Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


Colloque reporté

En raison des événements exceptionnels liés à l'épidémie de la Covid-19, et sur proposition des directeurs, ce colloque a été reporté aux dates suivantes : du lundi 26 septembre au dimanche 2 octobre 2022 [en savoir plus].

La direction du CCIC


PENSER LES SOCIÉTÉS ET LES POUVOIRS AVEC MAX WEBER

VERS UNE "SCIENCE DE LA RÉALITÉ" ?


DU SAMEDI 29 AOÛT (19 H) AU SAMEDI 5 SEPTEMBRE (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]


"Le monde moderne, un monde rationalisé ?"


PRÉSENTATION VIDÉO :


DIRECTION :

Félix BLANC, Raphaëlle LAIGNOUX, Francisco ROA BASTOS, Victor STRAZZERI


ARGUMENT :

Depuis un siècle, les travaux de ce grand savant allemand servent de référence aux sciences humaines et sociales. Fondées sur l'étude approfondie de différentes périodes historiques (de l'Antiquité grecque et romaine à la modernité occidentale, en passant par plusieurs cultures orientales), ses analyses de la construction des groupes sociaux (religieux, économiques et politiques), des motivations de l'action sociale ou encore des modes de légitimation des pouvoirs, permettent d'articuler l'étude des structures macrosociales et celle des actions individuelles dans toute leur complexité. Ces travaux comparatifs offrent, aujourd'hui encore, et peut-être plus que jamais, des outils précieux pour analyser notre temps. Pour peu qu'elle soit lue, discutée, voire critiquée, l'œuvre de Max Weber, un siècle après sa mort, ne cesse de remuer la pensée.

Ce colloque aura donc pour objectif de proposer un examen collectif des divers apports des travaux de Max Weber, et des usages qui peuvent en être faits pour mieux comprendre les sociétés contemporaines. Il s'agira d'évaluer le programme de connaissance wébérien, qui vise à jeter les bases d'une "science de la réalité" (Wirklichkeitswissenschaft), et à étudier la circulation comme la réception de ses travaux hors d'Allemagne et dans différentes disciplines (aussi bien l'histoire que la sociologie, la philosophie, le droit, l'économie et la science politique). Cette rencontre, qui se veut largement ouverte, rassemblera à la fois des spécialistes de la pensée de Weber mais aussi, et surtout, toute personne intéressée par la manière dont ce "classique des sciences sociales" peut aider à mieux penser la réalité actuelle, et ce afin d'y mieux agir.


MOTS-CLÉS :

Capitalisme, Croyances et valeurs, Déterminants de l'action, Domination, Économie politique, Épistémologie des sciences sociales, Éthique, Histoire comparée, Légitimation politique, Rationalités, Sociologie allemande, Sociologie compréhensive, Sociologie des religions, Weber (Max)


CALENDRIER PROVISOIRE :

Samedi 29 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Dimanche 30 août
L'HISTOIRE A-T-ELLE UN (SEUL) SENS ? [présentation]
Matin
Félix BLANC, Raphaëlle LAIGNOUX, Francisco ROA BASTOS & Victor STRAZZERI : Introduction
Hinnerk BRUHNS : L'histoire conçue en étapes ?
Federico TARRAGONI : Trois pistes wébériennes pour une sociologie historique du politique

Après-midi
Pierre-Henri ORTIZ : Les prophètes contre la République : une lecture wébérienne des conflits religieux à Rome
Julien FAGUER : La terre et le marché du crédit en Grèce ancienne : une perspective wébérienne

Soirée
Sam WHIMSTER : Les études sur Max Weber aujourd'hui


Lundi 31 août
UNE SOCIÉTÉ VRAIMENT "OUVERTE" EST-ELLE POSSIBLE, ET À QUEL PRIX ? [présentation]
Discutants : Félix BLANC, Paulin ISMARD, Raphaëlle LAIGNOUX
Matin
Catherine COLLIOT-THÉLÈNE : Logiques identitaires et logiques d'appropriation
Aloys WINTERLING : Max Weber et Niklas Luhmann

Après-midi
Jean-Pierre GUILHEMBET & Pascal MONTLAHUC : Ville et communautés urbaines à Rome
Romain GUICHAROUSSE : Les étrangers au sein de la communauté athénienne (Ve-IIIe siècle av.n.è.)
Philippe CHANIAL : Les idées, les valeurs et les intérêts dans l'anthropologie wébérienne


Mardi 1er septembre
PEUT-IL Y AVOIR UN POUVOIR LÉGITIME ? [présentation]
Discutants : Vanessa BERNADOU, Félix BLANC, Jean-Philippe HEURTIN
Matin
Jean-Michel DAVID : Les magistratures romaines à la lumière des définitions wébériennes du charisme
Didier GEORGAKAKIS : L'Europe peut-elle être gouvernée par une personnalité charismatique ? Sur quelques contractions théoriques et empiriques du "leardership politique" de l'UE

Après-midi
Yves SINTOMER : La sociologie historique de Weber au test de la critique de l'eurocentrisme
Dominique LINHARDT : Les deux visages de la violence légitime : vers la fin de l'État ?

À quoi peut servir le triptyque de la légitimité aujourd'hui ?, table ronde avec Catherine COLLIOT-THÉLÈNE, Michel DOBRY, Patrice DURAN et Jean-Philippe HEURTIN

Soirée
Edith HANKE : Les luttes de Max Weber avec le concept de "démocratie". Un plaidoyer pour la sociologie politique


Mercredi 2 septembre
DÉTENTE


Jeudi 3 septembre
L'ŒUVRE DE WEBER, UNIQUE OU PLURIELLE ? [présentation]
Discutants : Edith HANKE, Jean-Philippe HEURTIN, Francisco ROA BASTOS, Victor STRAZZERI
Matin
Álvaro MORCILLO : Économie et société comme précondition à la théorie de la dépendance de Cardoso
Giulio DE LIGIO : Aron et le "problème Weber". Entre science et action

Après-midi
Julia CHRIST : Max Weber et la théorie critique : un problème d'interprétation ?
Frédéric NEYRAT : Quelle place pour Max Weber dans les facultés de droit et de sciences économiques en France aujourd'hui ?
Rita ALDENHOFF-HÜBINGER : Observer et explorer les paysages et les sociétés rurales avec Max Weber

Soirée
Philippe RAYNAUD (sous réserve)


Vendredi 4 septembre
QUE FAIRE DES CROYANCES EN SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES ? [présentation]
Discutants : Félix BLANC, Raphaëlle LAIGNOUX, Francisco ROA BASTOS, Victor STRAZZERI
Matin
Isabelle KALINOWSKI : Fides implicita. Weber et la notion d'obéissance
Paul COURNARIE : Les rois antigonides et leurs sujets

Après-midi
Gangolf HÜBINGER : Idées et intellectuels dans le travail de Max Weber
Thomas KEMPLE : Rationalizations of Culture and Their Directions : Weber on the Aesthethic Sphere
Hans-Peter MÜLLER : "Lebensführung". Vers une sociologie de la vie


Samedi 5 septembre
LA VOCATION DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES AUJOURD'HUI : CONCLUSION ET DISCUSSIONS
Matin
Catherine COLLIOT-THÉLÈNE : Toute domination est légitime !
Michel DOBRY : La sociologie de Max Weber et quelques problèmes actuels des sciences sociales

Rapport d'étonnement, par Vanessa BERNADOU

Après-midi
DÉPARTS


PRÉSENTATION DES JOURNÉES :

L'histoire a-t-elle un (seul) sens ? Repenser l'idée de "progrès" avec Weber
L'œuvre de Max Weber est à la fois profondément historique et tout à fait opposée à l'idée d'une téléologie ou d'une philosophie de l'Histoire. Contrairement à l'image qui en est parfois donnée, le travail de Weber n'a pas consisté à mettre en évidence les déterminants de la rationalisation du monde (et de son désenchantement) sur le mode d'un "développement" naturel et nécessaire, mais plutôt à mettre en évidence les particularités d'une rationalisation particulière, parmi d'autres : celle qui s'est opérée en Occident à partir de l'affirmation du capitalisme moderne, caractérisé avant tout par "l'organisation rationnelle du travail formellement libre" (Sociologie des religions, p. 497). Tout le travail comparatif de Weber dans sa sociologie des religions, et plus largement dans son économie politique et sa sociologie politique, a consisté à mettre en évidence les types humains variés, produits par différentes configurations sociales et rationalisations historiques particulières. Ce qui l'a conduit également à distinguer, dans chaque société, différents "ordres de vie" (Lebensordnungen, Lebenssphären ou Lebensbereichen) dont les transformations et évolutions sont désynchronisées. Tout ne change pas partout et tout le temps à la même vitesse, chez Weber, et l'histoire n'a pas un sens particulier. L'idée de progrès elle-même semble donc étrangère à celui qui s'attache plutôt à montrer la réduction des "chances" et des possibilités de vie qu'entraîne toute consolidation d'un système d'action particulier, comme la "cage d'acier" du capitalisme moderne, une fois délaissée par son éthique initiale. Mais Weber donne aussi les outils pour penser le changement social et la "possibilité même de l'inédit en histoire"(1), toujours possible mais dont le sens n'est jamais prévisible à l'avance.
Cette première journée sera donc consacrée principalement à la conception de l'histoire et des temporalités du changement social chez Max Weber. Qu'est-ce qui change quand ça change ? Pourquoi les "ordres de vie" ne changent-ils pas à la même vitesse et dans la même direction dans une société donnée ? Plus particulièrement : quel usage peut-on faire de l'anthropologie historique culturelle et comparée de Weber aujourd'hui, à l'heure où la "globalisation" semble à la fois entraîner la diffusion mondiale du capitalisme moderne, et l'apparition d'un "néo-capitalisme" et de nouveaux types humains dominants ?

(1) Catherine Colliot-Thélène, La sociologie de Max Weber, Paris, PUF, 2014, p. 99.


Individus, communautés, identités. Une société vraiment "ouverte" est-elle possible, et à quel prix ?
La traduction récente en français du volume I/22-1 de la Max Weber Gesamtausgabe (MWG)(1) intitulé Les communautés (Wirtschaft und Gesellschaft. Gemeinschaften), permet aujourd'hui de mieux saisir la cohérence du travail de Max Weber sur cette question centrale de Économie et société, ainsi que de traduire des textes jusqu'ici inédits en français. Auparavant dispersés dans différents chapitres des éditions successives de l'ouvrage posthume de Weber, ce travail éditorial permet de réinterroger aujourd'hui la conception des groupes sociaux de Weber, et l'usage que l'on peut en faire pour penser différentes périodes historiques, dont notre monde contemporain.
À l'opposition bien connue entre Vergemeinschaftung ("communautarisation" ou "communalisation") et Vergesellschaftung ("sociétisation" ou "sociation"), qui distingue les groupes fondés soit sur la base d'un sentiment d'appartenance subjectif, soit sur l'accord conventionnel d'intérêts particuliers, il faut ajouter l'étude des "puissances sociales" diverses qui contribuent à créer ces groupes sociaux, que celles-ci soient liées aux dynamiques (et aux contraintes) économiques, juridiques, politiques mais aussi culturelles ou idéelles dans lesquelles ces groupes évoluent. La formation de chaque communauté particulière est ainsi explicable par différents facteurs sociaux mais aussi par différentes "visions du monde", qui changent selon les groupes, les époques, les cultures, et qui contribuent à forger l'individu et ses caractéristiques, en d'autres termes son "identité".
Mais l'on oublie parfois qu'en mettant l'étude des communautés et des individus qui les composent au cœur de sa sociologie, Max Weber a aussi posé la question des frontières de ces groupes et de ces communautés, que l'on parle de la famille, de la nation, de l'État ou d'associations aux formes diverses, économiques, religieuses ou politiques. Car faire communauté, c'est tracer une ligne (spatiale, économique, politique ou "culturelle") entre son groupe et les autres. C'est aussi, peut-être, poser la question du dépassement éventuel de ces frontières, que ce soit sous la forme déjà ancienne des cosmopolitismes, ou sous celle plus récente des ou du "Commun(s)".
Cette journée s'intéressera donc à la façon dont Weber a conceptualisé les différents types de groupes et leurs rapports, mais aussi à la manière dont on peut s'appuyer sur ses travaux pour penser l'identité et les frontières. Comment s'articulent, aujourd'hui comme hier, "société ouverte" et communautés d'appartenance ou d'intérêts ? Un monde absolument ouvert est-il synonyme de solidarité, ou au contraire de compétition généralisée ? Comment se font et se défont les identités ? Voilà certaines des questions que nous souhaiterions poser lors de cette journée.

(1) Traduction de Catherine Colliot-Thélène et Elisabeth Kauffmann, aux éditions La Découverte, en 2019.


Peut-il y avoir un pouvoir légitime ? Tradition, charisme, bureaucratie : apports et limites du triptyque wébérien de la légitimité du pouvoir
La sociologie politique de Max Weber est parfois résumée au fameux triptyque de la légitimité du pouvoir et à ses idéaltypes bien connus : pouvoir traditionnel, pouvoir charismatique et pouvoir légal-rationnel (représenté notamment par le pouvoir bureaucratique dans la modernité occidentale). Toujours mêlés dans la réalité empirique, ils servent à Max Weber de pierres de touche conceptuelles, à l'aune desquelles on peut chercher à comprendre et expliquer les diverses configurations de pouvoir à des époques très différentes, et les revendications de légitimité qui l'accompagnent. La traduction récente par Isabelle Kalinowski du volume I/22-4 de la MWG, La domination (Herrschaft)(1), a permis de renouveler pour le public francophone la compréhension de la sociologie politique de Weber, et de lui redonner toute son ampleur originale qui s'étend bien au-delà des trois modes de légitimation du pouvoir. L'édition et la traduction des Œuvres politiques (1895-1919) de Max Weber(2) (mais aussi celle des 11 volumes de sa correspondance dans la Section II de la MWG), a apporté un complément très appréciable pour le public francophone, en permettant de mieux saisir l'engagement personnel de Weber dans la politique de son temps, et l'articulation souvent difficile entre réalité empirique de ces engagements et analyse sociologique à distance. Les débats — toujours ouverts — sur la question de la place éventuelle dans l'économie conceptuelle wébérienne d'un type de légitimité spécifiquement démocratique, ou ceux sur la définition du charisme et sa portée(3), montrent à quel point la sociologie politique de Weber continue, tout comme sa sociologie du droit, d'être utile pour penser les évolutions politiques actuelles et du passé, malgré les difficultés qu'elle soulève.
Cette journée se penchera donc sur la dimension proprement politique de l'œuvre de Weber, pour poser mais aussi recontextualiser la question de la légitimité et de la légitimation du pouvoir, qu'elle soit traditionnelle, charismatique ou légal-rationnelle. Au cœur de ces interrogations, on trouve en effet la tension qui oppose le "savant et le politique" Weber. En tant que savant, Weber semble en effet réfuter toute légitimité au pouvoir, quel qu'il soit, si par légitimité on entend le consentement rationnel en valeur et l'absence de domination. Tout pouvoir est nécessairement, pour Weber, l'affirmation d'une domination d'un groupe sur un ou plusieurs autres, et en tant que tel on ne peut vouloir s'y soumettre. Mais le Weber politique, celui par exemple des Œuvres politiques, n'aura de cesse, jusqu'à la fin de sa vie, de chercher les moyens et les dispositifs susceptibles de rendre les démocraties bureaucratisées et "impersonnelles" de son temps un peu plus "légitimes", par exemple en y introduisant une dose de charisme : c'est le fameux "tournant césariste" des démocraties qu'on a voulu voir dans ces écrits. Comment penser, ensemble, l'œuvre du savant et du politique Weber ? Comment définir et traduire, avec ou contre Weber, ces concepts politiques polysémiques comme Herrschaft ou Macht, qui sont au fondement de son système conceptuel ? Faut-il en finir avec ces idéaltypes imparfaits que sont le "charisme", le "pouvoir traditionnel" ou encore l'autorité "légal-rationnelle", que lui-même considérait comme des "concepts provisoires" ? En somme, comment penser aujourd'hui la politique et le pouvoir à partir des travaux de Weber, quitte à en pointer les limites et les adaptations nécessaires ?

(1) Max Weber, La domination, Paris, La Découverte, 2014, traduction d'Isabelle Kalinowski, introduction d'Yves Sintomer.
(2) Traduction d'Elisabeth Kauffmann, Jean-Philippe Mathieu et Marie-Ange Roy, aux éditions Albin Michel, 2004.
(3) Qu'on a tenté récemment de synthétiser et d'éclairer, dans le volume collectif Que faire du charisme ? Retours sur une notion de Max Weber, Rennes, PUR, 2014.


L'œuvre de Weber, unique ou plurielle ? Le programme de connaissance wébérien et son interprétation différenciée (traductions, appropriations, adaptations)
L'œuvre de Weber, on l'a souvent souligné, est multiple, complexe, et même parfois confuse, notamment parce qu'elle repose sur de nombreux manuscrits non publiés de son vivant, ou des éditions posthumes recomposées. Par ailleurs, le débat entre ceux qui considèrent qu'on peut y déceler plusieurs "périodes" — une phase plutôt historienne ou économiste, au début de sa carrière et jusqu'à la "crise" personnelle de 1897-1903, et une phase plus sociologique ensuite et jusqu'à sa mort — et ceux qui défendent l'unité conceptuelle du programme de connaissance wébérien n'est pas clos. À la question de l'interprétation et de la lecture des textes originaux de Weber s'ajoute surtout la manière dont ceux-ci ont été publiés, modifiés, mais aussi traduits et reçus à l'étranger, et ce dans différentes disciplines. La réception sociologique et philosophique de Weber en France (à travers notamment Raymond Aron), n'est pas la même que celle qu'il a connue aux États-Unis (par l'entremise et la "traduction", à tous les sens du terme, de Talcott Parsons par exemple). Le Weber des historiens de l'Antiquité (et du Agrarverhältnisse im Altertum) n'est pas le même que celui des sociologues des religions. Le Weber des enquêtes économiques n'est pas le même que celui des écrits épistémologiques ou que le Weber musicologue. À travers les traductions et les circulations de l'œuvre, celle-ci a connu depuis plus d'un siècle des interprétations diverses, voire opposées, constituant aujourd'hui un ensemble composite et multilingue de lectures de Weber qui parfois encore s'ignorent.
À travers cette journée, et grâce à la présence des éditeurs de la MWG mais aussi de plusieurs traductrices et traducteurs de l'œuvre de Weber ainsi que de membres de la Société des Amis de Raymond Aron, le colloque s'intéressera à la question de la circulation internationale des travaux de Max Weber et au rôle de ses passeurs, qu'ils soient sociologues, historiens, philosophes, économistes, juristes… Cette journée sera également l'occasion d'intégrer un regard réflexif sur les entreprises de célébration de Weber et de son œuvre, du fameux colloque de Heidelberg de 1964, organisé par la Deutsche Gesellschaft für Soziologie à l'occasion du centenaire de sa naissance(1), aux colloques du centenaire de sa mort (y compris le nôtre), qui font partie intégrante de l'économie générale de la réception de son œuvre.

(1) Publié sous la direction d'Otto Stammer en 1965 : O. Stammer (Hrsg.), Max Weber und die Soziologie Heute. Verhandlungen des 15. Deutschen Soziologentages in Heidelberg 1964, Tübingen, Mohr Siebeck, 1965.


Que faire des croyances en sciences humaines et sociales ? La construction des "personnalités" et des "conduites de vie" (Lebensführungen) et l'actualité de la sociologie compréhensive de Max Weber
Quelle place accorder aux "croyances" (à supposer que l'on puisse s'entendre sur une définition de ce terme) dans les processus historiques et sociaux ? Les "idées", les "convictions personnelles", les "visions du monde" peuvent-elles contribuer à expliquer les dynamiques de l'action sociale ? Ou faut-il n'y voir que des épiphénomènes résiduels, des discours de légitimation que l'on (se) donne pour justifier et rationaliser a posteriori des intérêts ou des contraintes sociales jugées moins avouables ? À ces questions, la "sociologie compréhensive" de Max Weber apporte des réponses nuancées, qui donnent néanmoins au sens subjectif visé par les acteurs une place centrale.
De la définition de l'action sociale dans les premiers paragraphes des premières éditions de Wirtschaft und Gesellschaft ("Nous entendons par […] action "sociale", l'action qui, d'après son sens visé par l'agent ou les agents, se rapporte au comportement d'autrui, par rapport auquel s'oriente son déroulement.") aux considérations de la Sociologie des religions sur le rôle (indirect) des "idées" dans l'histoire ("Ce sont les intérêts […] et non les idées qui gouvernent directement l'action des hommes. Toutefois, les "images du monde" qui ont été créées par le moyen d'"idées" ont très souvent joué le rôle d'aiguilleurs, en déterminant les voies à l'intérieur desquelles la dynamique des intérêts a été le moteur de l'action(1)."), Max Weber a mis au cœur de ses analyses la question de la place qu'il convient d'accorder aux idées et aux "conduites de vie" (Lebensführungen) qu'elles peuvent influencer, au moins partiellement. C'est cette interrogation qui est bien sûr au cœur de sa sociologie des religions et de leur "éthique économique", et notamment de Die protestantische Ethik und der Geist des Kapitalismus, comme l'ont bien montré les travaux d'Isabelle Kalinowski. Mais c'est cette question que pose aussi indirectement toute sa sociologie politique et notamment la fameuse formulation du "comme si" : que les gouvernés / dominés "croient" ou pas sincèrement aux revendications de légitimité des prétendants au pouvoir, ce qui compte avant tout pour Weber c'est qu'ils agissent comme s'ils y croyaient, quelles que soient par ailleurs leurs motivations profondes, comme l'a montré par exemple Michel Dobry(2). Pour Weber : ""L'obéissance" signifie que l'action de celui qui obéit se déroule, en substance, comme s'il avait fait du contenu de l'ordre la maxime de sa conduite(3)". Rien n'indique si les individus adhèrent ou non intimement aux croyances qu'ils affichent, mais ces croyances affichées n'en constituent pas moins les supports possibles de "conduites de vie" et d'éthiques qui, pour des raisons diverses, peuvent "aiguiller" l'action et la "dynamique des intérêts". En tant que telles, elles rendent tout simplement possible l'entreprise scientifique même d'une sociologie de la "compréhension" des acteurs sociaux, par interprétation de leurs "conduites de vie" et de leurs "personnalités" (ou "types humains").
Cette dernière journée aura donc pour but de discuter la place des croyances et des idées dans l'œuvre de Weber, pour tenter de mieux comprendre les usages que l'on peut en faire pour comprendre et expliquer différentes configurations sociales.

(1) Sociologie des religions, Paris, Gallimard, trad. J.-P. Grossein, 1996, p. 349-350.
(2) Michel Dobry, "Légitimité et calcul rationnel. Remarques sur quelques "complications" de la sociologie de Max Weber", dans Pierre Favre, Jack Hayward, Yves Shemeil (dir.), Être gouverné : études en l'honneur de Jean Leca, Paris, FNSP, 2003, p. 127-150.
(3) Économie et société, Plon, 1971, ch. III, p. 288.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Rita ALDENHOFF-HÜBINGER : Observer et explorer les paysages et les sociétés rurales avec Max Weber
Penser les sociétés et les pouvoirs avec Max Weber implique de penser les sociétés rurales, si souvent négligées dans la discussion de l'œuvre wébérienne. Cependant, Weber avait commencé sa carrière en économie politique avec ses enquêtes empiriques portant sur la situation sociale des ouvriers agricoles en Allemagne orientale (1892). Il a poursuivi cette piste de recherche dans plusieurs cours magistraux tout en prenant en compte le fait que l'histoire des sociétés rurales participe de la grande histoire de la transformation capitaliste du monde. Avec un œil entraîné également par ses recherches sur l'Antiquité, il a voyagé en Europe et en Amérique du Nord. Il nous en a laissé de nombreuses lettres avec ses observations vivantes, illustratives et en même temps analytiques.

Rita Aldenhoff-Hübinger est professeur d'histoire à l'université européenne Viadrina Francfort-sur-l'Oder. Elle a édité, coédité et introduit plusieurs volumes de la "Max Weber-Gesamtausgabe" (écrits, lettres, cours magistraux).
Publications
"Enquêtes rurales et industrielles : le chemin de Max Weber vers la sociologie" (avec H. Bruhns), in Les Études Sociales, n°167-168 (2018), S. 335–362.
Max Weber : Reisebriefe 1877-1914 (édité avec E. Hanke), Tübingen, Mohr Siebeck, 2019.
"Lire Le Capital vers 1900", in H. Bruhns, Histoire et économie politique en Allemagne de Gustav Schmoller à Max Weber, Paris, 2004, p. 101–108.

Catherine COLLIOT-THÉLÈNE : Logiques identitaires et logiques d'appropriation
La partie économique des manuscrits qui ont servi à composer Économie et Société ("Les catégories fondamentales de l'économique") n'est pas la mieux servie par le commentaire wébérien. J'essaierai de croiser dans cet exposé les développements que cette partie consacre aux "formes d'appropriation" avec les analyses concernant les procès de "communautisation" (Vergemeinschaftung) dans les manuscrits des Communautés (La Découverte, 2019). En articulant les dimensions économiques et les dimensions symboliques des phénomènes communautaires, la sociologie wébérienne offre les moyens d'aborder les logiques identitaires de manière critique, sans cependant les disqualifier pour des raisons morales.

Catherine COLLIOT-THÉLÈNE : Toute domination est légitime !
La légitimité n'est pas un prédicat contingent de la domination, au sens où Weber définit celle-ci. Les différences entre les modes de légitimation induisent, certes, des différences dans l'exercice de celle-ci, mais toute domination doit s'étayer sur une forme quelconque, forte ou faible, de légitimité pour que le commandement des dominants puissent obliger l'action des dominés.

Catherine Colliot-Thélène est professeure émérite à l'université de Rennes 1. Elle a consacré une partie de son travail de recherche à l'œuvre de Max Weber, dont elle a également traduit certains textes, seule ou en collaboration.

Jean-Michel DAVID : Les magistratures romaines à la lumière des définitions wébériennes du charisme
La notion de charisme tient une place importante dans la pensée de Max Weber. Elle est sans doute aussi la forme de domination la plus difficile à définir. Instable, elle a fortement tendance à évoluer vers les autres formes de domination (bureaucratique, patriarcale, etc…) tant elle est sensible à tous les processus de routinisation qui lui font perdre de son caractère original. Un rapprochement avec les définitions et le fonctionnement des magistratures romaines républicaines permet, grâce à l'étude de cas, de faire apparaître des processus où la pertinence de l'heuristique wébérienne peut être vérifiée, mais aussi d'autres où, au contraire, elle apparaît comme ne répondant pas à la complexité des relations entre l'Amtscharisma, le Personalcharisma, l'Erbscharisma, ainsi qu'au rôle d'une Veralltäglichung généralement combattue par des acteurs soucieux de se distinguer.

Jean-Michel David, né en 1947, est agrégé d'Histoire, ancien membre de l'École française de Rome, professeur successivement aux universités de Strasbourg et de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses travaux portent sur l'Histoire politique, sociale et culturelle de la République romaine.
Principales publications
Le patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine (1992).
La romanisation de l'Italie (1994).
La République romaine, crise d'une aristocratie (2000).
Au service de l'honneur, les appariteurs de magistrats romains (2019).

Michel DOBRY : La sociologie de Max Weber et quelques problèmes actuels des sciences sociales
Cette communication prendra pour point de départ certaines des "complications" qui jalonnent l'œuvre de Weber. Comme on le verra à propos de plusieurs des thèmes ou objets abordés par le colloque (en particulier la manière dont sont pensés les processus historiques, la légitimité et les modes de domination ou encore la place des croyances dans la théorie de l'action), ces "complications", parce qu'elles révèlent en fait ce sur quoi butte, dans son appréhension de la réalité sociale, la démarche de Weber, sont intéressantes en ce qu'elles éclairent son projet de "sociologie compréhensive" et surtout en ce qu'elles constituent simultanément un levier permettant de mieux cerner plusieurs des difficultés critiques caractérisant l'état actuel des sciences sociales.

Michel Dobry est professeur émérite à la Sorbonne (Université Paris 1). Ses travaux portent notamment sur les conjonctures critiques, la causalité historique, l'émergence de phénomènes charismatiques, les processus de légitimation et de délégitimation, les poussées autoritaires et fascistes dans l'Europe de l'entre-deux-guerres ou encore les "transitions" vers la démocratie.
Publications
"Légitimité et calcul rationnel. Remarques sur quelques "complications" de la sociologie de Max Weber", in Favre P., Hayward J.E.S., Shemeil Y. (dir.), Être gouverné : études en l'honneur de Jean Leca, Paris, FNSP, 2003, p. 127-150.
"Hitler, Charisma and Structure : Reflections on Historical Methodology", Totalitarian Movements and Political Religions, 2006, vol.7, n°2, p. 157-171.
Sociologie des crises politiques, Paris, 2009 [1986].

Julien FAGUER : La terre et le marché du crédit en Grèce ancienne : une perspective wébérienne
L'œuvre économique de Max Weber est principalement connue des historiens de l'Antiquité à travers la médiation de Moses Finley, qui a contribué à l'enfermer dans un schéma statique, d'inspiration polanyienne, opposant nos économies capitalistes contemporaines aux économies pré-modernes "encastrées" dans la sphère du politique. Loin de se résumer cependant à des oppositions binaires entre cité antique et ville médiévale, ou à une vision téléologique qui aurait pour principal horizon l'"éthique protestante" et le capitalisme d'entreprise, tout un pan de l'œuvre de Weber peut se lire comme un dialogue engagé avec les historiens de profession autour des facteurs du changement et des outils conceptuels permettant de l'appréhender. À travers l'exemple du marché de la terre et du crédit dans la Grèce d'époque classique et hellénistique, on s'intéressera ici à l'apport de son approche et notamment du raisonnement par idéal-types pour penser le changement historique et la relation entre "micro" et "macro" — entre les orientations définies par l'État et les dispositions individuelles des agents économiques.

Membre scientifique de l'École française d'Athènes, Julien Faguer soutient au printemps une thèse de doctorat en histoire économique du monde égéen aux époques classique et hellénistique ("La terre et l'argent : marché de la terre et marché du crédit à Athènes et dans les îles de l'Égée, ca. 400-100 av. n. è."), dans laquelle il s'intéresse en particulier au rôle de l'État dans la formation d'un marché de la terre et dans la définition des règles encadrant l'accès à ce marché.

Edith HANKE : Les luttes de Max Weber avec le concept de "démocratie". Un plaidoyer pour la sociologie politique
En général Max Weber met la notion de la "démocratie" entre guillemets, peu importe s'il l'utilise pour l'Antiquité ou l'époque moderne. Cela signale une distance et un scepticisme. On peut constater ce scepticisme également dans son refus d'établir, à côté de ses trois types de dominations légitimes bien connus, un quatrième type. Que veut dire "pouvoir du peuple" si l'on veut le traduire littéralement ? Jamais dans l'histoire de presque toute civilisation la totalité des citoyens, ou habitants d'une communauté politique, n'a participé au pouvoir d'une manière active. En général le droit d'y participer était réservé à de petits groupes exclusifs. Sur ce point la démocratie de masse moderne constitue le premier essai consistant à faire participer l'ensemble des habitants au pouvoir. Mais le scepticisme persiste : qui exerce réellement le pouvoir ? Weber invite à considérer l'ensemble des conditions politiques et sociales tout en posant la question de la genèse historique des structures de domination d'aujourd'hui.

Edith Hanke est assistante de recherche (depuis 1990) et rédactrice en chef (depuis 2005) de l'édition complète historico-critique de Max Weber (Max Weber-Gesamtausgabe) à l'Académie Bavaroise des Sciences et des Humanités, Munich. Elle a édité la "Sociologie de la domination" (2005 et 2013) et, avec Rita Aldenhoff-Hübinger, les "Lettres choisies" de Max Weber. Elle s'intéresse particulièrement à la réception mondiale de l'œuvre de Max Weber.

Gangolf HÜBINGER : Idées et intellectuels dans le travail de Max Weber
Dans le cadre de son analyse des visions du monde, Max Weber attribue aux intellectuels un rôle clé : dans "L'éthique protestante", il pose comme question fondamentale de savoir comment "les idées en général deviennent efficientes dans l'histoire" ; dans "L'introduction" aux "Essais de sociologie des religions", il caractérise les intellectuels comme guides ("Weichensteller") dans le domaine des idées et visions du monde ("Ideen und Weltbilder") ; et dans ses écrits politiques, il qualifie les intellectuels comme littérateurs ("Literaten") en examinant leurs interventions dans les débats publics d'après-guerre d'une façon critique. Trois questions sont au centre de la contribution : comment Weber a-t-il vu, dans sa sociologie des religions, le rôle des intellectuels pour "la rationalisation" des ordres de vie et pour "l'intellectualisation" des interprétations du monde ? Comment a-t-il appliqué son concept à l'analyse du présent politique et comment a-t-il lui-même agi en tant qu'intellectuel ? Finalement, quels sont les éléments centraux de sa sociologie des intellectuels ?

Gangolf Hübinger, Viadrina Senior Fellow, Center B/Orders in Motion, et professeur émérite de "Vergleichende Kulturgeschichte der Neuzeit, Europa-Universität Viadrina à Frankfurt (Oder)". De nombreuses publications sur l'histoire des idées, des intellectuels et des sciences humaines et sociales. Coéditeur des œuvres complètes de Max Weber et du théologien Ernst Troeltsch, co-directeur de la revue Internationales Archiv für Sozialgeschichte der deutschen Literatur (IASL).
Publications
Engagierte Beobachter der Moderne. Von Max Weber bis Ralf Dahrendorf, Göttingen, Wallstein, 2016.
Max Weber. Stationen und Impulse einer intellektuellen Biographie, Tübingen, Mohr Siebeck, 2019.
"Intellectuals, Scholars and the Value of Science", The Oxford Handbook of Max Weber, ed. Hanke/Scaff/Whimster (2019), S. 537-556.

Thomas KEMPLE : Rationalizations of Culture and Their Directions : Weber on the Aesthethic Sphere
Although Max Weber did not comment extensively or systematically on the literary, visual, and plastic arts, several key statements allow us to reconstruct his views on the rationalization of the aesthetic sphere against the backdrop of the development of Western culture more generally. This talk outlines this argument with reference to his remarks on art, literature, and cultural life in published writings, speeches, and private correspondence.
His allusions to and discussions of specific art historians, cultural critics, cultural movements, artworks, and artists — from Rembrandt and Milton to Stefan George and Leo Tolstoy, for instance — are considered in light of his ideas on the directions of rationalization and their implications for intellectual work (including his own) as itself a kind of cultural practice. Weber's concern with many dimensions of the rationalization of occidental culture, and of aesthetic culture in particular, has been taken up by later thinkers and has lessons for how we think of the directions of rationalization today.

Thomas Kemple, Professor of Sociology, University of British Columbia, Canada. In addition to articles in Theory, Culture & Society and the Journal of Classical Sociology, Thomas Kemple's most recent works include :
Intellectual Work and the Spirit of Capitalism, Palgrave, 2012.
The Anthem Companion to Georg Simmel, co-edited with Olli Pyyhtinen, Anthem, 2017.
Simmel, Polity, 2018.
Writing the Body Politic : A John O'Neill Reader, co-edited with Mark Featherstone, Routledge, 2020.

Frédéric NEYRAT : Quelle place pour Max Weber dans les facultés de droit et de sciences économiques en France aujourd'hui ?
Comme chez d'autres intellectuels d'Europe centrale de sa génération, le profil de Max Weber est marqué par un fort éclectisme disciplinaire. Juriste de formation, c'est l'histoire du droit qu'il enseignera d'abord à Berlin avant de devenir professeur d'économie politique à Fribourg. C'est d’ailleurs comme économiste qu'il se définira jusqu'au terme de sa vie : on a en tête le "nous autres économistes" (Nationalökonomen) en ouverture de la conférence de 1919 sur le métier et la vocation de savant. Mais c'est véritablement comme un père fondateur de la sociologie moderne qu'il est pleinement passé à la postérité. Cette communication propose une sociologie de la réception contemporaine de Max Weber chez les économistes et les juristes universitaires français, notamment à partir d'un corpus de manuels et d'articles.

Frédéric Neyrat est professeur des universités en sociologie à l'université de Rouen Normandie. Ses recherches portent notamment sur la sociologie de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle.

Federico TARRAGONI : Trois pistes wébériennes pour une sociologie historique du politique
Dans cette communication, nous tâcherons de montrer que l'un des volets du projet sociologique wébérien est de contribuer à une analyse socio-historique du politique, entendu dans sa triple acception philosophique d'ensemble de rapports de pouvoir, d'ensemble d'institutions et de procédures du gouvernement et d'ensemble de modes d'action conflictuels en commun. Avec sa sociologie historique, Weber parvient à réarticuler trois concepts du politique : le pouvoir, le gouvernement et l'action. Son œuvre propose trois pistes, qui restent d'actualité pour une sociologie historique du politique dont l'objet excéderait la genèse du gouvernement représentatif (comme c'est souvent le cas en science politique). La première piste porte sur la comparaison des formes sociales de domination, dans des cadres étatiques ou non ; la deuxième porte sur l'analyse des effets des idéologies sur les modes d'action politique, et donc sur le rapport entre idéologie, subjectivité et action ; la troisième porte sur le mode d'imputation causale en sociologie, et la place qu'il réserve à la contingence et aux possibilités de l'agir humain (donc à sa liberté et créativité fondamentale).

Agrégé de Sciences économiques et sociales, Federico Tarragoni est actuellement Maître de conférences HDR à l'université de Paris et directeur du Centre d'études interdisciplinaires sur le politique. Il est spécialiste de sociologie politique et de théorie sociologique.
Publications
L'Énigme révolutionnaire, Prairies ordinaires, 2015.
Sociologies de l'individu, La Découverte, 2018.
L'esprit démocratique du populisme, La Découverte, 2019.


BIBLIOGRAPHIE :

• Aldenhoff-Hübinger R., Bruhns H., "Enquêtes rurales et industrielles : le chemin de Max Weber vers la sociologie", Revue des études sociales, Les Études Sociales, n°167-168, 2018, p.335-362.
• Beetham D., Max Weber and the Theory of Modern Politics, Cambridge, Polity Press, 1985.
• Bendix R., Max Weber : An Intellectual Portrait, Garden City, N.Y, Doubleday, 1960.
• Bernadou V., Blanc, F., Laignoux R., Roa Bastos F., Que faire du charisme ? Retour sur une notion de Max Weber, PUR, 2014.
• Besnard P., Protestantisme et capitalisme. La controverse post-wébérienne, Armand Colin, 1970.
• Bouretz P., Les promesses du monde. Philosophie de Max Weber, Paris, Gallimard, 1996.
• Breuer S., Max Webers Herrschaftssoziologie, Frankfurt/New York, Campus Verlag, 1991.
• Bruhns H., Andreau J. (dir.), Sociologie économique et économie de l'Antiquité. À propos de Max Weber, Cahiers du Centre de recherches historiques, EHESS-CNRS, 2004.
• Bruhns H., Duran P. (dir.), Max Weber et le politique, Paris, LGDJ, 2009.
• Collins R., Weberian Sociological Theory, Cambridge, Cambridge UP, 1986.
• Colliot-Thélène C., Max Weber et l'histoire, Paris, PUF, 1990.
• Colliot-Thélène C., Le désenchantement de l'État. De Hegel à Max Weber, Éd. de Minuit, 1992.
• Colliot-Thélène C., Études wébériennes, Paris, PUF, 2001.
• Colliot-Thélène C., La sociologie de Max Weber, Paris, La Découverte, 2014.
• Coutu M., Max Weber et les rationalités du droit, LGDJ, 1995.
• Dobry M., "Légitimité et calcul rationnel. Remarques sur quelques "complications" de la sociologie de Max Weber", in Favre P., Hayward J.E.S., Shemeil Y. (dir.), Être gouverné : études en l'honneur de Jean Leca, Paris, FNSP, 2003, p.127-150.
• Dobry M., "Hitler, Charisma and Structure : Reflections on Historical Methodology", Totalitarian Movements and Political Religions, 2006, vol.7, n°2, p. 157-171.
• Gaïti B., "La décision à l'épreuve du charisme. Le général de Gaulle entre mai 1968 et avril 1969", Politix, n°82, vol. 2, 2008, p.39-68.
• Ghosh P., Max Weber in Context. Essays in the History of German Ideas, c. 1870-1930, Harrassowitz Verlag, 2016.
• Giddens A., Politics and Sociology in the Thought of Max Weber, London, MacMillan, 1972.
• Grossein J.-P., "De l'interprétation de quelques concepts wébériens", RFS, 46-4, octobre-décembre 2005, p.685-722.
• Grossein J.-P., "Max Weber "à la française". De la nécessité d'une critique des traductions", RFS, 46-4, octobre-décembre 2005, p.883-904.
• Hanke E., Scaff L., Whimster S. (eds.), The Oxford Handbook of Max Weber, Oxford, Oxford University Press, 2019.
• Hennis W., La problématique de Max Weber, PUF, 1996 (1987).
• Hennis W., Max Webers Wissenschaft vom Menschen, Tübingen, Siebeck, 1996.
• Heurtin J.-P., Molfessis N. (dir.), La sociologie du droit de Max Weber, Paris, Dalloz, 2006.
• Heurtin J.-P., "Weber lecteur de Rudolph Sohm, et l'inachèvement du concept de charisme de fonction", in Bernadou V., Blanc F., Laignoux R., Roas Bastos F., Que faire du charisme. Retour sur une notion de Max Weber, PUR, 2014.
• Hirschhorn M., Max Weber et la sociologie française, Paris, L'Harmattan, 1988.
• Kaesler D., Max Weber. Sa vie, son œuvre, son influence, Paris, Fayard, 1995.
• Kalberg S., Les valeurs, les idées et les intérêts. Introduction à la sociologie de Max Weber, Paris, La Découverte, 2010.
• Kershaw I., Hitler. A Profile of Power, Longman, Londres, 1991.
• Lascoumes P. (dir.), Actualité de Max Weber pour la sociologie du droit, Paris, LGDJ, 1995.
• Morcillo Á., Weisz E. (ed.), Max Weber en Iberoamérica. Nuevas interpretaciones, estudios empíricos y recepción, México, CIDE/CFE, 2016.
• Morcillo Á., "Aviso a los navegantes. La traduccion al español de Economia y sociedad de Max Weber", Estudios sociologicos, 32 (96), 709-766, 2012.
• Müller H.-P., Max Weber. Eine Einführung in sein Werk, Köln/Weimar/Wien, Böhlau UTB, 2007.
• Müller H.-P., "Wie ist Individualtität möglich ? Strukturelle und kulturelle Bedingungen eines modernen Kulturideals", Zeitschrift für Theoretische Soziologie, 01/2015, p.89-111.
• Oakes G., Weber and Rickert. Concept formation in the Cultural Sciences, MIT Press, 1988.
• Ouedraogo J.-M., "La réception de la sociologie du charisme de Max Weber", Archives De Sciences Sociales Des Religions, n°83 (1), 1993, p.141-57.
• Raynaud P., Max Weber et les dilemmes de la raison, PUF, 1987.
• Schluchter W., Religion und Lebensführung, Suhrkamp, 1988.
• Sintomer Y., La démocratie impossible ? Politique et modernité chez Weber et Habermas, Paris, La Découverte, 1999.
• Stamme Otto (ed.), Max Weber und die Soziologie heute. Verhandlungen des fünfzehnten deutschen Soziologentages, Tubingen, Mohr, 1965.
• Strazzeri V., "Max Weber and the "labour question" : an initial appraisal", Max Weber Studies, 15/1, 2015, p.69-100.
• Sunar L., Marx and Weber on Oriental Societies. In the Shadow of Westerne Modernity, Ashgate, 2014.
• Swedberg R., Max Weber and the Idea of Economic Sociology, Princeton, Princeton University Press, 1998.
• Tarragoni F., Sociologies de l'individu, Paris, La Découverte, 2018.
• Tribe K., "Talcott Parsons as Translator of Max Weber's Basic Sociological Categories", History of European Ideas, n°33, 212-233, 2007.
• Whimster S., The Essential Weber. A Reader, London Routledge, 2004.
• Whimster S., Understanding Weber, London, Routledge, 2007.
• Zimmerman A., "Decolonizing Weber", Postcolonial Studies, 2006, 9/1, p.53-79.


SOUTIENS :

Fondation Fritz Thyssen
• Fondation Maison des sciences de l'homme (FMSH)
• Laboratoire Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques (ANHIMA, UMR 8210) | Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
• Laboratoire Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe (SAGE, UMR 7363) | Université de Strasbourg
Centre Marc Bloch
• Laboratoire des dynamiques sociales (DySoLab, EA 7476) | Université de Rouen Normandie
• Centre de Recherche Risques & Vulnérabilités (CERReV, UR 3918) | Université de Caen Normandie
• Société des Amis de Raymond Aron (S.A.R.A.)