Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


L'HISTORIEN SUR LE MÉTIER :
CONVERSATIONS AVEC CARLO GINZBURG


DU VENDREDI 9 SEPTEMBRE (19 H) AU JEUDI 15 SEPTEMBRE (14 H) 2022

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Étienne ANHEIM, Anne BER-SCHIAVETTA, Martin RUEFF

En présence de Carlo GINZBURG


ARGUMENT :

Depuis une cinquantaine d'années (la première édition de I Benedanti remonte à 1966), l'œuvre de Carlo Ginzburg ne cesse de bouleverser le métier de l'historien en lui offrant un nouveau plan d'enquête (la micro-histoire), une série de nouveaux concepts (le paradigme indiciaire entre autres), de nouveaux objets et de nouvelles inquiétudes. Ses enquêtes ont contribué à redistribuer les lignes de partage entre histoire et sciences humaines (anthropologie, philologie, psychanalyse, critique littéraire) comme elles ont affecté l'histoire de l'art et des images.

Organisé par une psychanalyste, un historien et un poète traducteur de l'historien, ouvert à celles et ceux que le sujet intéresse, ce colloque se déroulera en présence de Carlo Ginzburg. Il entend le mettre "sur le métier" : le soumettre à la question de spécialistes provenant d'horizons et de disciplines qu'il a largement contribué à rénover (histoire, histoire de l'art, philologie). Alterneront des grandes conférences qui accompagnent son œuvre depuis ses débuts, les interventions de grands interlocuteurs, mais aussi les contributions d'éditeurs et de jeunes chercheuses et chercheurs. Une large place sera faite à la collaboration avec le cinéaste Jean-Louis Comolli auteur de nombreux films avec et sur Carlo Ginzburg.


MOTS-CLÉS :

Art, Cinéma, Comparaison, Ginzburg (Carlo), Histoire, Historiographie, Indice, Littérature, Méthode, Morphologie, Philologie, Psychanalyse, Religion, Trace


CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 9 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Samedi 10 septembre
Matin
LA MICRO-HISTOIRE, "À DISTANCE" — Animateur : Étienne ANHEIM
Table ronde, avec Fabrice BRANDLI (Histoire diplomatique, histoire de la diplomatie, microhistoire globale), Guillaume CALAFAT, Simona CERUTTI et Giovanni LEVI

Microhistoire — Bibliographie en français
De Carlo Ginzburg
Le fromage et les vers. L'univers d'un meunier frioulan du XVIe siècle, Paris, Aubier, [1976], 1980.
"Microhistoire : deux ou trois choses que je sais d'elle", le chapitre XIII de Le Fil et les traces, Lagrasse, Verdier, 2010.
Sur Carlo Ginzburg et la micro-histoire
Simona Cerutti, "Histoire pragmatique, ou de la rencontre entre histoire sociale et histoire culturelle", Tracés, n°15, déc. 2008, p. 147-168 (en ligne), et ""À rebrousse-poil" : dialogue sur la méthode", Critique, 2011/6-7 (n°769-770), p. 564-575.

Après-midi
TRADUIRE CARLO GINZBURG — Animateur : Martin RUEFF
Discussion entre les traducteurs : Alon ALTARAS [visioconférence], Guillaume CALAFAT, Natalia MAZOUR [visioconférence], Giulia PUMA, Tadao UEMURA [texte lu] et Mikhail VELIZHEV [visioconférence]

Vernissage de l’exposition d'Irina POPA – Sorcières de Bucarest

Soirée
LE CINÉMA ET L'HISTORIEN : HOMMAGE À JEAN-LOUIS COMOLLI — Animateur : Martin RUEFF [présentation]
Débat avec Jacques BONTEMPS, Patrick BOUCHERON, Carlo GINZBURG et Paul ROZENBERG

Jean-Louis Comolli et Carlo Ginzburg
L'affaire Sofri, Jean-Louis Comolli et Ginette Lavigne, 2001.
Reproduction/reproduction. "Ars imitatur naturam", Jean-Louis Comolli et Ginette Lavigne, 2003-2006.
Le Peintre, le Poète et l'Historien, Jean-Louis Comolli et Ginette Lavigne, 2005.


Dimanche 11 septembre
Matin
LES TRACES DU SENS — HERMÉNEUTIQUE ET PHILOLOGIE — Animatrice : Anne BER-SCHIAVETTA
Irène ROSIER-CATACH : Après deux siècles d'oubli, les surprenantes lectures humanistes du De vulgari eloquentia
Denis THOUARD : Une philologie à rebours

Sur le paradigme indiciaire
Carlo Ginzburg
"Signes, traces, pistes. Racines d'un paradigme de l'indice", dans Le Débat (novembre 1980), p. 3-44.
Mythes, emblèmes, traces ; morphologie et histoire, Paris, 1989 (1986) dont le chapitre "Traces. Racines d'un paradigme indiciaire", p. 139-180 ; nouvelle édition augmentée, 2010.
Sur Carlo Ginzburg et le paradigme indiciaire
Denis Thouard (dir.), L'interprétation des indices : enquête sur le paradigme indiciaire avec Carlo Ginzburg, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d'Ascq, 2007.

Après-midi
CARLO GINZBURG EN SIMULTANÉE AVEC DES DOCTORANTS
Avec Arianna BRUNORI (Scuola Normale Superiore di Pisa) ["Cavar la forma dalla potenza della materia". Une hypothèse sur Dante et Michel-Ange], Marie FONTAINE-GASTAN (Marne-la-Vallée), Fabio GAFFO (UNIGE), Marie KONDRAT (Paris 3 / UNIGE) [Le hors-champ et l'histoire de l'invisible], Marina LEONI (UNIGE) [La "théorie des climats" et les arts aux XVIIIe siècle. Théorie, esthétique et histoire de l'art], Matti LEPRÊTRE (EHESS), Catherine PENN (Roma 3 / UNIGE, FRAMO) ["Fantaisie", "imagination" et la question de l'influence du lexique philosophique cartésien sur la langue française au XVIIe siècle. Essai d'étude historico-sémantique et comparative des unités dans les textes de Descartes et dans les dictionnaires de début et de fin de siècle] et Alice REY (UNIGE) [Entre corps et fiction : l'individu chez Bentham]

Soirée
ÉDITER CARLO GINZBURG — Animateur : Étienne ANHEIM
Roberto COLAJANNI (Adelphi) [texte lu]


Lundi 12 septembre
Matin
LA PSYCHANALYSE, MAGIE OU SCIENCE ? — Animatrice : Anne BER-SCHIAVETTA
Table ronde, avec Isabelle ALFANDARY (Psychanalyse freudienne : la révolution du détail) [visioconférence], Bruno KARSENTI (La trace et un problème d'histoire juive dans À distance de Carlo Ginzburg) et Andreas MAYER ("L'inconscient polyglotte" : critique philologique et histoire collective de la psychanalyse)

Carlo Ginzburg et la psychanalyse
"Traces - Racines d'un paradigme indiciaire" & "Freud, l'homme aux loups et les loups-garous", in Mythes, emblèmes, traces - Morphologie et histoire, Verdier, 2010.
"Correspondance autour de Freud (1971-1995), Carlo Ginzburg - Sebastiano Timpanaro", traduit de l'italien et annoté par M. Rueff, in Incidence, n°15, 2020.
Muriel Pic, "Carlo Ginzburg, le détail et l'abyme", in Incidence, n°15, 2020.

Après-midi
CARLO GINZBURG, LES IMAGES ET L'HISTOIRE DE L'ART — Animateur : Étienne ANHEIM
Mauro NATALE : Carlo Ginzburg, histoire et connoisseurship : divergences et convergences
Discussion avec Natalia MAZOUR [visioconférence] et Giulia PUMA

Carlo Ginzburg et l'histoire de l'art
Indagini su Piero. Il "Battesimo", il ciclo di Arezzo, La "Flagellazione" di Urbino, Collana Microstorie n.1, Torino, Einaudi, 1981 ; Con l'aggiunta di quattro Appendici, II Prefazione dell'autore, Collana Saggi, Einaudi, 1994 ; Collana Biblioteca, Einaudi, 2001 ; nuova Postfazione dell'autore, Apparato iconografico rinnovato, Collana Imago n.8, Milano, Adelphi, 2022.
Traduction française : Enquête sur Piero della Francesca, Paris, Flammarion, 1992.
Jean Fouquet, Ritratto del buffone Gonella, Modena, 1996, inédit en français.

Soirée
DANTE : PRÉSENTATION DE SÉQUENCES FILMÉES DE J.L. COMOLLI — Animateur : Martin RUEFF
Interventions d'Elisa BRILLI [visioconférence], Irène ROSIER-CATACH et Bernardo SCHIAVETTA

Carlo Ginzburg et Dante
"Das Nachäffen der Natur. Reflexionen über eine mittelalterliche Metapher", in Fälschungen. Zu Autorschaft und Beweis in Wissenschaft und Künsten, herausgegeben von Anne-Kathrin Reulecke, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2006, p. 95-122 ; traduction française, "Singer la nature. Réflexions sur une métaphore médiévale", Martin Rueff.
"Aria" (Petrarca, Fam. XXIII, 19), in Per Giovanni Romano. Scritti di amici, a cura di G. Agosti, G. Dardanello, G. Galante Garrone, A. Quazza, L'Artistica Editrice, Savigliano (Cuneo), 2009, p. 92-93.
"Auerbach et Dante. Quelques réflexions", traduction Martin Rueff, Po&sie, 133, 2010, p. 83-93.
L'epistola dantesca a Cangrande e i suoi due autori, in Petrarca, l'Umanesimo e la civiltà europea, Atti del Convegno internazionale, Firenze, 5-10 dicembre 2004, a cura di Donatella Coppini, Firenze, Casa Editrice Le Lettere, 2010 ; "Quaderni Petrarcheschi", XV-XVI, 2010, pp. 1053-1075 ; traduction française de Martin Rueff, "L'épître à Cangrande et ses deux auteurs", Po&sie, n°125, 2008/3, p. 125-142.
"Dante's Blind Spot (Inferno XVI-XVII)", in Dante's Pluringualism. Authority, Knowledge, Subjectivity, ed. by S. Fortuna, M. Gragnolati and J. Trabant, Legenda, Modern Humanities Research Association and Maney Publishing, London 2010, pp. 149-163.
"De l'artiste considéré comme faux-monnayeur", traduction de Martin Rueff, in Po&sie, n°142, 2012, p. 147-161.
"Text and Voice, Text vs Voice : On Dante's De vulgari eloquentia" II, 8, 3 ff., in L'Inquisizione romana, i giudici e gli eretici. Studi in onore di John Tedeschi, a cura di A. Del Col e A. Jacobson Schutte, Roma, Viella, 2017, pp. 39-58 ; traduction Martin Rueff, Po&sie, 177/178, 2022.
"Mise en abyme. Un recadrage", traduction de Pierre-Antoine Fabre, Incidence, n°15, Printemps 2020, p. 351-369.


Mardi 13 septembre
Matin
COMPARAISON, RELIGION ET ANTHROPOLOGIE — Animatrice : Anne BER-SCHIAVETTA
Sanjay SUBRAHMANYAM : Des Pyrénées à Jakarta : entre guerres, philologie, et botanique au XVIIe siècle

Table ronde, avec Daniel BARBU (Le sang impur : Juifs, femmes, lépreux), Giordana CHARUTY (Carlo Ginzburg et Ernesto De Martino. Questions d'ethnographie), Davide ERMACORA (Per verticem usque in cerebrum. Intracranial Needles, Midwives, Witches), Cora PRESEZZI (Les benandanti et la vallée de Josaphat : hypothèses sur un toponyme) et Guy STROUMSA (Carlo Ginzburg sur la religion) [texte lu]

Carlo Ginzburg
Le sabbat des sorcières, Paris, Gallimard, coll. "Bibliothèque des histoires", 1992.
Les Batailles nocturnes : sorcellerie et rituels agraires en Frioul, XVI-XVIIe siècle, Lagrasse, Verdier, 1980 ; Paris, 1984.
A distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, éd. Gallimard, coll. "Bibliothèque des histoires", 2001.
Rapports de force : histoire, rhétorique, preuve, éd. Seuil, coll. "Hautes études", 2003.
Nulle île n'est une île : quatre regards sur la littérature anglaise, Paris, Verdier, 2005.
Le Fil et les traces, traduit par Martin Rueff, Verdier, 2010.
Peur révérence terreur – Quatre essais d'iconographie politique, Dijon, 2013.

Après-midi
CARLO GINZBURG, ENSEIGNANT
Atelier post-doctoral animé par Lucio BIASIORI et Michele LODONE, avec Giovanna CAPPELLETTO, Giovanna FERRARI, Manfred POSANI, Cora PRESEZZI et Tullio VIOLA


Mercredi 14 septembre
Matin
LIRE LENTEMENT — Animateur : Martin RUEFF [présentation]
Table ronde, avec Franco MORETTI, Tiphaine SAMOYAULT (Proust historien) et Julien ZANETTA (Les mots conluents : lecture, détail, sacrifice)

Carlo Ginzburg et la lecture — Bibliographie
Mythes, emblèmes, traces ; morphologie et histoire, 1989, 2010.
A distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, 2001.
Rapports de force : histoire, rhétorique, preuve, 2003.
Nulle île n'est une île : quatre regards sur la littérature anglaise, 2005.
Le Fil et les traces, traduit par Martin Rueff, Verdier, 2010.
Peur révérence terreur – Quatre essais d'iconographie politique, 2013.
La lettera uccide, 2021.
Néanmoins, Machiavel, Pascal, 2022.

Après-midi
DE PRÈS, DE LOIN
Conversation avec Adriano PROSPERI [visioconférence]

Soirée
Entretien avec Paul HOLDENGRABER


Jeudi 15 septembre
Matin
Conférence de clôture de Carlo GINZBURG : Textes, images, reproductions. Sur les épaules de Walter Benjamin [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Carlo GINZBURG : Textes, images, reproductions. Sur les épaules de Walter Benjamin
Carlo Ginzburg a intitulé sa conférence : "Textes, images, reproductions. Sur les épaules de Walter Benjamin". Il s'agit de réfléchir sur la notion de reproductibilité de l'œuvre d'art, mais en déplaçant les critères historiques et méthodologiques qui avaient été ceux de Walter Benjamin dans son célèbre essai. Ginzburg part de la notion de texte "invisible" à savoir du texte qui survit à toutes ses instanciations matérielles. Une discussion de cette notion le pousse à se tourner vers un auteur qui aurait dû intéresser Benjamin : Léon de Laborde, qui signe en 1856 un De l'union des arts et de l'industrie, publié à Paris. Selon Laborde, "l'avenir des arts, des sciences et de l'industrie est dans leur association". Certes, la reproduction implique la vulgarisation, mais loin d'être péjoratif, ce terme implique une diffusion démocratique qui peut être comparée à celle du christianisme : "Le christianisme a vulgarisé le culte de Dieu". L'impact que la chrétienté a eu sur la religion, et celui que l'imprimerie a eu sur les textes, sont comparés à l'impact que l'industrie ne manquerait pas d'avoir sur les arts. La "vulgarisation de l'art" — à savoir la reproduction d'œuvres d'art uniques — est vue par Laborde comme l'issue d'un long processus historique vers la démocratie, rendu possible par le progrès technologique. La réflexion de Laborde croise la renaissance populaire du gothique parce qu'il ne pouvait être indifférent à la controverse entre Raoul-Rochette, le secrétaire perpétuel de l'Académie et Viollet-Le-Duc. Au premier qui soutenait que "faire revivre de nos jours ce qui a cessé d'exister depuis quatre siècles" était tout bonnement absurde, le second opposait une renaissance en marche, intense, populaire, désirée. C'est cette renaissance, cette reproduction heureuse que Laborde voit aussi à l'œuvre dans la photographie : que les objets d'art se trouvent multipliés, comme les images et comme les textes ne doit pas provoquer chez les amateurs un sentiment de repli et de déploration, mais d'enthousiasme. La renaissance populaire de Laborde, c'est-à-dire, "un avenir indéfini d'association démocratique et de centralisation populaire", était fondée sur la multiplication des objets de toutes sortes engendrées par les nouvelles technologies. Laborde identifiait le progrès technologique (et le capitalisme) avec le progrès tout court. Que ce progrès ait eu des opposants, cela est chose certaine, mais Laborde ne se laissa pas démonter. Il n'est pas simplement un anticipateur des thèses de Benjamin mais son contradicteur tant son humeur est différente — il refuse l'obsession de l'original singulier et de son aura et accueille de bon cœur la reproductibilité technique. Ces différends éclairent à coup sûr les discussions contemporaines sur les images et leur unicité.

Carlo Ginzburg (1939, Turin) est sans doute un des historiens les plus influents dans le monde d'aujourd'hui. Son œuvre est traduite dans une vingtaine de langues et a fait l'objet de nombreuses études, colloques, discussions. Il a enseigné en Italie (Bologne et Pise), aux USA (Los Angeles), et il est docteur honoris causa de nombreuses universités. Il est l'un des fondateurs de la micro-histoire qui a révolutionné l'écriture de l'histoire au XXe siècle.
Le colloque de Cerisy qui lui a été consacré en septembre 2022 entendait le mettre "sur le métier" : profiter de sa présence pour l'interroger sur les étapes de sa démarche, sur ses concepts principaux (micro-histoire, paradigme indiciaire, étude de cas, différence émique/étique) tout en revenant sur ses grands livres. Car s'il est vrai que l'on peut découper son œuvre en plusieurs périodes (le triptyque sur la sorcellerie : Le Fromage et les vers, 1976, Les Batailles nocturnes et Le sabbat des sorcières ; les livres de méthode : Mythes, emblèmes, traces, À distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, Rapports de force : histoire, rhétorique, preuve, Le Fil et les traces ; la preuve et le cas comme dans le tout récent : Néanmoins, Machiavel, Pascal), s'il est vrai que l'on peut découper son œuvre en plusieurs secteurs (histoire de la culture populaire, histoire de la culture savante, histoire de l'art), s'il est vrai enfin que la question de la preuve et la différence du témoignage et de l'histoire a pris un moment le devant de sa scène intellectuelle, la manière de Carlo Ginzburg présente des constantes et des lignes de force remarquables.


Isabelle ALFANDARY : Psychanalyse freudienne : la révolution du détail
La révolution de la clinique et théorique freudienne par rapport à la tradition psychiatrique qui l'a précédée réside dans l'attention au détail sémiotique — et non seulement somatique — qui accompagne le tableau clinique du patient. Le corps parle mais son discours emprunte des moyens au besoin pseudo-somatiques. Le symptôme qui frappe la patiente s'accompagne d'une sémioticité protéiforme et hétérogène que la psychanalyse prendra au sérieux et dont elle prendra le risque de le relever. Le symptôme hystérique tel qu'il est constitué dans la théorie freudienne se décroche du tableau nosographique de la psychiatrie pour devenir énigme. Dans "Dora", Freud étend l'attention clinique de l'analyste à une double sphère : "Nous devons porter autant d'attention aux rapports purement humains et sociaux où se trouvent les malades qu'aux données somatiques et aux symptômes de la maladie". À l'opposé de la clinique hospitalière décrite par Michel Foucault, l'"extrinsèque" n'est plus écarté : il indique au contraire le chemin à suivre. La "vérité" de la maladie change de statut : elle ne se reconnaît plus à l'œil nu, elle est corroborée par un récit. L'insignifiant, l'infime, le minuscule, le négligeable tiennent dans la science analytique naissante une place colossale. La psychanalyse : un art divinatoire comme le suggère C. Ginzburg ? Freud aurait rejeté cette définition inacceptable, lui qui a tenté de toutes ses forces de fonder une science. Et pourtant la part de l'intuition alliée à la détection, de l'interprétation du détail confine à un art, sinon une science de la divination.

Alfandary, Isabelle, Science et fiction chez Freud. Quelle épistémologie pour la psychanalyse ?, Paris, Ithaque, 2021.

Daniel BARBU : Le sang impur : Juifs, femmes, lépreux
Dans cette intervention conçue en dialogue avec les travaux de Carlo Ginzburg sur l'antijudaïsme médiéval, notamment dans Le Sabbat des sorcières (orig. 1989; fr. 1992), il s'agira de retracer l'histoire d'un curieux motif, celui des Juifs menstruants. Ce motif nous invite à interroger l'intersection des discours sur le genre, la pureté et l'altérité religieuse dans ce contexte.

Daniel Barbu est chargé de recherche au CNRS, membre du Laboratoire d'études sur les monothéismes. Il a obtenu son doctorat en histoire des religions à l'université de Genève (Faculté des lettres) en 2012 et son habilitation en sciences des religions et études juives à l'université de Berne (Faculté d'histoire et de philosophie) en 2020. Ses recherches portent sur l'histoire des relations entre Juifs et chrétiens, ainsi que sur le rôle de la comparaison en histoire des religions. Il a notamment contribué au projet Balzan dirigé par Carlo Ginzburg, A Comparative Approach to Religions. Daniel Barbu enseigne les sciences religieuses à l'université PSL/École Pratique des Hautes Études. Il a notamment publié Naissance de l'idolâtrie: identité, image, religion aux Presses universitaires de Liège (2016). Il dirige la collection "Histoire des religions" chez Labor et fides et est également l'un des éditeurs de la revue d'anthropologie art d'histoire des religions Asdiwal et de la revue CROMOHS - Cyber review of Modern HIstoriography.
Liens
books.openedition.org/pulg/8802
laboretfides.com/ch_fr/index.php/presentation/collection/histoire-des-religions.html
asdiwal.ch/en/index.php
oajournals.fupress.net/index.php/cromohs/

Lucio BIASIORI
Lucio Biasiori a suivi les cours de Carlo Ginzburg à l'École Normale Supérieure de Pise entre 2006 et 2010, il a collaboré au projet Comparing Religions. Il est aujourd'hui professeur associé d'histoire moderne à l'université de Padoue où il enseigne l'anthropologie historique de la modernité.

Fabrice BRANDLI : Histoire diplomatique, histoire de la diplomatie, microhistoire globale
Envisager la microhistoire "à distance" pourrait être une invitation à considérer ses effets dans un champ qui n'a pas fait immédiatement partie de ceux dans lesquels elle s'est déployée dès les années 1980, l'histoire de la diplomatie à l'époque moderne. Depuis la critique des apories de l'histoire diplomatique classique jusqu'aux apports de la microhistoire globale contemporaine, les enjeux propres à la microhistoire ont pourtant contribué à renouveler la manière d'aborder les théories, les normes et les pratiques de la diplomatie ancienne, parfois sur le registre de l'implicite et sans imposer pour autant une uniformité programmatique à ce renouvellement. À la faveur d'une démarche résolument interdisciplinaire, notamment en direction de la sociologie de l'interaction et de l'anthropologie, les sources produites par les institutions diplomatiques ont été relues à distance critique de la logique normative qui les avait produites. Dans des séries archivistiques restrictivement indexées sous la rubrique "Correspondance politique", comme c'est le cas dans les archives diplomatiques françaises, et à condition de se déprendre de l'obsession pour la décision politique, le regard historien pouvait alors saisir l'"exception normale" dans les parcours individuels extraordinairement diversifiés et dans la multiplicité tout aussi foisonnante des intérêts, des représentations, en un mot de la culture des acteurs et des actrices. Plus encore, en croisant les sources ministérielles avec les mémoires, les journaux, la littérature, etc., la diplomatie a alors été comprise comme un espace d'expérience sociale irréductible à la seule sphère de l'État, mais au contraire interconnectée étroitement avec d'autres espaces d'expérience qu'il était désormais impossible de saisir de manière discontinue. Cet aggiornamento méthodologique et épistémologique a impliqué la construction d'un récit à hauteur d'individus dont il s'agissait de suivre les actions et les représentations en fonction de stratégies personnelles, mais aussi collectives, qu'elles soient familiales ou corporatistes, d'en relever la rationalité propre tout comme les contradictions apparentes ou réelles dans un souci constant d'équilibrer les dimensions émique et étique des discours produits de part et d'autre de la narration historique en construction. Comme expérience complexe de l'altérité, la diplomatie était ainsi devenue l'objet historique à partir duquel dénaturaliser l'État moderne tout en rompant avec l'ethnocentrisme hérité de la conception nationale de l'histoire : la diplomatie pouvait enfin se donner comme l'une des formes, non exclusive, de l'interaction sociale en vertu de la combinaison d'échelles d'analyse diversifiées dont le néologisme "glocal" est peut-être l'une des expressions les plus récentes.

Chargé de cours au Département d’histoire générale de l'université de Genève, Fabrice Brandli est également secrétaire scientifique de la Société J.-J. Rousseau et membre de l'Équipe Damoclès. Ses premières recherches portent sur les relations diplomatiques entre la France et Genève au XVIIIe siècle, avec une attention particulière accordée aux mécanismes cérémoniels comme modèles d'interaction entre des cultures politiques différentes. Le résultat de ses recherches a été publié en 2012 aux Presses universitaires de Rennes sous le titre Le nain et le géant. La République de Genève et la France au XVIIIe siècle, cultures politiques et diplomatie. Fabrice Brandli s'est également intéressé à l'histoire de la coopération judiciaire qui a notamment fait l'objet du troisième numéro de Beccaria. Revue d'histoire du droit de punir (2017) qu'il a dirigé. Il a également proposé l'édition critique d'une dizaine de pamphlets de Voltaire parus entre 2012 et 2018 dans les Œuvres complètes de Voltaire (Oxford, Voltaire Foundation). Après avoir fourni l'article "Animal" pour le Dictionnaire critique de l'utopie au temps des Lumières (2015), il travaille désormais dans une perspective d'histoire culturelle et d'anthropologie historique sur les rapports entre humanité et animalité, notamment avec le projet en cours d'un livre sur les animaux dans l'imaginaire utopique moderne.
Publication
Fabrice Brandli, "Les négociateurs français à Genève (1679-1798). Identités sociales composites et pluralité des parcours", dans Indravati Félicité (dir.), L'identité du diplomate. Métier ou noble loisir ?, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 89-104.

Guillaume CALAFAT
Plusieurs travaux récents ont réfléchi, ces dernières années, à la rencontre entre l'histoire globale et la microhistoire. Loin de se résumer à un changement d'échelle, elle invite à penser plus largement l'apport méthodologique de la microstoria, des Quaderni Storici et de l'œuvre de Carlo Ginzburg pour l'enquête historienne et la lecture lente et rapprochée des documentations.

Bibliographie
Angelo TORRE, "Micro/macro : ¿ local/global ? El problema de la localidad en una historia espacializada", Historia crítica, 69 (2018), p. 37-67 [en ligne].
Francesca TRIVELLATO, "Is There a Future for Italian Microhistory in the Age of Global History ?", California Italian Studies, 2-1 (2011) [en ligne].
"La microhistoire globale : affaire(s) à suivre", introduction écrite par Guillaume Calafat et Romain Bertrand, in Numéro spécial des Annales "Microhistoire globale", 2018 [en ligne].

Giovanna CAPPELLETTO
Giovanna Cappelletto a suivi les séminaires de Carlo Ginzburg à l'université de Bologne entre 1977 et 1980. Elle a obtenu sa maîtrise sous la direction de Carlo Ginzburg en 1981.

Simona CERUTTI
Simona Cerutti reviendra sur deux thèmes : une réflexion autour des instruments que la microstoria s'est donnée pour inscrire l'histoire dans les sciences sociales, par rapport aux voies suivies par les différentes histoires sociales (françaises et anglo-saxonnes) au cours des années 1970-80 ; et, parallèlement, une réflexion sur les formes (originales) d'interdisciplinarité que la microstoria a proposé. Le deuxième point est une autocritique de la faiblesse des réponses que la microstoria a donné sur le terrain de la généralisation et de la représentativité des cas, qui sont les objets de ses recherches. L'analyse des catégories mobilisés par les contemporains a insuffisamment nourri les analyses : le thème de la "répétition" des comportements "sans contradiction", que l'on retrouve si souvent dans les sources de l'époque moderne, par exemple, a conduit à des conceptions de la représentativité des phénomènes qui investissent le consensus et la légitimité, plutôt que la fréquence d'un phénomène. Autant d'éléments apparemment incongrus dont, par ailleurs, le poids dans nos conceptions actuelles de la représentativité mérite d'être mesuré de plus près.

Simona Cerutti est historienne, directrice d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales. Ses travaux portent sur les classifications sociales et le langage des droits dans les sociétés de l’époque moderne. A dialogué avec Carlo Ginzburg dans deux écrits : "Microhistory : Social Relations versus Cultural Models ?", in A. M. Castrén, M. Lonkila et M. Peltonen (éd), Between Sociology and History. Essays on Microhistory, Collective Action, and Nation-Building, S.K.S., Helsinki, 2004 et ""A rebrousse-poil". Dialogue sur la méthode", Critique, 769-770, juin-juillet 2011.
Publications
La ville et les métiers. Naissance d'un langage corporatif (Turin, XVIIe-XVIIIe siècle), Éditions de l'E.H.E.S.S., Paris, 1990.
Étrangers. Étude d'une condition d'incertitude dans une société d'Ancien Régime, Bayard, Paris, 2012.
Justice sommaire. Pratiques et idéaux de justice dans une société d'Ancien Régime, Éditions de l'E.H.E.S.S., Paris, 2021.

Giordana CHARUTY
Giordana Charuty, anthropologue, directrice d'études à l'École pratique des hautes études (Paris), membre du Laboratoire d'anthropologie du politique (EHESS). Elle coordonne le thème "Histoire de l'anthropologie italienne" pour BEROSE, encyclopédie internationale des histoires de l'anthropologie et co-édite la revue Gradhiva au Musée du quai Branly. Traductrice de Carlo Ginzburg, I Benandanti (1966) : Les Batailles nocturnes : sorcellerie et rituels agraires en Frioul, XVI-XVIIe siècle, Verdier, 1980 ; Flammarion, 1984. Ses recherches portent sur les hétérodoxies religieuses et thérapeutiques en Europe occidentale depuis le début du XIXe siècle, l'épistémologie des savoirs de la différence et l'ethnologie en situation missionnaire. L'édition française d'œuvres d'Ernesto De Martino (La Fin du monde. Essai sur les apocalypses culturelles, Paris, EHESS, 2016 ; Le Monde magique. Prolégomènes à l'étude d'une formation historique, Paris, Bartillat, 2022) a bénéficié du dialogue avec Carlo Ginzburg. Elle prépare un ouvrage sur les arts de l'existence qui font passer les sociétés sécularisées du régime de la coutume à celui du destin.
Publications
"Actualités de Storia notturna", L'Homme, 2019/2, n°230, 133-152.
Ernesto De Martino : les vies antérieures d'un anthropologue, Marseille, Éditions Parenthèses – Éditions de la MMSH, 2009.
Folie, mariage et mort. Pratiques chrétiennes de la folie, Paris, Éditions du Seuil, 1997.

Davide ERMACORA
Davide Ermacora a obtenu son doctorat (conjoint) en anthropologie à l'université de Turin et à l'université Lumière Lyon 2. Il a depuis enseigné dans plusieurs universités italiennes et a édité des ouvrages d'anthropologie italiens. Ses recherches se situent à l'intersection de l'histoire des religions et de la folkloristique, avec un intérêt particulier pour les systèmes de croyances surnaturelles et les légendes traditionnelles et contemporaines.

Giovanna FERRARI
Giovanna Ferrari a suivi des séminaires de Carlo Ginzburg à l'université de Bologna entre 1977 et 1980. Elle a obtenu sa maîtrise sous la direction de Carlo Ginzburg en 1981 et, en 1991 elle est devenue docteur en Histoire sociale européenne toujours sous la direction de Carlo Ginzburg. Elle enseigne désormais au lycée. Ses recherches portent sur l'histoire de thèmes médicaux et philosophiques au Moyen Âge.
Publications
"Public Anatomy Lessons and the Carnival: the Anatomy Theatre of Bologna", in Past & Present, n°117 (novembre 1987), Oxford, pp. 50-106.
L'esperienza del passato. Alessandro Benedetti filologo e medico umanista (1452-1512), Olschki, Firenze, 1996 (collana "Biblioteca di Nuncius", n°22), pp. 357.
Introduzione e commento all'edizione del Tractatus de humido radicali di Arnaldo da Villanova, vol. V.2 degli Arnaldi de Villanova Opera Medica Omnia, (con Chiara Crisciani e Michael McVaugh), Barcelona 2010, pp. 319-571 (in particolare pp. 319-22, 332-44, 397-471).
Médecine, astrologie et magie entre Moyen Âge et Renaissance: autour de Pietro d'Abano, Textes réunis dal Colloque International "Médecine, astrologie et magie entre Moyen Age et Renaissance: autour de Pietro d'Abano" (Paris, settembre 2006), a cura di J.-P. Boudet, F. Collard et N. Weill-Parot, "Micrologus Library", n°50, Firenze 2013, pp. 107-130.

Paul HOLDENGRABER
Paul Holdengräber is an interviewer and curator. He is the Founding Executive Director of Onassis Los Angeles (OLA). Previously, and for 14 years, he was Founder and Director of The New York Public Library's LIVE from the NYPL cultural series where he interviewed and hosted over 600 events, holding conversations with everyone from Patti Smith to Zadie Smith, Ricky Jay to Jay-Z, Errol Morris to Jan Morris, Wes Anderson to Helen Mirren, Werner Herzog to Mike Tyson. Before his tenure at the Library, Holdengräber was the Founder and Director of "The Institute for Art & Cultures" at the Los Angeles County Museum of Art, and a Fellow at the Getty Research Institute in Los Angeles. He has a Ph.D. in Comparative Literature from Princeton University and has taught at Princeton University, Williams College, Claremont Graduate University among others. In 2003, the French Government named Holdengräber Chevalier des Arts et des Lettres, and then promoted him in 2012 to the rank of Commandeur des Arts et des Lettres. In 2010, The President of Austria awarded him the Austrian Cross of Honor for Science and Art.

Bruno KARSENTI
"Notre mode de connaissance du passé est profondément informé par l'attitude de supériorité chrétienne vis-à-vis des juifs. Ou, en d’autres termes, ces deux mots verus Israël, "le vrai Israël", énoncés comme définition du christianisme par lui-même, ont été le lieu de naissance d'une conception de la vérité historique qui est aujourd'hui encore — je le dis à dessein sous cette forme globale — notre conception.
Cette découverte m'a plongé dans un profond malaise, que je partage peut-être avec d'autres, juifs et non-juifs. Mais après tout, le contexte dans lequel une idée prend sa source ne détermine qu'en partie ses usages ultérieurs (…) Qui s'emparera de notre notion d'histoire et la fera sienne, tout en en rejetant peut-être le noyau conceptuel exprimé par la métaphore de la perspective ?
"
Citation de Carlo Ginsburg, in A distance, p.163.

Bibliographie
Moïse et l'idée de peuple, Le Cerf, 2012.
"Le totémisme et sa trace", Archives de Philosophie, 78, 4, 2015
La question juive des modernes, PUF, 2017.

Giovanni LEVI
À l'occasion de cette réflexion sur la microhistoire à distance, Giovanni Levi voudrait reprendre le débat sur plusieurs points : entre le cas particulier et la généralisation ; entre la micro-histoire et l'histoire globale ; entre généralisation et synthèse dans le développement des travaux de Carlo Ginzburg, enfin sur son utilisation du concept d'analogie.

Giovanni Levi, "La storia. Scienza delle domande generali e delle risposte locali", Psiche, 2018-2, p. 361-377.
L'introduction à la réédition italienne de Giovanni Levi, L'eredità immateriale (en français, paru comme "Le pouvoir au village"), 2020.

Michele LODONE
Michele Lodone a suivi les cours de Carlo Ginzburg à l'École Normale Supérieure de Pise entre 2007 et 2010 et a soutenu sa thèse sous la supervision de Carlo Ginzburg. Il enseigne désormais l'histoire médiévale à l'université de Modène et de Reggio Emilia.

Andreas MAYER
Andreas Mayer est directeur de recherche CNRS (Centre Marc Bloch/Centre Alexandre Koyré). Ses travaux portent sur les sciences, savoirs et techniques de la subjectivité, l'histoire et l'anthropologie des objets des sciences de l'homme et l'histoire et l'historiographie de la psychanalyse.
Monographies
Rêver avec Freud. L'histoire collective de "L'interprétation du rêve", avec L. Marinelli, Aubier, 2009.
Sites of the Unconscious : Hypnosis and the Emergence of the Psychoanalytic Setting, Chicago Univ. Press, 2013.
"Écrire l'histoire de la psychanalyse : le problème du contexte", Revue d'histoire des sciences humaines, 30 (2017), p. 71-91 [en ligne].
The Science of Walking. Investigating Locomotion in the Long Nineteenth Century, Chicago Univ. Press, 2020.
Introduction à Sigmund Freud, La Découverte, coll. "Repères", 2020.

Mauro NATALE : Carlo Ginzburg, histoire et connoisseurship : divergences et convergences
Cette conférence évoquera les différentes approches, toujours critiques et parfois conflictuelles, de Carlo Ginzburg par rapport à l'histoire de l'art, de l'essai Da A.Warburg a E.H.Gombrich ("Studi medievali", 1966), aux différentes versions des Indagini su Piero (1981-2022), en mettant en évidence surtout les questions de méthode.

Manfred POSANI
Manfred Posani a suivi les cours de Carlo Ginzburg à l'École Normale Supérieure de Pise entre 2006 et 2008. Il travaille aux archives de l'université grégorienne de Rome et écrit un livre sur la fausse nouvelle de l'incendie du Louvre pendant la Commune de Paris en 1871.

Cora PRESEZZI
Cora Presezzi est chercheuse (post-doc) à l'Istituto Italiano di Studi Germanici à Rome, et elle travaille actuellement sur la réception de Machiavel dans la culture allemande. En 2019, elle a édité un volume d'études consacré à Le sabbat des sorcières. Ses recherches portent sur l'histoire religieuse et l'histoire des doctrines théologiques chrétiennes depuis l'Antiquité tardive au premier âge moderne.

Giulia PUMA
Giulia Puma est maître de conférences en histoire de l'art médiéval (Univ. Côte d'Azur), spécialiste de la peinture italienne des Tre- et Quattrocento, elle a publié Les Nativités italiennes, 1250-1450. Une histoire d'adoration (Rome, Presses de l'EFR, 2019). Agrégée d'Italien, elle traduit, seule ou à quatre mains avec Guillaume Calafat, depuis de nombreuses années des textes scientifiques depuis l'italien vers le français, d'auteurs tels qu'Andrea Addobbati, Barbara Carnevali, Simona Cerruti, Lisa Ginzburg, Aldo Schiavone, ou encore Angelo Torre.

Irène ROSIER-CATACH : Après deux siècles d'oubli, les surprenantes lectures humanistes du De vulgari eloquentia
Écrit dans les années 1304-1305, et oublié pendant deux siècles, le De vulgari eloquentia occupe une place particulière dans l'histoire de la réception des ouvrages de Dante. Rédigé en latin, il fut d'abord connu par des extraits en italien, divulgués à Rome par Gian Giorgio Trissino, en 1524, avant qu'il l'édite, en italien, en 1529. On pensait qu'il avait été composé vicino a la morte, donc après la Commedia, ce qui explique les doutes émis sur sa paternité, qui subsisteront encore après son édition latine par Corbinelli, à Paris, en 1577. Les questions abordées, dans les années 1524, étaient bien autres que celles traitées par Dante, et les arguments empruntés à l'ouvrage témoignent de la lecture partielle, déformée et orientée qui en fut faite, par Trissino, Machiavel ou Tolomei notamment, ou encore par Giovan Battista Gelli, qui, dans sa Lezione à l'Academia Fiorentina, en 1541, tout en jugeant le traité inauthentique, en rapprochera les fameux vers du Par. xxvi, pour démontrer la supériorité du florentin.

Irène Rosier-Catach est Directrice de recherche au CNRS et Directrice d'Études à l'EPHE. Spécialiste de l'histoire des théories linguistiques et sémiotiques au Moyen Âge, elle est l'auteur de nombreuses publications dans ce domaine. En savoir plus : htl.cnrs.fr/equipe/irene-rosier-catach/.
Publications
La parole efficace, Seuil, 2004.
Traduction commentée : Dante Alighieri. De l'éloquence en vulgaire, Fayard, 2011.
A coordonné le volume : Le pouvoir des mots au Moyen Âge, Brepols, 2014.

Denis THOUARD : Une philologie à rebours
Lors de la présentation de la conférence "La lettre tue" à Lucerne en 2011, reprise dans le recueil paru en 2021 La lettera uccide auquel elle donne son titre, certains commentateurs ont cru identifier un "tournant vers la philologie", voire la constitution d'une "théologie politique". Pour explorer le rapport de l'historien à la philologie, sans revenir sur des analyses passées, je m'engagerai dans une voie de traverse selon deux "pistes" : d'une part le rapport à Sebastiano Timpanaro, d'autre part celui, absent dans La lettera uccide, à Erich Auerbach et son essai Figura. Par là j'espère affiner ce que j'ai déjà esquissé auparavant au motif de la "philologie à rebours".

Denis Thouard est directeur de recherche au CNRS. Ses travaux portent notamment sur les liens entre philosophie et philologie, sur la tradition herméneutique, la philosophie contemporaine. A publié récemment : Herméneutique critique (Presses du Septentrion, 2011) ; Geteilte Ideen (Matthes und Seitz, 2016) ; Et toute langue est étrangère. Le projet de Humboldt (Encre marine/Belles Lettres, 2016) ; Georg Simmel. Une orientation (Circé, 2020) ; Herméneutiques contemporaines (Hermann, 2020) et avec Christoph König, Goethe, le second auteur (Hermann, 2022) issu d'un colloque à Cerisy en août 2018. Sur Carlo Ginzburg, il a édité le volume L'interprétation des indices. Enquête sur le paradigme indiciaire avec Carlo Ginzburg (PU du Septentrion, 2007, issu d'un colloque à Lille en 2005), les chapitres "Les deux herméneutiques de l'historien" et "Carlo Ginzburg et les indices de l'histoire" (dans Herméneutiques contemporaines, p. 99-170) et récemment "L'herméneutique comme cynégétique. Ouverture", dans Eléonore Reverzy, Bertrand Marquer (éds.), Histoires de chasse. Traces et traques dans la littérature du XIXe siècle, Paris, Garnier, 2021, p. 21-34.


LE CINÉMA ET L'HISTORIEN : HOMMAGE À JEAN-LOUIS COMOLLI — Animateur : Martin RUEFF
Débat avec Jacques BONTEMPS, Patrick BOUCHERON, Carlo GINZBURG et Paul ROZENBERG
C'est à la suite du procès intenté à Adriano Sofri et à ses compagnons de lutte que Carlo Ginzburg publie Le Juge et l'historien, considérations en marge de l'affaire Sofri (Einaudi, 1991 ; Quodlibet, 2020 ; Verdier, 1997). Et c'est ce livre qui fut l'occasion de la rencontre entre Jean-Louis Comolli, l'homme de cinéma et Carlo Ginzburg. Un film est né de cette rencontre : L'Affaire Sofri (2001). Une amitié féconde s'est nouée et Jean-Louis Comolli a consacré plusieurs films à l'historien : Le peintre, le poète et l'historien (2006) sur Dante et Giotto. Il faut mentionner une entreprise sans équivalent : Comolli a filmé la préparation du livre que l'historien voulait consacrer à Dante. Il s'en est suivi des heures et des heures de tournage. Un film est sorti de ce laboratoire : Reproduction/reproduction. Ars imitatur naturam (2008).
Jean-Louis Comolli devait venir à Cerisy pour évoquer son travail avec Carlo Ginzburg. Il est mort le 19 mai 2022. Pour lui rendre hommage, nous évoquerons cette "conversation souveraine" en compagnie de Jacques Bontemps, Patrick Boucheron et Paul Rosenberg.

Jacques BONTEMPS
Jacques Bontemps est philosophe, critique et théoricien du cinéma. Proche de Jean-Louis Comolli, il a participé avec lui à l'aventure des Cahiers du cinéma, mais aussi à la revue Trafic.

Patrick BOUCHERON
Patrick Boucheron est historien. Professeur au collège de France il est l'auteur de nombreux livres. Signalons : La Trace et l'Aura. Vies posthumes d'Ambroise de Milan (IVe – XVIe siècle), Paris, Le Seuil, coll. "L'Univers historique", 2019 et Nous sommes ici, nous rêvons d'ailleurs (avec Mathieu Riboulet), Paris, Verdier, 2022. Il a préfacé la réédition de Le fromage et les vers (Paris, Flammarion, 2019).

Paul ROZENBERG
Paul Rozenberg est un producteur engagé. Il dirige la boîte de production Zadig productions et a produit une trentaine de films tous traversés par de fortes préoccupations historiques, politiques et sociales. Il a produit Leone Ginzburg, un intellectuel contre le fascisme, le film que Florence Mauro a consacré au père de Carlo Ginzburg (2016).


LIRE LENTEMENT — Animateur : Martin RUEFF
Table ronde, avec Franco MORETTI, Tiphaine SAMOYAULT (Proust historien) et Julien ZANETTA (Les mots conluents : lecture, détail, sacrifice)
Rares sont les historiens pour lesquels la littérature aura tant compté. Ginzburg les lit avec la même minutie que les archives. On pourrait reconstruire sa bibliothèque où les classiques italiens côtoient les écrviains français (Voltaire, Stendhal, Flaubert, Proust) comme les auteurs anglais (Sterne, Shelley). Mais il y a plus. Ginzburg est philologue et il s'est formé à la philologie avec les plus grands (Contini). Il dit partout son admiration pour Auerbach. On le lit souvent lisant des philologues qui lisent et cet enchevêtrement savant stimule toujours l'imagination théorique.
Ralentir travaux.

Franco MORETTI
Dans son dernier livre, Falso Movimento (la svolta quantitativa nello studio della letteratura), Nottetempo, Extrema Ratio, 2022, Franco Moretti a consacré un chapitre à la "méthode" de Ginzburg intitulé "Exceptions, normes, cas extrêmes, Carlo Ginzburg". Il y évoque le goût de Ginzburg pour l'anomalie et le confronte à l'histoire quantitative qu'il juge au regard de sa propre pratique.

Franco Moretti has taught comparative literature in various Italian and American universities, and is currently permanent fellow of the Wissenschaftskolleg zu Berlin. His latest book, False movement, The quantitative turn in literary study, is being published this year in Italian, Spanish, German and English.
Publication
Franco Moretti, Falso Movimento (la svolta quantitativa nello studio della letteratura), Nottetempo, Extrema Ratio, 2022.

Tiphaine SAMOYAULT : Proust historien
Natalia Ginzburg traduisait Proust pendant la guerre, alors que la famille était reléguée à Pizzoli, dans les Abruzzes. La résonance intime de cette circonstance bat dans la relation de Carlo Ginzburg à Proust et dans les références qu'il fait à celui-ci. Nous nous demanderons quel historien est Proust selon Ginzburg et comment Proust donne des méthodes à l'historien.

Bibliographie
"Achever le cheval : un problème historique et un problème poétique", Cahiers Claude Simon, n°16, Presses universitaires de Rennes, 2021, p. 121-134.
Traduction et violence, Seuil, 2020 (Prix Anna de Noailles de l'Académie française, 2021).

Julien ZANETTA : Les mots confluents : lecture, détail, sacrifice
À partir de la préface que Ginzburg consacre à l'essai autobiographique de Michael Baxandall (Épisodes), j'aimerais interroger l'art particulier de ce que l'on peut nommer les "mots confluents". Souvent, il suffit d'un mot pour changer de chemin. Ginzburg pratique en maître cette science où le mot, compris dans son extension la plus complexe — concept majeur ou détail négligeable —, se voit pesé, examiné, interrogé, et détermine du cours imprévisible de l'essai ou de l'étude. Il s'agira donc de comprendre comment un mot peut se révéler mesure du chemin parcouru mais aussi indice ou repoussoir d'autres chemins conditionnels.

Bibliographie
L'Hôpital de la peinture, Baudelaire, la critique d'art et son lexique, Paris, Rue d'Ulm édition, automne 2022.


BIBLIOGRAPHIE :

Carlo Ginzburg

Le Fil et les traces, vrai, faux, fictif, traduit par Martin Rueff, Lagrasse, Verdier, 2010.
Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, Lagrasse, traduit par Monique Aymard, Christian Paoloni et Elsa Bonan, Verdier, nouvelle édition, 2010.
Peur révérence terreur – Quatre essais d'iconographie politique, Dijon, Les Presses du réel, 2013.
Néanmoins, Machiavel, Pascal, traduit par Martin Rueff, Lagrasse, Verdier, 2022.
Il formaggio e i vermi, réédition, Adelphi, "Oceano delle storie", 2019.
I benedanti, réédition, Adelphi, "Oceano delle storie", 2020.

Littérature critique

L'interprétation des indices. Enquête sur le paradigme indiciaire. Avec Carlo Ginzburg, Lille, Presses du Septentrion, 2007.
Critique, n°769-770, "Carlo Ginzburg, l'historien à la trace", direction Patrizia Lombardo et Martin Rueff, 2011.
Sensibilités, n°6, Étienne Anheim et Carlo Ginzburg, 2019.
Streghe, sciamani, visionari, In margine a Storia notturna di Carlo Ginzburg, Cora Presezzi (éd.), Roma, Viella, 2019.


SOUTIENS :

Fondation Internationale Prix Balzan
• "Centre de recherches historiques (CRH)" | EHESS
Maison de l'histoire | Université de Genève (UNIGE)