Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


BALZAC ET LES DISCIPLINES DU SAVOIR

SCIENCES ET REPRÉSENTATION


DU LUNDI 22 AOÛT (19 H) AU DIMANCHE 28 AOÛT (14 H) 2022

[ colloque de 6 jours ]


Gustave Doré, Balzac l'entomologiste, 1855, Paris, Bnf


PRÉSENTATION VIDÉO :


DIRECTION :

Éric BORDAS, Andrea DEL LUNGO, Pierre GLAUDES


ARGUMENT :

Après "Balzac : l'invention du roman", en 1980, consacré à la poétique du romancier dans une perspective sociocritique, et "Penser avec Balzac", en 2000, qui dressait le portrait d'un écrivain philosophe, ce nouveau colloque de Cerisy consacré à l'auteur de La Comédie humaine se propose d'examiner son rapport aux disciplines du savoir de son époque.

Balzac est en effet le contemporain d'une mutation épistémologique fondamentale, qui voit abandonner le modèle universaliste de l'encyclopédisme au profit d'une spécialisation toujours croissante des sciences. Son œuvre, à travers les représentations qu'elle propose, met en scène et problématise, témoigne de cette mutation qui n'est pas étrangère à la conception romantique des savoirs, s'étendant aussi bien au rationalisme qu'à la mystique, à l'idéalisme philosophique qu'à l'histoire, à la physiognomonie qu'aux sciences naturelles sous le sceau d'un syncrétisme fécond. Il s'agira ainsi d'interroger la relation qu'entretient l'œuvre balzacienne avec les différents champs du savoir d'une époque qui n'a pas encore établi les lignes de partage qui seront celles du positivisme.

Cette manifestation permettra également de faire une synthèse des études balzaciennes et de tracer des perspectives de recherche inédites telles qu'elles sont redéfinies par les nouveaux modes d'interrogations des corpus, en particulier les données accessibles dans le cadre du projet ANR d'édition génétique et hypertextuelle Phœbus/eBalzac (ebalzac.com).

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2020, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2020 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Balzac (Honoré de), Disciplines, Encyclopédisme, Roman, Savoir, Science, Spécialisation


CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 22 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 23 août
ENJEUX ÉPISTÉMOLOGIQUES
Matin
Claire BAREL-MOISAN : Construire une science de l'homme, entre sérieux et ironie
Aude DÉRUELLE : Balzac et le modèle encyclopédique

Après-midi
Éric BORDAS : "Une ignorance hybride" : Balzac et le savoir musical
Jacques-David EBGUY : Le Balzac de l'épistémocritique. Un mariage de raison ?
Lucien DERAINNE : Balzac et la collaboration scientifique


Mercredi 24 août
À LA CROISÉE DES DISCIPLINES
Matin
Boris LYON-CAEN : Balzac psychologue ?
Kathia HUYNH : La médecine dans La Comédie humaine, entre savoir et romanesque

Après-midi
Andrew WATTS : Balzac et la "la loi du plus fort", l'adaptation, l'éco-traductologie et La Peau de chagrin à l'écran
Franc SCHUEREWEGEN : Intentio auctoris (sur un problème de méthode)
Marion MAS : Entre la lettre et l'Esprit des Lois : discours et représentations du droit dans La Comédie humaine


Jeudi 25 août
DES CHIFFRES ET DES LETTRES
Matin
Alexandre PÉRAUD : Faire œuvre économique contre l'économie politique [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Francesco SPANDRI : Balzac et la hantise du chiffre (sur le savoir statistique)

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 26 août
HÉRITAGES, SOURCES, HYPERTEXTES
Matin
Vincent BIERCE : La science qui sait et la croyance qui doute : la métaphysique balzacienne à l'épreuve du monde contemporain
Pierre GLAUDES : Balzac, l'art de se gouverner et de gouverner les autres : la question du cynisme

Après-midi
Karolina SUCHECKA : Le projet eBalzac : un hypertexte des sources scientifiques
Andrea DEL LUNGO : Un hypertexte scientifique : la phrénologie à l'épreuve du roman
Tania DUCLOS : Genèse et effets de l'intertexte balzacien [visioconférence]
Laélia VÉRON : Balzac et le langage des prisons : savoir linguistique ou fantasme romanesque ?


Samedi 27 août
LES SAVOIRS EN QUESTION
Matin
Dominique MASSONNAUD : Balzac et l'Histoire naturelle : transpositions épistémologiques
Jérémie ALLIET : Malheur aux sachants ! Le savoir comme créateur de discipline

Après-midi
Andrea GOULET : Balzac stratigraphe, ou Horace de Saint-Aubin auteur de l'anthropocène ?
Göran BLIX : Balzac zoographe : Une passion dans le désert et le refus de l'allégorie
Christèle COULEAU : Physiologie du caméléon. La nécessaire pluridisciplinarité du narrateur balzacien


Dimanche 28 août
Matin
Rapport d'étonnement des jeunes chercheurs, par Tristan BORNOZ, Yuwei GONG et Karolina SUCHECKA

Synthèse et discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Jérémie ALLIET : Malheur aux sachants ! Le savoir comme créateur de discipline
"Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit ; mais SAVOIR laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme" : la citation célèbre de l'antiquaire au début de la Peau de Chagrin (CH, X, 85) évoque déjà, aux portes d'entrée de la création balzacienne, la complexité de la relation qui unit la connaissance et l'action. Par la suite, le roman n'aura de cesse d'interroger la question laissée en suspens par la leçon de l'antiquaire : quel est le prix à payer pour atteindre ce statut de "sachant" ? Ce perpétuel état de calme est-il réellement désirable ? Existe-t-il dans une Comédie Humaine remplie de révélations foudroyantes, pertes des illusions catastrophiques, dessillements violents ? C'est toute l'ambiguïté de la révélation, de la reconnaissance, ou de l'accès à la vérité balzaciens qui se présentent au lecteur qui réfléchit à la Comédie Humaine et au savoir, et, bien au-delà des Études philosophiques, prend conscience que la découverte de la vérité entrave, bride et enracine le héros, le discipline et peut-être le détruit tout aussi certainement que le pouvoir accordé par le privilège de l'ignorance.

Jérémie Alliet est doctorant à l'École Normale Supérieure de Lyon.

Vincent BIERCE : La science qui sait et la croyance qui doute : la métaphysique balzacienne à l'épreuve du monde contemporain
La foi est-elle un objet de connaissance comme un autre ? Et peut-on concevoir une science qui penserait le sentiment religieux comme un savoir susceptible d'être organisé et expliqué dans un système théorique ? Il s'agira d'examiner la manière dont Balzac invente et développe une théorie de type scientifique qui transforme le sentiment religieux en un savoir analysable, et comment il la confronte par la fiction, et dans une dynamique commune, à la fois à une pensée du présent incluse dans un cadre matérialiste et historique qui lui est a priori antagoniste et à un dispositif romanesque général qui semble précisément refuser toute perspective unifiante. Socialisée et contextualisée par le contemporain, la pensée métaphysique n'apparaît alors plus tant comme une science qui sait que comme une croyance qui doute.

Vincent Bierce est enseignant en CPGE.
Publications
Le sentiment religieux dans La Comédie humaine. Foi, ironie et ironisation, Thèse publiée en 2019.
A co-dirigé l'ouvrage collectif : Romantismes et croyances, Euredit Éditions, 2017.
A co-dirigé l'ouvrage collectif : Mythologies sportives d'aujourd'hui : le football et ses langages, Hermann, 2021.
A participé à la rédaction du Dictionnaire Balzac, Éditions Classiques Garnier, 2021.

Aude DÉRUELLE : Balzac et le modèle encyclopédique
Le modèle encyclopédique issu du XVIIIe siècle reste à l'horizon du savoir scientifique dans les premières décennies du XIXe siècle, comme en témoigne notamment l'entreprise panoramique d'"encyclopédie morale du dix-neuvième siècle" de Léon Curmer à laquelle Balzac a participé. Il s'agira de voir comment la rémanence de ce modèle encyclopédique travaille la réflexion de Balzac sur le savoir, au moment de l'autonomisation ou de l'émergence des sciences humaines.

Tania DUCLOS : Genèse et effets de l'intertexte balzacien
Cette communication suivra d'abord l'évolution génétique, de l'état manuscrit jusqu'au Furne corrigé, de quelques passages descriptifs recelant des emprunts afin de jeter un éclairage sur ce que l'on peut appeler la poétique intertextuelle de Balzac. Au fil des corrections, le romancier reprend, transforme et digère la matière textuelle trouvée chez d'autres auteurs pour finalement se l'approprier de façon à ce qu'elle devienne foncièrement sienne et enrichisse son œuvre. Grâce à ces concentrés sémantiques, réactivés dans leur nouvel environnement textuel, Balzac réussit-il à se soustraire à l'angoisse de la nécessité de créer du neuf pour plutôt se permettre de réinventer ? L'exploration des effets ainsi produits par la démarche intertextuelle de Balzac mettra également en valeur les prochaines voies d'analyse offertes par le volet génétique et hypertextuel du projet ANR Phoebus-eBalzac.

Tania Duclos est professeure adjointe au département de Langues, littératures et études culturelles au St. Thomas More College de l'université de la Saskatchewan, Canada.
Publication
"Intratextualité et intertextualité du personnage : réemploi et création chez Balzac", Les Lettres romanes, vol. 71, n°1-2, 2017.

Jacques-David EBGUY : Le Balzac de l'épistémocritique. Un mariage de raison ?
L'œuvre de Balzac, parce qu'elle convoque des savoirs variés extérieurs au champ littéraire, sur lesquels elle assoit en partie sa légitimité, semble appeler le regard épistémocritique, soucieux d'interroger l'inscription — ses formes, ses fonctions — des "sciences" dans le texte littéraire. En un petit exercice de métacritique, on voudrait considérer ce que l'épistémocritique dit de Balzac, ce qu'elle pourrait en dire, et ce qu'elle ne peut en dire. Peut-être le massif balzacien est-il en effet un peu à l'étroit dans le costume épistémocritique. Son mode de totalisation, son projet esthétique, son ambition philosophique ne débordent-ils pas la visée cognitive, le "bricolage" formel et le sens scientifique auxquels cette approche critique paraît assigner la littérature ?

Maître de conférences à l'université de Paris Cité (ex. Paris Diderot), président du Groupe International de Recherches Balzaciennes, Jacques-David Ebguy a publié de nombreux articles sur les œuvres de Balzac, Flaubert, Stendhal, et sur les rapports entre littérature et philosophie contemporaine, et travaille actuellement sur le roman de l'impossible formation au XIXe siècle.
Publications
Le héros balzacien. Balzac et la question de l'héroïsme, Éditions Christian Pirot, 2010.
A dirigé, avec Rémi Astruc, Les Valeurs dans le roman, RKI Press, 2018.

Andrea GOULET : Balzac stratigraphe, ou Horace de Saint-Aubin auteur de l'anthropocène ?
Cette communication propose d'explorer les rapports entre la Comédie humaine et les sciences "palaetiologiques" (Whewell) de reconstruction et de géo-stratigraphie. En se penchant non pas sur le Cuvier de la fameuse querelle avec Saint-Hilaire mais plutôt sur le Cuvier d'un imaginaire cataclysmique des révolutions géologiques, il s'agira d'esquisser une dimension souterraine de la stratigraphie sociale chez Balzac. La pétrification instable d'Angoulême dans Illusions perdues, la topographie parisienne de précipices et d'abîmes devant les ambitieux tels Lucien de Rubempré et Eugène de Rastignac, le volcanisme de Vautrin qui crée des fissures entre le bas-fond et les hautes sphères de la société (Le Père Goriot, Splendeurs et misères des courtisanes) — ou encore le topos d'un enlèvement conduisant dans les catacombes dans le roman signé Horace de Saint-Aubin Le Centenaire ou les deux Béringheld — seront mis en dialogue avec un discours scientifique du XIXe siècle. On abordera aussi une réflexion sur la pertinence d'un lexique plus contemporain, celui de l'anthropocène, mis à l'épreuve de la socio-géologie balzacienne.

Andrea Goulet est professeur de français et des études francophones à l'université de Pennsylvanie (USA) et co-directrice de la NCFS (Nineteenth-Century French Studies Association). Elle a écrit des articles sur Balzac, Hugo, Sue, Poe, Villiers, Huysmans, Maupassant, Gaboriau, Leroux, Lermina, Malet, Claude Simon, Japrisot, et Dantec.
Publications
Optiques : the Science of the Eye and the Birth of Modern French Fiction, Penn, 2006.
Legacies of the Rue Morgue : Space and Science in French Crime Fiction, Penn Press, 2016.
En collaboration avec Robert Rushing, Orphan Black : Performance, Gender, Biopolitics, Intellect Press, 2018.

Kathia HUYNH : La médecine dans La Comédie humaine, entre savoir et romanesque
Durant la première moitié du XIXe siècle, le genre romanesque en pleine mutation utilise les ressources de disciplines ou de sciences exogènes pour construire sa légitimité en tant que genre sérieux et source de connaissances. La médecine, désormais considérée sur la scène sociale et dans les œuvres littéraires comme un domaine du savoir de premier plan, est mise au service du roman balzacien, qui s'inspire de ses méthodes et s'empare de ses découvertes pour mener à bien son ambition de peindre les hommes et leurs mœurs. Avec le prêtre et l'homme de loi, le médecin devient une figure privilégiée dans l'élaboration de l'image de marque que l'on veut donner du genre : homme doté de grandes qualités d'observation, d'analyse et de déduction, réservoir d'enseignements scientifiques comme moraux, il est une figure d'autorité institutionnelle dont le prestige rejaillit sur la forme romanesque balzacienne en cours d'invention. Cependant, la médecine et le médecin font aussi office de "cheval de Troie" du romanesque. Ces personnages passe-partout ont accès à tous les secrets de famille et assistent dans l'ombre aux crimes cachés ; le narrateur en fait régulièrement des moteurs narratifs, les entoure d'un voile de mystère qui tient le lecteur en haleine, voire leur délègue ses pouvoirs de conteur. Notre communication se proposera d'explorer cette tension visible dans toute La Comédie humaine, qui fait de la médecine un outil de mise à distance comme de retour du romanesque, et place le médecin à mi-chemin entre le savant et un conteur digne des Mille et Une Nuits.

Kathia Huynh, agrégée de Lettres modernes, est doctorante contractuelle à l'université d'Orléans. Elle prépare depuis septembre 2018 une thèse sous la direction d'Aude Déruelle portant sur la poétique du romanesque chez Balzac, intitulée "Le Poignard et le Scalpel. Balzac et le romanesque".
Publications
"Aventures imperceptibles. Le Curé de Tours (1832), Eugénie Grandet (1833) et Le Cousin Pons (1847) d'Honoré de Balzac", Communication proposée le 8 novembre 2020 dans le cadre d'un colloque international organisé par l'université de Bucarest, "L'aventure au-delà de l'aventure", Actes à paraître.
"Le discours de séduction, ou la fabrique de l'autorité", Lyon-Caen Boris (dir.), Revue Balzac, n°2, "L’intériorité", Paris, Classiques-Garnier, 2019, p. 53-72.
"Le romanesque du rien dans Le Cousin Pons", Deruelle Aude (dir.), Le Cousin Pons, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 67-80.

Boris LYON-CAEN : Balzac psychologue ?
Sous la plume de Balzac, "l'homme intérieur" devient le terrain d'une interrogation pleinement historique. Il convient en effet d'observer : 1. Ce que La Comédie humaine doit à l'évolution des manières de pratiquer l'analyse psychologique ; 2. Ce qu'elle accorde au procès historique d'"individualisation" (N. Elias), paradoxalement déterminé par le "milieu" où se débattent les personnages. L'enjeu est capital : ces questions inspirent de singuliers dispositifs d'immersion, dramatisant le récit et plaçant le narrateur et le lecteur dans des positions tout à fait neuves en littérature. Enfin, de telles trouées dans la vie psychique permettent peut-être de la modéliser — c'est-à-dire de distinguer les instances qui la composent et les dynamiques qui la travaillent. Vaste chantier…

Boris Lyon-Caen est maître de conférences à Sorbonne-Université. Ses recherches portent sur le roman français du XIXe siècle, et en particulier sur le courant réaliste.
Publications récentes
Direction de The Balzac Review / Revue Balzac, "L'intériorité", n°2, 2019.
"Le roman petit bourgeois", Balzac, l'invention de la sociologie, sous la dir. d'A. Del Lungo et P. Glaudes, Paris, Classiques Garnier, 2019.
"Un moment "littéraire" de la pensée : le statut de la connaissance dans la Physiologie du mariage", Balzac penseur, sous la dir. de F. Spandri, Paris, Classiques Garnier, 2019.

Marion MAS : Entre la lettre et l'Esprit des Lois : discours et représentations du droit dans La Comédie humaine
Balzac est sans doute l'un des romanciers les plus juridiques du XIXe siècle : La Comédie humaine, la critique l'a souvent souligné, ne se contente pas de mettre en scène des figures du droit (avocat, juge, condamné…), mais représente des mécanismes, des actions et des discours juridiques, sous des jours et dans des registres divers et contradictoires. Le Code civil ne fournit pas seulement des sujets au roman, mais intègre sa poétique : dans bien des récits, le Code fournit des scénarios romanesques, structure l'intrigue et fonde la tension narrative. Il s'agira alors d'examiner, à partir de quelques exemples, comment cette prise en charge totalisante du droit figure, d'un côté, un processus de spécialisation du savoir juridique, et d'un autre, l'élaboration compensatoire, par le roman, d'une sociologie juridique avant l'heure et de ce qu'on pourrait appeler une anthropologie juridique critique.

Marion Mas est maîtresse de conférences en littérature française à l'INSPE de Lyon et membre de l'IHRIM (UMR 5317). Ses travaux portent en particulier sur Balzac et sur les représentations de la famille dans le roman français du XIXe siècle, dans leurs relations avec le droit.
Publications
Le Père Balzac. Représentations de la paternité dans La Comédie humaine, Classiques Garnier, 2015.
A dirigé, avec François Kerlouégan, Le Code en toutes lettres. Écriture et réécritures du Code civil au XIXe siècle, Classiques Garnier, à paraître en 2020.

Dominique MASSONNAUD : Balzac et l'Histoire naturelle : transpositions épistémologiques
La pensée des Historiens de la nature paraît déterminante pour la production balzacienne. Les rencontres de Balzac avec Pyrame de Candolle à Genève, sa connaissance des "Messieurs du Museum" et de l'Académie des Sciences ou celle des écrits du "grand Goethe" ont pu marquer, en particulier, l'Avant-propos de La Comédie humaine. Plus largement, il s'agira de voir en quoi les textes de l'"historien du présent" qui propose une étude sociologique des caractérisations de l'homme — par son espace de vie et par les accidents de l'histoire — peuvent permettre de mettre en évidence d'effectives transpositions épistémologiques.

Dominique Massonnaud est professeur des universités (littérature des XIXe et XXe siècles), spécialiste des questions liées au réalisme littéraire et pictural.
Publications récentes
"Le "Penser par Cas" balzacien : une modélisation neuve pour l'analyse du présent", Balzac écrivain-monde : actualité d'une modélisation en action, André Vanoncini (dir.), L'Année balzacienne, nouvelle série, à paraître, 2020.
Goethe, le Mythe et la Science. Regards croisés dans les littératures européennes, D. Massonnaud (dir.), mai 2019 (en ligne).
"Goethe et le transformisme français : histoire et actualité", Goethe, le mythe et la science, mai 2019 (en ligne).
Faire vrai. Balzac et l'invention de l'Œuvre-monde, Genève, Droz, 2014.

Alexandre PÉRAUD : Faire œuvre économique contre l'économie politique
Bien qu'on qualifie proverbialement Balzac de romancier de l'argent, les relations de l'auteur de La Comédie humaine avec l'économie politique n'ont jamais été véritablement étudiées. Ce silence est d'autant plus étonnant que cette "science" connait en France, malgré sa relative jeunesse, un fort rayonnement au cours du premier XIXe siècle et qu'elle occupe une place singulière dans la pensée et l'écriture de Balzac. Car même s'il se moque de "son Altesse impériale l'Économie politique", même s'il récuse les principes de Smith ou de Say, à commencer par la croyance en l'équilibre naturellement harmonieux du marché, sa pensée économique fait avec les mécanismes des Libéraux. Balzac élabore ainsi, tant au sein des fictions que des essais, une économie politique romantique qui remet l'économie à sa juste place, celle d'une science pratique au service du politique.

Alexandre Péraud est Responsable scientifique UBIC. Maître de conférences en littérature française et diplômé de l'Institut d'Études Politiques de Bordeaux. Spécialiste du romantisme et du roman réaliste, il réfléchit aux relations qu'entretiennent la littérature et les sciences, notamment l'économie, au XIXe et XXe siècles. Il assure la direction de l'Unité de Formation et de Recherche "Humanités" rassemblant les arts, l'histoire, l'histoire de l'art et archéologie, les lettres et la philosophie. Il a dirigé le Master professionnel IPCI (Ingénierie de Projets Culturels et Interculturels) de l'université Bordeaux Montaigne, et il est engagé au sein du milieu culturel où il a occupé des responsabilités administratives au sein de l'administration du Ministère de la culture et des collectivités territoriales. Ce travail de liaison entre l'université et le monde de la culture l'a conduit à créer en 2015 UBIC, Centres d'Innovation Sociétale reconnu par l'IdEx.

Franc SCHUEREWEGEN : Intentio auctoris (sur un problème de méthode)
La question de l'intentio est depuis toujours un casse-tête pour le théoricien de la littérature et, donc, pour le critique. Si, moi, critique, pour que mon analyse soit valable, j'ai besoin de l'aval de l'auteur, je mets en cause ma propre légitimité, je me rends inutile. Toutefois, le texte est écrit par un auteur et je ne suis pas l'auteur du texte d'un autre. Si je raisonnais de la sorte, la littérature cesserait d'exister. La posture contre-auctoriale est fréquente en milieu balzacien et cela depuis toujours également. Nous nous intéressons dans ce colloque à la "spécialisation des savoirs chez Balzac". Qu'en est-il de "notre" savoir de balzaciens, alors que notre objet d'étude est un texte ? On aime se représenter l'auteur de La Comédie humaine comme un génie malgré lui, merveilleux hurluberlu, fantasque personnage qu'on admire malgré ses défauts et, aussi, à cause d'eux. Balzac écrit mal, a-t-on dit (Lanson, Proust), Balzac est "disparate" (Macherey, Dällenbach), "tensions et contradictions" sont courantes dans son œuvre (je cite un numéro récent de Romantisme). La critique est là (ce sont les mêmes qui le disent) pour mettre un peu d'ordre dans tout cela. Le critique sait, l'auteur, lui, vit dans l'ignorance sur la vérité de son œuvre. Quel toupet ! Quel orgueil ! Quel hubris ! Peut-être devrions-nous, dans l'intérêt de notre discipline, de notre spécialisation, changer de paradigme. "L'intention de l'auteur est la seule candidate possible au statut de source de la signification" (Stanley Fish).

Francesco SPANDRI : Balzac et la hantise du chiffre (sur le savoir statistique)
L'œuvre balzacienne s'inscrit dans une époque de développement accéléré du savoir statistique. Dans l'univers de La Comédie humaine le langage des chiffres revêt une importance croissante. Bien conscient du caractère mouvant et insaisissable de la société contemporaine, Balzac conçoit le roman comme projet totalisant et lieu de mesure du réel. Pour explorer cette conception qui fait de l'ouverture encyclopédique et de la précision chiffrée le domaine propre de la littérature, on s'intéressera : à la réflexion que Balzac entreprend sur le lien entre poétique romanesque et logique de l'accumulation ; à la façon dont le texte associe prolifération du chiffre et représentation de l'argent.

Francesco Spandri est professeur de littérature française à l'université Roma Tre. Ses travaux portent en particulier sur Stendhal, sur Balzac et sur le rapport entre littérature et économie au XIXe siècle. Il dirige The Balzac Review/Revue Balzac (Paris, Classiques Garnier).
Publications récentes
"Balzac et le pouvoir de la parole à "l'ère de l'intelligence"", Studi francesi, n°186, 2018.
"Balzac et le non-sens de la terre", French Studies, 73.4, 2019.
"De l'argent comme dissolvant social : La Cousine Bette", Balzac, l'invention de la sociologie, sous la dir. d'Andrea Del Lungo et de Pierre Glaudes, Paris, Classiques Garnier, 2019.
A dirigé le volume Balzac penseur, Paris, Classiques Garnier, 2019.

Karolina SUCHECKA : Le projet eBalzac : un hypertexte des sources scientifiques
Le projet ANR Phœbus-eBalzac (ebalzac.com) a pour objectif de permettre des recherches et des comparaisons intertextuelles afin de mettre en résonance l'ensemble de l'œuvre balzacienne avec un vaste corpus d'écrits contemporains (œuvres romanesques, littérature panoramique, ouvrages scientifiques). Lors de cette communication, nous nous pencherons sur les enjeux littéraires, informatiques et éditoriaux de la constitution d'une bibliothèque hypertextuelle des sources intellectuelles de l'écrivain. Nous décrirons les différentes étapes d'une investigation opérée sur des quantités considérables de textes (qu'il eût été impossible d'exploiter manuellement) en nous intéressant plus particulièrement aux résultats des comparaisons intertextuelles élaborées semi-automatiquement entre La Comédie humaine et des théories scientifiques de l'époque.

Doctorante à l'université de Lille, Karolina Suchecka travaille sur la réécriture et l'édition intermédiale en explorant les possibilités des outils informatiques et du traitement automatique des langues.
Publication
"Édition comparative intermédiale de séries traductives : exploiter les homologies pour créer des visualisations modulables", avec N. Gasiglia et K. Zieger, TAL, 60/3, 2019.

Laélia VÉRON : Balzac et le langage des prisons: savoir linguistique ou fantasme romanesque?
Le développement, au XIXe siècle, du système pénal moderne suscite une profusion de discours (politiques, juridiques, administratifs, hygiénistes) et de pratiques (enquête hygiéniste, enquête sociale). La littérature n'est pas en reste : comme l'a montré Marion Croisy, elle est, au XIXe siècle, le lieu d'une "représentation problématisée de la prison" (2016) qui s'inscrit dans l'actualité de ces débats. Or, si la littérature au XIXe siècle est bien loin de constituer un champ distinct des savoirs de l'époque, la frontière entre discours littéraires et savoirs constitués sur les prisons est particulièrement poreuse. Écrivains, hygiénistes, juristes, mais aussi lexicographes se lisent et s'influencent mutuellement. Nous nous proposerons d'étudier, parmi cette profusion de discours, la position romanesque de Balzac en prêtant particulièrement attention à son approche de la prison comme espace linguistique.

Agrégée de Lettres modernes, diplômée de l'ENS Lyon, Laélia Véron est maîtresse de conférences en langue française et stylistique à l'université d'Orléans. Elle est également enseignante en détention.
Publications
Le Français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, avec M. Candea, La Découverte, 2019.
Parler comme jamais, Le Robert, 2021.
Approches matérialistes du réalisme, avec V. Berthelier, A. Goudmand, M. Roussigné (dir.), PUV, 2021.

Andrew WATTS : Balzac et la "la loi du plus fort", l'adaptation, l'éco-traductologie et La Peau de chagrin à l'écran
Cette communication utilise l'éco-traductologie — un concept inspiré de la théorie darwinienne de la sélection naturelle — pour examiner les adaptations cinématographiques et télévisuelles de La Peau de chagrin. En se concentrant sur The Magic Skin (1915, Ridgely) et La Peau de chagrin (1980, Favart), cette discussion réfléchit aux raisons pour lesquelles des textes spécifiques sont sélectionnés pour être adaptés et aux facteurs qui déterminent leur aptitude à être réinventés. L'analyse de The Magic Skin montre en particulier que les cinéastes muets ont été attirés par le roman de Balzac bien évidemment parce qu'il s'agissait d'une histoire bien connue susceptible d'attirer les spectateurs, mais aussi parce que son réalisme fantastique encourageait le genre d'effets spéciaux cher au cinéma des débuts. L'argument est ensuite développé en explorant la sélection en tant que principe directeur du processus adaptatif. Les décisions sont prises aux niveaux macro et micro sur ce qui est adapté et pourquoi. Ces décisions impliquent, par exemple, s'il faut adapter des points spécifiques de langage et de registre, et s'il faut déplacer l'accent thématique du récit source (par exemple, vers l'horreur). Cette intervention soutient finalement que les adaptateurs doivent prendre des décisions créatives afin de maximiser leurs chances de succès artistique et commercial, et que l'éco-traductologie peut considérablement améliorer notre compréhension de ces processus.

Andrew Watts est maître de conférences à l'université de Birmingham (Royaume-Uni) et co-directeur de "B-Film : The Birmingham Centre for Film and Television Studies". Ses recherches portent sur les adaptations de la littérature du dix-neuvième siècle dans différents médias. Il prépare actuellement un livre sur la relation entre les adaptations artistiques et les théories de l'évolution biologique, intitulé Darwinian Dialogues : Adaptation, Evolution, and the Nineteenth-Century Novel.
Publications
Adapting Nineteenth-Century France, avec Kate Griffiths, University of Wales Press, 2013.
The Cambridge Companion to Balzac, dir. avec Owen Heathcote, Cambridge University Press, 2017.
The History of French Literature on Film, avec Kate Griffiths, Bloomsbury, 2020.
À paraître en 2023 : direction de The Balzac Review / Revue Balzac, "L'Adaptation", n°6.


BIBLIOGRAPHIE :

Balzac, l'invention du roman, Claude Duchet & Jacques Neefs (éds.), Colloque de Cerisy, Belfond, 1982.
Penser avec Balzac, José-Luis Diaz & Isabelle Tournier (éds.), Colloque de Cerisy, Éditions Christian Pirot, 2003.
La Comédie (in)humaine de l'argent, Alexandre Péraud (éd.), BDL, 2013.
Balzac, l'invention de la sociologie, Andrea Del Lungo & Pierre Glaudes (éds.), Classiques Garnier, 2018.
Balzac penseur, Francesco Spandri (éd.), Classiques Garnier, 2019.
Balzac et la langue, Éric Bordas (éd.), Kimé, 2019.


SOUTIENS :

• Projet ANR Phœbus-eBalzac | Sorbonne université
• Institut d'histoire des représentations et des idées dans les modernités (IHRIM, UMR 5317) | ENS de Lyon
• Équipe OBTIC | Sorbonne Center for Artificial Intelligence (SCAI)