Publication 2008 : un des ouvrages


Jean-Pierre Dupuy. Dans l'œil du cyclone

JEAN-PIERRE DUPUY

DANS L'ŒIL DU CYCLONE


Mark R. ANSPACH (dir.)


Prophète, dès les années 1970, de la "trahison de l'opulence", Jean-Pierre Dupuy a vu venir les orages qui menacent de nous emporter.
Au moment où les bourses s'engouffrent dans un tourbillon financier, où des guerres sacrées se déchaînent dans un tourbillon mimétique, où les progrès techniques déclenchent un tourbillon climatique, il faut se placer avec Jean-Pierre Dupuy dans l'œil même du cyclone, pour réfléchir aussi lucidement que possible à l'élaboration d'un catastrophisme éclairé capable d'éviter que le pire ne devienne notre destin.
Les auteurs de ce volume, issu d'une Décade de Cerisy tenue en juillet 2007, ont été les compagnons de route de Jean-Pierre Dupuy aux différentes étapes de sa carrière. Ils interrogent ses idées en se penchant sur le chemin parcouru et en posant les jalons de celui qui reste à faire.
Les autres contributions du colloque de Cerisy, ainsi que des moments enregistrés, sont disponibles sur le site de Carnets Nord. Le présent ouvrage constitue le complément indispensable du nouveau livre de Jean-Pierre Dupuy, La Marque du sacré.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (2007) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°410]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Carnets Nord

ISBN : 978-2-35536-020-6

Nombre de pages : 321 p.

Prix public : 23 €

Année d'édition : 2008

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du mercredi 29 septembre au dimanche 3 octobre 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


L'EUROPE DU CINÉMA


DU SAMEDI 3 OCTOBRE (19 H) AU MERCREDI 7 OCTOBRE (14 H) 2020

[ colloque de 4 jours ]



PRÉSENTATION VIDÉO :


DIRECTION :

Vincent AMIEL, José MOURE, Benjamin THOMAS, David VASSE


ARGUMENT :

L'objectif de cette rencontre est de repérer et d'analyser ce qui, au XXe siècle, a pu construire, dans le domaine du cinéma, un espace de création transnational. Il ne s'agit pas tant de s'intéresser à des représentations de l'Europe, ou d'idées européennes, que de repérer des transferts effectifs (fortuits ou non) entre les créateurs de pays différents, et qui constituent de fait, au fil des décennies, un espace cinématographique européen.

Les directeurs allemands de la photographie quittent par exemple la République de Weimar ou le régime nazi naissant pour essaimer dans les pays alentour, les techniques de jeu théâtral s'étendent au-delà des expérimentations soviétiques pour toucher des acteurs et actrices de l'Ouest, les coproductions franco-italiennes des années 50-60 constituent un territoire de création presque autonome par rapport aux autres productions de l'époque, les militants politiques des années 70 font un va-et-vient entre Paris et Rome… Sans compter évidemment les innombrables adaptations de textes dramatiques ou romanesques qui, parfois massivement, déplacent des thématiques ou des dispositifs d'un pays à l'autre.


MOTS-CLÉS :

Cinéma, Esthétique, Europe, Histoire, Histoire des formes, Transferts culturels, XXe siècle


CALENDRIER PROVISOIRE :

Samedi 3 octobre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Dimanche 4 octobre
Matin
OUVERTURES THÉORIQUES
Benjamin THOMAS : L'Homme et les choses. Statut du sujet figuré dans les premières théories européennes du cinéma
Katalin PÓR : Circulations transnationales : individus, réseaux, structures

Après-midi
CONTEXTES CULTURELS
Sophie LÉCOLE SOLNYCHKINE : Filmer les pôles. Une esthétique européenne ?
Laurent GUIDO : Wagnérisme et cinéma européen : un idéal résistant
Antonio SOMAINI : Titre non communiqué


Lundi 5 octobre
Matin
PRODUCTIONS ET CRÉATIONS (I)
Eurydice DA SILVA : L'apport de techniciens juifs allemands et autrichiens sur les premiers films parlants portugais (1933-1940)
Morgan LEFEUVRE : Les coproductions, une solution à la crise des studios français et italiens de l'immédiat après-guerre ?
Jean-François BAILLON : Basil Dearden : exécutant au service des studios Ealing ou auteur méconnu ?

Après-midi
PRODUCTIONS ET CRÉATIONS (II)
Hélène FRAZIK : Empreintes du cinéma allemand dans le fantastique cinématographique français
Nedjma MOUSSAOUI : De l'Allemagne vers la France… Les films d'exil des années 1930, un nouvel espace cinématographique européen
Alain BOILLAT : Alain Tanner : un cinéma européen ?

Soirée
Federico LANCIALONGA : Coopérations et complicités entre les cinémas militants français et italien des années 1960-70 : une projection commentée


Mardi 6 octobre
Matin
ACTEURS
Christophe GAUTHIER : Une star transnationale en Europe au début des années 30 : Lilian Harvey
Christophe DAMOUR : Le jeu expressionniste : un motif européen ?
Christian VIVIANI : L'acteur anglais de cinéma : tradition et modernité

Après-midi
ŒUVRES
Camille BUI : Entre les territoires, l'Europe de Johan van der Keuken
David VASSE : Ici et (déjà) ailleurs : le cinéma box to box de Jerzy Skolimowski
Vincent AMIEL : Des lieux sans attaches

Soirée
Projection avec Christian VIVIANI ou Christophe GAUTHIER


Mercredi 7 octobre
Matin
PERSPECTIVES CONTEMPORAINES
Laura RASCAROLI : L'Europanéité : Oliveira, Godard, Sokourov
José MOURE : Filmer et éprouver l'Europe à ses frontières

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Vincent AMIEL : Des lieux sans attaches
L'œuvre de Wim Wenders a été, à la fin du XXe siècle, emblématique d'une position européenne, le cinéaste filmant à Paris, à Berlin, à Lisbonne, et se référant, par opposition ou comparaison, aussi bien au cinéma américain qu'au cinéma japonais. La question de l'identité parcourt ses films, et celle de l'identité européenne, en creux, ne cessent de saillir.

Jean-François BAILLON : Basil Dearden : exécutant au service des studios Ealing ou auteur méconnu ?
La réputation des studios britanniques (Ealing, Hammer, etc.) comme illustration d'une cottage industry fonctionnant sur un modèle familial encourage l'idée d'une production relativement standardisée et impersonnelle qui ne laisse guère de place à l'expression de visions singulières. Basil Dearden, qui a réalisé bon nombre de ses films — les meilleurs, diront certains — au sein de la Ealing avant de connaître une fin de carrière inégale, constitue un cas d'école. Il est temps de réhabiliter ce cinéaste encore mésestimé en France et, à travers lui, de défendre une vision pluraliste de la production d'un des studios les plus inventifs du milieu du vingtième siècle.

Jean-François Baillon enseigne les études britanniques et le cinéma à l'université Bordeaux Montaigne. Président d'honneur de la SERCIA (Société d'études et de recherches sur le cinéma anglophone), il a publié des articles sur le cinéma britannique, les acteurs et actrices britanniques, le cinéma gothique et d'horreur et le heritage cinema dans des recueils d'articles et des revues parmi lesquelles Mise au Point, Éclipses, Film Journal, CinémAction et Positif.
Publication
(dir.), E. M. Forster's Howards End (1910) and James Ivory's Howards End (1992), Paris, Ellipses, 2019.

Camille BUI : Entre les territoires, l'Europe de Johan van der Keuken
Lorsqu'il filmait les villes européennes de la deuxième moitié du XXe siècle, Johan van der Keuken refusait la logique de la frontière et de l'identité. Au tournage et au montage, le cinéaste néerlandais inventait des gestes de circulation et de mise en réseau, entre les lieux, les cultures, les subjectivités. Mais cette Europe multiple et ouverte au monde n'est pas seulement la géographie semi-imaginaire figurée par l'œuvre de van der Keuken, elle en constitue — dans le même mouvement — le milieu esthétique : un espace commun où se rencontrent et voyagent librement des qualités médiatiques (photographiques, filmiques, musicales) et des traditions formelles (cinéma direct, film expérimental, jazz…) hétérogènes.

Camille Bui est maître de conférences en études cinématographiques à l'université Paris 1 et membre de l'institut ACTE. Ses travaux portent principalement sur le cinéma documentaire, l'articulation entre le social et l'esthétique et les liens théorie-pratique.
Publication
Cinépratiques de la ville. Documentaire et urbanité après Chronique d’un été, Presses universitaires de Provence, 2018.

Christophe DAMOUR : Le jeu expressionniste : un motif européen ?
Nous nous intéresserons aux transferts stylistiques opérés à l'intérieur de certaines cinématographies européennes, et en particulier à la circulation d'un style de jeu spécifique (que nous appellerons pour le moment "expressionniste", mais qu'il s'agira de définir plus précisément), et qui pourrait constituer un motif (au sens de forme gestuelle codifiée, répétitive et reconnaissable) intrinsèquement européen. Nous réfléchirons ainsi à la potentielle européanité d'un style de jeu, à partir de l'analyse comparative de gestes et de postures dont l'inter-influence est notable dans de nombreux films de la première moitié du XXe siècle, à travers les analogies plastiques que l'on peut observer, notamment, entre des acteurs allemands (Conrad Veidt, Werner Krauss), français (Catherine Hessling vue par Jean Renoir), anglais (dans les premières œuvres d'Alfred Hitchcock) et soviétiques (Aleksandra Khokhlova chez Lev Koulechov ou Nikolai Tcherkassov chez S. M. Eisenstein).

Christophe Damour est maître de conférences en études cinématographiques à l'université de Strasbourg. Ses travaux sur le jeu de l'acteur et l'histoire des formes au cinéma ont été publiés au sein de monographies (Al Pacino, Montgomery Clift, The Swimmer) ou d'ouvrages collectifs (François Delsarte, Généalogies de l'acteur au cinéma, Jeu d'acteurs. Corps et gestes au cinéma), ainsi que dans différents volumes universitaires, revues (Positif, CinémAction, Ligeia, Eclipses, Double jeu, CiNéMAS) et dictionnaires (Nouveau Monde, Larousse).

Eurydice DA SILVA : L'apport de techniciens juifs allemands et autrichiens sur les premiers films parlants portugais (1933-1940)
Dès 1933, au générique des premiers films parlants portugais, figurent les noms de divers techniciens étrangers. Comment expliquer leur présence sur ces tournages, à un moment où les frontières du Portugal se referment progressivement avec l'avènement de l'État Nouveau de Salazar ? En partant de l'analyse de plusieurs génériques de films, nous suivrons le parcours de ces techniciens juifs allemands ou autrichiens, dont l'arrivée au Portugal coïncide avec la montée du national-socialisme. Il s'agira de révéler l'apport essentiel de cette main d'œuvre étrangère dans la production nationale, à un moment charnière de l'histoire du cinéma portugais, le passage du muet au parlant, alors que les bouleversements techniques induits par l'arrivée du cinéma sonore menaçaient le système cinématographique national.

Eurydice Da Silva est scénariste et docteure en Langues, Lettres et civilisations romanes de l'université Paris Nanterre. Sa thèse, soutenue en octobre 2019, traitait du cinéma portugais pendant l'État Nouveau de Salazar de 1933 à 1974. Ses travaux portent sur la question de la censure et sur les modes de contrôle exercés par l'État dans le milieu du cinéma au Portugal pendant la dictature.
Publications
"Les prémices du Nouveau cinéma portugais pendant l'État Nouveau : les années parisiennes", Reflexos, revue interdisciplinaire du monde lusophone, n°4, Université Toulouse Jean Jaurès, Mai 2019.
"Les rues lisboètes dans le cinéma portugais des années 60 : un espace de résistance pendant la dictature", Revue Crisol, Université Paris Nanterre, Février 2018.
"Au cœur des archives du SNI : le regard d'un organisme de l'État Nouveau sur le mouvement des ciné-clubs portugais", Revista da História da Sociedade e da Cultura, n°17, Université de Coimbra, 2017, pp. 337-354.

Hélène FRAZIK : Empreintes du cinéma allemand dans le fantastique cinématographique français
Lors des années 1930, les formes du fantastique cinématographique français, se caractérisant depuis le début du XXe siècle par leur hétérogénéité, se trouvent enrichies par l'influence du cinéma d'autres pays européens. Davantage que l'apport des Russes Blancs, des scandinaves comme Carl T. Dreyer ou de l'espagnol Luis Buñuel, c'est le cinéma allemand de l'entre-deux-guerres qui marque le plus durablement le fantastique français. Cette communication propose de voir quelles sont les origines et les modalités de ce transfert culturel s'accentuant considérablement lors des années 1930, période d'exil en France de nombreux cinéastes, techniciens et acteurs allemands. Il s'agira aussi d'analyser la manière dont le cinéma allemand de l'entre-deux-guerres a marqué l'esthétique des films du fantastique français à travers la création de formes hybrides dans des œuvres aussi différentes que Liliom (F. Lang, 1933), La Tendre ennemie (M. Ophuls, 1936), La Main du Diable (M. Tourneur, 1943), La Cité de l'indicible peur (J.-P. Mocky, 1963) et Alice ou la dernière fugue (C. Chabrol, 1977).

Hélène Frazik est docteure en études cinématographiques de l'université de Paris I-Panthéon-Sorbonne. Elle a soutenu en 2018 une thèse intitulée "Présences fantastiques dans le cinéma français de l'entre-deux-guerres" dont la publication est prévue pour 2021. Tout en se concentrant sur la notion de fantastique et sur la question de l'apparition dans les œuvres d'art, elle ouvre ses champs de recherche au jeu de l'acteur, au cinéma d'épouvante et au grotesque.
Publications
L'Apparition dans les œuvres d'art, Pascal Couté et Camille Prunet (codir.), Actes des journées d'études tenues à l'université de Caen et à l'ésam de Caen-Cherbourg les 15 et 16 mars 2015, Caen, Presses universitaires de Caen, à paraître début 2020.
"Noirs fantastiques dans le cinéma en noir et blanc : les noirs du cauchemar", dans Sophie Lécole Solnychkine, Du noir dont procèdent les figures. Cinéma et plasticité, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. "Formes cinématographiques", à paraître en 2020.
"Le stratagème du rideau : de la photographie des phénomènes occultes au cinéma fantastique", dans Baptiste Villenave et Julie Wolkenstein (dir.), L'image, le secret, Colloque de Cerisy (28 septembre au 2 octobre 2016), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020.
"L'insolite dans le cinéma de Jean Grémillon", dans Yann Calvet et Philippe Roger (dir.), Jean Grémillon et les quatre Éléments, Colloque de Cerisy (17 au 24 août 2013), Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2019, p. 71-83.
"Cicatrices de la Grande Guerre : résurgence des Mutilés et des Gueules Cassées dans le cinéma français de l'entre-deux-guerres", dans Pierre Arbus (dir.), 1914-1918 Grande Guerre ou contre-révolution ? : ce que disent les imaginaires, Paris, Téraèdre, coll. "Cinéma/Formes autonomes", 2019, p. 117-127.

Christophe GAUTHIER : Une star transnationale en Europe au début des années 30 : Lilian Harvey
Au tournant du Muet et du Parlant, Raoul Ploquin est directeur de la publicité de l'Alliance cinématographique européenne, l'une des plus grandes sociétés de distribution de films allemands en France. Parfaitement bilingue et au fait des conditions de production des films à Berlin, cet homme jeune, qui deviendra le premier directeur du Comité d'organisation de l'industrie cinématographique pendant l'Occupation, contribue en grande partie à la promotion d'une vedette volontiers présentée comme européenne parce que parlant couramment plusieurs langues : Lilian Harvey. À travers l'exemple de cette comédienne connue de plusieurs dizaines de millions de spectateurs (à la différence de ses partenaires masculins, son trilinguisme lui permettait de reprendre ses rôles dans les versions française, allemande et anglaise de ses films), il s'agira de voir comment se construit sur un mode publicitaire une star transnationale dans le champ d'un cinéma européen dominé par l'industrie allemande, et d'autre part comment la critique perçoit cette dimension européenne, à rebours de la promotion des productions nationales.

Christophe Gauthier est professeur d'histoire du livre et des médias à l'époque contemporaine à l'École nationale des chartes (Université PSL). Membre du Centre Jean-Mabillon (EA 3624), il est chargé de cours à l'École du Louvre en histoire du cinéma et il enseigne l'histoire des médias audiovisuels à l'INA ; il a créé et co-animé pendant vingt ans le séminaire d'histoire culturelle du cinéma. Ses recherches portent sur l'histoire de la critique et du patrimoine cinématographiques, ainsi que sur l'histoire des industries culturelles.
Publications
La Passion du cinéma. Cinéphiles, ciné-clubs et salles spécialisées à Paris. 1920-1929, Paris, École nationale des chartes-AFRHC, 1999.
Loin d'Hollywood. Cinématographies nationales et modèle hollywoodien. France, Allemagne, URSS, Chine, 1925-1935 (dir. Avec Anne Kerlan et Dimitri Vezyroglou), Paris, Nouveau Monde éditions, 2013.
L'Auteur de cinéma, histoire, généalogie, archéologie (dir. Avec D. Vezyroglou), Paris, AFRHC, 2013.
Histoires d'O. Mélanges d'histoire culturelle offerts à Pascal Ory (dir. Avec L. Martin, J. Verlaine, D. Vezyroglou), Paris, Publications de la Sorbonne, 2017.
Patrimoine et Patrimonialisation du cinéma (dir.), Paris, École nationale des chartes, 2020 (à paraître à l'automne).

Laurent GUIDO : Wagnérisme et cinéma européen : un idéal résistant
En rêvant d'une résurgence de la tragédie antique au cœur de la modernité technico-scientifique, le grand projet de renouvellement artistique promu par Richard Wagner faisait écho à des conceptions idéalistes et romantiques qui, loin de concerner la seule Allemagne, renvoyaient en fait à une certaine idée de l'âme européenne. Cette question de l'Europe a donc logiquement réapparu lorsque le cinéma, cet héritier apparent du Gesamtkunstwerk wagnérien, s'est emparé de l'imaginaire du maître de Bayreuth. En témoignent notamment les propos enflammés du critique Emile Vuillermoz, qui a vu dans La Mort de Siegfried de Fritz Lang l'occasion de fonder un authentique "Cinéma européen" apte à concurrencer Hollywood sur le terrain du grand spectacle, ou encore les réflexions provocatrices du cinéaste Hans-Jürgen Syberberg qui a utilisé Wagner comme le marqueur absolu d'un esprit européen dont il s'agit autant de condamner les dévoiements idéologiques que de revivifier les fondements mythiques.

Laurent Guido est professeur au département Arts de l'université de Lille. Il a longtemps travaillé à la Section de cinéma de l'université de Lausanne, qu'il a dirigée entre 2010 et 2014. Il a été invité pour des séjours de recherche à Paris I et Chicago, puis d'enseignement à Montréal, Paris-Nanterre, Bruxelles et Lausanne (UNIL et ECAL). Associant l'esthétique à des questions culturelles, il étudie principalement les liens entre cinéma, corporéité et musique, ainsi que les théories du spectaculaire.
Publications
L'Age du rythme, Payot, 2007 ; rééd. L'Age d’Homme, 2014.
Rythmer / Rhythmize, Intermédialités, 2010, éd. avec M. Cowan.
Aux sources du burlesque cinématographique, AFRHC, 2010, éd. avec L. Le Forestier.
Between Still and Moving Images, J. Libbey/Univ. of Indiana Press, 2012, éd. avec O. Lugon.
Jane Feuer. Mythologies du film musical, Presses du réel, 2016, avec M. Chabrol.
De Wagner au cinéma, Mimesis, 2019.
Cinéma, mythe et idéologie, Hermann, 2020.

Federico LANCIALONGA : Coopérations et complicités entre les cinémas militants français et italien des années 1960-70 : une projection commentée
Tout comme les cinématographies "officielles", le cinéma militant des années 1960-1970 s'est édifié grâce à un espace de création transnational. Le rapport entre France et Italie offre un cas de coopération et transfert intra-européen particulièrement intéressant. Les rapports entre ces deux cinématographies militantes se sont manifestés sous plusieurs formes : aides matérielles pour le développement de pellicules, échanges de films, transferts de stratégies esthétiques et politiques entre les cinéastes et les collectifs des deux pays. Dans le cadre d'une projection commentée, l'intervention propose une sélection d'extraits de films issus du catalogue de l'Archivio audiovisivo del movimento operaio e democratico [AAMOD] de Rome qui illustrent les diverses coopérations franco-italiennes : le projet de contre-information des Cinegiornali Liberi, les cinétracts, les images de Mai 68 en France développées par le Parti communiste italien, le cinéma ouvrier.

Federico Lancialonga est doctorant en études cinématographiques à l'université Paris 1 (ED. 279 APESA) et enseignant à la Sorbonne Nouvelle. Il prépare une thèse sur le documentaire politique italien des années 60-70, sous la direction de V. Amiel et S. Layerle. Chercheur associé à la Cinémathèque française, son travail a fait l'objet de communications diverses (Université Paris-Nanterre ; ENS Louis-Lumière), ainsi que de publications pour différentes revues françaises et italiennes (CinémAction, Studi Culturali, Alias, Zapruder).

Sophie LÉCOLE SOLNYCHKINE : Filmer les pôles. Une esthétique européenne ?
Il s'agira, au sujet d'un espace extra-européen, l'Antarctique, de comparer des formulations filmiques européennes et américaines mettant en scène l'âge héroïque de la conquête polaire, en se demandant comment ces productions s'attachent à figurer cet espace hors du monde connu et parcouru. Terra incognita, le territoire antarctique est un espace non encore artialisé par la projection de schèmes iconographiques paysagers, ce qui en fait un endroit propice où questionner l'éventuelle émergence de propositions formelles typiquement européennes.

Sophie Lécole Solnychkine est maître de conférences à l’université Toulouse - Jean Jaurès, où elle enseigne l'esthétique et la philosophie de l'art. Spécialiste du paysage dans les arts visuels (peinture, cinéma), elle développe ses travaux de recherche au croisement de l'histoire des formes et de l'histoire des idées, depuis les sites théoriques que constituent les images cinématographiques et picturales. Elle a fondé et co-dirige la revue Gradalis, publiée aux Éditions Passage(s), consacrée aux expériences paysagères de terrain (textes, images, sons).
Publication
Premier ouvrage personnel, Æsthetica antarctica. The Thing de John Carpenter, Éditions Rouge Profond, novembre 2019.

Morgan LEFEUVRE : Les coproductions, une solution à la crise des studios français et italiens de l'immédiat après-guerre ?
En 1945, les infrastructures de production françaises et italiennes sortent exsangues de plusieurs années de conflit et les rares studios encore en activité fonctionnent au ralenti. Dans ce contexte matériel et économique tendu, le développement des coproductions apparaît aux yeux de nombreux professionnels comme un moyen efficace de relancer la production nationale et de lutter contre la concurrence du film américain qui fait son grand retour sur les écrans des deux pays. Il s'agira dans le cadre de cette communication d'analyser la manière dont les premières coproductions franco-italiennes qui se développent entre 1946 et 1950 ont contribué à redynamiser certains studios, mais également d'évoquer les difficultés d'application de l'accord de 1946 et les tensions que ce dernier suscite entre professionnels français et italiens.

Morgan Lefeuvre est chercheuse associée à la Queen Mary University de Londres au sein du projet Studiotec et membre du groupe de recherche "La création collective au cinéma". Elle enseigne par ailleurs à l'université de Lausanne. Ses travaux portent principalement sur l'histoire des studios français depuis 1930 et sur les coopérations cinématographiques franco-italiennes des années 1930 aux années 1960.
Publications
Les Manufactures de nos rêves. Les studios de cinéma français dans les années 30, préface de Jean-Pierre Berthomé, PUR, [à paraître en septembre 2020].
"Avant l'âge d'or des coproductions : vingt ans d'influences, d'échanges et de coopérations entre cinéma français et italien (1929-1949)", dans Mélisande Levantopoulos, Jean-Marc Leveratto, Katalin Pór et Caroline Renouard (dir.), Les échelles de la création cinématographique. L'individu, le collectif, l'industrie, Paris, AFRHC, [A paraître 2020].
"Quelle place pour le scénaristes dans les coproductions franco-italiennes de l'après-guerre", La Création collective au cinéma, n°5, sous la direction de Martin Fournier et Nedjma Moussaoui, 2020.
"L'Acteur : un travailleur des studios comme un autre ? Place des acteurs dans le système des studios français des années 1930", La Création collective au cinéma, n°4, sous la direction de Bérénice Bonhomme et Paul Lacoste, 2020.
"Grèves rouges et syndicats jaunes : mouvement social et divisions syndicales dans les studios français (1936-1939)" et "Les espoirs déçus de la Libération : retour sur la situation des techniciens et ouvriers de la production cinématographique de 1945 à 1952", dans Tangui Perron (dir.), L'Écran rouge. Syndicalisme et cinéma de Gabin à Belmondo, Paris, L'Atelier, 2018.
"Les grèves d'occupation de juin 1936 dans les studios : un tournant dans l'histoire sociale des travailleurs du film", dans Laurent Creton et Michel Marie (dir.), Le Front populaire et le cinéma français, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, coll. "Théorème", 2017.

Nedjma MOUSSAOUI : De l'Allemagne vers la France… Les films d'exil des années 1930, un nouvel espace cinématographique européen
L'avènement du nazisme conduit à l'exil de nombreux professionnels du cinéma venus d'Allemagne dans différents pays d'Europe. La France est le premier pays d'accueil et une cinquantaine de films d'exil y sont tournés entre 1933 et 1940. L'hypothèse avancée est que ces films ont pu constituer des lieux privilégiés pour la diffusion de pratiques spécifiques issues des studios de la Ufa dans la fabrique du film, et qu'ils ont sans doute aussi permis d'expérimenter de nouvelles modalités de collaboration transnationale entre professionnels du cinéma.

Nedjma Moussaoui est maître de conférences en études cinématographiques et audiovisuelles à l'université Lumière Lyon 2, membre du laboratoire "Passages XX-XXI" et du groupe de recherche "Création collective au Cinéma". Ses travaux concernent les transferts culturels et les phénomènes d'hybridation, et portent notamment sur les cinéastes germaniques exilés sous le nazisme.
Publications
"Le "mélodrame princier" ou l'expression d'une européanité dans le cinéma français des années 1930 ?", in Congrès AFECCAV "D'une Europe audiovisuelle", 5-7 juillet 2018, Université de Strasbourg (à paraître dans la revue Mise au Point).
"De l'impact du travail collectif "à l'allemande" dans la production française des années 1930 ?", in Colloque international "La création cinématographique – coopérations artistiques et cadrages industriels", 23-24 novembre 2017, Université de Metz (à paraître dans la revue de l'AFRHC : 1895)
"Fritz Lang : cinéma et machine(s) à produire des images", in D. Méaux (dir.), L'Art et la machine, PU de Pau et du Pays de l'Adour, Figures de l'art, n°32, 2016, p. 127-237.
"Aspects linguistiques du stéréotype de l'Allemand dans les comédies françaises des années 1960", in M. Barnier et I. Le Corff (dir.), Le cinéma européen et les langues, revue Mise au Point, n°5, 2013 [en ligne].
""Que les choses en soient venues là !" : Lola Montès, un retour aux sources", in M. Chabrol et P.-O. Toulza (dir.), Lola Montès. Lectures croisées, L'Harmattan, coll. "Champs visuels", 2011, p. 37-73.
"1933-1940 : Les cinéastes exilés et le système générique français", in R. Moine (dir.), Le cinéma français face aux genres, Paris, Association Française de Recherche sur l'Histoire du Cinéma, 2005.

Katalin PÓR : Circulations transnationales : individus, réseaux, structures
Hérité des études littéraires et de l'histoire culturelle, le modèle des transferts culturels, théorisé par Michel Espagne et Michael Werner, offre de précieux outils pour penser les phénomènes de circulation et d'échanges entre des espaces créatifs envisagés comme distincts. Une autre forme d'appréhension, relevant plutôt de l'histoire socio-économique, met d'avantage l'accent sur les phénomènes d'interdépendances structurelles entre les pays, insistant sur le caractère précocement mondialisé de l'industrie cinématographique. Comment peut-on articuler ces deux dimensions ? Entre trajectoires individuelles, réseaux de sociabilités et intégration industrielle, comment se construit un espace créatif transnational, et comment peut il s'envisager ?

Katalin Pór est maitresse de conférences HDR à l'université de Lorraine. Elle travaille principalement sur le cinéma hollywoodien, dans ses liens avec l'Europe ainsi qu'avec les formes spectaculaires qui lui sont proches. Elle codirige également, avec Bérénice Bonhomme, le groupe de recherche Création Collective au Cinéma.
Publications
De Budapest à Hollywood. Le théâtre et le cinéma hollywoodien. 1930-1943, Presses universitaires de Rennes, 2011.
Ernst Lubitsch au cœur des studios. Un exercice du pouvoir créatif à Hollywood, CNRS Éditions (à paraître).

David VASSE : Ici et (déjà) ailleurs : le cinéma box to box de Jerzy Skolimowski
Figure incontournable du Nouveau cinéma polonais des années 60, pourfendeur implacable du régime stalinien et de toutes formes d'oppression, Jerzy Skolimowski s'est très tôt retrouvé en situation d'exil, contraint de continuer le cinéma hors de Pologne dans quelques pays d'Europe de l'Ouest plus démocratiques comme la Belgique, l'Italie et surtout l'Angleterre où il réalisera deux de ses plus beaux films (Deep End en 1970 et Travail au noir en 1982). Il s'agira de montrer comment cette situation d'exilé assimile formellement une notion essentielle, à savoir le mouvement, plus exactement le déplacement, conjugué à la vitesse et à l'urgence d'échapper physiquement au conditionnement social, politique mais aussi névrotique. Partir aux quatre coins de l'Europe pour continuer à faire du cinéma, c'est non seulement en livrer un portrait actuel, oblique et acéré (principe même d'un regard d'artiste étranger sur un nouveau pays d'accueil) mais aussi décrire un mode de liberté fondé sur la projection mentale et physique, hors des limites imposées par un système de contrôle des comportements, sur la capacité à transformer un point de départ en pivot cardinal d'un retour sans cesse réorienté ailleurs.

David Vasse est maitre de conférences HDR en études cinématographiques à l'université de Caen Normandie. Spécialiste de la critique de cinéma et du cinéma français contemporain, il a publié plusieurs articles dans des revues comme Les Cahiers du cinéma, CinémAction, Vertigo, Double Jeu ou Contre-bande.
Publications
Catherine Breillat, un cinéma du rite et de la transgression, Arte/Complexe, 2004.
Le Nouvel âge du cinéma d'auteur français, Klincksieck, 2008.
Jean-Claude Brisseau, entre deux infinis, Rouge Profond, 2015.
A codirigé avec Antony Fiant, Le Cinéma de Hou Hsiao-hsien. Espaces, temps, sons, Presses universitaires de Rennes, 2013.

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


ANGLES MORTS DU NUMÉRIQUE

LIMITES DE LA PROGRAMMATION


DU JEUDI 24 SEPTEMBRE (19 H) AU JEUDI 1er OCTOBRE (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]


DISNOVATION.ORG — Predictive Art Bot
Exposition : Transmediale 2017 @ HKW — Photo : Dasha Ilina, CC NC-SA 4.0


PRÉSENTATION VIDÉO :


DIRECTION :

Yves CITTON, Francis JUTAND, Marie LECHNER, Anthony MASURE, Vanessa NUROCK et Olivier LECOINTE

Colloque organisé à l'initiative du Cercle des partenaires


ARGUMENT :

Les dernières décennies ont été caractérisées, à l'échelle mondiale, par une accélération exponentielle des domaines d'activités et des pans de réalité qui se voient reconfigurés de l'intérieur par la computation (digitalisation, algorithmisation, communication). Ce "numérique" (généralement conjugué au singulier), en passe de devenir "ubiquitaire", est alternativement interprété comme assurant une transparence intégrale ou comme imposant une surveillance généralisée. Transhumanistes et conspirationnistes ont toutefois en commun de négliger les angles morts (à décliner au pluriel) qui sont inhérents à toute perception du monde, fût-elle programmée et nourrie de big data. Ce sont quelques-uns de ces angles morts des visions programmatrices actuellement à l'œuvre dans la mise en place d'un numérique conçu à la fois comme une force et comme une menace, que ce colloque discutera, en s'appuyant sur des situations concrètes proposées par le Cercle des partenaires de Cerisy, avec l'espoir d'en tirer quelques leçons et orientations d'intérêt général. Il réunira des artistes, des chercheurs, des designers, des étudiants, des praticiens du numérique dans des institutions variées et des responsables d'entreprises, d'associations et de la fonction publique, ainsi que toute personne intéressée par les sujets traités.


MOTS-CLÉS :

Algorithme, Angle mort, Arts, Commun, Design, Digital, Données (base de), Droit, Écologie, Éthique, Genres, Identification imaginaire, Intelligence artificielle (IA), Métiers, Numérique, Programmation, Santé, Surveillance, Transparence, Travail, Ubiquitaire, Villes


DOCUMENTS PRÉPARATOIRES :

En attendant la tenue du colloque, Marie LECHNER et Yves CITTON vous proposent de consulter deux Cahiers de lectures regroupant des articles liés aux différentes thématiques qui y seront traitées :

• Cahier de lectures : Volume 1 (format PDF)
• Cahier de lectures : Volume 2 (format PDF)


CALENDRIER DÉFINITIF :

Jeudi 24 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants
Présentation de DisNovation


Vendredi 25 septembre
Matin
INTRODUCTION GÉNÉRALE ET CADRAGES ÉTHIQUES
Yves CITTON : Angles morts et visibilité ubiquitaire du numérique
Vanessa NUROCK : Angles morts et angles vifs de l'éthique by design

Après-midi
PERSPECTIVES ÉCOLOGIQUES
Fabrice FLIPO : L'enjeu de la sobriété numérique

Villes et low tech ?, table ronde avec Sénamé Koffi AGBODJINOU (Épistémicides - Cosmogonies : computationnalités primitives [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]), Ernesto OROZA (Within the Revolution, Everything) et Justinien TRIBILLON ("Dumb cities" ou le chemin des ânes)

Soirée
Problèmes posés par le Cercle des partenaires de Cerisy, table ronde animée par Olivier LECOINTE, avec Muriel BARNÉOUD & Hélène DELAHAYE (La Poste) [visioconférence], Côme BERBAIN (RATP), Nicolas DEMASSIEUX (Orange) et Fabrice JEANNE (Conseil départemental de la Manche)


Samedi 26 septembre
Matin
PERSPECTIVES ESTHÉTIQUES (I)
Quelques implications de la numérisation
Marie LECHNER : L'IA revisitée par les pratiques artistiques
Olivier BOSSON : Trois morts brutales [Conférence-Performance]

Après-midi
PERSPECTIVES SOCIO-POLITIQUES (I)
Algorithmes et méga-plateformes : quelles souverainetés ? quelles subjectivités ?
Nicolas DEMASSIEUX : Vers une IA douce
Côme BERBAIN : Numérisation : vers un nouveau partage de rôle entre humains et algorithmes ?
Félix TRÉGUER : L'utopie déchue. Une contre-histoire d'Internet (Éditions Fayard, 2019)


Dimanche 27 septembre
Matin
PROSPECTIVES IMAGINAIRES
Ré-ouverture des imaginaires
Francis JUTAND : Prospective de l'imaginaire numérique

Numérique, imaginaire et design
Anthony MASURE : Promesses, limites, bifurcations : du "design pour la vie" aux angles morts du numérique
Saul PANDELAKIS : Genre et algorithmes

Après-midi
Potentiels du design et de ses contre-emplois, avec Jürg LEHNI [visioconférence] et Manon MÉNARD (Culture des singularités et "accessibilité" numérique : paradoxes d'une conception globalisante)

Retours des doctorants et doctorantes : rapports d'étonnement et alternatives de recherches, avec Allan DENEUVILLE, Adrien PEQUIGNOT et Guillem SERRAHIMA

Soirée
PERSPECTIVES ESTHÉTIQUES (II)
Atelier 1 de DisNovation, animé par Nicolas MAIGRET et Maria ROSZKOWSKA


Lundi 28 septembre
Matin
PERSPECTIVES ALTERNATIVES SUR L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Anaïs BERCK : Quand les arbres organiques vont à la rencontre de l'arbre binaire
Alban LEVEAU-VALLIER : Le projet d'intelligence artificielle et la notion d'intuition
Samuel SZONIECKY : Intelligences végétales

Après-midi
"HORS LES MURS" — À GRANVILLE
Visites en deux groupes sur deux sites, organisées avec Florent LESAUVAGE (Manche Numérique)
1- Site de la Manche Open School (1h) :
• Présentation de l'entreprise Factor FX, par François-Xavier GUIDET
• Présentation et retour d'expérience de la Manche Open School, par Mikaël REGO
• Retour d'expérience StopCovid50, par David KATANA
2- Site de Granville Digital (1h) :
• Présentation de Granville Digital, par Camille PILLAIS
• Visite de l'incubateur et rencontre avec les startups incubés

Soirée
Nicole ORANGE : Intelligence artificielle, la Normandie cherche un algorithme gagnant - Rapport du CESER de Normandie (Mars 2019)


Mardi 29 septembre
Matin
PERSPECTIVES SOCIO-ÉTHIQUES (I)
Le travail humain en contexte de numérique ubiquitaire
François PICHAULT : Anticiper les compétences nécessaires à l'ère de l'IA : retour sur une démarche méthodologique au sein du groupe Orange

Le facteur humain est-il soluble dans le Numérique ?, dialogue entre Yohan AMSTERDAMER (RATP) et Fatie TOKO (La Poste)

Jean-Philippe MOREUX : Les angles mort du numérique : le cas de la BNF

Après-midi
PERSPECTIVES SOCIO-POLITIQUES (II)
Numérisation des espaces publics
Hubert GUILLAUD : Ce que le tableau Excel fait au monde

Espaces publics et dispositifs d'identification numériques, atelier organisé par La Fabrique de la Cité, avec Emmanuel LÉGER (CEO de Cyclope.ai) [visioconférence], Myrtille PICAUD (La sécurité numérique des villes : un marché ?) et Félix TRÉGUER (La ville sous surveillance algorithmique)

Raphaël LANGUILLON : Économie politique du déploiement urbain du numérique [visioconférence]

Soirée
PERSPECTIVES ESTHÉTIQUES (III)
Atelier 2 de DisNovation, animé par Nicolas MAIGRET et Maria ROSZKOWSKA


Mercredi 30 septembre
Matin
PERSPECTIVES SOCIO-ÉTHIQUES (II)
Muriel BARNÉOUD : La Poste et les dilemmes d'un praticien de l'éthique numérique, avec la participation de Laure CASTELLAZZI (Fondation "Femmes@Numérique") [visioconférence]

Les algorithmes sont-ils bons pour la santé ?
Philippe AUBERT : Communiquer par logiciel pour des personnes n'ayant pas l'usage de la parole [enregistrement vidéo en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
La santé numérisée : l'illusion de mise sous contrôle seulement par les droits individuels, table ronde animée par Jean-Louis BANCEL, avec Roxane ADLE AIGUIER (Les enjeux éthiques de la santé numérique) et Margo BERNELIN (Les données de santé : une protection illusoire ?)

Présentation et discussion du manifeste des doctorants et doctorantes, animée par Sylvain ALLEMAND, avec Angelica CECCATO, Roch DELANNAY et Kenza GHARBI


Jeudi 1er octobre
Matin
SÉANCE CONCLUSIVE
• Synthèse, par Yves CITTON & Francis JUTAND
• Enseignements recueillis sur les problèmes présentés par les entreprises, par Olivier LECOINTE
• Table ronde, organisée avec Fabrice JEANNE (Conseil départemental de la Manche) et animée par Sylvain ALLEMAND

Après-midi
DÉPARTS


PRESSE / MÉDIAS :

• "Les angles morts du numérique", entretien avec Yves CITTON (co-directeur du colloque) réalisé par Sylvain ALLEMAND [en ligne sur le site L'EPA Paris-Saclay | 9 octobre 2020].


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Sénamé Koffi AGBODJINOU : Épistémicides - Cosmogonies : computationnalités primitives
Il est soupçonné d'être l'origine de la crise actuelle. C'est l'animal le plus braconné au monde. Anciennement pourtant, dans certaines communautés africaines, de grands discours posés comme indépassables, le plaçaient au centre du Système du Monde : il servait ainsi en tant que concept à projeter des constructions complexes pour l'articulation harmonieuse de la structure sociale dans la structure naturelle. La figure du pangolin, glissé en Afrique d'une position de clé de voûte d'architecture de pensée vertueuse à vil objet de marché, informe singulièrement le poids des épistémicides dans la capitalocène avec le sujet nouveau du virus. S'il est admis que le libéralisme mondialisé fait le lit des crises sanitaires cette communication suggère que : pareillement pandémies, capitalisme et germes entretiennent l'un avec l'autre identité de méthode par l'incohérence insinuée dans les systèmes dont elles perturbent des structures organiques qu'elles soient biologiques ou socio-économiques. Mais que ce n'est pas tout encore du viral. Qu'immiscée, subreptice, colon, il se propose, le viral, plus stimulant encore à envisager dans le cyber-système industriel au travers justement le solutionnisme technologique débridé par la crise de la contagion. Voici désormais trois niveaux intriqués de virus à exorciser ! Peut-être par des cosmogonies nouvelles investies du défi d'enchasser idéalement biosphérique, social et technologique.

Sénamé Koffi Agbodjinou, Architecte et anthropologue, commissaire d'exposition, fondateur de L'Africaine d'architecture. Il est promoteur de la pensée néovernaculaire qu'il décline concrètement en tant qu'innovateur, designer, entrepreneur aux différentes échelles du produit, du bâtiment et de la ville. Il est le créateur de L'Africaine d'architecture, une plateforme de recherche et d'expérimentation sur les questions de l'architecture et de la ville africaines et des WoeLabs : réseau de tech-hubs togolais entièrement financé de lui, dont l'ambition est de "rendre tout le monde égal en face de la technologie" ! Avec sa communauté, il contribue à prototyper un Collectivisme Digital qui a permis de lancer la demi-douzaine de startups du Groupe HubCity. Sa vision prospective éclaire plusieurs conférences, institutions et grands groupes.

Yohan AMSTERDAMER
L'humain est-il soluble dans l'I.A. ? L'histoire des automatismes et des automations à la RATP n'est pas nouvelle, on peut la retracer dans un continuum qui va des aiguillages aux premiers systèmes d'aide à la conduite et au métro automatique. L'I.A. porte un potentiel qui nous interroge dans nos relations avec l'environnement et les outils du travail : s'agit-il d'un changement de degré ou de nature de cette collaboration homme/machine déjà ancienne ? En illustrant différents champs où nous utilisons l'I.A., nous tenterons de décrire comment nous traduisons de l'intelligence et de l'humain dans les systèmes de régulation du trafic RER, de traduction instantanée, de maintenance prédictive, de conduite autonome.

Yohan Amsterdamer est responsable du programme IA au sein du groupe RATP. Ingénieur diplômé des Mines de Paris, détenteur d'un master à l'ESSEC, il a débuté sa carrière dans l'ingénierie des transports où il a évolué en tant que responsable performance financière et opérationnelle, un poste transverse qui lui a permis d'acquérir une solide expérience en matière de gestion de projets et de conduite du changement. Il rejoint la RATP en août 2018 pour structurer et activer les leviers de l'IA au service de l'excellence opérationnelle et l'expérience client.

Philippe AUBERT : Communiquer par logiciel pour des personnes n'ayant pas l'usage de la parole
Il s'agit d'un retour et d'une analyse d'expériences, visant à illustrer et comprendre comment une personne vivant avec un handicap très conséquent s'est approprié des outils du numérique tout au long de sa vie.
Cette démarche m'a permis d'aller à la rencontre des autres, dans une démarche de négociation constante avec les nouvelles technologies, afin de maintenir sans cesse l'humain au centre de mes relations personnelles et professionnelles.
Il ne s'agit pas d'un témoignage, mais d'une analyse de l'usage des outils du numérique par une personne très dépendante, qui revendique un pouvoir d'agir toujours plus grand, nécessitant une alliance subtile entre solutions numériques et accompagnement humain.
Cette alliance repose donc sur un ensemble d'acteurs humains et non humains formant un réseau facilitant le développement de ce pouvoir d'agir.
En savoir plus : ragedexister.com

Muriel BARNÉOUD : La Poste et les dilemmes d'un praticien de l'éthique numérique
Les engagements de La Poste autour du "numérique inclusif" montre qu'elle adresse encore une grande partie de la population, qui a besoin d'être formée, d'avoir un accès spécifique au numérique… mais cette ambition pose question : quelles difficultés a-t-elle rencontré dans la mise en place de ce "numérique inclusif" et comment convaincre de sa légitimité ? Comment les a-t-elles surmontées ? Et aujourd'hui, quels sont les dilemmes en cours ? Quel statut mettre derrière cette "mission" ? Doit-on faire évoluer un engagement existant ? Invoquer un principe de mutabilité de nos missions ? Dans un autre registre, le Groupe s'interroge sur la meilleure façon de prendre des précautions sur le plan éthique lorsqu'elle lance une offre ou un service qui repose sur des outils numériques (son coffre-fort numérique mais aussi son service d'aide à la déclaration de revenus). Si le consentement des données du facteur avec son "factéo" a été rondement mené, quelles précautions prendre vis-à-vis des clients quand le service est "intermédié" par un facteur ?

Nommée Directrice de l'Engagement Sociétal du Groupe La Poste en 2016, Muriel Barnéoud porte la stratégie du Groupe La Poste en vue de favoriser un numérique éthique et responsable et d'accélérer les transitions climatiques. Elle a été Président Directeur Général de Docapost, filiale du Groupe La Poste spécialiste de la transition numérique et mobile des entreprises et des institutions de 2010 à 2017. Elle a occupé auparavant le poste de Directeur général adjoint du Courrier, en tant que directeur industriel. Elle y a notamment porté la modernisation de l'appareil industriel de traitement du courrier "Cap Qualité Courrier", un programme à forte composante informatique et numérique.

Côme BERBAIN : Numérisation : vers un nouveau partage de rôle entre humains et algorithmes ?
Les nouvelles possibilités offertes par le numérique questionnent la répartition des rôles entre humains et algorithmes : les algorithmes sont-ils au service des humains ou au contraire ont-ils besoin d'eux ou en sont-ils les donneurs d'ordres ? Quels services ne sont pas numérisables ? Quel apport de l'humain par rapport à la machine ? Nous illustrerons cette problématique par trois exemples :
• les réseaux sociaux qui, en faisant contribuer le citoyen à la création de contenus, ont permis à la fois un développement sans précédent de la liberté d'expression, mais aussi la multiplication des contenus haineux ou des fausses nouvelles. Quelles formes (automatique ou humaine) prend l'action des réseaux sociaux et quel contrôle démocratique est envisageable ?
• les efforts de numérisation et de modernisation de l'administration qui modifient à la fois la relation citoyen-administration (en simplifiant certaines démarches mais également en imposant de nouvelles obligations) et le rôle du fonctionnaire ;
• le développement des nouvelles mobilités : de l'automatisation des lignes de métro à l'ubérisation et au développement du véhicule autonome.

Côme Berbain est directeur de l'innovation du groupe RATP et directeur du programme Véhicule Autonome. Ingénieur du corps des mines, docteur en cryptographie, son parcours alterne entre entités privées (Orange, Trusted Logic) et publiques (ministère de la défense, ANSSI, Direction interministérielle du numérique) dans les domaines de la transformation numérique et de la cybersécurité. En 2017 et 2018, il est conseiller au cabinet du secrétaire d'État chargé du numérique où il porte les sujets de transformations numériques de l'État et de confiance numérique, avant de devenir Chief Technology Officer à la direction interministérielle du numérique en 2019. Il rejoint la RATP en novembre 2019.

Anaïs BERCK : Quand les arbres organiques vont à la rencontre de l'arbre binaire [Performance]
Wikipedia et Wikidata sont utilisés dans le monde entier pour entraîner des logiciels de compréhension linguistique. Les données sont accessibles et gratuites, les informations sont à jour et existent dans de nombreuses langues différentes. Lorsqu'un arbre organique recherche sa représentation dans ces bases de données, les structures de pouvoir contemporaines et anciennes deviennent douloureusement visibles. Le concept d'arbre, par exemple, que même les enfants peuvent facilement indiquer dans la vie physique, est un défi pour les programmeurs dans le monde numérique suite à la culture de classification qui régnait au XVIIIe siècle. Anaïs Berck donne la parole aux arbres, aux algorithmes et aux êtres humains. Leurs récits nous offrent une perspective critique sur le processus de création d'applications et logiciels dont nous nous servons tous les jours.
La plupart des algorithmes sont conçus et utilisés à des fins commerciales. On pourrait dire qu'ils sont des esclaves du système néolibéral. Si les algorithmes se libéraient et pourraient choisir eux-mêmes les tâches, quel choix feraient-ils ? Anaïs Berck offre une réponse spéculative à cette question. Le nom est un pseudonyme et représente une collaboration égale entre les personnes, les algorithmes et les arbres. Après tout, les arbres sont actuellement les êtres vivants qui, avec toutes leurs symbioses, peuvent offrir la solution la plus efficace à la crise climatique. Dans le travail d'Anaïs Berck, les algorithmes se montrent au-delà de leur interface et racontent d'une "voix nue" leurs histoires sur les techniques, les gens et les arbres. Il en résulte des expériences poétiques dadaïstes, qui sont également instructives.

Anaïs Berck (alias l'artiste An Mertens) est un nom de plume qui indique la collaboration égale entre un ou plusieurs êtres humains, algorithmes et arbres. Si les arbres faisaient enfin entendre leur voix, en tant qu'êtres supérieurs sur cette planète ? Et si les algorithmes pouvaient choisir les buts pour lesquels ils travaillent ? Une planète plus saine serait-elle alors une priorité ? Le travail d'Anaïs Berck est le résultat d'années de recherche artistique sur les algorithmes, le texte et l'identité des arbres. Cette recherche a eu lieu dans le cadre des organisations artistiques bruxelloises Constant, Fo.am, Pianofabriek et Algolit, un groupe de travail artistique sur le code et le texte F/LOSS qui se réunit chaque mois à Bruxelles. En combinant des outils sensuels et techniques, elle donne forme à des histoires qui vivent là où le physique et le virtuel se rencontrent.

Olivier BOSSON : Trois morts brutales [Conférence-Performance]
À propos de trois faits divers révélateurs des conditions de vie dans les flux

C'était finalement à des équipes d'ingénieurs qu'on avait confié la mission de faire fonctionner la société. C'était eux qui avaient dessiné ces scénarios à la gloire des flux, et, tablant sur les bienfaits qu'apporterait une abondance de circulations, de circuits, de canalisations, ils ont programmé le déploiement autonome infini des machines et des réseaux.
De mon côté, j'ai été marqué par trois morts brutales survenues au cours de ces dernières années : celle de Nodar Kumaritashvili, celle d'Elaine Herzberg, celle de Jérôme Laronze. Chacun de ces drames nous rappelle les limites des fictions type ingénierie réseau et de leurs promesses.

Yves CITTON : Angles morts et visibilité ubiquitaire
La numérisation du monde extrait et traite toujours davantage de "données" des interactions qui trament nos environnements humains et non-humain. Cette intervention inaugurale proposera un repérage général de quelques angles morts affectant cette promesse de visibilité ubiquitaire. Il s'agira d'abord d'en mesurer les ambivalences : certains d'entre eux limitent nos capacités d'agir individuelles et collectives, d'autres les protègent. Il s'agira ensuite d'en esquisser certains enjeux, qui traverseront les discussions de la semaine à venir.

Yves Citton est professeur de littérature et media à l'université Paris 8. Il est jusqu'en 2021 directeur exécutif de l'EUR ArTeC (Arts, Technologies, numérique, médiations humaines et Création). Il co-dirige la revue Multitudes et a publié récemment Générations Collapsonautes. Naviguer en temps d'effondrements (avec Jacopo Rasmi, 2020), Contre-courants politiques (2018), Médiarchie (2017), Pour une écologie de l'attention (2014), Zazirocratie (2011). Ses articles sont en accès libre sur yvescitton.net.

Fabrice FLIPO : L'enjeu de la sobriété numérique
La trajectoire du numérique n'est pas soutenable, c'est un fait ancien qui est désormais en passe d'être largement reconnu. De toutes parts s'élèvent des voix en faveur de la sobriété numérique. Mais qu'est-ce que la sobriété numérique ? L'intervention esquissera brièvement trois niveaux d'analyse : la trajectoire écologique du numérique, l'enjeu de la sobriété et la maîtrise des modes de vie. Elle se concluera sur une proposition de solution.

Francis JUTAND : Prospective des imaginaires : la métamorphose des idées, des valeurs et des esprits
La matière et les idées se succèdent et se construisent mutuellement comme causes premières alternatives et créatrices d'une spirale ascendante. Ce processus a pour ressorts essentiels l'imaginaire, la technologie et l'hubris qui créent un processus d'évolution, d'accumulation et de crise à résolution dialectique. Ce phénomène aboutit à chaque fois à une métamorphose de l'ensemble de la société humaine et crée un nouvel espace de recherche de sens et de spiritualité. L'imaginaire est une des caractéristiques avérées de l'être humain et fonctionne au niveau individuel et collectif comme une faculté de penser ce qui est hors de soi, dans le futur, le présent, le passé et l'ailleurs. Ce qui va nous intéresser là est l'imaginaire de l'avenir dans une période spéciale de l'humanité : la 4ème métamorphose, celle du numérique, et la mutation civilisationnelle qu'elle enclenche : le passage de la civilisation industrielle à la civilisation informationnelle. L'imaginaire collectif, ses fondements, ses composantes, ses mécanismes, constituent un des angles morts de la prospective du monde numérique vu comme une technologie ubiquitaire, une structuration nouvelle du monde, et un changement de cadre civilisationnel. L'objectif dans le cadre du colloque est d'éclairer, sous l'angle de l'imaginaire, les transformations en cours dans cet ensemble de mouvements en interaction, de la société, de l'économie et de l'écologie, des entreprises et de l’individu.

Raphaël LANGUILLON : Économie politique du déploiement urbain du numérique
Depuis 2005 et la première mention de l'idée d'une smart city par Bill Clinton, quinze ans se sont écoulés. Entre temps, les projets de smart city se sont multipliés dans des villes de tailles et de niveaux de développement différents : Barcelone, Songdo, Toronto, Medellin, Lyon, Yokohama, Singapour, Berlin, Nairobi, Shenzhen, Pune… Malgré sa large diffusion à la plupart des territoires urbains et la très grande diversité de ses déclinaisons, la smart city continue d'être évoquée au singulier. Sans doute cette vision homogène découle-t-elle des approches génériques qui caractérisent, à l'origine, sa formalisation par les grands groupes américains de la tech. Pourtant, la circulation globale de la smart city ne peut faire l'économie du constat de son adaptation à des contextes très variés : au regard des expérimentations indiennes, japonaises, européennes, sud-coréennes, ou africaines, la smart city n'est pas une évidence, tant se sont hybridées et mélangées ses multiples interprétations nationales et locales. La spécificité des enjeux de la smart city propre à chaque ville n'est que très rarement discutée. La diffusion globale du modèle pose pourtant de très nombreuses questions. Comment a-t-il émergé ? Pourquoi est-il apparu quasi simultanément en des lieux très différents et très éloignés les uns des autres ? Comment s'inscrit-il dans une histoire longue de la fabrique des espaces urbains, et dans l'économie politique des révolutions industrielles ? Urbanisation et industrialisation allant de pair, la smart city serait alors le dernier né des relations complexes entre régimes capitalistiques et dynamiques d'urbanisation. La présentation s'attachera dès lors à comprendre en quoi la smart city est d'abord un processus politique inscrit dans le temps long de l'histoire des transformations urbaines avant d'être un objet technologique du temps court des innovations du numérique.

Raphaël Languillon est enseignant-chercheur de l'université de Genève et chargé d'études senior de La Fabrique de la Cité. Normalien, agrégé, docteur de géographie et aménagement, il s'intéresse aux transformations urbaines contemporaines, comme les smart cities, le vieillissement des villes, ou les grands événements urbains (à l'image des Jeux olympiques et paralympiques), en particulier en Asie orientale et en Europe de l'ouest.

Alban LEVEAU-VALLIER : Le projet d'intelligence artificielle et la notion d'intuition
En postulant que tous les aspects de l'intelligence sont descriptibles (Dartmouth, 1955-56), le projet d'IA se place à son insu dans l'impasse décrite par Kant selon laquelle il nous est impossible de postuler à la fois le principe de causalité (qui fonde la possibilité de l'explication) et l'existence de la liberté. Avec cette hypothèse, les chercheurs mettent hors de leur portée les phénomènes de pensées impliquant la liberté (comme l'interprétation, l'invention ou le choix) et se condamnent à revivre la même déception scientifique à chaque exploit technique : les machines effectuent des méthodes de plus en plus complexes mais échouent toujours à "décrire" l'intelligence qui les invente ("théorème de Tesler"). Les succès techniques du projet d'IA invitent donc à reconsidérer ses hypothèses scientifiques, ce que nous ferons en menant une réflexion sur le hasard et l'intuition.

Alban Leveau-Vallier prépare un doctorat sur l'intelligence artificielle et l'intuition à l'université Paris 8, sous la direction de Pierre Cassou-Noguès. Il enseigne à Sciences Po Paris.

Manon MÉNARD : Culture des singularités et "accessibilité" numérique : paradoxes d'une conception globalisante
Alors que les singularités des personnes en situation de handicap soulignent la difficulté, pour un individu, de construire une relation avec un système dominant et normatif, les enjeux d'accessibilité numérique possèdent leurs propres normes (WCAG 2.0, WCAG 2.1, RGAA, etc.) selon lesquelles ces populations sont ou non en capacité de participer au développement des technologies numériques de façon autonome. En s'attachant principalement à concevoir des interfaces "adaptées", l'accessibilité se focalise sur des problématiques physiologiques et biologiques propres à l'encapacitation des individus, pour lesquelles sont sollicitées des réponses techniques et fonctionnelles. En agissant comme tel, les acteurs du numérique mettent en évidence une politique d'adaptabilité dans laquelle les représentations sociales du handicap s'expriment encore par le prisme du validisme, c'est-à-dire le fait de considérer une personne en pleine possession de ses capacités physiques et psychologiques comme la norme sociale. Envisager l'accessibilité numérique par une culture des singularités permettrait au contraire de dépasser la perception du handicap comme un manque à combler, où perdure la dichotomie du corps et de l'esprit et de la personne à réparer et à appareiller. Dans cette quête vers l'individu comme sujet autonome, il convient de s'interroger sur les processus de conception des appareils numériques et leurs pratiques à l'égard du modèle social du handicap (disability studies). De l'inclusive design à des programmes d'intelligence artificielle, il s'agit en outre d'explorer comment deux cultures plaidoyant pour l'émancipation de l'individu affectent simultanément le lien social et notre relation à l'autre.

Manon Ménard est doctorante en Design au sein du laboratoire PROJEKT (EA 7447), sous la direction de Michela Deni (PR en Sémiotique, Université de Nîmes) et le co-encadrement d'Anthony Masure (Directeur de la recherche à la HEAD, Genève). Il s'agit d'un contrat doctoral financé par une bourse ANR NCU dans le cadre du projet Aspie-friendly. La thèse en cours porte sur les enjeux du design dans l'accompagnement social et pédagogique des personnes avec Troubles du Spectre Autistique (TSA) dans l'enseignement supérieur. La recherche-projet a pour objectif d'interroger les principes de l'inclusion pédagogique au regard des problématiques culturelles et sociales des personnes TSA. Manon Ménard est également doctorante associée du laboratoire LLA-CRÉATIS (EA 4152) et est chargée d'enseignement en Licence Design, Prospective et Société à l'université Toulouse - Jean Jaurès.

Nicole ORANGE : Intelligence artificielle, la Normandie cherche un algorithme gagnant - Rapport du CESER de Normandie (Mars 2019)
L'intelligence artificielle n’est pas née du XXIe siècle, mais l'explosion des données, la puissance de calcul des ordinateurs et la masse de données collectées en ont accéléré l'essor. Alors que les GAFAM américains affrontent les BATX chinois, on peut se demander quelle est la place de la Normandie dans ce combat géopolitique. La région a pourtant bel et bien son rôle à jouer autour de ses entreprises, de ses laboratoires et de son écosystème de financement et d'accompagnement. L'ensemble des politiques régionales sont touchées par l'IA : formation, transports, développement économique, aménagement du territoire. Cette réalité doit amener le Conseil Régional à considérer qu'il doit adapter son organisation interne pour répondre aux besoins nouveaux.

Nicole Orange, Professeur des Universités à l'université de Rouen, Présidente de la commission Recherche, Innovation et Coopération au CESER de Normandie. Chercheur en Sciences Biologiques, Nicole Orange a activement participé à la structuration de la recherche en Normandie, notamment par la mise en place des réseaux de Recherche d'Intérêt Normand. Très sensible à la richesse des connaissances issues de la transversalité des domaines de recherche, l'importance de l'IA est un des sujets mis en avant dans ses recherches pour explorer la complexité des systèmes biologiques appliqués à la santé, au travers de l'analyse d'un grand nombre de données.
Bibliographie récente sur Researchgate Nicole Orange

Ernesto OROZA : Within the Revolution, Everything
This lecture deals with popular digital practices that update, or "crack", the cultural politics of the Cuban Revolution. To this end, I analyze three vernacular and unregulated computing protocols that have spread across the island since the first decade of the 2000s, and which are articulated as ways of making based on practices that are collectivist, anti-monopoly, and of cultural resistance, and technological disobedience:
1- SNet (Street Net), or RoG (Red of Gamers) : a system of Local Area Networks (LAN), developed by teenagers in order to game in their neighborhoods, which became an enormous, wireless urban intranet. SNet was self-sustaining and independent until it was absorbed by the state in 2020.
2- El Paquete Semanal/The Weekly Package : a system of distribution, on a national scale, for a terabyte of pirated digital content. External hard drives are used for distribution ; these contain series, movies, soap operas, documentaries, music, videoclips, reality shows, memes, comics, animated films, software, apps, antivirus software, language courses, magazines in PDF format, and ads.
3- Revolico/The Lists : a webpage for classified ads that reorganized and proposed a new use for "the lists" (text-based documents [spreadsheets] created by workers, containing information for buying, selling, and trading products, which circulate over the state’s intranets). Revolico has an online version and an offline version, which is updated and distributed by the matrices of The Weekly Package.

Cette conférence aborde les pratiques numériques populaires qui actualisent — ou "craquent" — la politique culturelle de la Révolution cubaine. À cette fin, j'analyse trois protocoles informatiques vernaculaires et non réglementés qui se sont répandus dans l'île depuis la première décennie des années 2000, et qui s'articulent comme des façons de faire fondées sur des pratiques collectivistes, anti-monopoles et de résistance culturelle et de désobéissance technologique.
1- SNet (Street Net), ou RoG (Red of Gamers) : un système de réseaux locaux (LAN), développé par des adolescents pour jouer dans leur quartier, qui est devenu un énorme intranet urbain sans fil. Le SNet était autonome et indépendant jusqu'à ce qu'il soit absorbé par l'État en 2020.
2- El Paquete Semanal/The Weekly Package : un système de distribution, à l'échelle nationale, d'un téraoctet de contenu numérique piraté. Des disques durs externes sont utilisés pour la distribution ; ils contiennent des séries, des films, des feuilletons, des documentaires, de la musique, des clips vidéo, des émissions de télé-réalité, des mèmes, des bandes dessinées, des films d'animation, des logiciels, des applications, des logiciels antivirus, des cours de langues, des magazines au format PDF et des publicités.
3- Revolico/The Lists : une page web pour les petites annonces qui a réorganisé et proposé une nouvelle utilisation pour "les listes" (documents textuels [feuilles de calcul] créés par les travailleurs, contenant des informations pour l'achat, la vente et le commerce de produits, qui circulent sur les intranets de l'État). Revolico a une version en ligne et une version hors ligne, qui est mise à jour et distribuée par les matrices du "Weekly Package".

Designer, chercheur, responsable du 3e cycle Design et recherche à l'École Supérieure d'art et de design de Saint-Étienne, directeur éditorial d'Azimuts, Ernesto Oroza s’est intéressé aux architectures de la nécessité, à la désobéissance technologique et autres sujets qui relient design et société en temps de crise économique et politique. Il produit et distribue des modèles spéculatifs et des recherches par le biais de diverses méthodes de publication, expositions, pratiques de collaboration, documentaires et incursions peu orthodoxes en architecture, design d'intérieur et objet. Son travail a été présenté au Museum of Modern Art de New York, au Musée Groninger, Pays-Bas ; au LABoral Centro de Arte y Creación Industrial, Espagne ; au Musée des beaux-arts de Montréal ; au Museo Rufino Tamayo, Mexico ; à l'Institut de Culture La Virreina, Barcelone. Il a participé à deux reprises à la Biennale internationale du design de Saint-Étienne et a reçu des bourses de la Fondation Guggenheim, de la Fondation Christoph Merian, Bâle, Suisse, du Centre danois pour le développement culturel et de la Fondation Ludwig.

Samuel SZONIECKY : Intelligences végétales
Depuis les premières interfaces graphiques, nous utilisons des analogies pour manipuler les informations. Par exemple, nous travaillons avec nos ordinateurs de la même manière que nous le faisons quand nous sommes à notre bureau entouré de dossiers et de documents. Cette analogie bureautique qui fait de l'information une matière quasi inerte, crée de nombreux angles morts face aux flux continus d'information qui se métamorphosent sans cesse. Le bureau n'est plus aussi éclairant quand l'information est vivante, que sa gestion devient collective et qu'elle ambitionne le développement d'une intelligence collective et réflexive. Nous proposons d'explorer une autre analogie de design des connaissances qui trouve dans les végétaux le modèle d'une intelligence complexe mais accessible car basé sur une expérience simple du vivant : une graine pousse ici et maintenant vers les nuages suivant une arborescence documentaire et vers l'intériorité d'un espace conceptuel commun suivant des rhizomes intuitifs.

Après des recherches en histoire de l'art, Samuel Szoniecky est devenu ingénieur informatique, chef de projet et créateur d'entreprise. Depuis 2006, il oriente son travail vers la recherche et l'enseignement à l'université Paris 8 où il est maître de conférences en sciences de l'information et de la communication. Il explore des méthodes de design des connaissances pour le développement d'une intelligence collective centrée sur la stimulation, l'expression et le partage des intelligences individuelles.
Publications
Szoniecky S., Écosystème de connaissances : méthode de modélisation et d'analyse de l'information et de la communication, ISTE Éditions, 2017.
Szoniecky S. & Bouhaï N., Intelligence collective et archives numériques, Systèmes d'information, web et société, ISTE Éditions, 2017.

Justinien TRIBILLON : Les villes
Si certaines villes sont intelligentes, c'est bien que d'autres sont stupides, non ? Voire sales, crasseuses. Smart en anglais, c'est l'intelligence intellectuelle, c'est aussi l'élégance, la classe. La lourdeur et la vacuité du concept de smart city n'a pas empêché son succès. Il caresse entrepreneur, maire, technocrate, dans le sens du poil en jouant sur le fantasme inavoué de l'édile démiurge soutenu par l'ingénieur omniscient — on effleure sa tablette et le CO2 diminue ; une manette abaissée, fini les embouteillages ; double-clic sur son écran, la criminalité disparue. Gouverner devient ludique, pratique, et puis c'est automatique. Les questions éthiques disparaissent dans la boîte noire des infrastructures, dans des lignes de codes que personne ne comprend de toute façon. Vidéos de promotions, applications, renders se nourrissent au biberon des codes de la science-fiction… en oubliant qu'Asimov, Orwell ou Bradbury décrivaient des dystopies. La critique de la smart city n'est pas forcément anti-technologique, mais elle permet d'interroger ces "angles morts" et de repenser le rôle du "numérique" dans la ville, pour plus de démocratie, d'inclusivité. Bref, d'intelligence.

Justinien Tribillon est urbaniste et sociologue. Doctorant et enseignant à University College London, il est également co-fondateur et co-rédacteur en chef de la revue Migrant Journal. En tant qu'écrivain et critique d'architecture, il a écrit pour The Guardian, The Architectural Review, MONU.
Site internet : tribillon.com


Espaces publics et dispositifs d'identification numériques, atelier organisé par La Fabrique de la Cité, avec Emmanuel LÉGER (CEO de Cyclope.ai) et Myrtille PICAUD (chercheuse, Centre d'études européennes et de politique comparée [CEE] et Centre européen de sociologie et de science politique [CESSP]) — Grand témoin : Marta REVUELTA (sous réserve)

Alors que la Chine déploie son dispositif de surveillance de masse des populations via la reconnaissance faciale qui couple vidéo et intelligence artificielle, d'autres régions du monde tentent de légiférer sur la captation de données biométriques au sein des espaces publics — ou des espaces ouverts au public. C'est le cas de l'Union européenne, dont le Règlement Général de Protection des Données (RGPD) confère aux habitants un cadre juridique solide sur la protection de leurs données personnelles.
Point besoin toutefois de passer par les données biométriques pour surveiller les citoyens. Singapour inaugure ainsi en 2020 un système de péage urbain satellitaire, qui permet de suivre tout véhicule à tout moment de la journée et de lui imposer une tarification dynamique de son usage de la route et de ses accès à certains espaces urbains. En Europe, des start up développent des applications variées aux dispositifs ayant recours à l'intelligence artificielle et à la vidéo, comme par exemple Cyclope, hébergée par Léonard, l'incubateur du groupe VINCI SA, qui met au point un système de reconnaissance des véhicules. Bien que ne tombant pas sous le coup de la juridiction sur les données biométriques, ces dispositifs ultraperformants d'un genre nouveau posent la question du déploiement quasi ubiquitaire de l'intelligence artificielle à des fins de surveillance de masse de l'espace — espaces publics, routes, infrastructures privées…
Le recours à la reconnaissance numérique (vidéo, satellitaire, audio…) des individus et des objets est-il un progrès souhaitable ou une dérive autoritaire ? Si le questionnement donne l'impression d'une alternative binaire manichéenne, les termes du débat sont bien plus complexes et subtils. Afin de contribuer à structurer l'horizon politique et éthique du déploiement spatial de l'intelligence artificielle, La Fabrique de la Cité convit les membres du Cercles des Partenaires de Cerisy à un atelier de réflexion et d'échange sur les dispositifs d'identification numériques.

Emmanuel LEGER
Emmanuel Léger bénéficie de 15 années d'expériences dans le développement de start-ups et la croissance de projets innovants à forte composante technologique. Après 10 ans au sein du Groupe Total, au cours desquels il lance Awango, spin-off dédiée aux énergies renouvelables dans les pays émergents, il part co-fonder Westwing France, plateforme de E-commerce lancée par Rocket Internet. Il prend ensuite la direction de Datacity, programme de Data Innovation monté par le NUMA, incubateur spécialisée dans la transformation digitale, et la Ville de Paris. Diplômé d'HEC Paris et fort de ses expériences entrepreneuriales, il est passionné par les enjeux autour de la mobilité intelligente et son impact sur la ville.
Présentation de Cyclope.ai
Cyclope.ai est une entreprise de haute technologie, spécialisée en Intelligence Artificielle appliquée au traitement d'image et à l'analyse vidéo. Elle conçoit, développe et commercialise des logiciels d'IA dédiés aux exploitants d'infrastructures routières et gestionnaires de trafic. Elle met les dernières technologies de Computer Vision et Deep Learning au service des défis quotidiens de la gestion des routes, pour apporter un support à une échelle industrielle en rendant "intelligentes" les centaines de caméras déjà installées sur le réseau [Soutenue par le groupe VINCI, leader mondial de la gestion d'infrastructures, elle a pour mission de propulser les routes vers la mobilité de demain, pour en faire un lieu plus sécurisé et mieux partagé, plus fluide et plus durable].
En savoir plus : cyclope.ai/fr/

Myrtille PICAUD
Après avoir travaillé sur les enjeux artistiques et urbains de la transformation des scènes musicales à Paris et Berlin dans sa thèse de sociologie, Myrtille Picaud s'est intéressée aux politiques de sécurité concernant les événements musicaux, notamment les festivals de musique. Elle enquête aujourd'hui sur le développement de dispositifs numériques destinés aux espaces urbains, à la fois dans le domaine général de la "smart city", mais aussi de la sécurité des espaces publics. Elle examine la construction de ce marché en France et ses implications pour la gestion et les usages de l'espace par les individus


SOUTIENS :

• École universitaire de recherche ArTeC | Université Paris-Lumières (UPL)
• Haute école d'art et de design - Genève (HEAD)
Université de Paris 8 | Vincennes - Saint-Denis

Programme 2020 : un atelier

Programme complet


MAÏEUTIQUE — RÉCITS D'UN NOUVEAU MONDE

IMAGINER, PARTAGER, CONSTRUIRE ET ÉCRIRE ENSEMBLE


DU MERCREDI 16 SEPTEMBRE (19 H) AU DIMANCHE 20 SEPTEMBRE (14 H) 2020

[ atelier de 4 jours ]



DIRECTION :

Olivier FRÉROT, Luc GWIAZDZINSKI, Chris YOUNÈS


ARGUMENT :

"Le monde est l'horizon d'un projet dont je suis l'ouvreur.
Et je suis moi-même en jet dans ce projet"(1)

L'atelier installé dans l'énergie d'un temps court s'inscrit dans un processus partenarial plus long qui permettra de construire ensemble, et avec d'autres, le colloque international prévu en 2022.

À partir du récit de l'Anthropocène comme nouvel âge géologique de la Terre, marqué par l'impact majeur des activités humaines sur la planète et ses écosystèmes, et après le grand confinement, nous sommes invités à imaginer des devenirs d'un autre type pour construire des rapports féconds entre l'anthropisation et la vie. Comment survivre à l'épuisement des milieux et de l'individu ? Comment faire pour rebondir vers une ville et des établissements conviviaux, à la fois résister à la déréliction et co-créer avec le vivant ? Autrement dit, comment élaborer ensemble une nouvelle maïeutique ?

Changements radicaux. Des régénérations synergiques sont à prospecter, non seulement en raison de la fatigue occasionnée par la vie urbaine, mais aussi du fait de conditions d'existence hostiles et mortifères qui gagnent du terrain. Le propos est d'envergure puisqu'il s'agit d'envisager des changements radicaux associant les dimensions écologiques, sociales, économiques, culturelles, philosophiques, spirituelles…

Nouvelles synergies. Le retournement est décisif puisqu'il suppose de ne pas poursuivre aveuglément la volonté d'arraisonnement du réel, mais de se demander comment mieux prendre soin, et de se repenser en tant que communauté humaine en interrelation avec tous les vivants et les éléments de la nature. Sont en jeu les synergies(2) entre humains et non-humains, local et global (au sens du globe terrestre), rural et urbain, féminin et masculin, matériel et spirituel, profane et sacré. Penser synergie, c'est concevoir les interactions en devenir des entités entre elles, celles du tout et des parties, à savoir interroger et mobiliser des dynamiques d'autorégulations, d'interdépendances, d'inter-engendrements, entre facteurs climatiques, tectoniques, mécaniques, chimiques, biotiques, sociétaux ou culturels. Quels récits et quels projets pour une renaissance des conditions d'existence menacées par la toxicité et la barbarie ?

Mise en récits. La perspective n'est pas celle d'un retour en arrière mais d'une attention à porter à des dynamiques de recommencement d'un autre type en suscitant de nouvelles mises en rapport et de nouvelles porosités par le "faire récit". L'atelier sera construit autour d'un entrelacs d'imaginaires, de narrations et de co-écritures, positionnés résolument comme récits ouverts, à la rencontre d'un nouveau vivre-ensemble entre tous les vivants : une nouvelle vocation de l'humanité au service de la vie. Trois champs seront particulièrement explorés : les grands récits d'avant ou récits de genèse, les changements de paradigmes et les émergences du nouveau monde.

Pari de la rencontre et du lieu. Une vingtaine de personnes venues de disciplines et d'univers différents dans la convivialité et la confiance(3) seront associées pour ouvrir le champ des possibles, explorer et produire ensemble les récits de ce nouveau monde. Programmé avant la pandémie, cet atelier fait résolument le pari de la rencontre et du lieu, des interactions et de l'intensité, de l'énergie et de la vie(4).

Situation construite. L'atelier prendra la forme d'un dispositif situé sur un lieu, le Château et la commune de Cerisy au cœur du bocage normand, sur un moment précis, soit quatre jours du 16 au 20 septembre 2020 et autour d'une situation construite : la fabrique collective de récits. L'approche développée privilégiera en permanence l'aller et le retour entre surprise et prise, vertige et réassurance, ambition et humilité, improvisation et préparation. Empathie, maïeutique et confiance seront au cœur de ce processus collectif d'émergence de récits.

Dispositif collaboratif et imaginaires. Le processus de création imaginé s'articule autour de moments conçus comme des blocs interactifs : question, immersion, sédimentation, production et restitution. Le questionnement sera précisé en faisant confiance au génie du lieu et à la dynamique du groupe. Entre local et universel, l'immersion permettra de mobiliser la richesse d'un environnement naturel, culturel et humain exceptionnel. Des moments de sédimentation seront prévus pour assurer la prise de recul. La production pourra prendre différentes formes (écrits, films, dessins, images, danses…) qui seront mises en débat et restituées dans un processus de design collaboratif. S'appuyant fortement sur l'immersion in situ et in vivo, le dispositif laissera une large place aux "imaginaires", qui sont fortement impliqués dans le "processus matériel et sensible de créer un monde"(5) ou plutôt "des mondes" au sens de Philippe Descola(6).

(1) Younès C. (dir.), 2007, Henri Maldiney. Philosophie, art et existence, Paris, Cerf.
(2) D'Arienzo R., Younes C., 2018, Synergies urbaines. Pour un métabolisme collectif des villes, Genève, Métis Press.
(3) Gwiazdzinski L. (dir.), 2015, L'hybridation des mondes, Grenoble, Elya.
(4) Frérot O., 2019, Vers une civilisation de la vie : entreprendre et coopérer, Lyon, Chroniques sociales.
(5) Claval P., 2017, Géo-épistémologie, Paris, Armand Colin.
(6) Descola P., 2014, La Composition des mondes, Paris, Flammarion.


MOTS-CLÉS :

Anthropocène, Design, Futur, Hybridation, Innovation ouverte, Métamorphoses, Récits, Synergies


PARTICIPANTS :

* Nils AZIOSMANOFF, Musicien, fondateur du Cube
* Françoise BARRET, Conteuse
* Céline BODART, Architecte
* Dorothée BROWAEYS, Journaliste, fondatrice de Tek4life
* Pierre-Antoine CHARDEL, Socio-philosophe
* Pascal FERREN, Maïeuticien
* Irénée FRÉROT, Physicien
* Patrica HOAREAU, Berger, postier, autodidacte
* Éric LENOIR, Paysagiste punk
* Frida MORRONE, Conteuse
* Olivier TURQUIN, Berger d'alpage et socio-économiste
* Jacques VERRON, Océanographe et entrepreneur

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


MÉMOIRES ET ENJEUX DU MARITIME EN NORMANDIE


DU MERCREDI 16 SEPTEMBRE (19 H) AU SAMEDI 19 SEPTEMBRE (14 H) 2020

[ colloque de 3 jours ]



DIRECTION :

Vincent AUBIN, Pascal BULÉON, Christophe MANEUVRIER, Frédérique TURBOUT


ARGUMENT :

La région Normandie possède la plus importante façade maritime française et se trouve au bord du couloir qui voit passer un quart du commerce maritime mondial. Elle accueille le troisième complexe portuaire européen, possède quatre grandes gares maritimes, et compte également de nombreux plaisanciers, marins pêcheurs et passionnés de sports nautiques. Malgré ces traits majeurs témoignant d'une activité importante, l'image de la Normandie reste celle d'une région essentiellement terrienne. Comment expliquer la permanence de ces représentations qui affirment, à tort, que les Normands sont peu tournés vers les mers ?

Ce colloque engagera une large réflexion entre élus, acteurs et chercheurs pour révéler au plus grand nombre la richesse du patrimoine maritime normand, tout en favorisant un dialogue entre acteurs de ce monde maritime. Puis, après avoir dégagé les principaux enjeux du maritime au regard des défis actuels, il s'efforcera de l'intégrer dans la stratégie régionale. Dans cette perspective, les débats s'organiseront autour de trois questions : en quoi la Normandie est-elle une grande région maritime ignorée notamment en matière de patrimoine ? Quels sont les acteurs de ce patrimoine et comment favoriser leur mise en réseau ? Comment la région peut-elle "réinvestir" sa maritimité aujourd'hui et demain ?


MOTS-CLÉS :

Appropriation, Échanges, Commerce maritime international, Maritime, Maritimité, Mer de la Manche, Normandie, Patrimoine, Ports, Valorisation


PRESSE / MÉDIAS :

• Compte-rendu du colloque, par Frédérique TURBOUT, mis en ligne le 13/10/2020 sur Le Carnet de la MRSH.

Mémoires et enjeux du maritime en Normandie, synthèse du colloque par Frédérique TURBOUT, Revue Études Normandes, n°17, Mars-Juin 2021, p. 42-47.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 16 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 17 septembre
LES ACTEURS DU PATRIMOINE MARITIME NORMAND
Expériences muséales

Matin
Pierre ICKOWICZ [Musée de Dieppe] : Une synthèse de la Normandie maritime : Dieppe un musée de ville portuaire
Benjamin FINDINIER [Musée de Honfleur] : La prise en charge patrimoniale du caractère maritime de Honfleur dans le cadre du projet de la Lieutenance et du pôle culturel de la ville

Après-midi
Marie-Anne DU BOULLAY [French Lines & Compagnies] : French Lines & Compagnies, patrimoine maritime et portuaire [visioconférence]
Pierre SCHMIT [La Fabrique de Patrimoines en Normandie] : La mise en patrimoine de la maritimité en Normandie depuis le début des années 1980 [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]
Brigitte RICHART & Alexandra JALABER [Musée de Granville] : Quels avenirs pour les collections maritimes ?
Alain TALON [Conseil départemental de la Manche] : Tatihou : un musée maritime ou comment traiter de la maritimité d'un territoire, sur le plan des patrimoines

Soirée
Dockers de pères en fils, projection et discussion avec Karine LE PETIT (réalisatrice)


Vendredi 18 septembre
LA NORMANDIE, UNE RÉGION MARITIME IGNORÉE ?
Matin
La Normandie maritime au fil du temps
Christophe MANEUVRIER [Université de Caen Normandie] : La Normandie au cœur de l'économie atlantique ? Commerce et échanges maritimes aux XVIe et XVIIe siècle
Paul MANEUVRIER-HERVIEU [Université de Caen Normandie] : Au gré des vagues : les ports de la Seine dans l'économie monde au XVIIIe siècle
Jean-François KLEIN & Éric SAUNIER [Université du Havre Normandie] : Normonde, une réflexion sur les patrimoines maritimes de l'empire ultra-marin en Normandie

Après-midi
Autour du patrimoine maritime
Viviane MANASE [Région Normandie] : Villégiature balnéaire en Normandie : un patrimoine connu, reconnu ?
Magali LACHÈVRE [Service Historique de la Défense, Cherbourg, Université de Bretagne Occidentale] : Patrimonialisation des paysages portuaires

Soirée
Stéphane LAÎNÉ : Toponymie et parlers normands en milieu maritime


Samedi 19 septembre
LES ENJEUX DU MARITIME
Matin
La Normandie maritime dans la mondialisation récente, table ronde animée par Pascal BULÉON [Université de Caen Normandie], avec Vincent AUBIN [Région Normandie], Bernard CAUVIN [Président de la Cité de la Mer - Cherbourg], Michael DODDS [Comité Régional du Tourisme de Normandie], Paul TOURRET [Institut Supérieur d'Économie Maritime] et Frédérique TURBOUT [Université de Caen Normandie] — [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Stéphane LAÎNÉ : Toponymie et parlers normands en milieu maritime
La façade maritime de la Normandie, la plus importante du territoire national, comporte un nombre impressionnant de noms de lieux qui sont pour beaucoup en rapport avec la mer et son univers. Ces toponymes reflètent l'histoire de la province. Ils sont d'abord l'héritage des différents peuples qui ont habité ou fréquenté les lieux et de la langue qu'ils employaient. Ils sont aussi le reflet de la géographie et des activités humaines : noms de reliefs, de caps, de havres, d'îles… mais aussi noms de ports, de gués ou de bacs, de fortifications nées pour se défendre des incursions… Les habitants de la côte ont également développé une pratique dialectale propre au milieu dans lequel ils évoluent, un langage marqué notamment par la pratique de la pêche et de la navigation. Ce sont ces différents aspects que nous traiterons lors de notre propos.

Docteur en sciences du langage, historien de la langue française et dialectologue, Stéphane Laîné est un spécialiste de l'onomastique reconnu nationalement et internationalement. Membre du Conseil scientifique et culturel des parlers normands institué par la Région Normandie, il œuvre à la connaissance du patrimoine linguistique régional. Ses recherches ont aussi abordé l'histoire de la Normandie par le prisme de la littérature et de la linguistique.

Pierre SCHMIT : La mise en patrimoine de la maritimité en Normandie depuis le début des années 1980
Le patrimoine maritime est une notion qui se fait jour à la fin des années 70. Si cette catégorie patrimoniale possède quelques caractéristiques propres qui lui confère une spécificité, elle demeure, comme tout autre élément du patrimoine culturel, une construction sociale complexe, en perpétuel renouvellement. Cette communication synthétique interroge le mécanisme de production patrimoniale, ses ambiguïtés et son rôle dans un certain renouveau de la conscience maritime en Normandie au cours des dernières décennies.

Né en 1957, Pierre Schmit, a été directeur du Centre régional de culture ethnologique et technique de Basse-Normandie et est aujourd'hui directeur de l'EPCC La Fabrique de patrimoines en Normandie. Avec ces institutions, dès le milieu des années 1980, il a conduit plusieurs programmes de recherche ethnologique et de documentation portant sur les activités et le patrimoine maritime. Avec ses collègues, il a contribué à plusieurs projets muséographiques et à diverses actions de valorisation du patrimoine maritime. Interlocuteur des administrations culturelles, des collectivités et de nombreux acteurs intéressés par ce sujet, il peut témoigner de cette aventure patrimoniale.

Alain TALON : Tatihou : un musée maritime ou comment traiter de la maritimité d'un territoire, sur le plan des patrimoines
Au sein du réseau départemental des sites et musées, trois sites traitent de la maritimité : l'écomusée de la baie du Mont Saint-Michel de Vains ; le musée maritime de Regnéville-sur-Mer et l'île Tatihou selon une approche plus globale de l'histoire et des patrimoines de la mer. Après trente ans d'activité de recherche, de médiation, le Département (en accompagnement d'une requalification de l'offre touristique de restauration et d'hébergement) souhaite écrire un nouveau programme, à travers un projet scientifique et culturel. La refonte muséographique concerne le musée composé de cinq espaces dans le lazaret. En parallèle, il est nécessaire de concevoir un discours de médiation au sein du fort Vauban, dont la tour est inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, concentrant près de 350 ans d'histoire défensive du littoral, de Vauban au mur de l'Atlantique. Marqueur territorial, la mer structure le Cotentin et le Département de la Manche. Les nouveaux espaces et outils de médiation ont pour ambition de traiter des premiers peuplements, de l'histoire de l'île, celle des fortifications, des gens de mer, des ressources marines et des jardins du lazaret. Ce nouveau programme culturel, basé notamment sur la préhistoire, l'histoire, l'ethnographie, la biologie marine, est conçu pour donner à comprendre un écosystème intégrant la mer, l'anthropisation, l'environnement.

Alain Talon est directeur du patrimoine et des musées du Département de la Manche.


La Normandie maritime dans la mondialisation récente, table ronde animée par Pascal BULÉON [Université de Caen Normandie], avec Vincent AUBIN [Région Normandie], Bernard CAUVIN [Président de la Cité de la Mer - Cherbourg], Michael DODDS [Comité Régional du Tourisme de Normandie], Paul TOURRET [Institut Supérieur d'Économie Maritime] et Frédérique TURBOUT [Université de Caen Normandie]
La Région a en charge l'exercice de la compétence obligatoire de l'inventaire général du patrimoine culturel et le développement d'une politique en faveur du patrimoine s'appuyant sur quatre missions : la connaissance, l'expertise, l'aide à la conservation-restauration et la valorisation. Au titre du Comité Régional du Patrimoine, il a été identifié comme thématique prioritaire "L'Eau en Normandie" portant sur les sujets, d'une part, du portuaire et de l'hydraulique, et d'autre part, du balnéaire et du thermal. C'est dans ce cadre global que la dimension Patrimoine révèle, sur la base d'un diagnostic régional partagé avec les services de l'État et les départements, des forces, des faiblesses et des vigilances. La mondialisation des échanges commerciaux et des flux touristiques dans un contexte de réchauffement climatique (notamment du trait de côte) bouscule l'équilibre fragile entre attractivité territoriale et préservation des patrimoines culturel et naturel.

Vincent AUBIN
Cette intervention reposera entre autres sur la stratégie régionale Culture et Patrimoine intitulée "Territoires Créatifs" et présentée en 2017 à Elbeuf mais également sur les études d'inventaire de la Région ainsi que sur le document "Panorama et Enjeux du patrimoine normand 2019" issu des travaux partenariaux du Comité Régional du Patrimoine associant la DRAC, les cinq départements, la Fondation du Patrimoine et l'EPCC Fabrique de patrimoines en Normandie.

Vincent Aubin est Chef du service Patrimoines - Direction de la Culture et du Patrimoine (DCP) - Région Normandie (site de Caen).

Frédérique TURBOUT
S'interroger sur les enjeux du maritime en Normandie suppose de replacer la région, ses ports et leurs activités dans ce couloir maritime majeur qu'est la mer de la Manche. Cette présentation rapide ouvre la suite de la table ronde.

Frédérique Turbout est docteur en géographie sociale, ingénieure de recherche à la MRSH CNRS Université de Caen Normandie. Elle travaille sur les bassins maritimes transfrontaliers de la mer de la Manche et des Caraïbes, et plus particulièrement les questions du transport maritime. Elle accompagne le développement et la gestion des atlas numériques transmanche, territoires Normands et Caraïbe.


SOUTIENS :

Région Normandie
Université de Caen Normandie
• Direction régionale des affaires culturelles Normandie (DRAC)

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


LES AUTRES NOMS DU TEMPS


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du samedi 24 juillet au vendredi 30 juillet 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


DU MARDI 8 SEPTEMBRE (19 H) AU MARDI 15 SEPTEMBRE (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]


"Le changement d'heure" (n°59) © Gilbert Garcin - Galerie Camera Obscura


PRÉSENTATION VIDÉO :


DIRECTION :

Vincent BONTEMS, Étienne KLEIN


ARGUMENT :

Nous méditons sur le temps sans vraiment savoir à quoi nous avons affaire : est-il une substance ? un fluide ? une invention ? une illusion ? De nombreuses locutions familières suggèrent qu'il s'agirait d'une entité physique autonome, tandis que d'autres, aussi nombreuses et non moins éloquentes, laissent penser qu'il ne serait qu'une production de notre conscience, ou bien un aspect des processus naturels, voire une simple construction culturelle.

Au fond, à quoi le temps ressemble-t-il vraiment ? Est-il tel que le langage le raconte ? Comme nous croyons le percevoir ou le vivre ? Comme le représentent les équations des physiciens ? Comme le pensent les philosophes ? Comme le mesurent les horlogers ? Est-il même raisonnable de supposer que toutes ces conceptions renvoient à une réalité unique ?

Le but de ce colloque est de procéder à une expérience de pensée collective et transdisciplinaire : si l'on se passait du mot "temps" dans telle ou telle discipline ou domaine, que se passerait-il ? Quels autres mots faudrait-il utiliser ? Quel bénéfice en escompter en termes d'élucidation conceptuelle ? Quel serait le prix à payer en termes d'obscurité ou de contre-intuitivité ?


MOTS-CLÉS :

Culture, Évolution, Histoire, Irréversibilité, Langage, Mémoire, Processus, Rythme, Tempo, Temps


CALENDRIER PROVISOIRE :

Mardi 8 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mercredi 9 septembre
ORDRE, PROCESSUS, IRRÉVERSIBILITÉ
Matin
Alain CONNES : Y a-t-il du temps dans les mathématiques ?
Étienne KLEIN : Et si le paramètre t n'était pas le temps ?

Après-midi
François JULLIEN : Peut-on se passer de penser le temps ?
Francis WOLFF : Pour un concept universel de temps : entre devenir et série

Soirée
Le temps suspendu, par Chloé MOGLIA (artiste et trapéziste)


Jeudi 10 septembre
PERMANENCE, SUCCESSION, RELATIVITÉ
Matin
Roland LEHOUCQ : Que devient le temps dans l'espace-temps ?
Jean-Marc FERRY : Peut-on penser le temps "dans la dimension de la philosophie", après comme avant Albert Einstein ?

Après-midi
Vincent BONTEMS : Le temps comme obstacle épistémologique
Elie DURING : La simultanéité e(s)t la forme du temps

Soirée
L'essence du tempo, par Geneviève LAURENCEAU (violoniste)


Vendredi 11 septembre
ÉVOLUTION, RYTHMES, DURÉES
Matin
Jacques JACOT : Réflexions d'horloger en guise d'introduction à la journée
Gérard BERRY : Le temps formel, de la physique à l'informatique et à la musique

Après-midi
Virginie van WASSENHOVE : Le temps est-il un "cas" de conscience ?
Pierre-Marie POUGET : L'idonéisme : un autre nom du temps, indissociable de la compréhension des autres

Soirée
Penser hors du temps ?, table ronde avec Alain CONNES, Jean-Marc FERRY, François JULLIEN et Étienne KLEIN


Samedi 12 septembre
ACCÉLÉRATION, SYNCHRONISATION, CONTEMPORAIN
Matin
Hartmut ROSA : Résonances – Éliminer le temps de la pensée sociale
Christophe BOUTON : Existe-t-il un plus petit dénominateur commun aux différents discours scientifiques et philosophiques sur le temps ?

Après-midi
DÉTENTE

Soirée
K2, une journée particulière, projection et discussion avec François DAMILANO (cinéaste et alpiniste) [vidéo]


Dimanche 13 septembre
HISTOIRE, RÉCIT, MÉMOIRE
Matin
Daniel S. MILO : Trahir le temps
Yves GINGRAS : L'Histoire, le temps et l'événement [sous réserve]

Après-midi
Armand HATCHUEL : L'autre nom du temps : l'inconnu

Soirée
Inventer des futurs, prédire l'avenir ?, table ronde avec Vincent BONTEMS, Jean-Pierre DUPUY, Daniel S. MILO et Hartmut ROSA


Lundi 14 septembre
ANTICIPATION, PRÉVISION, IMPROVISATION
Matin
Jean-Pierre DUPUY : Le terme
Isabelle SERÇA : Qu'a perdu et retrouvé Marcel Proust ?

Après-midi
Alexei GRINBAUM : Les temporalités d'une explication
François ROUSSEL : Le tempo d'une pensée. Descartes à contretemps


Mardi 15 septembre
Matin
Table ronde finale

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Vincent BONTEMS : Le temps comme obstacle épistémologique
Le recours au mot temps constitue-il un obstacle épistémologique pour la réflexion scientifique ? Dans "Le problème du temps historique", l'historien de l'art Erwin Panofsky proposait de distinguer entre un temps chronologique et un temps historique afin de ne pas confondre ce qui relève de la simultanéité chronologique et de la contemporanéité historique. Il définissait ainsi la "contemporanéité relative" comme objet de son analyse. En radicalisant son dispositif théorique par l'abandon définitif du mot temps et en le prolongeant par l'élaboration de règles de changement de référentiels historiques au sein de l'ordre chronologique (dans l'esprit des analyses de Reinhart Koselleck sur le présentisme et l'historicisme), nous défendrons que le mot "temps" conserve néanmoins une application légitime, quoique limitée, dans les sciences historiques en tant que conjonction du repérage d'un événement (ou de durées) et de la restitution d'une dissymétrie entre le passé et l'avenir (obligeant à envisager plusieurs futurs de l'événement). En nous appuyant sur une réflexion de Jules Vuillemin, consécutive aux discussions autour de son ouvrage Nécessité ou Contingence, nous montrerons que cette position conduit à un dilemme entre deux métaphysiques opposées qui font probablement un usage abusif de la notion de temps. Cette stratégie de déflation des usages légitimes du mot temps est-elle réservée aux sciences historiques ? En nous basant sur une expérience de pensée du mathématicien Émile Borel, nous tâcherons au contraire de montrer qu'elle est transposable aux sciences physiques et qu'elle éclaire des dérives métaphysiques analogues au sein de certaines interprétations de la cosmologie relativiste (univers-bloc) ou de la mécanique quantique (mondes multiples) qui tendent à en faire une éternité ou un "hyper-temps".

Christophe BOUTON : Existe-t-il un plus petit dénominateur commun aux différents discours scientifiques et philosophiques sur le temps ?
La notion de temps est utilisée dans des champs très divers, qui vont de la philosophie aux sciences de la nature en passant par les sciences humaines. On parle ainsi de "temps physique", de "temps géologique", de "temps biologique", de "temps historique", de "temps social", etc. Cette plurivocité soulève plusieurs questions qui seront abordées à partir de quelques études de cas : les différents sens du temps impliqués dans ces différents usages réfèrent-ils à la même chose ? Sont-ils compatibles entre eux ? Et si oui, permettent-ils de dégager un ou des points communs, des invariants, qui permettraient de préciser ce que veut dire le mot "temps" ?

Christophe Bouton est professeur de philosophie à l'université Bordeaux Montaigne. Ses recherches portent sur les théories de l'histoire (XIXe et XXe siècles) et sur la question du temps dans la philosophie contemporaine.
Publications
Temps et liberté, Presses universitaires du Mirail, 2007 (trad. anglaise : Time and Freedom, Northwestern University Press, 2014).
Le temps de l'urgence, Le Bord de l'eau, 2013.
Temps de la nature, nature du temps. Études philosophiques sur le temps dans les sciences naturelles, volume collectif édité avec Philippe Huneman, CNRS éditions, 2018.

Elie DURING : La simultanéité e(s)t la forme du temps
Tout serait plus simple s'il nous manquait un mot pour dire le "temps" ! Pour notre malheur, ce mot existe, aiguisant notre perplexité devant l'objet fuyant qu'il paraît désigner. Ce sentiment se dissipe quelque peu si l'on s'avise que le temps n'est pas un objet, une sorte d'"éther" processuel dont il y aurait sens à se demander s'il "existe", s'il est "un" ou "multiple", comment il s'y prend pour "passer", ou s'il est susceptible d'"accélérer" ou de "ralentir", etc. Les difficultés resurgissent si l'on reconnaît qu'il n'est peut-être pas davantage un concept, un instrument intellectuel permettant de catégoriser et de classifier une diversité de phénomènes ou de traits "temporels" en les rapportant à des plans d'expérience hétérogènes (vécu et mesure, consciences et horloges, etc.). Je montrerai que s'il n'est pas un concept, le temps est pourtant à coup sûr une forme. Comme tel, il a moins affaire à des objets ou des domaines d'expérience qu'à des significations. Il y a deux grandes manières d'envisager cette forme temps. On peut le faire, classiquement, en y voyant la forme du changement, articulant succession et permanence : c'est le problème de la persistance. On peut le faire, et c'est plus rare, en y voyant une enveloppe du devenir rassemblant en faisceau une multiplicité de flux de durée plus ou moins dispersés : c'est le problème de la coexistence. Je m'intéresserai à ce second problème du point de vue d'une question aiguisée par la théorie de la relativité : quelle réalité accorder à la simultanéité à distance ? Je défendrai l'idée que c'est précisément au moment où la simultanéité est réputée relative au choix d'un système de référence que son usage temporel acquiert une véritable portée formelle, en nous forçant à en généraliser le concept au-delà de ses figures locales ou globales: telle est la vraie leçon des jumeaux de Langevin. Enfin j'indiquerai comment un certain nombre de caractères habituellement associés à la seule dimension du successif (tels que la continuité, l'indétermination ou l'accélération) sont mieux compris si on les réfère d'emblée à la dimension du simultané. En renversant une formule de Kant, le "temps" pourrait bien s'avérer la plus intéressante des idées dérivées du simultané.

Elie During est maître de conférences en philosophie à l'université Paris Nanterre.
Publications
Faux raccords : la coexistence des images, Actes Sud, 2010.
Le Futur n'existe pas, B42, 2014.
Plusieurs éditions critiques de Bergson : Durée et Simultanéité (Puf, 2009), Le Souvenir du présent et la fausse reconnaissance (Puf, 2012).
Avec E. Alloa, a dirigé Choses en soi : métaphysique du réalisme, PUF, 2018.
À paraître en 2021 : une nouvelle édition de La Dialectique de la durée de Bachelard.

Jean-Marc FERRY : Peut-on penser le temps "dans la dimension de la philosophie", après comme avant Albert Einstein ?
La conception du temps, proposée par Einstein, se heurte au problème du caractère contre-intuitif. On peut y voir un défi adressé à la philosophie. Il y va de la compréhension. S'y joue une appropriation des hypothèses de la physique contemporaine aux intellections de l'entendement commun. À l'occasion de confrontations avec Niels Bohr, Albert Einstein avait pu lui-même participer d'un tel geste. Quant aux percées de Martin Heidegger, dans Sein und Zeit, ainsi que dans ses cours de 1935-1936 (repris dans Qu'est-ce qu’une chose ?), elles suggèrent l'intention de domicilier au sein de la philosophie une notion d'"espace-temps", proche, à certains égards, du concept einsteinien… Se pose après Einstein comme après Heidegger la question d'une valeur objective du temps vécu proprement humain. L'idée que celui-ci serait simplement subjectif se heurte à des difficultés logiques. Le recours à la théorie grammaticale du temps, ou "chronogénèse verbale", chez Gustave Guillaume, offrirait une piste résolutive.

Jean-Marc Ferry est titulaire de la Chaire de Philosophie de l'Europe, de l'université de Nantes, Docteur honoris causa de l'université de Lausanne et de l'université Saint-Louis de Bruxelles (2017), il dirige plusieurs collections éditoriales et a publié une trentaine d'ouvrages. Son œuvre fut couronnée à deux reprises par l'Institut de France.
Publications
Les Puissances de l'expérience, Cerf, 1992.
L'Allocation universelle. Pour un revenu de citoyenneté, Cerf, 1995, 1996, 2016.
L'Éthique reconstructive, Cerf, 1996.
La Question de l'État européen, Gallimard, 2000.
De la Civilisation, Cerf, 2001.
Les Grammaires de l'intelligence, Cerf, 2004.
La République crépusculaire, Cerf, 2010.
La Religion réflexive, Cerf, 2010.
Les Lumières de la religion, Bayard, 2013.
La Raison et la foi. Une philosophie de la religion, Agora Pocket, 2016.
Qu'est-ce que le réel ?, Éditions Le Bord de l'eau, 2017.

Yves GINGRAS : L'Histoire, le temps et l'événement
On dit souvent, avec l'historien Marc Bloch, que l'histoire est "la science des hommes dans le temps". Mais de quel temps s'agit-il ? Ce n'est pas celui newtonien, absolu et qui coule de manière régulière même si rien n'arrive. C'est plutôt celui de l'événement, c'est-à-dire, comme le dit Cournot, celui de la rencontre de séries causales indépendantes. Ainsi le temps historique rejoint curieusement celui de la thermodynamique statistique et se fonde sur l'hypothèse d'un chaos originel pour éviter le déterminisme laplacien. L'histoire ainsi conçue se concentre donc sur les moments charnières ou le nouveau émerge et laisse de côté ce qu'on peut appeler une "histoire inertielle" où rien ne bouge vraiment et se reproduit dans un temps immobile.

Alexei GRINBAUM : Les temporalités d'une explication
Un phénomène qui, dans le langage du mythe, est exprimé par la locution "révéler un choix divin", se dit différemment à un autre niveau d'interprétation, dans l'explication des décisions prise par l'intelligence artificielle. Sur l'exemple de xAI (Explainable AI), problème d'explication dans l'apprentissage machine, cette intervention mettra en évidence un mélange intriqué des temporalités qui accompagne toute construction d'un récit explicatif.

Alexei Grinbaum est philosophe et physicien. Chercheur au laboratoire Larsim du CEA-Saclay, il est spécialiste de l'information quantique. Depuis 2003, il s'intéresse aux questions éthiques liées aux nouvelles technologies, notamment aux nanotechnologies, à l'intelligence artificielle et à la robotique. Il a été coordinateur pour la France de l'Observatoire européen des nanotechnologies et partenaire du projet européen "Recherche et innovation responsables en pratique" (RRI-Practice). Il est également Membre du Comité national pilote d'éthique du numérique et de l'IA et de la Commission d'éthique de la recherche en numérique (Cerna).
Publications
Mécanique des étreintes, Encre Marine, 2014.
Les robots et le mal, Desclée de Brouwer, 2019.

Jacques JACOT : Réflexions d'horloger en guise d'introduction à la journée
L'histoire des techniques utilisées en horlogerie est marquée par la recherche de la meilleure stabilité de marche d'une montre à une époque où les bateaux n'avaient pas d'autre moyen qu'une horloge pour repérer leur longitude sur le globe terrestre. De nos jours, les fonctions de la montre sont fort diverses : reflet de l'appartenance de son propriétaire à une catégorie de personnes dans la société, instrument servant à la ponctualité de son détenteur, indication sur le style de vie de son propriétaire, etc… Notre besoin de précision de la marche de la montre existe encore, mais il va de soi que la montre doit indiquer l'heure qu'il est sans défaillance! À celui qui la fabrique de trouver les bons critères pour concevoir un produit qui plaira à ses clients. En général nous souhaitons que notre montre soit toujours à l'heure sans jamais devoir la régler, même si elle reste quelques jours sur notre table de nuit. Nous verrons quelques écueils à vaincre pour que cet instrument soit robuste et comment les ingénieurs doivent analyser les fonctions à satisfaire pour y parvenir. Nous devons formaliser clairement les besoins des clients, même s'ils ne les ont jamais exprimés et nous serons jugés sur l'attractivité des produits mis sur le marché. Ce challenge requiert la mise en pratique de méthodes de conception qui se rapprochent fortement de celles de la démarche scientifique : définir clairement les objectifs à atteindre, construire une réponse à la demande formulée et mettre à l'épreuve la solution trouvée. Ici point de vérité à découvrir sur la nature du "temps", mais des réponses plus ou moins idoines aux besoins de se repérer dans des rythmes et des durées qui vont évoluer avec le public cible.

Ingénieur de formation, Jacques Jacot a travaillé à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne dans les asservissements pour robots d'assemblage de haute précision avant de faire 20 ans dans l'industrie dans la conception d'installations de production et de produits microtechniques alliant de la mécanique de précision, de l'électronique de mesure et du logiciel embarqué. Engagé ensuite comme professeur à l'EPFL à Lausanne il a mené un groupe de chercheurs travaillant sur mandats de l'industrie et s'est occupé de la formation d'ingénieurs universitaires. Depuis sa retraite, il continue de remplir des mandats de consulting en technologie de pointe pour des entreprises.

Étienne KLEIN : Et si le paramètre t n'était pas le temps ?
Chacun sait en effet que c'est Isaac Newton qui a introduit en physique la variable t dans les équations de la dynamique et qu'il a choisi de la baptiser "temps". Nous sommes tellement habitués à cette représentation qu'elle nous semble naturelle, au point que nous ne pensons plus à poser cette simple question : à partir de quelles connaissances antérieures a-t-il pu reconnaître le temps même sous les traits d'un être mathématique aussi rachitique ? En toute logique, il aurait dû nommer le paramètre t d'une autre manière, puisque ce temps physique, qu'il inventait, n'a aucune des propriétés que nous attribuons d'ordinaire à l'idée de temps. S'agit-il là du vrai temps, ou seulement d'une mutilante caricature ? Le paramètre t ne désigne-t-il qu'un temps amaigri, amputé ou incomplet, voire tout à fait autre chose que le temps ?

Étienne Klein est philosophe des sciences, directeur de recherches au CEA. Il dirige le Laboratoire de recherche sur les sciences de la matière du CEA et est membre de l'Académie des technologies. Il anime tous les samedis sur France-Culture "La conversation scientifique".
Publications
Matière à contredire, essai de philo_physique, Champ-Flammarion, 2018.
Ce qui est sans être tout à fait, essai sur le vide, Actes Sud, 2019.

Daniel S. MILO : Trahir le temps
Trahir le temps I : le siècle. Le temps et un et indivisible ; pour le rendre intelligible, il faut le charcuter. Inventé vers 1600, le siècle a été adopté en 1800, quand la fin d'une ère coïncida avec la raison métrique. Depuis, les historiens ne cessent d'en nier le sens tout en étant incapables de s'en priver. Ils ont raison : plus les tranches temporelles sont arbitraires, donc neutres, plus elles sont heuristiques. L'histoire comme science est concomitante à la périodisation en siècles.
Trahir le temps II : le futur. La flèche du temps commence au Big Bang et s'arrête au présent ; le futur appartient au néant. La faculté de se projeter dans ce néant, de faire des plans, et de les partager avec autrui, a jailli en Afrique il y a 60000 ans. Parce qu'inexistant, l'à-venir sécrète des options à la chaîne. L'excès est né de la cuisse du futur.

Daniel S. Milo est né en Israël en 1953. Ex-EHESS, il compte à son actif neuf livres, trois vidéoarts et quatre productions théâtrales.
Aspects de la survie culturelle (thèse, 1986) traite du jugement de la postérité.
Trahir le temps (histoire) (1991) étudie en les manipulant quelques modes de découpage du temps : siècle, génération, décade, coupure avant-après JC, l'An Mil.
L'Invention de demain (2011) propose de voir en ce moment le small bang. Le livre développe le lien causal entre futur et excès.
Voir TooMuch.Us et Good Enough : The Tolerance for Mediocrity in Nature and Society (2019).

Pierre-Marie POUGET : L'idonéisme : un autre nom du temps, indissociable de la compréhension des autres
Le mathématicien-philosophe Ferdinand Gonseth (1890-1975) pense "en plein champ". Sa philosophie se caractérise au premier chef par le souci de l'idoine, de ce qui, dans la situation, convient au mieux. Pareil souci la tourne vers l'avenir à même son présent enrichi des leçons du passé. Elle place tout acquis, si élaboré et fiable soit-il, sous le sceau du révisable. Un "je ne sais quoi que l'on atteint d'aventure" la tient constamment ouverte à une éventuelle remise en question qui peut l'atteindre jusqu'en ses bases. De tels remaniements se sont produits et rien n'empêche qu'il s'en produira encore. Ils retentissent si profondément sur tous les aspects de l'expérience humaine, qu'ils entraînent le passage d'une époque à une autre. Dans ces conditions, tout nous laisse penser que l'idonéisme soit un autre nom du temps, indissociable de quelques autres. Nous nous proposons de le confirmer en nous appuyant sur les grandes lignes de cette philosophie.

Pierre-Marie Pouget, docteur en philosophie et professeur émérite, est président de l'Association Ferdinand Gonseth, fondée en 1971. Auteur de 28 ouvrages et de nombreux articles, il s'est spécialisé dans l'étude de la pensée gonséthienne. Ses centres d'intérêt tournent autour de l'histoire des sciences et de leur méthodologie.
Publications
Pour un nouvel esprit philosophique d'après l'œuvre de Ferdinand Gonseth, L'Aire 1994.
Haltes sur des chemins de campagne, une approche de Heidegger, L'Aire, 1995.
Ferdinand Gonseth, une manière suisse de philosopher, Muse 2014.
L'individualisme, source de danger et d'espoir, L'Harmattan, 2015.
Migrants, incarner les valeurs humaines. Mondialiser l'hospitalité, Chronique sociale, 2017.
Remise en question des croyances monothéistes. Croire autrement, Edilivre, 2019.

Hartmut ROSA
Directeur du Max-Weber-Kolleg / Institut d'études avancées à l'université de Erfurt, Harmut Rosa est titulaire d'une chaire de sociologie générale et théorique à l'université Friedrich-Schiller de Iéna, en Allemagne. Docteur honoris causa de l'université de sciences humaines d'Utrecht, il a travaillé comme professeur associé à la New School for Social Research de New York et à la FMSH/EHESS de Paris. De 2008 à 2018, il co-dirige également le journal Time and Society.
Publications
Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive (2012, 2014).
Résonance : une sociologie de la relation au monde (2018).

François ROUSSEL : Le tempo d'une pensée. Descartes à contretemps
Dans le cadre d'un colloque consacré aux "autres noms du temps", les raisons de se pencher sur quelques cheminements cartésiens tiennent à leur complexité et à leur équivocité eu égard à diverses dimensions temporelles entrecroisées, et ce sous un double éclairage :
- un aspect proprement philosophique et métaphysique qui a été naguère l'objet d'analyses fort denses, voire techniques sinon scolastiques, où les rapports entre les notions d'instant, de moment, de durée, de mémoire, d'accoutumance sont loin d'être simples et où, de manière schématique, s'opposent une interprétation "instantanéiste" des thèses cartésiennes les plus radicales concernant l'idée d'une "création des vérités éternelles" reliée à celle d'une "création continuée", et une interprétation plus complexe faisant droit aux significations équivoques que recouvre le terme de "temps" selon qu'il relève de la "substance étendue" (res extensa) ou de la "substance pensante" (res cogitans) ;
- un aspect rhétorique et politique qui manifeste une stratégie d'écriture, de circulation, de diffusion et éventuellement de publication des thèses cartésiennes très attentive aux contextes de réception et à leurs effets escomptés ou redoutés. Dans l'enchaînement ordinaire qui va de l'écriture à la publication (s'exposer aux jugements d'un public "lettré"), les textes projetés et promis par Descartes ont souvent fait l'objet de retards, de retardements, de contretemps parfois très calculés, parfois imprévus sinon imprévisibles, jusqu'à en suspendre indéfiniment la publication. Et au delà d'une éventuelle tendance à la procrastination, cette attitude ne tient pas seulement à une "prudence" par ailleurs compréhensible et légitime face aux risque de censure et de possible persécution relativement à telle thèse métaphysique, physique ou théologique. Il y a un étrange voire paradoxal rapport de Descartes au temps de la promesse et simultanément de la défiance à l'égard de toute projection ou anticipation qui retrancherait quelque chose d'une libre disposition de soi, comme si le moment propice à l'exposition d'une idée devait toujours être différé ou suspendu, comme en attente.

Virginie van WASSENHOVE : Le temps est-il un "cas" de conscience ?
Si l'on se passe du mot "temps" en neurosciences, le cerveau devient une architecture figée sans conscience, sans souvenir, sans perception, sans attente, sans pensée, bref sans "moi". Le cerveau, matière organique molle, est aussi un système à la dynamique endogène complexe qui doit être explicable selon les lois de la physique. Une approche physicaliste pourrait considérer que le cerveau permet, métaphoriquement, le mouvement — de la motricité corporelle aux constructions logiques de la pensée. Cependant, elle n'explique pas la phénoménologie, la réalité psychologique, ou même la signification de la pensée qui accompagnent la vie consciente humaine (et aussi, en grande partie, animale). Le temps n'échappe pas à cette limitation : décrire l'entropie du système cerveau dans le référentiel de l'observateur externe fournit une description de son vieillissement ou de son entropie sans rendre compte de la phénoménologie associée (consciente ou non). L'approche fonctionnaliste en neurosciences de la cognition considère que la structure et les règles endogènes qui régissent les capacités mentales — génératrices de la conscience — reposent sur des cartes cognitives. Ces cartes générées par l'activité des neurones permettent la construction d'un système de coordonnées espace-temps abstrait au sein du cerveau. L'hypothèse est donc que le temps psychologique, comme cas de conscience, implique la génération neuronale d'une carte cognitive mesurable.

Publications
Gauthier B., Pestke K., van Wassenhove V. (2019), "Building the Arrow of Time… Over Time : A Sequence of Brain Activity Mapping Imagined Events in Time and Space", Cerebral Cortex, 29(10), 4398-4414.
Kononowicz T. W., Roger C., van Wassenhove V. (2019), "Temporal metacognition as the decoding of self-generated brain dynamics", Cerebral Cortex, 29(10), 4366-4380.
Grabot L., van Wassenhove V. (2017), "Time order as psychological bias", Psychological science, 28(5), 670-678.
Van Wassenhove V. (2016), "Temporal cognition and neural oscillations", Current Opinion in Behavioral Sciences, 8, 124-130.
Kösem A., Gramfort A., van Wassenhove V. (2014), "Encoding of event timing in the phase of neural oscillations", Neuroimage, 92, 274-284.
Van Wassenhove V. (2009), "Minding time in an amodal representational space", Philosophical Transactions of the Royal Society B : Biological Sciences, 364(1525), 1815-1830.

Francis WOLFF : Pour un concept universel de temps : entre devenir et série
Les philosophes du temps se partagent ordinairement entre partisans du temps-série et du temps-devenir, autrement dit entre ceux pour qui le concept de temps doit être pensé par des prédicats dyadiques ("antérieur à", "simultané à") et ceux pour qui il doit être pensé par des prédicats monadiques ("présent", "passé", "futur"). Si les philosophes sont divisés (Aristote/Platon, Russell/Husserl, etc.), il n'en va pas de même des physiciens qui ont toujours nié l'existence du devenir et l'ont réduit à une illusion subjective. Nous tenterons de montrer qu'admettre le seul temps-série mène à l'éternalisme et qu'admettre le seul temps-devenir mène au présentisme. Dans son intégrité, le concept de temps nécessite donc les deux types de prédicats. En outre, toute théorie qui ne reconnaît comme êtres temporels que les "événements" doit être formulée en termes de série et implique une notion d'existence purement relationnelle (exister, c'est être par autre chose). Inversement, toute théorie qui admet comme êtres temporels des "substances" doit être formulée en termes de devenir, ce qui lui permet de penser le changement et implique une notion d'existence absolue (exister, c'est être ici-maintenant).

Francis Wolff est professeur émérite de philosophie à l'École normale supérieure (Paris). Il a aussi été professeur aux universités de São Paulo (Brésil) et de Nanterre.
Publications
"Aristote face aux contradictions du temps", in Aristote et la pensée du temps, Presses de l'université de Nanterre.
A dirigé le numéro spécial de la Revue de métaphysique et de morale, 4, 2011 sur "Temps physique, temps métaphysique", avec une contribution intitulée : "Le temps comme concept hybride".
Dire le monde, 3e ed. augmentée, Hachette-Pluriel, 2020.


Le temps suspendu, par Chloé MOGLIA (artiste et trapéziste)
La suspension du corps, comme celle du souffle, entraîne la sensation que le temps aussi se suspend, voire se dilate. Suspension rime avec cessation. En effet, une certaine activité s'arrête : on a cessé de courir partout. On n'avance plus, ayant troqué le plan horizontal de nos habitudes et de nos cheminements pour une verticale sèche qui ne mène nulle part. Dans ce nulle part, il n'y a finalement qu'à bien se tenir pour survivre et, si la magie opère, pour observer. Notre rapport à l'agir change : agitation, action et cogitation tendent à se dissoudre. Si nous y prêtons attention, un espace et un temps s'ouvrent. Cela se déploie dans le silence, entre le lourd et le léger, entre le grave et le moins grave, entre des matières à forte densité et le si peu palpable des nuages. Afin de partager ces observations, je présenterai la performance Horizon et raconterai plus en détail où me mènent ces observations qui relient l'effort, le souffle, le poids, les idées et les récits, l'attention, le corps, les sens, le temps, le vertige et les peurs

Chloé Moglia étudie suspendue dans le vide. Elle s’intéresse particulièrement aux sensations de dilatation et de contraction du temps, aux variations du poids et aux fluctuations de l’attention dans les différents régimes d’activité qu’offre la suspension. Elle déploie une grande part de ses activités dans le domaine du spectacle, des arts visuels et de la performance, au sein du Rhizome (rhizome-web.com)
Publication
Pratiquer la question, Revue Esquisse(S), n°15.


SOUTIENS :

• Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
Fondation suisse d'études
Horlogerie Audemars Piguet

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du lundi 6 septembre au vendredi 10 septembre 2021 [en savoir plus].

La direction du CCIC


LE THÉÂTRE DES GENRES DANS L'ŒUVRE DE MOHAMMED DIB


DU MARDI 1er SEPTEMBRE (19 H) AU SAMEDI 5 SEPTEMBRE (14 H) 2020

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Charles BONN, Mounira CHATTI, Naget KHADDA


COMITÉ SCIENTIFIQUE :

Zineb ALI-BENALI, Guy BASSET, Sabeha BENMANSOUR, Reda BENSMAÏA, Charles BONN, Denise BRAHIMI, Mireille CALLE-GRUBER, Mounira CHATTI, Ali CHIBANI, Assia DIB-CHAMBON, Guy DUGAS, Naget KHADDA, Fritz-Peter KIRSCH, Abdellah ROMLI, Hervé SANSON, Habub TENGOUR, Mourad YELLES


ARGUMENT :

L'œuvre de Mohammed Dib, principal écrivain algérien francophone avec Kateb Yacine, a trop souvent été déformée par des lectures de circonstance. On n'a ainsi perçu que tardivement que cette œuvre était d'abord une réflexion originale et sans cesse renouvelée sur les pouvoirs du langage face au défi de l'indicible.

Le colloque tentera de montrer que cette réflexion passe d'abord par une mise en scène des langages, et principalement des genres littéraires, entre lesquels cette œuvre est en constante alternance, à l'intérieur même des textes. Genres soumis par cette théâtralisation à une sorte de distanciation qui amène le lecteur à leur prêter parfois autant d'attention qu'aux thèmes qu'ils développent. Mais il permettra également de montrer que les "genres", au sens sexuel cette fois, sont aussi un de ces langages que l'œuvre de Dib théâtralise, et qu'on peut ainsi, malicieusement, traiter en parallèle avec les genres littéraires et leurs jeux de séduction.


MOTS-CLÉS :

Conte, Dib (Mohammed), Essai, Genre littéraire, Insignifiance, Intertextualité, Intratextualité, Langage, Lecture critique, Littérature francophone, Oralité, Photographie, Poésie, Roman, Sens, Théâtre


CALENDRIER PROVISOIRE :

Mardi 1er septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mercredi 2 septembre
Matin
Charles BONN, Mounira CHATTI & Naget KHADDA : Introduction

SCÉNOGRAPHIE ET THÉÂTRALISATION DES GENRES LITTÉRAIRES — Modérateur : Charles BONN
Naget KHADDA : Propositions pour penser une esthétique de l'abstraction
Hervé SANSON : La nébuleuse de La Fiancée du printemps : construction et déconstruction du mythe
Mounira CHATTI : Simorgh de Mohammed Dib : les bocages du genre et du sens

Après-midi
LA QUÊTE ÉPERDUE DES FORMES ET DU SENS — Modératrice : Naget KHADDA
Mireille DJAÏDER : Alchimie du langage et "nostalgie du sens"
Manel ZAIDI AIT-MEKIDECHE : L'œil Cosmique et l'Ouïe : hypostases dibiennes
Anna ZOPPELLARI : Mohammed Dib : images de l'ailleurs entre motif thématique et littérature de voyage


Jeudi 3 septembre
Matin
LA GÉNÉRATION DU TEXTE : INTERTEXTUALITÉS ET DÉCONSTRUCTIONS DES FORMES — Modératrice : Zineb ALI-BENALI
Lucy STONE McNEECE : L'écriture de Mohammed Dib : La plume comme un pinceau
Regina KEIL-SAGAWE : Lyyli… des 4 saisons — les correspondances du genre, entre poème et prose
Abdellah ROMLI : L'intratextualité dans l'œuvre dibienne : une question de vie ou de mort

Après-midi
THÉÂTRALITÉ ET ÉCRITURE ROMANESQUE — Modératrice : Regina KEIL-SAGAWE
Amel MAAFA : De la polyphonie théâtrale à la narration romanesque. Le cas de Mille hourras pour une gueuse et de La danse du Roi de Mohammed Dib
Hanane LAGUER : La théâtralité du geste dans L'infante maure : outil de scénarisation de l'oralité
Nasrin QADER : Le théâtre de l'écrit : jouer avec/jouer de…


Vendredi 4 septembre
Matin
L'ÉCRITURE, LE VISUEL ET LE SONORE — Modérateur : Abdellah ROMLI
Maya BOUTAGHOU : Les paysages visuels et sonores de Mohammed Dib
Lamia OUCHERIF : L'écriture du "visuel"
Toufik HADJI : Mohammed Dib se ressource, en écriture et en photographie, dans une ville plurielle : Tlemcen

Après-midi
LA POÉSIE SUBSUME LE THÉÂTRE DES GENRES — Modératrice : Mounira CHATTI
Zineb ALI-BENALI : La construction du genre dans l'œuvre dibienne : l'importance du poème
Mohammed Ismaïl ABDOUN : Peut-on parler d'une poétique dibienne ?


Samedi 5 septembre
Matin
LA VALSE DES INTERACTIONS GÉNÉRIQUES : ENTRE EXISTENCE ET HÉRITAGE — Modérateur : Hervé SANSON
Ines KREMER : Autobiographie et exil dans l'œuvre de Mohammed Dib
Guy BASSET : Le tissage des traditions

Charles BONN, Mounira CHATTI & Naget KHADDA : Conclusion

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Mohammed Ismaïl ABDOUN : Peut-on parler d'une poétique dibienne ?
La poésie de Dib passe pour être difficile d'accès, voire hermétique. Il s'agirait alors, à travers les débats entre spécialistes, de dégager les caractéristiques spécifiques — la singularité — de l'écriture poétique dibienne, sur les plans aussi bien thématiques que prosodiques et rythmiques. En un mot, jeter les bases, ou les prémisses, d'une poétique dibienne pour lever enfin l'hypothèque qui pèse sur la lecture de sa poésie.

Mohammed Ismaïl Abdoun est maître de conférences à l'Institut des langues étrangères de l'université d'Alger - Bouzaréah.
Publication
Lecture(s) de Kateb Yacine, Casbah, 2007.

Zineb ALI-BENALI : La construction du genre dans l'œuvre dibienne : l'importance du poème
Une lecture des textes dibiens dans la perspective des questions de genre est-elle possible ? Pour le poète Dib, la femme est porteuse du rêve de liberté et de l'élan qui l'anime. Elle est (la mère, l'aimée, l'enfant…) celle qui inspire et dit un verbe de profonde vérité. Pour l'écrivain attentif à ce qui se passe dans sa société, puis dans les sociétés de l'ailleurs, les relations entre les hommes et les femmes s'inscrivent dans une histoire, sociale et politique, héritière d'un patriarcat qui sait s'adapter. Mais cette histoire est aussi celle d'un mouvement de changement et de création d'inédit.

Guy BASSET : Le tissage des traditions
L'œuvre de Dib comporte un volume rassemblant cinq contes algériens, qui paraît peu de temps après l'installation de Dib en métropole en 1959 et quelques autres contes parus principalement en revues, ou même certains qui sont restés inédits. Cette face méconnue de son œuvre la traverse souterrainement d'un bout à l'autre et entretient avec ses fictions des relations étroites. Dib n'hésite pas à faire référence de temps en temps à toute cette tradition orale transmise par les contes et aussi les proverbes. Quelle articulation faut-il faire entre la création littéraire pure et le recours à cette littérature populaire qui peut mettre en scène des animaux et des hommes dans leurs relations réciproques ?

Docteur ès lettres (Paris 3 Sorbonne Nouvelle 2016), Guy Basset a publié de nombreux articles sur la vie intellectuelle, universitaire et artistique à Alger entre 1880 et 1970, et s'est plus particulièrement intéressé à l'œuvre d'Albert Camus.
Publications dans des ouvrages collectifs
Dictionnaire L'Algérie et la France, Jeannine Verdès-Leroux (dir.), Robert Laffont, 2009.
Dictionnaire Albert Camus, Jeanyves Guérin (dir.), collection "Bouquins", 2013.

Charles BONN
Charles Bonn a exercé dans les universités de Constantine, Fès, Lyon 3, Paris 13, et enfin Lyon 2 et Leipzig. Il a dirigé le Centre d'études littéraires francophones et comparées à l'université Paris 13, et co-dirigé les revues Itinéraires et contacts de cultures et Expressions maghrébines. Il a créé le programme documentaire informatisé Limag et le site limag.com. Il a dirigé de nombreuses thèses sur les littératures du Maghreb et de l'émigration, et a été également co-directeur de plusieurs publications collectives, dont la collection "Littératures francophones" (Hatier/AUPELF, 1997 et 1999).
Principales publications
La Littérature algérienne de langue française et ses lectures, Naaman, 1974.
Le Roman algérien de langue française, L'Harmattan, 1985.
"Nedjma", de Kateb Yacine, PUF, 1990.
Anthologie de la littérature algérienne, Livre de poche, 1990.
Lectures nouvelles du roman algérien. Essai d’autobiographie intellectuelle, Paris, Classiques Garnier, 2016.
Littérature algérienne : Itinéraire d'un lecteur, Alger, El Kalima, 2019.

Maya BOUTAGHOU : Les paysages visuels et sonores de Mohammed Dib
Dans L'Arbre à dires, Mohammed Dib déclare : "Il y a dans la langue une transparence obscure qui me convient". Cette image s'ajoute à celles régulièrement et brillamment exprimées par les auteurs maghrébins de la génération de Dib. Pour le poète, la langue française permettait ce voyage intérieur et le retour à son paysage autant sonore que visuel. Dans cette contribution, il sera question de l'écriture "transparente obscure" de la poésie de Mohammed Dib, à partir de deux recueils qui affichent son rapport au voyage et au retour à ses lieux d'écriture, mais aussi à la photographie. Dans Tlemcen ou les lieux de l'écriture (1992) ainsi que dans L.A Trip (2003) deux dimensions du voyage se manifestent, le voyage intérieur pour retrouver la douceur du foyer et de l'enfance, mais aussi le voyage de la langue et des langues pour saisir l'image juste par le mot juste. Par l'analyse de l'énonciation, du rythme, et des tropes, nous traiterons le texte poétique comme le punctum, ou point d'origine de l'émotion qui révèle un paysage fait d'images sonores et visuelles.

Maya Boutaghou est Associate Professor of French à l'université de Virginie et Andrew Mellon Fellow, elle est l'auteure d'Occidentalismes, Romans historiques postcoloniaux et identités nationales au XIXe siècle (Honoré Champion, 2016) qui propose une approche comparatiste poétique pour l'étude des littératures postcoloniales au XIXe siècle ; ses articles sont parus dans des revues et ouvrages consacrés à la littérature comparée et à la francophonie.

Mounira CHATTI : Simorgh de Mohammed Dib : les bocages du genre et du sens
Dans Simorgh, Mohammed Dib aborde les thèmes de la langue, de l'étranger ou du potentiel du rêve en mêlant la poésie, le conte, la nouvelle, l'essai, le journal. La réactualisation du mythe et du symbole du Simorgh et d'Œdipe permet d'interroger, de manière novatrice et oblique, la condition humaine et la création contemporaines. Dib "brise le mur" entre les genres littéraires puisque, ainsi qu'il le suggérait dès 1961, le roman est "une sorte de poème inexprimé" et la poésie "le noyau central du roman". Ce texte ultime fait éclater les limites entre les genres, les langues, les imaginaires, les patrimoines littéraires et philosophiques. Le fragment, le discontinu, le double, l'indécidable, autant de figures et de caractéristiques qui fondent la poétique dibienne. Celle-ci renvoie, comme le montre Naget Khadda, "les reflets tantôt dissociés, tantôt décalés, tantôt superposés ou même fondus d'un monde ancré dans une double référence culturelle, mythique et linguistique" et "porte l'estampille de cet entre-deux de la circulation du sens".

Mounira Chatti est professeure à l'université Bordeaux Montaigne (et membre de l'équipe d'accueil TELEM, EA 4195).
Publications
La fiction hérétique. Créations littéraires arabophones et francophones en terre d'islam, Classiques Garnier, 2016.
La traduction comme expérience des limites. Les écritures franco-arabes, PUB, 2016.
Co-directions
Littératures plein Suds. Langues, histoire, mémoire, Marsa Éditions, 2015.
Sexe, genre, identité, L'Harmattan, 2013.
Femmes et création, L'Amandier, 2012.
Elle a publié un roman, Sous les pas des mères, L'Amandier, 2009.
En collaboration avec Marie Virolle, elle prépare l'édition d'un ouvrage collectif : Littératures du monde arabe : traduction, intertextualité, exil (à paraître en 2020).

Mireille DJAÏDER : Alchimie du langage et "nostalgie du sens"
Dans Habel, récit en crise, pour donner à voir de l'intérieur la descente aux enfers du migrant de Paris, l'écriture croise mots et images, s'hybride. Ce roman carnavalesque, tout de montages, joue de l'alliage du lisible et du visible, emprunte à la littérature et aux arts visuels. Des réminiscences cinématographiques et picturales théâtralisent les métamorphoses textuelles et sexuelles d'Habel, jalonnent son parcours halluciné. Au miroir des mots, ces reflets anachroniques, projetés dans le cours diégétique, doublent et troublent la scène de l'écriture, laissant entrevoir l'innommable. Dans ce jeu de réflexion, une illumination : l'apparition de nuit de Lily, l'illisible, l'illimité, la fugitive, l'âme errante, l'Absente comme Leïla du diwân de Medjnoûn ouvre une quête quasi mystique de l'amour fou aux limites du rêve et du réel pour donner à lire ce qui ne s'écrit pas : l'appel d'une parole première et "la nostalgie du sens".

Mireille Djaïder, titulaire d'une thèse sur l'œuvre de Kateb Yacine, a enseigné à l'université d'Alger et publié plusieurs articles sur la littérature algérienne de langue française. Elle a organisé, avec Beïda Chikhi, les archives de Kateb Yacine à l'IMEC et l'exposition qui lui a été consacrée à l'Institut du Monde Arabe (1994). Elle a participé au catalogue Kateb Yacine, Éclats de mémoire (Éditions de l'IMEC, 1994, 80 pages).

Toufik HADJI : Mohammed Dib se ressource, en écriture et en photographie, dans une ville plurielle : Tlemcen
Certains diront que Mohammed Dib publie Tlemcen ou les lieux de l'écriture [1994] dans le but d'une autobiographie, ou plutôt d'une "Phautobiographie". D'autres expliqueront son texte illustré par une démarche photo-littéraire. Or, Mohammed Dib parle souvent des lieux qui n'existent plus dans le présent. Il nous les montre grâce à la photographie, car il a besoin d'un autre élément, conjointement à l'écriture, pour se ressourcer. Tlemcen n'est pas seulement sa ville natale mais aussi la source de son écriture et de ses photographies : Tlemcen est issu du berbère "Tilmas", qui veut dire "source". À partir de l'origine du mot "Tlemcen", Dib nous raconte d'autres lieux qui lui sont chers : par exemple le "Médresse", qui a une origine turque. D'autre part, grâce aux photographies de Philippe Bordas en 1993, nous verrons une autre période de "l'histoire" de l'Algérie : la décennie noire. Pour cela, les deux photographes, Dib et Bordas, utilisent un jeu de lumière pour raconter ce qui reconstruit la mémoire d'une ville algérienne. Par rapport à l'écriture, les photographies prises par Mohammed Dib et Philippe Bordas viennent jouer ici une manière différente de réagir aux émotions, une manière de transmission d'un monde autochtone, distincte de celle connue dans les livres dits "orientalistes", et de la fixer par la notation. Par ailleurs, cette représentation de l'autochtone est problématique : en réalité, il s'agit d'un mélange de plusieurs cultures que, par paresse ou par légèreté, on ne différenciait pas.

Toufik Hadji est en 2e année de doctorat "littérature générale et comparée" à l'université Côte d'Azur, CTEL.
Corpus
DIB Mohammed, Tlemcen ou les lieux de l'écriture, Paris, Revue noire, 2003.
Critiques
BARTHES Roland, La chambre claire. Note sur la photographie, Gallimard, 1980.
DÉJEUX Jean, Mohammed Dib, écrivain algérien, Naaman, Sherbrook, 1977.
KHADDA Naget (dir.), Mohammed Dib : 50 ans d'écriture, Publications de l'université de Montpellier 3, 2002.
MÉAUX Danièle, Voyages de photographes, Saint-Étienne, Publications de l'université de Saint-Étienne, CIEREC-Travaux 141, 2009.

Naget KHADDA : Propositions pour penser une esthétique de l'abstraction
On le sait, les genres littéraires se créent dans une histoire à la fois politique et culturelle. Lorsque des écrivains algériens ont pris la plume en langue française et dans la forme romanesque pendant la période coloniale, ils répondaient à une exigence du seul champ culturel patenté — celui du pouvoir colonial — en marge de leur habitus familial. Ce faisant, ils ajoutaient à l'histoire littéraire de leur territoire (elle-même complexe par ses héritages multiples) une nouvelle branche : la littérature algérienne de langue française. On a beaucoup glosé sur le mixte culturel constitutif de toutes les littératures francophones (pour nous en tenir à celles-là) et sur leur "bilangue". Or, chacun des auteurs de ce vaste corpus a eu à négocier, à sa façon, les termes de son existence, à conquérir son espace de liberté au cœur des contraintes imposées par la doxa dominante et à y inventer son univers propre. Dib, qui a la particularité d'avoir mené de front une réflexion critique et le geste d'écriture, nous offre un texte disparate qui donne à voir la scénographie de l'interaction de ses multiples références (philosophiques, linguistiques, mythiques, génériques…). Je m'attacherai à montrer comment, sur la scène de ce théâtre des compétitions culturelles, se dessine, chemin faisant, la tension vers une esthétique du signe qui récuse toute description mimétique du monde.

Professeure de langue et littérature françaises, Naget Belkaïd-Khadda, aujourd'hui à la retraite, a enseigné dans les universités d'Alger et de Montpellier III. Elle a effectué de brefs passages par les universités de Paris XIII (à titre d'invitée) et de Paris VIII (comme professeure associée). Spécialiste de l'œuvre de Mohammed Dib et, plus largement, des grands auteurs algériens des années 1950 qui ont consacré la littérature de langue française en Algérie ; elle s'intéresse aussi aux arts plastiques pour avoir accompagné la réflexion et la création de son mari, Mohammed Khadda, un des pionniers de la peinture moderne en Algérie, décédé en 1991. N. Khadda est, plus généralement, attentive au champ culturel maghrébin et à ses formes d'art nouvelles, indexées sur l'histoire culturelle européenne et amarrées à l'héritage ancestral. Membre fondateur de La Fondation Mohammed Dib ("La grande maison") de Tlemcen et du prix Mohammed Dib qu'elle a présidé jusqu'en 2014, elle a aussi présidé en 2016 et 2017 le jury du prix Assia Djebar. Naget Khadda a publié plusieurs études, dirigé des ouvrages collectifs et produit de nombreux articles dans des revues spécialisées.

Regina KEIL-SAGAWE : Lyyli… des 4 saisons — les correspondances du genre, entre poème et prose
Dans mes archives, se trouve le typoscript d'un recueil de poèmes de Mohammed Dib publié seulement post mortem, dans le premier volume de l'édition de ses Œuvres Complètes, "Poésies" (Paris, La Différence 2007), rassemblé par Habib Tengour. Il est intéressant de suivre la piste des résurgences de Lyyli entre poèmes et prose, dans les différents écrits dibiens, et de voir surgir Lyyli comme chiffre, non seulement de l'élément féminin parmi d'autres figures féminines emblématiques de l'œuvre dibien, mais aussi comme symbole d'un avenir autre, imprégné par l'imbroglio des civilisations et cultures, et comme esquisse d'un(e) alter ego permettant à l'auteur/au narrateur d'élaborer, dans un va-et-vient méditatif, sa propre pensée.

Enseignante à l'université de Heidelberg pendant de longues années, de nos jours traductrice littéraire libre, spécialisée dans les littératures francophones du Maghreb, Regina Keil-Sagawe a beaucoup travaillé sur les problèmes de traduction/réception du texte maghrébin.
Publication
A traduit, entre autres, L'Infante Maure de Mohammed Dib en allemand (Die Maurische Infantin, Cologne 1997 et 2016).
A édité le numéro spécial de la revue Expressions maghrébines consacré à "Mohammed Dib poète" (2009).

Ines KREMER : Autobiographie et exil dans l'œuvre de Mohammed Dib
Profondément ancrée dans la tradition littéraire française et européenne, l'écriture autobiographique marque l'émergence et l'évolution de la littérature maghrébine d'expression française. Même si les textes en prose de Mohammed Dib n'admettent pas ouvertement leur dimension autobiographique — ne proposant pas de pacte autobiographique dans le sens de Lejeune — plusieurs d'entre eux sont fondés sur des expériences vécues qui ont marqué l'auteur. Après sa trilogie algérienne qui transmet ses idéaux communistes, Dib publie des romans moins explicitement engagés et d'autant plus personnels qu'ils thématisent l'exil, l'isolement et le déchirement identitaire. Parmi eux, il semble que ce sont surtout Habel (1977) et la trilogie nordique (Les terrasses d'Orsol, 1985 ; Le sommeil d'Ève, 1989 ; Neiges de marbre, 1990), dont le fondement autobiographique joue un rôle prépondérant, qui sont les plus appropriés à l'étude de cette problématique. Cette contribution propose d'analyser la signification de la composante autobiographique dans l'œuvre de Mohammed Dib tout en s'interrogeant sur la réflexion poétologique qu'elle inspire à l'auteur.

Ines Kremer est titulaire d'un master en langues et littératures romanes, Université Johannes-Gutenberg, Mayence (2015). Depuis mars 2016, elle est doctorante et enseignante à l'université de Duisburg-Essen (équivalent à A.T.E.R.), le titre provisoire du projet de sa thèse est "Entre assimilation et rébellion — stratégies et transformations au sein du champ littéraire français et algérien des années 1940 et 1950".
Publications
"Taos Amrouche und die Transformation des Diskurses im literarischen Feld Algeriens", dans Transformationen. Wandel, Bewegung, Geschwindigkeit. Beiträge zum XXXIII. Forum Junge Romanistik in Göttingen (15.-17. März 2017), München, Akademische Verlagsgesellschaft München, 2019, 161-173.
"Zwischen Assimilation und Rebellion : die algerische "Avantgarde" und das Paris der Nachkriegszeit", dans Migration und Avantgarde, Berlin, De Gruyter, 2020, 345-364 (à paraître).

Hanane LAGUER : La théâtralité du geste dans L'infante maure : outil de scénarisation de l'oralité
Ce que nous désignons par théâtralité est la forme spéculaire d'un théâtre(1), d'un art repris et représenté par le texte littéraire : "La théâtralité n'est pas le privilège de la chose représentée, mais du mouvement d'écriture par lequel on représente"(2). Très présente dans la littérature algérienne (poésie et roman), elle contribue à amplifier le sens et la signification. Chez Mohamed Dib, elle est souvent présentée comme une pratique de mise en scène d'une parole poétique véritablement imprégnée de la culture orale, et qui trouve sa complétude dans le geste du corps, l'emplacement de ce dernier dans l'espace ainsi que dans l'ensemble des éléments du décor qui l'accompagne. Dans L'Infante maure, la question de la gestuelle instille la théâtralité de cette écriture où se révèle le sens d'une oralité. Il s'agit de la gestuelle d'un corps primé, qui se conjugue dans la danse et le geste de Lyyli Belle. Son corps inspire sa théâtralité et abrite son théâtre dans le processus de recréation de son propre monde. Outrepassant le geste, Lyyli Belle s'adonne à une poétique de la géométrie. Celle-ci établit le lien entre le geste scriptural et la voix dans le roman. Autrement dit, notre réflexion se base aussi bien sur la scénarisation du geste/de la voix que celle de l'écriture. Pour ce faire, toute une dramatisation est déployée pour traiter l'aventure de l'écriture.
(1) Ici le mot théâtre renvoie au spectacle ou à la mise en pratique d'un spectacle ; autrement dit, mettre en scène un événement, un sentiment, dans le but d'être vu par les autres pour y contribuer. Dans cette intention, l'on retrouve forcément une forme d'exagération (amplification, dramatisation, paraphrase, redondance…), pour l'accomplissement de ce spectacle.
(2) Piemme Jean‐Marie, "Théâtralité", in Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Larousse-­Bordas, 1998, p. 1614-­1615.

Hanane Laguer est doctorante à l'Inalco sous la direction de Mourad Yelles. Son projet porte sur les poétiques de l'exil et la question identitaire, abordées à partir d'un corpus multilingue (français-arabe littéraire et arabe maghrébin – melhûn -) et transgénérique (poésie/roman) dans le champ littéraire algérien. Elle est chargée de cours de littératures maghrébines à l'Inalco. Elle a participé à de nombreuses manifestations scientifiques sur la littérature maghrébine, notamment sur sa place au sein de la littérature comparée. Elle prépare un ouvrage collectif à partir d'une journée d'études qu'elle a co-organisée avec Mourad Yelles intitulée Poétiques de l'exil : Maghreb et diaspora, en 2016.
inalco.fr/sites/default/files/asset/document/prg_lacnad_15-12-2016_0.pdf

Amel MAAFA : De la polyphonie théâtrale à la narration romanesque. Le cas de Mille hourras pour une gueuse et de La danse du Roi de Mohammed Dib
Montée au festival d'Avignon en 1977, Mille hourras pour une gueuse est une expérience de théâtre menée par Mohammed Dib. Longtemps considérée comme une adaptation du roman La danse du Roi (1967), les travaux effectués par Isabelle Mette sur les manuscrits de l'auteur (disponibles à la BNF) ont démontré l'antériorité de la pièce sur le roman. Dans les deux œuvres, nous retrouvons le personnage de Arfia, une ancienne maquisarde, déchirée entre un passé glorieux et un présent désenchanté. Les personnages évoluent dans un univers éclaté, dans un va-et-vient entre passé et devenir. Le présent se voit transcendé dans la narration, accentuant ainsi le jeu dramatique du récit. Dans cette communication, nous essayerons d'étudier ce que Charles Bonn appelait "la fonction romanesque de représenter une représentation" en mettant l'accent sur le personnage de Arfia dans les deux œuvres.

Amel Maafa est maître de conférences, HDR, à la faculté des lettres et des langues, Université 8 Mai 1945 Guelma, Algérie. Elle s'intéresse tant à la littérature qu'aux arts. Elle a participé à de nombreuses rencontres scientifiques autour de ces thématiques dans de nombreux pays. Elle a publié de nombreux articles, et a co-dirigé un ouvrage sous forme d'entretiens avec Charles Bonn, Littérature algérienne. Itinéraire d'un lecteur (El Kalima, 2019).

Lamia OUCHERIF : L'écriture du "visuel"
Nous avons choisi de réfléchir sur la conception de l'écriture chez Mohammed Dib et surtout sur le rapport qui existe entre ce qu'il appelle lui-même "le visuel" et le monde. Dans un passage de L'Arbre à dires, il précise : "Ce qui est sûr, c'est que je suis un visuel, un œil. Cela ressort dans mes écrits et quel que soit le genre d'écrit : poème, roman, nouvelle" (p. 107). Qu'entend Mohammed Dib par l'expression "je suis un visuel" ? Même si l'expression paraît simple, elle ne l'est pas pour autant, surtout que l'écrivain la rattache à tous ses écrits et tous genres confondus.

Lamia Oucherif est maître de conférences en littérature au département de français de l'École normale supérieure de Bouzaréah, Alger. A soutenu son doctorat en mars 2010. L'intitulé de sa thèse est "Pour une poétique de la relation père/fille chez M. Dib, A. Djebbar et S. de Beauvoir". Chef d'équipe au sein du laboratoire LISODIP, à l'ENS de Bouzaréah. Les recherches de l'équipe portent sur la littérature francophone du XXIe siècle.
Publications
"L'invention d'une langue littéraire dans un milieu plurilingue", revue Socles (revue du laboratoire LISODIP), n°2, Janvier 2013.
"L'écriture comme dissimulation ou l'écriture de la dissimulation dans les littératures contemporaines, francophone et française (fin du XXe et XXIe siècles)", revue Socles (revue du laboratoire LISODIP), n°8, Janvier 2016.

Nasrin QADER : Le théâtre de l'écrit : jouer avec/jouer de…
Cette communication prend son élan dans le simple constat que Mohammed Dib est un grand joueur. Malgré le grand sérieux de son œuvre, autant du point de vue politique et éthique que poétique, l'écriture de Dib joue avec les mots et des mots et ainsi joue avec et de nous, joyeusement. Commençant par une lecture précise du rapport entre le jeu et l'écriture dans Neige de marbre, cette analyse la relie en même temps avec la question de la perspective plus généralement dans l'œuvre de Mohammed Dib et l'intérêt qu'elle manifeste à la visualité et à ses enjeux, cherchant ainsi à souligner que le jeu en tant que l'ouverture d'un espace de visibilité et de communication constitue le cœur de l'imagination et de la pensée de Mohammed Dib.

Nasrin Qader enseigne la littérature francophone et la littérature comparée à Northwestern University, aux États-Unis. Elle est auteur de Narratives of Catastrophe : Boris Diop, Ben Jelloun, Khatibi et des articles sur la littérature francophone et arabe du Maghreb. Elle travaille actuellement sur un projet de livre autour de la question de la visualité et le jeu, dans lequel Mohammed Dib occupe une place importante.

Abdellah ROMLI : L'intratextualité dans l'œuvre dibienne : une question de vie ou de mort
Reprendre un de ses textes ou un de ses personnages pour le replonger dans une nouvelle aventure scripturale fut certainement une des pratiques courantes des poétiques romanesques françaises du XIXe siècle. C'est à cette intratextualité, appréciée du moins par les éditeurs, qu'on doit ces grands ensembles romanesques signés par Balzac, Zola ou George Sand au nom d'une individualité créatrice unie et indivisible. Chez Mohammed Dib, le projet comme les intentions nous paraissent autres. Pour un auteur qui s'est très tôt prononcé pour une production de longue haleine, la reprise démasque principalement une tension dans le procès d'énonciation qui est constamment en train de se reconstruire autour de thèmes obsédants et qui est, par là-même, un acte qui se met en abyme, qui se théâtralise pour reprendre la thématique du colloque. Quand l'écho des Terrasses d'Orsol retentit dans une nouvelle de La Nuit sauvage : "La mort de Talilo" et quand Lyyli Belle, narratrice de L'Infante maure, renaît dans une partie de L'Arbre à dires, rien n'est aussi fort et aussi urgent que cette envie de renouer avec la vie par la prise de parole.

Abdellah Romli est professeur-chercheur en littératures francophones, auteur d'une thèse et de plusieurs articles sur l'œuvre de Mohammed Dib, membre d'une unité de recherche "Imaginaires, Textes et Écritures" du Laboratoire DILILARTICE affilié à l'université Ibn Tofaïl de Kénitra (Maroc) et chercheur associé à l'équipe de recherche sur les manuscrits de Mohammed Dib, à l'Institut des Textes et Manuscrits Modernes ITEM-Paris (CNRS-ENS).

Hervé SANSON : La nébuleuse de La Fiancée du printemps : construction et déconstruction du mythe
La réécriture des mythes a toujours constitué dans l'écriture dibienne un motif essentiel. Jamais publiée, sans cesse reprise de 1960 à 1986, la pièce de théâtre La Fiancée du printemps n'échappe pas à la règle et mobilise notamment le rite berbère de Guendja, "La fiancée de la pluie" ; ce qui importe à l'écrivain algérien réside dans le fait d'"essayer de saisir ce moment particulier où le mythe émerge dans la vie quotidienne et où, détruisant nos particularités de caractère, de sentiment, de pensée, il nous agrège aux autres en un vaste corps anonyme mû par une force qui lui est à lui-même inconnue" ("Notes sur La Fiancée du printemps ou le théâtre à l’état naissant", inédit). À partir des différents tapuscrits dont nous disposons, tant les versions théâtrales successives que le scénario que Dib en a tiré avec Marcel Moussy au début des années soixante, mais aussi du roman Si Diable veut, dernier avatar — romanesque — de cette entreprise théâtrale, et en mobilisant les outils de la génétique des textes, nous nous attacherons à dégager les enjeux du travail de réécriture dibien quant au mythe, et l'évolution que celui-ci subit au long des différentes versions.

Après avoir soutenu une thèse de doctorat sur Mohammed Dib en 2005, Hervé Sanson a publié de nombreux articles sur Dib, notamment dans Expressions maghrébines ("L. A. Trip : la troisième voie ou : D'un rocking-chair", EM, "Dib poète", vol. 4, n°2, hiver 2005 ; "Une esthétique du bazar", EM, Varia, col. 18, n°1, été 2019), ou dans Apulée ("Dans l'œil du cyclone", n°2, "De l'imaginaire et des pouvoirs", Zulma, 2017). Il a coordonné le numéro de la revue Europe consacré à Dib, paru en mai 2020. Il prépare avec Habib Tengour l'édition critique et génétique des nouvelles de l'écrivain, à paraître prochainement aux éditions du CNRS.

Lucy STONE McNEECE : L'écriture de Mohammed Dib : La plume comme un pinceau
Cette communication démontrera la fonction du principe du féminin chez Dib comme agent de démantèlement des codes de la représentation conventionnels. Dib a compris que les genres littéraires et sexuels partagent une structure hiérarchique et binaire qui limite notre manière d'être au monde et notre capacité de créer les conditions éthiques propices à l'épanouissement de l'être humain. Ainsi Dib met en scène le "féminin" libéré de sa biologie et les clichés associés aux femmes, et en révisant les structures il transforme ses récits en découvertes épistémologiques et éthiques. Le féminin l'amène aussi à puiser dans la culture populaire orale, pour en extraire sa sagesse. Chez Dib le principe du féminin engendre une révolution qui abolit les frontières entre les oppositions telles que le féminin et le masculin, le moi et l'autre, la raison et la folie, le sujet et l'objet, la poésie et la prose, le Nord et le Sud, pour mettre en scène une vision plus inclusive et plus égalitaire.

Lucy Stone McNeece est diplômée de Harvard University. Elle a enseigné les littératures francophones ainsi que le théâtre et le cinéma à l'université du Connecticut puis à l'université de Mohammed V à Rabat. Elle a travaillé sur les littératures comparées au centre des Études maghrébines et du Moyen Orient et au C.E.M.A.T à Tunis. Depuis sa retraite, elle a fait une maîtrise en littérature arabe à l'INALCO, enseigné à l'université américaine de Beyrouth et passé une année de recherche à l'IFPO (Institut français du Proche Orient). Ses publications portent sur des écrivains francophones du Maghreb, de l'Afrique de l'ouest, et sur des auteurs du Moyen-Orient.

Manel ZAIDI AIT-MEKIDECHE : L'œil Cosmique et l'Ouïe : hypostases dibiennes
Dans cette communication, nous nous proposons d'examiner les fondements de l'écriture dibienne et la résurgence des multiples voix qui peuplent son œuvre du fait de l'importance que revêtent pour lui la Vision et l'Ouïe comme génératrices de sens. Nous commencerons par interroger le désert dans son essence dissolvante, capable de neutraliser le pouvoir testamentaire de l'écriture. Dans cet esprit, nous aborderons l'importance de la récitation et la sublimation de la vision par l'ouïe dans l'œuvre dibienne. Nous montrerons comment la vision relève d'un œil cosmique sublimé par le verbe récité et donc, systématiquement, par l'ouïe comme forme ésotérique de connaissance. Nous évoquerons par ailleurs un des atavismes du style dibien, lié à la parole qui traverse son œuvre sans qu'elle s'astreigne à la toute-puissance de l'écrit. Cet atavisme sera rapproché, dans la même lancée, de l'importance de l'ouïe et de ces traces qui aident à chercher et à reconstruire du sens à partir de bribes de paroles.

Manel Zaidi Ait-Mekideche est docteure en Sciences des Textes Littéraires à l'École Normale Supérieure d'Alger. Elle est autrice d'une thèse de doctorat dédiée à "L'Imagination de l'Ailleurs dans l'œuvre de Mohammed Dib" et d'un mémoire de magistère sur le "Symbolisme thériomorphe et l’imaginaire animé de Mohammed Dib". Ses publications et ses travaux de recherche portent sur l'imaginaire dibien et ses rapports avec le politique, la mythologie et la philosophie, notamment la philosophie illuminative et spirituelle.

Anna ZOPPELLARI : Mohammed Dib : images de l'ailleurs entre motif thématique et littérature de voyage
Cette intervention envisage d'analyser quelques œuvres poétiques de Mohammed Dib à partir de l'élaboration théorique sur la littérature de voyage. Les renvois à un ailleurs spatial et culturel doivent-ils être inscrits dans une interrogation thématique ou est-il possible de faire référence de façon profitable au sous-genre appelé "littérature de voyage" ? Notre propos sera donc de comprendre si, et jusqu'à quel point, l'œil du poète-voyageur transforme le texte en regard sur autrui ou le fait devenir un regard sur lui-même. L'attention sera portée notamment sur L.A Trip, recueil poétique que le paratexte éditorial définit comme "roman". Quelles sont les raisons, mais surtout, quelles sont les implications de ce triangle théorique-pragmatique où il existe un genre déclaré (le roman), un genre exposé (la poésie) et un sous-genre suggéré par le titre (le voyage) ?

Anna Zoppellari est professeure de littérature française à l'université de Trieste.
Publications
Dossier Jean Pélégri pour la revue Expressions maghrébines (2007).
Traduction du poème Tombeau d'Ibn Arabi de Abdelwahab Meddeb (Poema di un sufi senza Dio. Sulla tomba d'Ibn Arabi, 2012).
Plusieurs articles sur la littérature maghrébine d'expression française.


SOUTIENS :

• Textes, littératures : écritures et modèles (TELEM, EA 4195) | Université Bordeaux Montaigne
• Réseau mixte algéro-français de recherche-formation et de recherche sur la langue française et les expressions francophones (LaFEF)
• Société internationale des Amis de Mohammed Dib (SIAMD)
• Coordination internationale des chercheurs sur les littératures maghrébines (CICLIM)
Université Paris 8 | Vincennes - Saint-Denis
• Direction régionale des affaires culturelles Normandie (DRAC)

Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du lundi 26 septembre au dimanche 2 octobre 2022 [en savoir plus].

La direction du CCIC


PENSER LES SOCIÉTÉS ET LES POUVOIRS AVEC MAX WEBER

VERS UNE "SCIENCE DE LA RÉALITÉ" ?


DU SAMEDI 29 AOÛT (19 H) AU SAMEDI 5 SEPTEMBRE (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]


"Le monde moderne, un monde rationalisé ?"


PRÉSENTATION VIDÉO :


DIRECTION :

Félix BLANC, Raphaëlle LAIGNOUX, Francisco ROA BASTOS, Victor STRAZZERI


ARGUMENT :

Depuis un siècle, les travaux de ce grand savant allemand servent de référence aux sciences humaines et sociales. Fondées sur l'étude approfondie de différentes périodes historiques (de l'Antiquité grecque et romaine à la modernité occidentale, en passant par plusieurs cultures orientales), ses analyses de la construction des groupes sociaux (religieux, économiques et politiques), des motivations de l'action sociale ou encore des modes de légitimation des pouvoirs, permettent d'articuler l'étude des structures macrosociales et celle des actions individuelles dans toute leur complexité. Ces travaux comparatifs offrent, aujourd'hui encore, et peut-être plus que jamais, des outils précieux pour analyser notre temps. Pour peu qu'elle soit lue, discutée, voire critiquée, l'œuvre de Max Weber, un siècle après sa mort, ne cesse de remuer la pensée.

Ce colloque aura donc pour objectif de proposer un examen collectif des divers apports des travaux de Max Weber, et des usages qui peuvent en être faits pour mieux comprendre les sociétés contemporaines. Il s'agira d'évaluer le programme de connaissance wébérien, qui vise à jeter les bases d'une "science de la réalité" (Wirklichkeitswissenschaft), et à étudier la circulation comme la réception de ses travaux hors d'Allemagne et dans différentes disciplines (aussi bien l'histoire que la sociologie, la philosophie, le droit, l'économie et la science politique). Cette rencontre, qui se veut largement ouverte, rassemblera à la fois des spécialistes de la pensée de Weber mais aussi, et surtout, toute personne intéressée par la manière dont ce "classique des sciences sociales" peut aider à mieux penser la réalité actuelle, et ce afin d'y mieux agir.


MOTS-CLÉS :

Capitalisme, Croyances et valeurs, Déterminants de l'action, Domination, Économie politique, Épistémologie des sciences sociales, Éthique, Histoire comparée, Légitimation politique, Rationalités, Sociologie allemande, Sociologie compréhensive, Sociologie des religions, Weber (Max)


CALENDRIER PROVISOIRE :

Samedi 29 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Dimanche 30 août
L'HISTOIRE A-T-ELLE UN (SEUL) SENS ? [présentation]
Matin
Félix BLANC, Raphaëlle LAIGNOUX, Francisco ROA BASTOS & Victor STRAZZERI : Introduction
Hinnerk BRUHNS : L'histoire conçue en étapes ?
Federico TARRAGONI : Trois pistes wébériennes pour une sociologie historique du politique

Après-midi
Pierre-Henri ORTIZ : Les prophètes contre la République : une lecture wébérienne des conflits religieux à Rome
Julien FAGUER : La terre et le marché du crédit en Grèce ancienne : une perspective wébérienne

Soirée
Sam WHIMSTER : Les études sur Max Weber aujourd'hui


Lundi 31 août
UNE SOCIÉTÉ VRAIMENT "OUVERTE" EST-ELLE POSSIBLE, ET À QUEL PRIX ? [présentation]
Discutants : Félix BLANC, Paulin ISMARD, Raphaëlle LAIGNOUX
Matin
Catherine COLLIOT-THÉLÈNE : Logiques identitaires et logiques d'appropriation
Aloys WINTERLING : Max Weber et Niklas Luhmann

Après-midi
Jean-Pierre GUILHEMBET & Pascal MONTLAHUC : Ville et communautés urbaines à Rome
Romain GUICHAROUSSE : Les étrangers au sein de la communauté athénienne (Ve-IIIe siècle av.n.è.)
Philippe CHANIAL : Les idées, les valeurs et les intérêts dans l'anthropologie wébérienne


Mardi 1er septembre
PEUT-IL Y AVOIR UN POUVOIR LÉGITIME ? [présentation]
Discutants : Vanessa BERNADOU, Félix BLANC, Jean-Philippe HEURTIN
Matin
Jean-Michel DAVID : Les magistratures romaines à la lumière des définitions wébériennes du charisme
Didier GEORGAKAKIS : L'Europe peut-elle être gouvernée par une personnalité charismatique ? Sur quelques contractions théoriques et empiriques du "leardership politique" de l'UE

Après-midi
Yves SINTOMER : La sociologie historique de Weber au test de la critique de l'eurocentrisme
Dominique LINHARDT : Les deux visages de la violence légitime : vers la fin de l'État ?

À quoi peut servir le triptyque de la légitimité aujourd'hui ?, table ronde avec Catherine COLLIOT-THÉLÈNE, Michel DOBRY, Patrice DURAN et Jean-Philippe HEURTIN

Soirée
Edith HANKE : Les luttes de Max Weber avec le concept de "démocratie". Un plaidoyer pour la sociologie politique


Mercredi 2 septembre
DÉTENTE


Jeudi 3 septembre
L'ŒUVRE DE WEBER, UNIQUE OU PLURIELLE ? [présentation]
Discutants : Edith HANKE, Jean-Philippe HEURTIN, Francisco ROA BASTOS, Victor STRAZZERI
Matin
Álvaro MORCILLO : Économie et société comme précondition à la théorie de la dépendance de Cardoso
Giulio DE LIGIO : Aron et le "problème Weber". Entre science et action

Après-midi
Julia CHRIST : Max Weber et la théorie critique : un problème d'interprétation ?
Frédéric NEYRAT : Quelle place pour Max Weber dans les facultés de droit et de sciences économiques en France aujourd'hui ?
Rita ALDENHOFF-HÜBINGER : Observer et explorer les paysages et les sociétés rurales avec Max Weber

Soirée
Philippe RAYNAUD (sous réserve)


Vendredi 4 septembre
QUE FAIRE DES CROYANCES EN SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES ? [présentation]
Discutants : Félix BLANC, Raphaëlle LAIGNOUX, Francisco ROA BASTOS, Victor STRAZZERI
Matin
Isabelle KALINOWSKI : Fides implicita. Weber et la notion d'obéissance
Paul COURNARIE : Les rois antigonides et leurs sujets

Après-midi
Gangolf HÜBINGER : Idées et intellectuels dans le travail de Max Weber
Thomas KEMPLE : Rationalizations of Culture and Their Directions : Weber on the Aesthethic Sphere
Hans-Peter MÜLLER : "Lebensführung". Vers une sociologie de la vie


Samedi 5 septembre
LA VOCATION DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES AUJOURD'HUI : CONCLUSION ET DISCUSSIONS
Matin
Catherine COLLIOT-THÉLÈNE : Toute domination est légitime !
Michel DOBRY : La sociologie de Max Weber et quelques problèmes actuels des sciences sociales

Rapport d'étonnement, par Vanessa BERNADOU

Après-midi
DÉPARTS


PRÉSENTATION DES JOURNÉES :

L'histoire a-t-elle un (seul) sens ? Repenser l'idée de "progrès" avec Weber
L'œuvre de Max Weber est à la fois profondément historique et tout à fait opposée à l'idée d'une téléologie ou d'une philosophie de l'Histoire. Contrairement à l'image qui en est parfois donnée, le travail de Weber n'a pas consisté à mettre en évidence les déterminants de la rationalisation du monde (et de son désenchantement) sur le mode d'un "développement" naturel et nécessaire, mais plutôt à mettre en évidence les particularités d'une rationalisation particulière, parmi d'autres : celle qui s'est opérée en Occident à partir de l'affirmation du capitalisme moderne, caractérisé avant tout par "l'organisation rationnelle du travail formellement libre" (Sociologie des religions, p. 497). Tout le travail comparatif de Weber dans sa sociologie des religions, et plus largement dans son économie politique et sa sociologie politique, a consisté à mettre en évidence les types humains variés, produits par différentes configurations sociales et rationalisations historiques particulières. Ce qui l'a conduit également à distinguer, dans chaque société, différents "ordres de vie" (Lebensordnungen, Lebenssphären ou Lebensbereichen) dont les transformations et évolutions sont désynchronisées. Tout ne change pas partout et tout le temps à la même vitesse, chez Weber, et l'histoire n'a pas un sens particulier. L'idée de progrès elle-même semble donc étrangère à celui qui s'attache plutôt à montrer la réduction des "chances" et des possibilités de vie qu'entraîne toute consolidation d'un système d'action particulier, comme la "cage d'acier" du capitalisme moderne, une fois délaissée par son éthique initiale. Mais Weber donne aussi les outils pour penser le changement social et la "possibilité même de l'inédit en histoire"(1), toujours possible mais dont le sens n'est jamais prévisible à l'avance.
Cette première journée sera donc consacrée principalement à la conception de l'histoire et des temporalités du changement social chez Max Weber. Qu'est-ce qui change quand ça change ? Pourquoi les "ordres de vie" ne changent-ils pas à la même vitesse et dans la même direction dans une société donnée ? Plus particulièrement : quel usage peut-on faire de l'anthropologie historique culturelle et comparée de Weber aujourd'hui, à l'heure où la "globalisation" semble à la fois entraîner la diffusion mondiale du capitalisme moderne, et l'apparition d'un "néo-capitalisme" et de nouveaux types humains dominants ?

(1) Catherine Colliot-Thélène, La sociologie de Max Weber, Paris, PUF, 2014, p. 99.


Individus, communautés, identités. Une société vraiment "ouverte" est-elle possible, et à quel prix ?
La traduction récente en français du volume I/22-1 de la Max Weber Gesamtausgabe (MWG)(1) intitulé Les communautés (Wirtschaft und Gesellschaft. Gemeinschaften), permet aujourd'hui de mieux saisir la cohérence du travail de Max Weber sur cette question centrale de Économie et société, ainsi que de traduire des textes jusqu'ici inédits en français. Auparavant dispersés dans différents chapitres des éditions successives de l'ouvrage posthume de Weber, ce travail éditorial permet de réinterroger aujourd'hui la conception des groupes sociaux de Weber, et l'usage que l'on peut en faire pour penser différentes périodes historiques, dont notre monde contemporain.
À l'opposition bien connue entre Vergemeinschaftung ("communautarisation" ou "communalisation") et Vergesellschaftung ("sociétisation" ou "sociation"), qui distingue les groupes fondés soit sur la base d'un sentiment d'appartenance subjectif, soit sur l'accord conventionnel d'intérêts particuliers, il faut ajouter l'étude des "puissances sociales" diverses qui contribuent à créer ces groupes sociaux, que celles-ci soient liées aux dynamiques (et aux contraintes) économiques, juridiques, politiques mais aussi culturelles ou idéelles dans lesquelles ces groupes évoluent. La formation de chaque communauté particulière est ainsi explicable par différents facteurs sociaux mais aussi par différentes "visions du monde", qui changent selon les groupes, les époques, les cultures, et qui contribuent à forger l'individu et ses caractéristiques, en d'autres termes son "identité".
Mais l'on oublie parfois qu'en mettant l'étude des communautés et des individus qui les composent au cœur de sa sociologie, Max Weber a aussi posé la question des frontières de ces groupes et de ces communautés, que l'on parle de la famille, de la nation, de l'État ou d'associations aux formes diverses, économiques, religieuses ou politiques. Car faire communauté, c'est tracer une ligne (spatiale, économique, politique ou "culturelle") entre son groupe et les autres. C'est aussi, peut-être, poser la question du dépassement éventuel de ces frontières, que ce soit sous la forme déjà ancienne des cosmopolitismes, ou sous celle plus récente des ou du "Commun(s)".
Cette journée s'intéressera donc à la façon dont Weber a conceptualisé les différents types de groupes et leurs rapports, mais aussi à la manière dont on peut s'appuyer sur ses travaux pour penser l'identité et les frontières. Comment s'articulent, aujourd'hui comme hier, "société ouverte" et communautés d'appartenance ou d'intérêts ? Un monde absolument ouvert est-il synonyme de solidarité, ou au contraire de compétition généralisée ? Comment se font et se défont les identités ? Voilà certaines des questions que nous souhaiterions poser lors de cette journée.

(1) Traduction de Catherine Colliot-Thélène et Elisabeth Kauffmann, aux éditions La Découverte, en 2019.


Peut-il y avoir un pouvoir légitime ? Tradition, charisme, bureaucratie : apports et limites du triptyque wébérien de la légitimité du pouvoir
La sociologie politique de Max Weber est parfois résumée au fameux triptyque de la légitimité du pouvoir et à ses idéaltypes bien connus : pouvoir traditionnel, pouvoir charismatique et pouvoir légal-rationnel (représenté notamment par le pouvoir bureaucratique dans la modernité occidentale). Toujours mêlés dans la réalité empirique, ils servent à Max Weber de pierres de touche conceptuelles, à l'aune desquelles on peut chercher à comprendre et expliquer les diverses configurations de pouvoir à des époques très différentes, et les revendications de légitimité qui l'accompagnent. La traduction récente par Isabelle Kalinowski du volume I/22-4 de la MWG, La domination (Herrschaft)(1), a permis de renouveler pour le public francophone la compréhension de la sociologie politique de Weber, et de lui redonner toute son ampleur originale qui s'étend bien au-delà des trois modes de légitimation du pouvoir. L'édition et la traduction des Œuvres politiques (1895-1919) de Max Weber(2) (mais aussi celle des 11 volumes de sa correspondance dans la Section II de la MWG), a apporté un complément très appréciable pour le public francophone, en permettant de mieux saisir l'engagement personnel de Weber dans la politique de son temps, et l'articulation souvent difficile entre réalité empirique de ces engagements et analyse sociologique à distance. Les débats — toujours ouverts — sur la question de la place éventuelle dans l'économie conceptuelle wébérienne d'un type de légitimité spécifiquement démocratique, ou ceux sur la définition du charisme et sa portée(3), montrent à quel point la sociologie politique de Weber continue, tout comme sa sociologie du droit, d'être utile pour penser les évolutions politiques actuelles et du passé, malgré les difficultés qu'elle soulève.
Cette journée se penchera donc sur la dimension proprement politique de l'œuvre de Weber, pour poser mais aussi recontextualiser la question de la légitimité et de la légitimation du pouvoir, qu'elle soit traditionnelle, charismatique ou légal-rationnelle. Au cœur de ces interrogations, on trouve en effet la tension qui oppose le "savant et le politique" Weber. En tant que savant, Weber semble en effet réfuter toute légitimité au pouvoir, quel qu'il soit, si par légitimité on entend le consentement rationnel en valeur et l'absence de domination. Tout pouvoir est nécessairement, pour Weber, l'affirmation d'une domination d'un groupe sur un ou plusieurs autres, et en tant que tel on ne peut vouloir s'y soumettre. Mais le Weber politique, celui par exemple des Œuvres politiques, n'aura de cesse, jusqu'à la fin de sa vie, de chercher les moyens et les dispositifs susceptibles de rendre les démocraties bureaucratisées et "impersonnelles" de son temps un peu plus "légitimes", par exemple en y introduisant une dose de charisme : c'est le fameux "tournant césariste" des démocraties qu'on a voulu voir dans ces écrits. Comment penser, ensemble, l'œuvre du savant et du politique Weber ? Comment définir et traduire, avec ou contre Weber, ces concepts politiques polysémiques comme Herrschaft ou Macht, qui sont au fondement de son système conceptuel ? Faut-il en finir avec ces idéaltypes imparfaits que sont le "charisme", le "pouvoir traditionnel" ou encore l'autorité "légal-rationnelle", que lui-même considérait comme des "concepts provisoires" ? En somme, comment penser aujourd'hui la politique et le pouvoir à partir des travaux de Weber, quitte à en pointer les limites et les adaptations nécessaires ?

(1) Max Weber, La domination, Paris, La Découverte, 2014, traduction d'Isabelle Kalinowski, introduction d'Yves Sintomer.
(2) Traduction d'Elisabeth Kauffmann, Jean-Philippe Mathieu et Marie-Ange Roy, aux éditions Albin Michel, 2004.
(3) Qu'on a tenté récemment de synthétiser et d'éclairer, dans le volume collectif Que faire du charisme ? Retours sur une notion de Max Weber, Rennes, PUR, 2014.


L'œuvre de Weber, unique ou plurielle ? Le programme de connaissance wébérien et son interprétation différenciée (traductions, appropriations, adaptations)
L'œuvre de Weber, on l'a souvent souligné, est multiple, complexe, et même parfois confuse, notamment parce qu'elle repose sur de nombreux manuscrits non publiés de son vivant, ou des éditions posthumes recomposées. Par ailleurs, le débat entre ceux qui considèrent qu'on peut y déceler plusieurs "périodes" — une phase plutôt historienne ou économiste, au début de sa carrière et jusqu'à la "crise" personnelle de 1897-1903, et une phase plus sociologique ensuite et jusqu'à sa mort — et ceux qui défendent l'unité conceptuelle du programme de connaissance wébérien n'est pas clos. À la question de l'interprétation et de la lecture des textes originaux de Weber s'ajoute surtout la manière dont ceux-ci ont été publiés, modifiés, mais aussi traduits et reçus à l'étranger, et ce dans différentes disciplines. La réception sociologique et philosophique de Weber en France (à travers notamment Raymond Aron), n'est pas la même que celle qu'il a connue aux États-Unis (par l'entremise et la "traduction", à tous les sens du terme, de Talcott Parsons par exemple). Le Weber des historiens de l'Antiquité (et du Agrarverhältnisse im Altertum) n'est pas le même que celui des sociologues des religions. Le Weber des enquêtes économiques n'est pas le même que celui des écrits épistémologiques ou que le Weber musicologue. À travers les traductions et les circulations de l'œuvre, celle-ci a connu depuis plus d'un siècle des interprétations diverses, voire opposées, constituant aujourd'hui un ensemble composite et multilingue de lectures de Weber qui parfois encore s'ignorent.
À travers cette journée, et grâce à la présence des éditeurs de la MWG mais aussi de plusieurs traductrices et traducteurs de l'œuvre de Weber ainsi que de membres de la Société des Amis de Raymond Aron, le colloque s'intéressera à la question de la circulation internationale des travaux de Max Weber et au rôle de ses passeurs, qu'ils soient sociologues, historiens, philosophes, économistes, juristes… Cette journée sera également l'occasion d'intégrer un regard réflexif sur les entreprises de célébration de Weber et de son œuvre, du fameux colloque de Heidelberg de 1964, organisé par la Deutsche Gesellschaft für Soziologie à l'occasion du centenaire de sa naissance(1), aux colloques du centenaire de sa mort (y compris le nôtre), qui font partie intégrante de l'économie générale de la réception de son œuvre.

(1) Publié sous la direction d'Otto Stammer en 1965 : O. Stammer (Hrsg.), Max Weber und die Soziologie Heute. Verhandlungen des 15. Deutschen Soziologentages in Heidelberg 1964, Tübingen, Mohr Siebeck, 1965.


Que faire des croyances en sciences humaines et sociales ? La construction des "personnalités" et des "conduites de vie" (Lebensführungen) et l'actualité de la sociologie compréhensive de Max Weber
Quelle place accorder aux "croyances" (à supposer que l'on puisse s'entendre sur une définition de ce terme) dans les processus historiques et sociaux ? Les "idées", les "convictions personnelles", les "visions du monde" peuvent-elles contribuer à expliquer les dynamiques de l'action sociale ? Ou faut-il n'y voir que des épiphénomènes résiduels, des discours de légitimation que l'on (se) donne pour justifier et rationaliser a posteriori des intérêts ou des contraintes sociales jugées moins avouables ? À ces questions, la "sociologie compréhensive" de Max Weber apporte des réponses nuancées, qui donnent néanmoins au sens subjectif visé par les acteurs une place centrale.
De la définition de l'action sociale dans les premiers paragraphes des premières éditions de Wirtschaft und Gesellschaft ("Nous entendons par […] action "sociale", l'action qui, d'après son sens visé par l'agent ou les agents, se rapporte au comportement d'autrui, par rapport auquel s'oriente son déroulement.") aux considérations de la Sociologie des religions sur le rôle (indirect) des "idées" dans l'histoire ("Ce sont les intérêts […] et non les idées qui gouvernent directement l'action des hommes. Toutefois, les "images du monde" qui ont été créées par le moyen d'"idées" ont très souvent joué le rôle d'aiguilleurs, en déterminant les voies à l'intérieur desquelles la dynamique des intérêts a été le moteur de l'action(1)."), Max Weber a mis au cœur de ses analyses la question de la place qu'il convient d'accorder aux idées et aux "conduites de vie" (Lebensführungen) qu'elles peuvent influencer, au moins partiellement. C'est cette interrogation qui est bien sûr au cœur de sa sociologie des religions et de leur "éthique économique", et notamment de Die protestantische Ethik und der Geist des Kapitalismus, comme l'ont bien montré les travaux d'Isabelle Kalinowski. Mais c'est cette question que pose aussi indirectement toute sa sociologie politique et notamment la fameuse formulation du "comme si" : que les gouvernés / dominés "croient" ou pas sincèrement aux revendications de légitimité des prétendants au pouvoir, ce qui compte avant tout pour Weber c'est qu'ils agissent comme s'ils y croyaient, quelles que soient par ailleurs leurs motivations profondes, comme l'a montré par exemple Michel Dobry(2). Pour Weber : ""L'obéissance" signifie que l'action de celui qui obéit se déroule, en substance, comme s'il avait fait du contenu de l'ordre la maxime de sa conduite(3)". Rien n'indique si les individus adhèrent ou non intimement aux croyances qu'ils affichent, mais ces croyances affichées n'en constituent pas moins les supports possibles de "conduites de vie" et d'éthiques qui, pour des raisons diverses, peuvent "aiguiller" l'action et la "dynamique des intérêts". En tant que telles, elles rendent tout simplement possible l'entreprise scientifique même d'une sociologie de la "compréhension" des acteurs sociaux, par interprétation de leurs "conduites de vie" et de leurs "personnalités" (ou "types humains").
Cette dernière journée aura donc pour but de discuter la place des croyances et des idées dans l'œuvre de Weber, pour tenter de mieux comprendre les usages que l'on peut en faire pour comprendre et expliquer différentes configurations sociales.

(1) Sociologie des religions, Paris, Gallimard, trad. J.-P. Grossein, 1996, p. 349-350.
(2) Michel Dobry, "Légitimité et calcul rationnel. Remarques sur quelques "complications" de la sociologie de Max Weber", dans Pierre Favre, Jack Hayward, Yves Shemeil (dir.), Être gouverné : études en l'honneur de Jean Leca, Paris, FNSP, 2003, p. 127-150.
(3) Économie et société, Plon, 1971, ch. III, p. 288.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Rita ALDENHOFF-HÜBINGER : Observer et explorer les paysages et les sociétés rurales avec Max Weber
Penser les sociétés et les pouvoirs avec Max Weber implique de penser les sociétés rurales, si souvent négligées dans la discussion de l'œuvre wébérienne. Cependant, Weber avait commencé sa carrière en économie politique avec ses enquêtes empiriques portant sur la situation sociale des ouvriers agricoles en Allemagne orientale (1892). Il a poursuivi cette piste de recherche dans plusieurs cours magistraux tout en prenant en compte le fait que l'histoire des sociétés rurales participe de la grande histoire de la transformation capitaliste du monde. Avec un œil entraîné également par ses recherches sur l'Antiquité, il a voyagé en Europe et en Amérique du Nord. Il nous en a laissé de nombreuses lettres avec ses observations vivantes, illustratives et en même temps analytiques.

Rita Aldenhoff-Hübinger est professeur d'histoire à l'université européenne Viadrina Francfort-sur-l'Oder. Elle a édité, coédité et introduit plusieurs volumes de la "Max Weber-Gesamtausgabe" (écrits, lettres, cours magistraux).
Publications
"Enquêtes rurales et industrielles : le chemin de Max Weber vers la sociologie" (avec H. Bruhns), in Les Études Sociales, n°167-168 (2018), S. 335–362.
Max Weber : Reisebriefe 1877-1914 (édité avec E. Hanke), Tübingen, Mohr Siebeck, 2019.
"Lire Le Capital vers 1900", in H. Bruhns, Histoire et économie politique en Allemagne de Gustav Schmoller à Max Weber, Paris, 2004, p. 101–108.

Catherine COLLIOT-THÉLÈNE : Logiques identitaires et logiques d'appropriation
La partie économique des manuscrits qui ont servi à composer Économie et Société ("Les catégories fondamentales de l'économique") n'est pas la mieux servie par le commentaire wébérien. J'essaierai de croiser dans cet exposé les développements que cette partie consacre aux "formes d'appropriation" avec les analyses concernant les procès de "communautisation" (Vergemeinschaftung) dans les manuscrits des Communautés (La Découverte, 2019). En articulant les dimensions économiques et les dimensions symboliques des phénomènes communautaires, la sociologie wébérienne offre les moyens d'aborder les logiques identitaires de manière critique, sans cependant les disqualifier pour des raisons morales.

Catherine COLLIOT-THÉLÈNE : Toute domination est légitime !
La légitimité n'est pas un prédicat contingent de la domination, au sens où Weber définit celle-ci. Les différences entre les modes de légitimation induisent, certes, des différences dans l'exercice de celle-ci, mais toute domination doit s'étayer sur une forme quelconque, forte ou faible, de légitimité pour que le commandement des dominants puissent obliger l'action des dominés.

Catherine Colliot-Thélène est professeure émérite à l'université de Rennes 1. Elle a consacré une partie de son travail de recherche à l'œuvre de Max Weber, dont elle a également traduit certains textes, seule ou en collaboration.

Jean-Michel DAVID : Les magistratures romaines à la lumière des définitions wébériennes du charisme
La notion de charisme tient une place importante dans la pensée de Max Weber. Elle est sans doute aussi la forme de domination la plus difficile à définir. Instable, elle a fortement tendance à évoluer vers les autres formes de domination (bureaucratique, patriarcale, etc…) tant elle est sensible à tous les processus de routinisation qui lui font perdre de son caractère original. Un rapprochement avec les définitions et le fonctionnement des magistratures romaines républicaines permet, grâce à l'étude de cas, de faire apparaître des processus où la pertinence de l'heuristique wébérienne peut être vérifiée, mais aussi d'autres où, au contraire, elle apparaît comme ne répondant pas à la complexité des relations entre l'Amtscharisma, le Personalcharisma, l'Erbscharisma, ainsi qu'au rôle d'une Veralltäglichung généralement combattue par des acteurs soucieux de se distinguer.

Jean-Michel David, né en 1947, est agrégé d'Histoire, ancien membre de l'École française de Rome, professeur successivement aux universités de Strasbourg et de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses travaux portent sur l'Histoire politique, sociale et culturelle de la République romaine.
Principales publications
Le patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine (1992).
La romanisation de l'Italie (1994).
La République romaine, crise d'une aristocratie (2000).
Au service de l'honneur, les appariteurs de magistrats romains (2019).

Michel DOBRY : La sociologie de Max Weber et quelques problèmes actuels des sciences sociales
Cette communication prendra pour point de départ certaines des "complications" qui jalonnent l'œuvre de Weber. Comme on le verra à propos de plusieurs des thèmes ou objets abordés par le colloque (en particulier la manière dont sont pensés les processus historiques, la légitimité et les modes de domination ou encore la place des croyances dans la théorie de l'action), ces "complications", parce qu'elles révèlent en fait ce sur quoi butte, dans son appréhension de la réalité sociale, la démarche de Weber, sont intéressantes en ce qu'elles éclairent son projet de "sociologie compréhensive" et surtout en ce qu'elles constituent simultanément un levier permettant de mieux cerner plusieurs des difficultés critiques caractérisant l'état actuel des sciences sociales.

Michel Dobry est professeur émérite à la Sorbonne (Université Paris 1). Ses travaux portent notamment sur les conjonctures critiques, la causalité historique, l'émergence de phénomènes charismatiques, les processus de légitimation et de délégitimation, les poussées autoritaires et fascistes dans l'Europe de l'entre-deux-guerres ou encore les "transitions" vers la démocratie.
Publications
"Légitimité et calcul rationnel. Remarques sur quelques "complications" de la sociologie de Max Weber", in Favre P., Hayward J.E.S., Shemeil Y. (dir.), Être gouverné : études en l'honneur de Jean Leca, Paris, FNSP, 2003, p. 127-150.
"Hitler, Charisma and Structure : Reflections on Historical Methodology", Totalitarian Movements and Political Religions, 2006, vol.7, n°2, p. 157-171.
Sociologie des crises politiques, Paris, 2009 [1986].

Julien FAGUER : La terre et le marché du crédit en Grèce ancienne : une perspective wébérienne
L'œuvre économique de Max Weber est principalement connue des historiens de l'Antiquité à travers la médiation de Moses Finley, qui a contribué à l'enfermer dans un schéma statique, d'inspiration polanyienne, opposant nos économies capitalistes contemporaines aux économies pré-modernes "encastrées" dans la sphère du politique. Loin de se résumer cependant à des oppositions binaires entre cité antique et ville médiévale, ou à une vision téléologique qui aurait pour principal horizon l'"éthique protestante" et le capitalisme d'entreprise, tout un pan de l'œuvre de Weber peut se lire comme un dialogue engagé avec les historiens de profession autour des facteurs du changement et des outils conceptuels permettant de l'appréhender. À travers l'exemple du marché de la terre et du crédit dans la Grèce d'époque classique et hellénistique, on s'intéressera ici à l'apport de son approche et notamment du raisonnement par idéal-types pour penser le changement historique et la relation entre "micro" et "macro" — entre les orientations définies par l'État et les dispositions individuelles des agents économiques.

Membre scientifique de l'École française d'Athènes, Julien Faguer soutient au printemps une thèse de doctorat en histoire économique du monde égéen aux époques classique et hellénistique ("La terre et l'argent : marché de la terre et marché du crédit à Athènes et dans les îles de l'Égée, ca. 400-100 av. n. è."), dans laquelle il s'intéresse en particulier au rôle de l'État dans la formation d'un marché de la terre et dans la définition des règles encadrant l'accès à ce marché.

Edith HANKE : Les luttes de Max Weber avec le concept de "démocratie". Un plaidoyer pour la sociologie politique
En général Max Weber met la notion de la "démocratie" entre guillemets, peu importe s'il l'utilise pour l'Antiquité ou l'époque moderne. Cela signale une distance et un scepticisme. On peut constater ce scepticisme également dans son refus d'établir, à côté de ses trois types de dominations légitimes bien connus, un quatrième type. Que veut dire "pouvoir du peuple" si l'on veut le traduire littéralement ? Jamais dans l'histoire de presque toute civilisation la totalité des citoyens, ou habitants d'une communauté politique, n'a participé au pouvoir d'une manière active. En général le droit d'y participer était réservé à de petits groupes exclusifs. Sur ce point la démocratie de masse moderne constitue le premier essai consistant à faire participer l'ensemble des habitants au pouvoir. Mais le scepticisme persiste : qui exerce réellement le pouvoir ? Weber invite à considérer l'ensemble des conditions politiques et sociales tout en posant la question de la genèse historique des structures de domination d'aujourd'hui.

Edith Hanke est assistante de recherche (depuis 1990) et rédactrice en chef (depuis 2005) de l'édition complète historico-critique de Max Weber (Max Weber-Gesamtausgabe) à l'Académie Bavaroise des Sciences et des Humanités, Munich. Elle a édité la "Sociologie de la domination" (2005 et 2013) et, avec Rita Aldenhoff-Hübinger, les "Lettres choisies" de Max Weber. Elle s'intéresse particulièrement à la réception mondiale de l'œuvre de Max Weber.

Gangolf HÜBINGER : Idées et intellectuels dans le travail de Max Weber
Dans le cadre de son analyse des visions du monde, Max Weber attribue aux intellectuels un rôle clé : dans "L'éthique protestante", il pose comme question fondamentale de savoir comment "les idées en général deviennent efficientes dans l'histoire" ; dans "L'introduction" aux "Essais de sociologie des religions", il caractérise les intellectuels comme guides ("Weichensteller") dans le domaine des idées et visions du monde ("Ideen und Weltbilder") ; et dans ses écrits politiques, il qualifie les intellectuels comme littérateurs ("Literaten") en examinant leurs interventions dans les débats publics d'après-guerre d'une façon critique. Trois questions sont au centre de la contribution : comment Weber a-t-il vu, dans sa sociologie des religions, le rôle des intellectuels pour "la rationalisation" des ordres de vie et pour "l'intellectualisation" des interprétations du monde ? Comment a-t-il appliqué son concept à l'analyse du présent politique et comment a-t-il lui-même agi en tant qu'intellectuel ? Finalement, quels sont les éléments centraux de sa sociologie des intellectuels ?

Gangolf Hübinger, Viadrina Senior Fellow, Center B/Orders in Motion, et professeur émérite de "Vergleichende Kulturgeschichte der Neuzeit, Europa-Universität Viadrina à Frankfurt (Oder)". De nombreuses publications sur l'histoire des idées, des intellectuels et des sciences humaines et sociales. Coéditeur des œuvres complètes de Max Weber et du théologien Ernst Troeltsch, co-directeur de la revue Internationales Archiv für Sozialgeschichte der deutschen Literatur (IASL).
Publications
Engagierte Beobachter der Moderne. Von Max Weber bis Ralf Dahrendorf, Göttingen, Wallstein, 2016.
Max Weber. Stationen und Impulse einer intellektuellen Biographie, Tübingen, Mohr Siebeck, 2019.
"Intellectuals, Scholars and the Value of Science", The Oxford Handbook of Max Weber, ed. Hanke/Scaff/Whimster (2019), S. 537-556.

Thomas KEMPLE : Rationalizations of Culture and Their Directions : Weber on the Aesthethic Sphere
Although Max Weber did not comment extensively or systematically on the literary, visual, and plastic arts, several key statements allow us to reconstruct his views on the rationalization of the aesthetic sphere against the backdrop of the development of Western culture more generally. This talk outlines this argument with reference to his remarks on art, literature, and cultural life in published writings, speeches, and private correspondence.
His allusions to and discussions of specific art historians, cultural critics, cultural movements, artworks, and artists — from Rembrandt and Milton to Stefan George and Leo Tolstoy, for instance — are considered in light of his ideas on the directions of rationalization and their implications for intellectual work (including his own) as itself a kind of cultural practice. Weber's concern with many dimensions of the rationalization of occidental culture, and of aesthetic culture in particular, has been taken up by later thinkers and has lessons for how we think of the directions of rationalization today.

Thomas Kemple, Professor of Sociology, University of British Columbia, Canada. In addition to articles in Theory, Culture & Society and the Journal of Classical Sociology, Thomas Kemple's most recent works include :
Intellectual Work and the Spirit of Capitalism, Palgrave, 2012.
The Anthem Companion to Georg Simmel, co-edited with Olli Pyyhtinen, Anthem, 2017.
Simmel, Polity, 2018.
Writing the Body Politic : A John O'Neill Reader, co-edited with Mark Featherstone, Routledge, 2020.

Frédéric NEYRAT : Quelle place pour Max Weber dans les facultés de droit et de sciences économiques en France aujourd'hui ?
Comme chez d'autres intellectuels d'Europe centrale de sa génération, le profil de Max Weber est marqué par un fort éclectisme disciplinaire. Juriste de formation, c'est l'histoire du droit qu'il enseignera d'abord à Berlin avant de devenir professeur d'économie politique à Fribourg. C'est d’ailleurs comme économiste qu'il se définira jusqu'au terme de sa vie : on a en tête le "nous autres économistes" (Nationalökonomen) en ouverture de la conférence de 1919 sur le métier et la vocation de savant. Mais c'est véritablement comme un père fondateur de la sociologie moderne qu'il est pleinement passé à la postérité. Cette communication propose une sociologie de la réception contemporaine de Max Weber chez les économistes et les juristes universitaires français, notamment à partir d'un corpus de manuels et d'articles.

Frédéric Neyrat est professeur des universités en sociologie à l'université de Rouen Normandie. Ses recherches portent notamment sur la sociologie de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle.

Federico TARRAGONI : Trois pistes wébériennes pour une sociologie historique du politique
Dans cette communication, nous tâcherons de montrer que l'un des volets du projet sociologique wébérien est de contribuer à une analyse socio-historique du politique, entendu dans sa triple acception philosophique d'ensemble de rapports de pouvoir, d'ensemble d'institutions et de procédures du gouvernement et d'ensemble de modes d'action conflictuels en commun. Avec sa sociologie historique, Weber parvient à réarticuler trois concepts du politique : le pouvoir, le gouvernement et l'action. Son œuvre propose trois pistes, qui restent d'actualité pour une sociologie historique du politique dont l'objet excéderait la genèse du gouvernement représentatif (comme c'est souvent le cas en science politique). La première piste porte sur la comparaison des formes sociales de domination, dans des cadres étatiques ou non ; la deuxième porte sur l'analyse des effets des idéologies sur les modes d'action politique, et donc sur le rapport entre idéologie, subjectivité et action ; la troisième porte sur le mode d'imputation causale en sociologie, et la place qu'il réserve à la contingence et aux possibilités de l'agir humain (donc à sa liberté et créativité fondamentale).

Agrégé de Sciences économiques et sociales, Federico Tarragoni est actuellement Maître de conférences HDR à l'université de Paris et directeur du Centre d'études interdisciplinaires sur le politique. Il est spécialiste de sociologie politique et de théorie sociologique.
Publications
L'Énigme révolutionnaire, Prairies ordinaires, 2015.
Sociologies de l'individu, La Découverte, 2018.
L'esprit démocratique du populisme, La Découverte, 2019.


BIBLIOGRAPHIE :

• Aldenhoff-Hübinger R., Bruhns H., "Enquêtes rurales et industrielles : le chemin de Max Weber vers la sociologie", Revue des études sociales, Les Études Sociales, n°167-168, 2018, p.335-362.
• Beetham D., Max Weber and the Theory of Modern Politics, Cambridge, Polity Press, 1985.
• Bendix R., Max Weber : An Intellectual Portrait, Garden City, N.Y, Doubleday, 1960.
• Bernadou V., Blanc, F., Laignoux R., Roa Bastos F., Que faire du charisme ? Retour sur une notion de Max Weber, PUR, 2014.
• Besnard P., Protestantisme et capitalisme. La controverse post-wébérienne, Armand Colin, 1970.
• Bouretz P., Les promesses du monde. Philosophie de Max Weber, Paris, Gallimard, 1996.
• Breuer S., Max Webers Herrschaftssoziologie, Frankfurt/New York, Campus Verlag, 1991.
• Bruhns H., Andreau J. (dir.), Sociologie économique et économie de l'Antiquité. À propos de Max Weber, Cahiers du Centre de recherches historiques, EHESS-CNRS, 2004.
• Bruhns H., Duran P. (dir.), Max Weber et le politique, Paris, LGDJ, 2009.
• Collins R., Weberian Sociological Theory, Cambridge, Cambridge UP, 1986.
• Colliot-Thélène C., Max Weber et l'histoire, Paris, PUF, 1990.
• Colliot-Thélène C., Le désenchantement de l'État. De Hegel à Max Weber, Éd. de Minuit, 1992.
• Colliot-Thélène C., Études wébériennes, Paris, PUF, 2001.
• Colliot-Thélène C., La sociologie de Max Weber, Paris, La Découverte, 2014.
• Coutu M., Max Weber et les rationalités du droit, LGDJ, 1995.
• Dobry M., "Légitimité et calcul rationnel. Remarques sur quelques "complications" de la sociologie de Max Weber", in Favre P., Hayward J.E.S., Shemeil Y. (dir.), Être gouverné : études en l'honneur de Jean Leca, Paris, FNSP, 2003, p.127-150.
• Dobry M., "Hitler, Charisma and Structure : Reflections on Historical Methodology", Totalitarian Movements and Political Religions, 2006, vol.7, n°2, p. 157-171.
• Gaïti B., "La décision à l'épreuve du charisme. Le général de Gaulle entre mai 1968 et avril 1969", Politix, n°82, vol. 2, 2008, p.39-68.
• Ghosh P., Max Weber in Context. Essays in the History of German Ideas, c. 1870-1930, Harrassowitz Verlag, 2016.
• Giddens A., Politics and Sociology in the Thought of Max Weber, London, MacMillan, 1972.
• Grossein J.-P., "De l'interprétation de quelques concepts wébériens", RFS, 46-4, octobre-décembre 2005, p.685-722.
• Grossein J.-P., "Max Weber "à la française". De la nécessité d'une critique des traductions", RFS, 46-4, octobre-décembre 2005, p.883-904.
• Hanke E., Scaff L., Whimster S. (eds.), The Oxford Handbook of Max Weber, Oxford, Oxford University Press, 2019.
• Hennis W., La problématique de Max Weber, PUF, 1996 (1987).
• Hennis W., Max Webers Wissenschaft vom Menschen, Tübingen, Siebeck, 1996.
• Heurtin J.-P., Molfessis N. (dir.), La sociologie du droit de Max Weber, Paris, Dalloz, 2006.
• Heurtin J.-P., "Weber lecteur de Rudolph Sohm, et l'inachèvement du concept de charisme de fonction", in Bernadou V., Blanc F., Laignoux R., Roas Bastos F., Que faire du charisme. Retour sur une notion de Max Weber, PUR, 2014.
• Hirschhorn M., Max Weber et la sociologie française, Paris, L'Harmattan, 1988.
• Kaesler D., Max Weber. Sa vie, son œuvre, son influence, Paris, Fayard, 1995.
• Kalberg S., Les valeurs, les idées et les intérêts. Introduction à la sociologie de Max Weber, Paris, La Découverte, 2010.
• Kershaw I., Hitler. A Profile of Power, Longman, Londres, 1991.
• Lascoumes P. (dir.), Actualité de Max Weber pour la sociologie du droit, Paris, LGDJ, 1995.
• Morcillo Á., Weisz E. (ed.), Max Weber en Iberoamérica. Nuevas interpretaciones, estudios empíricos y recepción, México, CIDE/CFE, 2016.
• Morcillo Á., "Aviso a los navegantes. La traduccion al español de Economia y sociedad de Max Weber", Estudios sociologicos, 32 (96), 709-766, 2012.
• Müller H.-P., Max Weber. Eine Einführung in sein Werk, Köln/Weimar/Wien, Böhlau UTB, 2007.
• Müller H.-P., "Wie ist Individualtität möglich ? Strukturelle und kulturelle Bedingungen eines modernen Kulturideals", Zeitschrift für Theoretische Soziologie, 01/2015, p.89-111.
• Oakes G., Weber and Rickert. Concept formation in the Cultural Sciences, MIT Press, 1988.
• Ouedraogo J.-M., "La réception de la sociologie du charisme de Max Weber", Archives De Sciences Sociales Des Religions, n°83 (1), 1993, p.141-57.
• Raynaud P., Max Weber et les dilemmes de la raison, PUF, 1987.
• Schluchter W., Religion und Lebensführung, Suhrkamp, 1988.
• Sintomer Y., La démocratie impossible ? Politique et modernité chez Weber et Habermas, Paris, La Découverte, 1999.
• Stamme Otto (ed.), Max Weber und die Soziologie heute. Verhandlungen des fünfzehnten deutschen Soziologentages, Tubingen, Mohr, 1965.
• Strazzeri V., "Max Weber and the "labour question" : an initial appraisal", Max Weber Studies, 15/1, 2015, p.69-100.
• Sunar L., Marx and Weber on Oriental Societies. In the Shadow of Westerne Modernity, Ashgate, 2014.
• Swedberg R., Max Weber and the Idea of Economic Sociology, Princeton, Princeton University Press, 1998.
• Tarragoni F., Sociologies de l'individu, Paris, La Découverte, 2018.
• Tribe K., "Talcott Parsons as Translator of Max Weber's Basic Sociological Categories", History of European Ideas, n°33, 212-233, 2007.
• Whimster S., The Essential Weber. A Reader, London Routledge, 2004.
• Whimster S., Understanding Weber, London, Routledge, 2007.
• Zimmerman A., "Decolonizing Weber", Postcolonial Studies, 2006, 9/1, p.53-79.


SOUTIENS :

Fondation Fritz Thyssen
• Fondation Maison des sciences de l'homme (FMSH)
• Laboratoire Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques (ANHIMA, UMR 8210) | Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
• Laboratoire Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe (SAGE, UMR 7363) | Université de Strasbourg
Centre Marc Bloch
• Laboratoire des dynamiques sociales (DySoLab, EA 7476) | Université de Rouen Normandie
• Centre de Recherche Risques & Vulnérabilités (CERReV, UR 3918) | Université de Caen Normandie
• Société des Amis de Raymond Aron (S.A.R.A.)

Publication 2008 : un des ouvrages


L'univers de Sylvie Germain

L'UNIVERS DE SYLVIE GERMAIN


Alain GOULET (dir.)


Ce bouquet d'études dialoguant entre elles tout en approfondissant l'enquête sur la figure et l'œuvre de Sylvie Germain — romancière et essayiste capitale de notre temps — constitue un vaste panorama éclairant les principales facettes de son univers : sa pensée et sa vision du monde, son esthétique et son éthique, son interrogation sur le sens de l'existence, sa création.
Chaque spécialiste s'est attaché à mettre en évidence une de ses caractéristiques, de sorte que c'est un premier bilan qui est ici rassemblé, où se succèdent des considérations sur l'histoire littéraire et la grande Histoire, la situation de la pensée de l'auteur, les spécificités et le travail de son imaginaire et de son écriture, ses conceptions esthétiques et éthiques, l'univers propre à ses romans et les modalités de sa création romanesque, la singularité de sa voix. Le tout est accompagné par la présence, l'écoute et les réactions de Sylvie Germain, et suivi d'une bibliographie de référence.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (2007) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°406]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Presses universitaires de Caen

Collection : Symposia

ISBN : 978-2-84133-327-1

Nombre de pages : 360 p.

Prix public : 27 €

Année d'édition : 2008

Publication 2008 : un des ouvrages


Autour de Stephen King. L'horreur contemporaine

AUTOUR DE STEPHEN KING. L'HORREUR CONTEMPORAINE


Guy ASTIC, Jean MARIGNY (dir.)


Depuis plus de trente ans, le fantastique et l'horreur sont indissociablement liés au nom de Stephen King. Héritier de H.P. Lovecraft, Richard Matheson, Robert Bloch et Ray Bradbury, l'écrivain du Maine a engendré un mouvement imaginaire qui s'est imposé dans le monde et ne cesse encore de se feuilleter. Ses œuvres constituent une exploration terrifiante de la civilisation occidentale où se généralise la technoculture, où l'emporte le devenir libéral, médiatique, sécuritaire, paranoïaque de la société. Stephen King, mais aussi Clive Barker, Peter Straub, Graham Masterton, Bentley Little, Harry Crews, Neil Gaiman, Serge Brussolo, Patrick Senécal, etc., ont su enregistrer et amplifier les bouleversements engendrés par les régimes actuels du voir, pour dégager de nouvelles expressions de la peur et de la monstruosité. Nous sommes passés à une jouissance sans innocence de l'horreur, engendrée par des auteurs et des réalisateurs au fait des codes du genre qu'ils perpétuent et complexifient sans rien lâcher en matière d'intensité narrative. Comme l'écrivain a pu le faire en son temps avec Danse macabre (1981), ce colloque dégage les principales lignes de force d'une "anatomie de l'horreur" dont le centre vital et rayonnant reste Stephen King.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (2007) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°405]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Éditions Bragelonne

Collection : Essais

ISBN : 978-2-35294-222-1

Nombre de pages : 384 p.

Prix public : 40 €

Année d'édition : 2008