MANGER ENSEMBLE POUR REFAIRE LE MONDE ?
DU MERCREDI 31 AOÛT (19 H) AU MARDI 6 SEPTEMBRE (14 H) 2022
[ colloque de 6 jours ]
DIRECTION :
Patrick CARON, Bernard HUBERT, Bruno REBELLE, Victoria SACHSÉ
Colloque organisé à l'initiative du Cercle des partenaires
ARGUMENT :
Dans le contexte actuel de réchauffement climatique et de crises multiples et structurelles, les systèmes agricoles et alimentaires (production, transformation, distribution, consommation) font partie de ces activités humaines qui sont, à la fois, responsables des changements climatiques et de l'érosion de la biodiversité, et fortement déstabilisées par la perturbation des conditions écologiques, économiques, sociales et politiques. La transformation de ces systèmes nécessaire pour faire de l'alimentation de qualité un bien commun, accessible à toutes et tous, répondant aux impératifs écologiques et sociaux (biodiversité, sols et ressources en eau, juste partage de la valeur, préservation des emplois agricoles, etc.) n'est pas sans susciter de nombreuses tensions.
L'hypothèse de ce colloque est la suivante : en dépassant l'opposition aujourd'hui frontale entre "alternatifs marginaux" et "dominants conservateurs", il deviendra possible d'aborder, puis de dépasser ces tensions. En effet, quand les perceptions et les opinions des acteurs changent — y compris leurs opposants, ennemis ou adversaires à convaincre —, leurs pratiques peuvent se transformer et, par cascades successives, faire évoluer les postures institutionnelles, les politiques et les normes…
Partant de ces constats, le colloque analysera les tensions qui traversent les systèmes agricoles et alimentaires ainsi que les voies et moyens permettant de les dépasser. L'hypothèse centrale est que la restauration de relations constructives et apaisées entre la production et la consommation, et la compréhension fine des composantes des environnements alimentaires qui influencent les comportements des mangeurs, constituent des leviers essentiels de la promotion d'une alimentation résultant de la transition écologique et sociale de ces systèmes. Ainsi, acteurs et chercheurs de visions différentes, intervenant dans divers secteurs ou échelles, construiront ensemble un diagnostic complet des situations, puis proposeront aux opérateurs, à la recherche et aux pouvoirs publics, des pistes retissant des relations au service d'une alimentation vraiment durable.
MOTS-CLÉS :
Débats et controverses, Local/global, Systèmes agricoles et alimentaires, Transition écologique
CALENDRIER DÉFINITIF :
Mercredi 31 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants
Jeudi 1er septembre
Matin
Patrick CARON, Bernard HUBERT, Bruno REBELLE & Victoria SACHSÉ : Ouverture du colloque
I. ALIMENTATION DURABLE AU XXIe SIÈCLE : DE QUOI PARLE-T-ON ?
1. Un enjeu global
Andy SMITH (Sciences Po, Bordeaux) : L'offre alimentaire française et sa construction de "la demande" depuis 1945
Patrick CARON (Cirad, Univ. Montpellier) : Pourquoi parler d'alimentation durable ?
Bernard HUBERT (INRAe, EHESS) : Paysans, jardiniers, mangeurs : 15 années de colloques de Cerisy témoins d'une transformation radicale de nos rapports à l'agriculture et à l'alimentation
Après-midi
2. Ce que manger veut dire aujourd'hui ?
Guénaelle GAULT (ObSoCo) : Présentation des résultats de l'enquête menée par l'IFOP et l'ObSoCo
"Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es ?" — Atelier en deux parties :
- Assiette individualisée sur table commune : pratiques et régimes alimentaires entre diversification et exclusion ?, animé par Gilles LUNEAU (Globosphère)
- La cuisine et la table peuvent-elles encore rassembler ?, animé par Christophe LAVELLE (Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris)
Que nous disent ces échanges sur les principales évolutions des enjeux et des pratiques alimentaires ?
Consommateurs et mangeurs : les individus sont-ils souverains face aux choix alimentaires ? Intérêt du concept d'environnement alimentaire, table ronde avec Nicolas BRICAS (Cirad) et Claude FISCHLER (CNRS)
Vernissage de l'exposition "Je mange donc je suis en NORMANDIE", présentée par Jacques BRULHET (APPAT), avec Christophe LAVELLE (Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris)
Vendredi 2 septembre
Matin
2. Ce que manger veut dire aujourd'hui ? (suite)
Alimentation, santé et bien-être : diversité des besoins et solutions multiples, table ronde animée par Bernard HUBERT (INRAe, EHESS), avec Marie-Josèphe AMIOT-CARLIN (INRAe) [visioconférence], Adeline LESCANNE (Nutriset) et Yves MARTIN-PRÉVEL (IRD)
3. L'accès à l'alimentation : un sujet politique
Mathilde DOUILLET (Fondation Carasso) : Introduction générale de la problématique. L'accès à l'alimentation est un sujet politique qui mobilise des concepts encore à consolider : le droit à l'alimentation, la démocratie alimentaire, la justice alimentaire
Pauline SCHERER (LERIS) : Démocratie alimentaire et nouvelles solidarités [visioconférence]
Magali RAMEL (Univ. Tours)
Mathieu DALMAIS (Ingénieur Sans Frontière) : Présentation émergence de la SSA, difficultés, enjeux…
Après-midi
Valeria SINISCALCHI (EHESS) : Mobilisations et "alternatives" économiques : la nourriture comme objet politique [visioconférence]
3. L'accès à l'alimentation : un sujet politique (suite)
Temps de dialogue pour confronter les concepts et les pratiques et rechercher les convergences entre ces différentes approches, animé par Patrick CARON (Cirad, Univ. Montpellier), avec Malek BATAL (Univ. Montréal), Magali RAMEL (Univ. Tours) et Laurent TERRASSON (Dir. de la publication de l'Autre Cuisine)
Soirée
Enquête sur le mouvement vegan et le développement de la viande cellulaire, avec Gilles LUNEAU (Auteur de Steak barbare, L'aube, 2020)
Samedi 3 septembre
Matin
II. SYSTÈMES AGRICOLES ET ALIMENTAIRES FACE À LA TRANSITION : ENTRE RÉSISTANCE ET ADAPTATION ?
Ces lignes de fractures qui ralentissent les transitions. Premiers apports de la recherche action portée par Transitions, par Victoria SACHSÉ et Bruno REBELLE
Après-midi
"HORS LES MURS" — VISITES DE TERRAIN [présentation]
Ferme-Auberge de la Barberie (Le Mesnil Rouxelin), accueil par Philippe et Joey ENÉE
Biopousse (Lingreville), accueil par Xavier JACQUET (Président)
IPE Environnement / GIP restauration collective du centre Manche / Banque alimentaire de la Manche (Gourfaleur), accueil par Roland LEBOULANGER (Pdt IPEE) et Jean-Claude LOUVET (Administrateur de la Banque alimentaire de la Manche
Soirée
Que nous apprennent ces rencontres de terrain ?
Échanges avec les personnes rencontrées dans la journée
Dimanche 4 septembre
II. SYSTÈMES AGRICOLES ET ALIMENTAIRES FACE À LA TRANSITION : ENTRE RÉSISTANCE ET ADAPTATION ?
Matin
Des mondes en mouvement. Mutations des systèmes alimentaires : une accélération prometteuse ?
Yuna CHIFFOLEAU (INRAe) : Dynamiques autour des circuits courts alimentaires et transformations sociales [visioconférence]
Pierre GUILLEMIN (INRAe) : Dimension socio-territoriale des transitions agri-alimentaires : effets de contexte et déterminations multiples
Nicolas GAUSSERÈS (Danone) : Enjeux et dynamiques au sein d'une entreprise agroalimentaire : comment accélérer la transformation ?
Philippe LEROUX (Fondation AVRIL)
Après-midi
"Labels, signes de qualité, fake-news : les consommateurs sont-ils vraiment bien informés ?" — Ateliers en parallèle :
- Marque de qualité et Certifications : quelle efficacité pour orienter les pratiques de consommation ?, animé par Michel REYNAUD (ECOCERT), avec Claire CERDAN (Cirad)
- Notations citoyennes, fake-news : quelle crédibilité de l'information à l'heure des réseaux sociaux ?, animé par Hervé GOMICHON (Ex-directeur Qualité du Groupe Carrefour), avec Christophe BENAVENT, Daniel NAIRAUD et Philippe SCHMIT [visioconférence]
D'où viendra le changement ?, atelier-débat s'appuyant sur la cartographie des fractures et des convergences à partir de l'exemple de la filière viande bovine [organisé en 3 séquences]
- Séquence 1. Le changement viendra des productrices-producteurs. Hypothèse portée par Bruno DUFAYET (Éleveur et Président de la Fédération Nationale Bovine) [visioconférence]
- Séquence 2. Le changement viendra des consommatrices et des consommateurs. Hypothèse portée par Philippe COLLIN (Agronomes & Vétérinaires Sans Frontières)
- Séquence 3. Le changement viendra des acteurs de la transformation et de la distribution. Hypothèse portée par Hervé GOMICHON (Ex-directeur Qualité du Groupe Carrefour)
Leçons de ces débats — Regard synthétique proposé aux participants par l'intermédiaire d'un jeux, par Gilles MARÉCHAL (Terralim)
Lundi 5 septembre
Matin
Quels enseignements pour l'action ? — Restitution des travaux des ateliers en parallèle de la veille
III. QUELLE GESTION DES TENSIONS ET/OU QUELS DÉPASSEMENTS POSSIBLES POUR IMPULSER LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE DES SYSTÈMES ALIMENTAIRES ET AGRICOLES ?
Pierre GASSELIN (INRAe) : Vers une diversité gouvernée des modèles agricoles et alimentaires [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Pierre-Marie AUBERT (IDDRI) : Dépasser les tensions pour contribuer à l'élaboration de politiques publiques favorables à la transition ?
Vincent JANNOT (Terre de Liens, Pôle InPACT) : Partage des Terres et Renouvellement des générations, 1,5 million de paysan(e)s, un enjeu pour demain ?
Après-midi
Dépasser les tensions en passant par le territoire, table ronde avec Hervé DEFALVARD (Univ. G. Eiffel) [Revenir aux communs (et aux territoires)] et Serge BONNEFOY (Animateur réseau PAT) [Les Projets Alimentaires Territoriaux, regard critique sur une territorialisation sous influences]
Le territoire peut-il être le terreau d'une alimentation durable ?, débat animé par Bruno REBELLE, avec Bernard PECQUEUR (Univ. Grenoble Alpes) [Écosystèmes alimentaires urbains et dynamiques territoriales], Gaël LOUESDON (Terre de Liens Normandie), Gilles MARÉCHAL (Terralim) [Les marginaux-sécants cultivent-ils l'alimentation de demain ?], Jean-Daniel RALAMBONDRAINY (Métropole Aix-Marseille-Provence) et Lilian VARGAS (Grenoble Alpes Métropole)
Mardi 6 septembre
IV. ENSEIGNEMENTS ET RECOMMANDATIONS: L'ALIMENTATION, UN BIEN COMMUN ? / PERSPECTIVES
Matin
Démonstration de la From'mobile du Lycée Saint-Lô Thère sur la terrasse Nord du château : la séquence, qui dure 4 heures, consiste dans la fabrication d'un fromage au lait de vache de type "tomme", par Stéphanie JOUET & Jade LAMY
Synthèse du colloque, par Patrick CARON
Patrick CARON, Bernard HUBERT, Bruno REBELLE & Victoria SACHSÉ : Restitution du colloque : points forts, points faibles, suites et perspectives…
Leçons tirées par les co-directeurs du colloque : pistes possibles pour accélérer les mutations vers une alimentation vraiment durable. Que peut-on attendre de la recherche, des politiques publiques, de la société civile et des mouvements sociaux ?
Après-midi
DÉPARTS
RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :
Bernard HUBERT : Paysans, jardiniers, mangeurs : 15 années de colloques de Cerisy témoins d'une transformation radicale de nos rapports à l'agriculture et à l'alimentation
Depuis le colloque De l'étude des sociétés rurales à la gestion du vivant. 50 ans de savoirs confrontés (2007), à l'initiative de chercheurs visant à tirer un premier bilan réflexif des transformations du monde rural des cinquante années précédentes, jusqu'à celui-ci (Manger ensemble pour refaire le monde ?) privilégiant une entrée par l'alimentation, cette fois à la demande du Cercle des partenaires de Cerisy, on peut compter pas moins de 7 autres colloques traitant, en partie au moins, du rapport de nos sociétés à la production de biens alimentaires et aux pratiques qui la soutiennent. Sur ces quinze années, cette question a été ainsi abordée soit directement, comme par les colloques Agricultures et alimentations dans un monde globalisé (2011) et Sciences, techniques et agricultures (2019), soit plus indirectement avec les deux colloques "Jardins" (2012 et 2016), le colloque pour les 20 ans de la revue Natures Sciences Sociétés (2013), le colloque Villes et territoires résilients (2017) ou Brassages planétaires (2018). C'est dire si ces questions ont habité la programmation de Cerisy ces dernières années, reflets des préoccupations sociétales contemporaines. Ma présentation tentera d'analyser l'évolution de la manière dont ces questions ont été abordées à l'occasion de cette succession de colloques ainsi que de celle dont elles sont posées et traitées dans le grand monde, comment les entrées de ces colloques sont ainsi passées progressivement des interrogations sur la production à la question alimentaire, puis à la consommation depuis les regards des mangeurs…
Victoria SACHSÉ
Victoria Sachsé, docteure en Géographie, travaille à la frontière entre géographie sociale et sociologie politique. Elle a réalisé sa thèse sur les jardins partagés à Rome et à Strasbourg comme lieux d'appropriation de l'espace public, de participation citoyenne, d'expérimentations de nouveaux communs. L'interaction entre la ville et la "nature" est également interrogée dans ses travaux. Dans ses expériences ultérieures, ses réflexions s'élargissent aux systèmes alimentaires de manière plus globale afin d'observer les transformations à l'œuvre à différentes échelles ainsi que la contribution des différents acteur(rice)s (agriculteur(rice)s, citoyen(ne)s, entreprises, collectivités…) à ces changements.
Choix de publications
Avec Jean-Daniel Boyer et Cathy Blanc-Reibel, "Quelle(s) crise(s) de l'approvisionnement au temps du Covid ? La situation d'un territoire particulièrement touché par l'épidémie : Strasbourg", Droit et Ville, vol. 1, n°91, 2021 [en ligne].
Avec Beatrice Del Monte, "Expérimenter le droit à la ville en jardinant : l'agriculture urbaine comme appropriation de l'espace public à Rome", dans L. Granchamp et S. Glatron (dir.), Militantismes et potagers, Presses universitaires du Septentrion, 2021, pp. 71-91.
"Planification informelle dans la ville de Rome : l'émergence des jardins partagés comme nouvelles formes de communs", Urbanités, Villes méditerranéennes : regards sur les espaces ouverts métropolitains, 2020 [en ligne].
Les jardins partagés, terreau de participation citoyenne : de l'appropriation de l'espace public à la construction de commun(s), regards croisés entre la France et l'Italie. Thèse de doctorat, géographie, Université de Strasbourg, 2020 [en ligne].
Serge BONNEFOY
Serge Bonnefoy, docteur en économie, a conduit sa carrière professionnelle entre ville, agriculture et alimentation que ce soit dans le cadre de l'association de développement de l'agriculture dans l'Y grenoblois (ADAYG), du réseau français de l'agriculture périurbaine Terres en villes ou du réseau national des projets alimentaires territoriaux (RnPAT). Devenu chercheur associé à l'université de Grenoble Alpes, il approfondit actuellement l'observation des PAT et l'analyse de la territorialisation des politiques agricoles et alimentaires.
Nicolas BRICAS
Par leurs choix alimentaires les consommateurs fournissent des signaux aux entreprises que celles-ci captent pour mieux "répondre à leur demande". Bien éduqués, sensibilisés et informés, les individus peuvent ainsi exprimer leurs souhaits pour orienter l'offre alimentaire selon des préoccupations environnementales, sanitaires, économiques, sociales, culturelles, politiques, etc. et être ainsi des moteurs du changement. Cette table ronde visera à discuter cette idée, en montrant les limites et les effets pervers de cette souveraineté des individus et présentera quelques cadres théoriques prenant en compte les rôles des environnements, paysages ou installations et ouvrant de nouvelles pistes pour une participation des mangeurs à la gouvernance de leur alimentation.
Nicolas Bricas est socio-économiste de l'alimentation, chercheur au Cirad au sein du "Montpellier Interdisciplinary center on Sustainable Agri-food systems" (UMR MoISA). Il est également titulaire de la Chaire Unesco Alimentations du Monde et membre du l'International Panel of Experts on Sustainable Food Systems (IPES-Food). Sur le sujet du colloque, il a publié fin 2021, un ouvrage de synthèse avec une vingtaine de chercheurs : Bricas N., Conaré D., Walser M. (Dir), Une écologie de l'alimentation, Quae, 312 p., dont le chapitre 18. "Le consomm'acteur, moteur du changement ?" porte sur le sujet de la table ronde. Il achève actuellement avec Olivier de Schutter un rapport du panel IPES Food sur la souveraineté des consommateurs dans la transformation des systèmes alimentaires.
Pierre GASSELIN : Vers une diversité gouvernée des modèles agricoles et alimentaires
Le tocsin a sonné. L'urgence écologique, énergétique, mais aussi sociale et alimentaire, impose de métamorphoser les formes d'agriculture et d'alimentation dont nous sommes les héritiers. La diversité des agricultures, qui façonne notre histoire depuis le Néolithique, est le fruit et le ferment d'une diversité alimentaire. Penser et engager cette transformation radicale suppose de remanier les rapports de forces et les alliances entre les acteurs des modèles agricoles et alimentaires. Ces modèles incarnent des archétypes de la diversité observée, des futurs désirés et de nouvelles normes. Renverser les compromis institutionnalisés suppose de comprendre les interactions dynamiques entre ces modèles et de dépasser les lectures duales. La coévolution d'une diversité favorisée et gouvernée des modèles agricoles et alimentaires contribuera à répondre aux nouveaux enjeux de la planète tout en consolidant la résilience de nos systèmes alimentaires.
Pierre Gasselin, géographe à INRAe, conduit ses recherches en France et en Amérique latine sur les transformations des activités des agriculteurs, souvent en partenariat avec des acteurs. Ses travaux interrogent les transformations du travail, les conditions de l'insertion territoriale, les recompositions de l'action collective et l'accompagnement dans des contextes de coexistence et confrontation de diverses formes d'agriculture.
Pierre GUILLEMIN : Dimension socio-territoriale des transitions agri-alimentaires : effets de contexte et déterminations multiples
La prise en compte des temporalités apparaît consubstantielle à l'analyse des transitions agri-alimentaires, mais qu'en est-il de la dimension spatiale de ces dynamiques ? Autrement dit, en quoi les effets de contexte socio-territoriaux peuvent constituer des freins ou des leviers à la transition. La présentation se positionnera d'abord à l'échelle de la France métropolitaine, par l'étude géostatistique d'une typologie d'exploitations agricoles en transitions (Bermond et al., 2019). Leur géographie suggère des déterminants socio-résidentiels multiples (croissance économique/démographique, morphologie sociale, taux de diplomation ou proximité urbaine), faisant défaut dans des territoires qui résistent à leur émergence. Des indicateurs dédiés aux flux des systèmes alimentaires urbains (Darrot et al., 2020) confortent ces déterminants d'une différenciation socio-spatiale, mais l'approche quantitative n'épuise pas la réalité des transitions agri-alimentaires. C'est pourquoi des études de cas (dont une le long du littoral du Centre-Manche - Guillemin, 2020) viendront éclairer ces déterminations multiples, qui tiennent aussi aux politiques territoriales et au dépassement des clivages agricoles historiques, facteurs garants de la pérennisation des transitions agri-alimentaires à l'échelle locale.
Pierre Guillemin est docteur en géographie et chercheur en agronomie des territoires à l'INRAe (unité ASTER, Mirecourt). En 2020, il a soutenu sa thèse dédiée au renouvellement des filières légumière et maraîchère en Normandie. Il s'intéresse à la coexistence territoriale des systèmes agri-alimentaires. Il a participé à la coordination de l'Atlas de la Manche. Des polders au pôle d'air, paru en 2018.
Publications
Guillemin P., 2020, Les mondes légumiers et maraîchers en Normandie : hétérogénéité sociale et renouvellement de filières agricoles et alimentaires, Thèse de doctorat, Université de Caen Normandie, 633 p. (https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03121125).
Darrot C., Pecqueur B., Marie M., Bodiguel L., Saleilles S., Buyck J., Margetic C., Delfosse C., Hochedez C., Guillemin P., Baysse-Laine A., Noël J. et Marechal G., 2020, Comprendre les systèmes alimentaires urbains : flux alimentaires, systèmes d'acteurs et formes urbaines, Livret de recherche FRUGAL, PSDR 4, 225 p. (https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02987347).
Bermond M., Guillemin P. et Marechal G., 2019, "Quelle géographie des transitions agricoles en France ? Une approche exploratoire à partir de l'agriculture biologique et des circuits courts dans le recensement agricole 2010", Cahiers Agricultures, vol. 28, 13 p. (https://doi.org/10.1051/cagri/2019013).
Vincent JANNOT : Partage des Terres et Renouvellement des générations, 1,5 million de paysan(e)s, un enjeu pour demain ?
Depuis 2010, le rythme de disparition des terres agricoles a ralenti mais c'est toujours l'équivalent d'un département moyen qui disparaît tous les 18 ans. Entre 2010 et 2020, 192 fermes ont disparu chaque semaine. On était à 152 sur la même période de 10 ans avec les estimations basées sur les données de la MSA. Il est pour l'instant difficile de donner une indication actualisée sur les surfaces qui vont se libérer dans les 10 ans (les fameux 7 millions d'ha), mais ces changements de mains vont pour 40% d'entre elles à l'agrandissement, 10% à l'artificialisation et seulement 50% à l'installation. La tendance lourde est à la concentration des terres en des unités de production de plus en plus grandes. Ces grandes unités mettent en place des systèmes de production spécialisés, simplifiés, standardisés, robotisés, automatisés, sur des surfaces de plus en plus vastes qui tiennent peu en compte le milieu. L'agroécologie paysanne, au contraire, cherche à ce que les systèmes de production s'adaptent au milieu écologique. Selon PARCEL, si nous relocalisons notre alimentation, en réduisant de moitié notre consommation carnée, cela induirait 420 000 nouveaux emplois agricoles.
Co-fondateur de Terre de Liens (1998-2003), via RELIER, Association d'éducation populaire (commission rurale de Peuple & Culture), Vincent Jannot travaille depuis 25 ans sur les questions d'accueil de personnes souhaitant créer leur activité agricole et rurale. Il a été accompagné et formé par François de Ravignan. 17 années d'expérience d'accueil et d'accompagnement dans l'arrière-pays héraultais et le sud aveyron. Actif au sein du réseau INPACT depuis 2016. Salarié sur les Programmes, Partenariats et le Plaidoyer au sein de Terre de Liens depuis 2012.
Gaël LOUESDON
Gaël Louesdon est l'initiateur et co-fondateur de Terre de Liens Normandie (depuis 2009) ; initiateur du Calculateur PARCEL.org permettant d'évaluer les impacts fonciers et environnementaux de notre alimentation.
Gilles MARÉCHAL
Gilles Maréchal est impliqué dans le développement des systèmes alimentaires territoriaux depuis plus de 30 ans. Il s'y est consacré à plusieurs titres : militant associatif, notamment auprès du Mouvement de Paysans Sans-terre du Brésil ; animateur d'un mouvement associatif, les CIVAM de Bretagne ; fonctionnaire territorial ; créateur d'un cabinet coopératif d'accompagnement pour la mise en œuvre de stratégies alimentaires territoriales ; chercheur associé à l'UMR ESO - Espaces et Sociétés du CNRS. Une diversité de regards sur un même objet, qui illustre l'approche qu'il développera lors du colloque : le rôle des marginaux sécants dans le développement des pratiques territoriales d'alimentation durable.
Publications récentes
Robert Spizzichino, Gilles Maréchal & Jean-Claude Devèze, "Une agriculture durable, une alimentation saine : un défi pour tous", Sesame : Sciences et sociétés, alimentation, mondes agricoles et environnement, Mission Agrobiosciences-Inra, 2021 ⟨hal-03331514⟩.
Yuna Chiffoleau, Catherine Darrot, Gilles Maréchal, Luc Bodiguel, Grégori Akermann, et al., Manger au temps du coronavirus. Enquête sur les systèmes alimentaires, Apogée Édition, 161 p., 2020, Chiffoleau Y, Darrot C., Marechal G. (dir.), 9-782843-986840 ⟨hal-03099263⟩.
Catherine Darrot, Luc Bodiguel, Yuna Chiffoleau, Grégori Akermann & Gilles Maréchal, "Les systèmes alimentaires de proximité à l'épreuve de la Covid-19 : retours d'expérience en France", Systèmes alimentaires / Food Systems, Classiques Garnier, 2020, pp. 89-110 ⟨hal-03097936⟩.
Gilles Maréchal, Julien Noel & Frederic Wallet, "Les projets alimentaires territoriaux (PAT), entre rupture, transition et immobilisme ?", Pour, revue du Groupe Ruralités, Éducation et Politiques, GREP, 2019, "Agriculture : des ruptures à la transition", pp. 261-270 ⟨hal-02139732⟩.
Gilles Maréchal, Thomas Bréger, Charlène Nicolay, Blaise Berger, Valentine Bossu, et al., "Produits bio et locaux à la cantine : du potentiel et des résistances", Des produits bio et locaux à la cantine, 2019 ⟨hal-02404345⟩.
Yves MARTIN-PRÉVEL
Épidémiologiste, titulaire d'un doctorat en Médecine (Montpellier) et d'un doctorat en Santé Publique (Paris 6), Yves Martin-Prével est directeur de recherche à l'IRD, au sein de l'UMR MoISA (Montpellier Interdisciplinary center on Sustainable Agrifood systems). Il travaille depuis 30 ans dans le champ de la nutrition publique et a passé de nombreuses années en Afrique. Ses principaux thèmes de recherche sont la nutrition de la mère et de l'enfant, les indicateurs de la diversité alimentaire, les relations entre systèmes alimentaires et situations nutritionnelles, l'évaluation d'interventions et les systèmes de surveillance nutritionnelle. Positionné depuis longtemps à l'interface de la science et des structures opérationnelles de développement, il est membre de nombreux comités d'experts internationaux et a été expert indépendant pour la rédaction du Rapport Mondial sur la Nutrition de 2014 à 2017. Il est également directeur du département Santé et Sociétés de l'IRD et conseiller de sa Présidente pour les systèmes alimentaires durables.
Bernard PECQUEUR
Bernard Pecqueur est économiste et aménageur. Il est actuellement retraité en position de professeur émérite de l'université Grenoble Alpes. Il est spécialiste de l'analyse des dynamiques territoriales. Il a été notamment responsable scientifique du programme interrégional FRUGAL ("Formes Urbaines et Gouvernance Alimentaires). FRUGAL est une Recherche-Action centrée sur l'analyse des enjeux systémiques liés à l'approvisionnement alimentaire de métropoles du Grand Ouest français et de Rhône-Alpes (2016-2020). C'est un des 33 projets du quatrième programme de recherche "Pour et Sur le Développement Régional" (PSDR4) porté par l'INRA et l'IRSTEA en collaboration avec des régions de France. la communication reprendra les conclusions du programme en faisant apparaitre dans ces systèmes alimentaires urbains, leur nature proprement territoriale entre nécessité de la productivité et exigences de la qualité et les caractéristiques de la gouvernance de ces systèmes.
Magali RAMEL
Magali Ramel est docteure en droit public à l'université de Tours. Elle a soutenu sa thèse en mars 2022 portant sur le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France.
Publications
Le droit à l'alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire en France, Thèse de doctorat en droit public sous la direction de Diane Roman, Université de Tours, 2022, 568 p. [en ligne].
"L'accès à l'alimentation durable : éviter une double peine pour les personnes en précarité alimentaire", Revue européenne du droit de la consommation, 2020/1, pp. 59-85.
Avec Dominique Paturel, "Éthique du care et démocratie alimentaire : enjeux du droit à une alimentation durable", Revue française d'éthique appliquée, n°4, 2017, pp. 49-60.
Avec H. Boissonnat Pelsy, C. Sibué-De Caigny et M.-F. Zimmer, Se nourrir lorsqu'on est pauvre – Analyse et ressenti de personnes en situation de précarité, Éd. Quart Monde, coll. "Dossier et Documents de la revue Quart Monde", n°25, 2016, 188 p.
Pauline SCHERER : Démocratie alimentaire et nouvelles solidarités
L'intervention portera sur le concept de démocratie alimentaire et sur l'analyse de nouvelles formes de solidarités alimentaires qui visent à prendre en compte les questions de transition et de durabilité dans une approche systémique, pour interroger les enjeux de transformation profonde des réponses à apporter aux inégalités alimentaires et sociales.
Pauline Scherer est sociologue-intervenante. Elle travaille en recherche-action coopérative sur les nouvelles formes de solidarités alimentaires au prisme de la démocratie alimentaire et de la durabilité des systèmes alimentaires. Associée au LERIS dans le cadre d'une recherche-action sur les Tiers-Lieux alimentaires, elle coordonne aujourd'hui les activités de recherche et d'expérimentations de l'association Vrac & Cocinas à Montpellier.
Publications
"Vers de nouvelles solidarités alimentaires?", Les cahiers de l’action, n°58, INJEP, 2022 (à paraître).
Avec Bricas Nicolas, "Lutter contre la précarité par de l'aide alimentaire ?" (Chapitre 15), in Une écologie de l'alimentation (coord. Bricas N., Conaré D., Walser M.), Éditions Quae, 2021.
"La solidarité alimentaire de proximité comme espace d'expérimentation démocratique et vecteur d'émancipation. Recherche-action au sein du Secours populaire français en Occitanie", Forum, 153, 28-34, 2018.
Andy SMITH : L'offre alimentaire française et sa construction de "la demande" depuis 1945
Sous l'influence de l'économie néo-classique, il est généralement considéré que c'est la demande pour un bien ou un service qui façonne son offre. Pourtant, la sociologie politique contemporaine a montré que ce sont plutôt les acteurs qui dominent cette offre qui définissent "la demande", qu'ils sont les mieux à même de satisfaire. Cette hypothèse alternative peut être appliquée au cas de l'industrie agro-alimentaire française : elle permet à la fois de caractériser les agents qui se trouvent au sommet de sa gouvernance, mais aussi de montrer comment ils ont travaillé, tant sur les plans économique que politique, pour y accéder. Plus exactement, notre communication rappellera tout d'abord, mais sous un angle inhabituel, qu'entre 1945 et la fin des années 1980, ce sont les élites de la FNSEA et du ministère de l'agriculture qui ont co-construit à la fois l'offre agricole et la demande alimentaire françaises. Ensuite, elle montrera que depuis la réforme de la PAC de 1992, ce "couple" a été rejoint d'une part par les dirigeants des grandes sociétés et coopératives de l'aval et, d'autre part, par les ministres de l'agriculture successifs et leurs cabinets respectifs.
Andy Smith est Directeur de recherche à la Fondation Nationale des Sciences Politiques. En poste à Sciences Po Bordeaux depuis 1996, il est un spécialiste de l'économie politique, et des industries en particulier. Auteur de deux ouvrages sur l'industrie vitivinicole, il a également effectué plusieurs enquêtes sur l'agro-alimentaire qui sont synthétisées dans un ouvrage, co-écrit avec Matthieu Ansaloni, L'expropriation de l'agriculture française. Pouvoirs et politiques dans le capitalisme contemporain (Éditions du Croquant, 2021).
ATELIERS :
La cuisine et la table peuvent-elles encore rassembler ?, animé par Christophe LAVELLE
Du repas de famille patiemment concocté au dîner livré pour une soirée télé devant Top Chef, des applications culinaires compulsivement consultées sur son smartphone aux ateliers de "team building", la cuisine s'apprend, se pratique… et se partage éventuellement. Entre diversité des cultures et régimes particuliers, cuisine de terroir et "novel food", nous discuterons dans quelles mesures notre alimentation est encore facteur de lien social.
Christophe Lavelle est chercheur au CNRS et au Muséum National d'Histoire Naturelle, à Paris. Spécialiste de l'alimentation, il enseigne la physico-bio-chimie culinaire au sein de nombreuses universités et écoles (Université de Toulouse, Université de Cergy-Pontoise, Le Cordon Bleu, Basque Culinary Center,…) et donne régulièrement des conférences auprès du grand public et des professionnels (chercheurs, formateurs, ingénieurs, chefs). Il est également co-responsable du réseau PALIM (Patrimoines Alimentaires) de l'Alliance Sorbonne-Université et formateur à l'INSPE pour les professeurs de cuisine. Il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages sur l'alimentation dont Toute la chimie qu'il faut savoir pour devenir un chef! (Flammarion, 2017), Je mange donc je suis. Petit dictionnaire curieux de l'alimentation (Éditions du MNHN, 2019) et Molécules. La science dans l'assiette (Les Ateliers d'Argol, 2021).
Démonstration de la From'mobile du Lycée Saint-Lô Thère sur la terrasse Nord du château : La séquence, qui dure 4 heures, consiste dans la fabrication d'un fromage au lait de vache de type "tomme", par Stéphanie JOUET & Jade LAMY
Il y a trois moments d'intérêt au cours de cette séquence : à l'arrivée et la mise en cuisson, 2h après au moment de la fragmentation du caillé et sa mise en forme, et à la fin avec le retournement de la tomme fraichement constituée. Cette démonstration est un apport du Lycée Thère dans la recherche d'alternatives locales à la fabrication des fromages traditionnels normands dont le processus est bien maîtrisé par les opérateurs privés de la filière. Il s'agit d'une innovation susceptible d'ouvrir de nouveaux débouchés pour certains produits ou pour des excédents laitiers…
"HORS LES MURS" — VISITES DE TERRAIN
Ferme-Auberge de la Barberie (Le Mesnil Rouxelin), accueil par Philippe et Joey ENÉE
Héritiers d'une ferme traditionnelle (vaches laitières, potager, verger, fabrication du pain) qui avait complété son activité en ouvrant des chambres d'hôtes il y a plus de 30 ans, Serge et Philippe Enée sont aujourd'hui à la tête d'un lieu atypique. Le fils aîné, a certifié la ferme en bio pour cultiver du blé et faire du pain. Le fournil est aujourd'hui une activité majeure de la structure. Le second, cuisinier a fondé l'auberge paysanne. Le lieu évolue continuellement et se tourne de plus en plus vers la transmission. Philippe est impliqué à l'extérieur dans la formation en restauration collective bio-locale. Au sein de la ferme, des infrastructures et de l'accompagnement sont proposés à des porteurs de projets.
Biopousse (Lingreville), accueil par Xavier JACQUET (Président)
Créée à l'initiative des élus de la commune de Lingreville (zone littorale à forte activité maraichère) en partenariat avec le CFPPA de Coutances, met à disposition de candidats en reconversion professionnelle ou ayant suivi un BPREA :
- des terrains,
- du matériel commun,
- une structure d'accompagnement
leur permettant ainsi de valider la viabilité économique de leur activité.
IPE Environnement / GIP restauration collective du centre Manche / Banque alimentaire de la Manche (Gourfaleur), accueil par Roland LEBOULANGER (Pdt IPEE) et Jean-Claude LOUVET (Administrateur de la Banque alimentaire de la Manche
Création d'une unité de maraichage biologique et d'une légumerie solidaire permettant d'alimenter le GIP restauration collective du centre manche (les écoles de Saint-Lô, les hôpitaux de Saint-Lô et Coutances, un EHPAD) ainsi que la Banque alimentaire. Adossé à une structure d'insertion par l'économie (IPE) ce projet permet en outre l'emploi de personnes en situation de précarité.
PARTENARIAT :
* Association de Promotion d'un Projet Alimentaire Territorial (APPAT)
* Lycée Saint-Lô Thère
SOUTIENS :
* Fondation Avril
* ECOCERT
* Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe)
* Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad)