Programme 2022 : une journée d'échanges

Programme complet


voir, montrer et faire avec matieu


LUNDI 10 OCTOBRE 2022 — De 9h à 17h30

[ journée d'échanges ]



ARGUMENT :

"On accepte la guerre et les massacres comme choses ordinaires et allant de soi"1. Alors, pourquoi peindre, pourquoi montrer des toiles et des dessins, et ajouter du dérisoire à cette banalité ? Telle fut la question animant l'œuvre de ce peintre majeur, universaliste, méconnu que fut matieu. Quel est le lien de cette œuvre avec la Manche, pourquoi et comment y est-elle montrée ; pourquoi et comment y réfléchit-on autour d'elle ?

On partira, pour faire progresser les connaissances, de l'exposition L'ombre et la forme tenue à l'abbaye de Hambye, d'abord des choix faits à partir de 20 ans de travail de matieu à Saint-Denis-le-Gast par sa commissaire Marie-Pierre Osmont, mais aussi de la réception des visiteurs qui, au cours des saisons 2021 et 2022, ont pu admirer cette œuvre.

C'est à un dialogue entre penseurs et montreurs qu'il appartiendra de revenir sur les thèmes récurrents des travaux de matieu, la mathématique, ordre et matériau, l'insoumission ("il est des gens qui trouvent en naissant leur chemin de révolte"2), le primat du politique — qui veut dire qu'il faut arrêter les massacres et la guerre —, et la joie, "l'inoubliable joie de vivre"3, ici, ailleurs, en tout lieu, pourvu qu'il soit hospitalier et accueille l'étranger.

Cette journée de rencontres est ouverte à un large public intéressé par les questions posées.

1 Nicole Mathieu, Habiter La Rayrie (Manche) : au croisement de deux sensibilités.
2 Alain Badiou, L'écharpe rouge.
3 La ronde ou l'inoubliable joie de vivre. Exposition de matieu, usine Utopik.


PROGRAMME :

LE MATIN À L'ABBAYE DE HAMBYE

9h00 - Accueil : Bernard BECK, Valérie COUPEL-BEAUFILS, Nicole MATHIEU, Jean-Paul OLLIVIER
Café et visite libre de l'exposition L'ombre et la forme

10h00 : L'exposition L'ombre et la forme (salle du chapitre)
Jean Paul OLLIVIER : Ouverture
Marie-Pierre OSMONT : Comment l'exposition a-t-elle été conçue, animée et reçue ?
Débat général animé par Jean-Paul OLLIVIER

11h00 : Intermède musical, pièce à l'accordéon composée par Hervé LEMOINE

11h15 : De l'exposition à l'œuvre : en quoi cette exposition est-elle révélatrice de matieu ?
Stéphane DOUAILLER, Claudia Valentina GUTIERREZ OLIVARES & Patrice VERMEREN
Dialogue animé par Sylvain ALLEMAND

12h15 - Suspension des travaux


DÉJEUNER & APRÈS-MIDI AU CHÂTEAU DE CERISY

13h00 - Déjeuner

14h15 : Café et exposition d'œuvres de matieu (La Candélaria), au sol sur estrades en bois, par ses enfants Alain, Armelle et Daniel — Présentation d'ouvrages de matieu (dans l'étable)

15h15 - matieu à Cerisy : Edith HEURGON (salle de la Laiterie)

15h30 : Voir, montrer et faire avec matieu : le point de vue des gens de l'art et de ses amis
Table ronde avec Xavier GONZALEZ et Patrick VAUDAY, animée par Sylvain ALLEMAND

16h45 - Clôture de la journée : Michèle GENDREAU-MASSALOUX

17h00 - Fin des travaux


INTERVENANTS :

Sylvain Allemand, Journaliste, essayiste, Secrétaire général des Amis de Pontigny-Cerisy.

Bernard Beck, Professeur, l'abbaye de Hambye ayant été acquise en 1956 par ses parents Auguste et Elisabeth Beck.

Stéphane Douailler, Professeur émérite de philosophie de l'université Paris 8, a accompagné diverses interventions de matieu au sein de colloques. A écrit : "De deux moulages de Maximilien Robespierre".

Michèle Gendreau-Massaloux, Hispaniste et haute fonctionnaire française. Rectrice de l'académie de Paris et de l'AUF, elle est vice-présidente du Groupe interacadémique pour le Développement.

Xavier Gonzalez, Sculpteur et directeur du centre de l'Usine Utopik, centre de création d'art contemporain à Tessy Bocage (Manche).

Claudia Valentina Gutierrez Olivares, Professeure de philosophie de l'université du Chili, a accompagné les conférences et expositions de matieu à Valparaiso et à Santiago.

Edith Heurgon, Prospectiviste, co-directrice du Centre culturel international de Cerisy

Jean-Paul Ollivier, Président de l'association des amis de l'abbaye de Hambye, a effectué sa carrière au Centre Pompidou, dans le réseau culturel français à l'étranger et à la direction de la DRAC Normandie.

Marie-Pierre Osmont, Responsable de l'abbaye de Hambye, direction du patrimoine et des musées, Conseil départemental de la Manche, commissaire de l'exposition L'ombre et la forme.

Patrick Vauday, Philosophe français, spécialiste de philosophie esthétique, il a publié plusieurs ouvrages sur les enjeux des images. Texte pour matieu Art et politique, Courbet, matieu.

Patrice Vermeren, Professeur émérite de philosophie de l'université Paris 8, accompagne matieu des Ateliers du Collège international de philosophie à son périple en Amérique du Sud. Texte avec matieu : préface à Jean Borreil. La raison de l'autre.


matieu À HAMBYE ET À CERISY-LA-SALLE, LE 10 OCTOBRE 2022 :

Michèle GENDREAU-MASSALOUX

Le programme indique, pour mon intervention, "clôture", mais mon propos ne peut être, après la journée si intense que nous avons vécue, qu'une ouverture.

Chacun des regards portés sur l'œuvre de matieu (selon le vœu de matieu, nous adoptons la graphie sans majuscule), dans les deux magnifiques expositions que sont L'ombre et la forme à l'Abbaye d'Hambye et celle qu'ont réalisée ses enfants dans l'étable du château de Cerisy-la-Salle, engendre une réaction individuelle, point de rencontre entre l'appel du tableau et l'ensemble des facteurs qui induisent le jugement et les émotions particulières. En assortissant ses toiles de titres brefs ou même mystérieux, matieu a cherché, dans les lieux publics où il a été exposé, à toucher tant ses amis que n'importe lequel des spectateurs qui tombe en arrêt devant des couleurs et des formes unies par des relations signifiantes : tous les commentaires sont bienvenus, et matieu remet en cause le privilège du spécialiste.

C'est sans doute la raison pour laquelle nos entretiens ont eu cet air de liberté. Cette vertu était décisive aux yeux de matieu. Il m'interrogeait discrètement sur la liberté dans l'action administrative quand il investissait la chapelle de la Sorbonne pour son exposition Robespierre et faisait l'expérience des contraintes en apprenant que les murs de la chapelle, classée bâtiment historique, ne pouvaient accueillir ni clous ni vis… ce qui lui faisait trouver, pour l'accrochage, une solution inédite. La vertu de liberté des différents moments de la journée tient aussi au soin qu'ont apporté les "scénographes", Marie-Pierre Osmont d'une part, Alain, Armelle et Daniel Mathieu d'autre part, à faire jouer ensemble les lieux et les œuvres : le cadre de la salle entre dans un rapport ici de tension, là de présentation expressive, avec la toile, et c'est une hospitalité réciproque qui se crée.

Aussi les propos et les expositions mettent-ils en évidence une relation : nous avons aujourd'hui vu matieu en Normandie. Notre journée, dévouée à une œuvre qui parle du monde entier au monde entier, a réveillé la territorialité du peintre, et c'est à juste titre qu'il nous apparaît comme un horsain manchois, même si L'arbre rouge, où l'on peut reconnaître le paysage de La Rayrie, et peut-être une réminiscence de Flaubert — "J'ai souvenir d'une région lointaine, couleur d'émeraude. Un seul arbre l'occupe" — n'illustre pas la nature, pas plus que les bouchots des Soldats ne se rapportent seulement à l'élevage des moules. Ils interpellent sur une actualité politique persistante, comme les dessins présentés dans le "couloir des élus" des locaux du Conseil départemental de la Manche à Saint-Lô, intitulés L'Abandon du politique

Mais cette relation territoriale n'est ni une acculturation ni une intégration : matieu a recherché un rapport actif au monde par l'art. Son œuvre n'écrit pas une page supplémentaire de l'histoire générale de la peinture ; il emprunte des fleurs à Matisse, mais ce sont celles des cellules malades de son corps ; il retrouve de Tintoret les traits du Massacre des innocents pour peindre les corps disloqués de La Candelaria, mais sa façon d'habiter l'espace et d'"apprendre à voir pour faire" est un geste politique. En rendant le plan à son désordre, il s'élève contre l'oppression et l'idéologie : son œuvre est performative.

Il redresse les enfants morts de la Candelaria, dénonce les "assis" – Assis-debout –, en référence cette fois à Rimbaud, parle du détournement de la parole révolutionnaire, éloignée de sa poésie initiale, et de l'abandon des intellectuels, Les inutiles. Avec Les acrobates il peint un "espace égalitaire" : les trapézistes, même la tête en bas, sont "debout". Les séries s'enchaînent sans discontinuité, chacun de leurs éléments étant lié à des lois mathématiques et la série arrivant à son terme lorsque le dernier tableau, "le voisin de zéro" selon le titre qu'a donné Hélène Cixous à sa lecture de Beckett, amorce la série suivante.

La ressource de cet engagement assidu, aux résultats impressionnants, c'est le travail, ou même, selon un mot que je lui ai proposé, la besogne.

Le mot besogne, réfection de busunie, est issu du francique bisunnia, "soin, souci " préfixé du francique sunnja, "souci", qui donne aussi soigner et soin. Le préfixe bi a d'abord exprimé la proximité et a fini par être un moyen de renforcer le sens du mot. Jusqu'au XVIIe siècle, la structure sémantique de "besogne" coïncide avec celle de "besoin" : le mot exprime la notion de nécessité dans sa généralité et s’applique à toute personne ou chose nécessaire, indispensable. Deux sens particuliers se sont affirmés à l'âge moderne, d'une part celui d'acte sexuel, devenu usuel aux XVIIe et XVIIIe siècles, d'autre part celui de travail exigé par la profession.

matieu a porté à l'extrême ce souci, et réalisé plus que quiconque, me semble-t-il, le précepte que j'ai reçu, enfant, de mon père : Labor improbus omnia vincit.

Improbus, c'est-à-dire acharné, au-delà du raisonnable et des limites humaines, le travail de matieu se marque par la régularité de son arrivée à son atelier, chaque jour à huit heures, et par son assiduité, de longues journées que prolonge parfois un travail de nuit. Improbus, il tente encore de saisir le pinceau sur son lit d'hôpital, et jusqu'au bout. Omnia vincit : s'il ne croit à rien, matieu ne renonce à rien et donne à voir les convulsions du monde, la banalité du mal, pour nous réveiller et nous conduire à l'action. Et nous sommes en effet saisis et mis en marche. Omnia vincit : la victoire, c'est cette marche éveillée, mais aussi, peut-être ce réveil efface-t-il les frontières entre la mort, omniprésente, et la vie, L'inoubliable joie de vivre qui sous-titre sa dernière exposition, posthume.

matieu, vivant.

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


LA MANCHE : DES TERRITOIRES POUR RECONSTRUIRE LES RURALITÉS


DU MERCREDI 5 OCTOBRE (19 H) AU DIMANCHE 9 OCTOBRE (14 H) 2022

[ colloque de 4 jours ]



ARGUMENT :

Qu'est-ce qui se trame aujourd'hui qui conduise à une "régénération rurale" et/ou à un "renouveau générationnel" ? Telle est la question centrale du projet Ruralization qui met à l'épreuve les concepts-actions, anciens et nouveaux, qui marqueront les relations villes/campagnes du XXIe siècle, au regard de leur pertinence pour (re)construire les ruralités, autrement dit des "milieux ruraux soutenables" : "adaptation", "transition", voire "résilience", ainsi que bien sûr "ruralisation" et "régénération rurale". Le choix méthodologique a été celui de l'observation de "terrains", continue, construite et effectuée conjointement par des chercheurs et des professionnels/praticiens. Les travaux conduits dans la Manche, plus particulièrement dans les communautés de communes Granville Terre et mer et Coutances Mer et Bocage, ont donné corps aux trois questions solidaires autour desquelles s'organise le colloque: les jeunes sont-ils les artisans de la régénération ? Comment passer du "développement local" à un nouvel esprit public d'interconnaissance territoriale ? L'éducation aux métiers de nature est-elle un levier de la réconciliation entre les mondes ruraux, agricoles et urbains ? La confrontation des réponses obtenues dans les terrains manchois à d'autres "études de cas" européennes en garantira la portée générale.


MOTS-CLÉS :

Agriculture, Campagne, Éducation, Générations, Jeunes, Métiers, Milieu, Nature, Régénération, Résilience, Ruralisation, Ruralités, Territoires, Transition, Prospective, Relations villes/campagnes


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 5 octobre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 6 octobre
Matin
Viviane de LAFOND : Problématique et enjeux du projet européen Ruralization
Nicole MATHIEU : La Manche, un observatoire pertinent choisi pour ses potentialités de "régénération rurale" (projet européen Ruralization) [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Le point de vue des partenaires européens, avec Titus BAHNER, Imre KOVACH, Silvia SIVINI, Annamaria VITALE et Louise WEIR

Après-midi
LES JEUNES ARTISANS DE LA RÉGÉNÉRATION RURALE ?
Camille ROBERT-BOEUF : Les jeunes de la Manche et leur territoire : représentations, pratiques et aspirations
Philippe MANCEL : Mettre les jeunes en action : retour sur expérience
Jean-Pierre DARDAUD : Enquête en Bretagne : Cap sur Faro

Table ronde, animée par Jean-Pierre DARDAUD & Camille ROBERT-BOEUF, avec Cécile AUVRAY (Directrice de l'école de Gavray-sur-Sienne), Benoît COQUARD (Sociologue, INRAE) [visioconférence],  Michael HOUSTIN (Professeur au lycée agricole Coutances Métiers Nature), Jean-Marc JULIENNE (Conseiller communautaire Granville Terre et Mer) et la participation du Pôle Media Mission Locale du Bassin granvillais

Soirée
Ulysse MATHIEU & Grégoire TRIAU : Présentation de leur vidéo "Le Ravitaillement, Arts et pratiques rurales en partage", en présence de Marie PLEINTEL (Créatrice de ce lieu culturel à Gavray-sur-Sienne)


Vendredi 7 octobre
VERS UN NOUVEL ESPRIT PUBLIC D'INTERCONNAISSANCE TERRITORIALE
Matin
Viviane de LAFOND : Renouveau de la politique de développement local : réseau et interconnaissance
Fanny DELFORGE-MARCHAND : La place du territoire dans l'action de la Mission locale
Josiane STOESSEL-RITZ : Le principe de la réciprocité pour renforcer et redynamiser les pratiques de l'ESS

Après-midi
Table ronde, animée par Sylvain ALLEMAND, avec Hubert LEFEVRE (Président de l'association des maires ruraux de la Manche), Alain NAVARRET (Conseil départemental de la Manche), Marie-Vic OZOUF-MARIGNIER (Historienne, EHESS) et Gilles TRAIMOND (Sous-préfet Avranches)

Promenade dans une "expérience prometteuse" : Le Campus métiers nature à Coutances

Soirée
Projection de "micro-trottoirs" par un groupe de jeunes du Pôle Media Mission Locale du Bassin granvillais et retour sur les séances précédentes


Samedi 8 octobre
RETROUVER ENSEMBLE LE CHEMIN DU TERRITOIRE PAR LE LIEN HABITANTS/NATURE
Matin
Nicole MATHIEU : L'éducation aux métiers de nature est-elle un levier de la réconciliation entre les mondes ruraux, agricoles et urbains ?
Bruno MONDIN : Travailler en collectif, expérimenter des pratiques pour créer des ruralités futures soutenables
Edgar LEBLANC : Pourquoi comment un établissement d'enseignement agricole contribue-t-il à reconstruire les ruralités ?
Nicole CHAMBRON : Passer par l'alimentation pour relier agriculteurs et politiques des collectivités territoriales

Après-midi
Table ronde, animée par Ségolène DARLY (Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis), avec François DUFOUR et la participation d'agriculteurs : Édouard & Florent ENÉE, Hadrien MARQUET et Lise PIGNOL

Retours des partenaires européens sur l'apport de l'Observatoire RRU Manche, avec Titus BAHNER, Imre KOVACH, Silvia SIVINI, Annamaria VITALE et Louise WEIR

Soirée
"Qui parle le mieux du rural et des paysans : les écrivains/artistes ou les scientifiques ? Veillée autour de lecture de Mohican d'Éric Fottorino et d'autres auteurs


Dimanche 9 octobre
CONCLUSIONS
Matin
Quel intérêt, quelles leçons du colloque ?, bilan et discussion générale, animée par l'équipe du LADYSS : Nicole CHAMBRON, Ségolène DARLY, Viviane de LAFOND, Nicole MATHIEU et Camille ROBERT-BOEUF

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Viviane de LAFOND : Renouveau de la politique de développement local : réseau et interconnaissance
Le projet Ruralization, focalisé sur la question de la "régénération rurale" nous a conduit à nous réinterroger sur la prise en compte par le développement local rural des enjeux et crises actuelles pour aller vers une "régénération rurale", en lien avec les apports des nouvelles générations. Partant de l'implication particulière d'une mission locale sur son territoire, et donc de la solidarité à mettre en œuvre vis à vis de jeunes en difficulté, nous avons mis au jour l'originalité d'un fonctionnement permettant une efficience de l'action en réponse aux enjeux locaux. Conçue comme territorialisée et intersectorielle, au croisement du social, de l'économique et de l'environnemental, son intervention s'appuie sur des réseaux de personnes, au-delà de leur seul positionnement institutionnel, partageant des valeurs et analyses communes, partageant une même conception d'un avenir souhaitable pour le territoire. Elle dépasse alors la seule application de programmes ou mesures liées à l'insertion sociale et au développement local.

Viviane de Lafond, ingénieure agronome, s'est orientée sur les questions de développement local rural, l'insertion des jeunes et l'évaluation des politiques publiques, en tant que chargée de mission ou directrice de diverses structures ou réseaux associatifs liées aux collectivités territoriales (structures intercommunales de développement local, missions locales, …) ou consultante, avec toujours le souci d'articuler pratique de terrain et connaissance au travers d'études menées en lien avec le CNRS, ou dans le cadre de programmes européens d'études ou de recherche. Elle est actuellement chargée de mission dans le programme Ruralization et chercheur associé au LADYSS.

Nicole MATHIEU : La Manche, un observatoire pertinent choisi pour ses potentialités de "régénération rurale" (projet européen Ruralization)
Cette intervention suit celle de Viviane de Lafond qui a présenté la problématique et les enjeux du projet Ruralization dont le concept mobilisateur de "régénération rurale" devait être instruit par des "promising experiences" dans deux "case studies" : un département métropolitain et un département rural. Le territoire de la Manche a été choisi pour ses capacités à faire face à la multi-crise — écologique, sociale, économique et culturelle de ce début du XXIe siècle. Trois hypothèses légitiment ce choix. La première porte sur la relation entre "régénération rurale" et "combinaison locale" du système de peuplement, ce département ayant conservé la structure de l'habitat héritée de la Révolution Française. Deuxième raison, la Manche est un territoire à dominante "rurale" où subsiste une différence visible entre villes et campagnes, qui permet à la population d'instruire les questions suivantes : qui s'identifie comme rural ou urbain ? Quelle matérialité ou socialité distingue la ruralité de l'urbanité ? C'est aussi l'occasion de vérifier le vocabulaire (plus riche en français qu'en anglais) utilisé pour caractériser chaque lieu de vie et type d'espaces. Enfin, troisième spécificité, la plus importante pour une potentielle régénération rurale, la Manche a encore une agriculture forte, diversifiée, déjà touchée par les "conversions" bio, locale et de proximité. Ainsi s'explique le titre de ce colloque de Cerisy dont l'organisation en trois séquences vise à démontrer la portée générale cognitive et proactive d'un lieu de partage des paroles quels que soient le statut social et le niveau local de celles et ceux qui les engagent.

Nicole MATHIEU : L'éducation aux métiers de nature est-elle un levier de la réconciliation entre les mondes ruraux, agricoles et urbains ?
En mettant en son centre le concept de "régénération rurale", le projet Ruralization nous a conduit à réexaminer les axes clés du changement social qui nous avaient permis d'instruire l'évolution décennale des relations villes/campagnes depuis la seconde moitié du XXe siècle jusqu'au début du nouveau siècle. Avec le dérèglement climatique, l'érosion de la biodiversité, les transitions écologiques, énergétiques et agrobiologiques, la "question de la nature" devait plus que jamais s'articuler à la "question sociale" dans l'évaluation de la durabilité des écosociosystèmes spatiaux et donc, en ce qui concerne Ruralization, de celle des "ruralités". Le choix du Campus Métiers de nature de Coutances comme expérience territoriale prometteuse de régénération de la ruralité repose sur l'hypothèse d'un rôle majeur de l'éducation à la nature dans le changement individuel et collectif vers des modes d'habiter durables conciliant les rapports éco-conscients aux lieux et une éthique renouvelée du rapport aux autres et du lien social local.

Directrice de recherche émérite au CNRS, Nicole Mathieu ancienne élève de l'École normale supérieure, agrégée et docteur en histoire a fait sa carrière au CNRS dans la section géographie. Les relations villes/campagnes, la question de la nature et des milieux durables, la construction du concept/action de mode d'habiter sont ses objets de recherche principaux. Sa posture méthodologique est marquée par la pratique interdisciplinaire et l'observation continue de localités. Membre de l'Académie d'agriculture de France, elle est actuellement engagée dans le projet européen Ruralization.


Nicole CHAMBRON : Passer par l'alimentation pour relier agriculteurs et politiques des collectivités territoriales
Les collectivités territoriales n'ont pas de compétence particulière en matière de politique agricole. De son côté le milieu agricole est organisé de manière relativement autonome autour d'institutions qui lui sont propres. Cet écart a été renforcé par les évolutions des dernières décennies contribuant à déconnecter les marchés agricoles des marchés d'approvisionnement alimentaires locaux. Pourtant, bien des politiques territoriales influencent les facteurs agricoles (ex. l'urbanisme) tandis que la montée des préoccupations sanitaires, environnementales ainsi que les craintes pour l'autonomie alimentaire suscitées par la pandémie de la COVID ainsi que la guerre en Ukraine sont en train de modifier les perceptions et les orientations. La question des interdépendances entre les politiques territoriales et les agriculteurs du territoire est apparue clairement par le biais de l'alimentation qui tend à prendre rang de politique au niveau local (cf. les Projets Alimentaires Territoriaux), bousculant les prises de conscience, les choix d'aménagement, les circuits d'approvisionnement, les modalités de relation entre les projets urbains et le monde rural environnant. Assiste-t-on à la constitution de systèmes alimentaires territoriaux ?

Nicole Chambron est économiste et sociologue, ruraliste. Elle a notamment travaillé à l'élaboration de projets de territoires, à la place des femmes en agriculture et à l'insertion des étrangers en milieu rural de Basse Normandie.
Publications
Octobre 1998, Casser l'exclusion : ouvrir de nouvelles voies, avec J.-C. Bergeret, D. Lancrenon, B. Rigaldies & P. Chauffour, Éditions du Papyrus, Paris.
Septembre 2000, Guide méthodologique de gestion de projets appliqué aux projets de management et aux projets de développement local, Éditions du Papyrus, Paris, Coll. "Actelus".
Juillet 2009, Diagnostic des discriminations à l'égard des femmes d'origine étrangère en milieu rural en Basse Normandie pour l'ACSE.

Jean-Pierre DARDAUD : Enquête en Bretagne : Cap sur Faro
Dans le cadre d'une recherche-action associant le réseau intergénérationnel d'éducation populaire JINOV international et l'université des Sciences et Pratiques Gastronomiques, et s'inscrivant dans le prolongement de la mission du Conseil de l'Europe autour de la Convention Faro qui s'intéresse aux jeunesses pionnières déjà en activité ou susceptibles de s'installer dans le territoire du Cap Sizun, recueil et restitution sur la période 2020-2022 de témoignages de jeunes professionnels de la filière alimentaire concernant la valorisation de leurs cultures-métiers en tant que patrimoine vivant et leurs rapports au territoire en tant que producteurs et habitants. Exposé de la démarche. Quels enseignements ? Quels éclairages ?

Jean-Pierre Dardaud est ingénieur hydraulicien de formation. Engagé de longue date dans l'accompagnement d'organisations paysannes, d'associations d'éducation populaire et de solidarité internationale, ainsi que d'initiatives de jeunes situées au carrefour entre développement rural-rurbain et démocratie alimentaire. Contribution à l'ouvrage collectif Seule la biodiversité cultivée peut nourrir le monde, Éditions du Linteau.

Ségolène DARLY
Ségolène Darly est maîtresse de conférences en géographie à l'université Paris 8 Vincennes Saint-Denis. Elle est membre du laboratoire Ladyss depuis 2011 et trésorière de la commission de géographie rurale du Comité National Français de Géographie depuis 2012. Elle enseigne la géographie rurale et la géographie économique et politique des systèmes agro-alimentaires. Ses travaux de recherche portent sur les conflits d'usages, le foncier agricole et l'agriculture urbaine dans une perspective de géographie critique. Ses principaux terrains d'application sont en France mais elle porte aussi des programmes d'échanges scientifiques avec les États-Unis, le Canada et le Brésil.
Publication récente
Marginalisations, résistances et innovations dans les franges périurbaines, Ségolène Darly, Véronique Fourault-Cauët et Richard Raymond (dir.), Presses uiversitaires de Rennes, 2020 [présentation].

Fanny DELFORGE-MARCHAND : La place du territoire dans l'action de la Mission locale
Actrice du Service Public de l'Emploi, la Mission Locale du bassin d'emploi granvillais participe aux politiques d'insertion sociale et professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans résidant sur son territoire. Sous l'impulsion directe des politiques nationales de l'État en faveur de l'emploi des jeunes, l'association agit localement en lien avec la réalité de son territoire d'intervention. D'une vision administrative d'un périmètre d'intervention à celle d'un espace de socialisation, le territoire ne présente pas les mêmes opportunités pour la structure et ses bénéficiaires. Sans même parler de développement dans le sens d'un travail de développement local, la Mission Locale de Granville se positionne comme "révélateur" de richesses d'un "tout" qui constitue le territoire. L'association participe de cette ambition, pour les jeunes mais aussi pour tous les acteurs (habitants, entreprises, associations, réseaux de partenaires, etc.) de ce double rapport : révéler le territoire pour qu'il les fasse exister.

Animatrice socioculturelle puis coordinatrice de politiques enfance et jeunesse intercommunales, Fanny Delforge-Marchand a travaillé en structure d'insertion par l'activité économique, en chantier d'insertion puis en entreprise adaptée. Directrice de Mission Locale depuis 3 ans, elle a auparavant obtenu une maîtrise en intervention et développement social et un Master en Aménagement du territoire, puis un Master en ingénierie de projets en ESS de l'UHA à Mulhouse (chaire de Josiane Stoessel). Ses sujets de mémoires ont tourné autour des thèmes suivant : les outils d’accompagnement des jeunes en Mission Locale, la place des politiques jeunesse sur un territoire intercommunal rural, la construction d'un territoire de projet intercommunal rural, et l'entrepreneuriat solidaire au service de l'insertion des publics éloignés de l'emploi.

Edgar LEBLANC : Pourquoi comment un établissement d'enseignement agricole contribue-t-il à reconstruire les ruralités ?
Qu'ils soient publics ou privés, issus d'une longue histoire ou plus récents, les établissements d'enseignement agricole présentent une expérience historique ancrée dans des territoires où ils inscrivent leur action. Cette expérience s'exprime par leur place dans le tissu socio-économique local, par les missions qu'ils exercent, par les expérimentations techniques et les pratiques agraires qu'ils mettent en œuvre, par leur insertion dans les instances et activités locales, par l'ouverture sur le monde qu'ils donnent à leurs élèves. Ces activités, ces fonctions sociales, cet enracinement reposent sur un socle juridique solide et stable qui assure la pérennité du dispositif : le statut d'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) et le contrat qui lie l'établissement et l'État au sein du service public d'enseignement et de formation professionnelle agricoles.

Edgar Leblanc a consacré toute sa carrière à l'enseignement agricole. Professeur certifié de lettres modernes au lycée agricole du Robillard (1964-1972). Animateur et sous-directeur de l'INRAP à Dijon (1972-1984). Chef de service à la DRAF de Rouen (1985-1986). Sous-directeur de la politique des formations de l'enseignement technique à la DGER (1987-2000). Inspecteur général de l'agriculture (2000-2003). Depuis 2015, il préside le Comité d'histoire de l'enseignement agricole.
Bibliographie
Campus Coutances métiers nature, 1968-2018. 50 ans de savoir-faire. Parcours d'un Lycée devenu Campus, Avranches, Les éditions Le studio de com, 2018.
Edgar Leblanc (sous la direction), Pour une histoire de l'enseignement agricole, la loi du 2 août 1918 et ses évolutions, Dijon, educagri éditions, 2020.
Philippe Maubant & Edgar Leblanc (dir.), L'invention des idées. Le défi réussi de l'enseignement agricole français, Nîmes, Champ social, Collection "Phronesis", 2022.

Ulysse MATHIEU
Journaliste et réalisateur, Ulysse Mathieu publie des articles et réalise des courts métrages documentaires. Il est membre du comité de rédaction de la revue Immersion. Par ailleurs, il anime et coordonne des ateliers d'éducation aux médias et de radio en s'appuyant sur les méthodes de l'éducation populaire.

Marie-Vic OZOUF-MARIGNIER
Marie-Vic Ozouf-Marignier, géographe et historienne, est directrice d'études à l'EHESS, membre de l'UMR Géographie-cités. Ses recherches portent sur le territoire français, son aménagement et ses représentations dans la longue durée.
Publications récentes
Ozouf-Marignier M.-V., Sanders L., Bretagnolle A., Brun P. & Verdier N. (sous la dir. de), Les mots-clefs des systèmes de peuplement dans le temps long, Tours, Presses universitaires François Rabelais de Tours, 2020.
"Permanences, récurrences, apories", dans S. Cordobes, X. Desjardins & M. Vanier (sous la dir. de), Repenser l'aménagement du territoire, Colloque de Cerisy, Boulogne-Billancourt, Éditions Berger-Levrault, Collection "Au fil du débat-Études", 2020.

Marie PLEINTEL
Marie Pleintel est à l'origine du ravitaillement, lieu d'art et de pratiques rurales, fondé à Gavray-sur-Sienne en 2021. Après avoir travaillé 10 ans pour des lieux d'art contemporain dans des grandes métropoles (artconnexion à Lille et Bétonsalon à Paris), elle a souhaité revenir en Normandie et s'interroger en pratique sur notre rapport sensible au vivant. Elle est par ailleurs également coordinatrice générale de RN13BIS — art contemporain en Normandie.

Camille ROBERT-BOEUF : Les jeunes de la Manche et leur territoire : représentations, pratiques et aspirations
Les jeunes et leurs rapports au territoire rural restent aujourd'hui encore peu définis. Les jeunes ruraux en tant que groupe social sont relativement peu étudiés malgré quelques recherches notamment en sociologie. Les institutions qui les représentent (MRJC, Missions Locales, les syndicats des Jeunes Agriculteurs…) posent peu la question de leurs pratiques et de leurs représentations du territoire rural. En prenant le cas de la Manche, cette communication souhaite éclairer les pratiques, représentations et aspirations des jeunes par rapport à la ruralité : qui sont les jeunes qui habitent ou qui quittent le rural dans la Manche ? Qu'est-ce que la ville et la campagne pour eux ? Pourquoi et comment vivent-ils dans la Manche ? Partant, il s'agira de voir de quelle manière, ces jeunes Manchois agissent à leur échelle pour la (re)construction de leur territoire. Cette communication est fondée sur un travail exploratoire réalisé dans le cadre du Projet Européen H2020 Ruralization auprès de jeunes (de 18 à 30 ans) habitant la communauté de communes de Granville Terre et Mer et celle de Coutances Mer et Bocage.

Camille Robert-Boeuf est géographe, postdoctorante CNRS à l'UMR. Ses domaines d'expertise sont les relations ville/campagne, l'agriculture urbaine, l'agriculture périurbaine, le développement rural et local, la géographie européenne et française. Elle a écrit 19 articles scientifiques et rapports de recherche ; elle a participé à 27 séminaires et conférences internationales sur ces sujets. Elle est actuellement chargée de cours à l'Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales) et a été précédemment chargée de cours à l'université Paris Nanterre et à l'université fédérale de Kazan. Elle a également participé au programme international "Transe-Ac" (2014-2017), a organisé plusieurs séminaires sur l'agriculture urbaine et a coordonné un numéro thématique sur les jardins dans la revue Développement Durable et Territoires.
Publications récentes
2022, "Les jardins collectifs : une alternative pour la ville du XXIe siècle ?", F. Wateau, M-H Baqué, M. Truninger, B. Santamarina et M. Poulot (dir), D'alternatives et de communs, Presses universitaires de Nanterre, dans la nouvelle collection "Ensemble" de la MSH Mondes.
2022, A. Krauz, J. Mourato, J. Louis, C. Robert-Boeuf, V. Héritier-Salama, "Defining alternatives in times of crisis", F. Wateau, M-H Baqué, M. Truninger, B. Santamarina et M. Poulot (dir), D'alternatives et de communs, Presses universitaires de Nanterre, dans la nouvelle collection "Ensemble" de la MSH Mondes.
2021, "Métropolisation, inégalités sociales et modes d'habiter : trajectoire d'une ville millionnaire russe vue par ses dačniki", EchoGéo, n°56, numéro "Les dynamiques spatiales contemporaines de la Russie", coordonné par S. Hou et Y. Richard.
2021, C. Robert-Boeuf, J. Essers, "Habiter la nature en métropole : une hybridation ville-campagne par le jardin", Développement Durable et Territoires, vol 12, n°12, "Modes d'habiter et sensibilités environnementales émergentes : quels enjeux pour la qualité de vie ?", coordonné par S. Depeau, E. Guillou et H. Melin.

Josiane STOESSEL-RITZ : Le principe de la réciprocité pour renforcer et redynamiser les pratiques de l'ESS
Dans la course effrénée des rythmes de nos échanges soumis à l'injonction de l'urgence et de l'efficacité, les territoires ruraux pourraient apparaître comme figés et accrochés à une image du passé comme si les relations à ces territoires ruraux étaient devenues froides et muettes. Comme des lieux laissés à discrétion, ces territoires offrent pourtant des cadres propices à un processus créatif d'interactions réciproques qui forgent des liens sociaux et une relation au monde (soi vs autrui, émotions, attachements) en résonance avec un mode de coexistence. La motricité des échanges réciproques qui se manifeste par le don et la reconnaissance des personnes est une source d'apprentissage d'accords tacites (communs, vie bonne). Nous questionnerons les pratiques de l'économie sociale et solidaire pour comprendre comment les dynamiques de réciprocité contribuent à redynamiser la socialité par une capacité de résonance en milieu rural.
Bibliographie
Caillé A. (2019), Extensions du domaine du don. Demander-donner-recevoir-rendre, Arles, Actes Sud.
Laurent E. (2017), À l'horizon d'ici. Les territoires au cœur de la transition social-écologique, Lormont, Le Bord de l'eau.
Rosa H. (2021), Résonance. Une sociologie de la relation au monde, Paris, La Découverte.

Josiane Stoessel-Ritz est sociologue ruraliste, ses recherches portent sur le lien social, la réciprocité dans la coopération et les communs sociétaux. Elle est professeure de sociologie à l'université de Haute-Alsace, membre de l'UMR Sociétés, Acteurs et Gouvernement en Europe (SAGE, Strasbourg). Ses recherches portent sur le territoire français et les territoires ruraux algériens et marocains. Elle anime la Chaire ESS de l'université de Mulhouse et le Réseau Développement durable et lien social (2DLiS).
Publications récentes
Blanc M., Stoessel-Ritz J. (2021), "L'économie sociale et solidaire comme pilier du développement durable. Une perspective transactionnelle", Actes de la Recherche sur le Développement durable, n°1/2021, Abidjan.
Stoessel-Ritz J., Blanc M. (2020), "Transactions sociales, actions collectives et émancipation", La transaction sociale. Un outil pour penser et dénouer la complexité de la vie en société, Remy J., avec la collaboration de M. Blanc, J. Foucart, J. Stoessel-Ritz et L. Van Campenhoudt, Toulouse, Erès, p. 435-470.
Stoessel-Ritz J., Blanc M. et Amarouche A. (dir.) (2018), Penser les innovations sociales dans le développement durable. De la guerre à la paix, "Sociologies et Environnement", Paris, L'Harmattan.


BIBLIOGRAPHIE :

• Allemand S., 2020, "La prospective territoriale en Normandie. Synthèse d'une table ronde avec des acteurs normands", in Prospective et co-construction des territoires au XXIe siècle, Colloque de Cerisy, Hermann, pp. 301-342.
• Coquard B., 2019, Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, Paris, La Découverte.
Études Normandes, novembre 2020, "Le département de la Manche : des lieux et des gens", n°15.
• Fottorino E., 2021, Mohican, Gallimard.
Présences Paysannes et Rurales, mars 2021, Dossier : "La recherche rurale, histoires et devenirs", n°1, pp. 14-37.
• Heurgon E., 2020, "Préface. Prospective & co-construction de stratégies territoriales face aux mutations des sociétés", in Prospective et co-construction des territoires au XXIe siècle, Colloque de Cerisy, Hermann, pp. 5-17.
• Jollivet M. & Eizner N. (dir.), 1996, L'Europe et ses campagnes, Paris, Presses de Sciences Po.
• Kayser B., 1990, La renaissance rurale. Sociologie des campagnes occidentales, Paris, Armand Colin.
• Mathieu N. (dir), 1995, L'emploi rural, une vitalité cachée, Paris, L'Harmattan.
• Mathieu N., 2017, Les relations villes/campagnes. Histoire d'une question politique et scientifique, Paris, L'Harmattan.
• Mathieu N., De Lafond V., & Gana A., 2006, Towards New Responsible Rural/Urban relationships. A sustainable Territories-oriented Comparative Analysis.
Mouvements, 2015, Dossier : "Vitalité politique en rase campagne", 2015/4, n°84.
• Poulle F., Gorgeu Y., Grenier P., Moquay P. & Sahuc P., 1999, Urbanité rurale, Éditions du développement territorial.

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


CONQUÉRIR, SOUMETTRE, GOUVERNER :
THÉORIES ET PRATIQUES DE LA "PACIFICATION" DANS LES MONDES NORMANDS

(MONDE VIKING, NORMANDIE, ROYAUME D'ANGLETERRE, ITALIE MÉRIDIONALE ET SICILE, IXe-XIIe SIÈCLE)


DU MERCREDI 5 OCTOBRE (19 H) AU DIMANCHE 9 OCTOBRE (14 H) 2022

[ colloque de 4 jours ]


Tours, Bibliothèque mun., Ms. 568,
Recueil de droit canonique (XIIIe siècle), f. 249v
© Bibliothèque municipale de Tours


DIRECTION :

Pierre BAUDUIN, Simon LEBOUTEILLER, Annick PETERS-CUSTOT


ARGUMENT :

Ce colloque propose d'orienter une réflexion portant sur la transition entre l'état de guerre inhérent à une conquête territoriale, et l'état de paix censé inaugurer l'émergence d'une nouvelle construction politique. Cet "entre-deux" pose un ensemble de questions (sur l'exercice de la violence et les différentes logiques à l'œuvre, militaires, socio-politiques, économiques, territoriales, juridiques) que cette rencontre voudrait contribuer à résoudre dans une approche comparatiste entre des situations très différentes dans le monde viking, les îles Britanniques et en Méditerranée. Ces questionnements amèneront à s'interroger sur la pertinence de parler de stratégies de "pacification" et de discuter l'usage — dans un contexte médiéval — de la notion de pacification par un croisement historiographique avec d'autres périodes, en prenant soin de s'extraire de tout anachronisme, ou en assumant cet anachronisme méthodologique. Ce colloque est ouvert aux chercheurs, aux étudiants et à toute personne intéressée par l'histoire des mondes normands.


MOTS-CLÉS :

Conquête, Consensus, Construction politique, Coopération, Gouverner, Guerre, Mondes normands, "Pacification", Paix, Violence


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 5 octobre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 6 octobre
Matin
Pierre BAUDUIN, Simon LEBOUTEILLER & Annick PETERS-CUSTOT : Introduction

PRÉLUDE : LES EXPÉRIENCES VIKINGS
Pierre BAUDUIN : Qui pacifie l'autre ? La pacification comme outil heuristique pour analyser les fondations vikings

Après-midi
JUGER ET RÉFRÉNER LA VIOLENCE
Jenny BENHAM : La justice transitionnelle dans les mondes normands [Transitional Justice in the Norman Worlds]
Hugo FRESNEL : Réfréner la violence de la conquête : le Pénitentiel d'Ermenfroi de Sion
Ben MORRIS : Négocier l'exil : l'exil dans le cadre des traités de Byzance et d'Angleterre, 900-1200 [Negotiating Exile : Exile Within the Treaties of Byzantium and England, 900-1200]


Vendredi 7 octobre
"HORS LES MURS" — AU CHÂTEAU DE CAEN
Matin
HOMMES ET RÉSEAUX
Ryan LAVELLE : Coopération et collaboration : l'autorité royale et les nouveaux réseaux de la seigneurie dans les mondes anglo-danois et anglo-normands pendant le XIe siècle
Bastien MICHEL : Les hommes d'Odon de Bayeux. Conquête, "pacification" et réseaux en Angleterre après 1066

Après-midi
SÉANCE PUBLIQUE
Bénédicte GUILLOT & Alban GOTTFROIS : Le château de Caen : entre administration et démonstration de puissance, un lieu de pouvoir au cœur de la Normandie (XIe-XIIe siècles)
Jean-Marie LEVESQUE : Présentation du projet d'aménagement du Château de Caen

Visite du château


Samedi 8 octobre
Matin
SOUMISSION ET COHABITATION
Annliese NEF : Les Hauteville et la pacification de la Sicile et de l'Ifrîqiya [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Graham A. LOUD : Les Lombards de l'Italie méridionale sous la domination normande [The Lombards of Southern Italy under Norman Rule]
Daniel POWER : Pacification dans le monde normand : l'annexion capétienne du duché de Normandie (1193-1231) [Pacification in the Norman World : the Capetian Annexation of the Duchy of Normandy (1193-1231)]

Après-midi
INSTITUTIONS ET TERRITOIRES
Riccardo BERARDI : L'infiltration "normande" dans l'Italie méridionale : une nouvelle construction sociopolitique ?

REPRÉSENTER LA CONQUÊTE
Guilhem DORANDEU-BUREU : Pratiques et discours de l'implantation du pouvoir normand dans la principauté de Capoue (1058-1135) [Practices and Discourses of the Establishment of Norman Power in the Principality of Capua (1058-1135)] [visioconférence]


Dimanche 9 octobre
Matin
Michael LEWIS : Pacifier les Anglais : comprendre la conquête normande de l'Angleterre à travers la Tapisserie de Bayeux [Pacifying the English : Understanding the Norman Conquest of England through the Bayeux Tapestry]

CONCLUSIONS
Table ronde, avec Jean-François KLEIN et Aliénor RUFIN SOLAS

Discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


PRESSE / MÉDIAS :

• "Compte-rendu du colloque", sur le carnet Mondes Nordiques et Normands Médiévaux | 2 décembre 2022.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Pierre BAUDUIN : Qui pacifie l'autre ? La pacification comme outil heuristique pour analyser les fondations vikings
Le diplôme de Charles le Simple du 14 mars 918 en faveur de Saint-Germain-des-Prés est le plus ancien document attestant l'établissement de Rollon, dans ce qui devient la Normandie. L'acte rappelle que le chef normand et ses compagnons ont reçu une partie des possessions de l'abbaye de la Croix-Saint-Ouen, en contrepartie de la tutela regni, la protection du royaume. D'autres sources suggèrent que Rollon dut également se convertir au christianisme. Ces aspects bien connus que l'on rattache au traité de Saint-Clair-sur-Epte (911) amènent à penser la pacification comme un rapport qui, loin d'être unilatéral et dissymétrique, engage des relations complexes où le pacificateur n'est pas nécessairement ou pas uniquement le conquérant mais un "autre" dont la soumission n'est pas évidente. Une des particularités des fondations vikings est la diversité de leurs situations, selon les relations entretenues avec les sociétés et les élites autochtones (parfois antérieurement à la conquête) et selon les conditions dans laquelle se fit l'implantation des nouveaux-venus. L'objet de cette communication est d'interroger la validité du concept de pacification appliqué aux différents établissements vikings à l'est et à l'ouest de l'Europe, notamment dans la perspective d'une comparaison de la Normandie avec d'autres établissements scandinaves.

Pierre Bauduin est professeur d'histoire médiévale à l'université de Caen Normandie et membre du CRAHAM. Ses recherches portent plus particulièrement sur les mondes normands, l'établissement des vikings, la principauté normande, les transferts culturels.
Publications
La première Normandie (Xe-XIe siècles). Sur les frontières de la haute Normandie : identité et construction d’une principauté, Caen, 2004.
Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie (dir.), Colloque de Cerisy, Publications du CRAHM, 2005.
Le monde franc et les Vikings, VIIIe-Xe siècle, Paris, 2009.
L’historiographie médiévale normande et ses sources antiques (Xe-XIIe siècle), avec Marie-Agnès Lucas-Avenel (dir.), Colloque de Cerisy, Presses universitaires de Caen, 2014.
911-2011. Penser les mondes normands médiévaux, avec David Bates (dir.), Colloque de Cerisy, Presses universitaires de Caen, 2016.
Histoire des vikings, des invasions à la diaspora, Paris, 2019.


Riccardo BERARDI : L'infiltration "normande" dans l'Italie méridionale : une nouvelle construction sociopolitique ?
Cette communication vise à éclairer, sous l'angle de la notion de "pacification" envisagée comme un outil de description des suites d'une conquête territoriale, une modalité essentielle du passage de la conquête à la construction politique chez les "Normands" d'Italie du Sud, par le biais de l'importation de la féodalité et de la seigneurie en Italie méridionale, en relation avec les structures sociopolitiques et les élites préexistantes. Le Mezzogiorno comprenait des régions de traditions très différentes avant l'arrivée des Normands, en fait l'"infiltration" (tant le processus fut lent) s'est produite de manière différente dans chaque zone que nous allons examiner. Le changement le plus évident sont les structures "féodales" et seigneuriales utilisées par les nouveaux conquérants, en fait, s'il existait des formes de pouvoir privatisé, cette réalité socio-politique était inexistante dans l'Italie méridionale. Il est très intéressant de comprendre à travers l'étude de sources historiographiques, hagiographiques et diplomatiques si les "Normands" ont utilisé, consciemment ou non, des stratégies de "pacification" en imposant le système féodal seigneurial dans la double acception d'imposition d'un ordre, et de création d'un consensus des élites.
Bibliographie essentielle
Berardi, Riccardo, Feudalità laica e signoria ecclesiastica nel Mezzogiorno medievale : la Calabria dai normanni alla Guerra del Vespro (1040-1282) / Féodalité laïque et seigneurie ecclésiastique en Italie du Sud au Moyen Âge : la Calabre des Normands à la guerre des Vêpres (1040-1282), Thèse de doctorat d'Histoire médiévale, Saint-Marino - Angers - Nantes, Università degli stuidi - École doctorale SCE - Université Bretagne Loire / CRHIA, 2017a, 1 vol. (dactyl.).
Carocci, Sandro, Signorie di Mezzogiorno. Società rurali, poteri aristocratici e monarchia (XII-XIII secolo), Rome, Viella (La Storia. Saggi, 6).
Loud, Graham, "Migration, Infiltration, Conquest and Identity : the Normans of Southern Italy c. 1000-1130", dans Le migrazioni nell’Alto Medioevo (Spolète, 5-11 avril 2018), Spolète, Fondazione Centro italiano di studi sull'alto medioevo (Settimane di studio della Fondazione Centro italiano di studi sull'alto Medioevo, 66), 2019, pp. 339-358.
Martin, Jean-Marie, "Aristocraties et seigneuries en Italie méridionale aux XIe et XIIe siècles : essai de typologie", Journal des savants, 1999, p. 227-259.
Nef, Annliese, Conquérir et gouverner la Sicile islamique aux XIe et XIIe siècles, Rome, École française de Rome (Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, 346), 2011.
Peters-Custot, Annick, Les Grecs de l’Italie méridionale post-byzantine (IXe-XIVe siècle) : une acculturation en douceur, Rome, École française de Rome (Collection de l'École française de Rome, 420), 2009.
Peters-Custot, Annick, "Comportement social et comportement culturel des élites rurales calabro-grecques d'après les actes de la pratique (XIe-XIIIe siècles)", dans L. Feller, M. Kaplan, C. Picard (éd.), Mélanges de l'École française de Rome - Moyen Âge, 124-2, Numéro thématique "Élites rurales méditerranéennes (Ve-XVe siècles)", 2012, pp. 359-374.

Riccardo Berardi est Professeur agrégé (Histoire et Philosophie dans les lycées, Italie). Membre associé au CRAHAM (UMRS 6273 - CNRS / Université de Caen Normandie). Docteur de recherche en Histoire du Moyen Âge à l'École supérieure d'études historiques de l'université de la République de San Marino (directeur: J.-M. Martin, CNRS Paris) en co-tutèle avec l'université de Nantes (directrice: A. Peters-Custot).
Publications
La contea di Corigliano. Profilo storico, economico e sociale della Sibaritide (secoli XI-XVI), Ferrari editore, Rossano 2015, pp. 559.
"La féodalité et la seigneurie dans la Calabre comtale normand : une institution politique pour bâtir la paix ?", dans Tabularia, Mémoires normandes d'Italie et d'Orient (CRAHAM).
"Il cartulario del monastero di S. Maria di Altilia in Calabria", dans Miscellanea in memoria di Filippo Burgarella, éd. G. Strano, Associazione Italiana di Studi Bizantini, Rome 2020, pp. 19-32.
"Le platee o reintegre dei Sanseverino di Bisignano : diritti e prelievo signorile nella Calabria settentrionale (secc. XV-XVI)", dans Gli archivi feudali nel Regno di Napoli (XIV-XVI sec.). Prime indagini, éd. F. Senatore, Firenze University Press, Firenze 2021, pp. 71-151.

Guilhem DORANDEU-BUREU : Pratiques et discours de l'implantation du pouvoir normand dans la principauté de Capoue (1058-1135)
La conquête normande de la principauté lombarde de Capoue, achevée au début des années 1070, est marquée par l'implantation d'une aristocratie militaire transalpine dans un système institutionnel solide et ancien. Dans ce cadre, les conquérants adoptent plusieurs solutions pour asseoir, légitimer et perpétuer leur domination, avec pour conséquence finale l'instauration d'institutions de type féodal, alors inconnues de la Langobardia minor. La présente communication propose d'analyser ce processus de transition, qui apparaît certes marqué par l'emploi de la violence et de la contrainte, mais surtout basé sur l'intégration des anciennes élites au nouvel ordre social. Ce phénomène est mis en mots de façon singulière, essentiellement à partir de modèles antérieurs légèrement modifiés, afin de permettre la légitimation de l'établissement des nouveaux pouvoirs.

Guilhem Dorandeu-Bureu est ATER en histoire médiévale à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sa thèse, intitulée "Sceller la domination de l'Italie normande (XIe-XIIe s.)", analyse les constructions institutionnelles et les discours de légitimation des pouvoirs normands du Mezzogiorno à l'aune des sources diplomatiques et sigillaires.
Publications
Avec Annliese Nef, "Le passage à la royauté de Roger II de Hauteville en 1130 : propositions pour l'analyse d'une révolution symbolique", Tabularia, 2022.
"Une bulle de Bohémond Ier de Hauteville découverte à Juaye-Mondaye", Annales de Normandie, 71e année, 2021/1, p. 91-101.
"Le double scellement d'une charte de fondation par le comte Henri de Monte Sant'Angelo (1098) : discours sigillaires et concurrence politique", dans Laurent Macé (dir.), Jeux de miroir. Le sceau princier au Moyen Âge (XIe-XIVe siècle), Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2021, p. 17-63 [Tempus, n°65].

Hugo FRESNEL : Réfréner la violence de la conquête : le Pénitentiel d'Ermenfroi de Sion
Depuis l'article de 1969 d'Herbert Cowdrey, aucune étude approfondie n'a été menée sur ce document exceptionnel qui liste les pénitences auxquelles les différents combattants de la bataille d'Hastings devront se soumettre. L'objectif de cette communication est de revenir sur ce texte en élargissant la réflexion afin de voir dans le Pénitentiel une source à part entière sur les conceptions que les contemporains pouvaient se faire des violences, légitimes ou non, qui accompagnaient des processus de conquête et la pacification du territoire conquis une fois la victoire obtenue. Demander aux combattants d'Hastings de faire pénitence n'était pas forcément une évidence : c'était un choix voulu de la part des évêques qui ont opté pour une forme de sévérité vis-à-vis de ces actes de guerre. Cette sévérité pose la question de la réelle application du texte et interroge les intentions à l'origine de sa production.

Hugo Fresnel est doctorant en histoire médiévale à l'université de Caen Normandie depuis 2020 sous la direction de Pierre Bauduin. Sa thèse porte sur les conceptions et usages de la violence du prince dans les mondes normands médiévaux entre 911 et 1154.

Bénédicte GUILLOT & Alban GOTTFROIS : Le château de Caen : entre administration et démonstration de puissance, un lieu de pouvoir au cœur de la Normandie (XIe-XIIe siècles)
Le château de Caen est une vaste forteresse de 5,5 hectares construite par le duc de Normandie, Guillaume le Bâtard, vraisemblablement vers 1060. Au sud, du côté de la ville se trouve une église paroissiale avec son habitat et, au nord, un palais princier. Ce dernier joue un rôle administratif, judiciaire mais aussi ostentatoire : le château est un important centre de pouvoir pour le duc, dans ce qui est en train de devenir l'une des capitales de son duché. Cette contribution propose de revenir sur le contexte d'installation du château, à une époque où le pouvoir ducal cherche à consolider le contrôle qu'il exerce sur l'ouest du duché à la suite de plusieurs épisodes de conflits. Il s'agira ensuite d'examiner de près les données dont nous disposons sur l'ensemble de bâtiments identifiés comme le palais ducal : de nouveaux éléments permettent désormais de questionner les interprétations anciennes, notamment en ce qui concerne la localisation de l'aula ducale, et d'émettre de nouvelles hypothèses. Enfin, les édifices des ducs-rois du XIIe siècle seront examinés. Après avoir présenté le donjon quadrangulaire d'Henri Ier, typique de l'architecture anglo-normande de la période, l'accent sera mis sur la grande salle attribuée à Henri II Plantagenêt, située vers l'angle nord-ouest du château, et sur de nouvelles constructions découvertes récemment au nord-est. Cette étude des différents bâtiments du château liés à l'exercice et à la représentation du pouvoir permettra d'approcher la façon dont les ducs ont contrôlé et dominé la ville et le duché aux XIe et XIIe siècles.

Ryan LAVELLE : Coopération et collaboration : l'autorité royale et les nouveaux réseaux de la seigneurie dans les mondes anglo-danois et anglo-normands pendant le XIe siècle
Cette communication examine les motivations d'un groupe restreint de seigneurs "indigènes" et d'autres aristocrates, tels que Wigod de Wallingford et le comte Waltheof de Northumbrie, dont les intérêts se croisaient avec ceux des élites conquérantes. En examinant le rôle des Anglais dans la suppression de la rébellion — et parfois leur propre participation à la rébellion — nous nous demanderons dans cette communication comment et dans quelles circonstances la coopération de ces personnages avec leurs conquérants a créé de nouveaux réseaux et de nouvelles opportunités pour eux. Ces réseaux et ces opportunités transcendaient une délimitation stricte entre "conquis" et "conquérants", tandis que la participation des élites anglaises aux actions impliquant la répression de la rébellion (ou la "pacification") renforçait la légitimité des dirigeants anglo-danois et anglo-normands au XIe siècle.

Ryan Lavelle est Professeur en Histoire médiévale à l'université de Winchester (Grande-Bretagne). Il est spécialiste de l'histoire politique en Angleterre pendant le Haut Moyen Âge.
Publications
Co-direction avec Simon Roffey et Katherine Weikert, Early Medieval Winchester : Communities, Authority and Power in an Urban Space, Oxford, Oxbow, 2021.
Monographie récente, Places of Contested Power : Conflict and Rebellion in England and France, 830-1150, Woodbridge, Boydell, 2020.

Michael LEWIS : Pacifier les Anglais : comprendre la conquête normande de l'Angleterre à travers la Tapisserie de Bayeux
La Tapisserie de Bayeux est un document unique pour comprendre la conquête normande de l'Angleterre, non seulement parce qu'elle constitue un récit illustré dépeignant les évènements tel un texte, mais aussi parce qu'elle résultait d'une entreprise commune entre Anglais et Normands. Dans cette communication, nous nous demanderons comment sa version des évènements ayant mené à la Conquête nous éclaire sur la manière dont les Anglais ont été soumis. En particulier, le récit de la Tapisserie diffère dans une certaine mesure des témoignages des "apologistes normands", ainsi que de ceux des auteurs "anglais" contemporains et plus récents qui cherchaient à expliquer (et à composer avec) ce qu'il s’était passé. De manière surprenante, la Tapisserie paraît se placer à la jonction entre ces deux traditions en fusionnant les divergences de vues. Elle était ainsi la manifestation d'une tentative de conciliation — et entérinait finalement un "changement de régime" par la pacification des Anglais.

The Bayeux Tapestry is a unique document for understanding the Norman Conquest of England, not least because it is a pictorial narrative that portrays events in a way that written documents cannot, but also since it was a joint endeavour produced by the English and Normans. The main question examined here, is how does its retelling of the events leading to the Conquest shed light on how the English were subdued, and ultimately conquered ? Importantly, the Tapestry’s story is somewhat at odds with the accounts of the so-called "Norman apologists", but also contrasts with contemporary and later "English" accounts of the Conquest that seek to make sense of (and come to terms with) what had happened. Intriguingly, and importantly, the Tapestry's tale appears to sit between these narratives, seemingly trying to merge a divergence of views, in what will be argued was an attempt of reconciliation — ultimately to achieve "regime change" through the pacification of the English.

Michael Lewis dirige le Portable Antiquities Scheme (PAS) du British Museum et est professeur invité en archéologie à l'université de Reading. Ses recherches portent sur la Tapisserie de Bayeux et il est à ce titre membre du comité scientifique du Musée de Bayeux et associé aux projets d'étude sur sa broderie. Il collabore également au prêt éventuel de la Tapisserie à l'Angleterre pour 2023-2024.
Publications
Musgrove, David & Lewis, Michael (2021), The Story of the Bayeux Tapestry ; unravelling the Norman Conquest (Thames & Hudson).
Lewis, Michael, Owen-Crocker, Gale & Terkla, Dan (2011), New Research on the Bayeux Tapestry : proceedings of a conference at the British Museum (Oxbow).
Lewis, Michael (2018), "La Tapisserie de Bayeux et l'art anglo-saxon", in Sylvette Lemagnen, Shirley Ann Brown & Gale Owen-Crocker (eds.), L'Invention de la Tapisserie de Bayeux : naissance, composition et style d’un chef-d’œuvre medieval (Point de Vues), 229-45.
Lewis, Michael (2018), "Myths and Mysteries of the Bayeux Tapestry", in David Bates (ed.), 1066 in Perspective (Royal Armouries), 79-95.
Lewis, Michael (2017), "The Bayeux Tapestry : window to a world of continuity and change", in Dawn Hadley & Christopher Dyer (eds.), The Archaeology of the 11th Century : continuities and transformations, Society for Medieval Archaeology Monographs (Manley), 228-43.

Graham A. LOUD : Les Lombards de l'Italie méridionale sous la domination normande
Malgré la conquête normande de l'Italie méridionale et les allusions occasionnelles des chroniqueurs selon lesquelles les tensions entre conquérants et vaincus auraient pu persister pendant une période considérable après la conquête, la population lombarde s'est rapidement assimilée aux côtés des nouveaux venus dans la nouvelle société de l'Italie "normande". Cette présentation examinera trois aspects principaux du rôle des Lombards à la fin du XIe et au début du XIIe siècle dans le sud de l'Italie : leur importance au sein de la structure sociale aristocratique, le rôle des administrateurs lombards au service du gouvernement "normand", et de même leur importance au sein de l'Église de la région. Graham A. Loud travaille actuellement sur l'élaboration d'une biographie courte de l'empereur Fréderic Barberousse.

Graham A. Loud est professeur émérite d'histoire médiévale à l'université de Leeds, où il a enseigné de 1978 à 2019, et où il était le directeur de l'École d'histoire de 2012 à 2015. Son principal sujet de recherche est l'Italie méridionale sous les Normands (XIe et XIIe siècles), bien qu'il ait également écrit sur les croisades et l'Allemagne sous les empereurs Staufen aux XIIe et XIIIe siècles.
Publications
The Age of Robert Guiscard. Southern Italy and the Norman Conquest (2000).
The Latin Church in Norman Italy (2007).
Roger II and the Creation of the Kingdom of Sicily (2012).
The Social World of the Abbey of Cava, c. 1020-1300 (2021).

Despite the Norman conquest of southern Italy, and the occasional hints by the chroniclers that tensions between conquerors and conquered may have remained for some considerable period after the conquest, the Lombard population rapidly assimilated alongside the newcomers into the new society of "Norman" Italy. This presentation will investigate three principal aspects of the role of the Lombards in late eleventh- and early twelfth-century southern Italy : their significance within the aristocratic social structure, the role of Lombard administrators in the maintenance of "Norman" government, and similarly their importance within the Church of the region.

Graham A. Loud is Professor Emeritus of Medieval History at the University of Leeds, where he taught from 1978 until 2019, and where he was Head of the School of History 2012-15. His principal field of research is southern Italy under the Normans (eleventh and twelfth centuries), although he has also written on the Crusades and Germany under the Staufen emperors in the twelfth and thirteenth centuries. He is now working on a short biography of Emperor Frederick Barbarossa.
Publications
The Age of Robert Guiscard. Southern Italy and the Norman Conquest (2000).
The Latin Church in Norman Italy (2007).
Roger II and the Creation of the Kingdom of Sicily (2012).
The Social World of the Abbey of Cava, c. 1020-1300 (2021).

Bastien MICHEL : Les hommes d'Odon de Bayeux. Conquête, "pacification" et réseaux en Angleterre après 1066
Quelle est la contribution des hommes d'Odon de Bayeux à la conquête et à la "pacification" de l'Angleterre après 1066 ? À partir de la documentation conservée de part et d'autre de la Manche, nous tâcherons de dessiner les contours de ce groupe à travers les relations qui unissent ses membres. Privilégiant une approche par les réseaux (social network analysis) et les mobilités, il s'agit de comprendre comment un ou plusieurs réseaux préexistants — la plupart des hommes de l'évêque de Bayeux sont originaires de la Normandie centrale — ont pu être projetés en Angleterre. À l'échelle de la première génération de la conquête, jusqu'à la rébellion d'Odon en 1088, cette communication examinera de quelles façons ces hommes se lient à des institutions pré-normandes, soumettent les populations locales et dominent l'espace, par un croisement des logiques territoriales, sociopolitiques et militaires de la "pacification".

Bastien Michel est doctorant en histoire médiévale à l'université de Caen Normandie, rattaché au Centre Michel de Boüard-Craham (UMR 6273). Dans le cadre de sa thèse, il étudie les réseaux et mobilités aristocratiques de la Normandie centrale (début XIe-fin XIIIe siècle), dans la continuité de ses travaux de master.
Michel (B.), "Usque ad Sabrinam" : l'implantation des élites normandes dans le Gloucestershire (1066-1154), Mémoire de master, Université de Caen Normandie, 2016, 1 vol.

Ben MORRIS : Négocier l'exil : l'exil dans le cadre des traités de Byzance et d'Angleterre, 900-1200
À travers les traités du Moyen Âge, que ce soit avec le roi d'Écosse ou que ce soit avec le prince d'Antioche, les dirigeants refusent souvent d'accepter les exilés de l'autre. S'il existe des études sur les exilés dans le monde normand, il y a peu d'études concernant l'exil dans les traités. C'est étrange, car les traités soulignent fondamentalement comment les dirigeants considéraient les exilés comme un problème commun, qui nécessitait une solution commune. Dans cette présentation, je montrerai comment et pourquoi les dirigeants étaient diplomatiquement actifs dans le traitement de la question des exilés. Pour ce faire, j'ai analysé les traités de deux des puissances les plus bureaucratiques du monde médiéval : Byzance et l'Angleterre. Cela garantit que de nombreux documents sont disponibles pour une étude comparative. Cela mettra en évidence que dans toute la diaspora normande l'exil était un problème qui exigeait une solution proactive.

Ben Morris étudie actuellement pour un doctorat à l'université de Cardiff. Sa thèse s'intitule "Shared Soloutions to Common Problems : A Comparative Study of Byzantine and English Treaties, 900-100". Il est très intéressé par la paix et la diplomatie à l'époque médiévale, et il a organisé plusieurs conférences interdisciplinaires sur ce sujet. Actuellement, il se concentre sur la réalisation de sa thèse, ainsi que sur plusieurs publications futures.

Annliese NEF : Les Hauteville et la pacification de la Sicile et de l'Ifrîqiya
On a souvent souligné les singularités du royaume normand et de sa politique d'intégration des populations conquises comparées aux formations contemporaines dans le monde latin. De ce point de vue, le royaume des Hauteville est un laboratoire qui tient à la présence d'un important élément islamique tant en Sicile qu'à partir du XIIe siècle au Maghreb. Se posent ainsi des questions étroitement liées aux modalités de soumission militaire et d'intégration politique des Arabo-musulmans vaincus, qui ne sont pas sans effet plus largement sur la construction politique normande en Italie méridionale. La communication présentée propose de montrer comment ces questions, récemment revisitées par la recherche, peuvent être reprises à nouveaux frais.

Annliese Nef est professeure d'Histoire médiévale à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, et membre de l'UMR 8167 "Orient et Méditerranée". Elle a publié, entre autres, Conquérir et gouverner la Sicile islamique aux XIe et XIIe siècles, Rome, École française de Rome (Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, 346), 2011.


BIBLIOGRAPHIE :

Généralités

911-2011. Penser les mondes normands médiévaux, Actes du colloque de Cerisy (29 septembre-2 octobre 2011), D. BATES et P. BAUDUIN (dir.), Caen, Presses universitaires de Caen, 2016.
Les Normands, peuple d'Europe, 1030-1200, M. D'ONOFRIO (dir.), Paris, Flammarion, 1994.
• F. NEVEUX, L'Aventure des Normands, VIIIe-XIIIe siècle, Paris, Perrin, 2006.

Les vikings

• P. BAUDUIN, Histoire des vikings. Des invasions à la diaspora, Paris, Tallandier, 2019.
Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Actes du colloque de Cerisy (25-29 septembre 2002), P. BAUDUIN (dir.), Caen, Publications du CRAHM, 2005.
The Viking World, S. BRINK et N. PRICE (dir.), Londres et New York, Routledge, 2008.
• D. HADLEY, The Vikings in England, Settlement, Society and Culture, Manchester, Manchester University Press, 2006.
• K. HOLMAN, The Northern Conquest. Vikings in Britain and Ireland, Oxford, Signal Books, 2007.
• A. WINROTH, Au temps des Vikings, P. PIGNARRE (trad.), Paris, La Découverte, 2018.

La Normandie

• BATES (D.), Normandy before 1066, Londres et New York, Longman, 1982.
• D. BATES, Guillaume le Conquérant, Paris, Flammarion, 2019.
• P. BAUDUIN, La première Normandie (Xe-XIe siècles). Sur les frontières de la haute Normandie : identité et construction d'une principauté, Caen, Presses universitaires de Caen (Bibliothèque du pôle universitaire normand), 2004 (2e éd. 2006).
• M. HAGGER, Norman Rule in Normandy, 911-1144, Woodbridge, The Boydell Press, 2017.
• F. NEVEUX, La Normandie des ducs aux rois, Rennes, Ouest-France Université, 1998.

Les îles Britanniques et le monde anglo-normand

1066 in Perspective, D. BATES (dir.), Leeds, Royal Armouries Museum, 2018.
Conquests in Eleventh-Century England : 1016 1066, L. ASHE, E. J. WARD (dir.), Woodbridge, Boydell & Brewer, 2020.
• D. BATES, The Normans and Empire, Oxford, Oxford University Press, 2013.
• M. CHIBNALL, The Debate on the Norman Conquest, Manchester, Manchester University Press, 1999.
From the Vikings to the Normans, W. DAVIES (dir.), Oxford, Oxford University Press, 2003.
• R. R. DAVIES, Domination and conquest the experience of Ireland, Scotland and Wales, 1100-1300, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.
• H. M. THOMAS, The English and the Normans. Ethnic Hostility, Assimilation, and Identity, 1066-c. 1220, Oxford, Oxford University Press, 2003.

Les Normands en Méditerranée

• G. LOUD, The Age of Robert Guiscard. Southern Italy and the Norman conquest, Harlow, Longman (The medieval world), 2000.
• J.-M. MARTIN, Italies normandes, XIe-XIIe siècles, Paris, Hachette (La vie quotidienne), 1994.
Melfi normanna. Dalla conquista alla monarchia. Convegno internazionale di studio promosso per il millenario di fondazione della città fortificata di Melfi (1018-2018), Mefli, Dicembre 2020-Febbraio 2021, Mario Adda Editore, Bari, 2021.
• A. NEF, Conquérir et gouverner la Sicile islamique aux XIe et XIIe siècles, Rome, École française de Rome (Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, 346), 2011.
Les Normands en Méditerranée dans le sillage des Tancrède, Actes du colloque de Cerisy (24-27 septembre 1992), P. BOUET et F. NEVEUX (dir.), 2e éd., Caen, Presses universitaires de Caen, 2001.
• A. PETERS-CUSTOT, Les Grecs de l'Italie méridionale post-byzantine (IXe-XIVe siècle). Une acculturation en douceur, Rome, École française de Rome (Collection de École française de Rome, 420), 2009.


SOUTIENS :

• Direction régionale des affaires culturelles Normandie (DRAC)
Centre Michel de Boüard · CRAHAM (UMR 6273) | Université de Caen Normandie
• Maison de la Recherche en Sciences Humaines (MRSH) | Université de Caen Normandie
• Office universitaire d'études normandes (OUEN) | Université de Caen Normandie
Caen la Mer
Ville de Caen
• Centre de recherches en histoire internationale et atlantique (CRHIA, UR 1163) | Nantes Université / La Rochelle Université
École française de Rome

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


PENSER LES SOCIÉTÉS ET LES POUVOIRS AVEC MAX WEBER

VERS UNE "SCIENCE DE LA RÉALITÉ" ?


DU LUNDI 26 SEPTEMBRE (19 H) AU DIMANCHE 2 OCTOBRE (14 H) 2022

[ colloque de 6 jours ]


"Le monde moderne, un monde rationalisé ?"


DIRECTION :

Félix BLANC, Raphaëlle LAIGNOUX, Francisco ROA BASTOS, Victor STRAZZERI


ARGUMENT :

Depuis un siècle, les travaux de ce grand savant allemand servent de référence aux sciences humaines et sociales. Fondées sur l'étude approfondie de différentes périodes historiques (de l'Antiquité grecque et romaine à la modernité occidentale, en passant par plusieurs cultures orientales), ses analyses de la construction des groupes sociaux (religieux, économiques et politiques), des motivations de l'action sociale ou encore des modes de légitimation des pouvoirs, permettent d'articuler l'étude des structures macrosociales et celle des actions individuelles dans toute leur complexité. Ces travaux comparatifs offrent, aujourd'hui encore, et peut-être plus que jamais, des outils précieux pour analyser notre temps. Pour peu qu'elle soit lue, discutée, voire critiquée, l'œuvre de Max Weber, un siècle après sa mort, ne cesse de remuer la pensée.

Ce colloque aura donc pour objectif de proposer un examen collectif des divers apports des travaux de Max Weber, et des usages qui peuvent en être faits pour mieux comprendre les sociétés contemporaines. Il s'agira d'évaluer le programme de connaissance wébérien, qui vise à jeter les bases d'une "science de la réalité" (Wirklichkeitswissenschaft), et à étudier la circulation comme la réception de ses travaux hors d'Allemagne et dans différentes disciplines (aussi bien l'histoire que la sociologie, la philosophie, le droit, l'économie et la science politique). Cette rencontre, qui se veut largement ouverte, rassemblera à la fois des spécialistes de la pensée de Weber mais aussi, et surtout, toute personne intéressée par la manière dont ce "classique des sciences sociales" peut aider à mieux penser la réalité actuelle, et ce afin d'y mieux agir.

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2020, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2020 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Capitalisme, Croyances et valeurs, Déterminants de l'action, Domination, Économie politique, Épistémologie des sciences sociales, Éthique, Histoire comparée, Légitimation politique, Rationalités, Sociologie allemande, Sociologie compréhensive, Sociologie des religions, Weber (Max)


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 26 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mardi 27 septembre
L'HISTOIRE A-T-ELLE UN (SEUL) SENS ? PENSER LE CHANGEMENT HISTORIQUE AVEC WEBER [présentation]
Matin
Raphaëlle LAIGNOUX, Francisco ROA BASTOS & Victor STRAZZERI : Pourquoi relire et utiliser Max Weber aujourd'hui ? (Introduction générale)
Hinnerk BRUHNS : Max Weber et l'analyse historique des formes et institutions économiques

Après-midi
Julien FAGUER : La terre et le marché du crédit en Grèce ancienne : une perspective wébérienne
Pierre-Henri ORTIZ : Les prophètes contre la République : une lecture wébérienne des conflits religieux à Rome


Mercredi 28 septembre
Matin
COMMUNAUTÉS, INDIVIDUS, IDENTITÉS. UNE SOCIÉTÉ OUVERTE EST-ELLE POSSIBLE ? [présentation]
Mathurin SCHWEYER : La sociologie de la domination comme critique du pouvoir : Weber et l'histoire politique de l'autorité familiale
Elisabeth KAUFFMANN : Max Weber et les communautés

Discussion collective de la postface de Catherine Colliot-Thélène dans Max Weber, Les Communautés, Paris, 2019 : "Les Communautés de Max Weber : quelle actualité ?" (p. 265-296)

Après-midi
PEUT-IL Y AVOIR UN POUVOIR LÉGITIME ? TRADITION, CHARISME, BUREAUCRATIE : APPORTS ET LIMITES DU TRIPTYQUE WÉBÉRIEN DE LA LÉGITIMITÉ DU POUVOIR [présentation]
Patrice DURAN : Penser la légitimité avec Max Weber, la "portée" d’un classique
Jean-Michel DAVID : Magistratures, autorité, adhésion et dépendance dans la Rome républicaine à la lumière des définitions wébériennes du charisme [visioconférence]
Alexis FONTBONNE : Une bureaucratie charismatique : l'institution ecclésiastique à partir du XIe siècle [visioconférence]

Soirée
Hommage à Catherine Colliot-Thélène


Jeudi 29 septembre
PEUT-IL Y AVOIR UN POUVOIR LÉGITIME ? TRADITION, CHARISME, BUREAUCRATIE : APPORTS ET LIMITES DU TRIPTYQUE WÉBÉRIEN DE LA LÉGITIMITÉ DU POUVOIR (suite) [présentation]
Matin
Yves SINTOMER : Repenser la sociologie historique de Weber au XXIe siècle [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Didier GEORGAKAKIS : L'Europe peut-elle être gouvernée par une personnalité charismatique ? Sur quelques contractions théoriques et empiriques du "leardership politique" de l'UE

Après-midi
Federico TARRAGONI : L'inspiration wébérienne d'une sociologie du politique
Dominique LINHARDT : Le concept de monopole de la violence légitime dans l'œuvre de Max Weber : une approche de sociologie de la connaissance
Edith HANKE : Les luttes de Max Weber avec le concept de "démocratie". Un plaidoyer pour la sociologie politique


Vendredi 30 septembre
CULTURE, CROYANCES ET CONDUITES DE VIE [présentation]
Matin
Thomas KEMPLE : The Rationalizations of Culture and their Directions
Isabelle KALINOWSKI : Fides implicita. Weber et la notion d'obéissance [visioconférence]

Discussion collective du texte de Marianne Weber "Autorität und Autonomie in der Ehe", in Marianne Weber, Frauenfragen und Frauengedanken, Tübingen, 1919 [1912], p. 67-79 (cf. aussi la traduction anglaise commentée par C.R. Bermingham in Sociological Theory, 2003, 21, p. 85-102)

Après-midi
DÉTENTE

Soirée
Présentation du projet de numérisation de la Max Weber-Gesamtsaugabe (MWG), par Edith HANKE


Samedi 1er octobre
CULTURE, CROYANCES ET CONDUITES DE VIE (suite) [présentation]
Matin
Julia CHRIST : Politique des prophètes, politique de la sociologie
Jean-Philippe HEURTIN : La sociologie de Max Weber est-elle sans société ?

Après-midi
Hans-Peter MÜLLER : Max Weber : The Making of an Improbable Classic [visioconférence]
Philippe CHANIAL : Les idées, les valeurs et les intérêts dans l'anthropologie wébérienne
Victor STRAZZERI : La géographie des concepts : Weber vu de l'espace


Dimanche 2 octobre
LA VOCATION DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES AUJOURD'HUI : CONCLUSION ET DISCUSSIONS
Matin
Michel DOBRY : La sociologie de Max Weber et quelques problèmes actuels des sciences sociales

Discussion et Conclusion générale

Après-midi
DÉPARTS


PRÉSENTATION DES JOURNÉES :

L'histoire a-t-elle un (seul) sens ? Penser le changement historique avec Weber
L'œuvre de Max Weber est à la fois profondément historique et tout à fait opposée à l'idée d'une téléologie ou d'une philosophie de l'Histoire. Contrairement à l'image qui en est parfois donnée, le travail de Weber n'a pas consisté à mettre en évidence les déterminants de la rationalisation du monde (et de son désenchantement) sur le mode d'un "développement" naturel et nécessaire, mais plutôt à mettre en évidence les particularités d'une rationalisation particulière, parmi d'autres : celle qui s'est opérée en Occident à partir de l'affirmation du capitalisme moderne, caractérisé avant tout par "l'organisation rationnelle du travail formellement libre" (Sociologie des religions, p. 497). Tout le travail comparatif de Weber dans sa sociologie des religions, et plus largement dans son économie politique et sa sociologie politique, a consisté à mettre en évidence les types humains variés, produits par différentes configurations sociales et rationalisations historiques particulières. Ce qui l'a conduit également à distinguer, dans chaque société, différents "ordres de vie" (Lebensordnungen, Lebenssphären ou Lebensbereichen) dont les transformations et évolutions sont désynchronisées. Tout ne change pas partout et tout le temps à la même vitesse, chez Weber, et l'histoire n'a pas un sens particulier. L'idée de progrès elle-même semble donc étrangère à celui qui s'attache plutôt à montrer la réduction des "chances" et des possibilités de vie qu'entraîne toute consolidation d'un système d'action particulier, comme la "cage d'acier" du capitalisme moderne, une fois délaissée par son éthique initiale. Mais Weber donne aussi les outils pour penser le changement social et la "possibilité même de l'inédit en histoire"(1), toujours possible mais dont le sens n'est jamais prévisible à l'avance.
Cette première journée sera donc consacrée principalement à la conception de l'histoire et des temporalités du changement social chez Max Weber. Qu'est-ce qui change quand ça change ? Pourquoi les "ordres de vie" ne changent-ils pas à la même vitesse et dans la même direction dans une société donnée ? Plus particulièrement : quel usage peut-on faire de l'anthropologie historique culturelle et comparée de Weber aujourd'hui, à l'heure où la "globalisation" semble à la fois entraîner la diffusion mondiale du capitalisme moderne, et l'apparition d'un "néo-capitalisme" et de nouveaux types humains dominants ?

(1) Catherine Colliot-Thélène, La sociologie de Max Weber, Paris, PUF, 2014, p. 99.


Communautés, individus, communautés, identités. Une société ouverte est-elle possible ?
La traduction récente en français du volume I/22-1 de la Max Weber Gesamtausgabe (MWG)(2) intitulé Les communautés (Wirtschaft und Gesellschaft. Gemeinschaften), permet aujourd'hui de mieux saisir la cohérence du travail de Max Weber sur cette question centrale de Économie et société, ainsi que de traduire des textes jusqu'ici inédits en français. Auparavant dispersés dans différents chapitres des éditions successives de l'ouvrage posthume de Weber, ce travail éditorial permet de réinterroger aujourd'hui la conception des groupes sociaux de Weber, et l'usage que l'on peut en faire pour penser différentes périodes historiques, dont notre monde contemporain.
À l'opposition bien connue entre Vergemeinschaftung ("communautarisation" ou "communalisation") et Vergesellschaftung ("sociétisation" ou "sociation"), qui distingue les groupes fondés soit sur la base d'un sentiment d'appartenance subjectif, soit sur l'accord conventionnel d'intérêts particuliers, il faut ajouter l'étude des "puissances sociales" diverses qui contribuent à créer ces groupes sociaux, que celles-ci soient liées aux dynamiques (et aux contraintes) économiques, juridiques, politiques mais aussi culturelles ou idéelles dans lesquelles ces groupes évoluent. La formation de chaque communauté particulière est ainsi explicable par différents facteurs sociaux mais aussi par différentes "visions du monde", qui changent selon les groupes, les époques, les cultures, et qui contribuent à forger l'individu et ses caractéristiques, en d'autres termes son "identité".
Mais l'on oublie parfois qu'en mettant l'étude des communautés et des individus qui les composent au cœur de sa sociologie, Max Weber a aussi posé la question des frontières de ces groupes et de ces communautés, que l'on parle de la famille, de la nation, de l'État ou d'associations aux formes diverses, économiques, religieuses ou politiques. Car faire communauté, c'est tracer une ligne (spatiale, économique, politique ou "culturelle") entre son groupe et les autres. C'est aussi, peut-être, poser la question du dépassement éventuel de ces frontières, que ce soit sous la forme déjà ancienne des cosmopolitismes, ou sous celle plus récente des ou du "Commun(s)".
Cette journée s'intéressera donc à la façon dont Weber a conceptualisé les différents types de groupes et leurs rapports, mais aussi à la manière dont on peut s'appuyer sur ses travaux pour penser l'identité et les frontières. Comment s'articulent, aujourd'hui comme hier, "société ouverte" et communautés d'appartenance ou d'intérêts ? Un monde absolument ouvert est-il synonyme de solidarité, ou au contraire de compétition généralisée ? Comment se font et se défont les identités ? Voilà certaines des questions que nous souhaiterions poser lors de cette journée.

(2) Traduction de Catherine Colliot-Thélène et Elisabeth Kauffmann, aux éditions La Découverte, en 2019.


Peut-il y avoir un pouvoir légitime ? Tradition, charisme, bureaucratie : apports et limites du triptyque wébérien de la légitimité du pouvoir
La sociologie politique de Max Weber est parfois résumée au fameux triptyque de la légitimité du pouvoir et à ses idéaltypes bien connus : pouvoir traditionnel, pouvoir charismatique et pouvoir légal-rationnel (représenté notamment par le pouvoir bureaucratique dans la modernité occidentale). Toujours mêlés dans la réalité empirique, ils servent à Max Weber de pierres de touche conceptuelles, à l'aune desquelles on peut chercher à comprendre et expliquer les diverses configurations de pouvoir à des époques très différentes, et les revendications de légitimité qui l'accompagnent. La traduction récente par Isabelle Kalinowski du volume I/22-4 de la MWG, La domination (Herrschaft)(3), a permis de renouveler pour le public francophone la compréhension de la sociologie politique de Weber, et de lui redonner toute son ampleur originale qui s'étend bien au-delà des trois modes de légitimation du pouvoir. L'édition et la traduction des Œuvres politiques (1895-1919) de Max Weber(4) (mais aussi celle des 11 volumes de sa correspondance dans la Section II de la MWG), a apporté un complément très appréciable pour le public francophone, en permettant de mieux saisir l'engagement personnel de Weber dans la politique de son temps, et l'articulation souvent difficile entre réalité empirique de ces engagements et analyse sociologique à distance. Les débats — toujours ouverts — sur la question de la place éventuelle dans l'économie conceptuelle wébérienne d'un type de légitimité spécifiquement démocratique, ou ceux sur la définition du charisme et sa portée(5), montrent à quel point la sociologie politique de Weber continue, tout comme sa sociologie du droit, d'être utile pour penser les évolutions politiques actuelles et du passé, malgré les difficultés qu'elle soulève.
Cette journée se penchera donc sur la dimension proprement politique de l'œuvre de Weber, pour poser mais aussi recontextualiser la question de la légitimité et de la légitimation du pouvoir, qu'elle soit traditionnelle, charismatique ou légal-rationnelle. Au cœur de ces interrogations, on trouve en effet la tension qui oppose le "savant et le politique" Weber. En tant que savant, Weber semble en effet réfuter toute légitimité au pouvoir, quel qu'il soit, si par légitimité on entend le consentement rationnel en valeur et l'absence de domination. Tout pouvoir est nécessairement, pour Weber, l'affirmation d'une domination d'un groupe sur un ou plusieurs autres, et en tant que tel on ne peut vouloir s'y soumettre. Mais le Weber politique, celui par exemple des Œuvres politiques, n'aura de cesse, jusqu'à la fin de sa vie, de chercher les moyens et les dispositifs susceptibles de rendre les démocraties bureaucratisées et "impersonnelles" de son temps un peu plus "légitimes", par exemple en y introduisant une dose de charisme : c'est le fameux "tournant césariste" des démocraties qu'on a voulu voir dans ces écrits. Comment penser, ensemble, l'œuvre du savant et du politique Weber ? Comment définir et traduire, avec ou contre Weber, ces concepts politiques polysémiques comme Herrschaft ou Macht, qui sont au fondement de son système conceptuel ? Faut-il en finir avec ces idéaltypes imparfaits que sont le "charisme", le "pouvoir traditionnel" ou encore l'autorité "légal-rationnelle", que lui-même considérait comme des "concepts provisoires" ? En somme, comment penser aujourd'hui la politique et le pouvoir à partir des travaux de Weber, quitte à en pointer les limites et les adaptations nécessaires ?

(3) Max Weber, La domination, Paris, La Découverte, 2014, traduction d'Isabelle Kalinowski, introduction d'Yves Sintomer.
(4) Traduction d'Elisabeth Kauffmann, Jean-Philippe Mathieu et Marie-Ange Roy, aux éditions Albin Michel, 2004.
(5) Qu'on a tenté récemment de synthétiser et d'éclairer, dans le volume collectif Que faire du charisme? Retours sur une notion de Max Weber, Rennes, PUR, 2014.


Culture, croyances et conduites de vie
Quelle place accorder aux "croyances" (à supposer que l'on puisse s'entendre sur une définition de ce terme) dans les processus historiques et sociaux ? Les "idées", les "convictions personnelles", les "visions du monde" peuvent-elles contribuer à expliquer les dynamiques de l'action sociale ? Ou faut-il n'y voir que des épiphénomènes résiduels, des discours de légitimation que l'on (se) donne pour justifier et rationaliser a posteriori des intérêts ou des contraintes sociales jugées moins avouables ? À ces questions, la "sociologie compréhensive" de Max Weber apporte des réponses nuancées, qui donnent néanmoins au sens subjectif visé par les acteurs une place centrale.
De la définition de l'action sociale dans les premiers paragraphes des premières éditions de Wirtschaft und Gesellschaft ("Nous entendons par […] action "sociale", l'action qui, d'après son sens visé par l'agent ou les agents, se rapporte au comportement d'autrui, par rapport auquel s'oriente son déroulement.") aux considérations de la Sociologie des religions sur le rôle (indirect) des "idées" dans l'histoire ("Ce sont les intérêts […] et non les idées qui gouvernent directement l'action des hommes. Toutefois, les "images du monde" qui ont été créées par le moyen d'"idées" ont très souvent joué le rôle d'aiguilleurs, en déterminant les voies à l'intérieur desquelles la dynamique des intérêts a été le moteur de l'action"(6).), Max Weber a mis au cœur de ses analyses la question de la place qu'il convient d'accorder aux idées et aux "conduites de vie" (Lebensführungen) qu'elles peuvent influencer, au moins partiellement. C'est cette interrogation qui est bien sûr au cœur de sa sociologie des religions et de leur "éthique économique", et notamment de Die protestantische Ethik und der Geist des Kapitalismus, comme l'ont bien montré les travaux d'Isabelle Kalinowski. Mais c'est cette question que pose aussi indirectement toute sa sociologie politique et notamment la fameuse formulation du "comme si" : que les gouvernés / dominés "croient" ou pas sincèrement aux revendications de légitimité des prétendants au pouvoir, ce qui compte avant tout pour Weber c'est qu'ils agissent comme s'ils y croyaient, quelles que soient par ailleurs leurs motivations profondes, comme l'a montré par exemple Michel Dobry(7). Pour Weber : ""L'obéissance" signifie que l'action de celui qui obéit se déroule, en substance, comme s'il avait fait du contenu de l'ordre la maxime de sa conduite"(8). Rien n'indique si les individus adhèrent ou non intimement aux croyances qu'ils affichent, mais ces croyances affichées n'en constituent pas moins les supports possibles de "conduites de vie" et d'éthiques qui, pour des raisons diverses, peuvent "aiguiller" l'action et la "dynamique des intérêts". En tant que telles, elles rendent tout simplement possible l'entreprise scientifique même d'une sociologie de la "compréhension" des acteurs sociaux, par interprétation de leurs "conduites de vie" et de leurs "personnalités" (ou "types humains").
Cette dernière journée aura donc pour but de discuter la place des croyances et des idées dans l'œuvre de Weber, pour tenter de mieux comprendre les usages que l'on peut en faire pour comprendre et expliquer différentes configurations sociales.

(6) Sociologie des religions, Paris, Gallimard, trad. J.-P. Grossein, 1996, p. 349-350.
(7) Michel Dobry, "Légitimité et calcul rationnel. Remarques sur quelques "complications" de la sociologie de Max Weber", dans Pierre Favre, Jack Hayward, Yves Shemeil (dir.), Être gouverné : études en l'honneur de Jean Leca, Paris, FNSP, 2003, p. 127-150.
(8) Économie et société, Plon, 1971, ch. III, p. 288.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Hinnerk BRUHNS : Max Weber et l'analyse historique des formes et institutions économiques
Les études historiques que Max Weber a consacrées aux formes et institutions économiques ne peuvent être traitées séparément de son intérêt global pour les liens entre économie et société, entre formes d'économie et de pouvoir. Ses analyses de l'économie moderne, et plus particulièrement du capitalisme d'entreprise bourgeois moderne avec son organisation du travail (formellement) libre, sont largement basées sur des études comparatives des formes et institutions économiques dans des sociétés très éloignées dans le temps et l'espace. Une question directrice centrale est ici celle des différents facteurs (politiques, économiques, sociaux, géographiques, mentaux, etc.) qui ont favorisé ou empêché un développement particulier des formes et institutions économiques.

Hinnerk Bruhns est directeur de recherche émérite au CNRS, membre du Centre de recherches historiques (EHESS/CNRS) à Paris. Il est fondateur et rédacteur en chef de la revue Trivium. Revue franco-allemande de sciences humaines et sociales.
En savoir plus : http://crh.ehess.fr/index.php?/membres/97
Publications récentes
Max Webers historische Sozialökonomie / L'économie de Max Weber entre histoire et sociologie, Wiesbaden, Harrassowitz, 2014.
Max Weber und der Erste Weltkrieg, Tübingen, Mohr Siebeck, 2017.

Jean-Michel DAVID : Magistratures, autorité, adhésion et dépendance dans la Rome républicaine à la lumière des définitions wébériennes du charisme
La notion de charisme tient une place importante dans la pensée de Max Weber. Elle est sans doute aussi la forme de domination la plus difficile à définir. Instable, elle a fortement tendance à évoluer vers les autres formes de domination (bureaucratique, patriarcale, etc…) tant elle est sensible à tous les processus de routinisation qui lui font perdre de son caractère original. Un rapprochement avec les définitions et le fonctionnement des magistratures romaines républicaines permet, grâce à l'étude de cas, de faire apparaître des processus où la pertinence de l'heuristique wébérienne peut être vérifiée, mais aussi d'autres où, au contraire, elle apparaît comme ne répondant pas à la complexité des relations entre l'Amtscharisma, le Personalcharisma, l'Erbscharisma, ainsi qu'au rôle d'une Veralltäglichung généralement combattue par des acteurs soucieux de se distinguer.

Jean-Michel David, né en 1947, est agrégé d'Histoire, ancien membre de l'École française de Rome, professeur successivement aux universités de Strasbourg et de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses travaux portent sur l'Histoire politique, sociale et culturelle de la République romaine.
Principales publications
Le patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine (1992).
La romanisation de l'Italie (1994).
La République romaine, crise d'une aristocratie (2000).
Au service de l'honneur, les appariteurs de magistrats romains (2019).

Michel DOBRY : La sociologie de Max Weber et quelques problèmes actuels des sciences sociales
Cette communication prendra pour point de départ certaines des "complications" qui jalonnent l'œuvre de Weber. Comme on le verra à propos de plusieurs des thèmes ou objets abordés par le colloque (en particulier la manière dont sont pensés les processus historiques, la légitimité et les modes de domination ou encore la place des croyances dans la théorie de l'action), ces "complications", parce qu'elles révèlent en fait ce sur quoi butte, dans son appréhension de la réalité sociale, la démarche de Weber, sont intéressantes en ce qu'elles éclairent son projet de "sociologie compréhensive" et surtout en ce qu'elles constituent simultanément un levier permettant de mieux cerner plusieurs des difficultés critiques caractérisant l'état actuel des sciences sociales.

Michel Dobry est professeur émérite à la Sorbonne (Université Paris 1). Ses travaux portent notamment sur les conjonctures critiques, la causalité historique, l'émergence de phénomènes charismatiques, les processus de légitimation et de délégitimation, les poussées autoritaires et fascistes dans l'Europe de l'entre-deux-guerres ou encore les "transitions" vers la démocratie.
Publications
"Légitimité et calcul rationnel. Remarques sur quelques "complications" de la sociologie de Max Weber", in Favre P., Hayward J.E.S., Shemeil Y. (dir.), Être gouverné : études en l'honneur de Jean Leca, Paris, FNSP, 2003, p. 127-150.
"Hitler, Charisma and Structure : Reflections on Historical Methodology", Totalitarian Movements and Political Religions, 2006, vol.7, n°2, p. 157-171.
Sociologie des crises politiques, Paris, 2009 [1986].

Julien FAGUER : La terre et le marché du crédit en Grèce ancienne : une perspective wébérienne
L'œuvre économique de Max Weber est principalement connue des historiens de l'Antiquité à travers la médiation de Moses Finley, qui a contribué à l'enfermer dans un schéma statique, d'inspiration polanyienne, opposant nos économies capitalistes contemporaines aux économies pré-modernes "encastrées" dans la sphère du politique. Loin de se résumer cependant à des oppositions binaires entre cité antique et ville médiévale, ou à une vision téléologique qui aurait pour principal horizon l'"éthique protestante" et le capitalisme d'entreprise, tout un pan de l'œuvre de Weber peut se lire comme un dialogue engagé avec les historiens de profession autour des facteurs du changement et des outils conceptuels permettant de l'appréhender. À travers l'exemple du marché de la terre et du crédit dans la Grèce d'époque classique et hellénistique, on s'intéressera ici à l'apport de son approche et notamment du raisonnement par idéal-types pour penser le changement historique et la relation entre "micro" et "macro" — entre les orientations définies par l'État et les dispositions individuelles des agents économiques.

Membre scientifique de l'École française d'Athènes, Julien Faguer soutient au printemps une thèse de doctorat en histoire économique du monde égéen aux époques classique et hellénistique ("La terre et l'argent : marché de la terre et marché du crédit à Athènes et dans les îles de l'Égée, ca. 400-100 av. n. è."), dans laquelle il s'intéresse en particulier au rôle de l'État dans la formation d'un marché de la terre et dans la définition des règles encadrant l'accès à ce marché.

Alexis FONTBONNE : Une bureaucratie charismatique : l'institution ecclésiastique à partir du XIe siècle
Le caractère consubstantiel du charisme et de la bureaucratie a été identifié par Max Weber lui-même. Aller plus loin que l'idée de combinaison des idéaux-types ne réduit pas nécessairement cette unité à la dimension charismatique de tout pouvoir. On s'intéressera ici à l'unité structurelle qui existe entre charisme et bureaucratie dans l'expression de leurs proto-types respectifs issus du christianisme médiéval : l'Esprit et l'institution ecclésiastique. C'est par l'Esprit-Saint — expression du charisme chrétien à partir duquel Max Weber a développé sa réflexion sur la domination charismatique — que l'Église se transforme en un appareil bureaucratique séparé du monde, devenant le cadre et le modèle par lequel et contre lequel s'est constitué l'État occidental. Cette approche conduira de fait à reprendre la question de la routinisation de la domination charismatique et des rapports entre les principales formes de domination.

Alexis Fontbonne est membre associé du Césor. Sa thèse consacrée à l'histoire sociale de l'Esprit-Saint au Moyen Âge est en cours de publication : Vol. 1 De l'amour divin à l'aumône laïque, Paris, Beauchesne, 2020, Vol. 2 Hommes spirituels et bureaucratie charismatique (à paraître). Il travaille actuellement à une sociologie médiévale, fondée sur une réflexivité historique sur les concepts sociologiques (Introduction à la sociologie médiévale, Paris, CNRS, en cours de publication).

Edith HANKE : Les luttes de Max Weber avec le concept de "démocratie". Un plaidoyer pour la sociologie politique
En général Max Weber met la notion de la "démocratie" entre guillemets, peu importe s'il l'utilise pour l'Antiquité ou l'époque moderne. Cela signale une distance et un scepticisme. On peut constater ce scepticisme également dans son refus d'établir, à côté de ses trois types de dominations légitimes bien connus, un quatrième type. Que veut dire "pouvoir du peuple" si l'on veut le traduire littéralement ? Jamais dans l'histoire de presque toute civilisation la totalité des citoyens, ou habitants d'une communauté politique, n'a participé au pouvoir d'une manière active. En général le droit d'y participer était réservé à de petits groupes exclusifs. Sur ce point la démocratie de masse moderne constitue le premier essai consistant à faire participer l'ensemble des habitants au pouvoir. Mais le scepticisme persiste : qui exerce réellement le pouvoir ? Weber invite à considérer l'ensemble des conditions politiques et sociales tout en posant la question de la genèse historique des structures de domination d'aujourd'hui.

Edith Hanke est assistante de recherche (depuis 1990) et rédactrice en chef (depuis 2005) de l'édition complète historico-critique de Max Weber (Max Weber-Gesamtausgabe) à l'Académie Bavaroise des Sciences et des Humanités, Munich. Elle a édité la "Sociologie de la domination" (2005 et 2013) et, avec Rita Aldenhoff-Hübinger, les "Lettres choisies" de Max Weber. Elle s'intéresse particulièrement à la réception mondiale de l'œuvre de Max Weber.

Pierre-Henri ORTIZ : Les prophètes contre la République : une lecture wébérienne des conflits religieux à Rome
Sous la République et l'Empire, les autorités politiques romaines se sont attachées à neutraliser et à marginaliser (parfois brutalement) les pratiques prophétiques et extatiques venues d'Orient. Durant l'Antiquité tardive, à l'inverse, les autorités religieuses chrétiennes mettent elles-mêmes en œuvre la prophétie sous des formes domestiquées pour consolider leur position vis-à-vis des membres de la communauté comme du pouvoir séculier. La sociologie des religions de M. Weber permet de penser les attitudes du sacerdoce romain traditionnel et du sacerdoce chrétien face à la communion directe entre hommes et dieux, dans ce qui les différencie comme dans leur continuité.

Pierre-Henri Ortiz est maître de conférences en histoire romaine à l'université d'Angers (TEMOS, CNRS UMR 9016). Il a examiné le rapport des autorités romaines à la prophétie dans le premier chapitre de sa thèse (Furor et insania. Conceptions, traitements et usages de la folie dans le monde romain), après avoir consacré plusieurs articles aux usages de la prophétie par les autorités chrétiennes d'Occident (notamment Le scandale de la possession démoniaque à l'épreuve de la Systemtheorie de Niklas Luhmann).

Yves SINTOMER : Repenser la sociologie historique de Weber au XXIe siècle
L'un des cœurs du travail de Weber a été de penser ce qui apparaissait comme la caractéristique centrale de son temps, à savoir la domination de l'Occident sur la totalité du globe — à travers l'État rationnel, le capitalisme moderne et les conduites de vie liées au désenchantement du monde. Sa sociologie historique représente une tentative inégalée à son époque pour analyser cette question sans recourir à une téléologie ou à l'histoire universelle, et en prenant au sérieux la pluralité du monde. Pourtant, Weber semble moins sensible que d'autres observateurs à la césure historique majeure que représente la Guerre de 1914-1918. Il reste dans une certaine mesure prisonnier de son époque lorsqu'il affirme la supériorité empirique (plutôt qu'éthique) de l'Occident. Au XXIe siècle, à l'heure de la globalisation et dans un contexte historique radicalement différent, comment repenser l'approche wébérienne, en particulier en la confrontant à l'histoire globale et à l'histoire connectée ?

Yves Sintomer est professeur de science politique, Université de Paris 8, chercheur à la Maison française d'Oxford, et membre associé au Nuffield College et au DPIR, Université d'Oxford. Il a été directeur adjoint du Centre Marc Bloch (Berlin), et membre senior de l'Institut Universitaire de France. Il a notamment publié La démocratie impossible ? Politique et modernité chez Weber et Habermas (1999) et édité la traduction française de La domination (2015).

Federico TARRAGONI : L'inspiration wébérienne d'une sociologie du politique
Dans cette communication, nous tâcherons de montrer que l'un des volets du projet sociologique wébérien est de contribuer à une analyse socio-historique du politique, entendu dans sa triple acception philosophique d'ensemble de rapports de pouvoir, d'ensemble d'institutions et de procédures du gouvernement et d'ensemble de modes d'action conflictuels en commun. Avec sa sociologie historique, Weber parvient à réarticuler trois concepts du politique : le pouvoir, le gouvernement et l'action. Son œuvre propose trois pistes, qui restent d'actualité pour une sociologie historique du politique dont l'objet excéderait la genèse du gouvernement représentatif (comme c'est souvent le cas en science politique). La première piste porte sur la comparaison des formes sociales de domination, dans des cadres étatiques ou non ; la deuxième porte sur l'analyse des effets des idéologies sur les modes d'action politique, et donc sur le rapport entre idéologie, subjectivité et action ; la troisième porte sur le mode d'imputation causale en sociologie, et la place qu'il réserve à la contingence et aux possibilités de l'agir humain (donc à sa liberté et créativité fondamentale).

Agrégé de Sciences économiques et sociales, Federico Tarragoni est actuellement Maître de conférences HDR à l'université de Paris et directeur du Centre d'études interdisciplinaires sur le politique. Il est spécialiste de sociologie politique et de théorie sociologique.
Publications
L'Énigme révolutionnaire, Prairies ordinaires, 2015.
Sociologies de l'individu, La Découverte, 2018.
L'esprit démocratique du populisme, La Découverte, 2019.


BIBLIOGRAPHIE :

• Aldenhoff-Hübinger R., Bruhns H., "Enquêtes rurales et industrielles : le chemin de Max Weber vers la sociologie", Revue des études sociales, Les Études Sociales, n°167-168, 2018, p. 335-362.
• Aldenhoff-Hübinger R., "Les intégrales de Max Weber : l'achèvement de l'édition critique d'une œuvre transdisciplinaire" (trad. par M. Floc'h), in Les Études Sociales, n°171-172, 2020, S. 211-222.
• Beetham D., Max Weber and the Theory of Modern Politics, Cambridge, Polity Press, 1985.
• Bendix R., Max Weber : An Intellectual Portrait, Garden City, N.Y, Doubleday, 1960.
• Bernadou V., Blanc, F., Laignoux R., Roa Bastos F., Que faire du charisme ? Retour sur une notion de Max Weber, PUR, 2014.
• Besnard P., Protestantisme et capitalisme. La controverse post-wébérienne, Armand Colin, 1970.
• Bouretz P., Les promesses du monde. Philosophie de Max Weber, Paris, Gallimard, 1996.
• Breuer S., Max Webers Herrschaftssoziologie, Frankfurt/New York, Campus Verlag, 1991.
• Bruhns H., Andreau J. (dir.), Sociologie économique et économie de l'Antiquité. À propos de Max Weber, Cahiers du Centre de recherches historiques, EHESS-CNRS, 2004.
• Bruhns H., Duran P. (dir.), Max Weber et le politique, Paris, LGDJ, 2009.
• Collins R., Weberian Sociological Theory, Cambridge, Cambridge UP, 1986.
• Colliot-Thélène C., Max Weber et l'histoire, Paris, PUF, 1990.
• Colliot-Thélène C., Le désenchantement de l'État. De Hegel à Max Weber, Éd. de Minuit, 1992.
• Colliot-Thélène C., Études wébériennes, Paris, PUF, 2001.
• Colliot-Thélène C., La sociologie de Max Weber, Paris, La Découverte, 2014.
• Coutu M., Max Weber et les rationalités du droit, LGDJ, 1995.
• Dobry M., "Légitimité et calcul rationnel. Remarques sur quelques "complications" de la sociologie de Max Weber", in Favre P., Hayward J.E.S., Shemeil Y. (dir.), Être gouverné : études en l'honneur de Jean Leca, Paris, FNSP, 2003, p.127-150.
• Dobry M., "Hitler, Charisma and Structure : Reflections on Historical Methodology", Totalitarian Movements and Political Religions, 2006, vol.7, n°2, p. 157-171.
• Gaïti B., "La décision à l'épreuve du charisme. Le général de Gaulle entre mai 1968 et avril 1969", Politix, n°82, vol. 2, 2008, p.39-68.
• Ghosh P., Max Weber in Context. Essays in the History of German Ideas, c. 1870-1930, Harrassowitz Verlag, 2016.
• Giddens A., Politics and Sociology in the Thought of Max Weber, London, MacMillan, 1972.
• Grossein J.-P., "De l'interprétation de quelques concepts wébériens", RFS, 46-4, octobre-décembre 2005, p.685-722.
• Grossein J.-P., "Max Weber "à la française". De la nécessité d'une critique des traductions", RFS, 46-4, octobre-décembre 2005, p.883-904.
• Hanke E., Scaff L., Whimster S. (eds.), The Oxford Handbook of Max Weber, Oxford, Oxford University Press, 2019.
• Hennis W., La problématique de Max Weber, PUF, 1996 (1987).
• Hennis W., Max Webers Wissenschaft vom Menschen, Tübingen, Siebeck, 1996.
• Heurtin J.-P., Molfessis N. (dir.), La sociologie du droit de Max Weber, Paris, Dalloz, 2006.
• Heurtin J.-P., "Weber lecteur de Rudolph Sohm, et l'inachèvement du concept de charisme de fonction", in Bernadou V., Blanc F., Laignoux R., Roas Bastos F., Que faire du charisme. Retour sur une notion de Max Weber, PUR, 2014.
• Hirschhorn M., Max Weber et la sociologie française, Paris, L'Harmattan, 1988.
• Kaesler D., Max Weber. Sa vie, son œuvre, son influence, Paris, Fayard, 1995.
• Kalberg S., Les valeurs, les idées et les intérêts. Introduction à la sociologie de Max Weber, Paris, La Découverte, 2010.
• Kershaw I., Hitler. A Profile of Power, Longman, Londres, 1991.
• Lascoumes P. (dir.), Actualité de Max Weber pour la sociologie du droit, Paris, LGDJ, 1995.
• Morcillo Á., Weisz E. (ed.), Max Weber en Iberoamérica. Nuevas interpretaciones, estudios empíricos y recepción, México, CIDE/CFE, 2016.
• Morcillo Á., "Aviso a los navegantes. La traduccion al español de Economia y sociedad de Max Weber", Estudios sociologicos, 32 (96), 709-766, 2012.
• Müller H.-P., Max Weber. Eine Einführung in sein Werk, Köln/Weimar/Wien, Böhlau UTB, 2007.
• Müller H.-P., "Wie ist Individualtität möglich ? Strukturelle und kulturelle Bedingungen eines modernen Kulturideals", Zeitschrift für Theoretische Soziologie, 01/2015, p.89-111.
• Oakes G., Weber and Rickert. Concept formation in the Cultural Sciences, MIT Press, 1988.
• Ouedraogo J.-M., "La réception de la sociologie du charisme de Max Weber", Archives De Sciences Sociales Des Religions, n°83 (1), 1993, p.141-57.
• Raynaud P., Max Weber et les dilemmes de la raison, PUF, 1987.
• Schluchter W., Religion und Lebensführung, Suhrkamp, 1988.
• Sintomer Y., La démocratie impossible ? Politique et modernité chez Weber et Habermas, Paris, La Découverte, 1999.
• Stamme Otto (ed.), Max Weber und die Soziologie heute. Verhandlungen des fünfzehnten deutschen Soziologentages, Tubingen, Mohr, 1965.
• Strazzeri V., "Max Weber and the "labour question" : an initial appraisal", Max Weber Studies, 15/1, 2015, p.69-100.
• Sunar L., Marx and Weber on Oriental Societies. In the Shadow of Westerne Modernity, Ashgate, 2014.
• Swedberg R., Max Weber and the Idea of Economic Sociology, Princeton, Princeton University Press, 1998.
• Tarragoni F., Sociologies de l'individu, Paris, La Découverte, 2018.
• Tribe K., "Talcott Parsons as Translator of Max Weber's Basic Sociological Categories", History of European Ideas, n°33, 212-233, 2007.
• Whimster S., The Essential Weber. A Reader, London Routledge, 2004.
• Whimster S., Understanding Weber, London, Routledge, 2007.
• Zimmerman A., "Decolonizing Weber", Postcolonial Studies, 2006, 9/1, p.53-79.


SOUTIENS :

Fondation Fritz Thyssen
• Laboratoire Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe (SAGE, UMR 7363) | Université de Strasbourg
Centre Marc Bloch
• Société des Amis de Raymond Aron (S.A.R.A.)

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


FUTURS DE L'OCÉAN, DES MERS ET DES LITTORAUX


DU SAMEDI 17 SEPTEMBRE (19 H) AU VENDREDI 23 SEPTEMBRE (14 H) 2022

[ colloque de 6 jours ]


© Observatoire de la Côte Aquitaine, Com' by AVM


DIRECTION :

Agathe EUZEN, Antoine FRÉMONT, Denis LACROIX


ARGUMENT :

L'importance de l'océan, des mers et des littoraux n'a jamais été aussi grande qu'en ce début du XXIe siècle tant pour les activités humaines que pour l'équilibre de la planète Terre. Ils jouent un rôle essentiel pour nourrir les sociétés, les approvisionner en ressources énergétiques ou minérales mais aussi comme support du transport maritime essentiel au commerce international, comme aires de loisir, et enfin comme espaces de projection militaire pour de nombreux États. Mais ils concentrent aussi de nombreuses pressions, souvent combinées : érosion, artificialisation, pollutions, migrations… Ils jouent aussi un rôle essentiel dans la machinerie climatique du monde. Se pose alors la question des visions du monde de demain pour ces espaces. Quelle mondialisation voulons-nous ? Au profit de qui ? Quelles relations entre les activités globalisées et les sociétés locales dont les littoraux, souvent excessivement anthropisés, forment l'interface ? Quels sont les seuils d’exploitation durable pour les ressources tirées de la mer ? Quelles mesures de préservation et de restauration sont à prendre pour sauvegarder l'équilibre général de l'écosystème terre-mer et ses fonctions vitales ?

Dans un climat global de scepticisme sur le discours scientifique, d'inquiétude sur les ressources et d'incertitude sur le changement global, il apparaît sur les enjeux marins une opportunité de réflexion lucide, responsable et mobilisatrice pour tous les acteurs et notamment les jeunes générations. Il s'agit donc de construire des visions de la mer et des littoraux en s'appuyant, d'une part, sur des regards croisés d'experts de plusieurs disciplines et, d'autre part, sur les pratiques professionnelles et les expériences citoyennes des acteurs. Peut-on montrer l'existence de voies de résilience face au changement global, de choix d'adaptation et d'atténuation, de moyens d'élaboration d'une économie bleue, des chemins de prise de conscience à l'échelle mondiale que la mer est un bien commun vital et fragile ?

Ce colloque s'adresse à tous les acteurs du monde maritime, à des chercheurs issus de disciplines variées, aux artistes ayant développé leur sensibilité et leur créativité avec la mer. Son ambition est de conduire une réflexion d'intelligence collective sur les problématiques actuelles liées à la mer et au littoral. Ses objectifs seront de trois types : préciser les enjeux de long terme de la mer et des littoraux à l'échelle de la France, dans l'UE et dans le monde ; croiser les approches de multiples disciplines sur ces enjeux afin de mieux saisir la complexité des systèmes impliqués et faire émerger les thèmes majeurs de recherche, de formation, de sensibilisation permettant de comprendre et de faire comprendre les dynamiques de l'Océan à diverses échelles ; enfin, esquisser les futurs possibles de ces milieux vitaux et discerner les choix qui conditionnent leur pérennité.


MOTS-CLÉS :

Biodiversité marine, Changement climatique, Cours d'eau, Développement durable, Économie maritime, Écosystèmes marins, Fonds sous-marins, Futurs, Gouvernance, Îles, Imaginaire, Littoraux, Mer, Montée de la mer, Océan, Pêches, Perception, Ports, Prospective, Science-fiction


CALENDRIER DÉFINITIF :

Samedi 17 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Dimanche 18 septembre
PERCEPTIONS ET IMAGINAIRES DE LA MER
Matin
Agathe EUZEN (CNRS), Antoine FRÉMONT (Cnam) & Denis LACROIX (Ifremer / Prospective) : Introduction du colloque
Cyrille P. COUTANSAIS (CESM) : Autour du livre Les hommes et la mer (CNRS Éditions, 2017) [visioconférence]

Les perceptions de la mer et l'évolution de ses usages, table ronde animée par Agathe EUZEN (CNRS) [Mythes, monstres et figures marines. Petite introduction réflexive], avec Guigone CAMUS (Anthropologue) [Les atolls de Kiribati (Micronésie, Pacifique central) face au réchauffement climatique] et Cyrille P. COUTANSAIS (CESM) [visioconférence]

Après-midi
Représentation des îles et des nouveaux imaginaires de la mer
Nathalie BERNARDIE-TAHIR (Géographe, Univ. Limoges) : "Délivrez-nous de l'imaginaire des îles !"
Louis BRIGAND (UBO et Association des Iles du Ponant) : La mer et les îles : liens, résilience et devenir – Le cas des îles du Ponant (France)

Les nouveaux imaginaires : mer et fiction, table ronde animée par Denis LACROIX (Ifremer / Prospective) [Quels imaginaires passés du futur de la mer ?], avec François SIMARD (UICN) [Le Japon et la mer] et Emmanuelle VAGNON-CHUREAU (CNRS) [La cartographie des océans, une histoire au long cours]

Soirée
Film sur les océans


Lundi 19 septembre
CHANGEMENT CLIMATIQUE, OCÉAN, MERS ET LITTORAUX
Matin
Anny CAZENAVE (LEGOS) : Changement climatique et hausse du niveau de la mer [visioconférence]
Gonéri LE COZANNET (BRGM) : Adaptation à l'évolution du niveau de la mer : qu'apprend-on du rapport du GIEC ?

Table ronde, animée par Agathe EUZEN (CNRS), avec Stéphane COSTA (Professeur des universités, Univ. de Caen Normandie) [De l'intérêt de la réalité virtuelle pour l'appropriation de l'aléa submersion marine : le Projet REV COT], Hubert DEJEAN DE LA BÂTIE (Région Normandie) et Gonéri LE COZANNET (BRGM)

Après-midi
Catherine MEUR-FEREC (Univ. Brest) : Entre "désir de rivage" et remontée du niveau marin, quels futurs pour les littoraux urbanisés ?
Robert SLOMP (RWM - Ministère de l'eau des Pays Bas) : Les Pays-Bas face à la montée des eaux : quelle stratégie pour le long terme et comment répondre aux différents enjeux ?

Quelle adaptation des villes et des côtes littorales à la montée de la mer ?
Benoît LAIGNEL (Professeur des universités, Univ. de Rouen Normandie) : Le littoral du Sénégal face à la montée des eaux. Exemple du littoral de Saint Louis
Régis LEYMARIE (Délégué adjoint Normandie Conservatoire du littoral) : L'estuaire de l'Orne de LiCCo à Adapto, le changement d'échelle de l'adaptation

Table ronde, animée par Catherine MEUR-FEREC (Univ. Brest), avec Stéphane COSTA (Professeur des universités, Univ. de Caen Normandie), Benoît LAIGNEL (Professeur des universités, Univ. de Rouen Normandie), Régis LEYMARIE (Délégué adjoint Normandie Conservatoire du littoral) et Robert SLOMP (RWM - Ministère de l'eau des Pays Bas)


Mardi 20 septembre
ÉCOSYSTÈMES MARINS VITAUX ET LEURS SERVICES
Matin
Frédérique VIARD (CNRS-ISEM, chercheuse en écologie marine) : La biodiversité marine à l'Anthropocène : singularités, pressions et réponses [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Nathalie NIQUIL (CNRS, Univ. de Caen Normandie) : Les scénarios d'évolution possibles des grands écosystèmes marins et de leurs services à 2100
Françoise GAILL (CNRS, INEE) : L'océan dans tous ses états : quels enjeux et quelle gouvernance internationale ? [visioconférence]

Après-midi
Philippe CURY (CLORA / IRD Bruxelles) : Changements globaux et ressources vivantes marines

Pêche, biodiversité marine et sécurité alimentaire, table ronde animée par Didier GASCUEL (Agrocampus Ouest, Rennes) [Pêche durable ?], avec Philippe CURY (CLORA / IRD Bruxelles), François HOULLIER (Ifremer), François SIMARD (UICN) [Les défis de la protection du monde marin vivant] et Frédérique VIARD (CNRS-ISEM, chercheuse en écologie marine)

Soirée
Animation ludique et festive avec les étudiants de la Fondation suisse d'études


Mercredi 21 septembre
"HORS LES MURS"
10h: Arrivée sur le site de Fréval, commune de Fermanville
10h-12h30:
o Intervention d'Étienne D'ANGLEJAN (Chef de projet recomposition et résilience littorale, Dir. de l'urbanisme Coutances mer et bocage) et Louis TEYSSIER (Conseiller délégué aux questions littorales Coutances mer et bocage)
o Visite du site par Régis LEYMARIE (Délégué adjoint Normandie Conservatoire du littoral)
12h30: Transfert vers la Cité de la mer de Cherbourg
13h00-14h: Déjeuner à la Cité de la mer de Cherbourg, avec vue sur la rade de Cherbourg
14h-15h:
o Présentation d'Intechmer par Pascal BAILLY DU BOIS (Professeur du CNAM)
o Présentation de la Cité de la mer et de son intérêt pour le territoire par Bernard CAUVIN (PDG de la Cité de la mer)
15h-18h: Visite libre de la Cité de la mer


Jeudi 22 septembre
QUELLES VOIES VERS UNE ÉCONOMIE MARITIME DURABLE ?
Matin
Antoine FRÉMONT (Cnam) : La maritimisation de l’économie

Maritimisation de l'économie et développement durable : l'équation impossible ?, table ronde animée par Antoine FRÉMONT (Cnam), avec Marie BONNIN (Juriste, IRD), Patrice GUILLOTREAU (Économiste, Univ. Nantes et IRD) [Synergies et symbioses de l'économie bleue] et Cédric VIRCIGLIO (Directeur du pilotage stratégique d'Haropa Port, Le Havre-Rouen-Paris)

Après-midi
Jean-Louis LEVET (SG Mer) : Les fonds sous-marins : un nouveau territoire de conquête ?
Loïc FINAZ (Amiral sous marinier, Écrivain) : Les nouveaux enjeux géostratégiques marins

Soirée
La mer, des histoires sensibles, des moments forts…, animée par Agathe EUZEN (CNRS), avec Isabelle AUTISSIER (Navigatrice, Ancienne Présidente WWF, Écrivaine)


Vendredi 23 septembre
REGARDS VERS LES FUTURS DE L'OCÉAN ET DES LITTORAUX. QUELLE GOUVERNANCE ?
Matin
Rapports d'étonnement de doctorants, par Roman BLUM, Luna CACERES, Philippine COUTAU, Alban DUPIRE, Michele MARCHIONI et Cyril MONETTE

Visions de l'océan et des littoraux : aujourd'hui et demain ?, table ronde animée par Denis LACROIX (Ifremer / Prospective), avec Isabelle AUTISSIER (Navigatrice, Ancienne Présidente WWF, Écrivaine), Loïc FINAZ (Amiral sous marinier, Écrivain), Adélie POMADE (AMURE Brest, Juriste) et Frédérique VIARD (CNRS-ISEM, chercheuse en écologie marine)

Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


PRESSE / MÉDIAS :

Présentation du colloque. Entretien avec Denis LACROIX, Agathe EUZEN et Antoine FRÉMONT réalisé par Hadrien FRÉMONT (Fondation Clarens pour l'humanisme)

Perceptions et imaginaires de la mer. Entretien avec Nathalie BERNARDIE-TAHIR, Emmanuelle VAGNON-CHUREAU et François SIMARD réalisé par Hadrien FRÉMONT (Fondation Clarens pour l'humanisme)

Changement climatique, océan, mers et littoraux. Entretien avec Gonéri LE COZANNET, Catherine MEUR-FEREC, Robert SLOMP et Régis LEYMARIE réalisé par Hadrien FRÉMONT (Fondation Clarens pour l'humanisme)

Écosystèmes marins vitaux et leurs services. Entretien avec Frédérique VIARD, Nathalie NIQUIL, Philippe CURY et François SIMARD réalisé par Hadrien FRÉMONT (Fondation Clarens pour l'humanisme)

Quelles voies vers une économie maritime durable ?. Entretien avec Loïc FINAZ et Antoine FRÉMONT réalisé par Hadrien FRÉMONT (Fondation Clarens pour l'humanisme)

Conclusion du colloque. Entretien avec Denis LACROIX, Agathe EUZEN et Antoine FRÉMONT réalisé par Hadrien FRÉMONT (Fondation Clarens pour l'humanisme)


VIDÉOS RÉALISÉES PAR FRANCE MANHES — INIT - Édition - Productions :


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Antoine FRÉMONT
Antoine Frémont est professeur du Cnam (Conservatoire National des Arts et Métiers), titulaire de la chaire transports, flux et mobilités durables. Jusqu'en 2022, il était directeur de recherche à l'université Gustave Eiffel et vice-président recherche adjoint de cette université. De 2011 à 2015, il a été chargé de mission sur les questions d'aménagement du territoire à Réseau Ferré de France, devenu SNCF-réseau. Il est spécialiste du transport maritime et des ports, en particulier du lien entre la conteneurisation, la mondialisation et la métropolisation. Il s'intéresse plus largement aux questions des mobilités et de l'aménagement du territoire.
https://cv.archives-ouvertes.fr/antoine-fremont?langChosen=fr


Nathalie BERNARDIE-TAHIR : "Délivrez-nous de l'imaginaire des îles !"
Les îles charment et fascinent, et font encore et toujours la une de magazines ou documentaires qui les présentent inlassablement comme des lieux de rêves et de désirs, à forte charge onirique et symbolique. Pourtant, les îles sont des lieux de vie avant tout, des lieux habités par des hommes et des femmes qui, quotidiennement, y construisent et imaginent leur futur. L'insularité, qui est à la fois source de contraintes et d'opportunités, les conduit ainsi à adapter, voire à inventer des modes de fonctionnement innovants, tenant compte de l'exiguïté territoriale, d'un environnement parfois fragile et d'un relatif isolement. Les sociétés insulaires se font aussi lanceuses d'alerte, notamment dans le contexte du réchauffement climatique et de la remontée des eaux qui imposent de trouver rapidement des solutions concrètes à des risques qui se précisent. En paraphrasant le titre d'un article de Claire Hancock ("Délivrez-nous de l'exotisme"), lui-même inspiré d'une citation du penseur indien Salman Rushdie ("So lead us not into exotica and deliver us from nostalgia"), cette communication nous exhorte à nous délivrer de l'imaginaire des îles pour envisager au contraire ces territoires comme des lieux quintessentiels de la fabrique du monde contemporain.

Nathalie Bernardie-Tahir est agrégée et professeure de géographie à l'université de Limoges, membre de l'UMR 6042 Géolab. Ses recherches portent sur l'insularité, principalement au travers du prisme des mobilités (migrations internationales, migrations d'aménités, tourisme) qui participent de la construction territoriale des îles, que ce soit en Méditerranée (Malte, Chypre), dans l'océan Indien (Maurice, Zanzibar) ou en Polynésie française.
Publications
Bernardie-Tahir, N., Bernard, S., 2021, "(Re)venir vivre dans une île polynésienne : vers un nouveau paradigme mobilitaire ? L'exemple de Rurutu (Australes)", Les Cahiers d'Outre-mer, 284-2021/1.
Bernardie-Tahir, N., Bernard, S., 2020, "Faire voile et jeter l'ancre en Polynésie française. Quand les mobilités des plaisanciers au long cours interrogent les modes de circuler et d'habiter", Carnets de géographes, n°14 [en ligne].
Bernardie-Tahir, N., Schmoll, C., 2018, Méditerranée : frontières à la dérive, Le Passager clandestin, Paris, 130 p.
Bernardie-Tahir, N., Schmoll, C., 2015, "Îles, frontières et migrations méditerranéennes : Lampedusa et les autres, L'Espace Politique, n°25, Coordination du numéro [en ligne].
Bernardie-Tahir, N., 2011, L'usage de l'île, Paris, Éd. Petra, Coll. "Des îles", 510 p.

Marie BONNIN
Marie Bonnin est directrice de recherche en droit de l'environnement marin à l'IRD. Elle s'intéresse à la protection de l'environnement marin par le droit. Depuis 2017, elle coordonne le projet de recherche européen PADDLE "Planifier dans un monde liquide" qui analyse les opportunités et limites de la planification spatiale marine en Atlantique tropical. Ses recherches portent également sur la mise en place d'indicateurs juridiques pour évaluer l'effectivité des règles de droit protectrices de l'environnement marin. Elle est membre de plusieurs conseils scientifiques participe à l'animation de groupes de recherches interdisciplinaires sur l'environnement marin.

Louis BRIGAND : La mer et les îles : liens, résilience et devenir – Le cas des îles du Ponant (France)
Les îles constituent des territoires géographiques originaux, simples à délimiter, mais complexes à analyser pour de multiples raisons : diversité des situations géographiques, multiplicité des modèles économiques, variété des modes d'accessibilité et de vie, importance du poids de l'histoire et des héritages, originalité des paysages souvent remarquables et hautement protégés… Pour ces raisons, elles fascinent autant les médias et les touristes que les chercheurs. Les îles du Ponant n'échappent pas à cette réalité. Composées de 13 îles habitées en permanence et d'un millier d'îlots, elles dessinent un camaïeu de situations lié à des spécificités propres à l'insularité, tout en étant exposé à des évolutions sociétales contemporaines telles que peuvent les connaître des espaces reculés ou des quartiens urbains. Bien que coupées physiquement du continent, elles sont particulièrement bien représentées dans les structures politiques et administratives, affirmant ainsi leurs différences tout en mettant en œuvre des formes originales de résilience. Néanmoins, des évolutions récentes interrogent et questionnent leur avenir. Nous chercherons à travers cet exemple à analyser les îles sous un angle concret, mais critique, loin des représentations standardisées aux antipodes de la réalité des îles d'aujourd'hui. Le propos cherchera à définir les caractères de résilience des îles et à dresser une réflexion prospective en comparant avec certaines îles de Polynésie française et l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon, nouveaux terrains d'investigation et de réflexion.

Louis Brigand, géographe, professeur à l'université de Bretagne Occidentale, enseigne à l'Institut Universitaire Européen de la Mer et est rattaché au laboratoire LETG – UMR 6554 CNRS. Il consacre ses recherches à l'étude des îles et des îlots depuis plus d'une quarantaine d'années. Ses travaux portent essentiellement sur les îles du Ponant, mais il a également travaillé dans les îles de Méditerranée, dans les territoires isolés de la Patagonie chilienne et de la Russie. Sur ces différents terrains, ses recherches s'intéressent à l'isolement géographique, à la conservation et la gestion des paysages, aux dynamiques touristiques et aux modes de vie. Ses derniers travaux portent sur l'arrivée de néo-entrepreneurs, la médiation scientifique audiovisuelle et l'économie sociale et solidaire dans les îles du Ponant, mais aussi en Polynésie française et à Saint-Pierre et Miquelon. Ses recherches s'intègrent à des programmes et des actions réalisées avec les acteurs locaux et des partenaires institutionnels et associatifs des îles. Elles débouchent sur différentes restitutions collaboratives (conférences, ateliers, colloques, tables rondes, ouvrages, documentaires audiovisuels…) à destination d'un public varié.
Bibliographie
Brigand L., 1992, Les îles en Méditerranée, enjeux et perspectives. Programme des Nations Unies pour l'Environnement, Paris, Economica, Les Fascicules du Plan Bleu, vol. 5, 98 p.
Brigand L., 2002, Les Îles du Ponant, Histoires et géographie des îles de la Manche et de l'Atlantique, Préface d'Erik Orsenna de l'Académie française, Éditions Palantines, 480 p.
Brigand L., 2009, Besoin d’îles, Éditions Stock, 250 p.
Brigand L., 2017, Enez Sun, Carnet d'un géographe à l'île de Sein, Éditions Dialogues, 130 p., Grand prix du festival international du livre insulaire.
Corsi L., Brigand L., David L., 2015-2019, Id-îles Magazine, documentaires audiovisuels de 26 minutes, 19 épisodes diffusés sur les chaînes bretonnes Tébéo et Tébésud, en ligne sur ID-îles.fr.
Brigand L., 2020, "Le confinement dans les îles, une longue histoire de solidarité", Revue en ligne The Conservation.
Brigand L. (Dir), 2021, "Habiter et protéger les îles, enjeux contemporains", numéro thématique de la revue Norois, n°259-260, 258 p.

Cyrille P. COUTANSAIS : Autour du livre Les hommes et la mer (CNRS Éditions, 2017)
C'est à une autre histoire des hommes que cette intervention va convier, une histoire rendant toute leur place à des civilisations qui avaient le goût du large. Des hommes qui, sans cartes ni GPS, partaient à l'aventure, mais dont l'épopée est aujourd'hui oubliée. L'on sera emporté dans le sillage des Polynésiens à la conquête du Pacifique, sur les traces des nomades des mers de la Terre de Feu, du Japon et d’Indonésie. On explorera l'imaginaire lié à la mer : peuplée de monstres dans certaines civilisations, elle est à l'inverse un jardin d'Eden pour d'autres. Aujourd'hui, à l'heure où les hommes s'intéressent de plus en plus aux abysses, sanctuaire longtemps préservé, il est sans doute temps de réunir nos mémoires, maritime et terrestre. Réunir nos deux hémisphères, terrien et marin n'est plus une option : c'est une obligation pour que se poursuive la grande épopée des hommes et de la mer.

Cyrille P. Coutansais est Directeur de Recherches du CESM, rédacteur en chef de la revue Études Marines et auteur de nombreux ouvrages sur la mer.
https://www.cnrseditions.fr/auteur/cyrille-p-coutansais/

Françoise GAILL
Françoise Gaill est une spécialiste des milieux profonds et en particulier de l'adaptation aux milieux extrêmes. Après avoir dirigé au CNRS le département environnement et développement durable, elle a mis en place un nouvel institut l'INEE (Écologie et Environnement) et a été vice-présidente de l'alliance Allenvi. Elle a parallèlement présidé le comité opérationnel "recherche et innovation" du Grenelle de la mer, et le comité stratégique et technique de la flotte océanographique (CSTF), avant d'être nommée première vice-présidente de l'Agence Française pour la Biodiversité. Elle a également participé aux travaux des Nations Unies sur l'océan (ODD, BBNJ et WOA). Aujourd'hui conseillère scientifique à la direction du CNRS INEE, elle préside le Comité pour la recherche marine, maritime et littorale du CNML (Conseil National de la Mer et des Littoraux) ainsi que les conseils scientifiques de la Fondation de la Mer et de l'éolien en mer de la façade Sud Atlantique.

Patrice GUILLOTREAU
Patrice Guillotreau est Directeur de recherche en économie de la mer à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), dans une unité mixte de recherche en écologie marine (MARBEC) et professeur d'économie à l'université de Nantes. Il a coordonné de nombreux projets scientifiques internationaux et est l'auteur de plus d'une centaine d'articles, études, ouvrages et chapitres d'ouvrage en économie des ressources marines et maritimes, dont Mare Economicum (Presses universitaires de Rennes, 2008), l'Atlas économique de la mer (Infomer, 2011 à 2016), Global Change in Marine Systems (Routledge, 2018), Blue Economy: an Ocean science perspective (Springer, 2022). Ses travaux traitent principalement de l'impact des changements globaux sur les socio-écosystèmes marins et sur le développement durable de l'économie bleue. Il a été vice-Président d'un des groupes de travail du Grenelle de la Mer en 2009.

François HOULLIER
Ingénieur général des Ponts, des Eaux et Forêts, membre de l'Académie des Technologies et de l'Académie d'Agriculture de France, François Houllier est président-directeur général de l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) depuis le 19 septembre 2018. Depuis mai 2020, il préside le conseil d'AllEnvi, l'alliance nationale de recherche pour l'environnement, qu'il avait déjà présidé de mars 2012 à juillet 2016. Il a été président de l'université Sorbonne Paris-Cité (09/2016-09/2018) et président-directeur général de l'Inra (07/2012-07/2016). Habilité à diriger des recherches et titulaire d'un doctorat de l'université Claude Bernard (Lyon I), ancien élève de l'École Polytechnique et de l'École nationale du Génie rural, des Eaux et Forêts (Engref, devenue AgroParisTech), ses recherches personnelles ont porté sur les inventaires forestiers puis sur l'écologie et la modélisation des forêts et des plantes. En 2015 et 2016, il a remis trois rapports au gouvernement français : sur les sciences participatives (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02801940/) ; sur la recherche et l’innovation à l'horizon 2025 dans les domaines respectifs de l'agriculture (https://hal.inrae.fr/hal-02801878v1) et de la filière forêt-bois (https://hal.inrae.fr/hal-03183659).

Gonéri LE COZANNET : Adaptation à l'évolution du niveau de la mer : qu'apprend-on du rapport du GIEC ?
L'élévation du niveau de la mer est une conséquence du changement climatique dont les effets commencent à devenir perceptibles le long des côtes les plus vulnérables. Dans les décennies à venir, ce phénomène provoquera une submersion chronique de zones basses à marée haute, notamment dans les ports, puis une aggravation des conséquences des tempêtes et de la salinisation des sols et des estuaires. Sans atténuation du changement climatique, ses conséquences pour l'érosion du littoral et la submersion permanente des zones basses deviendront perceptibles de manière évidente dès la seconde partie du XXIe siècle. En l'absence d'adaptation, l'élévation du niveau de la mer menace non seulement les communautés côtières, mais aussi des sites historiques tels que Venise, des sites industriels ou pollués, les activités portuaires et l'existence même de certains états insulaires. L'adaptation à l'élévation du niveau de la mer nécessite une gouvernance, une planification et des interventions qui se mettent en place typiquement en plusieurs décennies. Aussi, atteindre les objectifs d'atténuation du changement climatique des accords de Paris permettrait de limiter les risques d'une accélération du niveau de la mer qui compromettrait la mise en œuvre de l'adaptation.

Gonéri Le Cozannet est ingénieur de recherche au BRGM depuis 2006. Il étudie les conséquences de l'élévation du niveau de la mer pour les risques côtiers (érosion et submersion marine). Il est coordinateur du projet européen CoCliCo, visant à mettre en place un service climatique européen pour l'adaptation côtière. Il est également coauteur du 6ème rapport du GIEC sur les impacts, la vulnérabilité et l'adaptation, à paraitre en février 2022.

Catherine MEUR-FEREC : Entre "désir de rivage" et remontée du niveau marin, quels futurs pour les littoraux urbanisés ?
À l'échelle mondiale, le GIECC et l'UICN sont formels : notre planète se réchauffe, la mer monte et les solutions fondées sur la nature sont l'avenir des littoraux. À l'échelle locale, les complexes résidentiels et touristiques se développent les pieds dans l'eau, les prix de l'immobilier côtiers n'ont jamais été aussi hauts, et vivre au plus près de la mer reste une aspiration qui fait rêver dans de nombreuses sociétés. L'urbanisation des côtes se développe à travers le monde entier, alors que le changement climatique et ses effets deviennent de plus en plus tangibles et médiatisés. Comment comprendre ce paradoxe ? Comment en sommes-nous arrivés là et vers quel futur allons-nous pour les littoraux urbanisés ? L'intégration de plusieurs échelles spatiales et temporelles, ainsi que la combinaison de toutes les composantes de la vulnérabilité systémique apportent des éclairages sur ces questionnements. Si les incertitudes sur l'avenir restent grandes, il existe aussi des certitudes qui requièrent de penser l'adaptation des territoires littoraux sur le temps long.

Catherine Meur-Ferec est professeure de géographie du littoral à l'université de Brest. Son approche, d'abord orientée vers la géomorphologie, s'est progressivement diversifiée vers des questions de gestion intégrée des zones côtières et de risques côtiers dans un contexte de changements climatiques. Elle travaille depuis une vingtaine d'années sur la vulnérabilité systémique des territoires côtiers aux risques d'érosion et de submersion, intégrant les questions d'aléas, d'enjeux, de gestion et de représentations.
Publications
Meur-Férec C., "Risques côtiers : des littoraux toujours sous pression", in Rebotier J. (coord.), Les Risques et l'Anthropocène. Regards alternatifs sur l'urgence environnementale, Éditions ISTE, 2021.
Meur-Férec C., Le Berre I., Cocquempot L., Guillou E., Henaff A, Lami T, Le Dantec N., Letortu P. & Philippe M., "Une méthode de suivi de la vulnérabilité systémique à l'érosion et la submersion marines", Développement durable et territoires, Vol. 11, n°1, 2020.

Adélie POMADE
Adélie Pomade est Enseignant-chercheur HDR à l'université de Bretagne Occidentale et chercheur à l'UMR AMURE. Elle travaille sur le rapport du droit à l'évolution des socio-écosystèmes pour reconnecter la théorie juridique et ses applications aux réalités sociétales mouvantes et évolutives. Abordant la question de la prospective mobilisée par les gestionnaires et les acteurs locaux (privés, associatifs, citoyens…) pour dessiner les trajectoires de gestion de demain, Adélie Pomade propose d'y associer la réflexion juridique en envisageant de manière originale la formulation de scénarios en droit (A. Pomade, "Conjuguer le droit du présent au futur pour réduire l'hyperfréquentation nautique", in F. Haumont, J. Sambon (dir.), Mélanges Benoit Jadot, Larcier, 2021).

Robert SLOMP : Les Pays-Bas face à la montée des eaux : quelle stratégie pour le long terme et comment répondre aux différents enjeux ?
Les Pays Bas doivent se préparer pour après 2100. Les décisions que nous prenons maintenant ne doivent pas bloquer des solutions pour des futurs problèmes. Notre programme de recherche a cinq volets : Comment déterminer quels scénarios sont à envisager pour 2100, 2200 et 2300 ? Ceci dépend des Scénario RCP (Representative Concentration Pathway) et surtout de la situation en Antarctique ; Comment élaborer une systématique pour déterminer les défis causés par des scénarios de 1, 2, 3 et 5 m de montée du niveau de la mer et de changement de débit des fleuves (qui soient cohérents avec les mêmes RCP). Est-ce que la politique choisie en 2014 est encore valable pour le futur ? ; Détecter à temps la montée du niveau de la mer pour avoir des financements pour la recherche et prendre des mesures. Par exemple après les rapports annuels de IPCC/GIEC ; Élaborer et évaluer les mesures pour le futur ; Élaborer une politique d'implantation des mesures par étapes, la gouvernance, la communication avec le grand public. C'est sur ces questions que portera cette contribution.

Robert Slomp a étudié à l'université de Wageningen aux Pays Bas de 1982-1988. Il a travaillé en Afrique francophone (le Benin et le Tchad) de 1989 à 1997 pour des ONG dans le domaine hydraulique, retenues d'eau/eau potable. Depuis 1998, il travaille pour Rijkswaterstaat, une agence du Ministère de l'Infrastructure et de Gestion d'Eau. Il est responsable pour la recherche en charge hydraulique sur les digues, dunes et ouvrages d'art et pour élaborer les logiciels consistant à vérifier et (re)construire les 3600 km d'ouvrages aux Pays Bas. Il a écrit un livre et plusieurs articles sur la Tempête Xynthia en 2010.

Emmanuelle VAGNON-CHUREAU : La cartographie des océans, une histoire au long cours
Sur les représentations du monde les plus anciennes, l'océan est souvent figuré comme un anneau encerclant les terres et figurant ainsi la limite du monde connu. L'océan, ouvert vers l'inconnu, se distingue ainsi des mers plus petites et closes, dont les noms reflètent les habitudes de navigation antiques et médiévales. Vers la fin du Moyen Âge en Europe, des cartes marines donnent à voir de manière plus précise les accidents des côtes, les hauts fonds et les bancs de sable. Élargies à la mesure des explorations du globe, elles accompagnent l'essor des grandes puissances maritimes européennes. La production manuscrite se double alors d'une diffusion imprimée, sous la forme de cartes de divers formats et d'atlas nautiques, confiés à partir de l'époque moderne à des ingénieurs hydrographes spécialisés. L'histoire des cartes marines reflète jusqu'à aujourd'hui l'évolution technologique de la cartographie et des méthodes de navigation. Mais elle nous invite encore et toujours à réfléchir sur le rapport des civilisations humaines à l'espace maritime et leur manière de le concevoir et de l'apprivoiser.

Emmanuelle Vagnon-Chureau est historienne, chargée de recherche au CNRS, rattachée au Laboratoire de Médiévistique Occidentale de Paris (UMR 8589-Université Paris1 Panthéon-Sorbonne). Spécialiste de la cartographie et des représentations de l'espace au Moyen Âge et à la Renaissance.
Publications
L'Âge d’or des cartes marines. Quand l'Europe découvrait le monde, C. Hofmann, H. Richard & E. Vagnon (dir.), Paris, BnF, 2012.
La Fabrique de l'océan Indien. Cartes d'Orient et d'Occident, E. Vagnon & E. Vallet (dir.), Paris, Publications de la Sorbonne, 2017.

Frédérique VIARD : La biodiversité marine à l'Anthropocène : singularités, pressions et réponses
La biodiversité marine est singulière, comme en témoigne la présence de lignées évolutives qui lui sont uniques. Elle est pourtant encore largement méconnue, car pour l'essentiel cachée à nos yeux. Elle a de plus longtemps été considérée comme relativement épargnée des pressions résultant des activités humaines, par comparaison aux milieux terrestres. Pourtant, de multiples menaces et pressions d'origine anthropique s'y exercent : changement climatique, changements d'usage des mers (e.g., artificialisation des milieux marins), exploitation des ressources naturelles, pollution et invasions biologiques. Ces pressions cumulatives entrainent des transformations majeures des écosystèmes marins, à une échelle globale et sur le long terme, en altérant leur fonctionnement mais également en bouleversant les frontières biogéographiques et en influençant la trajectoire évolutive des espèces marines. Ces pressions sont ainsi à l'origine de changements avérés de la biodiversité marine, sur l'ensemble de ses composantes, qu'elles soient génétiques, taxinomiques ou fonctionnelles.

Frédérique Viard est directrice de recherche au CNRS. Ses recherches sont ancrées dans les domaines de l'écologie et de la biologie évolutive des espèces marines côtieres, avec un focus sur les processus de dispersion dus aux activités humaines (invasions biologiques). Elle est membre de groupes d'experts nationaux et internationaux, notamment concernant les espèces non indigènes et les transports maritimes (CIEM ITMO et BOSV) et a été un auteur principal pour l'évaluation régionale ECA de l'IPBES.


SOUTIENS :

• Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer)
• Institut écologie et environnement du CNRS (INEE)
• Conservatoire national des arts et métiers (Cnam)
Fondation Clarens

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


L'HISTORIEN SUR LE MÉTIER :
CONVERSATIONS AVEC CARLO GINZBURG


DU VENDREDI 9 SEPTEMBRE (19 H) AU JEUDI 15 SEPTEMBRE (14 H) 2022

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Étienne ANHEIM, Anne BER-SCHIAVETTA, Martin RUEFF

En présence de Carlo GINZBURG


ARGUMENT :

Depuis une cinquantaine d'années (la première édition de I Benedanti remonte à 1966), l'œuvre de Carlo Ginzburg ne cesse de bouleverser le métier de l'historien en lui offrant un nouveau plan d'enquête (la micro-histoire), une série de nouveaux concepts (le paradigme indiciaire entre autres), de nouveaux objets et de nouvelles inquiétudes. Ses enquêtes ont contribué à redistribuer les lignes de partage entre histoire et sciences humaines (anthropologie, philologie, psychanalyse, critique littéraire) comme elles ont affecté l'histoire de l'art et des images.

Organisé par une psychanalyste, un historien et un poète traducteur de l'historien, ouvert à celles et ceux que le sujet intéresse, ce colloque se déroulera en présence de Carlo Ginzburg. Il entend le mettre "sur le métier" : le soumettre à la question de spécialistes provenant d'horizons et de disciplines qu'il a largement contribué à rénover (histoire, histoire de l'art, philologie). Alterneront des grandes conférences qui accompagnent son œuvre depuis ses débuts, les interventions de grands interlocuteurs, mais aussi les contributions d'éditeurs et de jeunes chercheuses et chercheurs. Une large place sera faite à la collaboration avec le cinéaste Jean-Louis Comolli auteur de nombreux films avec et sur Carlo Ginzburg.


MOTS-CLÉS :

Art, Cinéma, Comparaison, Ginzburg (Carlo), Histoire, Historiographie, Indice, Littérature, Méthode, Morphologie, Philologie, Psychanalyse, Religion, Trace


CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 9 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Samedi 10 septembre
Matin
LA MICRO-HISTOIRE, "À DISTANCE" — Animateur : Étienne ANHEIM
Table ronde, avec Fabrice BRANDLI (Histoire diplomatique, histoire de la diplomatie, microhistoire globale), Guillaume CALAFAT, Simona CERUTTI et Giovanni LEVI

Microhistoire — Bibliographie en français
De Carlo Ginzburg
Le fromage et les vers. L'univers d'un meunier frioulan du XVIe siècle, Paris, Aubier, [1976], 1980.
"Microhistoire : deux ou trois choses que je sais d'elle", le chapitre XIII de Le Fil et les traces, Lagrasse, Verdier, 2010.
Sur Carlo Ginzburg et la micro-histoire
Simona Cerutti, "Histoire pragmatique, ou de la rencontre entre histoire sociale et histoire culturelle", Tracés, n°15, déc. 2008, p. 147-168 (en ligne), et ""À rebrousse-poil" : dialogue sur la méthode", Critique, 2011/6-7 (n°769-770), p. 564-575.

Après-midi
TRADUIRE CARLO GINZBURG — Animateur : Martin RUEFF
Discussion entre les traducteurs : Alon ALTARAS [visioconférence], Guillaume CALAFAT, Natalia MAZOUR [visioconférence], Giulia PUMA, Tadao UEMURA [texte lu] et Mikhail VELIZHEV [visioconférence]

Vernissage de l’exposition d'Irina POPA – Sorcières de Bucarest

Soirée
LE CINÉMA ET L'HISTORIEN : HOMMAGE À JEAN-LOUIS COMOLLI — Animateur : Martin RUEFF [présentation]
Débat avec Jacques BONTEMPS, Patrick BOUCHERON, Carlo GINZBURG et Paul ROZENBERG

Jean-Louis Comolli et Carlo Ginzburg
L'affaire Sofri, Jean-Louis Comolli et Ginette Lavigne, 2001.
Reproduction/reproduction. "Ars imitatur naturam", Jean-Louis Comolli et Ginette Lavigne, 2003-2006.
Le Peintre, le Poète et l'Historien, Jean-Louis Comolli et Ginette Lavigne, 2005.


Dimanche 11 septembre
Matin
LES TRACES DU SENS — HERMÉNEUTIQUE ET PHILOLOGIE — Animatrice : Anne BER-SCHIAVETTA
Irène ROSIER-CATACH : Après deux siècles d'oubli, les surprenantes lectures humanistes du De vulgari eloquentia
Denis THOUARD : Une philologie à rebours

Sur le paradigme indiciaire
Carlo Ginzburg
"Signes, traces, pistes. Racines d'un paradigme de l'indice", dans Le Débat (novembre 1980), p. 3-44.
Mythes, emblèmes, traces ; morphologie et histoire, Paris, 1989 (1986) dont le chapitre "Traces. Racines d'un paradigme indiciaire", p. 139-180 ; nouvelle édition augmentée, 2010.
Sur Carlo Ginzburg et le paradigme indiciaire
Denis Thouard (dir.), L'interprétation des indices : enquête sur le paradigme indiciaire avec Carlo Ginzburg, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d'Ascq, 2007.

Après-midi
CARLO GINZBURG EN SIMULTANÉE AVEC DES DOCTORANTS
Avec Arianna BRUNORI (Scuola Normale Superiore di Pisa) ["Cavar la forma dalla potenza della materia". Une hypothèse sur Dante et Michel-Ange], Marie FONTAINE-GASTAN (Marne-la-Vallée), Fabio GAFFO (UNIGE), Marie KONDRAT (Paris 3 / UNIGE) [Le hors-champ et l'histoire de l'invisible], Marina LEONI (UNIGE) [La "théorie des climats" et les arts aux XVIIIe siècle. Théorie, esthétique et histoire de l'art], Matti LEPRÊTRE (EHESS), Catherine PENN (Roma 3 / UNIGE, FRAMO) ["Fantaisie", "imagination" et la question de l'influence du lexique philosophique cartésien sur la langue française au XVIIe siècle. Essai d'étude historico-sémantique et comparative des unités dans les textes de Descartes et dans les dictionnaires de début et de fin de siècle] et Alice REY (UNIGE) [Entre corps et fiction : l'individu chez Bentham]

Soirée
ÉDITER CARLO GINZBURG — Animateur : Étienne ANHEIM
Roberto COLAJANNI (Adelphi) [texte lu]


Lundi 12 septembre
Matin
LA PSYCHANALYSE, MAGIE OU SCIENCE ? — Animatrice : Anne BER-SCHIAVETTA
Table ronde, avec Isabelle ALFANDARY (Psychanalyse freudienne : la révolution du détail) [visioconférence], Bruno KARSENTI (La trace et un problème d'histoire juive dans À distance de Carlo Ginzburg) et Andreas MAYER ("L'inconscient polyglotte" : critique philologique et histoire collective de la psychanalyse)

Carlo Ginzburg et la psychanalyse
"Traces - Racines d'un paradigme indiciaire" & "Freud, l'homme aux loups et les loups-garous", in Mythes, emblèmes, traces - Morphologie et histoire, Verdier, 2010.
"Correspondance autour de Freud (1971-1995), Carlo Ginzburg - Sebastiano Timpanaro", traduit de l'italien et annoté par M. Rueff, in Incidence, n°15, 2020.
Muriel Pic, "Carlo Ginzburg, le détail et l'abyme", in Incidence, n°15, 2020.

Après-midi
CARLO GINZBURG, LES IMAGES ET L'HISTOIRE DE L'ART — Animateur : Étienne ANHEIM
Mauro NATALE : Carlo Ginzburg, histoire et connoisseurship : divergences et convergences
Discussion avec Natalia MAZOUR [visioconférence] et Giulia PUMA

Carlo Ginzburg et l'histoire de l'art
Indagini su Piero. Il "Battesimo", il ciclo di Arezzo, La "Flagellazione" di Urbino, Collana Microstorie n.1, Torino, Einaudi, 1981 ; Con l'aggiunta di quattro Appendici, II Prefazione dell'autore, Collana Saggi, Einaudi, 1994 ; Collana Biblioteca, Einaudi, 2001 ; nuova Postfazione dell'autore, Apparato iconografico rinnovato, Collana Imago n.8, Milano, Adelphi, 2022.
Traduction française : Enquête sur Piero della Francesca, Paris, Flammarion, 1992.
Jean Fouquet, Ritratto del buffone Gonella, Modena, 1996, inédit en français.

Soirée
DANTE : PRÉSENTATION DE SÉQUENCES FILMÉES DE J.L. COMOLLI — Animateur : Martin RUEFF
Interventions d'Elisa BRILLI [visioconférence], Irène ROSIER-CATACH et Bernardo SCHIAVETTA

Carlo Ginzburg et Dante
"Das Nachäffen der Natur. Reflexionen über eine mittelalterliche Metapher", in Fälschungen. Zu Autorschaft und Beweis in Wissenschaft und Künsten, herausgegeben von Anne-Kathrin Reulecke, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2006, p. 95-122 ; traduction française, "Singer la nature. Réflexions sur une métaphore médiévale", Martin Rueff.
"Aria" (Petrarca, Fam. XXIII, 19), in Per Giovanni Romano. Scritti di amici, a cura di G. Agosti, G. Dardanello, G. Galante Garrone, A. Quazza, L'Artistica Editrice, Savigliano (Cuneo), 2009, p. 92-93.
"Auerbach et Dante. Quelques réflexions", traduction Martin Rueff, Po&sie, 133, 2010, p. 83-93.
L'epistola dantesca a Cangrande e i suoi due autori, in Petrarca, l'Umanesimo e la civiltà europea, Atti del Convegno internazionale, Firenze, 5-10 dicembre 2004, a cura di Donatella Coppini, Firenze, Casa Editrice Le Lettere, 2010 ; "Quaderni Petrarcheschi", XV-XVI, 2010, pp. 1053-1075 ; traduction française de Martin Rueff, "L'épître à Cangrande et ses deux auteurs", Po&sie, n°125, 2008/3, p. 125-142.
"Dante's Blind Spot (Inferno XVI-XVII)", in Dante's Pluringualism. Authority, Knowledge, Subjectivity, ed. by S. Fortuna, M. Gragnolati and J. Trabant, Legenda, Modern Humanities Research Association and Maney Publishing, London 2010, pp. 149-163.
"De l'artiste considéré comme faux-monnayeur", traduction de Martin Rueff, in Po&sie, n°142, 2012, p. 147-161.
"Text and Voice, Text vs Voice : On Dante's De vulgari eloquentia" II, 8, 3 ff., in L'Inquisizione romana, i giudici e gli eretici. Studi in onore di John Tedeschi, a cura di A. Del Col e A. Jacobson Schutte, Roma, Viella, 2017, pp. 39-58 ; traduction Martin Rueff, Po&sie, 177/178, 2022.
"Mise en abyme. Un recadrage", traduction de Pierre-Antoine Fabre, Incidence, n°15, Printemps 2020, p. 351-369.


Mardi 13 septembre
Matin
COMPARAISON, RELIGION ET ANTHROPOLOGIE — Animatrice : Anne BER-SCHIAVETTA
Sanjay SUBRAHMANYAM : Des Pyrénées à Jakarta : entre guerres, philologie, et botanique au XVIIe siècle

Table ronde, avec Daniel BARBU (Le sang impur : Juifs, femmes, lépreux), Giordana CHARUTY (Carlo Ginzburg et Ernesto De Martino. Questions d'ethnographie), Davide ERMACORA (Per verticem usque in cerebrum. Intracranial Needles, Midwives, Witches), Cora PRESEZZI (Les benandanti et la vallée de Josaphat : hypothèses sur un toponyme) et Guy STROUMSA (Carlo Ginzburg sur la religion) [texte lu]

Carlo Ginzburg
Le sabbat des sorcières, Paris, Gallimard, coll. "Bibliothèque des histoires", 1992.
Les Batailles nocturnes : sorcellerie et rituels agraires en Frioul, XVI-XVIIe siècle, Lagrasse, Verdier, 1980 ; Paris, 1984.
A distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, éd. Gallimard, coll. "Bibliothèque des histoires", 2001.
Rapports de force : histoire, rhétorique, preuve, éd. Seuil, coll. "Hautes études", 2003.
Nulle île n'est une île : quatre regards sur la littérature anglaise, Paris, Verdier, 2005.
Le Fil et les traces, traduit par Martin Rueff, Verdier, 2010.
Peur révérence terreur – Quatre essais d'iconographie politique, Dijon, 2013.

Après-midi
CARLO GINZBURG, ENSEIGNANT
Atelier post-doctoral animé par Lucio BIASIORI et Michele LODONE, avec Giovanna CAPPELLETTO, Giovanna FERRARI, Manfred POSANI, Cora PRESEZZI et Tullio VIOLA


Mercredi 14 septembre
Matin
LIRE LENTEMENT — Animateur : Martin RUEFF [présentation]
Table ronde, avec Franco MORETTI, Tiphaine SAMOYAULT (Proust historien) et Julien ZANETTA (Les mots conluents : lecture, détail, sacrifice)

Carlo Ginzburg et la lecture — Bibliographie
Mythes, emblèmes, traces ; morphologie et histoire, 1989, 2010.
A distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, 2001.
Rapports de force : histoire, rhétorique, preuve, 2003.
Nulle île n'est une île : quatre regards sur la littérature anglaise, 2005.
Le Fil et les traces, traduit par Martin Rueff, Verdier, 2010.
Peur révérence terreur – Quatre essais d'iconographie politique, 2013.
La lettera uccide, 2021.
Néanmoins, Machiavel, Pascal, 2022.

Après-midi
DE PRÈS, DE LOIN
Conversation avec Adriano PROSPERI [visioconférence]

Soirée
Entretien avec Paul HOLDENGRABER


Jeudi 15 septembre
Matin
Conférence de clôture de Carlo GINZBURG : Textes, images, reproductions. Sur les épaules de Walter Benjamin [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Carlo GINZBURG : Textes, images, reproductions. Sur les épaules de Walter Benjamin
Carlo Ginzburg a intitulé sa conférence : "Textes, images, reproductions. Sur les épaules de Walter Benjamin". Il s'agit de réfléchir sur la notion de reproductibilité de l'œuvre d'art, mais en déplaçant les critères historiques et méthodologiques qui avaient été ceux de Walter Benjamin dans son célèbre essai. Ginzburg part de la notion de texte "invisible" à savoir du texte qui survit à toutes ses instanciations matérielles. Une discussion de cette notion le pousse à se tourner vers un auteur qui aurait dû intéresser Benjamin : Léon de Laborde, qui signe en 1856 un De l'union des arts et de l'industrie, publié à Paris. Selon Laborde, "l'avenir des arts, des sciences et de l'industrie est dans leur association". Certes, la reproduction implique la vulgarisation, mais loin d'être péjoratif, ce terme implique une diffusion démocratique qui peut être comparée à celle du christianisme : "Le christianisme a vulgarisé le culte de Dieu". L'impact que la chrétienté a eu sur la religion, et celui que l'imprimerie a eu sur les textes, sont comparés à l'impact que l'industrie ne manquerait pas d'avoir sur les arts. La "vulgarisation de l'art" — à savoir la reproduction d'œuvres d'art uniques — est vue par Laborde comme l'issue d'un long processus historique vers la démocratie, rendu possible par le progrès technologique. La réflexion de Laborde croise la renaissance populaire du gothique parce qu'il ne pouvait être indifférent à la controverse entre Raoul-Rochette, le secrétaire perpétuel de l'Académie et Viollet-Le-Duc. Au premier qui soutenait que "faire revivre de nos jours ce qui a cessé d'exister depuis quatre siècles" était tout bonnement absurde, le second opposait une renaissance en marche, intense, populaire, désirée. C'est cette renaissance, cette reproduction heureuse que Laborde voit aussi à l'œuvre dans la photographie : que les objets d'art se trouvent multipliés, comme les images et comme les textes ne doit pas provoquer chez les amateurs un sentiment de repli et de déploration, mais d'enthousiasme. La renaissance populaire de Laborde, c'est-à-dire, "un avenir indéfini d'association démocratique et de centralisation populaire", était fondée sur la multiplication des objets de toutes sortes engendrées par les nouvelles technologies. Laborde identifiait le progrès technologique (et le capitalisme) avec le progrès tout court. Que ce progrès ait eu des opposants, cela est chose certaine, mais Laborde ne se laissa pas démonter. Il n'est pas simplement un anticipateur des thèses de Benjamin mais son contradicteur tant son humeur est différente — il refuse l'obsession de l'original singulier et de son aura et accueille de bon cœur la reproductibilité technique. Ces différends éclairent à coup sûr les discussions contemporaines sur les images et leur unicité.

Carlo Ginzburg (1939, Turin) est sans doute un des historiens les plus influents dans le monde d'aujourd'hui. Son œuvre est traduite dans une vingtaine de langues et a fait l'objet de nombreuses études, colloques, discussions. Il a enseigné en Italie (Bologne et Pise), aux USA (Los Angeles), et il est docteur honoris causa de nombreuses universités. Il est l'un des fondateurs de la micro-histoire qui a révolutionné l'écriture de l'histoire au XXe siècle.
Le colloque de Cerisy qui lui a été consacré en septembre 2022 entendait le mettre "sur le métier" : profiter de sa présence pour l'interroger sur les étapes de sa démarche, sur ses concepts principaux (micro-histoire, paradigme indiciaire, étude de cas, différence émique/étique) tout en revenant sur ses grands livres. Car s'il est vrai que l'on peut découper son œuvre en plusieurs périodes (le triptyque sur la sorcellerie : Le Fromage et les vers, 1976, Les Batailles nocturnes et Le sabbat des sorcières ; les livres de méthode : Mythes, emblèmes, traces, À distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, Rapports de force : histoire, rhétorique, preuve, Le Fil et les traces ; la preuve et le cas comme dans le tout récent : Néanmoins, Machiavel, Pascal), s'il est vrai que l'on peut découper son œuvre en plusieurs secteurs (histoire de la culture populaire, histoire de la culture savante, histoire de l'art), s'il est vrai enfin que la question de la preuve et la différence du témoignage et de l'histoire a pris un moment le devant de sa scène intellectuelle, la manière de Carlo Ginzburg présente des constantes et des lignes de force remarquables.


Isabelle ALFANDARY : Psychanalyse freudienne : la révolution du détail
La révolution de la clinique et théorique freudienne par rapport à la tradition psychiatrique qui l'a précédée réside dans l'attention au détail sémiotique — et non seulement somatique — qui accompagne le tableau clinique du patient. Le corps parle mais son discours emprunte des moyens au besoin pseudo-somatiques. Le symptôme qui frappe la patiente s'accompagne d'une sémioticité protéiforme et hétérogène que la psychanalyse prendra au sérieux et dont elle prendra le risque de le relever. Le symptôme hystérique tel qu'il est constitué dans la théorie freudienne se décroche du tableau nosographique de la psychiatrie pour devenir énigme. Dans "Dora", Freud étend l'attention clinique de l'analyste à une double sphère : "Nous devons porter autant d'attention aux rapports purement humains et sociaux où se trouvent les malades qu'aux données somatiques et aux symptômes de la maladie". À l'opposé de la clinique hospitalière décrite par Michel Foucault, l'"extrinsèque" n'est plus écarté : il indique au contraire le chemin à suivre. La "vérité" de la maladie change de statut : elle ne se reconnaît plus à l'œil nu, elle est corroborée par un récit. L'insignifiant, l'infime, le minuscule, le négligeable tiennent dans la science analytique naissante une place colossale. La psychanalyse : un art divinatoire comme le suggère C. Ginzburg ? Freud aurait rejeté cette définition inacceptable, lui qui a tenté de toutes ses forces de fonder une science. Et pourtant la part de l'intuition alliée à la détection, de l'interprétation du détail confine à un art, sinon une science de la divination.

Alfandary, Isabelle, Science et fiction chez Freud. Quelle épistémologie pour la psychanalyse ?, Paris, Ithaque, 2021.

Daniel BARBU : Le sang impur : Juifs, femmes, lépreux
Dans cette intervention conçue en dialogue avec les travaux de Carlo Ginzburg sur l'antijudaïsme médiéval, notamment dans Le Sabbat des sorcières (orig. 1989; fr. 1992), il s'agira de retracer l'histoire d'un curieux motif, celui des Juifs menstruants. Ce motif nous invite à interroger l'intersection des discours sur le genre, la pureté et l'altérité religieuse dans ce contexte.

Daniel Barbu est chargé de recherche au CNRS, membre du Laboratoire d'études sur les monothéismes. Il a obtenu son doctorat en histoire des religions à l'université de Genève (Faculté des lettres) en 2012 et son habilitation en sciences des religions et études juives à l'université de Berne (Faculté d'histoire et de philosophie) en 2020. Ses recherches portent sur l'histoire des relations entre Juifs et chrétiens, ainsi que sur le rôle de la comparaison en histoire des religions. Il a notamment contribué au projet Balzan dirigé par Carlo Ginzburg, A Comparative Approach to Religions. Daniel Barbu enseigne les sciences religieuses à l'université PSL/École Pratique des Hautes Études. Il a notamment publié Naissance de l'idolâtrie: identité, image, religion aux Presses universitaires de Liège (2016). Il dirige la collection "Histoire des religions" chez Labor et fides et est également l'un des éditeurs de la revue d'anthropologie art d'histoire des religions Asdiwal et de la revue CROMOHS - Cyber review of Modern HIstoriography.
Liens
books.openedition.org/pulg/8802
laboretfides.com/ch_fr/index.php/presentation/collection/histoire-des-religions.html
asdiwal.ch/en/index.php
oajournals.fupress.net/index.php/cromohs/

Lucio BIASIORI
Lucio Biasiori a suivi les cours de Carlo Ginzburg à l'École Normale Supérieure de Pise entre 2006 et 2010, il a collaboré au projet Comparing Religions. Il est aujourd'hui professeur associé d'histoire moderne à l'université de Padoue où il enseigne l'anthropologie historique de la modernité.

Fabrice BRANDLI : Histoire diplomatique, histoire de la diplomatie, microhistoire globale
Envisager la microhistoire "à distance" pourrait être une invitation à considérer ses effets dans un champ qui n'a pas fait immédiatement partie de ceux dans lesquels elle s'est déployée dès les années 1980, l'histoire de la diplomatie à l'époque moderne. Depuis la critique des apories de l'histoire diplomatique classique jusqu'aux apports de la microhistoire globale contemporaine, les enjeux propres à la microhistoire ont pourtant contribué à renouveler la manière d'aborder les théories, les normes et les pratiques de la diplomatie ancienne, parfois sur le registre de l'implicite et sans imposer pour autant une uniformité programmatique à ce renouvellement. À la faveur d'une démarche résolument interdisciplinaire, notamment en direction de la sociologie de l'interaction et de l'anthropologie, les sources produites par les institutions diplomatiques ont été relues à distance critique de la logique normative qui les avait produites. Dans des séries archivistiques restrictivement indexées sous la rubrique "Correspondance politique", comme c'est le cas dans les archives diplomatiques françaises, et à condition de se déprendre de l'obsession pour la décision politique, le regard historien pouvait alors saisir l'"exception normale" dans les parcours individuels extraordinairement diversifiés et dans la multiplicité tout aussi foisonnante des intérêts, des représentations, en un mot de la culture des acteurs et des actrices. Plus encore, en croisant les sources ministérielles avec les mémoires, les journaux, la littérature, etc., la diplomatie a alors été comprise comme un espace d'expérience sociale irréductible à la seule sphère de l'État, mais au contraire interconnectée étroitement avec d'autres espaces d'expérience qu'il était désormais impossible de saisir de manière discontinue. Cet aggiornamento méthodologique et épistémologique a impliqué la construction d'un récit à hauteur d'individus dont il s'agissait de suivre les actions et les représentations en fonction de stratégies personnelles, mais aussi collectives, qu'elles soient familiales ou corporatistes, d'en relever la rationalité propre tout comme les contradictions apparentes ou réelles dans un souci constant d'équilibrer les dimensions émique et étique des discours produits de part et d'autre de la narration historique en construction. Comme expérience complexe de l'altérité, la diplomatie était ainsi devenue l'objet historique à partir duquel dénaturaliser l'État moderne tout en rompant avec l'ethnocentrisme hérité de la conception nationale de l'histoire : la diplomatie pouvait enfin se donner comme l'une des formes, non exclusive, de l'interaction sociale en vertu de la combinaison d'échelles d'analyse diversifiées dont le néologisme "glocal" est peut-être l'une des expressions les plus récentes.

Chargé de cours au Département d’histoire générale de l'université de Genève, Fabrice Brandli est également secrétaire scientifique de la Société J.-J. Rousseau et membre de l'Équipe Damoclès. Ses premières recherches portent sur les relations diplomatiques entre la France et Genève au XVIIIe siècle, avec une attention particulière accordée aux mécanismes cérémoniels comme modèles d'interaction entre des cultures politiques différentes. Le résultat de ses recherches a été publié en 2012 aux Presses universitaires de Rennes sous le titre Le nain et le géant. La République de Genève et la France au XVIIIe siècle, cultures politiques et diplomatie. Fabrice Brandli s'est également intéressé à l'histoire de la coopération judiciaire qui a notamment fait l'objet du troisième numéro de Beccaria. Revue d'histoire du droit de punir (2017) qu'il a dirigé. Il a également proposé l'édition critique d'une dizaine de pamphlets de Voltaire parus entre 2012 et 2018 dans les Œuvres complètes de Voltaire (Oxford, Voltaire Foundation). Après avoir fourni l'article "Animal" pour le Dictionnaire critique de l'utopie au temps des Lumières (2015), il travaille désormais dans une perspective d'histoire culturelle et d'anthropologie historique sur les rapports entre humanité et animalité, notamment avec le projet en cours d'un livre sur les animaux dans l'imaginaire utopique moderne.
Publication
Fabrice Brandli, "Les négociateurs français à Genève (1679-1798). Identités sociales composites et pluralité des parcours", dans Indravati Félicité (dir.), L'identité du diplomate. Métier ou noble loisir ?, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 89-104.

Guillaume CALAFAT
Plusieurs travaux récents ont réfléchi, ces dernières années, à la rencontre entre l'histoire globale et la microhistoire. Loin de se résumer à un changement d'échelle, elle invite à penser plus largement l'apport méthodologique de la microstoria, des Quaderni Storici et de l'œuvre de Carlo Ginzburg pour l'enquête historienne et la lecture lente et rapprochée des documentations.

Bibliographie
Angelo TORRE, "Micro/macro : ¿ local/global ? El problema de la localidad en una historia espacializada", Historia crítica, 69 (2018), p. 37-67 [en ligne].
Francesca TRIVELLATO, "Is There a Future for Italian Microhistory in the Age of Global History ?", California Italian Studies, 2-1 (2011) [en ligne].
"La microhistoire globale : affaire(s) à suivre", introduction écrite par Guillaume Calafat et Romain Bertrand, in Numéro spécial des Annales "Microhistoire globale", 2018 [en ligne].

Giovanna CAPPELLETTO
Giovanna Cappelletto a suivi les séminaires de Carlo Ginzburg à l'université de Bologne entre 1977 et 1980. Elle a obtenu sa maîtrise sous la direction de Carlo Ginzburg en 1981.

Simona CERUTTI
Simona Cerutti reviendra sur deux thèmes : une réflexion autour des instruments que la microstoria s'est donnée pour inscrire l'histoire dans les sciences sociales, par rapport aux voies suivies par les différentes histoires sociales (françaises et anglo-saxonnes) au cours des années 1970-80 ; et, parallèlement, une réflexion sur les formes (originales) d'interdisciplinarité que la microstoria a proposé. Le deuxième point est une autocritique de la faiblesse des réponses que la microstoria a donné sur le terrain de la généralisation et de la représentativité des cas, qui sont les objets de ses recherches. L'analyse des catégories mobilisés par les contemporains a insuffisamment nourri les analyses : le thème de la "répétition" des comportements "sans contradiction", que l'on retrouve si souvent dans les sources de l'époque moderne, par exemple, a conduit à des conceptions de la représentativité des phénomènes qui investissent le consensus et la légitimité, plutôt que la fréquence d'un phénomène. Autant d'éléments apparemment incongrus dont, par ailleurs, le poids dans nos conceptions actuelles de la représentativité mérite d'être mesuré de plus près.

Simona Cerutti est historienne, directrice d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales. Ses travaux portent sur les classifications sociales et le langage des droits dans les sociétés de l’époque moderne. A dialogué avec Carlo Ginzburg dans deux écrits : "Microhistory : Social Relations versus Cultural Models ?", in A. M. Castrén, M. Lonkila et M. Peltonen (éd), Between Sociology and History. Essays on Microhistory, Collective Action, and Nation-Building, S.K.S., Helsinki, 2004 et ""A rebrousse-poil". Dialogue sur la méthode", Critique, 769-770, juin-juillet 2011.
Publications
La ville et les métiers. Naissance d'un langage corporatif (Turin, XVIIe-XVIIIe siècle), Éditions de l'E.H.E.S.S., Paris, 1990.
Étrangers. Étude d'une condition d'incertitude dans une société d'Ancien Régime, Bayard, Paris, 2012.
Justice sommaire. Pratiques et idéaux de justice dans une société d'Ancien Régime, Éditions de l'E.H.E.S.S., Paris, 2021.

Giordana CHARUTY
Giordana Charuty, anthropologue, directrice d'études à l'École pratique des hautes études (Paris), membre du Laboratoire d'anthropologie du politique (EHESS). Elle coordonne le thème "Histoire de l'anthropologie italienne" pour BEROSE, encyclopédie internationale des histoires de l'anthropologie et co-édite la revue Gradhiva au Musée du quai Branly. Traductrice de Carlo Ginzburg, I Benandanti (1966) : Les Batailles nocturnes : sorcellerie et rituels agraires en Frioul, XVI-XVIIe siècle, Verdier, 1980 ; Flammarion, 1984. Ses recherches portent sur les hétérodoxies religieuses et thérapeutiques en Europe occidentale depuis le début du XIXe siècle, l'épistémologie des savoirs de la différence et l'ethnologie en situation missionnaire. L'édition française d'œuvres d'Ernesto De Martino (La Fin du monde. Essai sur les apocalypses culturelles, Paris, EHESS, 2016 ; Le Monde magique. Prolégomènes à l'étude d'une formation historique, Paris, Bartillat, 2022) a bénéficié du dialogue avec Carlo Ginzburg. Elle prépare un ouvrage sur les arts de l'existence qui font passer les sociétés sécularisées du régime de la coutume à celui du destin.
Publications
"Actualités de Storia notturna", L'Homme, 2019/2, n°230, 133-152.
Ernesto De Martino : les vies antérieures d'un anthropologue, Marseille, Éditions Parenthèses – Éditions de la MMSH, 2009.
Folie, mariage et mort. Pratiques chrétiennes de la folie, Paris, Éditions du Seuil, 1997.

Davide ERMACORA
Davide Ermacora a obtenu son doctorat (conjoint) en anthropologie à l'université de Turin et à l'université Lumière Lyon 2. Il a depuis enseigné dans plusieurs universités italiennes et a édité des ouvrages d'anthropologie italiens. Ses recherches se situent à l'intersection de l'histoire des religions et de la folkloristique, avec un intérêt particulier pour les systèmes de croyances surnaturelles et les légendes traditionnelles et contemporaines.

Giovanna FERRARI
Giovanna Ferrari a suivi des séminaires de Carlo Ginzburg à l'université de Bologna entre 1977 et 1980. Elle a obtenu sa maîtrise sous la direction de Carlo Ginzburg en 1981 et, en 1991 elle est devenue docteur en Histoire sociale européenne toujours sous la direction de Carlo Ginzburg. Elle enseigne désormais au lycée. Ses recherches portent sur l'histoire de thèmes médicaux et philosophiques au Moyen Âge.
Publications
"Public Anatomy Lessons and the Carnival: the Anatomy Theatre of Bologna", in Past & Present, n°117 (novembre 1987), Oxford, pp. 50-106.
L'esperienza del passato. Alessandro Benedetti filologo e medico umanista (1452-1512), Olschki, Firenze, 1996 (collana "Biblioteca di Nuncius", n°22), pp. 357.
Introduzione e commento all'edizione del Tractatus de humido radicali di Arnaldo da Villanova, vol. V.2 degli Arnaldi de Villanova Opera Medica Omnia, (con Chiara Crisciani e Michael McVaugh), Barcelona 2010, pp. 319-571 (in particolare pp. 319-22, 332-44, 397-471).
Médecine, astrologie et magie entre Moyen Âge et Renaissance: autour de Pietro d'Abano, Textes réunis dal Colloque International "Médecine, astrologie et magie entre Moyen Age et Renaissance: autour de Pietro d'Abano" (Paris, settembre 2006), a cura di J.-P. Boudet, F. Collard et N. Weill-Parot, "Micrologus Library", n°50, Firenze 2013, pp. 107-130.

Paul HOLDENGRABER
Paul Holdengräber is an interviewer and curator. He is the Founding Executive Director of Onassis Los Angeles (OLA). Previously, and for 14 years, he was Founder and Director of The New York Public Library's LIVE from the NYPL cultural series where he interviewed and hosted over 600 events, holding conversations with everyone from Patti Smith to Zadie Smith, Ricky Jay to Jay-Z, Errol Morris to Jan Morris, Wes Anderson to Helen Mirren, Werner Herzog to Mike Tyson. Before his tenure at the Library, Holdengräber was the Founder and Director of "The Institute for Art & Cultures" at the Los Angeles County Museum of Art, and a Fellow at the Getty Research Institute in Los Angeles. He has a Ph.D. in Comparative Literature from Princeton University and has taught at Princeton University, Williams College, Claremont Graduate University among others. In 2003, the French Government named Holdengräber Chevalier des Arts et des Lettres, and then promoted him in 2012 to the rank of Commandeur des Arts et des Lettres. In 2010, The President of Austria awarded him the Austrian Cross of Honor for Science and Art.

Bruno KARSENTI
"Notre mode de connaissance du passé est profondément informé par l'attitude de supériorité chrétienne vis-à-vis des juifs. Ou, en d’autres termes, ces deux mots verus Israël, "le vrai Israël", énoncés comme définition du christianisme par lui-même, ont été le lieu de naissance d'une conception de la vérité historique qui est aujourd'hui encore — je le dis à dessein sous cette forme globale — notre conception.
Cette découverte m'a plongé dans un profond malaise, que je partage peut-être avec d'autres, juifs et non-juifs. Mais après tout, le contexte dans lequel une idée prend sa source ne détermine qu'en partie ses usages ultérieurs (…) Qui s'emparera de notre notion d'histoire et la fera sienne, tout en en rejetant peut-être le noyau conceptuel exprimé par la métaphore de la perspective ?
"
Citation de Carlo Ginsburg, in A distance, p.163.

Bibliographie
Moïse et l'idée de peuple, Le Cerf, 2012.
"Le totémisme et sa trace", Archives de Philosophie, 78, 4, 2015
La question juive des modernes, PUF, 2017.

Giovanni LEVI
À l'occasion de cette réflexion sur la microhistoire à distance, Giovanni Levi voudrait reprendre le débat sur plusieurs points : entre le cas particulier et la généralisation ; entre la micro-histoire et l'histoire globale ; entre généralisation et synthèse dans le développement des travaux de Carlo Ginzburg, enfin sur son utilisation du concept d'analogie.

Giovanni Levi, "La storia. Scienza delle domande generali e delle risposte locali", Psiche, 2018-2, p. 361-377.
L'introduction à la réédition italienne de Giovanni Levi, L'eredità immateriale (en français, paru comme "Le pouvoir au village"), 2020.

Michele LODONE
Michele Lodone a suivi les cours de Carlo Ginzburg à l'École Normale Supérieure de Pise entre 2007 et 2010 et a soutenu sa thèse sous la supervision de Carlo Ginzburg. Il enseigne désormais l'histoire médiévale à l'université de Modène et de Reggio Emilia.

Andreas MAYER
Andreas Mayer est directeur de recherche CNRS (Centre Marc Bloch/Centre Alexandre Koyré). Ses travaux portent sur les sciences, savoirs et techniques de la subjectivité, l'histoire et l'anthropologie des objets des sciences de l'homme et l'histoire et l'historiographie de la psychanalyse.
Monographies
Rêver avec Freud. L'histoire collective de "L'interprétation du rêve", avec L. Marinelli, Aubier, 2009.
Sites of the Unconscious : Hypnosis and the Emergence of the Psychoanalytic Setting, Chicago Univ. Press, 2013.
"Écrire l'histoire de la psychanalyse : le problème du contexte", Revue d'histoire des sciences humaines, 30 (2017), p. 71-91 [en ligne].
The Science of Walking. Investigating Locomotion in the Long Nineteenth Century, Chicago Univ. Press, 2020.
Introduction à Sigmund Freud, La Découverte, coll. "Repères", 2020.

Mauro NATALE : Carlo Ginzburg, histoire et connoisseurship : divergences et convergences
Cette conférence évoquera les différentes approches, toujours critiques et parfois conflictuelles, de Carlo Ginzburg par rapport à l'histoire de l'art, de l'essai Da A.Warburg a E.H.Gombrich ("Studi medievali", 1966), aux différentes versions des Indagini su Piero (1981-2022), en mettant en évidence surtout les questions de méthode.

Manfred POSANI
Manfred Posani a suivi les cours de Carlo Ginzburg à l'École Normale Supérieure de Pise entre 2006 et 2008. Il travaille aux archives de l'université grégorienne de Rome et écrit un livre sur la fausse nouvelle de l'incendie du Louvre pendant la Commune de Paris en 1871.

Cora PRESEZZI
Cora Presezzi est chercheuse (post-doc) à l'Istituto Italiano di Studi Germanici à Rome, et elle travaille actuellement sur la réception de Machiavel dans la culture allemande. En 2019, elle a édité un volume d'études consacré à Le sabbat des sorcières. Ses recherches portent sur l'histoire religieuse et l'histoire des doctrines théologiques chrétiennes depuis l'Antiquité tardive au premier âge moderne.

Giulia PUMA
Giulia Puma est maître de conférences en histoire de l'art médiéval (Univ. Côte d'Azur), spécialiste de la peinture italienne des Tre- et Quattrocento, elle a publié Les Nativités italiennes, 1250-1450. Une histoire d'adoration (Rome, Presses de l'EFR, 2019). Agrégée d'Italien, elle traduit, seule ou à quatre mains avec Guillaume Calafat, depuis de nombreuses années des textes scientifiques depuis l'italien vers le français, d'auteurs tels qu'Andrea Addobbati, Barbara Carnevali, Simona Cerruti, Lisa Ginzburg, Aldo Schiavone, ou encore Angelo Torre.

Irène ROSIER-CATACH : Après deux siècles d'oubli, les surprenantes lectures humanistes du De vulgari eloquentia
Écrit dans les années 1304-1305, et oublié pendant deux siècles, le De vulgari eloquentia occupe une place particulière dans l'histoire de la réception des ouvrages de Dante. Rédigé en latin, il fut d'abord connu par des extraits en italien, divulgués à Rome par Gian Giorgio Trissino, en 1524, avant qu'il l'édite, en italien, en 1529. On pensait qu'il avait été composé vicino a la morte, donc après la Commedia, ce qui explique les doutes émis sur sa paternité, qui subsisteront encore après son édition latine par Corbinelli, à Paris, en 1577. Les questions abordées, dans les années 1524, étaient bien autres que celles traitées par Dante, et les arguments empruntés à l'ouvrage témoignent de la lecture partielle, déformée et orientée qui en fut faite, par Trissino, Machiavel ou Tolomei notamment, ou encore par Giovan Battista Gelli, qui, dans sa Lezione à l'Academia Fiorentina, en 1541, tout en jugeant le traité inauthentique, en rapprochera les fameux vers du Par. xxvi, pour démontrer la supériorité du florentin.

Irène Rosier-Catach est Directrice de recherche au CNRS et Directrice d'Études à l'EPHE. Spécialiste de l'histoire des théories linguistiques et sémiotiques au Moyen Âge, elle est l'auteur de nombreuses publications dans ce domaine. En savoir plus : htl.cnrs.fr/equipe/irene-rosier-catach/.
Publications
La parole efficace, Seuil, 2004.
Traduction commentée : Dante Alighieri. De l'éloquence en vulgaire, Fayard, 2011.
A coordonné le volume : Le pouvoir des mots au Moyen Âge, Brepols, 2014.

Denis THOUARD : Une philologie à rebours
Lors de la présentation de la conférence "La lettre tue" à Lucerne en 2011, reprise dans le recueil paru en 2021 La lettera uccide auquel elle donne son titre, certains commentateurs ont cru identifier un "tournant vers la philologie", voire la constitution d'une "théologie politique". Pour explorer le rapport de l'historien à la philologie, sans revenir sur des analyses passées, je m'engagerai dans une voie de traverse selon deux "pistes" : d'une part le rapport à Sebastiano Timpanaro, d'autre part celui, absent dans La lettera uccide, à Erich Auerbach et son essai Figura. Par là j'espère affiner ce que j'ai déjà esquissé auparavant au motif de la "philologie à rebours".

Denis Thouard est directeur de recherche au CNRS. Ses travaux portent notamment sur les liens entre philosophie et philologie, sur la tradition herméneutique, la philosophie contemporaine. A publié récemment : Herméneutique critique (Presses du Septentrion, 2011) ; Geteilte Ideen (Matthes und Seitz, 2016) ; Et toute langue est étrangère. Le projet de Humboldt (Encre marine/Belles Lettres, 2016) ; Georg Simmel. Une orientation (Circé, 2020) ; Herméneutiques contemporaines (Hermann, 2020) et avec Christoph König, Goethe, le second auteur (Hermann, 2022) issu d'un colloque à Cerisy en août 2018. Sur Carlo Ginzburg, il a édité le volume L'interprétation des indices. Enquête sur le paradigme indiciaire avec Carlo Ginzburg (PU du Septentrion, 2007, issu d'un colloque à Lille en 2005), les chapitres "Les deux herméneutiques de l'historien" et "Carlo Ginzburg et les indices de l'histoire" (dans Herméneutiques contemporaines, p. 99-170) et récemment "L'herméneutique comme cynégétique. Ouverture", dans Eléonore Reverzy, Bertrand Marquer (éds.), Histoires de chasse. Traces et traques dans la littérature du XIXe siècle, Paris, Garnier, 2021, p. 21-34.


LE CINÉMA ET L'HISTORIEN : HOMMAGE À JEAN-LOUIS COMOLLI — Animateur : Martin RUEFF
Débat avec Jacques BONTEMPS, Patrick BOUCHERON, Carlo GINZBURG et Paul ROZENBERG
C'est à la suite du procès intenté à Adriano Sofri et à ses compagnons de lutte que Carlo Ginzburg publie Le Juge et l'historien, considérations en marge de l'affaire Sofri (Einaudi, 1991 ; Quodlibet, 2020 ; Verdier, 1997). Et c'est ce livre qui fut l'occasion de la rencontre entre Jean-Louis Comolli, l'homme de cinéma et Carlo Ginzburg. Un film est né de cette rencontre : L'Affaire Sofri (2001). Une amitié féconde s'est nouée et Jean-Louis Comolli a consacré plusieurs films à l'historien : Le peintre, le poète et l'historien (2006) sur Dante et Giotto. Il faut mentionner une entreprise sans équivalent : Comolli a filmé la préparation du livre que l'historien voulait consacrer à Dante. Il s'en est suivi des heures et des heures de tournage. Un film est sorti de ce laboratoire : Reproduction/reproduction. Ars imitatur naturam (2008).
Jean-Louis Comolli devait venir à Cerisy pour évoquer son travail avec Carlo Ginzburg. Il est mort le 19 mai 2022. Pour lui rendre hommage, nous évoquerons cette "conversation souveraine" en compagnie de Jacques Bontemps, Patrick Boucheron et Paul Rosenberg.

Jacques BONTEMPS
Jacques Bontemps est philosophe, critique et théoricien du cinéma. Proche de Jean-Louis Comolli, il a participé avec lui à l'aventure des Cahiers du cinéma, mais aussi à la revue Trafic.

Patrick BOUCHERON
Patrick Boucheron est historien. Professeur au collège de France il est l'auteur de nombreux livres. Signalons : La Trace et l'Aura. Vies posthumes d'Ambroise de Milan (IVe – XVIe siècle), Paris, Le Seuil, coll. "L'Univers historique", 2019 et Nous sommes ici, nous rêvons d'ailleurs (avec Mathieu Riboulet), Paris, Verdier, 2022. Il a préfacé la réédition de Le fromage et les vers (Paris, Flammarion, 2019).

Paul ROZENBERG
Paul Rozenberg est un producteur engagé. Il dirige la boîte de production Zadig productions et a produit une trentaine de films tous traversés par de fortes préoccupations historiques, politiques et sociales. Il a produit Leone Ginzburg, un intellectuel contre le fascisme, le film que Florence Mauro a consacré au père de Carlo Ginzburg (2016).


LIRE LENTEMENT — Animateur : Martin RUEFF
Table ronde, avec Franco MORETTI, Tiphaine SAMOYAULT (Proust historien) et Julien ZANETTA (Les mots conluents : lecture, détail, sacrifice)
Rares sont les historiens pour lesquels la littérature aura tant compté. Ginzburg les lit avec la même minutie que les archives. On pourrait reconstruire sa bibliothèque où les classiques italiens côtoient les écrviains français (Voltaire, Stendhal, Flaubert, Proust) comme les auteurs anglais (Sterne, Shelley). Mais il y a plus. Ginzburg est philologue et il s'est formé à la philologie avec les plus grands (Contini). Il dit partout son admiration pour Auerbach. On le lit souvent lisant des philologues qui lisent et cet enchevêtrement savant stimule toujours l'imagination théorique.
Ralentir travaux.

Franco MORETTI
Dans son dernier livre, Falso Movimento (la svolta quantitativa nello studio della letteratura), Nottetempo, Extrema Ratio, 2022, Franco Moretti a consacré un chapitre à la "méthode" de Ginzburg intitulé "Exceptions, normes, cas extrêmes, Carlo Ginzburg". Il y évoque le goût de Ginzburg pour l'anomalie et le confronte à l'histoire quantitative qu'il juge au regard de sa propre pratique.

Franco Moretti has taught comparative literature in various Italian and American universities, and is currently permanent fellow of the Wissenschaftskolleg zu Berlin. His latest book, False movement, The quantitative turn in literary study, is being published this year in Italian, Spanish, German and English.
Publication
Franco Moretti, Falso Movimento (la svolta quantitativa nello studio della letteratura), Nottetempo, Extrema Ratio, 2022.

Tiphaine SAMOYAULT : Proust historien
Natalia Ginzburg traduisait Proust pendant la guerre, alors que la famille était reléguée à Pizzoli, dans les Abruzzes. La résonance intime de cette circonstance bat dans la relation de Carlo Ginzburg à Proust et dans les références qu'il fait à celui-ci. Nous nous demanderons quel historien est Proust selon Ginzburg et comment Proust donne des méthodes à l'historien.

Bibliographie
"Achever le cheval : un problème historique et un problème poétique", Cahiers Claude Simon, n°16, Presses universitaires de Rennes, 2021, p. 121-134.
Traduction et violence, Seuil, 2020 (Prix Anna de Noailles de l'Académie française, 2021).

Julien ZANETTA : Les mots confluents : lecture, détail, sacrifice
À partir de la préface que Ginzburg consacre à l'essai autobiographique de Michael Baxandall (Épisodes), j'aimerais interroger l'art particulier de ce que l'on peut nommer les "mots confluents". Souvent, il suffit d'un mot pour changer de chemin. Ginzburg pratique en maître cette science où le mot, compris dans son extension la plus complexe — concept majeur ou détail négligeable —, se voit pesé, examiné, interrogé, et détermine du cours imprévisible de l'essai ou de l'étude. Il s'agira donc de comprendre comment un mot peut se révéler mesure du chemin parcouru mais aussi indice ou repoussoir d'autres chemins conditionnels.

Bibliographie
L'Hôpital de la peinture, Baudelaire, la critique d'art et son lexique, Paris, Rue d'Ulm édition, automne 2022.


BIBLIOGRAPHIE :

Carlo Ginzburg

Le Fil et les traces, vrai, faux, fictif, traduit par Martin Rueff, Lagrasse, Verdier, 2010.
Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, Lagrasse, traduit par Monique Aymard, Christian Paoloni et Elsa Bonan, Verdier, nouvelle édition, 2010.
Peur révérence terreur – Quatre essais d'iconographie politique, Dijon, Les Presses du réel, 2013.
Néanmoins, Machiavel, Pascal, traduit par Martin Rueff, Lagrasse, Verdier, 2022.
Il formaggio e i vermi, réédition, Adelphi, "Oceano delle storie", 2019.
I benedanti, réédition, Adelphi, "Oceano delle storie", 2020.

Littérature critique

L'interprétation des indices. Enquête sur le paradigme indiciaire. Avec Carlo Ginzburg, Lille, Presses du Septentrion, 2007.
Critique, n°769-770, "Carlo Ginzburg, l'historien à la trace", direction Patrizia Lombardo et Martin Rueff, 2011.
Sensibilités, n°6, Étienne Anheim et Carlo Ginzburg, 2019.
Streghe, sciamani, visionari, In margine a Storia notturna di Carlo Ginzburg, Cora Presezzi (éd.), Roma, Viella, 2019.


SOUTIENS :

Fondation Internationale Prix Balzan
• "Centre de recherches historiques (CRH)" | EHESS
Maison de l'histoire | Université de Genève (UNIGE)

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


MANGER ENSEMBLE POUR REFAIRE LE MONDE ?


DU MERCREDI 31 AOÛT (19 H) AU MARDI 6 SEPTEMBRE (14 H) 2022

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Patrick CARON, Bernard HUBERT, Bruno REBELLE, Victoria SACHSÉ

Colloque organisé à l'initiative du Cercle des partenaires


ARGUMENT :

Dans le contexte actuel de réchauffement climatique et de crises multiples et structurelles, les systèmes agricoles et alimentaires (production, transformation, distribution, consommation) font partie de ces activités humaines qui sont, à la fois, responsables des changements climatiques et de l'érosion de la biodiversité, et fortement déstabilisées par la perturbation des conditions écologiques, économiques, sociales et politiques. La transformation de ces systèmes nécessaire pour faire de l'alimentation de qualité un bien commun, accessible à toutes et tous, répondant aux impératifs écologiques et sociaux (biodiversité, sols et ressources en eau, juste partage de la valeur, préservation des emplois agricoles, etc.) n'est pas sans susciter de nombreuses tensions.

L'hypothèse de ce colloque est la suivante : en dépassant l'opposition aujourd'hui frontale entre "alternatifs marginaux" et "dominants conservateurs", il deviendra possible d'aborder, puis de dépasser ces tensions. En effet, quand les perceptions et les opinions des acteurs changent — y compris leurs opposants, ennemis ou adversaires à convaincre —, leurs pratiques peuvent se transformer et, par cascades successives, faire évoluer les postures institutionnelles, les politiques et les normes…

Partant de ces constats, le colloque analysera les tensions qui traversent les systèmes agricoles et alimentaires ainsi que les voies et moyens permettant de les dépasser. L'hypothèse centrale est que la restauration de relations constructives et apaisées entre la production et la consommation, et la compréhension fine des composantes des environnements alimentaires qui influencent les comportements des mangeurs, constituent des leviers essentiels de la promotion d'une alimentation résultant de la transition écologique et sociale de ces systèmes. Ainsi, acteurs et chercheurs de visions différentes, intervenant dans divers secteurs ou échelles, construiront ensemble un diagnostic complet des situations, puis proposeront aux opérateurs, à la recherche et aux pouvoirs publics, des pistes retissant des relations au service d'une alimentation vraiment durable.


MOTS-CLÉS :

Débats et controverses, Local/global, Systèmes agricoles et alimentaires, Transition écologique


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 31 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 1er septembre
Matin
Patrick CARON, Bernard HUBERT, Bruno REBELLE & Victoria SACHSÉ : Ouverture du colloque

I. ALIMENTATION DURABLE AU XXIe SIÈCLE : DE QUOI PARLE-T-ON ?
1. Un enjeu global
Andy SMITH (Sciences Po, Bordeaux) : L'offre alimentaire française et sa construction de "la demande" depuis 1945
Patrick CARON (Cirad, Univ. Montpellier) : Pourquoi parler d'alimentation durable ?
Bernard HUBERT (INRAe, EHESS) : Paysans, jardiniers, mangeurs : 15 années de colloques de Cerisy témoins d'une transformation radicale de nos rapports à l'agriculture et à l'alimentation

Après-midi
2. Ce que manger veut dire aujourd'hui ?
Guénaelle GAULT (ObSoCo) : Présentation des résultats de l'enquête menée par l'IFOP et l'ObSoCo

"Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es ?" — Atelier en deux parties :
- Assiette individualisée sur table commune : pratiques et régimes alimentaires entre diversification et exclusion ?, animé par Gilles LUNEAU (Globosphère)
- La cuisine et la table peuvent-elles encore rassembler ?, animé par Christophe LAVELLE (Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris)

Que nous disent ces échanges sur les principales évolutions des enjeux et des pratiques alimentaires ?

Consommateurs et mangeurs : les individus sont-ils souverains face aux choix alimentaires ? Intérêt du concept d'environnement alimentaire, table ronde avec Nicolas BRICAS (Cirad) et Claude FISCHLER (CNRS)

Vernissage de l'exposition "Je mange donc je suis en NORMANDIE", présentée par Jacques BRULHET (APPAT), avec Christophe LAVELLE (Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris)


Vendredi 2 septembre
Matin
2. Ce que manger veut dire aujourd'hui ? (suite)
Alimentation, santé et bien-être : diversité des besoins et solutions multiples, table ronde animée par Bernard HUBERT (INRAe, EHESS), avec Marie-Josèphe AMIOT-CARLIN (INRAe) [visioconférence], Adeline LESCANNE (Nutriset) et Yves MARTIN-PRÉVEL (IRD)

3. L'accès à l'alimentation : un sujet politique
Mathilde DOUILLET (Fondation Carasso) : Introduction générale de la problématique. L'accès à l'alimentation est un sujet politique qui mobilise des concepts encore à consolider : le droit à l'alimentation, la démocratie alimentaire, la justice alimentaire
Pauline SCHERER (LERIS) : Démocratie alimentaire et nouvelles solidarités [visioconférence]
Magali RAMEL (Univ. Tours)
Mathieu DALMAIS (Ingénieur Sans Frontière) : Présentation émergence de la SSA, difficultés, enjeux…

Après-midi
Valeria SINISCALCHI (EHESS) : Mobilisations et "alternatives" économiques : la nourriture comme objet politique [visioconférence]

3. L'accès à l'alimentation : un sujet politique (suite)
Temps de dialogue pour confronter les concepts et les pratiques et rechercher les convergences entre ces différentes approches, animé par Patrick CARON (Cirad, Univ. Montpellier), avec Malek BATAL (Univ. Montréal), Magali RAMEL (Univ. Tours) et Laurent TERRASSON (Dir. de la publication de l'Autre Cuisine)

Soirée
Enquête sur le mouvement vegan et le développement de la viande cellulaire, avec Gilles LUNEAU (Auteur de Steak barbare, L'aube, 2020)


Samedi 3 septembre
Matin
II. SYSTÈMES AGRICOLES ET ALIMENTAIRES FACE À LA TRANSITION : ENTRE RÉSISTANCE ET ADAPTATION ?
Ces lignes de fractures qui ralentissent les transitions. Premiers apports de la recherche action portée par Transitions, par Victoria SACHSÉ et Bruno REBELLE

Après-midi
"HORS LES MURS" — VISITES DE TERRAIN [présentation]
Ferme-Auberge de la Barberie (Le Mesnil Rouxelin), accueil par Philippe et Joey ENÉE
Biopousse (Lingreville), accueil par Xavier JACQUET (Président)
IPE Environnement / GIP restauration collective du centre Manche / Banque alimentaire de la Manche (Gourfaleur), accueil par Roland LEBOULANGER (Pdt IPEE) et Jean-Claude LOUVET (Administrateur de la Banque alimentaire de la Manche

Soirée
Que nous apprennent ces rencontres de terrain ?
Échanges avec les personnes rencontrées dans la journée


Dimanche 4 septembre
II. SYSTÈMES AGRICOLES ET ALIMENTAIRES FACE À LA TRANSITION : ENTRE RÉSISTANCE ET ADAPTATION ?
Matin
Des mondes en mouvement. Mutations des systèmes alimentaires : une accélération prometteuse ?
Yuna CHIFFOLEAU (INRAe) : Dynamiques autour des circuits courts alimentaires et transformations sociales [visioconférence]
Pierre GUILLEMIN (INRAe) : Dimension socio-territoriale des transitions agri-alimentaires : effets de contexte et déterminations multiples
Nicolas GAUSSERÈS (Danone) : Enjeux et dynamiques au sein d'une entreprise agroalimentaire : comment accélérer la transformation ?
Philippe LEROUX (Fondation AVRIL)

Après-midi
"Labels, signes de qualité, fake-news : les consommateurs sont-ils vraiment bien informés ?" — Ateliers en parallèle :
- Marque de qualité et Certifications : quelle efficacité pour orienter les pratiques de consommation ?, animé par Michel REYNAUD (ECOCERT), avec Claire CERDAN (Cirad)
- Notations citoyennes, fake-news : quelle crédibilité de l'information à l'heure des réseaux sociaux ?, animé par Hervé GOMICHON (Ex-directeur Qualité du Groupe Carrefour), avec Christophe BENAVENT, Daniel NAIRAUD et Philippe SCHMIT [visioconférence]

D'où viendra le changement ?, atelier-débat s'appuyant sur la cartographie des fractures et des convergences à partir de l'exemple de la filière viande bovine [organisé en 3 séquences]
- Séquence 1. Le changement viendra des productrices-producteurs. Hypothèse portée par Bruno DUFAYET (Éleveur et Président de la Fédération Nationale Bovine) [visioconférence]
- Séquence 2. Le changement viendra des consommatrices et des consommateurs. Hypothèse portée par Philippe COLLIN (Agronomes & Vétérinaires Sans Frontières)
- Séquence 3. Le changement viendra des acteurs de la transformation et de la distribution. Hypothèse portée par Hervé GOMICHON (Ex-directeur Qualité du Groupe Carrefour)

Leçons de ces débatsRegard synthétique proposé aux participants par l'intermédiaire d'un jeux, par Gilles MARÉCHAL (Terralim)


Lundi 5 septembre
Matin
Quels enseignements pour l'action ? — Restitution des travaux des ateliers en parallèle de la veille

III. QUELLE GESTION DES TENSIONS ET/OU QUELS DÉPASSEMENTS POSSIBLES POUR IMPULSER LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE DES SYSTÈMES ALIMENTAIRES ET AGRICOLES ?
Pierre GASSELIN (INRAe) : Vers une diversité gouvernée des modèles agricoles et alimentaires [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Pierre-Marie AUBERT (IDDRI) : Dépasser les tensions pour contribuer à l'élaboration de politiques publiques favorables à la transition ?
Vincent JANNOT (Terre de Liens, Pôle InPACT) : Partage des Terres et Renouvellement des générations, 1,5 million de paysan(e)s, un enjeu pour demain ?

Après-midi
Dépasser les tensions en passant par le territoire, table ronde avec Hervé DEFALVARD (Univ. G. Eiffel) [Revenir aux communs (et aux territoires)] et Serge BONNEFOY (Animateur réseau PAT) [Les Projets Alimentaires Territoriaux, regard critique sur une territorialisation sous influences]

Le territoire peut-il être le terreau d'une alimentation durable ?, débat animé par Bruno REBELLE, avec Bernard PECQUEUR (Univ. Grenoble Alpes) [Écosystèmes alimentaires urbains et dynamiques territoriales], Gaël LOUESDON (Terre de Liens Normandie), Gilles MARÉCHAL (Terralim) [Les marginaux-sécants cultivent-ils l'alimentation de demain ?], Jean-Daniel RALAMBONDRAINY (Métropole Aix-Marseille-Provence) et Lilian VARGAS (Grenoble Alpes Métropole)


Mardi 6 septembre
IV. ENSEIGNEMENTS ET RECOMMANDATIONS: L'ALIMENTATION, UN BIEN COMMUN ? / PERSPECTIVES
Matin
Démonstration de la From'mobile du Lycée Saint-Lô Thère sur la terrasse Nord du château : la séquence, qui dure 4 heures, consiste dans la fabrication d'un fromage au lait de vache de type "tomme", par Stéphanie JOUET & Jade LAMY

Synthèse du colloque, par Patrick CARON

Patrick CARON, Bernard HUBERT, Bruno REBELLE & Victoria SACHSÉ : Restitution du colloque : points forts, points faibles, suites et perspectives…

Leçons tirées par les co-directeurs du colloque : pistes possibles pour accélérer les mutations vers une alimentation vraiment durable. Que peut-on attendre de la recherche, des politiques publiques, de la société civile et des mouvements sociaux ?

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Bernard HUBERT : Paysans, jardiniers, mangeurs : 15 années de colloques de Cerisy témoins d'une transformation radicale de nos rapports à l'agriculture et à l'alimentation
Depuis le colloque De l'étude des sociétés rurales à la gestion du vivant. 50 ans de savoirs confrontés (2007), à l'initiative de chercheurs visant à tirer un premier bilan réflexif des transformations du monde rural des cinquante années précédentes, jusqu'à celui-ci (Manger ensemble pour refaire le monde ?) privilégiant une entrée par l'alimentation, cette fois à la demande du Cercle des partenaires de Cerisy, on peut compter pas moins de 7 autres colloques traitant, en partie au moins, du rapport de nos sociétés à la production de biens alimentaires et aux pratiques qui la soutiennent. Sur ces quinze années, cette question a été ainsi abordée soit directement, comme par les colloques Agricultures et alimentations dans un monde globalisé (2011) et Sciences, techniques et agricultures (2019), soit plus indirectement avec les deux colloques "Jardins" (2012 et 2016), le colloque pour les 20 ans de la revue Natures Sciences Sociétés (2013), le colloque Villes et territoires résilients (2017) ou Brassages planétaires (2018). C'est dire si ces questions ont habité la programmation de Cerisy ces dernières années, reflets des préoccupations sociétales contemporaines. Ma présentation tentera d'analyser l'évolution de la manière dont ces questions ont été abordées à l'occasion de cette succession de colloques ainsi que de celle dont elles sont posées et traitées dans le grand monde, comment les entrées de ces colloques sont ainsi passées progressivement des interrogations sur la production à la question alimentaire, puis à la consommation depuis les regards des mangeurs…

Victoria SACHSÉ
Victoria Sachsé, docteure en Géographie, travaille à la frontière entre géographie sociale et sociologie politique. Elle a réalisé sa thèse sur les jardins partagés à Rome et à Strasbourg comme lieux d'appropriation de l'espace public, de participation citoyenne, d'expérimentations de nouveaux communs. L'interaction entre la ville et la "nature" est également interrogée dans ses travaux. Dans ses expériences ultérieures, ses réflexions s'élargissent aux systèmes alimentaires de manière plus globale afin d'observer les transformations à l'œuvre à différentes échelles ainsi que la contribution des différents acteur(rice)s (agriculteur(rice)s, citoyen(ne)s, entreprises, collectivités…) à ces changements.
Choix de publications
Avec Jean-Daniel Boyer et Cathy Blanc-Reibel, "Quelle(s) crise(s) de l'approvisionnement au temps du Covid ? La situation d'un territoire particulièrement touché par l'épidémie : Strasbourg", Droit et Ville, vol. 1, n°91, 2021 [en ligne].
Avec Beatrice Del Monte, "Expérimenter le droit à la ville en jardinant : l'agriculture urbaine comme appropriation de l'espace public à Rome", dans L. Granchamp et S. Glatron (dir.), Militantismes et potagers, Presses universitaires du Septentrion, 2021, pp. 71-91.
"Planification informelle dans la ville de Rome : l'émergence des jardins partagés comme nouvelles formes de communs", Urbanités, Villes méditerranéennes : regards sur les espaces ouverts métropolitains, 2020 [en ligne].
Les jardins partagés, terreau de participation citoyenne : de l'appropriation de l'espace public à la construction de commun(s), regards croisés entre la France et l'Italie. Thèse de doctorat, géographie, Université de Strasbourg, 2020 [en ligne].


Serge BONNEFOY
Serge Bonnefoy, docteur en économie, a conduit sa carrière professionnelle entre ville, agriculture et alimentation que ce soit dans le cadre de l'association de développement de l'agriculture dans l'Y grenoblois (ADAYG), du réseau français de l'agriculture périurbaine Terres en villes ou du réseau national des projets alimentaires territoriaux (RnPAT). Devenu chercheur associé à l'université de Grenoble Alpes, il approfondit actuellement l'observation des PAT et l'analyse de la territorialisation des politiques agricoles et alimentaires.

Nicolas BRICAS
Par leurs choix alimentaires les consommateurs fournissent des signaux aux entreprises que celles-ci captent pour mieux "répondre à leur demande". Bien éduqués, sensibilisés et informés, les individus peuvent ainsi exprimer leurs souhaits pour orienter l'offre alimentaire selon des préoccupations environnementales, sanitaires, économiques, sociales, culturelles, politiques, etc. et être ainsi des moteurs du changement. Cette table ronde visera à discuter cette idée, en montrant les limites et les effets pervers de cette souveraineté des individus et présentera quelques cadres théoriques prenant en compte les rôles des environnements, paysages ou installations et ouvrant de nouvelles pistes pour une participation des mangeurs à la gouvernance de leur alimentation.

Nicolas Bricas est socio-économiste de l'alimentation, chercheur au Cirad au sein du "Montpellier Interdisciplinary center on Sustainable Agri-food systems" (UMR MoISA). Il est également titulaire de la Chaire Unesco Alimentations du Monde et membre du l'International Panel of Experts on Sustainable Food Systems (IPES-Food). Sur le sujet du colloque, il a publié fin 2021, un ouvrage de synthèse avec une vingtaine de chercheurs : Bricas N., Conaré D., Walser M. (Dir), Une écologie de l'alimentation, Quae, 312 p., dont le chapitre 18. "Le consomm'acteur, moteur du changement ?" porte sur le sujet de la table ronde. Il achève actuellement avec Olivier de Schutter un rapport du panel IPES Food sur la souveraineté des consommateurs dans la transformation des systèmes alimentaires.

Pierre GASSELIN : Vers une diversité gouvernée des modèles agricoles et alimentaires
Le tocsin a sonné. L'urgence écologique, énergétique, mais aussi sociale et alimentaire, impose de métamorphoser les formes d'agriculture et d'alimentation dont nous sommes les héritiers. La diversité des agricultures, qui façonne notre histoire depuis le Néolithique, est le fruit et le ferment d'une diversité alimentaire. Penser et engager cette transformation radicale suppose de remanier les rapports de forces et les alliances entre les acteurs des modèles agricoles et alimentaires. Ces modèles incarnent des archétypes de la diversité observée, des futurs désirés et de nouvelles normes. Renverser les compromis institutionnalisés suppose de comprendre les interactions dynamiques entre ces modèles et de dépasser les lectures duales. La coévolution d'une diversité favorisée et gouvernée des modèles agricoles et alimentaires contribuera à répondre aux nouveaux enjeux de la planète tout en consolidant la résilience de nos systèmes alimentaires.

Pierre Gasselin, géographe à INRAe, conduit ses recherches en France et en Amérique latine sur les transformations des activités des agriculteurs, souvent en partenariat avec des acteurs. Ses travaux interrogent les transformations du travail, les conditions de l'insertion territoriale, les recompositions de l'action collective et l'accompagnement dans des contextes de coexistence et confrontation de diverses formes d'agriculture.

Pierre GUILLEMIN : Dimension socio-territoriale des transitions agri-alimentaires : effets de contexte et déterminations multiples
La prise en compte des temporalités apparaît consubstantielle à l'analyse des transitions agri-alimentaires, mais qu'en est-il de la dimension spatiale de ces dynamiques ? Autrement dit, en quoi les effets de contexte socio-territoriaux peuvent constituer des freins ou des leviers à la transition. La présentation se positionnera d'abord à l'échelle de la France métropolitaine, par l'étude géostatistique d'une typologie d'exploitations agricoles en transitions (Bermond et al., 2019). Leur géographie suggère des déterminants socio-résidentiels multiples (croissance économique/démographique, morphologie sociale, taux de diplomation ou proximité urbaine), faisant défaut dans des territoires qui résistent à leur émergence. Des indicateurs dédiés aux flux des systèmes alimentaires urbains (Darrot et al., 2020) confortent ces déterminants d'une différenciation socio-spatiale, mais l'approche quantitative n'épuise pas la réalité des transitions agri-alimentaires. C'est pourquoi des études de cas (dont une le long du littoral du Centre-Manche - Guillemin, 2020) viendront éclairer ces déterminations multiples, qui tiennent aussi aux politiques territoriales et au dépassement des clivages agricoles historiques, facteurs garants de la pérennisation des transitions agri-alimentaires à l'échelle locale.

Pierre Guillemin est docteur en géographie et chercheur en agronomie des territoires à l'INRAe (unité ASTER, Mirecourt). En 2020, il a soutenu sa thèse dédiée au renouvellement des filières légumière et maraîchère en Normandie. Il s'intéresse à la coexistence territoriale des systèmes agri-alimentaires. Il a participé à la coordination de l'Atlas de la Manche. Des polders au pôle d'air, paru en 2018.
Publications
Guillemin P., 2020, Les mondes légumiers et maraîchers en Normandie : hétérogénéité sociale et renouvellement de filières agricoles et alimentaires, Thèse de doctorat, Université de Caen Normandie, 633 p. (https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03121125).
Darrot C., Pecqueur B., Marie M., Bodiguel L., Saleilles S., Buyck J., Margetic C., Delfosse C., Hochedez C., Guillemin P., Baysse-Laine A., Noël J. et Marechal G., 2020, Comprendre les systèmes alimentaires urbains : flux alimentaires, systèmes d'acteurs et formes urbaines, Livret de recherche FRUGAL, PSDR 4, 225 p. (https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02987347).
Bermond M., Guillemin P. et Marechal G., 2019, "Quelle géographie des transitions agricoles en France ? Une approche exploratoire à partir de l'agriculture biologique et des circuits courts dans le recensement agricole 2010", Cahiers Agricultures, vol. 28, 13 p. (https://doi.org/10.1051/cagri/2019013).

Vincent JANNOT : Partage des Terres et Renouvellement des générations, 1,5 million de paysan(e)s, un enjeu pour demain ?
Depuis 2010, le rythme de disparition des terres agricoles a ralenti mais c'est toujours l'équivalent d'un département moyen qui disparaît tous les 18 ans. Entre 2010 et 2020, 192 fermes ont disparu chaque semaine. On était à 152 sur la même période de 10 ans avec les estimations basées sur les données de la MSA. Il est pour l'instant difficile de donner une indication actualisée sur les surfaces qui vont se libérer dans les 10 ans (les fameux 7 millions d'ha), mais ces changements de mains vont pour 40% d'entre elles à l'agrandissement, 10% à l'artificialisation et seulement 50% à l'installation. La tendance lourde est à la concentration des terres en des unités de production de plus en plus grandes. Ces grandes unités mettent en place des systèmes de production spécialisés, simplifiés, standardisés, robotisés, automatisés, sur des surfaces de plus en plus vastes qui tiennent peu en compte le milieu. L'agroécologie paysanne, au contraire, cherche à ce que les systèmes de production s'adaptent au milieu écologique. Selon PARCEL, si nous relocalisons notre alimentation, en réduisant de moitié notre consommation carnée, cela induirait 420 000 nouveaux emplois agricoles.

Co-fondateur de Terre de Liens (1998-2003), via RELIER, Association d'éducation populaire (commission rurale de Peuple & Culture), Vincent Jannot travaille depuis 25 ans sur les questions d'accueil de personnes souhaitant créer leur activité agricole et rurale. Il a été accompagné et formé par François de Ravignan. 17 années d'expérience d'accueil et d'accompagnement dans l'arrière-pays héraultais et le sud aveyron. Actif au sein du réseau INPACT depuis 2016. Salarié sur les Programmes, Partenariats et le Plaidoyer au sein de Terre de Liens depuis 2012.

Gaël LOUESDON
Gaël Louesdon est l'initiateur et co-fondateur de Terre de Liens Normandie (depuis 2009) ; initiateur du Calculateur PARCEL.org permettant d'évaluer les impacts fonciers et environnementaux de notre alimentation.

Gilles MARÉCHAL
Gilles Maréchal est impliqué dans le développement des systèmes alimentaires territoriaux depuis plus de 30 ans. Il s'y est consacré à plusieurs titres : militant associatif, notamment auprès du Mouvement de Paysans Sans-terre du Brésil ; animateur d'un mouvement associatif, les CIVAM de Bretagne ; fonctionnaire territorial ; créateur d'un cabinet coopératif d'accompagnement pour la mise en œuvre de stratégies alimentaires territoriales ; chercheur associé à l'UMR ESO - Espaces et Sociétés du CNRS. Une diversité de regards sur un même objet, qui illustre l'approche qu'il développera lors du colloque : le rôle des marginaux sécants dans le développement des pratiques territoriales d'alimentation durable.
Publications récentes
Robert Spizzichino, Gilles Maréchal & Jean-Claude Devèze, "Une agriculture durable, une alimentation saine : un défi pour tous", Sesame : Sciences et sociétés, alimentation, mondes agricoles et environnement, Mission Agrobiosciences-Inra, 2021 ⟨hal-03331514⟩.
Yuna Chiffoleau, Catherine Darrot, Gilles Maréchal, Luc Bodiguel, Grégori Akermann, et al., Manger au temps du coronavirus. Enquête sur les systèmes alimentaires, Apogée Édition, 161 p., 2020, Chiffoleau Y, Darrot C., Marechal G. (dir.), 9-782843-986840 ⟨hal-03099263⟩.
Catherine Darrot, Luc Bodiguel, Yuna Chiffoleau, Grégori Akermann & Gilles Maréchal, "Les systèmes alimentaires de proximité à l'épreuve de la Covid-19 : retours d'expérience en France", Systèmes alimentaires / Food Systems, Classiques Garnier, 2020, pp. 89-110 ⟨hal-03097936⟩.
Gilles Maréchal, Julien Noel & Frederic Wallet, "Les projets alimentaires territoriaux (PAT), entre rupture, transition et immobilisme ?", Pour, revue du Groupe Ruralités, Éducation et Politiques, GREP, 2019, "Agriculture : des ruptures à la transition", pp. 261-270 ⟨hal-02139732⟩.
Gilles Maréchal, Thomas Bréger, Charlène Nicolay, Blaise Berger, Valentine Bossu, et al., "Produits bio et locaux à la cantine : du potentiel et des résistances", Des produits bio et locaux à la cantine, 2019 ⟨hal-02404345⟩.

Yves MARTIN-PRÉVEL
Épidémiologiste, titulaire d'un doctorat en Médecine (Montpellier) et d'un doctorat en Santé Publique (Paris 6), Yves Martin-Prével est directeur de recherche à l'IRD, au sein de l'UMR MoISA (Montpellier Interdisciplinary center on Sustainable Agrifood systems). Il travaille depuis 30 ans dans le champ de la nutrition publique et a passé de nombreuses années en Afrique. Ses principaux thèmes de recherche sont la nutrition de la mère et de l'enfant, les indicateurs de la diversité alimentaire, les relations entre systèmes alimentaires et situations nutritionnelles, l'évaluation d'interventions et les systèmes de surveillance nutritionnelle. Positionné depuis longtemps à l'interface de la science et des structures opérationnelles de développement, il est membre de nombreux comités d'experts internationaux et a été expert indépendant pour la rédaction du Rapport Mondial sur la Nutrition de 2014 à 2017. Il est également directeur du département Santé et Sociétés de l'IRD et conseiller de sa Présidente pour les systèmes alimentaires durables.

Bernard PECQUEUR
Bernard Pecqueur est économiste et aménageur. Il est actuellement retraité en position de professeur émérite de l'université Grenoble Alpes. Il est spécialiste de l'analyse des dynamiques territoriales. Il a été notamment responsable scientifique du programme interrégional FRUGAL ("Formes Urbaines et Gouvernance Alimentaires). FRUGAL est une Recherche-Action centrée sur l'analyse des enjeux systémiques liés à l'approvisionnement alimentaire de métropoles du Grand Ouest français et de Rhône-Alpes (2016-2020). C'est un des 33 projets du quatrième programme de recherche "Pour et Sur le Développement Régional" (PSDR4) porté par l'INRA et l'IRSTEA en collaboration avec des régions de France. la communication reprendra les conclusions du programme en faisant apparaitre dans ces systèmes alimentaires urbains, leur nature proprement territoriale entre nécessité de la productivité et exigences de la qualité et les caractéristiques de la gouvernance de ces systèmes.

Magali RAMEL
Magali Ramel est docteure en droit public à l'université de Tours. Elle a soutenu sa thèse en mars 2022 portant sur le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France.
Publications
Le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France, Thèse de doctorat en droit public sous la direction de Diane Roman, Université de Tours, 2022, 568 p. [en ligne].
"L'accès à l'alimentation durable : éviter une double peine pour les personnes en précarité alimentaire", Revue européenne du droit de la consommation, 2020/1, pp. 59-85.
Avec Dominique Paturel, "Éthique du care et démocratie alimentaire : enjeux du droit à une alimentation durable", Revue française d'éthique appliquée, n°4, 2017, pp. 49-60.
Avec H. Boissonnat Pelsy, C. Sibué-De Caigny et M.-F. Zimmer, Se nourrir lorsqu'on est pauvre – Analyse et ressenti de personnes en situation de précarité, Éd. Quart Monde, coll. "Dossier et Documents de la revue Quart Monde", n°25, 2016, 188 p.

Pauline SCHERER : Démocratie alimentaire et nouvelles solidarités
L'intervention portera sur le concept de démocratie alimentaire et sur l'analyse de nouvelles formes de solidarités alimentaires qui visent à prendre en compte les questions de transition et de durabilité dans une approche systémique, pour interroger les enjeux de transformation profonde des réponses à apporter aux inégalités alimentaires et sociales.

Pauline Scherer est sociologue-intervenante. Elle travaille en recherche-action coopérative sur les nouvelles formes de solidarités alimentaires au prisme de la démocratie alimentaire et de la durabilité des systèmes alimentaires. Associée au LERIS dans le cadre d'une recherche-action sur les Tiers-Lieux alimentaires, elle coordonne aujourd'hui les activités de recherche et d'expérimentations de l'association Vrac & Cocinas à Montpellier.
Publications
"Vers de nouvelles solidarités alimentaires?", Les cahiers de l’action, n°58, INJEP, 2022 (à paraître).
Avec Bricas Nicolas, "Lutter contre la précarité par de l'aide alimentaire ?" (Chapitre 15), in Une écologie de l'alimentation (coord. Bricas N., Conaré D., Walser M.), Éditions Quae, 2021.
"La solidarité alimentaire de proximité comme espace d'expérimentation démocratique et vecteur d'émancipation. Recherche-action au sein du Secours populaire français en Occitanie", Forum, 153, 28-34, 2018.

Andy SMITH : L'offre alimentaire française et sa construction de "la demande" depuis 1945
Sous l'influence de l'économie néo-classique, il est généralement considéré que c'est la demande pour un bien ou un service qui façonne son offre. Pourtant, la sociologie politique contemporaine a montré que ce sont plutôt les acteurs qui dominent cette offre qui définissent "la demande", qu'ils sont les mieux à même de satisfaire. Cette hypothèse alternative peut être appliquée au cas de l'industrie agro-alimentaire française : elle permet à la fois de caractériser les agents qui se trouvent au sommet de sa gouvernance, mais aussi de montrer comment ils ont travaillé, tant sur les plans économique que politique, pour y accéder. Plus exactement, notre communication rappellera tout d'abord, mais sous un angle inhabituel, qu'entre 1945 et la fin des années 1980, ce sont les élites de la FNSEA et du ministère de l'agriculture qui ont co-construit à la fois l'offre agricole et la demande alimentaire françaises. Ensuite, elle montrera que depuis la réforme de la PAC de 1992, ce "couple" a été rejoint d'une part par les dirigeants des grandes sociétés et coopératives de l'aval et, d'autre part, par les ministres de l'agriculture successifs et leurs cabinets respectifs.

Andy Smith est Directeur de recherche à la Fondation Nationale des Sciences Politiques. En poste à Sciences Po Bordeaux depuis 1996, il est un spécialiste de l'économie politique, et des industries en particulier. Auteur de deux ouvrages sur l'industrie vitivinicole, il a également effectué plusieurs enquêtes sur l'agro-alimentaire qui sont synthétisées dans un ouvrage, co-écrit avec Matthieu Ansaloni, L'expropriation de l'agriculture française. Pouvoirs et politiques dans le capitalisme contemporain (Éditions du Croquant, 2021).


ATELIERS :

La cuisine et la table peuvent-elles encore rassembler ?, animé par Christophe LAVELLE
Du repas de famille patiemment concocté au dîner livré pour une soirée télé devant Top Chef, des applications culinaires compulsivement consultées sur son smartphone aux ateliers de "team building", la cuisine s'apprend, se pratique… et se partage éventuellement. Entre diversité des cultures et régimes particuliers, cuisine de terroir et "novel food", nous discuterons dans quelles mesures notre alimentation est encore facteur de lien social.

Christophe Lavelle est chercheur au CNRS et au Muséum National d'Histoire Naturelle, à Paris. Spécialiste de l'alimentation, il enseigne la physico-bio-chimie culinaire au sein de nombreuses universités et écoles (Université de Toulouse, Université de Cergy-Pontoise, Le Cordon Bleu, Basque Culinary Center,…) et donne régulièrement des conférences auprès du grand public et des professionnels (chercheurs, formateurs, ingénieurs, chefs). Il est également co-responsable du réseau PALIM (Patrimoines Alimentaires) de l'Alliance Sorbonne-Université et formateur à l'INSPE pour les professeurs de cuisine. Il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages sur l'alimentation dont Toute la chimie qu'il faut savoir pour devenir un chef! (Flammarion, 2017), Je mange donc je suis. Petit dictionnaire curieux de l'alimentation (Éditions du MNHN, 2019) et Molécules. La science dans l'assiette (Les Ateliers d'Argol, 2021).


Démonstration de la From'mobile du Lycée Saint-Lô Thère sur la terrasse Nord du château : La séquence, qui dure 4 heures, consiste dans la fabrication d'un fromage au lait de vache de type "tomme", par Stéphanie JOUET & Jade LAMY
Il y a trois moments d'intérêt au cours de cette séquence : à l'arrivée et la mise en cuisson, 2h après au moment de la fragmentation du caillé et sa mise en forme, et à la fin avec le retournement de la tomme fraichement constituée. Cette démonstration est un apport du Lycée Thère dans la recherche d'alternatives locales à la fabrication des fromages traditionnels normands dont le processus est bien maîtrisé par les opérateurs privés de la filière. Il s'agit d'une innovation susceptible d'ouvrir de nouveaux débouchés pour certains produits ou pour des excédents laitiers…


"HORS LES MURS" — VISITES DE TERRAIN

Ferme-Auberge de la Barberie (Le Mesnil Rouxelin), accueil par Philippe et Joey ENÉE
Héritiers d'une ferme traditionnelle (vaches laitières, potager, verger, fabrication du pain) qui avait complété son activité en ouvrant des chambres d'hôtes il y a plus de 30 ans, Serge et Philippe Enée sont aujourd'hui à la tête d'un lieu atypique. Le fils aîné, a certifié la ferme en bio pour cultiver du blé et faire du pain. Le fournil est aujourd'hui une activité majeure de la structure. Le second, cuisinier a fondé l'auberge paysanne. Le lieu évolue continuellement et se tourne de plus en plus vers la transmission. Philippe est impliqué à l'extérieur dans la formation en restauration collective bio-locale. Au sein de la ferme, des infrastructures et de l'accompagnement sont proposés à des porteurs de projets.

Biopousse (Lingreville), accueil par Xavier JACQUET (Président)
Créée à l'initiative des élus de la commune de Lingreville (zone littorale à forte activité maraichère) en partenariat avec le CFPPA de Coutances, met à disposition de candidats en reconversion professionnelle ou ayant suivi un BPREA :
- des terrains,
- du matériel commun,
- une structure d'accompagnement
leur permettant ainsi de valider la viabilité économique de leur activité.

IPE Environnement / GIP restauration collective du centre Manche / Banque alimentaire de la Manche (Gourfaleur), accueil par Roland LEBOULANGER (Pdt IPEE) et Jean-Claude LOUVET (Administrateur de la Banque alimentaire de la Manche
Création d'une unité de maraichage biologique et d'une légumerie solidaire permettant d'alimenter le GIP restauration collective du centre manche (les écoles de Saint-Lô, les hôpitaux de Saint-Lô et Coutances, un EHPAD) ainsi que la Banque alimentaire. Adossé à une structure d'insertion par l'économie (IPE) ce projet permet en outre l'emploi de personnes en situation de précarité.


PARTENARIAT :

* Association de Promotion d'un Projet Alimentaire Territorial (APPAT)
* Lycée Saint-Lô Thère


SOUTIENS :

* Fondation Avril
* ECOCERT
* Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe)
* Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad)

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


BALZAC ET LES DISCIPLINES DU SAVOIR

SCIENCES ET REPRÉSENTATION


DU LUNDI 22 AOÛT (19 H) AU DIMANCHE 28 AOÛT (14 H) 2022

[ colloque de 6 jours ]


Gustave Doré, Balzac l'entomologiste, 1855, Paris, Bnf


PRÉSENTATION VIDÉO :


DIRECTION :

Éric BORDAS, Andrea DEL LUNGO, Pierre GLAUDES


ARGUMENT :

Après "Balzac : l'invention du roman", en 1980, consacré à la poétique du romancier dans une perspective sociocritique, et "Penser avec Balzac", en 2000, qui dressait le portrait d'un écrivain philosophe, ce nouveau colloque de Cerisy consacré à l'auteur de La Comédie humaine se propose d'examiner son rapport aux disciplines du savoir de son époque.

Balzac est en effet le contemporain d'une mutation épistémologique fondamentale, qui voit abandonner le modèle universaliste de l'encyclopédisme au profit d'une spécialisation toujours croissante des sciences. Son œuvre, à travers les représentations qu'elle propose, met en scène et problématise, témoigne de cette mutation qui n'est pas étrangère à la conception romantique des savoirs, s'étendant aussi bien au rationalisme qu'à la mystique, à l'idéalisme philosophique qu'à l'histoire, à la physiognomonie qu'aux sciences naturelles sous le sceau d'un syncrétisme fécond. Il s'agira ainsi d'interroger la relation qu'entretient l'œuvre balzacienne avec les différents champs du savoir d'une époque qui n'a pas encore établi les lignes de partage qui seront celles du positivisme.

Cette manifestation permettra également de faire une synthèse des études balzaciennes et de tracer des perspectives de recherche inédites telles qu'elles sont redéfinies par les nouveaux modes d'interrogations des corpus, en particulier les données accessibles dans le cadre du projet ANR d'édition génétique et hypertextuelle Phœbus/eBalzac (ebalzac.com).

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2020, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2020 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Balzac (Honoré de), Disciplines, Encyclopédisme, Roman, Savoir, Science, Spécialisation


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 22 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 23 août
ENJEUX ÉPISTÉMOLOGIQUES
Matin
Claire BAREL-MOISAN : Construire une science de l'homme, entre sérieux et ironie
Aude DÉRUELLE : Balzac et le modèle encyclopédique

Après-midi
Éric BORDAS : "Une ignorance hybride" : Balzac et le savoir musical
Jacques-David EBGUY : Le Balzac de l'épistémocritique. Un mariage de raison ?
Lucien DERAINNE : Balzac et la collaboration scientifique


Mercredi 24 août
À LA CROISÉE DES DISCIPLINES
Matin
Boris LYON-CAEN : Balzac psychologue ?
Kathia HUYNH : La médecine dans La Comédie humaine, entre savoir et romanesque

Après-midi
Andrew WATTS : Balzac et la "la loi du plus fort", l'adaptation, l'éco-traductologie et La Peau de chagrin à l'écran
Franc SCHUEREWEGEN : Intentio auctoris (sur un problème de méthode)
Marion MAS : Entre la lettre et l'Esprit des Lois : discours et représentations du droit dans La Comédie humaine


Jeudi 25 août
DES CHIFFRES ET DES LETTRES
Matin
Alexandre PÉRAUD : Faire œuvre économique contre l'économie politique [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Francesco SPANDRI : Balzac et la hantise du chiffre (sur le savoir statistique)

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 26 août
HÉRITAGES, SOURCES, HYPERTEXTES
Matin
Vincent BIERCE : La science qui sait et la croyance qui doute : la métaphysique balzacienne à l'épreuve du monde contemporain
Pierre GLAUDES : Balzac, l'art de se gouverner et de gouverner les autres : la question du cynisme

Après-midi
Karolina SUCHECKA : Le projet eBalzac : un hypertexte des sources scientifiques
Andrea DEL LUNGO : Un hypertexte scientifique : la phrénologie à l'épreuve du roman
Tania DUCLOS : Genèse et effets de l'intertexte balzacien [visioconférence]
Laélia VÉRON : Balzac et le langage des prisons : savoir linguistique ou fantasme romanesque ?


Samedi 27 août
LES SAVOIRS EN QUESTION
Matin
Dominique MASSONNAUD : Balzac et l'Histoire naturelle : transpositions épistémologiques
Jérémie ALLIET : Malheur aux sachants ! Le savoir comme créateur de discipline

Après-midi
Andrea GOULET : Balzac stratigraphe, ou Horace de Saint-Aubin auteur de l'anthropocène ?
Göran BLIX : Balzac zoographe : Une passion dans le désert et le refus de l'allégorie
Christèle COULEAU : Physiologie du caméléon. La nécessaire pluridisciplinarité du narrateur balzacien


Dimanche 28 août
Matin
Rapport d'étonnement des jeunes chercheurs, par Tristan BORNOZ, Yuwei GONG et Karolina SUCHECKA

Synthèse et discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Jérémie ALLIET : Malheur aux sachants ! Le savoir comme créateur de discipline
"Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit ; mais SAVOIR laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme" : la citation célèbre de l'antiquaire au début de la Peau de Chagrin (CH, X, 85) évoque déjà, aux portes d'entrée de la création balzacienne, la complexité de la relation qui unit la connaissance et l'action. Par la suite, le roman n'aura de cesse d'interroger la question laissée en suspens par la leçon de l'antiquaire : quel est le prix à payer pour atteindre ce statut de "sachant" ? Ce perpétuel état de calme est-il réellement désirable ? Existe-t-il dans une Comédie Humaine remplie de révélations foudroyantes, pertes des illusions catastrophiques, dessillements violents ? C'est toute l'ambiguïté de la révélation, de la reconnaissance, ou de l'accès à la vérité balzaciens qui se présentent au lecteur qui réfléchit à la Comédie Humaine et au savoir, et, bien au-delà des Études philosophiques, prend conscience que la découverte de la vérité entrave, bride et enracine le héros, le discipline et peut-être le détruit tout aussi certainement que le pouvoir accordé par le privilège de l'ignorance.

Jérémie Alliet est doctorant à l'École Normale Supérieure de Lyon.

Vincent BIERCE : La science qui sait et la croyance qui doute : la métaphysique balzacienne à l'épreuve du monde contemporain
La foi est-elle un objet de connaissance comme un autre ? Et peut-on concevoir une science qui penserait le sentiment religieux comme un savoir susceptible d'être organisé et expliqué dans un système théorique ? Il s'agira d'examiner la manière dont Balzac invente et développe une théorie de type scientifique qui transforme le sentiment religieux en un savoir analysable, et comment il la confronte par la fiction, et dans une dynamique commune, à la fois à une pensée du présent incluse dans un cadre matérialiste et historique qui lui est a priori antagoniste et à un dispositif romanesque général qui semble précisément refuser toute perspective unifiante. Socialisée et contextualisée par le contemporain, la pensée métaphysique n'apparaît alors plus tant comme une science qui sait que comme une croyance qui doute.

Vincent Bierce est enseignant en CPGE.
Publications
Le sentiment religieux dans La Comédie humaine. Foi, ironie et ironisation, Thèse publiée en 2019.
A co-dirigé l'ouvrage collectif : Romantismes et croyances, Euredit Éditions, 2017.
A co-dirigé l'ouvrage collectif : Mythologies sportives d'aujourd'hui : le football et ses langages, Hermann, 2021.
A participé à la rédaction du Dictionnaire Balzac, Éditions Classiques Garnier, 2021.

Aude DÉRUELLE : Balzac et le modèle encyclopédique
Le modèle encyclopédique issu du XVIIIe siècle reste à l'horizon du savoir scientifique dans les premières décennies du XIXe siècle, comme en témoigne notamment l'entreprise panoramique d'"encyclopédie morale du dix-neuvième siècle" de Léon Curmer à laquelle Balzac a participé. Il s'agira de voir comment la rémanence de ce modèle encyclopédique travaille la réflexion de Balzac sur le savoir, au moment de l'autonomisation ou de l'émergence des sciences humaines.

Tania DUCLOS : Genèse et effets de l'intertexte balzacien
Cette communication suivra d'abord l'évolution génétique, de l'état manuscrit jusqu'au Furne corrigé, de quelques passages descriptifs recelant des emprunts afin de jeter un éclairage sur ce que l'on peut appeler la poétique intertextuelle de Balzac. Au fil des corrections, le romancier reprend, transforme et digère la matière textuelle trouvée chez d'autres auteurs pour finalement se l'approprier de façon à ce qu'elle devienne foncièrement sienne et enrichisse son œuvre. Grâce à ces concentrés sémantiques, réactivés dans leur nouvel environnement textuel, Balzac réussit-il à se soustraire à l'angoisse de la nécessité de créer du neuf pour plutôt se permettre de réinventer ? L'exploration des effets ainsi produits par la démarche intertextuelle de Balzac mettra également en valeur les prochaines voies d'analyse offertes par le volet génétique et hypertextuel du projet ANR Phoebus-eBalzac.

Tania Duclos est professeure adjointe au département de Langues, littératures et études culturelles au St. Thomas More College de l'université de la Saskatchewan, Canada.
Publication
"Intratextualité et intertextualité du personnage : réemploi et création chez Balzac", Les Lettres romanes, vol. 71, n°1-2, 2017.

Jacques-David EBGUY : Le Balzac de l'épistémocritique. Un mariage de raison ?
L'œuvre de Balzac, parce qu'elle convoque des savoirs variés extérieurs au champ littéraire, sur lesquels elle assoit en partie sa légitimité, semble appeler le regard épistémocritique, soucieux d'interroger l'inscription — ses formes, ses fonctions — des "sciences" dans le texte littéraire. En un petit exercice de métacritique, on voudrait considérer ce que l'épistémocritique dit de Balzac, ce qu'elle pourrait en dire, et ce qu'elle ne peut en dire. Peut-être le massif balzacien est-il en effet un peu à l'étroit dans le costume épistémocritique. Son mode de totalisation, son projet esthétique, son ambition philosophique ne débordent-ils pas la visée cognitive, le "bricolage" formel et le sens scientifique auxquels cette approche critique paraît assigner la littérature ?

Maître de conférences à l'université de Paris Cité (ex. Paris Diderot), président du Groupe International de Recherches Balzaciennes, Jacques-David Ebguy a publié de nombreux articles sur les œuvres de Balzac, Flaubert, Stendhal, et sur les rapports entre littérature et philosophie contemporaine, et travaille actuellement sur le roman de l'impossible formation au XIXe siècle.
Publications
Le héros balzacien. Balzac et la question de l'héroïsme, Éditions Christian Pirot, 2010.
A dirigé, avec Rémi Astruc, Les Valeurs dans le roman, RKI Press, 2018.

Andrea GOULET : Balzac stratigraphe, ou Horace de Saint-Aubin auteur de l'anthropocène ?
Cette communication propose d'explorer les rapports entre la Comédie humaine et les sciences "palaetiologiques" (Whewell) de reconstruction et de géo-stratigraphie. En se penchant non pas sur le Cuvier de la fameuse querelle avec Saint-Hilaire mais plutôt sur le Cuvier d'un imaginaire cataclysmique des révolutions géologiques, il s'agira d'esquisser une dimension souterraine de la stratigraphie sociale chez Balzac. La pétrification instable d'Angoulême dans Illusions perdues, la topographie parisienne de précipices et d'abîmes devant les ambitieux tels Lucien de Rubempré et Eugène de Rastignac, le volcanisme de Vautrin qui crée des fissures entre le bas-fond et les hautes sphères de la société (Le Père Goriot, Splendeurs et misères des courtisanes) — ou encore le topos d'un enlèvement conduisant dans les catacombes dans le roman signé Horace de Saint-Aubin Le Centenaire ou les deux Béringheld — seront mis en dialogue avec un discours scientifique du XIXe siècle. On abordera aussi une réflexion sur la pertinence d'un lexique plus contemporain, celui de l'anthropocène, mis à l'épreuve de la socio-géologie balzacienne.

Andrea Goulet est professeur de français et des études francophones à l'université de Pennsylvanie (USA) et co-directrice de la NCFS (Nineteenth-Century French Studies Association). Elle a écrit des articles sur Balzac, Hugo, Sue, Poe, Villiers, Huysmans, Maupassant, Gaboriau, Leroux, Lermina, Malet, Claude Simon, Japrisot, et Dantec.
Publications
Optiques : the Science of the Eye and the Birth of Modern French Fiction, Penn, 2006.
Legacies of the Rue Morgue : Space and Science in French Crime Fiction, Penn Press, 2016.
En collaboration avec Robert Rushing, Orphan Black : Performance, Gender, Biopolitics, Intellect Press, 2018.

Kathia HUYNH : La médecine dans La Comédie humaine, entre savoir et romanesque
Durant la première moitié du XIXe siècle, le genre romanesque en pleine mutation utilise les ressources de disciplines ou de sciences exogènes pour construire sa légitimité en tant que genre sérieux et source de connaissances. La médecine, désormais considérée sur la scène sociale et dans les œuvres littéraires comme un domaine du savoir de premier plan, est mise au service du roman balzacien, qui s'inspire de ses méthodes et s'empare de ses découvertes pour mener à bien son ambition de peindre les hommes et leurs mœurs. Avec le prêtre et l'homme de loi, le médecin devient une figure privilégiée dans l'élaboration de l'image de marque que l'on veut donner du genre : homme doté de grandes qualités d'observation, d'analyse et de déduction, réservoir d'enseignements scientifiques comme moraux, il est une figure d'autorité institutionnelle dont le prestige rejaillit sur la forme romanesque balzacienne en cours d'invention. Cependant, la médecine et le médecin font aussi office de "cheval de Troie" du romanesque. Ces personnages passe-partout ont accès à tous les secrets de famille et assistent dans l'ombre aux crimes cachés ; le narrateur en fait régulièrement des moteurs narratifs, les entoure d'un voile de mystère qui tient le lecteur en haleine, voire leur délègue ses pouvoirs de conteur. Notre communication se proposera d'explorer cette tension visible dans toute La Comédie humaine, qui fait de la médecine un outil de mise à distance comme de retour du romanesque, et place le médecin à mi-chemin entre le savant et un conteur digne des Mille et Une Nuits.

Kathia Huynh, agrégée de Lettres modernes, est doctorante contractuelle à l'université d'Orléans. Elle prépare depuis septembre 2018 une thèse sous la direction d'Aude Déruelle portant sur la poétique du romanesque chez Balzac, intitulée "Le Poignard et le Scalpel. Balzac et le romanesque".
Publications
"Aventures imperceptibles. Le Curé de Tours (1832), Eugénie Grandet (1833) et Le Cousin Pons (1847) d'Honoré de Balzac", Communication proposée le 8 novembre 2020 dans le cadre d'un colloque international organisé par l'université de Bucarest, "L'aventure au-delà de l'aventure", Actes à paraître.
"Le discours de séduction, ou la fabrique de l'autorité", Lyon-Caen Boris (dir.), Revue Balzac, n°2, "L’intériorité", Paris, Classiques-Garnier, 2019, p. 53-72.
"Le romanesque du rien dans Le Cousin Pons", Deruelle Aude (dir.), Le Cousin Pons, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 67-80.

Boris LYON-CAEN : Balzac psychologue ?
Sous la plume de Balzac, "l'homme intérieur" devient le terrain d'une interrogation pleinement historique. Il convient en effet d'observer : 1. Ce que La Comédie humaine doit à l'évolution des manières de pratiquer l'analyse psychologique ; 2. Ce qu'elle accorde au procès historique d'"individualisation" (N. Elias), paradoxalement déterminé par le "milieu" où se débattent les personnages. L'enjeu est capital : ces questions inspirent de singuliers dispositifs d'immersion, dramatisant le récit et plaçant le narrateur et le lecteur dans des positions tout à fait neuves en littérature. Enfin, de telles trouées dans la vie psychique permettent peut-être de la modéliser — c'est-à-dire de distinguer les instances qui la composent et les dynamiques qui la travaillent. Vaste chantier…

Boris Lyon-Caen est maître de conférences à Sorbonne-Université. Ses recherches portent sur le roman français du XIXe siècle, et en particulier sur le courant réaliste.
Publications récentes
Direction de The Balzac Review / Revue Balzac, "L'intériorité", n°2, 2019.
"Le roman petit bourgeois", Balzac, l'invention de la sociologie, sous la dir. d'A. Del Lungo et P. Glaudes, Paris, Classiques Garnier, 2019.
"Un moment "littéraire" de la pensée : le statut de la connaissance dans la Physiologie du mariage", Balzac penseur, sous la dir. de F. Spandri, Paris, Classiques Garnier, 2019.

Marion MAS : Entre la lettre et l'Esprit des Lois : discours et représentations du droit dans La Comédie humaine
Balzac est sans doute l'un des romanciers les plus juridiques du XIXe siècle : La Comédie humaine, la critique l'a souvent souligné, ne se contente pas de mettre en scène des figures du droit (avocat, juge, condamné…), mais représente des mécanismes, des actions et des discours juridiques, sous des jours et dans des registres divers et contradictoires. Le Code civil ne fournit pas seulement des sujets au roman, mais intègre sa poétique : dans bien des récits, le Code fournit des scénarios romanesques, structure l'intrigue et fonde la tension narrative. Il s'agira alors d'examiner, à partir de quelques exemples, comment cette prise en charge totalisante du droit figure, d'un côté, un processus de spécialisation du savoir juridique, et d'un autre, l'élaboration compensatoire, par le roman, d'une sociologie juridique avant l'heure et de ce qu'on pourrait appeler une anthropologie juridique critique.

Marion Mas est maîtresse de conférences en littérature française à l'INSPE de Lyon et membre de l'IHRIM (UMR 5317). Ses travaux portent en particulier sur Balzac et sur les représentations de la famille dans le roman français du XIXe siècle, dans leurs relations avec le droit.
Publications
Le Père Balzac. Représentations de la paternité dans La Comédie humaine, Classiques Garnier, 2015.
A dirigé, avec François Kerlouégan, Le Code en toutes lettres. Écriture et réécritures du Code civil au XIXe siècle, Classiques Garnier, à paraître en 2020.

Dominique MASSONNAUD : Balzac et l'Histoire naturelle : transpositions épistémologiques
La pensée des Historiens de la nature paraît déterminante pour la production balzacienne. Les rencontres de Balzac avec Pyrame de Candolle à Genève, sa connaissance des "Messieurs du Museum" et de l'Académie des Sciences ou celle des écrits du "grand Goethe" ont pu marquer, en particulier, l'Avant-propos de La Comédie humaine. Plus largement, il s'agira de voir en quoi les textes de l'"historien du présent" qui propose une étude sociologique des caractérisations de l'homme — par son espace de vie et par les accidents de l'histoire — peuvent permettre de mettre en évidence d'effectives transpositions épistémologiques.

Dominique Massonnaud est professeur des universités (littérature des XIXe et XXe siècles), spécialiste des questions liées au réalisme littéraire et pictural.
Publications récentes
"Le "Penser par Cas" balzacien : une modélisation neuve pour l'analyse du présent", Balzac écrivain-monde : actualité d'une modélisation en action, André Vanoncini (dir.), L'Année balzacienne, nouvelle série, à paraître, 2020.
Goethe, le Mythe et la Science. Regards croisés dans les littératures européennes, D. Massonnaud (dir.), mai 2019 (en ligne).
"Goethe et le transformisme français : histoire et actualité", Goethe, le mythe et la science, mai 2019 (en ligne).
Faire vrai. Balzac et l'invention de l'Œuvre-monde, Genève, Droz, 2014.

Alexandre PÉRAUD : Faire œuvre économique contre l'économie politique
Bien qu'on qualifie proverbialement Balzac de romancier de l'argent, les relations de l'auteur de La Comédie humaine avec l'économie politique n'ont jamais été véritablement étudiées. Ce silence est d'autant plus étonnant que cette "science" connait en France, malgré sa relative jeunesse, un fort rayonnement au cours du premier XIXe siècle et qu'elle occupe une place singulière dans la pensée et l'écriture de Balzac. Car même s'il se moque de "son Altesse impériale l'Économie politique", même s'il récuse les principes de Smith ou de Say, à commencer par la croyance en l'équilibre naturellement harmonieux du marché, sa pensée économique fait avec les mécanismes des Libéraux. Balzac élabore ainsi, tant au sein des fictions que des essais, une économie politique romantique qui remet l'économie à sa juste place, celle d'une science pratique au service du politique.

Alexandre Péraud est Responsable scientifique UBIC. Maître de conférences en littérature française et diplômé de l'Institut d'Études Politiques de Bordeaux. Spécialiste du romantisme et du roman réaliste, il réfléchit aux relations qu'entretiennent la littérature et les sciences, notamment l'économie, au XIXe et XXe siècles. Il assure la direction de l'Unité de Formation et de Recherche "Humanités" rassemblant les arts, l'histoire, l'histoire de l'art et archéologie, les lettres et la philosophie. Il a dirigé le Master professionnel IPCI (Ingénierie de Projets Culturels et Interculturels) de l'université Bordeaux Montaigne, et il est engagé au sein du milieu culturel où il a occupé des responsabilités administratives au sein de l'administration du Ministère de la culture et des collectivités territoriales. Ce travail de liaison entre l'université et le monde de la culture l'a conduit à créer en 2015 UBIC, Centres d'Innovation Sociétale reconnu par l'IdEx.

Franc SCHUEREWEGEN : Intentio auctoris (sur un problème de méthode)
La question de l'intentio est depuis toujours un casse-tête pour le théoricien de la littérature et, donc, pour le critique. Si, moi, critique, pour que mon analyse soit valable, j'ai besoin de l'aval de l'auteur, je mets en cause ma propre légitimité, je me rends inutile. Toutefois, le texte est écrit par un auteur et je ne suis pas l'auteur du texte d'un autre. Si je raisonnais de la sorte, la littérature cesserait d'exister. La posture contre-auctoriale est fréquente en milieu balzacien et cela depuis toujours également. Nous nous intéressons dans ce colloque à la "spécialisation des savoirs chez Balzac". Qu'en est-il de "notre" savoir de balzaciens, alors que notre objet d'étude est un texte ? On aime se représenter l'auteur de La Comédie humaine comme un génie malgré lui, merveilleux hurluberlu, fantasque personnage qu'on admire malgré ses défauts et, aussi, à cause d'eux. Balzac écrit mal, a-t-on dit (Lanson, Proust), Balzac est "disparate" (Macherey, Dällenbach), "tensions et contradictions" sont courantes dans son œuvre (je cite un numéro récent de Romantisme). La critique est là (ce sont les mêmes qui le disent) pour mettre un peu d'ordre dans tout cela. Le critique sait, l'auteur, lui, vit dans l'ignorance sur la vérité de son œuvre. Quel toupet ! Quel orgueil ! Quel hubris ! Peut-être devrions-nous, dans l'intérêt de notre discipline, de notre spécialisation, changer de paradigme. "L'intention de l'auteur est la seule candidate possible au statut de source de la signification" (Stanley Fish).

Francesco SPANDRI : Balzac et la hantise du chiffre (sur le savoir statistique)
L'œuvre balzacienne s'inscrit dans une époque de développement accéléré du savoir statistique. Dans l'univers de La Comédie humaine le langage des chiffres revêt une importance croissante. Bien conscient du caractère mouvant et insaisissable de la société contemporaine, Balzac conçoit le roman comme projet totalisant et lieu de mesure du réel. Pour explorer cette conception qui fait de l'ouverture encyclopédique et de la précision chiffrée le domaine propre de la littérature, on s'intéressera : à la réflexion que Balzac entreprend sur le lien entre poétique romanesque et logique de l'accumulation ; à la façon dont le texte associe prolifération du chiffre et représentation de l'argent.

Francesco Spandri est professeur de littérature française à l'université Roma Tre. Ses travaux portent en particulier sur Stendhal, sur Balzac et sur le rapport entre littérature et économie au XIXe siècle. Il dirige The Balzac Review/Revue Balzac (Paris, Classiques Garnier).
Publications récentes
"Balzac et le pouvoir de la parole à "l'ère de l'intelligence"", Studi francesi, n°186, 2018.
"Balzac et le non-sens de la terre", French Studies, 73.4, 2019.
"De l'argent comme dissolvant social : La Cousine Bette", Balzac, l'invention de la sociologie, sous la dir. d'Andrea Del Lungo et de Pierre Glaudes, Paris, Classiques Garnier, 2019.
A dirigé le volume Balzac penseur, Paris, Classiques Garnier, 2019.

Karolina SUCHECKA : Le projet eBalzac : un hypertexte des sources scientifiques
Le projet ANR Phœbus-eBalzac (ebalzac.com) a pour objectif de permettre des recherches et des comparaisons intertextuelles afin de mettre en résonance l'ensemble de l'œuvre balzacienne avec un vaste corpus d'écrits contemporains (œuvres romanesques, littérature panoramique, ouvrages scientifiques). Lors de cette communication, nous nous pencherons sur les enjeux littéraires, informatiques et éditoriaux de la constitution d'une bibliothèque hypertextuelle des sources intellectuelles de l'écrivain. Nous décrirons les différentes étapes d'une investigation opérée sur des quantités considérables de textes (qu'il eût été impossible d'exploiter manuellement) en nous intéressant plus particulièrement aux résultats des comparaisons intertextuelles élaborées semi-automatiquement entre La Comédie humaine et des théories scientifiques de l'époque.

Doctorante à l'université de Lille, Karolina Suchecka travaille sur la réécriture et l'édition intermédiale en explorant les possibilités des outils informatiques et du traitement automatique des langues.
Publication
"Édition comparative intermédiale de séries traductives : exploiter les homologies pour créer des visualisations modulables", avec N. Gasiglia et K. Zieger, TAL, 60/3, 2019.

Laélia VÉRON : Balzac et le langage des prisons: savoir linguistique ou fantasme romanesque?
Le développement, au XIXe siècle, du système pénal moderne suscite une profusion de discours (politiques, juridiques, administratifs, hygiénistes) et de pratiques (enquête hygiéniste, enquête sociale). La littérature n'est pas en reste : comme l'a montré Marion Croisy, elle est, au XIXe siècle, le lieu d'une "représentation problématisée de la prison" (2016) qui s'inscrit dans l'actualité de ces débats. Or, si la littérature au XIXe siècle est bien loin de constituer un champ distinct des savoirs de l'époque, la frontière entre discours littéraires et savoirs constitués sur les prisons est particulièrement poreuse. Écrivains, hygiénistes, juristes, mais aussi lexicographes se lisent et s'influencent mutuellement. Nous nous proposerons d'étudier, parmi cette profusion de discours, la position romanesque de Balzac en prêtant particulièrement attention à son approche de la prison comme espace linguistique.

Agrégée de Lettres modernes, diplômée de l'ENS Lyon, Laélia Véron est maîtresse de conférences en langue française et stylistique à l'université d'Orléans. Elle est également enseignante en détention.
Publications
Le Français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, avec M. Candea, La Découverte, 2019.
Parler comme jamais, Le Robert, 2021.
Approches matérialistes du réalisme, avec V. Berthelier, A. Goudmand, M. Roussigné (dir.), PUV, 2021.

Andrew WATTS : Balzac et la "la loi du plus fort", l'adaptation, l'éco-traductologie et La Peau de chagrin à l'écran
Cette communication utilise l'éco-traductologie — un concept inspiré de la théorie darwinienne de la sélection naturelle — pour examiner les adaptations cinématographiques et télévisuelles de La Peau de chagrin. En se concentrant sur The Magic Skin (1915, Ridgely) et La Peau de chagrin (1980, Favart), cette discussion réfléchit aux raisons pour lesquelles des textes spécifiques sont sélectionnés pour être adaptés et aux facteurs qui déterminent leur aptitude à être réinventés. L'analyse de The Magic Skin montre en particulier que les cinéastes muets ont été attirés par le roman de Balzac bien évidemment parce qu'il s'agissait d'une histoire bien connue susceptible d'attirer les spectateurs, mais aussi parce que son réalisme fantastique encourageait le genre d'effets spéciaux cher au cinéma des débuts. L'argument est ensuite développé en explorant la sélection en tant que principe directeur du processus adaptatif. Les décisions sont prises aux niveaux macro et micro sur ce qui est adapté et pourquoi. Ces décisions impliquent, par exemple, s'il faut adapter des points spécifiques de langage et de registre, et s'il faut déplacer l'accent thématique du récit source (par exemple, vers l'horreur). Cette intervention soutient finalement que les adaptateurs doivent prendre des décisions créatives afin de maximiser leurs chances de succès artistique et commercial, et que l'éco-traductologie peut considérablement améliorer notre compréhension de ces processus.

Andrew Watts est maître de conférences à l'université de Birmingham (Royaume-Uni) et co-directeur de "B-Film : The Birmingham Centre for Film and Television Studies". Ses recherches portent sur les adaptations de la littérature du dix-neuvième siècle dans différents médias. Il prépare actuellement un livre sur la relation entre les adaptations artistiques et les théories de l'évolution biologique, intitulé Darwinian Dialogues : Adaptation, Evolution, and the Nineteenth-Century Novel.
Publications
Adapting Nineteenth-Century France, avec Kate Griffiths, University of Wales Press, 2013.
The Cambridge Companion to Balzac, dir. avec Owen Heathcote, Cambridge University Press, 2017.
The History of French Literature on Film, avec Kate Griffiths, Bloomsbury, 2020.
À paraître en 2023 : direction de The Balzac Review / Revue Balzac, "L'Adaptation", n°6.


BIBLIOGRAPHIE :

Balzac, l'invention du roman, Claude Duchet & Jacques Neefs (éds.), Colloque de Cerisy, Belfond, 1982.
Penser avec Balzac, José-Luis Diaz & Isabelle Tournier (éds.), Colloque de Cerisy, Éditions Christian Pirot, 2003.
La Comédie (in)humaine de l'argent, Alexandre Péraud (éd.), BDL, 2013.
Balzac, l'invention de la sociologie, Andrea Del Lungo & Pierre Glaudes (éds.), Classiques Garnier, 2018.
Balzac penseur, Francesco Spandri (éd.), Classiques Garnier, 2019.
Balzac et la langue, Éric Bordas (éd.), Kimé, 2019.


SOUTIENS :

• Projet ANR Phœbus-eBalzac | Sorbonne université
• Institut d'histoire des représentations et des idées dans les modernités (IHRIM, UMR 5317) | ENS de Lyon
• Équipe OBTIC | Sorbonne Center for Artificial Intelligence (SCAI)

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


CLAUDE CAHUN, INCLASSABLE ET EXEMPLAIRE


DU LUNDI 22 AOÛT (19 H) AU DIMANCHE 28 AOÛT (14 H) 2022

[ colloque de 6 jours ]



PRÉSENTATION VIDÉO :


ARGUMENT :

Claude Cahun est à la fois essayiste, photographe et poète. Largement autobiographique, son œuvre qui va de 1910 à 1954 échappe aux tentatives de classification. Elle est à resituer, avec ses amitiés fortes, dans le contexte surréaliste, mais aussi dans un ensemble plus large qui participe de la modernité culturelle et politique.

Ce colloque interrogera l'héritage de Claude Cahun aussi riche que paradoxal, ses apports artistique, philosophique et littéraire. Nombre de créateurs ou de penseurs se réclament de sa réflexion anticipatrice sur les questions de genre, d'identité sexuelle et personnelle. Sa quête de soi, son exigence critique et sa volonté éthique nous offrent des arguments pour penser notre présent et des motifs pour agir.

Les années quatre-vingt ont vu la découverte de Claude Cahun. Puis avec la propagation de son œuvre est arrivée la consécration. Le temps est venu de confronter les différentes représentations, les modèles d'interprétation qui ont été proposés. Ce retour aux sources devrait permettre de lever des malentendus et de réévaluer la place de Claude Cahun dans le champ contemporain.


MOTS-CLÉS :

Arts, Autobiographie, Éthique, Genre, Identité, Modernité, Photographie, Poésie, Surréalisme


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 22 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 23 août
MÉTAMORPHOSE DE L'IDENTITÉ ET SUBVERSION DES GENRES. L'AUTOFICTION, L'AUTOREPRÉSENTATION
Matin
François LEPERLIER : La réception de Claude Cahun et la querelle des interprétations [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Georges SEBBAG : La différence Claude Cahun

Après-midi
Eve GIANONCELLI : Claude Cahun et la question du genre
Tirza TRUE LATIMER : L'Autre Féminité


Mercredi 24 août
POÉTIQUE DE L'OBJET, COLLAGES, PHOTOGRAPHIES ET PHOTOMONTAGES
Matin
François LEPERLIER : Le concept de "personne" chez Claude Cahun
Elza ADAMOVICZ : Claude Cahun et le photomontage : miroir narcissique ou arme de guerre ?

Après-midi
Cristiana SORRENTINO : Repartir de la matérialité de l'archive. Nouvelles perspectives d'analyse de l'œuvre photographique de Claude Cahun
Silvia MAZZUCCHELLI : Claude Cahun : le parti pris des choses

Table ronde, à partir des deux premières thématiques abordées : La question du genre et La photographie

Soirée
Les extravagants, Pierre Albert-Birot et Claude Cahun : lectures croisées, par Charles GONZALÈS


Jeudi 25 août
CLAUDE CAHUN, SES AFFINITÉS ET SES RÉSEAUX D'AMIS
Matin
Monique SEBBAG : Entre Colette et Simone Weil, Claude Cahun. Trois femmes sans pitié
Atsuko NAGAÏ : Claude Cahun et l'Angleterre — entre l'antipathie et l'affinité

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 26 août
THÉÂTRE ET THÉÂTRALITÉ CHEZ CLAUDE CAHUN
Matin
Masao SUZUKI : Les tableaux vivants renversés : le regard dans les autoportraits de Claude Cahun [visioconférence]
Junko NAGANO : L'univers carnavalesque chez Claude Cahun par le prisme du masque et de la marionnette [visioconférence]

Table ronde, animée par Masao SUZUKI, Junko NAGANO & Françoise PY sur Théâtre et théâtralité chez Claude Cahun

Après-midi
Françoise ARMENGAUD : Claude Cahun et le chemin des chats

Lectures de textes de Claude Cahun, par Charles GONZALÈS


Samedi 27 août
POÉTIQUE, POLITIQUE ET ÉTHIQUE : DE CONTRE-ATTAQUE À LA RÉSISTANCE À JERSEY. LES TRACTS SURRÉALISTES
Matin
Michel CARASSOU : Claude Cahun ou la difficulté de dire l'homosexualité
Eve GIANONCELLI : Anarchisme, révolution et héroïsme chez Claude Cahun

Après-midi
Hervé SANSON : Claude Cahun au miroir du Mercure de France : influences, (ré)investissements et persistances
Monique SEBBAG : Le malaise ontologique de Claude Cahun
Lissia AMACH : Dieu dans l'œuvre et la vie de Claude Cahun : entre l'intime et le politique

Soirée
Patrick VIRET : Présentation de son film en cours de réalisation : Claude Cahun : l'art de résister


Dimanche 28 août
Matin
Synthèse, Table ronde et Discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

François-LEPERLIER : La réception de Claude Cahun et la querelle des interprétations
Après avoir été longtemps méconnue, Claude Cahun a suscité un intérêt toujours plus considérable, bénéficié d'une réception académique, institutionnelle et médiatique impressionnante, tant en France que sur le plan international. Les travaux littéraires et photographiques ont été rendus accessibles, plusieurs biographies ont été publiées. On ne compte plus les études, les expositions, les films, qui lui furent consacrés et qui l'ont imposée non seulement comme l'une des grandes figures de la modernité, mais entre toutes celle qui a pu anticiper sur bien des problématiques de la pensée contemporaine. Dans un contexte revendicatif qui porte en avant la question féministe, associée à la déconstruction des identités sexuelles et sociétales, l'œuvre et la démarche de Claude Cahun se sont avérées d'une grande pertinence. Toutefois, elle a fait l'objet de lectures souvent unilatérales et partisanes, qui se sont imposées pour elles-mêmes, quitte à négliger certains aspects essentiels d'une œuvre multiple et complexe. Une quarantaine d'années après la mise à jour des œuvres de Claude Cahun, le moment est venu d'effectuer un inventaire critique et de repenser sans concession les différents modèles d'interprétation dont on dispose. À cet effet, il convient de reprendre appui, de manière rigoureuse, sur les grandes thématiques propres à Claude Cahun, au premier chef la puissance de l'imaginaire et la métamorphose du réel, tout en faisant valoir la continuité d'un trajet intentionnel, poétique, éthique, philosophique et politique.

François Leperlier est professeur de philosophie honoraire, université de Rouen. Découvreur de Claude Cahun, il lui a consacré un grand nombre d'ouvrages.
Publications
Claude Cahun, Catalogue, Co-direction J.V. Aliaga, Jeu de Paume-Hazan, 2011.
Claude Cahun. L'exotisme intérieur, Fayard, 2006.
Claude Cahun. Écrits, Jean-Michel Place, 2000.
Claude Cahun, Photopoche-Nathan, 1999.
Claude Cahun Photographe, Jean-Michel Place/Paris-Musées, 1995.
"Charles Baudelaire, Claude Cahun, Clément Magloire-Saint-Aude", The International Encyclopedia of Surrealism, Bloomsbury Publishing, Londres, 2019.

Françoise PY
Françoise Py est maître de conférences en histoire de l'art à l'université Paris 8. Elle collabore régulièrement à la revue Mélusine dont elle a dirigé plusieurs numéros ainsi qu'au site éponyme.
Dernières publications
Endre Rozsda, Avec José Mangani, Revue Mélusine numérique, n°1, janvier 2019.
L'or du temps — André Breton 50 ans après, Avec Henri Béhar, Actes d'un colloque de Cerisy, Mélusine, n°40, 2017.
De l'art cinétique au net art : hommage à Frank Popper, L'Harmattan, Coll. "Eidos", 2017.

Georges SEBBAG : La différence Claude Cahun
Claude Cahun a hérité de deux monstres littéraires : elle a été la nièce réelle de Marcel Schwob et une nièce putative d'Oscar Wilde. Mais pour éclairer son paysage mental, il faut remonter jusqu'au dessinateur Jean-Jacques Grandville, au philosophe Max Stirner (auteur de L'Unique et sa propriété), au philosophe Jules de Gaultier (à qui on doit les concepts de "bovarysme" et de "différenciation") et à l'essayiste Remy de Gourmont. C'est à cette condition qu'on pourra mieux comprendre ses aphorismes "Je veux changer de peau", "Ôtez Dieu il reste Moi", "J'ai la manie de l'exception" ou encore sa déclaration sur "le Carnaval perpétuel". On pourra mieux imaginer comment Claude Cahun s'est formée, comment elle a façonné son moi unique et ses travestissements, comment Suzanne Malherbe et elle se sont improvisées croqueuses de mode, comment elle s'est photographiée et a démembré ses clichés, comment elle a été une surréaliste, mais une surréaliste off, etc.

Georges Sebbag est écrivain, docteur en philosophie, commissaire d'exposition. Il a publié une vingtaine d'ouvrages sur le surréalisme et plusieurs essais sur le temps. Coéditeur de The International Encyclopedia of Surrealism en trois volumes.
Dernières publications
Dix cahiers surréalistes : avril 1924, Éd. Domaine Jean-Michel Place – DI-LECTA, 2021.
Gombrowicz mentaliste, Éditions Tinbad, Coll. "Essai", 2021.
Bataille Leiris Einstein, Le moment Documents, avril 1929-avril 1931, Jean-Michel Place éditeur, 2022.


Elza ADAMOVICZ : Claude Cahun et le photomontage : miroir narcissique ou arme de guerre ?
Dans les années 1920 la société française connaît de profonds bouleversements dans le concept du sujet, les enjeux de la sexualité, l'ordre phallocentrique. Aux nouvelles interrogations, nouveaux moyens d'expression : le photomontage reflèterait les fissures, contradictions, interrogations de la réalité contemporaine. Cette intervention portera d'abord sur une discussion du photomontage des années 1920-30 comme outil de critique sociale et de libération, suivie de l'analyse des dix photomontages de Claude Cahun accompagnant son texte Aveux non avenus (1930). Parmi les questions qui seront abordées : la pratique du photomontage chez CC s'inscrit-elle dans un contexte purement individualiste, intimiste et narcissique (le scrapbook) ou dans un cadre plus large, celui des enjeux sociaux des années 1920 ? Si le photomontage est défini comme arme de guerre contre le Père, exposant les fractures de la vie sociale et psychique, quelles stratégies de détournement sont exploitées par Cahun ? Finalement, dans la galerie des photomontages de l'avant-garde des années 1920-30, quel dialogue établir entre les photomontages de Cahun et ceux de Hannah Hőch, John Heartfield ou Nusch Eluard ?

Elza Adamowicz est Professeure Émérite à Queen Mary University of London. Elle est l’auteure de nombreuses études sur l’avant-garde européenne, dada et le surréalisme.
Publications
Surrealist Collage in Text and Image : Dissecting the Exquisite Corpse (1998, 2004).
Ceci n'est pas un tableau : les textes surréalistes sur l'art (2004).
Dada Bodies : Between Battlefield and Fairground (2019).
The Eye of the Poet : André Breton and Visual Art (2022).

Lissia AMACH : Dieu dans l'œuvre et la vie de Claude Cahun : entre l'intime et le politique
La communication explorera, dans l'œuvre et la vie de Cahun, la place et la signification de la figure de Dieu — "ce curieux entre tous les curieux" pour reprendre les termes de Nietzsche — dont le regard et droit de regard sont particulièrement gênants, aux yeux de l'artiste. Cette figure fascinante, qui cloisonne le monde intérieur et extérieur, réel et onirique, physique et métaphysique, fait couler l'encre de notre artiste qui lui consacrera des passages entiers, notamment dans Aveux non Avenus, où elle questionne l'existence et la pertinence d'une figure divine unique et "hors de soi" et où elle ébranle les préceptes et dogmes religieux communs. Nous verrons, ici, comment l'indéfinition de la question religieuse et divine constitue une nécessité politique et offre la possibilité d'un nouvel intime. Cette exploration et analyse de Dieu seront également l'occasion d'étudier les liens de Cahun avec les approches ésotériques, la philosophie bouddhiste et yogique, nourris, notamment, durant sa période de rapprochement et de participation à l'Union des Amis des Arts Ésotériques et à la Société Théosophique.

Enseignante d'anglais et de culture littéraire à l'université-Paris-Est Créteil, Lissia Amach conduit actuellement ses recherches doctorales, en études françaises, au sein de l'université de Birmingham. Sa thèse s'intitule : "Les Mythes des Frontières Humaines. Le genre, la race et la religion dans la pensée cahunienne".

Françoise ARMENGAUD : Claude Cahun et le chemin des chats
Claude Cahun aime les chats. Elle vit avec eux et leur organise en toutes circonstances la meilleure vie possible. Elle est leur semblable et ils sont ses semblables. Elle reconnaît à sa mère souffrante une "hypersensibilité de chat" ; elle-même déclare procéder, lors de certaines actions de Résistance à Jersey, "à la manière des chats". Les relations avec eux sont souvent "télépathiques". Mais les chats ne deviennent jamais le Chat idéalisé. Pour elle, le chat n'est pas à proprement parler un objet littéraire ni une occasion de spéculation ésotérique. Cependant elle n'hésite pas à parler d'affinités entre chats et femmes ou de l'"exploitation du chat par la femme et de la femme par le chat". C'est dans les photos — autoportraits avec chats : "Chat d'aveugle", "Le chemin des chats" — que s'exprime la confiance envers les chats : se laisser guider par eux sur les voies de la découverte de l'inconnu.

Françoise Armengaud a enseigné la philosophie du langage et l'esthétique à l'université de Paris-Ouest-Nanterre. Elle a travaillé sur la littérature consacrée aux animaux et sur la condition qui leur est faite.
Publications
Apprendre à lire l'éternité dans l'œil des chats, Les Belles Lettres, 2016.
"Thérèse Plantier, poète animaliste et féministe", in Marie-Christine Brière (dir), "Jusqu'à ce que l'enfer gèle". Hommage à Thérèse Plantier, L'Harmattan, 2017.
Mémoires de Dame Pelote chatte de Montaigne, La Bibliothèque, 2019.

Michel CARASSOU : Claude Cahun ou la difficulté de dire l'homosexualité
Pionnière dans divers domaines, Claude Cahun le fut aussi dans la défense de l'homosexualité en participant à la publication d'Inversions, la première revue de ce type publiée en France. La première partie évoque le contexte dans lequel est créée la revue : la situation juridique, le vécu des homosexuels, la perception de l'homosexualité par l'opinion, la naissance d'une littérature homosexuelle. Une comparaison sera faite avec la situation en Allemagne qui fait figure de précurseure (et modèle ?) en la matière. En deuxième partie sont présentés le rôle joué par Claude Cahun dans la revue (simple rappel, la question ayant été traitée ailleurs), puis la conception de l'homosexualité qu'elle défend, étayée sur les thèses d'Havelock Ellis, enfin le type de militantisme "gay" qu'elle envisage. La troisième partie s'attache à la répression qu'ont subie la revue et ses animateurs, et cherche à comprendre le silence de Claude Cahun qui n'a jamais plus évoqué cette expérience malheureuse.

Michel Carassou, titulaire d'un doctorat en littérature moderne de l'université de Paris-Sorbonne, a toujours travaillé à la fois comme éditeur et comme chercheur. Après avoir été directeur éditorial de CNRS Éditions, il a créé et codirigé les éditions Paris-Méditerranée, puis en 2005 les éditions Non Lieu. En tant que chercheur, ses publications portent sur les avant-gardes littéraires et artistiques, Dada et le surréalisme, René Crevel, Jacques Vaché, Benjamin Fondane. Il s'est également intéressé à l'histoire des revues littéraires et à l'histoire de l'homosexualité au XXe siècle.
Dernières publications
Le Surréalisme par les textes (avec Henri Béhar), Classiques Garnier, 2013.
Inversions. Une autre histoire de la première revue gay française, Non Lieu, 2016.
Benjamin Fondane, Le Lundi existentiel et le dimanche de l'histoire, Non Lieu, 2021.

Eve GIANONCELLI : Claude Cahun et la question du genre
Cette communication propose d'explorer le processus de subjectivation de Claude Cahun à l'aune de la question du genre. Il s'agit de comprendre la façon dont, tant dans le choix de son pseudonyme, ses premières réalisations photographiques, et sa production au sein du mouvement surréaliste, Claude Cahun se constitue comme sujet de connaissance et de création à travers un positionnement réélaboré par rapport à la subjectivité féminine, donnant naissance à une subjectivité féminine autre. Nous analyserons la manière dont ce processus se joue entre neutralisation et subversion des normes de genre, permettant à Cahun de se poser et de s'affirmer singulièrement dans des traditions artistiques et intellectuelles qui se sont constituées à partir de l'exclusion du sujet féminin ou qui ont pu accueillir une telle forme d'affirmation mais non sans ambiguïté — à l'image des surréalistes.

Eve GIANONCELLI : Anarchisme, révolution et héroïsme chez Claude Cahun
Alors qu'elle considérait que "les étiquettes sont méprisables", Claude Cahun a elle-même caractérisé son engagement lors de la lutte menée contre l'occupant nazi à Jersey d'"anarchiste". D'où l'intérêt de se pencher sur cette question, jusqu'alors assez peu explorée. Il s'agit de comprendre les ressorts et les formes d'expression de cet anarchisme cahunien. Comment relève-t-il d'une forme de subjectivité individualiste qui s'articule en même temps à un sens et une visée collectifs, reposant sur une opposition à toutes les formes d'imposition ? Nous montrerons que l'un des intérêts majeurs de cette question réside dans ce qu'il révèle du sens du politique chez Cahun, et par-là même sa dimension fondamentalement éthique. En ce sens, il est également le ciment d'une posture révolutionnaire qui fait de Cahun une héroïne.

Eve Gianoncelli est docteure en science politique de l'université Paris 8 et chercheure affiliée à la Maison Française d'Oxford. Elle est l'auteure d'une thèse portant sur les processus de constitution problématiques de femmes, parmi lesquelles Claude Cahun, comme intellectuelles au XXe siècle, bientôt disponible sous forme d'ouvrage, sous le titre Le genre de la pensée. Figures du devenir intellectuelle au XXe siècle (Rennes, PUR, coll. "Archives du féminisme", 2022). Elle a publié plusieurs articles sur Claude Cahun parmi lesquels "Les voies de la (re)connaissance : Claude Cahun, artiste et intellectuelle au miroir transatlantique", Genre, sexualité, société, n°16, automne 2016 [en ligne] ; "La poudre à canon et la mèche allumée : Claude Cahun/Lucy Schwob et Suzanne Malherbe/Marcel Moore : un couple de femmes avant-gardiste", Les études sociales, n°170, p. 179-202.

Silvia MAZZUCCHELLI : Claude Cahun : le parti pris des choses
Les objets nous regardent. "C'est l'objet qui nous pense" dit Jean Baudrillard. Les trames de la vie sont parsemées d'objets : ils nous accompagnent, ils deviennent des coffres de nos souvenirs, ils se couvrent de notre émerveillement. Suspendus entre les "objets d'affection" de Man Ray, nés de combinaisons de choses incongrues mais capables de générer un nouveau sens, et les "machines célibataires" de Michel Carrouges, les objets de Claude Cahun, donnent vie à une nouvelle perception des choses, ce qui ne les rigidifie pas dans une définition, mais tente de les placer dans un univers en mutation. Comme son identité, ils échappent à toute tentative de définition : "J'ai la manie de l'exception", écrit-elle dans Aveux non avenus (1930). Les objets de Cahun évoquent l'accumulation d'éléments hétérogènes typiques du surréalisme, mais ils deviennent aussi le moyen de montrer une identité fragmentée, sous la forme d'objets éphémères en voie de disparition, ne survivant que grâce aux photographies qui les représentent. Cette présentation vise à étudier ces différents composants en référence aux objets conçus par Claude Cahun, à partir de la conception de l'objet surréaliste, passant de la réinterprétation de l'idée de machine célibataire par Deleuze et Guattari dans l'Anti-Œdipe (1972), jusqu'à la contemporanéité.

Silvia Mazzucchelli est docteur en théorie et analyse des textes de l'université de Bergame. Elle a publié deux essais consacrés à Claude Cahun, intitulés Claude Cahun et Suzanne Malherbe : l'immaginario di un sodalizio (Sestante, 2012) et Oltre lo specchio. Claude Cahun e la pulsione fotografica (Johan & Levi, 2013). Elle a édité Les Paris sont ouverts (Wunderkammer, 2018) et rédigé l'essai d'introduction à la traduction italienne du pamphlet. Elle fait partie de la rédaction du magazine en ligne Doppiozero et s'occupe de la rubrique dédiée à la photographie.

Atsuko NAGAÏ : Claude Cahun et l'Angleterre — entre l'antipathie et l'affinité
Pour Claude Cahun, l'Angleterre a été l'unique pays étranger qui lui a fourni des références implicites ou explicites profondément liées à des questions existentielles qu'elle posait dans ses créations écrites et photographiques. Le pays jouissait d'un pouvoir paternaliste et oppressif aux niveaux diplomatique et intérieur, tandis que Cahun y a trouvé aussi des artistes ou des mouvements sociaux qui résistent au dirigisme et protègent à leur manière les libertés individuelles. Il est d'ailleurs possible que son intérêt pour la culture anglaise l'ait aidée à trouver dans la neutralité une aisance relative à son existence. C'est dans l'histoire de sa relation complexe avec la société et la culture anglaises qu'on devrait situer aussi sa collaboration un peu énigmatique avec les surréalistes anglais au moment de l'Exposition Internationale du surréalisme à Londres en 1936.

Atsuko Nagaï est Professeur à l'université Sophia, Tokyo. Doctorat ès lettres à l'université d'Angers. Études sur le surréalisme, Gracq, Malraux, Sartre et al.. Traductrice en japonais de trois livres de Julien Gracq.
Publications
Claude Cahun (en japonais), Suiseisha, 2011.
"Désarmement de Gracq (1940-1950)", Julien Gracq et la guerre, Classiques Garnier, 2021.

Junko NAGANO : L'univers carnavalesque chez Claude Cahun par le prisme du masque et de la marionnette
Dans le mouvement théâtral d'avant-garde du début du XXe siècle, on opposait le monde du masque et de la marionnette au monde du réalisme ou du naturalisme des théâtres populaires. Cette nouvelle forme théâtrale a été en partie influencée par A. Jarry (Ubu Roi, 1896) ou par G. Craig (sa théorie sur la "surmarionnette" et sa revue The Mask, 1908-29). Au printemps 1929, Claude Cahun a joué au théâtre du "Plateau" dirigé par P. Albert-Birot. Les techniques spécifiques de cette forme théâtrale étaient les jeux stylisés de scène et le maquillage blanc. En plus de cette brève aventure, Cahun elle-même a mis des masques ou a pris des poses de poupée dans plusieurs autoportraits et photomontages. Son œuvre protéiforme et ses textes littéraires pourraient être considérés comme "le carnaval perpétuel" qui était un rêve d'enfance.

Junko Nagano est Professeur à l'université des arts d'Osaka. Études de l’esthétique et de l'art, principalement le sublime et la métaphore du genre, l'opéra et son genre, performance artistique, etc.
Publications
La flûte enchantée : L'énigme de la reine de la nuit, Arina-shobō, 2007.
Traduction en japonais, Carolyn Korsmeyer, Gender and Aesthetics : An Introduction, Sangensha, 2009.
"Autoportrait et théâtralité : Relations de Claude Cahun avec l'avant-garde théâtral", Bulletin de la Faculté des lettres, Université de Kobe, 2014.

Hervé SANSON : Claude Cahun au miroir du Mercure de France : influences, (ré)investissements et persistances
L'on sait que Claude Cahun publia sa première œuvre littéraire, Vues et visions, dans le Mercure de France du 16 mai 1914 sous le pseudonyme de Claude Courlis. Elle y publiera également plusieurs articles, tels "La Salomé d'Oscar Wilde" ou "Le procès Billing et les 47 000 pervertis du Livre noir" dans le numéro du 1er juillet 1918. Elle y publiera par la suite sa "Chanson sauvage" dans le numéro du 15 mars 1921, un certain nombre des contes formant l'ensemble Héroïnes dans celui du 1er février 1925, puis ses "Éphémérides" dans celui du 1er janvier 1927. Il est indéniable que la "famille intellectuelle" qui publia dans les colonnes de la prestigieuse revue exerça sur Claude Cahun une influence considérable. Ainsi, Rémy de Gourmont, Henri de Régnier, poète proche du symbolisme, ou plus encore, Jules de Gautier qui y tint durant de nombreuses années la chronique philosophique, furent des modèles pour l'écrivaine en herbe. Le bovarysme, doctrine philosophique défendue par ce dernier, entendu comme une tendance de l'esprit humain à rechercher une échappatoire à la réalité en créant une image embellie de soi-même, falsification seule apte à l'acceptation de son destin, inspirera l'auteure d'Aveux non avenus ou la photographe de l'entre-deux-guerres. Cette communication tâchera de retracer les diverses influences subies par la créatrice, et de dégager les enjeux de ces années de formation : l'héritage du Mercure de France a-t-il perduré au-delà des années de jeunesse, et joué un rôle essentiel dans l'œuvre ultérieure ?

Hervé Sanson, docteur ès lettres, spécialiste des littératures francophones du Maghreb, est chercheur associé à l'ITEM (CNRS). Auteur d'entretiens avec Habib Tengour, intitulés La Trace et l'écho. Une écriture en chemin (Le Tell, Algérie, 2012), il a collaboré à l'édition critique et génétique des Portraits d'Albert Memmi, publiée chez CNRS éditions en 2015, sous la direction du professeur Guy Dugas. Il a publié en 2017, en collaboration avec Albert Memmi, Penser à vif. De la colonisation à la laïcité, aux éditions Non-Lieu. Éditeur scientifique d'un inédit de Mohammed Dib, Le Vœu de la septième lune, paru chez El Kalima (Alger) en décembre 2019, il a coordonné en outre un numéro de la revue Europe sur Mohammed Dib, paru l'été 2020, et collaboré à l'édition scientifique du dernier manuscrit, inachevé, d'Assia Djebar, à paraître aux Presses de la Sorbonne nouvelle au printemps 2021. Enfin, il coordonne sur le plan scientifique l'édition critique et génétique des nouvelles de Mohammed Dib, à paraître chez CNRS éditions en 2023.

Monique SEBBAG : Entre Colette et Simone Weil, Claude Cahun. Trois femmes sans pitié
Trois figures de femme hors normes, phénoménales, aussi distantes l'une de l'autre que les sommets d'un triangle équilatéral. Trois générations, Colette née en 1873, Simone Weil en 1909, Claude Cahun en 1894, à sa place préférée, l'entre-deux. Tout semble les opposer : la première selon la chronologie, Colette, valorise la vie, la grande santé, la solidité charnelle, matérielle, elle est le oui absolu au monde sensible, tandis que la troisième, Simone Weil, veut avant tout réussir sa mort, et n'a que "dégoûtation" pour l'impureté du corps et même de l'âme ; entre les deux, Claude questionne, doute, balance. Comparée à ces volontés entières et têtues, elle est humaine dans sa fragilité, ses incertitudes, son déchirement. Alors que Colette se veut bête parmi les bêtes et Simone ange parmi les anges, Claude se débat entre son âme et son corps, bascule d'Éros à Thanatos, des jeux de l'immanence aux appels de la transcendance. L'une personnifie l'amour de soi, l'autre la haine de soi, notre Claude incarnant à coup sûr l'interrogation sur soi. Colette culmine en gloire nationale, Simone a l'aura d'une sainte, Claude est l'héroïne de mieux en mieux connue. La confrontation de Claude Cahun avec les deux autres figures d'exception pourrait contribuer à la comprendre. Toutes les trois se sont échappées des cloisons du genre ; leur moi idéal est ailleurs, par-delà le féminin et le masculin. Cette libération passe par une extrême sévérité, un combat contre soi ; contre l'inertie, la paresse, et contre la pitié, cet instinct maternel désarmant. Aveux non avenus : "Je suis femme. La pitié me met en goût de consoler. Mais comme après tout je suis un homme, et prompt à mordre, méfie-toi, cela ne va pas sans quelque brutalité". Sans pitié et avec quelque brutalité elles imposent leurs choix à leur entourage, il s'agit de se sauver et même Simone Weil a sa part de cruauté. Vue de cette place d'entre ces deux, entre l'éclatante vitalité de l'écrivaine de plus en plus célèbre et l'ascétisme de la vierge vouée de plus en plus au crucifié, Claude incarnerait non seulement la recherche d'un équilibre, mais encore la résistance à la vague montante du nihilisme annoncé par Nietzsche, qui mène à la féminisation compassionnelle d'aujourd'hui.

Monique SEBBAG : Le malaise ontologique de Claude Cahun
Cahun, l'héroïne inconnue est de plus en plus reconnue. Ses mises en scène, ses masques, ses moi multiples et son couple lesbien font sa célébrité. Cependant, comme le propre du masque est de dissimuler, il faut parier que l'essentiel de Claude Cahun est le secret qui la hante : on peut lire Aveux non avenus comme un aveu déguisé du conflit intime qui la tourmente. Son dilettantisme, son bovarysme, son goût de la provocation, l'excès de son jeu narcissique cachent une fragilité, un besoin d'unité, de pureté, d'authenticité. Lorsqu'elle dit manquer de confiance en soi, c'est pour ne pas avouer un malaise plus profond, qui n'est pas d'ordre psychologique mais ontologique. Comment aurait-elle confiance en soi, elle qui doute d'être quelque chose comme un "je", comme un "soi" ? Elle ne souffre pas de n'être ni femme ni homme, ni homo ni hétéro ; elle a tranché, elle se sent bien dans l'entre-deux, dans le neutre. Mais elle ne se sent pas toujours à l'aise dans le paraître et l'éparpillement ; il lui arrive de vouloir fuir le public, pour tenter de se trouver. Son secret est qu'elle aspire à l'Être et à l'Un. Salomé la sceptique est malade de son scepticisme, Cahun voudrait savoir Qui elle est et qu'elle Est. En relisant les écrits d'après-guerre, on découvre une Claude Cahun guérie du scepticisme. Il y a des faits véridiques qu'elle veut faire connaître. Elle est affirmative, elle déclare son credo, et la question se pose : qu'est-ce qui l'a métamorphosée en un moi aussi sûr de soi ? Qu'est-ce qui a fait tomber le masque du "soldat sans nom" et lui a garanti qu'elle était en plein dans la réalité ? En somme, je propose d'accompagner Claude Cahun dans son manque et dans sa rencontre de la vérité.

Monique Sebbag est professeur agrégée de philosophie et critique d'art. Elle a collaboré avec la galerie Thessa Herold notamment pour l'importante anthologie Auteurs. Elle a contribué en 2017 au catalogue de l'exposition Somos plenamente libres, sur dix-huit femmes artistes surréalistes dont Claude Cahun, au musée Picasso de Malaga et en 2021 à celui de l'exposition Quoniam au musée des Beaux-Arts de Trouville. Elle a publié Procès surréalistes chez Jean-Michel Place et, avec Georges Sebbag, Galerie Mouradian, 41 rue de Seine. Elle donne des conférences de philosophie et d'histoire de l'art.

Cristiana SORRENTINO : Repartir de la matérialité de l'archive. Nouvelles perspectives d'analyse de l'œuvre photographique de Claude Cahun
Cette intervention, qui s'appuie sur les résultats d'une recherche menée au Jersey Archive (St. Helier, Jersey), où est abritée la plus importante collection de Claude Cahun, se fonde sur la nécessité de lire l'œuvre photographique de Cahun à partir de la matérialité de l'archive, en proposant une lecture inédite par rapport aux perspectives d'analyse plus spécifiquement théoriques de l'œuvre de l'artiste, prédominantes dans le contexte historiographique contemporain. À cet égard, nous tenterons d'analyser quelques aspects importants qui émergent de cette étude, en problématisant une série de questions, y compris théoriques, qui ont jusqu'à présent caractérisé le débat historiographique. Que signifie, dans l'étude de l'œuvre photographique de Claude Cahun, repartir de l'archive ? Que peut encore nous dire ce type de recherche ? Et qu'est-ce qui peut confirmer ou infirmer ce qui est important que nous savons déjà ?

Cristiana Sorrentino est historienne de la photographie et doctorante à l'université de Florence. Elle a consacré son mémoire de maîtrise à l'œuvre photographique de Claude Cahun, publiant les premiers résultats de la recherche (Ripensando all'opera fotografica di Claude Cahun a partire da fonti e contesti) en 2017 dans la revue RSF. Rivista di studi di fotografia.

Masao SUZUKI : Les tableaux vivants renversés : le regard dans les autoportraits de Claude Cahun
Nous allons essayer de situer les photographies de Claude Cahun par rapport à ce que Michel Poivert appelle "les images auxquelles on ne croit pas", autrement dit les photographies mises en scène, dont l'exemple typique est le tableau vivant. Mais la théâtralité de Cahun est paradoxale. À la différence des tableaux vivants, ses autoportraits, qui n'imitent rien de précis, n'indiquent jamais clairement ce qu'ils mettent en scène. En outre le sujet photographié — Cahun elle-même — défie assez souvent le spectateur de son regard provocateur, tandis que les personnages d'un tableau vivant se plongent (ou font semblant de se plonger) dans le rôle qui leur est attribué. En nous appuyant sur cette théâtralité particulière, nous voudrions montrer que l'acte photographique de Cahun se situe au carrefour des pratiques populaires (et vernaculaires) et de l'avant-gardisme.

Masao Suzuki est Professeur à l'université Waseda (Tokyo). Il a soutenu sa thèse de doctorat consacrée à la question du hasard objectif dans l'œuvre d'André Breton à l'université Paris VII. Il a publié des articles sur le surréalisme dans plusieurs revues (en France notamment dans Pleine Marge).
Ouvrages publiés au Japon
Le Surréalisme, une pluralité convulsive (2007).
Gherasim Luca, stratégie de Non-Œdipe (2009).
Gisèle Prassinos, paradoxes d'une femme-enfant (2018).

Tirza TRUE LATIMER : L'Autre Féminité
Une photographie prise par Suzanne Malherbe vers 1915 montre la jeune Lucy Schwob assise à sa table d'écriture, un appareil photo sur le côté et, en face d'elle, un volume relié en cuir intitulé L'Image de la femme. L'ouvrage illustrée, réalisée en 1899 par Armand Dayot, répertorie les images de la beauté féminine, de la statuaire classique aux portraits de grandes dames jusqu'à l'époque de l'enfance de Lucy et Suzanne. Les accessoires de cette photographie — le livre Image de la Femme et l'appareil photo avec lequel les deux complices vont produire d'innumérables images alternatives — plantent le décor d'une longue carrière de résistance aux orthodoxies de toutes sortes, y compris de la "féminité". Peu après cette mise en scène, le couple fait ses premiers pas délibérés vers l'incarnation de quelque chose d'autre, cherchant d'autres modèles de sociabilité, de créativité, d'affiliation "familiale", de résistance, et d'amour propres aux femmes. En produisant à deux des ouvrages tels que Vues et visions (1919) et Aveux non avenus (1931), elles ont introduit une nouvelle logique générative — le "singulier pluriel" — bien adaptée à leur besoin "d'exister autrement". Cette conjonction impropre, singulier pluriel, décrit le dynamique entre les deux artistes, demi-sœurs "incestueuses", qui cultivent chacune des pratiques distinctes, développées dans leurs échanges l'une avec l'autre. Le dialogue entre le moi et "l'autre moi" est toujours un point de départ et un point de retour. Le singulier pluriel, en même temps, permet l'ouverture au-delà de chacune et au-delà du couple Schwob/Cahun Malherbe/Moore. Il relie les deux artistes aux fraternités et sororités singulières qui mettent en scène d'autres modes de pensée, de création, et de vie. Ici, je mets l'accent sur les sororités — en particulier, l'entourage de l'héritière Américaine, écrivaine symboliste, promoteur bouddhiste, Grace Constant-Lounsbery. Lounsbery, de presque vingt ans leur ainée, a pris sous son aile Claude Cahun et Marcel Moore dès leur arrivée à Paris au début des années vingt. Avec ses proches collaboratrices lesbiennes, actives dans les pratiques ésotériques et spectacles "exotiques", elle introduisit les deux rebelles de Nantes à tout un réseau de soutien. À leur tour, Cahun et Moore — avec leurs expériences photographiques, littéraires, et théâtrales — vont donner un élan aux ambitions de Lounsbery et son milieu féminin radical.

Tirza True Latimer est Professeur émérite en histoire de l'art, California College of the Arts, San Francisco.


BIBLIOGRAPHIE :

• ALIAGA Juan Vicente & LEPERLIER François, Claude Cahun, Jeu de Paume, 2011.
• CAHUN Claude : Écrits, édition présentée et établie par François Leperlier, Jean-Michel Place, 2002.
Claude Cahun et ses doubles, Exposition Nantes, Médiathèque Jacques Demy, Éditions MeMo, 2015.
• LEPERLER François, Claude Cahun : l'écart et la métamorphose, Jean-Michel Place, 1992.
• LEPERLIER François, Claude Cahun : l'exotisme intérieur, Fayard, 2006.
• "Pierre Albert Birot. Claude Cahun", Europe, n°1056, avril 2017.

Pour élargir les recherches

• BÉHAR Henri & PY Françoise (dir.), L'or du temps — André Breton 50 ans après, Colloque de Cerisy (2016), L'Âge d'Homme, 2017.
• SEBBAG Georges, Memorabilia : constellations inaperçues : Dada & surréalisme, 1916-1970, Le Cercle d'Art, 2010.

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


FRANCISCO VARELA, UNE PENSÉE ACTUELLE

AUTOPOÏÈSE, ÉNACTION, PHÉNOMÉNOLOGIE


DU SAMEDI 13 AOÛT (19 H) AU VENDREDI 19 AOÛT (14 H) 2022

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Natalie DEPRAZ, Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU


COMITÉ SCIENTIFIQUE :

Michel BITBOL, Amy COHEN-VARELA, Natalie DEPRAZ, Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU, Claire PETITMENGIN, Jean PETITOT


ARGUMENT :

Francisco Varela a contribué de manière significative au développement du champ des sciences cognitives en proposant, dès les années 70, avec son professeur Humberto Maturana, la formulation de sa théorie du vivant, l'autopoïèse, dont la résonance a été déterminante, au-delà même du champ de la biologie, dans les domaines artistiques et éducatifs. Dans les années 80-90, du sein des théories de l'émergence, il a construit une nouvelle théorie : l'énaction. Au contact de la phénoménologie, il a forgé une approche novatrice de la conscience à partir de la dynamique neuronale tout en lui étant irréductible : la neurophénoménologie. Parallèlement, il fondait le Mind and Life Institute, lieu de dialogue avec le Dalaï Lama et de réflexion sur les liens possibles entre sciences et pratiques contemplatives, notamment la méditation.

20 ans après sa disparition, il est essentiel de revisiter sa pensée et de mesurer son influence dans les nombreux champs et disciplines actuels qui font fructifier sa pensée. Il a été présent à Cerisy, notamment lors de la rencontre de 1981 "L'auto-organisation : de la physique au politique" (Seuil, 1983), qui ouvrit un programme de recherche auquel il contribua et puisa nombre de ses inspirations.

Ce colloque propose un dialogue entre sciences naturelles et sciences humaines, art et science, science et philosophie. Il sera aussi l'occasion, grâce à diverses performances artistiques, de réfléchir à une mise en pratique de l'interdisciplinarité. Ouvert à toutes celles et ceux que la pensée de Francisco Varela intéresse, il s'agit d'en étudier la force et le rayonnement international en donnant la parole à ses proches, à des collaboratrices et collaborateurs scientifiques et philosophes, ainsi qu'à des "méditants" bouddhistes. Enfin, seront diffusées des vidéos témoignant des contextes de vie dans lesquels son travail s'est déployé et a mûri, au gré de ses multiples interactions.

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2021, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2021 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Art et science, Autopoièse, Bouddhisme, Conscience, Création artistique, Émergence, Énaction, Épistémologie, Interdisciplinarité, Méditation, Neurophénoménologie, Philosophie, Phénoménologie, Pratiques contemplatives, Sciences cognitives, Sciences humaines, Sciences de l'éducation, Varela (Francisco)


CALENDRIER DÉFINITIF :

Samedi 13 Août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants, ainsi que du Foyer de création et d'échanges


Dimanche 14 août
Matin
Amy COHEN-VARELA : Ouverture

UNE VISION ÉLARGIE DE LA SCIENCE
Jean-Pierre DUPUY : Francisco Varela, penseur de l'autonomie [visioconférence]
Valérie BONNARDEL : Couleur, expérience humaine et cyborgisme

Après-midi
Shaun GALLAGHER : Reenacting ethics : Joining Varela's adventure
Urban KORDEŠ : Horizons of Becoming Aware

Soirée
Autour du film Monte Grande : What Is Life ? de Franz Reichle
Claudia VÁSQUEZ GÓMEZ : Un projet artistique à Monte Grande


Lundi 15 août
Matin
MÉDITATION EN ACTION ET NATURE DE L'ESPRIT
Matthieu RICARD : Empathie et Compassion [vidéo]
Alan WALLACE : Toward a Renaissance in Contemplative Inquiry within the World's Religions [vidéo]
Amy COHEN-VARELA : Francisco Varela et la conversation transformatrice [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Après-midi
Alexis LAVIS : Francisco Varela, interprète du dharma [visioconférence]

ÉNACTION ET ART
Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU : Approcher l'émergence, l'autopoïèse et l'énaction d'un point de vue phénoménologique dans la création artistique et en pédagogie


Mardi 16 août
LA PENSÉE DE FRANCISCO VARELA, SOURCE D'INSPIRATIONS ARTISTIQUES ET ÉDUCATIVES
Matin
Célio PAILLARD : L'émergence entre : l'accumulation comme stratégie de création
Michèle DUZERT : Le FOYER. Le moment présent comme foyer de sens [visioconférence]

Après-midi
DÉTENTE


Mercredi 17 août
UNE SIGNATURE VARÉLIENNE : L'ÉNACTION
Matin
Pierre LIVET : Varela, son influence et son évolution…
John PROTEVI : Questions politiques dans la pensée de Francisco Varela

Après-midi
Hervé BRETON : L'énaction : perspective expérientielle et située
Charles LENAY : Énaction et interaction : la question du possible
Olivier GAPENNE : Que peut l'énaction pour la raison ?

Soirée
Autour de la création, discussion animée par Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU, avec Célio PAILLARD et Claudia VÁSQUEZ GÓMEZ


Jeudi 18 août
LA PHÉNOMÉNOLOGIE À SES LIMITES
Matin
Jean PETITOT : Que signifie naturaliser la phénoménologie ? [vidéo + visioconférence]
Tom FROESE : Enaction as an irruption of consciousness

Après-midi
Michel BITBOL : La dialectique du corps et de la conscience : une traduction métaphysique de la neurophénoménologie [visioconférence]
Natalie DEPRAZ : La cardiophénoménologie. Ou comment raffiner la neurophénoménologie ?
Antoine LUTZ : Impact de la prise de conscience sur la perception et la douleur : exploration neurophénoménologique et computationnelle

Soirée
Présentation des œuvres artistiques créées pendant le colloque


Vendredi 19 août
Matin
Rapport d'étonnement et bilan

Après-midi
DÉPARTS


TÉMOIGNAGE :

Cerisy – Varela, une relation propice à l'amitié. Rencontre avec Amy COHEN-VARELA, propos recueillis par Sylvain ALLEMAND.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU : Approcher l'émergence, l'autopoïèse et l'énaction d'un point de vue phénoménologique dans la création artistique et en pédagogie
Les concepts d'émergence, d'autopoïèse et d'énaction ont fait leur chemin, et inspiré nombre de travaux dans différentes disciplines scientifiques, notamment en sciences cognitives, en phénoménologie, en sciences de l'éducation. Je m'intéresse pour ma part à la création artistique et à la pédagogie, et je présenterai quelques idées sur la façon dont ces concepts peuvent s'appliquer dans ces cadres.

Ivan Magrin-Chagnolleau est chercheur au CNRS, au sein du laboratoire PRISM à Marseille. Il se consacre à la recherche et à l'enseignement universitaires, en particulier en art et en philosophie. Il s'intéresse particulièrement au processus créatif et à sa phénoménologie, au lien entre art et spiritualité, et à l'importance de réhabiliter l'amour comme une valeur essentielle. Il se consacre également à la création artistique, notamment pour le cinéma, le théâtre, la photographie, la musique et l'écriture.
Publications
"Hasard et Création", in Le hasard, le calcul et la vie, Thierry Gaudin, Marie-Christine Maurel & Jean-Charles Pomerol (dir.), Colloque de Cerisy (2019), ISTE Éditions, Collection "Systèmes d'information, web et société", pp. 161-175, 2021.
"L'énaction dans la création artistique : théâtre, cinéma et performance", in Action, Énaction, Xavier Lambert (éd.), L'Harmattan, Collection "Ouverture Philosophique", pp. 213-224, 2017.


Michel BITBOL : La dialectique du corps et de la conscience : une traduction métaphysique de la neurophénoménologie
L'une des tâches que Francisco Varela a assigné à la neurophénoménologie est de dissoudre, et de ne surtout pas essayer de résoudre, le "problème difficile" de l'origine physique de la conscience. Car, selon lui, c'est la formulation même de ce problème qui nous égare. C'est l'énoncé standard (physicaliste) du "problème difficile" qui suffit à en faire un faux mystère. Mais une telle dissolution du "problème difficile" de la conscience est très exigeante pour les chercheurs. Elle les invite à quitter leur position d'observateurs détachés ou de penseurs neutres, et à s'auto-transformer jusqu'à reconnaître qu'ils ne sont pas distincts du thème de leur quête. Elle ne laisse aucune place au "problème difficile" dans le champ du discours, et le transplante entièrement sur le plan des pratiques et des attitudes. Il en résulte que la dissolution neurophénoménologique du "problème difficile" de la conscience s'est exposée à être ignorée ou tenue pour une simple esquive par les philosophes analytiques de l'esprit. Comment surmonter cet obstacle ? Comment restituer toute sa force argumentative à la neurophénoménologie ? Je propose pour cela de lui adjoindre une traduction métaphysique qui la rende suffisamment homogène aux termes du débat sur la conscience en philosophie de l'esprit. Bien sûr, je n'ignore pas ce qu'il y a de paradoxal à vouloir réintégrer l'espace de la métaphysique, pour mieux faire comprendre une position aussi délibérément anti-métaphysique que la dissolution neurophénoménologique du problème de la conscience. J'esquisserai alors deux stratégies pour surmonter ce paradoxe. La première stratégie est d'explorer les potentialités de la traduction en général, et de l'appliquer à la traduction métaphysique proposée ici. Comme l'écrit Barbara Cassin, la traduction n'est pas (ou ne devrait pas être) une transposition de concepts fixes d'une langue à une autre ; la traduction est (ou devrait être) une manière de faire communiquer deux mondes "en inquiétant l'un par l'autre". Ici, je n'essaierai donc pas de transposer les mots de la neurophénoménologie dans le vocabulaire de la spéculation métaphysique, mais d'inquiéter la métaphysique en lui demandant de trouver en elle la ressource d'exprimer ses antipodes. La deuxième stratégie consiste à conserver le bénéfice d'un passage du discours à la manière d'être, typique de la neurophénoménologie, dans cette tentative de réinscrire une manière d'être dans le discours. Pour cela, une conception dynamique et participative de la relation entre le corps et la conscience est formulée. Elle s'appuie sur le concept Varélien de "dialectique cybernétique", et correspond étroitement à l'"intra-ontologie" du dernier Merleau-Ponty : une réflexion sur ce que c'est que d'être, loin des disciplines de la contemplation des étants. En fin de parcours, j'essaierai de montrer que cette métaphysique du corps et de la conscience ne s'inscrit nullement en faux contre la décision neurophénoménologique de suspendre toute théorisation du "problème difficile" de la conscience. Au contraire, elle a la capacité de conforter la neurophénoménologie dans sa décision d'inscrire la recherche en sciences cognitives dans une dynamique de vie vécue qui conditionne la dissipation du problème de la conscience à la transformation de l'être conscient.

Michel Bitbol est chercheur en philosophie de la physique, en philosophie de la connaissance, et en philosophie de l'esprit. Il est Directeur de recherche émérite CNRS aux Archives Husserl, ENS, Paris. Ayant fait ses études dans plusieurs universités à Paris, il a reçu successivement un doctorat en médecine en 1980, un doctorat d'État en physique en 1985, et une Habilitation à diriger des recherches en philosophie, en 1997. Il a poursuivi des recherches scientifiques de 1978 à 1990, puis, à partir de 1990, il s'est tourné vers la philosophie de la physique. Il a d'abord traduit et commenté des textes d'Erwin Schrödinger. Il a ensuite publié plusieurs livres sur une lecture néo-kantienne de la mécanique quantique, ainsi que sur une philosophie des sciences relationnelle. En 1997, l'Académie des Sciences Morales et Politiques lui a remis son prix Grammaticakis-Neumann de philosophie des sciences. Par la suite, il a concentré sa quête sur la philosophie de l'esprit, et sur ses éventuelles connexions avec la physique quantique. Il a travaillé en collaboration étroite avec Francisco Varela dans le sillage de ce travail. Puis il a approfondi cette direction de recherche, en développant une conception de la conscience inspirée par la phénoménologie et par une épistémologie de la connaissance en première personne. Plus récemment, s'appuyant sur sa double approche de la philosophie des sciences et de la philosophie de l'esprit, il s'est engagé dans le débat contemporain sur les nouvelles propositions métaphysiques développées sous la bannière du "réalisme spéculatif".
Publications
Mécanique quantique, une introduction philosophique, Flammarion, 1996.
Schrödinger's philosophy of quantum mechanics, Kluwer, 1996.
L'aveuglante proximité du réel, Champs-Flammarion, 1998.
Physique et philosophie de l'esprit, Champs-Flammarion, 2000.
De l'intérieur du monde, Flammarion, 2010.
La conscience a-t-elle une origine ?, Flammarion, 2014.
La pratique des possibles, une lecture pragmatiste et modale de la mécanique quantique, Hermann, 2015.
Maintenant la finitude, peut-on penser l'absolu ?, Flammarion, 2019.

Valérie BONNARDEL : Couleur, expérience humaine et cyborgisme
"L'abeille imagine la fleur et la fleur imagine l'abeille", Francis Huxley(1)
Dans leur ouvrage L'inscription corporelle de l'esprit. Science cognitive et expérience humaine(2) publié en 1993, Francisco Varela, Evan Thompson et Eleanor Rosch proposent une nouvelle conception de la cognition qualifiée d'énactive. L'énaction propose une théorie de la cognition basée sur le principe selon lequel les organismes vivants sont des systèmes autonomes, doués d'auto-organisation et générateurs de signification qui donne lieu à l'origine co-déterminée de la cognition et de l'environnement dans lequel l'organisme est situé(3). Pour notre propos, la position de l'énaction s'inscrit dans un contexte non-dualiste et tente de réconcilier les oppositions traditionnelles (sujet-objet, corps-esprit, soi-autres, etc.) et, ce faisant, offre une voie intermédiaire entre l'opposition "objectivisme computationnel" et le "subjectivisme neurophysiologique". Les principes et l'intérêt de l'approche enactive seront illustrés dans le domaine de la vision colorée qui possède une signification immédiate dans l'expérience humaine en termes de perception, cognition et d'ésthétisme.
(1) cité par Francisco Varela dans Monte Grande 2014 Monte Grande : "What is life", Dir. Franz Reichle (2004).
(2) L'inscription corporelle de l'esprit. Science cognitive et expérience humaine est publiée en 1993 aux éditions du Seuil, "La couleur des idées". Il s'agit d'une traduction de The embodied mind. Cognitive Science and Human experience, The MIT Press, Cambridge, Massachusetts, publié en 1991. Une seconde édition révisée est publiée en 2016. Varela F. J., Thompson E. & Rosch E. (2016), The Embodied Mind Cognitive Science and Human Experience. Revised Edition, The MIT Press, Cambridge, Massachusetts.
(3) Pour une discussion détaillée du concept d'énaction, et plus généralement de la pensée varelienne, on se référera au numéro spécial de la revue Constructivist Foundations, Volume 13 (1), "Missing the woods for the trees : neglected aspects of Francisco Varela's work".

Après avoir réalisé son travail doctoral sous la direction de Franciso Varela à l'Institut des Neurosciences (Université Pierre et Marie Curie), Valérie Bonnardel a poursuivi des recherches au laboratoire de Psychologie Expérimentale à l'université de Cambridge (Royaume-Uni). Son travail de recherche concernait les aspects psychophysiques de la vision colorée chez l'homme. À l'exception d'une année passée en Inde pour mener une étude sur les aspects cognitifs et culturels de la couleur, l'ensemble de sa carrière d'enseignante s'est effectuée au Royaume-Uni. Depuis ces dernières années, elle enseigne dans le département de Psychologie à l'université de Winchester où il lui a été possible de développer un cours destiné aux étudiants de troisième année, intitulé "Embodied Cognition and Contemplative Practice Studies".
https://www.researchgate.net/profile/Valerie-Bonnardel

Amy COHEN-VARELA : Francisco Varela et la conversation transformatrice
L'Institut Mind and Life et son organisation sœur, Mind and Life Europe, sont le fruit du dialogue entre le neuroscientifique Francisco Varela et Tenzin Gyatso, le quatorzième Dalaï-lama. Les dialogues organisés par Mind and Life — plus de 40 depuis 1987 — sont orientés sur l'axe entre la pensée scientifique occidentale et la philosophie et la psychologie bouddhistes. Cette conférence examine les motivations de Francisco Varela pour fonder Mind and Life ; celles-ci coïncident avec une des idées fondamentales de sa pensée : celle de faire dialoguer plusieurs domaines — la science occidentale, la phénoménologie et le bouddhisme — afin d'élargir le champ d'une compréhension plus ample de l'esprit et de la conscience. Mais pour réussir cet élargissement, il faut un type de dialogue très spécifique en relation avec l'approche énactive de la cognition et du sens.

Amy Cohen Varela, impliquée dans Mind & Life depuis sa création, est présidente du conseil d'administration de Mind & Life Europe. Également psychologue clinicienne, Amy a étudié la littérature comparée dans les universités Brown et Columbia aux États-Unis avant de s'installer à Paris au début des années 1980, où elle a obtenu un DESS de psychologie clinique à l'université de Paris 7 avec une spécialité en théorie et pratique psychodynamiques. Elle a en parallèle suivi une formation à la psychanalyse.

Michèle DUZERT
Michèle Duzert a été au cours de sa carrière, professeure invitée à l'École Supérieure de Commerce de Rennes (France) et professeure au Centre National d'Enseignement à Distance (France). Elle a axé ses développements pédagogiques autour de la dynamique créative de l'expérience vécue. Initiant ses étudiants, au travers de "salons collaboratifs", à l'Art de Connaître pour développer chez eux une autonomie issue d'une confrontation à l'inconnu, à l'autre, à soi-même, et leur permettre de devenir des "managers pionniers". Réalisatrice, productrice et auteure d'un film sélectionné en 1993 au Festival International du Film Scientifique de Palaiseau et du Film de la Communication du Management de Biarritz "Le cercle créatif dans l'entreprise", elle s'est inspirée de ses multiples rencontres et collaborations avec Francisco Varela, pour publier en 2016 un livre sur l'autonomie intitulé "Vivre ensemble son autonomie" aux éditions L'Harmattan. Cheminant inlassablement sur le chemin de l'apprenance, Michèle Duzert travaille aujourd'hui à la rédaction de nouveaux écrits.

Tom FROESE : Enaction as an irruption of consciousness
The human lifeworld is built upon the supposition that our subjective experience, as such, enables us to guide our actions. This existential starting point appears to be in tension with experimental science, which does not discover anything but material processes inside our embodiment. The tension can be dissolved by accepting that measurements cannot provide a complete description of human nature : they can only ever measure another conscious subject in terms of their material body. Recognizing this fundamental methodological limitation opens the possibility of operationalizing subjectivity indirectly in terms of this incompleteness of embodiment and the associated uncertainty of its measurement. In particular, the concept of "irruption" is introduced to refer to how subjective involvement in bodily processes corresponds to an increase in their indeterminacy, as measured by entropy. The concept of irruption thereby provides a fresh perspective on Varela’s (1991) intriguing notion of a "hinge" : "the hinge that articulates enaction consists of fast non-cognitive dynamics wherein a number of alternative microworlds are activated. These hinges are the sources of both common sense and creativity in cognition". It is proposed that, on this basis, we can envision a reboot of neuro-phenomenology.

Dr. Tom Froese, Embodied Cognitive Science Unit ; Okinawa Institute of Science and Technology Graduate University ; 1919-1 Tancha, Onna-son, Okinawa 904-0495, Japan.
Publications
Froese Tom, and Shigeru Taguchi, 2019, "The Problem of Meaning in AI and Robotics: Still with Us after All These Years", Philosophies 4, n°2, 14 [https://doi.org/10.3390/philosophies4020014].
Froese Tom, 2018, "Book Review : Ecology of the Brain : The Phenomenology and Biology of the Embodied Mind", Front. Psychol, n°9, 2174 [https://doi.org/10.3389/fpsyg.2018.02174].

Shaun GALLAGHER : Reenacting ethics : Joining Varela's adventure
In his book Ethical Know-How : Action, Wisdom and Cognition, Varela addresses two problems : (1) how to explain habits as a form of negotiating an embodied, everyday living in the world ; and (2) how to understand ethical know-how (or ethical expertise) without relying on the concept of self. He describes this as an adventure : "Ethics is a new terrain for me, and what I have to say here must be taken in the sphere of adventure more than anything else". In contrast to overly rationalistic/cognitivist accounts that focus on judgment, he seeks an embodied/enactivist account — closer to the immediacy of everyday action and immediate, intuitive coping. In this adventure, he is influenced by phenomenology, pragmatism, Charles Taylor, Hubert Dreyfus, and the Confucian thinker Mencius. In his attempt to work out a concept of mindful expertise, Varela's analysis is framed very much in terms set by Dreyfus in his analysis of skilled coping and expertise. The worry is to defeat an overly cognitivist account with a richly embodied (sensory-motor) one. Surprisingly, neither Dreyfus nor Varela consider the role of affect or emotion. Varela mentions it in passing only twice. If cognitivist ethics is one extreme to avoid, I suggest that emotivist ethics is another, but that one shouldn't avoid it by simply ignoring the issue ; one has to address the question of affect in this context. What role does affect play in an enactive account of the responses of a moral agent ? I argue that we can find clues in some of Varela's other work that will help us develop a concept of affective attunement that defines ethical know-how.

Shaun Gallagher est Moss Professor of Excellence in Philosophy, University of Memphis (USA), et Professorial Fellow at the University of Wollongong (AU). Son travail se situe à l'intersection de la tradition phénoménologie et des sciences cognitives.
Publications
How the Body Shapes the Mind, Oxford, 2005.
Enactivist Interventions, Oxford, 2017.
Action and Interaction, 2020.

Olivier GAPENNE : Que peut l'énaction pour la raison ?
La raison et ses déclinaisons opératoires que sont notamment le raisonnement, l'analyse, l'intuition, la résolution de problème ont été massivement appréhendés depuis une épistémologie formaliste et computationnelle. À l'exception de rares travaux comme ceux de Claire Petitmengin sur l'intuition, l'approche énactive de ces activités cognitives reste encore largement à construire en particulier sur le volet empirique, concret. Cette intervention tentera de donner des pistes pour avancer dans ce projet.

Olivier Gapenne a obtenu un doctorat en psychologie cognitive en 1994. Depuis 1997, il est enseignant-chercheur (professeur des universités depuis 2010) en sciences cognitives à l'université de technologie de Compiègne (UTC). Il a dirigé le groupe Cognitive Research and Enaction Design pendant 7 ans jusqu'en 2012 au sein du laboratoire Costech. Le thème central de sa recherche était l'étude expérimentale et la modélisation de l'activité perceptive émergente via l'usage des technologies dites de substitution sensorielle. De 2006 à 2009, il a co-organisé avec John Stewart une université d'été CNRS sur le thème "constructivisme et énaction: un nouveau paradigme pour les sciences cognitives" qui a donné lieu à la publication de l'ouvrage Enaction aux MIT Press en 2010. Il a été directeur de l'école doctorale de l'UTC entre 2012 et 2017 puis directeur adjoint de l'université jusqu'en décembre 2020. Depuis 2019, il dirige une nouvelle équipe dédiée à la conception des futurs environnements d'analyse et de production du renseignement (intelligence design).

Urban KORDEŠ : Horizons of Becoming Aware
In their seminal work On Becoming Aware, Depraz, Varela, and Vermersch pave the way for empirical phenomenology, that is, the intersubjective and data-based study of subjective experience. The authors identify and describe the gesture of becoming aware as a concrete experiential process ; they outline the principle phases of the gesture and list concrete examples. This presentation will attempt to further analyse the characteristics of the gesture. It will be argued that — despite the common temporal structure — there is a plethora of ways in which one can turn toward one’s experience and that the specific characteristics of this gesture intrinsically determine the resulting impression. Thus, instead of experience-in-itself (i.e., experience as an independent object of observation), it is only possible to access experience as manifested through a specific horizon of reflection. It is argued that the horizon of reflection co-determines experiential phenomena that end up being observed and reported ; at the same time, it itself forms an element of experience and is therefore amenable to phenomenological investigation.

Charles LENAY : Énaction et interaction : la question du possible
Les difficultés à l'origine de la fracture apparue entre les approches varéliennes de l'énaction qui se développent actuellement autour de l'idée de sense-making et les approches de l'école de Maturana qui maintiennent une rigoureuse clôture organisationnelle de l'autopoïèse, peuvent se comprendre à partir de la question d'une naturalisation de l'expérience du possible. Je proposerai une piste pour résoudre cette question à partir d'une approche interactionniste prenant au sérieux l'altérité de la rencontre entre différentes clôtures organisationnelles. À l'appui de ces idées, je présenterai une étude expérimentale minimaliste des conditions de la constitution de l'expérience d'une séparation dans un champ de possibles.

Charles Lenay est professeur de sciences cognitives et philosophie, COSTECH (Connaissance, Organisation et systèmes Techniques) à l'université de technologie de Compiègne. Il consacre l'essentiel de ses recherches aux interactions entre organismes vivants et à la constitutivité biologique et technique de l'expérience humaine.

Pierre LIVET : Varela, son influence et son évolution…
Varela a associé ses innovations conceptuelles (et scientifiques) à des créations de termes utilisant des préfixes comme "auto-" ou "en-" (auto-organisation, autonomie, en-action, em-bodiement). Alors qu'"auto-" pourrait sembler lié à une clôture, "en-" est lié à une nécessaire prise en compte d'un milieu qui peut être accueillant, voire à l'effacement de la clôture du soi (voie du milieu). Que reste-t-il de cette trinité dans les reprises de l'en-action par l'extended mind ? Il semble qu'un tel couple soit nécessaire pour nous penser comme des êtres sociaux. Mais on rencontre alors non pas une clôture de ces interactions sociales, mais bien une limite, celle de nos capacités à en gérer la complexité — qui combine le préfixe "cum-", ce "avec quoi" nous vivons, et ce qui nous déborde.

Pierre Livet est Professeur émérite à l'université d'Aix-Marseille.
Publications
Processus sociaux et types d'interactions, avec B. Conein, Hermann Éditeurs, 2020.
"Emotions, Beliefs and Revision", in Emotion Review 8 (3), p. 240-249, 2016.
Les êtres sociaux, avec F. Nef, Hermann Éditeurs, 2009.
Émotions et rationalité morale, PUF, 2002.
La communauté virtuelle, Éditions de l'Éclat, 1994.
"La fascination de l'auto-organisation", L'auto-organisation. De la physique au politique, Paul Dumouchel, Jean-Pierre Dupuy (dir.), Colloque de Cerisy, Seuil, 1983.

Célio PAILLARD : L'émergence entre : l'accumulation comme stratégie de création
Basée sur ma démarche artistique, cette communication exposera une manière particulière de recourir à l'émergence pour produire des œuvres originales, à travers des stratégies d'accumulation. On verra d'abord comment la création par accumulation produit un monde plutôt qu'une histoire unique et est ainsi un moyen d'ouvrir le champ interprétatif. Cela questionnera à la fois le statut d'œuvre et celui de l'auteur : comment faire autorité lorsqu'on met en place des processus d'autopoïèse ? Il sera aussi beaucoup question de processus de perception, à la fois comme problématique de recherche plastique et comme mode d'accès à l'œuvre.

Célio Paillard est artiste, chercheur. ATER, il enseigne à l'université Aix-Marseille et fait partie du laboratoire LESA. Auteur en 2010 d'une thèse sur l'apparition de l'art numérique en France, il poursuit ses recherches sur ce sujet ainsi que sur les arts sonores et émergents. Son travail plastique multiforme met en œuvre texte et son dans des créations vidéo, sonores, des objets, installations et dispositifs narratifs et génératifs.
Sélection de publications
"Faire émerger l'œuvre", article publié dans Action/énaction : l'émergence de l'œuvre d'art, sous la direction de Xavier Lambert, Paris, L'Harmattan, 2017.
""L'art numérique" : théories manifestes et pratiques singulières", Revue Études Littéraires (Canada), Volume 44, numéro 3, automne 2014, p. 123-138.
"Imaginaires des arts numériques et imaginaires des œuvres", publié dans Poétique(s) du numérique 2, Éditions l'Entretemps, Lavérune (34), 2013.

Jean PETITOT : Que signifie naturaliser la phénoménologie ?
Au cours des années 1990, j'ai co-organisé avec Francisco Varela, Jean-Michel Roy et Bernard Pachoud un séminaire au long cours sur la naturalisation de la phénoménologie. Ces travaux ont débouché sur la publication en 1999 de l'ouvrage Naturalizing Phenomenology : Issues in contemporary phenomenology and cognitive science (Stanford University Press). Plusieurs façons de concevoir les relations entre la phénoménologie husserlienne comme eidétique descriptive et les neurosciences cognitives y sont développées. Je me propose de revenir sur ces réflexions.

Né en 1944 à Paris, directeur d'études retraité à l'EHESS, Jean Petitot est un spécialiste des modèles mathématiques en sciences cognitives. Il a appliqué les théories des singularités et des bifurcations constitutives des modèles morphodynamiques de René Thom à divers aspects du structuralisme, à la phénoménologie de la perception et aux neurosciences cognitives. Ces recherches l'ont conduit à un programme de naturalisation de la phénoménologie husserlienne. Il est également un philosophe des sciences et a été dans ce domaine l'un des réintroducteurs de la philosophie transcendantale en mathématiques et en physique modernes.
Publications
Petitot J., 1999 (ed. with F. Varela, J.-M. Roy & B. Pachoud), Naturalizing Phenomenology : Issues in Contemporary Phenomenology and Cognitive Science, Stanford, Stanford University Press.
Petitot J., 2002, "Eidétique morphologique de la perception", Naturaliser la phénoménologie, J. Petitot, F. Varela, J.-M. Roy, B. Pachoud (eds), CNRS Éditions, Paris, 427-484 [en ligne].
Petitot J., 2004, "Géométrie et Vision dans Ding und Raum de Husserl", Des lois de la pensée aux constructivismes, M.-J. Durand-Richard (ed.), Intellectica, 2004/2, 39, 139-167 [en ligne].
Petitot J., 2010, ""Le hiatus entre le logique et le morphologique". Prédication et perception", Semiosis and Catastrophes. René Thom's Semiotic Heritage, W. Wildgen, P.A. Brandt (eds), Peter Lang, Bern, 141-166 [en ligne].
Petitot J., 2014, "Landmarks for neurogeometry", Neuromathematics of Vision, G. Citti, A. Sarti (eds), Springer, Berlin, Heidelberg, 1-85 [en ligne].
Petitot J., 2017, Elements of Neurogeometry. Functional Architectures of Vision, Lecture Notes in Morphogenesis, Springer.
Colloques de Cerisy
(dir.) 1982, Logos et théorie des catastrophes (à partir du travail de René Thom).
(dir.) 1988, Rationalité et objectivités.
(dir.) 1990, Avec Fernando Gil et Heinz Wismann, 1790-1990 - Le destin de la philosophie transcendantale.
(dir.) 1996, Avec Paolo Fabbri, Umberto Eco : au nom du sens.
"Auto-organisation, criticité et temporalité", in Jean-Pierre Dupuy. Dans l'œil du cyclone, Carnets Nord, 2008..

John PROTEVI : Questions politiques dans la pensée de Francisco Varela
Dans cette présentation, je diviserai l'œuvre de Varela en trois périodes — l'autopoïèse, l'énaction, et l'incarnation radicale — dont chacune est marquée par un concept d'émergence et par une question politique. Varela refuse l'utilisation de l'autopoïèse comme modèle de l'émergence synchronique des systèmes sociaux parce que les systèmes deviennent obsédés par les frontières physiques, conduisant à une guerre civile, comme dans le cas de Chile en 1973. Concernant l'énaction, il s'agit de l'émergence diachronique, la production de nouvelles structures fonctionnelles de la cognition incarnée. La question politique est la distribution de l'entrainement pour l'acquisition de compétences. Ici, je commenterai les concepts évolutionnaires de la plasticité et de la construction de niches. Concernant l'incarnation radicale, il s'agit de l'émergence "transversale" d'une rencontre comme intégration momentanée des systèmes distribués de cerveau-corps-environnement. Une rencontre concrète se produit dans un contexte social à court terme entre des sujets corporels formés à long terme par des processus sociaux et développementaux. Avec le tournant vers l'affect, nous aborderons les questions politiques de la perception sociale concrète (ce qui a été nommé récemment "phénoménologie critique" : Beauvoir, Fanon et d'autres penseurs).

John Protevi est professeur au département d'études françaises à Louisiana State University à Baton Rouge. Il est diplômé de Loyola University of Chicago (1990), avec une thèse sous la direction de John Sallis.
Dernières publications
Political Affect, Minnesota, 2009.
Edges of the State, Minnesota, 2019.


BIBLIOGRAPHIE :

• F. Varela, Principles of Biological Autonomy, Elsevier/North-Holland, New York, 1979, 306 pp (en français : Autonomie et Connaissance : Essai sur le Vivant, Seuil, Paris, 1988).
• H. Maturana and F. Varela, Autopoiesis and Cognition : The realization of the living, Boston, 1980, 141 pp.
• F. Varela, "L'auto-organisation : de l'apparence au mécanisme", in L'auto-organisation. De la physique au politique, Colloque de Cerisy, Éditions du Seuil, 1983.
• H. Maturana and F. Varela, The Tree of Knowledge : A new look at the biological roots of human understanding, Shambhala/New Science Library, Boston, 1987 (en français : L'Arbre de la Connaissance, Addison-Wesley France, Paris, 1994).
• F. Varela, Connaître Les Sciences Cognitives, tendances et perspectives, Éditions du Seuil, Paris, 1988.
• F. Varela, E. Thompson and E. Rosch, The Embodied Mind : Cognitive science and human experience, MIT Press, Cambridge, 1991 (en français : L'Inscription Corporelle de l'Esprit, Seuil, Paris, 1993).
• F. Varela, Un Know-how per l'ettica, The Italian Lectures 3, Editrice La Terza, Roma, 1992 (en français : Quel savoir pour l'éthique ? Action, sagesse et cognition, Éditions La Découverte, Paris, 1996).
• F. Varela and J.-P. Dupuy (Eds.), Understanding Origin : Scientific Ideas on the Origin of Life, Mind, and Society (A Stanford University Interational Symposium), Boston Studies Phil. Sci., Kluwer Assoc., Dordrecht, 1992.
• J. Hayward and F. Varela (Eds.), Gentle Bridges : Dialogues between the Cognitive Sciences and the Buddhist Tradition, Shambhala Publishers, 1992 (en français : Passerelles : Entretiens avec des scientifiques sur la nature de l'esprit, Albin Michel, 1995).
• M. R. Anspach & F. Varela, "Le système immunitaire : un "soi" cognitif autonome", in Introduction aux sciences cognitives, Colloque de Cerisy, Éditions Gallimard, Coll. "Folio Essais", 1992 (réédition en 1995 et 2004).
• F. Varela, Invitation aux Sciences Cognitives, Éditions du Seuil, "Points Sciences", 1996.
• F. Varela (Ed.), Sleeping, Dreaming and Dying : Dialogues between the Sciences and the Buddhist Tradition, Wisdom Book, Boston, 1997 (en français : Dormir, Rêver, Mourir, NIL Éditions, Paris, 1998).
• F. Varela and J. Shear (Eds.), The View from Within : First-Person Methodologies in the Study of Consciousness, Special Issue, Journal of Consciousness Studies, 6(2-3), 1999 (also available as book : Imprint Academic, London, 1999).
• J. Petitot, F. Varela, B. Pachoud and J.-M. Roy (Eds.), Naturalizing Phenomenology : Contemporary Issues in Phenomenology and Cognitive Science, Stanford University Press, Stanford, 1999.
• J. Hayward and F. Varela (Eds.), Gentle Bridges : Conversations with the Dalai Lama on the Sciences of Mind, Shambhala Publishers, 2001.
• N. Depraz, F. Varela and P. Vermersch, On Becoming Aware : Steps to a Phenomenological Pragmatics, Benjamin Publishing, Advances in Consciousness Research, New York, 2003.
• S. Brier and J. Bopry (Eds.), Francisco J. Varela 1946-2001, Special Issue, Cybernetics & Human Knowing, 2004 (also available as book : Imprint Academic, London, 2004).
• C. Petitmengin (Eds.), Ten Years of Viewing from Within : The Legacy of Francisco Varela, Special Issue, Journal of Consciousness Studies, 2009 (also available as book : Imprint Academic, London, 2009).
• F. Varela, Le cercle créateur - Écrits (1976-2001), Seuil, Paris, 2017.


SOUTIENS :

• Équipe de recherche interdisciplinaire sur les aires culturelles (ERIAC, EA 4705) | Université de Rouen Normandie
Archives Husserl (UMR 8547) | CNRS / ENS
• Laboratoire Perception Représentations Image Son Musique (PRISM, UMR 7061 | CNRS) / Institut Créativité et Innovations (InCIAM) / Mission interdisciplinarité(s) | Aix-Marseille Université
Mind & Life Europe