, il n'existe à ce jour qu'une "édition" non scientifique (1925) qui n'a retenu que 20% de l'œuvre. Le Rosier des guerres a une structure déroutante, il contient des conseils politiques et militaires, suivis d'une chronique historique qui part des origines troyennes et s'arrête en 1470, date de naissance du dauphin Charles — ce sont les 80% jamais édités. La chronique historique est accompagnée de manchettes astrologiques rédigées en latin. Les trois parties (conseils, chronique, manchettes), apparemment juxtaposées, fonctionnent ensemble : la compréhension d'une partie dépend de celle des deux autres. C'est sur la chronique et la centaine de manchettes astrologiques du Rosier des guerres que j'aimerais attirer l'attention dans le cadre de l'Axe n°1 ("Dans l'atelier de l'historien"). En effet, Pierre Choinet, l'auteur "astrologien", propose au futur Charles VIII une lecture de l'histoire au regard de l'astrologie, lui offrant par là même une grille de compréhension pour le temps futur et partant une maîtrise du temps.

Lydwine Scordia soutiendra au 1er semestre 2019 son HDR sur Pierre Choinet, l'auteur du Rosier des guerres, un traité polymorphe (conseils, chronique et astrologie) commandé par Louis XI pour le futur Charles VIII. Le document inédit mettra à disposition des chercheurs un texte du corpus politique du XVe siècle.
Publications
"La statue funéraire de Louis XI : les trois corps du roi", in Images, pouvoirs et normes. Exégèse visuelle de la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles), dir. Franck Collard, Frédérique Lachaud et Lydwine Scordia, Paris, Garnier, 2018, p. 317-342.
Louis XI. Mythes et réalités, Paris, Ellipses, "Biographies et mythes historiques", 2015, 528 pages.
Pierre Choinet, Le Livre des trois âges, fac-similé du Smith-Lesouëf 70 de la BnF, éd. Lydwine Scordia, préface de Jean-Patrice Boudet, Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 266 pages.

Antonio TAGLIENTE : La "destruction de la seignorie de li Longobart". Écriture, exégèse et traduction de l'Ystoire de li Normant, entre princes, saints et "faux prophètes"
L'Ystoire de li Normant d'Aimé du Mont Cassin est l'un des témoignages les plus intéressants de la situation sociale et politique du Mezzogiorno lombard-normand. Les caractères spécifiques du texte viennent de la grande qualité des informations que le salernitain Aimé fournit au lecteur, mais aussi du fait que l'Ystoire a survécu seulement à travers une traduction tardive et originale. Cette communication montrera comment le traducteur présente le siège de la ville de Salerne (1076-1077). L'histoire se déroule à travers des épisodes emblématiques, insérés dans le texte d'Aimé pour faire entrer en scène, aux côtés des grands acteurs politiques du temps, des saints de la ville, des princes morts, des faux prophètes et des "martyrs" inhabituels. Ce mécanisme du récit produit un chevauchement des plans historique et hagiographique, donnant lieu à des épisodes uniques maîtrisés et commentés par le traducteur, qui amène le lecteur jusqu'à la "destruction de la seignorie de li Longobart".

Antonio Tagliente ha discusso, nel 2017, una tesi di dottorato sulla Langobardia meridionale nel X secolo. Le sue ricerche (2016-2018) si sono concentrate sulla prosopografia delle élites meridionali, sull’assetto diocesano campano e, in particolare, sulla produzione cronachistica italica dei secoli X e XI. Il II libro dell'Ystoire de li Normant è stato al centro del contributo De toutes pars sonne lo nom de Guaymere. Genio diplomatico e fallimento politico del principe di Salerno Guaimario IV (1027-1052), presso il convegno internazionale Dal Ducato al Principato. I Longobardi del Sud.

Lucile TRAN-DUC : Une entreprise mémorielle dans l'abbaye de Fontenelle au XIe siècle : l'œuvre du moine Guillaume
Aux Xe et XIe siècles, la fondation de la principauté normande (911) et le mouvement de restauration monastique qui l'accompagne sont marqués par de nombreuses entreprises historiographiques. Parmi celles-ci se distinguent plus particulièrement l'œuvre de Dudon de Saint-Quentin ainsi que les textes composés dans le scriptorium fécampois. Le monastère de Fontenelle, restauré par des moines originaires de Saint-Pierre de Gand, est également un foyer de production historiographique. Y officie entre autres le moine Guillaume. Celui-ci, loin de développer le mythe de la table rase comme ce peut être le cas à Fécamp, s'attache au contraire à tracer un trait d'union entre l'abbaye pré-normande et son établissement. On lui doit la composition d'un sacramentaire (Rouen, Bm, ms. 272) destiné à servir les besoins du culte ainsi que la collecte de textes en circulation concernant le passé de Fontenelle : les Gesta abbatum Fontanellensium, divers récits hagiographiques tels que la Vita altera et les Miracula sancti Wandregesili, la Vita sancti Ansberti, la Vita sancti Vulframni ou encore la Vita sancti Condedi, diverses pièces liturgiques en l'honneur de ces saints telles que des hymnes et des offices mais aussi plusieurs listes de moines, d'archevêques et de rois. Ceux-ci forment la première partie du Maius Chronicon Fontanellense, actuellement conservé à la Bibliothèque municipale du Havre (ms. 332). Ce manuscrit constitue l'une des principales sources pour aborder le passé pré-normand de Fontenelle. Néanmoins, il importe de ne pas oublier que le moine Guillaume, tant dans son sacramentaire que dans son entreprise de copie, procède à un tri. Il écarte un certain nombre de textes composés dans le monastère de Fontenelle ou de fêtes en vigueur avant la fuite des moines et connus par ailleurs. C'est précisément sur ce processus mémoriel que la communication proposée compte s'interroger. Sur quels fondements s'effectue la distinction entre ce qui est digne de mémoire et ce qu'il convient, ce qu'il est possible d'oublier aux yeux du moine Guillaume ? Quelle histoire de son monastère tente-t-il d'écrire ? En quoi façonne-t-il un passé correspondant aux défis qu'a à relever la communauté restaurée de Fontenelle ainsi qu'aux structures mentales et sociales du XIe siècle ?

Emily A. WINKLER : Wace, the Anglo-Norman Past, and the History of Human Experience
Cette communication, recherche la proximité et l'intimité avec les auteurs. Je vais discuter la recherche par les historiens normands médiévaux des mêmes choses — la proximité et l'intimité — dans l'histoire humaine. Comment devrions-nous considérer les éléments d'empathie et de compassion dans les livres des historiens normands, compte tenu de la vision plus naturaliste du sentiment humain qui s'est développé au haut Moyen Âge ? Les principales sources pour cette communication sont les œuvres d'Orderic Vitalis, Anselm de Bec, le Roman de Rou et les écrits hagiographiques de Wace.

Dr Emily A. Winkler est membre de St Edmund Hall et de la faculté d'histoire de l'université Oxford. Elle est l'auteur de Royal Responsibility in Anglo-Norman Historical Writing (Oxford, 2017) et la co-éditrice de Discovering William of Malmesbury (Woodbridge, 2017). Elle sera Humboldt Research Fellow à l'université Mainz (été 2019). Elle dirigera ensuite un projet de recherche à l'université Oxford, financé par Arts and Humanities Research Council : "The Search for Parity : Rulers, Relationships and the Remote Past in Britain's Chronicles, c. 1100–1300".

Programme 2019 : un des colloques

Programme complet


SCIENCES, TECHNIQUES ET AGRICULTURES


DU LUNDI 16 SEPTEMBRE (19 H) AU DIMANCHE 22 SEPTEMBRE (14 H) 2019

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Patrick CARON, Frédéric GOULET, Bernard HUBERT, Pierre-Benoît JOLY

Colloque organisé à l'initiative du Cercle des partenaires


ARGUMENT :

À l'heure où se reconfigurent les relations entre sciences et sociétés, entre homme, technique et nature, ce colloque vise à faire le point sur le chemin parcouru dans le domaine agricole, et à construire de nouveaux espaces de pensée pour la recherche agronomique.

Il traitera des nouveaux régimes de production des connaissances et des technologies (A) : montée des régulations marchandes et civiques et des controverses associées ; nouvelles formes de management des métiers de la recherche agronomique ; question de l'utilité sociale et de l'impact de cette dernière ; changements dans la hiérarchie des savoirs et des disciplines scientifiques. Nous discuterons également des modes de gouvernance des sciences et des technologies à l’aune des grands défis sociétaux (B) qui orientent les agendas pour définir des futurs souhaitables : les défis, les transitions et les nouveaux imaginaires qui organisent aujourd'hui les mondes technoscientifiques liés à l'agriculture. L'évolution du financement de la recherche, et la volatilité des concepts ou des paradigmes qu'elle contribue à élaborer, seront également au cœur de la réflexion. Enfin, un troisième axe abordera les nouvelles formes d’organisation de la recherche et de l’innovation dans un monde globalisé (C) : de la science globalisée à la promotion des savoirs locaux, de l'État-Nation aux acteurs privés transnationaux dans la recherche, l'enjeu sera ici de penser les nouvelles formes d'insertion sociales et géographiques des sciences et des techniques agricoles.

Le colloque alternera conférences plénières et ateliers. Des visites et débats seront organisées notamment au Lycée agricole de Saint-Lô Thère et dans plusieurs fermes avoisinantes. Au-delà des contributeurs, il est ouvert à celles et ceux, professionnels et chercheurs, qui s'intéressent aux questions soulevées et souhaitent participer aux discussions.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 16 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mardi 17 septembre
A - NOUVEAUX RÉGIMES DE PRODUCTION DES CONNAISSANCES ET DES TECHNOLOGIES (I)
Matin
Transformations de l'organisation de la recherche agronomique : enjeux épistémiques, politiques, économiques
Mireille MATT [Inra] : Transformation de l'organisation de la recherche agronomique : évolution des équilibres géopolitiques et implications
Pierre-Benoît JOLY [Inra] : Futurs de l'agriculture et économie politique des connaissances scientifiques et techniques

Alternatives, émergences, innovations. Les techniques productives en débat
Frédéric GOULET [Cirad] & Nathalie JAS [Inra] : Technologies et productions agricoles. Rétrospective et axes programmatiques

Après-midi
Table ronde 1, animée par Frédéric GOULET, avec Sara ANGELI AGUITON [CNRS] (Économie politique de la machine agricole. Incitations, pratiques et critiques de la mécanisation de l'agriculture en France [1945-2018]), Stéphane BELLON [Inra] (Un point de vue d'agronom(ad)e), Fabrice CLERC [L'Atelier Paysan] et Eve FOUILLEUX [CNRS] (Modèles, alternatives, controverses. Les politiques agricoles et alimentaires dans la tourmente)

Table ronde 2, animée par Pierre-Benoît JOLY, avec Claude COMPAGNONE [AgroSup Dijon] (Nouveaux régimes de production de connaissances et transformations des autorités épistémiques), Benoit DAVIRON [Cirad] (Qu'est-ce que la bioéconomie fait (ou plutôt pourrait faire) à la recherche agronomique ?), Jean-Paul GAUDILLIÈRE [Inserm, EHESS] (Crise de l'innovation ?) et Raphaël LARRÈRE [Inra] (L'ouverture de possibles techniques hors des sentiers battus)

Vernissage de l'exposition "Machines et bâtiments agricoles libres : des Communs en exposition" proposée par Fabrice CLERC [L'Atelier Paysan]

Soirée
Projection présentée par Lucile GARÇON : "La multifonctionnalité du pastoralisme : pour qui et pour quoi ? Croiser les regards pour élever le débat"


Mercredi 18 septembre
C - NOUVELLES FORMES D'ORGANISATION DE LA RECHERCHE ET DE L'INNOVATION DANS UN MONDE GLOBALISÉ (I)
Matin
La réponse de la recherche finalisée aux "grands défis sociétaux"
Pierre CORNU [Univ. de Lyon] & Marion GUILLOU [Agreenium] : Historiens et acteurs de l'histoire du temps présent en dialogue. Les enjeux de la refondation du triangle sciences-techniques-agricultures au miroir de la réforme de l'Inra des années 1997-2004 [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Table ronde 3, animée par Pierre-Benoît JOLY, avec Bernadette BENSAUDE-VINCENT [Univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne] (Gouverner par les mots), Elisabeth CLAVERIE DE SAINT-MARTIN [Cirad] (La recherche finalisée au CIRAD : mandat de développement et modalités d'appui aux politiques publiques), Christian HUYGHE [Inra] (Comment l'écosystème de recherche agronomique peut-il s'organiser, quelles compétences sont nécessaires, pour prendre au sérieux les grands défis ?) et Sylvain PERRET [Cirad] (Face aux défis globaux, repenser performance et évaluation dans les dispositifs de recherche engagée)

Après-midi
"HORS LES MURS" — Visites de terrain en trois groupes
A - Ferme de Christian Quesnel [Saint-Denis-le-Gast] & Ferme des frères Enée (agroécologie) [Notre-Dame-de-Cenilly]
B - Ferme de Guy Bessin (vaches laitières bio, panneaux solaires, séchage du foin) [Saint-Georges-d'Elle] & Visite de l'entreprise de matériel agricole Blanchard Agriculture [Condé-sur-Vire]
C - Visite du hall technologique du Lycée de Saint-Lô Thère & Ferme de Stéphane Le Mazurier (atelier bovin lait robotisé, atelier volaille industriel chauffé par méthaniseur et tracker pour production d’électricité) [Montreuil-sur-Lozon]

Soirée
Discussion avec les personnes rencontrées dans l'après-midi


Jeudi 19 septembre
"HORS LES MURS" — AU LYCÉE SAINT-LÔ THÈRE
Matin
Rencontre avec les enseignants et les élèves sur la place des technologies, de l'agroécologie, des enjeux sociétaux, etc. dans la formation

Après-midi
SÉANCE PUBLIQUE
B - GOUVERNER LES SCIENCES ET LES TECHNOLOGIES À L'AUNE DES GRANDS DÉFIS SOCIÉTAUX (I)
Olivier de SCHUTTER [Univ. Catholique de Louvain] : Sécurité alimentaire et souveraineté alimentaire : la concurrence des paradigmes [intervention vidéo]
Patrick CARON [Cirad, Univ. de Montpellier] : Gouvernance de la sécurité alimentaire : comment l'échelle mondiale s'impose ? … ou non ?

Table ronde 4 - La sécurité alimentaire comme problème global, animée par Bernard HUBERT [Inra, EHESS], avec Antoine BERNARD DE RAYMOND [Inra] (La sécurité alimentaire comme "défi global". La mobilisation de la recherche scientifique autour de questions transversales), Allison Marie LOCONTO [Inra/Fao] (La sécurité alimentaire comme problème global vu à travers ses métriques) et Sébastien TREYER [Iddri] (La fabrique des futurs du système alimentaire mondial)


Vendredi 20 septembre
Matin
B - GOUVERNER LES SCIENCES ET LES TECHNOLOGIES À L'AUNE DES GRANDS DÉFIS SOCIÉTAUX (II)
Table ronde 5 - La question animale – La recherche agronomique face aux mobilisations sociales et nouveaux enjeux de société, animée par Benoît DEDIEU [Inra], avec Elsa DELANOUE [Idele] (Le projet ACCEPT : une analyse de la controverse autour de l'élevage), Antoine DORÉ [Inra] (L'innovation génomique comme réponse à "la question animale" : économie morale d'une biotechnologie), Pierre LE NEINDRE [Inra] ("Faire causer l'animal"), Jérôme MICHALON [CNRS] (La résistible ascension de l'éthique ? Sciences sociales et question animale) et Jocelyne PORCHER [Inra] (Cause animale, cause des animaux ?)

Démocratie technique : quelles formes de maîtrise des nouvelles technologies ?
Marie-Angèle HERMITTE [EHESS] : Les commandes : gouverner les sciences et les techniques ; formes de maîtrise des technologies ; démocratie technique

Après-midi
Thomas HEAMS [AgroParisTech] : Le vivant et ses échappées : questionner les frontières, repenser la maîtrise

Table ronde 6 - Agricultures numériques, animée par Frédérick GARCIA [Inra] (Retour d'expérience sur un dispositif de recherche en agriculture numérique), avec Guy FAURE [Cirad] (La difficile construction de services de conseil mobilisant le numérique en Afrique), Nathalie HOSTIOU [Inra] (L'élevage de précision : révolution du travail des éleveurs ?) et Jérémie WAINSTAIN [Green Data] (Accompagner les transitions agricoles)

Table ronde 7 - Édition du Génome. Maîtrise des nouvelles technologies ?, animée par Pierre-Benoît JOLY, avec Jean-Christophe GLASZMANN [Cirad] (Édition du génome… linguistique et alphabétisation), Sélim LOUAFI [Cirad] (Édition du génome — Pour une recherche impliquée et responsable) et Christine NOIVILLE [CNRS] (Génomique et démocratie technique : un bilan mitigé)

Soirée
Proposition de contre-point et invitation à la réflexivité par le groupe d'animation transversale


Samedi 21 septembre
Matin
C - NOUVELLES FORMES D'ORGANISATION DE LA RECHERCHE ET DE L'INNOVATION DANS UN MONDE GLOBALISÉ (II)
Gouvernance internationale de la recherche agricole
Étienne HAINZELIN [Cirad] : Construire une orchestration de la recherche agricole internationale par les partenariats
Bernard HUBERT : Gouverner l'incommensurable ? Un moment critique pour la recherche agricole

Table ronde 8, animée par Pierre-Benoît JOLY, avec Pierre FABRE [Cirad], Catherine MOREDDU [OCDE] (Gouvernance internationale de la recherche agricole : le rôle des pays de l'OCDE et du G20) et Michel PETIT [IAM-M] (Gouvernance internationale de la recherche agronomique : réflexions à la lumière de mon expérience)

Après-midi
B - GOUVERNER LES SCIENCES ET LES TECHNOLOGIES À L'AUNE DES GRANDS DÉFIS SOCIÉTAUX (III)
Table ronde 9 - Recherche et technologies agricoles face au changement climatique, animée par Pierre FABRE, avec Jean-Paul BILLAUD [CNRS] (Opportunités et difficultés d'une recherche, nécessairement interdisciplinaire, confrontant agriculture et changement climatique : réflexions à partir de deux expériences), Amy DAHAN [CNRS] (Revisiter la trajectoire du problème climatique depuis 25 ans : du global à la re-territorialisation et l'épaississement des solutions) et Jean-Marc TOUZARD [Inra] (Changement climatique et engagement de la recherche agronomique dans un régime médiatique et participatif)

A - NOUVEAUX RÉGIMES DE PRODUCTION DES CONNAISSANCES ET DES TECHNOLOGIES (II)
Table ronde 10 - L'agroécologie en question, animé par Xavier ARNAULD DE SARTRE [CNRS], avec Marc BARBIER [Inra] (L'agro-écologie entre syncrétisme politique et pluralité épistémique), Marianne CERF [Inra] (Régime de conception de l'agroécologie), Marion CHARBONNEAU [Univ. de Pau] (La mise en œuvre de la transition agroécologique dans les territoires : les logiques spatiales des échanges de savoirs dans les collectifs de Nouvelle-Aquitaine) et François COTE [Cirad] (Transition agroécologique des agricultures du Sud : retour d'expériences et nouveaux défis)


Dimanche 22 septembre
Matin
Conclusions, échanges et perspectives

Après-midi
DÉPARTS


PENDANT LA DURÉE DU COLLOQUE :

Animation transversale, avec la participation de Alexis AULAGNIER, Lidia CHAVINSKAIA, Lise CORNILLEAU, Lucile GARÇON, Clara JOLLY, Sergio MAGNANI, Lucile OTTOLINI, Nicolas PRIGNOT, Louis RÉNIER et Esther SANZ SANZ


POUR DONNER SUITE AU COLLOQUE…

"Quelles contributions de la recherche dans des transitions vers des systèmes agri-alimentaires durables ?", conférence organisée à l'École des Mines, le 10 février 2020





RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Alexis AULAGNIER
Alexis Aulagnier est doctorant en sociologie au Centre de Sociologie des Organisations de SciencesPo Paris. Ses recherches portent sur les politiques publiques agricoles et s'inscrivent dans les champs de la sociologie de l'action publique, de la sociologie économique, et de la sociologie des sciences et des techniques. Ses travaux ont été valorisés dans le cadre d'un article co-signé avec Frédéric Goulet dans la revue Sociologie du travail.

Sara AGUITON
Au croisement des études sociales des sciences et des techniques, de la sociologie des risques et de l'environnement, les recherches de Sara Aguiton portent sur les risques émergents et leur régulation. Sa thèse a été consacrée à l'étude des politiques des risques de la biologie synthétique, et a donné lieu à la publication du livre La démocratie des chimères, gouverner la biologie synthétique paru en 2018 au Bord de l'eau. Ses recherches actuelles portent sur le rôle de l'assurance et de la finance dans le gouvernement des risques climatiques. Elle a récemment publié un article intitulé "Fortune de l'infortune. Financiarisation des catastrophes naturelles par l'assurance" dans la revue Zilsel. Elle est également engagée dans le projet de recherche collective et interdisciplinaire financé par l'IFRIS sur l'économie politique du machinisme agricole en France depuis 1945.

Xavier ARNAULD DE SARTRE
Xavier Arnauld de Sartre est directeur de recherches au CNRS et titulaire d'une chaire senior à l'université de Pau et des Pays de l'Adour sur "les territoires dans les transitions énergétiques et territoriales". Ses travaux portent sur les contradictions entre conservation et développement en matière agricole, notamment au niveau international (autour de la notion de services écosystémiques), et dans différents terrain : Amazonie, Pampa Argentine, France. Depuis 2015, il coordonne un projet de comparaison tri-national France-Brésil-Argentine sur l'institutionnalisation des agroécologies, qui étudie la manière dont la reconnaissance de l'agroécologie transforme les propositions de cette dernière.

Marc BARBIER : L'agro-écologie entre syncrétisme politique et pluralité épistémique
Cette communication propose une synthèse de l'étude des différents genres de discours que reçoit l'agro-écologie dans différentes arènes ainsi que les accords et désaccords formulés à l'endroit de sa définition et de la mise en œuvre d'activités de développement agricole et d'innovation fondé sur son énonciation politique. Les oppositions entre différentes conceptions de l'agro-écologie sont alors analysées comme un mode d'existence des transformations très contemporaines de l'agronomie et d'une forme de syncrétisme politique qui établit une re-sectorialisation du traitement des problèmes posés les déboires de modernisations agricoles répétées.

Marc Barbier, agro-économiste de formation et docteur en gestion est directeur de recherche à l'INRA. Il conduit des recherches sur les transformations du régime de production de connaissance et d'innovation en agriculture avec un ancrage dans les Études Sociales et Historiques des Sciences et des Techniques, qui l'a conduit à contribuer au développement de la Revue d'Anthropologie des Connaissances. Il a créé l'unité propre INRA Sciences en Société et dirigé la plateforme CorTexT. Il est actuellement Directeur de l'IFRIS.

Stéphane BELLON
Stéphane Bellon est ingénieur agronome de formation. Il est chercheur à l'Inra, et basé à Avignon dans l'unité Ecodéveloppement. Il participe à la mise en œuvre de recherches sur le développement de l'agriculture biologique et de l'agroécologie en Europe, et travaille de longue date sur des formes d'agriculture à base écologique. Il s'intéresse particulièrement à la construction et à la dynamique de systèmes complexes comportant
plusieurs strates de végétation et espèces (végétales et animales).

Lise CORNILLEAU
Lise Cornilleau a préparé une thèse de sociologie intitulée Gouverner la faim dans le monde ? Le paradigme de la sécurité alimentaire mondiale, ses instruments et ses critiques (1974-2014) en codirection à l'université Paris-Est (LISIS) et à Sciences Po (CSO). Ses recherches sur les modèles agricoles globaux ont été publiées dans la Revue d'Anthropologie des Connaissances et dans un article à paraître dans Science & Technology Studies. Avec Sara Angeli Aguiton et Lydie Cabane, elle a co-organisé grâce au soutien de l'IFRIS un séminaire intitulé "La fabrique et le gouvernement des crises" qui a donné lieu à la préparation d'un dossier à paraître dans la revue Critique Internationale. Elle engage à la rentrée 2019 un post-doctorat à l'Institut des Sciences sociales du Politique (CNRS-Paris Nanterre-ENS Paris-Saclay).

Pierre CORNU & Marion GUILLOU : Historiens et acteurs de l'histoire du temps présent en dialogue. Les enjeux de la refondation du triangle sciences-techniques-agricultures au miroir de la réforme de l'Inra des années 1997-2004
Pensée depuis la création de l'Inra en 1946 sur le modèle d'inspiration fordiste d'une diffusion descendante des résultats scientifiques produits en laboratoire et en domaines expérimentaux vers des secteurs de production bien délimités, la recherche agronomique publique française s'est heurtée à la fin du XXe siècle à une double crise, à la fois de résistance croissante des bioressources à leur saisie réductionniste, et de contestation par une fraction croissante de la société — consommateurs, citoyens, militants, y compris scientifiques — des produits de cette recherche. Plantes et animaux, intrants et effluents, procès et produits, exploitations et environnement, ne pouvaient plus être considérés par la recherche publique comme les objets distincts d'innovations renvoyant à une rationalité générale incontestable, mais s'affirmaient de manière de plus en plus forte comme les éléments de systèmes dynamiques affectés par des vulnérabilités préoccupantes et par des enjeux éthiques et sociétaux majeurs.
Survenant au terme d'un processus historique de longue haleine de libéralisation et d'internationalisation de l'économie de la connaissance, cette crise constituait une menace existentielle pour la recherche publique appliquée à l'agriculture, mise au défi de se réinventer et de se re-légitimer à la fois aux yeux de la société, des pouvoirs publics et des mondes agricoles et industriels, tout en répondant aux menaces de plus en plus fortes pesant sur les écosystèmes cultivés.
Fondée sur l'hypothèse de la fécondité heuristique d'un dialogue entre chercheurs et acteurs dans l'exploration des enjeux du temps présent, et sur l'expérience de la co-construction d'une analyse du cycle de réformes de l'Inra au tournant des années 2000, cette conférence à deux voix se veut la mise en partage d'une réflexivité historique sur l'émergence d'une économie et d'une politique de la connaissance à l'échelle globale sur les objets interconnectés de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement.

Pierre Cornu est professeur d'histoire contemporaine et d'histoire des sciences à l'université Lyon 2, membre du Laboratoire d'études rurales de Lyon. Ses travaux portent sur le développement agricole et rural en France de la fin du XIXe siècle à nos jours, dans son lien avec la dynamique des sciences appliquées et l'émergence de la question environnementale.
Publication
Avec Egizio Valceschini et Odile Maeght-Bournay, L'histoire de l'Inra entre science et politiques, Quae, 2018.

Marion Guillou est présidente d'Agreenium, ancienne directrice générale de l'Alimentation au ministère de l'Agriculture (1996-2000), ancienne directrice générale (2000-2004) puis présidente directrice générale de l'Inra (2004-2012).
Publication
Avec Gérard Matheron, Neuf milliards d'hommes à nourrir, un défi pour demain, F. Bourin éditeur, 2011.

Elsa DELANOUE : Le projet ACCEPT : une analyse de la controverse autour de l'élevage
Le regard que la société française porte sur l'élevage évolue du fait des transformations sociales et de l'évolution importante des systèmes de production. Face à ces enjeux, les points de vue des acteurs, des filières et de la société ont été analysés sur l'élevage ainsi que les remises en cause dont il fait l'objet. À partir d'enquêtes qualitatives et quantitatives et d'un cadrage théorique en sociologie des controverses, nous montrons, d'une part, que les attentes des citoyens envers l'élevage sont variées mais qu'une sensibilité envers le bien-être des animaux est en passe de se généraliser, et, d'autre part que ces attentes sociétales commencent à être considérées sérieusement par le monde de l'élevage dans l'adaptation de ses pratiques. Cinq visions pour l'élevage de demain, portées par différents profils d'acteurs, coexistent au sein de la société : les abolitionnistes, les alternatifs, les progressistes, les compétiteurs et les indifférents.

Elsa Delanoue est agronome et sociologue au service des Instituts Techniques Agricoles des filières animales, spécialisée dans l'analyse des relations entre élevage et société. Elle est titulaire d'un doctorat de sociologie depuis 2018, sa thèse portant sur les débats et mobilisations autour de l'élevage (analyse d'une controverse).
Publications
Delanoue E. et al., 2018, "Regards croisés entre éleveurs et citoyens français : vision des citoyens sur l'élevage et point de vue des éleveurs sur leur perception par la société", INRA Productions Animales, 31 (1), 51-68.
Delanoue E. et al., 2018, "Livestock farming systems and society : identification and analysis of key controversies from the perspective of different stakeholders", 13th European IFSA Symposium, 1-5 July 2018, Chania (Greece), 1-14.

Antoine DORÉ : L'innovation génomique comme réponse à "la question animale" : économie morale d'une biotechnologie
L'organisation des activités d'élevage fait aujourd'hui l'objet d'une multitude de recompositions induites par un nombre croissant d'innovations qui bouleversent nos manières de gérer et de gouverner les animaux. Ce diagnostic général est particulièrement saillant dans le cadre des activités de sélection et de reproduction des animaux marquées par deux tournants intimement liés : (1) un tournant génomique (lié notamment au développement du séquençage haut-débit); (2) un tournant informationnel (lié notamment au développement des technologies numériques d'information et de communication). Partant d'un travail d'enquête sur les pratiques et l'organisation de la sélection génomique des vaches laitières en France et aux Etats-Unis, cette communication vise à décrire la manière dont les sciences animales, à travers leur contribution à l'innovation technologique, participent à la transformation des dynamiques de production, de circulation et d'accumulation des valeurs relatives à la maîtrise (productive et non productive) des animaux d'élevage.

Antoine Doré est chargé de recherche en sociologie à l'INRA. Ses travaux portent sur les modalités de gouvernement et de gestion du vivant dans les champs de l'agriculture et de l'environnement. Il s'attache notamment à analyser les modalités de construction des métriques et des standards (biologiques, techniques, informationnels) par lesquels les acteurs coordonnent leurs connaissances et leurs actions relatives à la maîtrise (productive et non productive) des vivants non-humains - en particulier des animaux.
Publication
Doré A., Michalon J. (2017), "What makes human-animal relations "organizational" ? The description of anthrozootechnical agencements", Organization, 24 (6), 761-780.

Marc DUPONCEL
Marc Duponcel est ingénieur agronome, docteur en économie. Il a travaillé à la FAO pendant cinq années avant de rejoindre la Commission européenne. Il est actuellement chef de secteur "recherche" dans l'unité "recherche et innovation" de la Direction générale de l'agriculture et du développement rural. Dans ce cadre, il coordonne la programmation stratégique ainsi que le programme de travail. Il s'occupe aussi des aspects politiques (notamment préparation d'Horizon Europe) et aussi des questions globales (participation aux réunion du G-20 des chief agricultural scientists).

Guy FAURE : La difficile construction de services de conseil mobilisant le numérique en Afrique
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication se développent en Afrique et modifient la manière d'organiser et de faire du conseil en agriculture. Les NTIC permettent d'acquérir des données, de les stocker, les traiter et enfin de les diffuser ou partager. En Afrique, l'acquisition des données par divers capteurs est encore rare (exception, images satellites). Au Burkina les expériences de conseil avec les NTIC (15 expériences analysées) permettent de de faire du conseil technique en agriculture et élevage, de diffuser des informations sur les prix des produits agricoles et sur la météorologie, voire de délivrer un conseil plus spécifiques (conseil à l'exploitation par exemple). Souvent un bouquet de services peut être proposé. La plupart des services (11 cas) demande une connexion à internet alors que seulement 11% des personnes y accèdent facilement. Certains services (5 cas) demandent un téléphone simple (80% des personnes ont un tel téléphone). Cependant l'interaction entre l'agriculteur et le fournisseur de conseil (et donc permettant une forme de co-construction du conseil) n'est observée que dans peu de cas (4 cas). Ce sont les conseillers qui utilisent les NTIC et permettent alors une forme d'intermédiation (7 cas). Dans beaucoup de cas l'interaction est absente (5 cas), l'agriculteur recevant seulement de l'information. La valorisation des connaissances locales pour est rare (1 cas). Très peu de services cherchent à comprendre les besoins des agriculteurs en matière de conseil et peu d'études analysent l'usage de ces nouveaux services par les agriculteurs.
Les services offerts sont donc à ce jour relativement décevants. Une explication forte est la complexité de la construction d'un service qui réponde à la demande des agriculteurs. La construction d'un tel service demande la collaboration d'acteurs appartenant à des mondes différents. Bien sûr des acteurs du monde des agriculteurs et celui du conseil (ou des acteurs intervenant dans le développement rural) mais aussi des acteurs qui sont nouveaux dans le domaine du développement (les opérateurs de téléphonie, des informaticiens et gestionnaires de base de données). Les visions de ces acteurs sur ce que doit être un service de conseil et comment il doit fonctionner sont fort différentes, voire divergentes. De plus, dans le contexte actuel, la recherche d'un modèle économique et d'une volonté de partage de la valeur engendrent des tensions et des difficultés de construction du service.
Le cas d'un service "321" qui visent à fournir des informations aux agriculteurs sur les techniques agricoles et les prix des produits agricoles, via un centre d'appel téléphonique géré par Orange, montre la complexité du processus de construction (les connaissances sont fournies par la recherche et des ONG ; le ministère de l'agriculture valide ces connaissances, plusieurs ONG traitent et reformulent ces connaissances ou fournissent des éléments utiles à la construction des services, une entreprise sert "d'assemblier" et établit le call center, des entreprises informatiques sont mobilisées pour développer la plateforme, Orange diffuse et vend le service).
Le développement de services de conseil répondant à la demande des agriculteurs demande à mieux penser la conception de ses services en (i) associant des agriculteurs et des organisations de producteurs dans différentes phases de conception, (ii) valorisant aussi les connaissances locales, et (iii) en favorisant des services qui facilitent des processus d'apprentissage.

Guy Faure est directeur de l'unité mixte de recherche "Innovation et Développement" à Montpellier (France). Ses recherches en sciences de gestion portent sur les dispositifs de conseil agricole (méthodes de conseil, compétences des conseillers, financement des organisations de conseil, gouvernance des dispositifs de conseil) et sur les processus d'innovation en milieu rural (systèmes d'innovation, relation recherche-conseil, impact de la recherche, rôle des organisations paysannes). La plupart de ces travaux portent sur l'Afrique de l'Ouest et l'Amérique Latine.

Nathalie HOSTIOU : L'élevage de précision : révolution du travail des éleveurs ?
Si l'allègement de la charge de travail est mis en avant comme un des facteurs favorisant l'adoption de technologies de précision dans les élevages, ses conséquences sur le travail restent encore peu connues. Le temps parfois gagné avec ces outils est souvent réinvesti dans des tâches de production (augmentation de la taille des ateliers), de pilotage de l'exploitation (surveillance des animaux) ou dans des activités privées. Les éleveurs apprécient surtout la souplesse dont ils disposent pour organiser autrement leur journée et adapter leurs horaires de travail à leur vie familiale. Des éleveurs estiment que la relation homme-animal devient meilleure car les échanges avec leurs animaux sont moins contraints. Les données des capteurs aident à anticiper les événements de la conduite d'élevage et à prévenir les risques, même si l'œil et le ressenti de l'éleveur restent essentiels. Cependant la charge mentale pour gérer les alarmes est parfois source de stress. Si ces technologies comportent des aspects positifs susceptibles d'exercer un attrait pour le métier notamment de jeunes en quête de modernité, elles peuvent se révéler sources d'échecs si elles ne sont pas adaptées aux besoins et aux compétences des éleveurs.

Nathalie Hostiou est chercheure à l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique / UMR Territoires), ingénieure en agriculture (École Supérieure d'Agriculture d'Angers, France, 1998), et docteure en zootechnie (INA-PG, Paris, France, 2003). Elle mène des recherches sur le travail en élevage (conséquences de l'élevage de précision sur le travail des éleveurs, changements dans le travail suite à l'embauche de salariés, évaluation de l'efficience et la flexibilité du travail, rôle des conduites d'élevage pour simplifier le travail des éleveurs, production de méthodes destinées aux conseillers agricoles pour accompagner les éleveurs).

Raphaël LARRÈRE : L'ouverture de possibles techniques hors des sentiers battus
Pour porter remède aux maux dont souffre l'humanité, on ne compte plus de nos jours sur des transformations sociales et politiques, mais sur des solutions techniques. Tout se passe comme si l'imagination technique avait remplacé l'imagination sociale. Cela soulève deux problèmes. D'une part, il est aisé de constater que la plupart des maux dont souffre l'humanité n'ont pas que des solutions techniques et que toute technique ne peut se comprendre qu'inscrite dans une dynamique sociale. D'autre part, le fonctionnement actuel de la recherche technoscientifique tend à canaliser les innovations dans quelques directions au sein desquelles se sont engagés de puissants réseaux sociotechniques. Si bien que l'imagination technologique a eu tendance à s'appauvrir. Le propos sera d'argumenter que, pour se libérer des verrouillages technologiques et ouvrir de nouveaux possibles (par exemple l'agro-écologie ou la permaculture), il faut redonner toute sa place à l'imaginaire social et politique.

Pierre LE NEINDRE : "Faire causer l'animal"
Au cours des quarante dernières années, j'ai été témoin, peut-être acteur, d'évolutions significatives dans nos rapports avec les animaux. En 1970, les éleveurs et les biologistes ont cherché à optimiser l'animal en tant que "machine métabolique". Nos concitoyens devant le développement de ces systèmes ont pris conscience du fait que ces environnements portaient atteintes aux animaux. En 1970, la seule façon de procéder était de s'en tenir à la bientraitance… qui était définie par les professionnels. Les éthologistes avancent que, désormais, il est possible d'évaluer les états mentaux des animaux, et ainsi de caractériser leurs plaisirs, leurs souffrances et leurs attentes et, donc, leur bien-être. On sait en outre aujourd'hui que certains animaux sont conscients d'eux-mêmes, de leur environnement de leurs connaissances, de leur passé et peuvent anticiper l'avenir.

Bibliographie
B. Denis, 2015, Éthique des relations homme/animal, Éditions France agricole, 182pp.
INRA, 2013, Douleurs animales en élevage, Quae, 129pp.
P. Le Neindre, M. Dunier, R. Larrère, P. Prunet, 2018, La conscience des animaux, Quae, 118pp.
P. Mormède, L. Boisseau-Sowinski, J. Chiron, C. Diederich, J. Eddison, J.-L. Guichet, P. Le Neindre, M.-Ch. Meunier-Salaün, 2018, Bien-être animal : contexte, définition, évaluation, INRA prod. Anim., 31 (2), 145-162 [en ligne].

Jérôme MICHALON : La résistible ascension de l'éthique ? Sciences sociales et question animale
Dans cette intervention, je décrirai la manière dont les sciences humaines et sociales, francophones et anglo-américaines, interagissent avec les nouvelles formes de militantisme pro-animaux qui se développent depuis les années 1970. Au moins deux caractéristiques de ce militantisme sont de nature à questionner fortement la recherche en général, et la recherche agronomique en particulier : d'une part, ce militantisme a été alimenté et encouragé par des universitaires (fondateurs de l'éthique animale), et il donné lieu à une production intellectuelle conséquente; d'autre part, il a formulé et diffusé une critique radicale de la condition animale, se focalisant en premier lieu sur la consommation de viandes et de produits animaux (et par-delà, sur l'élevage, "traditionnel" ou "industriel"). Dans le même temps qu'a émergé l'éthique animale, certains chercheurs en SHS ont développé un intérêt pour l'étude des relations humains-animaux. Plusieurs d'entre eux ont, depuis, exprimé leur adhésion ou leur méfiance, partielles ou totales, vis-à-vis de la critique portée par l'éthique animale et le militantisme pro-animaux. Il sera question ici d'analyser ces prises de position, leur origine disciplinaire, leur format, leur registre normatif et la manière dont elles participent à constituer les questions éthiques en point de passage obligé des réflexions sur les rapports aux animaux.

Jérôme Michalon est sociologue, chargé de recherche CNRS à l'UMR Triangle (Université de Lyon). Ses travaux portent sur l'évolution des relations humains-animaux, dans une perspective de sociologie des sciences et de sociologie des mobilisations. Après avoir travaillé sur différents objets (parcs zoologiques, protection animale, pratiques de soin par contact animalier), il s'intéresse actuellement aux rapports entre le militantisme pro-animaux et le monde académique.
Publications récentes
Michalon, J. (2018), Cause animale et sciences sociales : de l'anthropocentrisme au zoocentrisme. La vie des idées, La Vie des Idées [en ligne].
Michalon, J. (2017), "Les Animal Studies peuvent-elles nous aider à penser l'émergence des épistémès réparatrices ?", Revue d'Anthropologie des Connaissances, 11 (3), 321-349.
Doré, A. et Michalon, J. (2016), "What makes human-animal relations "organizational" ? The De-Scription of anthrozootechnical agencements", Organization, 24 (6), 761-780.
Michalon, J., Doré, A. & Mondémé, C. (2016), "Une sociologie avec les animaux : faut-il changer de sociologie pour étudier les relations humains/animaux ?", SociologieS, "Dossiers, Sociétés en mouvement, sociologie en changement", mis en ligne le 07 mars 2016, consulté le 29 mars 2016 [en ligne].
Michalon, J. (2014), Panser avec les animaux. Sociologie du soin par le contact animalier, Paris, Presses des Mines ParisTech.

Michel PETIT : Gouvernance internationale de la recherche agronomique : réflexions à la lumière de mon expérience
Il s'agira de porter témoignage sur mon expérience à la Fondation Ford en Inde (1975-1977) et à la Banque Mondiale (1988-1998). Dans ces deux institutions, j'ai en effet été mêlé, soit comme observateur proche soit comme acteur directement impliqué, à la gestion du CGIAR (Consultative Group for International Agricultural Research) et à celle des relations entre les centres internationaux de ce groupe et les autres acteurs de la recherche agronomique internationale. Cette expérience permet de remettre en cause, ou au moins de nuancer sérieusement, des idées largement répandues sur le rôle supposé dominant de l'impérialisme américain dans la révolution verte. Je mettrai en particulier l'accent sur la nécessité d'un consensus minimum dans toute action internationale requérant une coordination entre de nombreux acteurs, tout en reconnaissant la fragilité de la notion même de consensus.

Agronome devenu économiste, Michel Petit a été successivement chercheur à l'INRA, Professeur à l'ENSSAA à Dijon, responsable du programme agriculture et développement rural de la Fondation Ford en Inde, Directeur du département "agriculture et développement rural" à la Banque Mondiale. Il est maintenant associé à l'Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier. Pendant une vingtaine d'années son principal champ de recherche a porté sur les décisions des agriculteurs, étudiées comme composante centrale de leur comportement adaptatif, et sur les conséquences de ces travaux pour la formation des agriculteurs. Il s'intéresse principalement aujourd'hui aux négociations internationales relatives à la libéralisation des échanges agricoles et aux prospectives à long terme sur les agricultures du monde. Président de l'Association Européenne des Économistes Agricoles et de l'Association Internationale des Économistes Agricoles. Il est membre de l'International Food and Agricultural Trade Policy Council (IPC) depuis 1999 et de l'Académie d'agriculture de France depuis 1997. Il préside aussi le conseil scientifique de la Fondation pour l'Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) depuis 2006.
Publications récentes
"Les négociations agricoles à l'OMC : Où en sont-elles ? Où vont-elles ?", Cahiers Agricultures, 14,4, 399-403, Juillet-Août 2005.
"Les enjeux de la libéralisation agricole dans la zone méditerranéenne" (avec C. EMLINGER et F.ACQUET), Région et Développement, n°23, 41-72 - "Libéralisation agricole et pays en développement" (coordonné par Michel Petit, Jean-Louis Rastoin et Henri Regnault), 2006.
"Are Geographical Indications a Valid Property Right ? Global Trends and Challenges", Development Rolicy Review, 37, 5, 503–528, 2009 (avec Hélène Ilbert).
"Agro-Food Trade And Policy Issues In The Mediterranean Region", QA-Rivista dell'Associazione Rossi-Doria, n°3, 2009.
"Prospectives, projections, évaluations : supputations sur l'avenir de l'agriculture mondiale", Cahiers Agricultures, 19, 1, 3-5, Janvier-Février 2010.
Pour une agriculture mondiale productive et durable, Quae, 2011, 112 p.
"Tensions et asymétries sur les marchés agricoles quelles régulations ? Perspectives d'avenir", in Regard sur la Terre, Éditions Armand Collin, 2012.
"Agricultures, alimentations et mondialisation : paradoxes et controverses", Natures, Sciences, Sociétés, 21, 56-59, 2013 (avec Bruno Dorin et Jean-Luc François).

Jocelyne PORCHER : Cause animale, cause des animaux ?
La cause animale actuellement hyper médiatisée sert-elle vraiment la cause des animaux ? Je poserai la question en revenant sur la dynamique historique de l'industrialisation de l'élevage et de notre société ainsi que sur la dynamique parallèle de construction de la "cause animale". Le soutien actuel de nombreux théoriciens et militants de la cause animale à l'agriculture cellulaire et au développement de substituts biotech aux produits d'élevage promus par les milliardaires et les multinationales confirme les divergences et tensions entre la cause animale, comme défense des intérêts des classes dominantes, et la cause des animaux comme prise en compte de l'intérêt des animaux dans ce qui nous rassemble, le travail.

Jocelyne Porcher est directrice de recherche à l'INRA. Ses recherches portent sur les relations de travail entre humains et animaux. Avant de devenir chercheure, elle a été éleveure, salariée en production porcine industrielle, technicienne en agriculture biologique. Ce sont ces diverses expériences professionnelles qui lui ont permis de proposer des hypothèses de recherche inédites.
Publications
Vivre avec les animaux, une utopie pour le XXIe siècle, La Découverte, 2014 (poche) [livre traduit en anglais, italien (espagnol début 2020)].
Cause animale, cause du capital, Éditions du Bord de l'Eau, parution septembre 2019.


Table ronde 4 - La sécurité alimentaire comme problème global, animée par Bernard HUBERT [Inra, EHESS], avec Antoine BERNARD DE RAYMOND [Inra] (La sécurité alimentaire comme "défi global". La mobilisation de la recherche scientifique autour de questions transversales), Allison LOCONTO [Inra/Fao] (La sécurité alimentaire comme problème global vu à travers ses métriques) et Sébastien TREYER [Iddri] (La fabrique des futurs du système alimentaire mondial)

Antoine Bernard De Raymond (Inra) présentera les cadres concurrents de la sécurité alimentaire qui ont émergé après la crise de 2008, en particulier l'émergence de la Global Food Security, centrée sur l'équilibre entre offre et demandes globales, et comment la critique de ce cadre a donné naissance à un cadre alternatif, la Food sustainability, qui voit la sécurité alimentaire comme le résultat du fonctionnement des systèmes alimentaires.

Allison Loconto (Inra/FAO) se focalisera sur les différents techniques d’évaluation de la sécurité alimentaire, au-delà des indicateurs et métriques en usage, et le changement de discours actuel lié aux Objectifs du Développement Durable (ODD), qui imposent d'évaluer les pays du Nord avec les mêmes critères que les pays du Sud, ainsi que les discours émergents sur les systèmes alimentaires qui proposent différentes mesures pour la sécurité alimentaire.

Sébastien Treyer (Iddri) s’exprimera sur "la fabrique mondiale" des futurs du système alimentaire : généalogie des exercices prospectifs qui structurent l'imaginaire de l'innovation en matière agricole et alimentaire, et structurations récentes des forums prospectifs à ce sujet (Foresight4 food notamment) en lien avec les initiatives politiques (climat, biodiversité, mais aussi accords de libre-échange). Il évoquera également rapidement quelques initiatives concurrentes et comment les débats sur les scénarios se structurent afin d’orienter la recherche européenne à l'ère des missions de Mariana Mazzucato


SOUTIENS :

• Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad)
• Institut francilien recherche innovation société (Ifris)
• Institut national de la recherche agronomique (Inra)
• Agence française de développement (AFD)
• Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) | Ministère de l'agriculture et de l'alimentation