Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


APRÈS LACAN


DU MERCREDI 25 MAI (19 H) AU DIMANCHE 29 MAI (14 H) 2022

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Marielle DAVID, Pierre MARIE, Alain VANIER


ARGUMENT :

40 ans après la mort de Lacan, le rayonnement de son œuvre est acquis au point qu'elle peut paraître indépassable. Pourtant, ce colloque se propose de revenir sur ses propositions aujourd'hui où non seulement la psychanalyse s'efface du débat contemporain mais où cet enseignement, dont le pouvoir subversif était le fil conducteur, est souvent réduit à des lieux communs.

L'œuvre de Freud avait déjà subi pareille mésaventure et l'on sait combien le bouleversement qu'elle avait suscité avait tôt fait d'être effacé sitôt le père de la psychanalyse disparu.

La psychanalyse serait-elle donc vouée à des cycles où la vérité qu’elle promeut bénéficie d'une ouverture avant d'être occultée pour réapparaître plus tard à travers une nouvelle formulation ?

Mais, comme nous sommes nécessairement les "fils de notre temps", ce sont alors les formes de vie de notre modernité qu'il y a à interroger pour comprendre les raisons de ce cycle.


MOTS-CLÉS :

Amnésie infantile, Bollas (Christopher), Débat contemporain, Freud, Lacan, Langage, Malaise, Métapsychologie, Principe de réalité, Psychanalyse, Psychiatrie, Réel, Savoir, Sexe, Sujet, Transmission, Vérité, Vie psychique


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 25 mai
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 26 mai
LIRE LACAN AUJOURD'HUI
Matin
Pierre MARIE & Alain VANIER : Ouverture
Patrick LANDMAN : Lacan : l'après-coup
Gisèle CHABOUDEZ : Déchiffrer Lacan

Après-midi
Amos SQUVERER : Pour mieux entendre ce que l'on dit : un dialogue entre psychanalyse et les théories post-structuralistes [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Annie TARDITS : Lacan dans les marges
Jean-Jacques RASSIAL : Qu'est-ce que réinventer la psychanalyse ?

Soirée
Concert à quatre mains, par les pianistes Camille BELIN [présentation] et Emmanuel BIRNBAUM [présentation]


Vendredi 27 mai
APPROCHER LE RÉEL
Matin
Sidi ASKOFARÉ : Spectres de Lacan [texte lu par Alain VANIER]
Solal RABINOVITCH : Un glissement de l'imaginaire à l'irréel dans le dialogue psychotique
Jocelyn BENOIST : Freud au-delà du principe de réalité

Après-midi
François LEGUIL : Le choix du sexe
Erik PORGE : Les trois corps de l'analyste
Marielle DAVID : Être ou ne pas être dupe du Réel

Soirée
Concert à quatre mains, par les pianistes Camille BELIN [présentation] et Emmanuel BIRNBAUM [présentation]


Samedi 28 mai
PSYCHANALYSER DEPUIS LACAN
Matin
Chantal CLOUARD : Du malaise dans la vie psychique à l'impertinence du langage : la manière oblique
Sarah NETTLETON : La contribution de Christopher Bollas à la métapsychologie psychanalytique

Après-midi
Virginie JACOB ALBY : L'infantile, après Lacan
Laurent DELHOMMEAU : Lacan pratique. Réflexions sur l'apport de Lacan à la psychiatrie
Brigitte LALVÉE : La passion du réel
Frédéric BROCHARD : Et les analysants ? Questions intempestives

Pierre MARIE & Alain VANIER : Conclusion

Soirée
Concert à quatre mains, par les pianistes Camille BELIN [présentation] et Emmanuel BIRNBAUM [présentation]


Dimanche 29 mai
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Marielle DAVID : Être ou ne pas être dupe du Réel
Le Réel, à l'articulation entre le bain de langage et la jouissance du corps, a fasciné Lacan qui l'a abordé par la corde qui compose le nœud à trois, Celui que le Réel fait avec l'Imaginaire et le Symbolique, en finissant par affirmer lors de son dernier séminaire : "Le Réel est tissu". Comment penser après Lacan, après avoir été une de ses élèves tout en ayant une psychanalyste affiliée à la SPP ? Le Réel est, de fait, le sujet des recherches sur la perception chez le bébé qui se sont développées depuis sa mort et nous étudierons ses modes de ré-articulation en repensant l'évolution de l'inconscient chez le petit enfant.

Marielle David est pédopsychiatre, psychanalyste.
Publication
Champ de l'amour et du désir, PUF, 2003.


Sidi ASKOFARÉ : Spectres de Lacan
Depuis qu'en nous quittant, en 1981, il est devenu radicalement Autre, selon sa propre prédiction, Jacques Lacan n'a cessé et ne cesse de hanter la psychanalyse et les psychanalystes. La psychanalyse, autant comme pratique et discours que comme savoir. Les psychanalystes également, ceux qu'il a formés ou seulement orientés, mais également ceux qui n'ont eu de cesse de le combattre de son vivant ou de le poursuivre de leur haine post-mortem. Mais au-delà de la psychanalyse et des psychanalystes, c'est toute la culture de notre temps, qu'il a tant sondé et interprété, qui a affaire à son absence-présence, à ses fantômes. Sous quelles formes et avec quelles conséquences ? C'est ce que je tenterai d'explorer dans cette communication.

Né en 1954 à Tombouctou (Mali), Sidi Askofaré pratique et enseigne la psychanalyse à Toulouse. Il est membre (AME) de l'École de psychanalyse des Forums du Champ Lacanien. Docteur en Psychologie (3ème Cycle) et Docteur d'État ès Lettres et Sciences Humaines, est Professeur émérite de Psychologie clinique à l'université de Toulouse-Jean Jaurès et Directeur de recherches à l'université de Paris.
Publications
Les Références de Lacan (Aristote, Descartes, Kant, Hegel, Marx), Presses universitaires du Mirail.
D'un discours l'Autre. La science à l’épreuve de la psychanalyse, PUM.
Clinica del sujeto y del lazo social, Gloria Gómes Ediciones, Bogota.
Psiconanálisis vs Psicoterapia, Ed. L. Vieco er Hijas, Medellin.
"Présence de Marx. Lecture de Spectres de Marx de Jacques Derrida", BARCA ! Psychanalyse, Politique, Poésie, 1994, n°2, pp. 149-155.
"Avec Lacan… ou se faire son contemporain", Essaim. Revue de Psychanalyse, n°42, Toulouse, Érès, pp. 123-126.
"Fidélité de Lacan", 2021 Lacan au présent, Paris, Éditions Nouvelles du Champ Lacanien, 2021, pp. 25-34.

Jocelyn BENOIST : Freud au-delà du principe de réalité
On s'interrogera sur ce que la psychanalyse peut apporter dans un contexte où la question du réalisme semble redevenu centrale — peut-être parce que la réalité d'aujourd'hui est à plus d'un titre insupportable et/ou qu'il y a aujourd'hui plus d'une raison de douter de la réalité. Pour ce faire, on répétera le geste inaugural de Lacan : celui du retour à Freud. Dans cette répétition d'une répétition, on rencontrera deux choses : la problématicité de la réalité, intuition cardinale tant de l'épistémologie freudienne que de la refondation analytique de l'épistémologie (qui est aussi sa délimitation) ; mais également, cachée derrière ce premier problème, la difficulté, autrement redoutable, du réel, au-delà du principe de réalité.

Jocelyn Benoist est Professeur de philosophie contemporaine à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il travaille essentiellement sur la question du réalisme.
Publications
Les Limites de l'intentionalité, Vrin, 2005.
L'Adresse du Réel, Vrin, 2017.
En co-édition avec Renaud Barbaras, Phénoménologie et Psychanalyse : Hommage à Guy-Félix Duportail, Hermann, 2021.

Gisèle CHABOUDEZ : Déchiffrer Lacan
Un auteur psychanalyste ayant voulu ne pas être compris trop vite de ses contemporains, tant il constatait la rapide transformation du discours de son prédécesseur en mode de vie adapté aux sociétés où il se déployait, a pris le parti de chiffrer son discours, particulièrement à l'écrit. On le conçoit, et l'on en sait les raisons, mais 40 ans après la disparition de Lacan, les choses sont à peu près en l'état. Son dire fondamental n'a pas été dans l'ensemble déchiffré, les solutions qu'il apporte dans la pensée psychanalytique sont restées en partie en souffrance, son texte est lu, lorsqu'il l'est, sans en tirer conséquence, sa théorie fondamentale reste anecdotique. On ne peut désormais que le déchiffrer comme on déchiffre un rêve ou un lapsus, pour faire de ce déchiffrage enseignement.

Gisèle Chaboudez est psychiatre, psychanalyste, ancienne directrice médicale de CMPP et CAPP, vice-présidente d'Espace analytique.
Publications
L'équation des rêves, Denoel, 2000, érès, 2019.
Que peut-on savoir sur le sexe ? Un rapport sans univers, Hermann, 2017.
Ce qui noue le corps au langage, Hermann, 2019.
Féminité singulière, érès, 2020.

Chantal CLOUARD : Du malaise dans la vie psychique à l'impertinence du langage : la manière oblique
Lacan, comme Freud avant lui, donne une place importante aux œuvres littéraires. En convoquant Sade, Gide, Claudel, Joyce, Beckett, Duras, il renouvelle la critique littéraire, affirme la polysémie de la littérature et sa surdétermination en la mesurant à la psychanalyse : "l'inconscient parle et s'écrit". L'intérêt porté aux fictions se déplace sur le hors-sens et sur les effets d'un dire indescriptible. Car l'instance de la lettre, entre écriture et lecture, "l'habite qui parle", au risque d'y rester en souffrance, d'y faire trou, et de ne pas cesser de se dire. Y a t-il encore aujourd'hui un espace d'écriture et une langue pour dire la singularité du sujet ? Nous interrogerons ce qui a fait littérature pour Lacan et ce qui persiste ou menace l'intime. Que peut encore une certaine Littérature pour donner éclairage à la pratique analytique ?

Chantal Clouard est docteur en psychologie, psychanalyste.
Publications
Psychanalyse et cinéma. Du visible et du dicible, avec M. Leibovici (dir.), Colloque de Cerisy, Hermann, 2019.
La narrativité. Racines, enjeux et ouvertures, avec B. Golse et A. Vanier (dir.), Colloque de Cerisy, Éditions In Press, 2017.

Laurent DELHOMMEAU : Lacan pratique. Réflexions sur l'apport de Lacan à la psychiatrie
Quelques concepts élaborés par Lacan sont essentiels au soin que nous portons aux personnes en grande souffrance psychique. La forclusion, l'articulation entre le symptôme, le passage à l'acte et l'acting-out, le sinthome, pour ne citer qu'eux, donnent toute leur épaisseur à des pratiques thérapeutiques qui s'inscrivent dans la longue histoire de l'articulation entre psychanalyse et psychiatrie. Avec la "joie du déchiffrage" appliquée aux mystères auxquels nous confrontent les personnes déprimées, les schizophrènes, les "malades mentaux", nous nous trouvons aux antipodes de cette "santé mentale" abêtissante, aplatissante et désubjectivante, qui déferle sur les lieux d'accueil collectif et envahit jusqu'au colloque singulier. La conceptualisation de Lacan s'est trouvée de tout temps articulée à sa pratique même, mais aussi aux expériences les plus vivantes des années 60, 70. Nous explorerons ainsi la proximité de Lacan avec Maud Mannoni, son soutien à l'École expérimentale de Bonneuil, ainsi que la façon dont ce qui se jouait à La Borde se trouvait pris dans un aller-retour constant avec son élaboration. Une subversion de la psychiatrie s'est opérée, l'enjeu est aujourd'hui de poursuivre ce travail essentiel à un authentique "traitement de la psychose".

Laurent Delhommeau est psychiatre, psychanalyste, membre d'Espace Analytique, médecin directeur de l'hôpital de jour pour adolescents Gombault Darnaud.
Derniers articles publiés
"Le luxe de l'étude", et "L'esseulement du sujet", publiés par Figures de la psychanalyse.

Sarah NETTLETON : La contribution de Christopher Bollas à la métapsychologie psychanalytique
Cette présentation explorera les éléments fondamentaux de la vision psychanalytique de Bollas. Pour Freud, le refoulement est au centre de la psyché. Bollas, d'autre part, suggère que l'inconscient — sa structure et son fonctionnement — est formé d'un processus de créativité, basé sur une interaction continue entre le monde interne et la réalité externe. Ce développement psychique dure depuis les origines de l'esprit dans l'utérus jusqu'à notre mort. Il y aura une brève introduction a divers concepts, y compris l’inconscient réceptif, l'idiome humain, la pensée non connue, et le monde des objets évocateurs. Enfin, nous examinerons quelques-unes des implications de ces concepts innovants pour notre compréhension de la psychanalyse clinique.

Sarah Nettleton est psychanalyste à Londres. Sa première carrière était en tant que pianiste accompagnatrice. Depuis 20 ans, elle s'est spécialisée dans l'œuvre de Bollas qu'elle a enseigné en Grande-Bretagne, en Europe, et en Israël, Amérique, Mexique, Ukraine et Inde. Son livre La Métapsychologie de Christopher Bollas : une introduction sera publié en français en 2022.

Erik PORGE : Les trois corps de l'analyste
En m'inspirant de la lecture de Richard II de Shakespeare, notamment par Kantorowicz, je ferai référence à la logique des "deux corps du roi" pour présenter les trois corps de l'analyste en jeu dans l'écart entre la pratique des cas et la pratique de la théorie. Ces trois corps distinguent trois "territoires" du langage, réel, imaginaire et symbolique, séparés et tressés, autrement chez Lacan que chez Freud. Cette référence permet d'aborder ladite "extraterritorialité" de l'analyste de façon non binaire, extraterritorialité qui s'inscrit pour Lacan dans la question de la "formation" de l'analyste comme formation de l'inconscient.

Erik Porge exerce la psychanalyse à Paris, il est membre de l'Association "L'instance lacanienne" et dirige la revue et la collection Essaim chez érès.
Bibliographie
Richard II, Shakespeare.
Les deux corps du roi, E. Kantorowicz.
Séminaire L'insu que sait de l'une bévue s'aile à mourre, J. Lacan.
"L'instance de la lettre ou la raison depuis Freud", Écrits, J. Lacan.
"Situation de la psychanalyse et formation du psychanalyste en 1956", Écrits, J. Lacan.
Amour, désir, jouissance. Le moment de la sublimation, E. Porge, Éditions érès, 2021.

Solal RABINOVITCH : Un glissement de l'imaginaire à l'irréel dans le dialogue psychotique
Défection du corps du langage comme transparence du corps vivant, sont les coordonnées de ce surprenant dialogue, le dialogue psychotique. Non spéculaire, il n'engage aucunement le "je" qui parle dans son propre reflet, ou dans celui de l'autre. Par contre, il nous emmène vers l'étendue d'un appareil psychique pour deux, appareil à penser à deux. Étendue mentale qui, à prendre la place d'un imaginaire du corps que le narcissisme primaire renvoyait à sa désuétude, serait à connoter d'irréelle. Nous pouvons rencontrer des fragments de cette notion d'irréel chez Lacan non seulement à propos de l'objet irréel du délire ou de l'organe de la libido (mythe de la lamelle), mais aussi à propos de l'acte analytique ou de la pulsion de mort. Chaque fois, tel une doublure du réel qui entrerait en relation avec le réel (de la voix) et le symbolique (du langage), l'irréel suppléerait à un imaginaire, défaillant dans la psychose, pour nouer réel et symbolique.

Solal Rabinovitch est psychiatre et psychanalyste à Paris. Membre de l'École freudienne de Paris de 1964 à 1980, puis de l'École de la cause freudienne de Paris de 1981 à 1991, elle est actuellement membre de l'École de psychanalyse Sigmund Freud.
Publications
Écritures du meurtre — Freud et Moïse : écriture du père 3, érès, Collection "Scripta", 1997.
La forclusion — Enfermés dehors, érès, collection "Scripta", 1998.
Les voix, érès, Collection "Point Hors Ligne", 1999, réédition 2018.
La folie du transfert, érès, Collection "Scripta", 2006.
L'ange, le fou le savant et le psychanalyste — Une affaire de pensées, érès, Collection "Scripta", 2017.

Jean-Jacques RASSIAL : Qu'est-ce que réinventer la psychanalyse ?
En 1978, Lacan définit un devoir des psychanalystes : "Il faut que chaque psychanalyste réinvente, d'après ce qu'il a réussi à retirer du fait d'avoir été un temps psychanalysant, que chaque analyste réinvente la façon dont la psychanalyse peut durer". Ce n'est évidemment pas à une révision de la psychanalyse que Lacan invite, mais bien, dans la suite de la passe, du devoir de l'analyste, en intension, dans chaque cure, et en extension, dans la théorie de la pratique et la pratique théorique. On tentera d'en examiner les enjeux de nos jours.

Publications
"Logiques de la Verleugnung", "Préface", in Interprétation et jugement, Rouen, MJWFédition, 2022.
Manifeste déiste d'un psychanalyste juif, 2018, érès, Toulouse.
La Dénégation, de Sigmund Freud, présentation et commentaire, Collection "Freud à la lettre", Éditions In Press, 2017 (Édition poche réduite, In Press, 2017).
Le Sujet en état limite, Éditions Denoël, Octobre 1999, Paris [traductions espagnole et portugaise] (Éditions de poche, Toulouse, érès, 2017).
Court traité de pratique psychanalytique, Toulouse, érès, 2011.

Amos SQUVERER : Pour mieux entendre ce que l'on dit : un dialogue entre psychanalyse et les théories post-stucturalistes
Un ensemble d'auteurs que l'on a l'habitude de qualifier des post-structuralistes a vu le jour en France dans les années 60-70, changeant et renouvelant de manière durable et significative les sciences humaines et sociales. Une certaine psychanalyse structuraliste, mettant au centre une conception spécifique du Père et de l'Œdipe, devient, dès lors, critiquée et dépassée. Mais comment précisément ces critiques et le dialogue avec ces post-structuralistes permettent à la psychanalyse non pas de devenir elle-même un discours post-moderne, mais de renouveler son propre inédit ? Comment ce dialogue permet-il de réveiller des facettes restées dans l'ombre qui étaient pourtant déjà-là dans l'impulsion originaire de départ ? Autrement dit, comment ce dialogue permet à la psychanalyse de mieux entendre ce qu'elle dit ? Il s'agit de montrer comment Freud propose une pensée du complexe qui permet de dépasser l'opposition entre une logique binaire et sa déconstruction.

Amos Squverer est psychanalyste et psychologue clinicien à Paris. Maître de conférences à l'université Sorbonne Paris Nord. Il travaille sur l'articulation d'une clinique psychanalytique du sujet et le lien social contemporain. Il a publié de nombreuses articles et a co-dirigé avec Laurie Laufer, Foucault et la psychanalyse, Hermann 2015.

Annie TARDITS : Lacan dans les marges
40 ans après… serait-il venu le moment pour l'œuvre de la clore au futur antérieur ? Ce qu'auront été la "tâche en progrès" de Lacan et ses lieux, séminaire, écrits, école… Mais dans quelques marges, échappant par leur bord extérieur à la clôture, insiste un actuel de sa recherche et de son élaboration éclairant plus que jamais l'actuel de — ce sont ses termes — notre "civilisation scientifique". Des propos à tenter d'articuler.

Bibliographie
J. Lacan, "La science et la vérité", dans Écrits, Paris, Seuil, 1966.
A. Tardits, "La réalisation de l'homme comme individu", dans L'insistance du réel, Coll. "Scripta", Éd. érès, 2007.

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


DE QUOI L'ART BRUT EST-IL LE NOM ?


DU MERCREDI 18 MAI (19 H) AU DIMANCHE 22 MAI (14 H) 2022

[ colloque de 4 jours ]


Jean Perdrizet. Sans titre (Un robot ouvrier qui voit les formes par coupes de vecteurs en étoile), circa 1970. Encre et crayons de couleur sur papier, 65 x 40 cm © courtesy christian berst art brut


DIRECTION :

Christian BERST, Raphaël KOENIG


ARGUMENT :

L'art brut demeure sans doute un des derniers grands impensés de l'art. Même si — comble du paradoxe pour un art que Jean Dubuffet voulait "épris d'obscurité" — celui-ci est plus que jamais sous les feux de la rampe, de la Biennale de Venise au Musée Guggenheim en passant par le Musée d'art moderne de la Ville de Paris et le MoMA, il ne cesse de susciter interrogations, émerveillements, et remises en cause.

Preuve de la capacité sans cesse renouvelée d'œuvres "hors-norme", créées par des artistes évoluant le plus souvent dans une altérité sociale ou mentale, de chambouler "l'horizon d'attente" de leurs spectateurs, introduisant ainsi un ferment disruptif au sein des mécanismes de création, de validation et d'exposition du monde de l'art.

Preuve également de l'instabilité sémantique d'une notion qui, depuis trois quart de siècle, semble singulièrement rétive aux tentatives de définition ou de systématisation : tout en proclamant, au milieu des années 1940, l'existence d'un "art brut" qui s'affirme avec l'évidence d'un phénomène naturel, Jean Dubuffet ne l'a-t-il pas également placé sous le signe d'une étrange amnésie ? Personnage à la Calvino, perpétuellement en quête de définition, "l'art qui ne sait pas son nom" semble devoir nous inviter à un questionnement ouvert, à condition du moins de s'affranchir du manichéisme de ses débuts.

Il semble donc crucial que les instances culturelles s'y attèlent, même s'il faut pour cela qu'elles se dotent de nouveaux outils pour en saisir toute la portée. L'examen de ce champ — sans concession ni complaisance pour les dogmes du passé — permettra de mieux comprendre le travail que font les œuvres d'art sur ceux qu'elles émeuvent, afin de rédiger ce chapitre essentiel qui fait encore largement défaut à l'histoire de l'art.

Dans ce but, ce colloque fondamentalement interdisciplinaire associera des intervenants issus de l'université — combinant ainsi les méthodologies respectives de l'histoire de l'art et des idées, de la philosophie, de la sociologie, et de la littérature française et comparée — mais aussi des praticiens — psychanalystes, commissaires d'exposition, critiques d'art, galeristes, collectionneurs — afin de croiser les approches et de faire surgir de nouvelles perspectives sur un sujet encore largement inexploré.

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2020, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2020 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Altérité, Art brut, Art des fous, Avant-garde, Création, Création hors-norme, Esthétique, Histoire de l'art, Médiumnité, Métaphysique, Mondes de l'art, Mythes, Mythologie individuelle, Sociologie de l'art


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 18 mai
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 19 mai
Matin
Christian BERST et Raphaël KOENIG : Introduction

(PRÉ-) HISTOIRE, MYTHE, NOTION(S)
Christian BERST : L'art brut en question
Antoine FRÉROT : Ce que l'art brut me fait
Jean-Marc LEVERATTO : Mesurer l'altérité. Le jugement de l'œuvre d'art dite "brute" et ses enjeux

Après-midi
Choghakate KAZARIAN : Outsider parmi les outsiders : Louis Michel Eilshemius (1864-1941)
Raphaël KOENIG : Art brut et avant-gardes : stratégies d'exposition
Marina SERETTI : L'art brut et ses agents


Vendredi 20 mai
FORMES DE LA CRÉATION : MÉDIAS, PRATIQUES INDIVIDUELLES ET COLLECTIVES
Matin
Gérard AUDINET : L'art médiumnique est un réalisme
Annie FRANCK : Une œuvre : une adresse ? Perspectives psychanalytiques sur l'art brut
Pascal PIQUE : Art brut et énergétiques de l'invisible [visioconférence]

Après-midi
Gustavo GIACOSA : Art Brut & création dans les ateliers. Un constat de la situation actuelle
Joana MASÓ : La culture de la psychothérapie institutionnelle à Saint-Alban
Marc LENOT : Tirer ou coller ? Pulsion scopique ou pulsion graphique ?

Soirée
"OUTSIDER inspired by Henri Drager", performance musicale et visuelle de Philippe COHEN SOLAL et Pascal GARY (Phormazero), avec la participation du comédien Denis LAVANT


Samedi 21 mai
ART BRUT ET MONDES DE L'ART : ENJEUX INSTITUTIONNELS ET CONCEPTUELS
Matin
Chiara SARTOR : Du dossier médical à la scène. Statuts et devenirs des écrits bruts
Bruno DUBREUIL : L'art brut en miroir de l'art contemporain [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Carles GUERRA : L'art des réfugiés : l'exil comme pathologie. À propos de Miguel Hernandez, Joaquim Vicens Gironella et José García Tella

Après-midi
Jean-Hubert MARTIN : De la création hors concours
Claire MARGAT : L'historicité de l'art brut : une origine ou une fin de l'art ?
Corinne RONDEAU : Ce qu'il y a de brut, c'est la surprise


Dimanche 22 mai
Matin
Christian BERST et Raphaël KOENIG : Conclusions

Discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


PRESSE / MÉDIAS :


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Bruno DUBREUIL : L'art brut en miroir de l'art contemporain
Il y aurait deux façons de considérer l'art brut : la première consisterait à le circonscrire au moment historique de son invention par Jean Dubuffet et à le maintenir à l'intérieur du champ esthétique et conceptuel tracé par les critères définis. Ce qui serait la plus sûre façon de l'anesthésier et d'en limiter la portée. La seconde viserait à considérer l'art brut comme une force agissante, porteuse d'attitudes et de pratiques capables d'innerver, à chaque époque, l'art de son temps. L'art brut finirait alors par occuper une sorte de fonction dans le paysage artistique contemporain: celle de contribuer à contrebalancer un geste artistique qui se conformerait d'avance au contexte social, culturel et économique qui va en conditionner la réception. Face à une pensée artistique alors menacée de devenir une rhétorique appliquée, l'art brut reste cette forme d'incarnation du territoire infini du risque.

Bruno Dubreuil interroge les œuvres et les pratiques artistiques (notamment la photographie). Ses analyses sont nourries par sa propre pratique ainsi que par les échanges survenant dans ses ateliers de création ou d'esthétique (Une autre histoire de l'art, Gie Binome). Ces réflexions se prolongent au travers d'expositions qu'il conçoit (Immixgalerie, Paris) et sur la revue en ligne qu'il a créée : viensvoir.oai13.com. Plusieurs chroniques y traitent de l'art brut. Il a publié dans Brut Now, l'art brut au temps des technologies. À venir : "Quand les images prennent le pouvoir" dans Photo Brut #2, parution septembre 2022.

Gustavo GIACOSA : Art Brut & création dans les ateliers. Un constat de la situation actuelle
Les ateliers de création au sein d'institutions psychiatriques ou d'handicap mental encouragent depuis plusieurs décennies l'expression et la socialisation de leur hôtes et deviennent au fur et mesure des changement sociaux des réserves où critiques, collectionneurs et commissaires d'expositions vont chercher l'Art Brut de nos jours. Entre les enjeux de tutelle et de divulgation des uns et la sauvegarde de la cohérence de canons esthétiques des autres, la création artistique hors du système de production et diffusion de l'art contemporain, révèle toutes ses contradictions. Si l'encouragement à l'action et la stimulation artistique est contraire au diktat de Dubuffet, comment et dans quelles conditions certains "créateurs d'atelier" échappent à ces conditionnements positifs et deviennent des exceptions au sein même de leurs institutions ? Quel est l'impact des pratiques collectives pour ce réservoir de radicalité créatrice qu’est l'art brut ?

Gustavo Giacosa est commissaire d'exposition indépendant, comédien et metteur en scène. Depuis 2005, il développe une recherche sur le rapport entre l'art et l'altérité dans les arts plastiques devenant commissaire de plusieurs expositions autour de cette thématique. Cette recherche comprend la découverte et valorisation du travail d'artistes issus des marges du système de l'art, l'écriture d'articles pour revues et catalogues, la mise en scène de spectacles et performances inspirés de leur univers et la constitution d'une collection d'Art Brut et d'art contemporain intitulée "Puentes" ("Ponts") présentée de manière permanente dans l'espace SIC12 ART Studio à Rome. À partir de 2012, il s'est établi en France et a fondé à Aix-en-Provence avec le pianiste et compositeur Fausto Ferraiuolo, une plateforme multidisciplinaire (théâtre-musique-expositions) qui regroupe la diversité de ses productions : SIC.12.
Publications
"L'Art sans thérapie", dans L'Art Brut, Éd. Citadelles & Mazenod, Paris, 2018.
"L'entre-deux du nouage", dans Franco Bellucci, Beau comme…, Éd. Gallérie Christian Berst Art Brut, Paris, 2015.
"Bio-mythologies", dans Éric Derkenne, Champs de Bataille, Éd. FRMK et La "S" Grand Atelier, Vielsalm, 2014.
"Franco Bellucci, un rêveur d'Autres mondes", dans Franco Bellucci, Éd. MADmusée, Liège, 2014.
"Ponts et figures-ponts" et "L'Army secrète, dialogue entre Bruno Decharme et Gustavo Giacosa", dans Knock outsider, Éd. FRMK et La "S" Grand Atelier, Vielsalm, 2014.
"Bandits de l'Art", dans Banditi dell'Arte, Éd. Halle Saint Pierre, Paris, 2012.
"Élogio de l'Altro", dans Due ma non due. Aperture et incontri nell'arte degli anni post Basaglia, Éd. I libri dell'Arca, Città di Castello, 2008.

Carles GUERRA
Carles Guerra est commissaire d'exposition, critique d'art et enseignant, ancien directeur de la Fondation Antoni Tàpies et de La Virreina Centre de la Imatge (Barcelone), et ancien Conservateur en Chef du Museu d'Art Contemporani de Barcelona (MACBA).

Choghakate KAZARIAN : Outsider parmi les outsiders : Louis Michel Eilshemius (1864-1941)
En 1917, Marcel Duchamp surprend le monde de l'art new yorkais en déclarant que Louis Michel Eilshemius (1864-1941), un artiste inconnu de 53 ans, est l'auteur l'une des deux meilleures œuvres de la première exposition sans jury de la Society of Independents Artists. Né dans une famille aisée, Eilshemius bénéficie de la parfaite formation académique : études à la Art Students League à New York puis à l’Académie Julian à Paris et nombreux voyages en Europe, en Afrique du Nord et dans le Pacifique. Après avoir exposé, très jeune, à la National Academy of Design et à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, il sombre dans l'indifférence la plus totale jusqu'en 1917. La généalogie de sa réception montre comment le succès comme le rejet de l'œuvre d'Eilshemius sont construits sur son image d'outsider, terminologie d'autant plus complexe pour un artiste à la formation et aux ambitions académiques mais néanmoins situé dans une double marge : tantôt trop étrange pour faire partie du monde de l'art traditionnel, tantôt trop traditionnel pour correspondre à l'esthétique moderniste.

Choghakate Kazarian est historienne de l'art et conservateur du patrimoine. Diplômée de l'École du Louvre, de La Sorbonne - Paris IV et de l'Institut National du Patrimoine, elle fut conservateur au Musée d'Art moderne de Paris de 2011 à 2018. Elle prépare un doctorat au Courtauld Institute of Art sur l'artiste américain Albert Pinkham Ryder. Elle est actuellement Terra Foundation fellow au Smithsonian American Art Museum. Ses expositions et publications ont porté sur des artistes tels que Henry Darger, Lucio Fontana, Piero Manzoni, Karel Appel, Stéphane Mandelbaum, Marcel Duchamp ou Louis Michel Eilshemius.

Marc LENOT : Tirer ou coller ? Pulsion scopique ou pulsion graphique ?
Ce n'est que depuis 2004 (avec une exposition à San Francisco) que la photographie est reconnue comme un des éléments de l'art brut, avec deux modes créatifs différents, deux approches différentes de l'image. D'une part les artistes bruts qui photographient eux-mêmes : aussi bien des autoportraits, souvent déguisés, travestis, modifiés, que des photographies obsessionnelles de femmes, épouse ou compagne, ou bien passantes, actrices ou marionnettes ; d'autres photographient obsessionnellement leur environnement, et quelques-uns jouent avec la matière photographique elle-même. D'autre part, les artistes bruts qui utilisent des photographies (et des radiographies) dans des collages et des photomontages, en complétant leurs dessins, en tatouant d'écriture des images trouvées, ou en construisant des montages complexes, panoramiques ou constructivistes.

Marc Lenot, après des études à Polytechnique et au MIT et une carrière d'économiste, s'est réinventé sur le tard en critique d'art et chercheur sur la photographie : blog Lunettes Rouges, master à l'EHESS, doctorat en histoire de l'art, livre Jouer contre les Appareils sur la photographie expérimentale, prix AICA France 2014 de la Critique d'art.

Jean-Marc LEVERATTO : Mesurer l'altérité. Le jugement de l'œuvre d'art dite "brute" et ses enjeux
Avec l'aide des outils de la sociologie de l'expertise artistique, nous identifierons dans un premier temps les différents types d'épreuves de la qualité artistique auxquelles s'expose aujourd'hui l'œuvre dite "brute". Dans un second temps, l'approche anthropologique contemporaine nous aidera à approfondir notre compréhension des cadres de l'expérience que l'on peut faire de l'art dit "brut", des différentes ontologies qui peuvent nous permettre de ressentir la valeur artistique de l'événement qu'il constitue et d'en reconnaître la signification éthique

Jean-Marc Leveratto est professeur émérite de sociologie. Ses recherches portent sur les techniques du corps, la culture artistique et la sociologie de l'expérience esthétique. Sur l'évaluation des artistes et des œuvres d'art, il a publié notamment La mesure de l'art. Sociologie de la qualité artistique (Paris, La dispute, 2000) et Introduction à l'anthropologie du spectacle (ibid., 2006). Il a également réalisé de nombreuses enquêtes sur la culture contemporaine, dont Internet et la sociabilité littéraire (avec Mary Leontsini, 2008) et Cinéphiles et cinéphilies (avec Laurent Jullier, 2010).

Claire MARGAT : L'historicité de l'art brut : une origine ou une fin de l'art ?
Brut, nom donné a posteriori à une collection artistique, signifie obscur, y compris pour celui qui le fabrique, ou sauvage, en dehors de toute norme culturelle… Dubuffet se méfiait des mots : pour lui, toute dénomination qui enferme, qui étiquette, est réductrice lorsque, en histoire de l'art ou en psychiatrie, elle recouvre le singulier par une généralité. L'art brut est pensé comme ce qui renoue avec l'originaire, l'archaïque, le primitif. Plus encore, "l'art se sauve dès que l'on prononce son nom" disait Dubuffet, il disparaît là où l'attend et nous saisit ailleurs toujours par surprise. Loin d'accuser les noms de nous détourner des choses, et plutôt que de définir en quoi consiste le "brut", la question se pose de savoir ce qu'on entend aujourd'hui par "art" : c'est à la fois une réalité socio-historique et un jugement de valeur susceptible de varier. L'Art fit à l'époque de la naissance des musées l'objet de la réflexion de Hegel dont les Leçons d'esthétique publiées après sa mort s'ouvraient par la thèse controversée de la "Fin de l'Art". Qu'entendait-il par là ? Si des individus continuent à faire de l'art, les formes culturelles qui rendaient l'art nécessaire pour une communauté historique se sont effondrées. Seuls des individus singuliers trouvent en eux-mêmes une nécessité intérieure suffisante pour créer sans chercher de publicité. On se demandera donc si l'art brut ne serait pas le nom de la "Fin de l'Art".

Claire Margat est agrégée de philosophie et titulaire d'un doctorat en philosophie esthétique à Paris 1 (L'Esthétique de l'horreur, du Jardin des supplice d'Octave Mirbeau aux Larmes d'Eros de Georges Bataille).
Publications
A dirigé le Hors Série artpress 2 d’automne 2013 : Les Mondes de l'Art Brut.
2014, Catalogue de l'exposition Peter Kapeller, Décembre 2014 galerie Christian Berst.
2015, Catalogue d'Aloïse Corbaz en constellation. Le ravissement d'Aloïse Corbaz, LaM, Lille Métropole.
Quinzaines n° du 15 janvier, 2018, Dossier sur l'art brut : Images et textes de la folie.
2018, L'ART BRUT Citadelles & Mazenod : Quand l'Art Brut devient culturel et Devenirs de l'Art Brut.
artpress, automne 2018 : Graphomanies brutes ?, in Hors Série sur Graphisme et Art.
À paraître aux Presses universitaires de Bordeaux en 2020 : L’art brut, un art sans artiste ?
Artistes bruts sur lesquels des articles ont été publiés : Aloïse Corbaz, Seni Awa Camara, Jean Dubuffet, Henry Darger, Peter Kappeler, Michel Nedjar (ARTPRESS janvier 2018) Marilena Pelosi, Ceija Stojka…

Jean-Hubert MARTIN : De la création hors concours
L'art moderne s'est constamment nourri d'impulsions extérieures et en particulier des arts exotiques et de l'art populaire. L'art naïf était présent autrefois au Musée national d'art moderne, puis Dubuffet a créé sa catégorie de l'art brut, en prenant soin de se démarquer des initiatives précédentes. Depuis les catégories ont fleuri. Ce qui prime, c'est la découverte des œuvres, celles qui nous fascinent, nous éblouissent et nous interpellent. La quête est sans fin : quelques exemples passés et présents.

Jean-Hubert Martin est directeur honoraire du Musée national d'art moderne Centre Pompidou et directeur de plusieurs musées en France et à l'étranger. Commissaire d'expositions décloisonnées : Magiciens de la terre, Paris, 1989 ; Une image peut en cacher une autre, Paris, 2009 ; Carambolages, Paris, 2016 ; Grand bazar, Château d'Oiron, 2021 ; Pas besoin d'un dessin, Genève, 2022.
Publications
L'art au large, Paris, Flammarion, 2012.
"Dubuffet et ses stratégies d'élargissement de l'art", in Les Albums photographiques de Jean Dubuffet = The Photograph Albums of Jean Dubuffet, Milan : 5 Continents ; Lausanne : Collection de l'Art Brut, 2017.

Joana MASÓ : La culture de la psychothérapie institutionnelle à Saint-Alban
Lié à la présence de Paul Éluard et de Jean Dubuffet à l'hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole (Lozère) où, dans les années 1940, ont travaillé les psychiatres Lucien Bonnafé, François Tosquelles et Jean Oury, l'art brut est né comme une forme d'extractivisme culturel visant à séparer un certain nombre d'objets de "l'ensemble thérapeutique" dans lequel ils ont été produits. En extrayant ces objets de leurs contextes de production et d'une économie du troc, on les a aussi séparés des pratiques collectives liées à la vie de l'hôpital : la circulation de la parole dans les assemblées, les ateliers d'ergothérapie, les mises en scène théâtrales, les activités festives, l'écriture dans le journal intérieur de l'hôpital, l'imprimerie ou les séances cinéma en commun qui suivaient le modèle de l'autogestion et des coopératives de malades. Il s'agira dans cette intervention d'analyser ce changement radical de paradigme affectant l'ensemble de ces objets : d'une logique de production dans le cadre de structures économiques locales largement autogérées à leur réception dans le cadre d'un nouveau système de validation culturelle et de production de valeur marchande issu des avant-gardes. À travers l'histoire de Saint-Alban, il s'agira donc de réfléchir aux formes de productivisme qui présidèrent à la naissance de l'art brut, et de se pencher sur ses conséquences économiques et politiques contemporaines.

Joana Masó est professeur d'études françaises et d'études de genre à l'université de Barcelone où elle est chercheuse à la Chaire UNESCO "Femmes, développement et cultures".

Corinne RONDEAU : Ce qu'il y a de brut, c'est la surprise
La surprise est sans doute le trouble persistant d'une rencontre inattendue. Dans le champ de l'art contemporain, l'art brut est ce qui vient sans annoncer sa venue. Se refusant à la classification malgré des motifs obsessifs, il est ce qui existe sans attente que l'attente elle-même, ce qui ne s'atteint pas. En un sens, l'art brut est toujours de l'ordre d'une révélation. Le brut de l'art est un "Il y a", un on-ne-sait quoi sans projet, l'expérience extrême d'un possible, proche de ce que nomme Georges Bataille, L'expérience intérieure. Ses moyens souvent pauvres, ses formes presque toujours ritualisées impliquent l'interruption des modes insistants du regard et du savoir qu'il soit historique ou esthétique. Le brut relève l'expérience de l'art comme un désenchaînement, peut-être une dramatisation, une façon de "sortir de nous-mêmes".

Corinne Rondeau est maître de conférences en esthétique et sciences de l'art à l'université de Nîmes, collaboratrice sur France Culture, critique d'art et de cinéma. Auteur de plusieurs essais monographiques, le dernier en date Chantal Akerman, Passer la nuit, éd. de l'éclat, 2017.

Chiara SARTOR : Du dossier médical à la scène. Statuts et devenirs des écrits bruts
Grâce à de nombreuses expositions et adaptions scéniques, les textes et écrits relevant de l'art brut, longtemps restés à l'ombre de l'art brut visuel et plastique, jouissent actuellement d'une nouvelle visibilité. Tandis que d'autres travaux de recherche mettent en lumière leur caractère hallucinatoire (Rainer Topitsch, Schriften des Körpers, 2002), leur poétique de la manière (Vincent Capt, Poétique des écrits bruts, 2013), leur hybridité médiale et leur rapport au graphisme (Pauline Goutain, Les Mythologies matérielles de l'Art Brut, 2017), la communication adoptera une approche diachronique pour suivre l'histoire spécifique de la genèse, collecte, théorisation et réception des écrits dits "bruts". Selon l'hypothèse qu'il s'agira d'illustrer à travers quelques cas exemplaires, ce qui distingue ce corpus de textes hétérogènes d'une part d'autres écrits asilaires, d'autre part de textes expérimentaux d'écrivains "professionnels", ce ne sont pas en premier lieu des caractéristiques inhérentes, mais les processus de dépathologisation et d'artification ou de "littérarisation" par lesquels il est passé.

Chiara Sartor prépare une thèse de doctorat en Littérature française sur l'histoire des écrits bruts. Diplômée de l'université Humboldt de Berlin et de l'université Sorbonne-Nouvelle Paris 3, elle est actuellement boursière de la fondation Heinrich Böll et membre associée de l'école doctorale "The Literary and Epistemic History of Small Forms" (Histoire Littéraire et Épistémique des Petites Formes) à l'université Humboldt de Berlin.

Marina SERETTI : L'art brut et ses agents
Les objets estampillés "art brut" nous atteignent avec d'autant plus de force qu'ils ne nous sont pas adressés. Bouleversant le régime traditionnel de "l'œuvre d'art", ils résistent aux catégories usuelles de la production ("l'artiste") et de la réception artistique ("le public") comme au dispositif classique de l'exposition muséale. Le plus souvent, de tels objets possèdent une puissance d'agir éminente pour leurs auteurs, que l'on songe aux peintures médiumniques d'Augustin Lesage, aux murs d'hôpital gravés par Fernando Nannetti ou aux mystérieux cocons tissés par Judith Scott. Or le nom même d'"art brut" dit la brutalité avec laquelle de tels objets, saturés de signification personnelle et arrachés à leur milieu d'origine, font irruption dans le monde de l'art — irruption non seulement vectrice de forces ou intensificatrice, mais aussi productrice de nouvelles intensités. Dans la perspective ouverte par Alfred Gell (Art and Agency, 1998), anthropologues et historiens de l'art se sont attachés à décrire et analyser les procédures selon lesquelles certains artefacts sont investis d'une capacité d'action. Dans cette communication, il s'agira d'étudier la puissance d'agir propre à certains objets d'"art brut", selon les versants apparemment disjoints de la production et de la réception, pour tenter de comprendre ce qui fait, dans cette tension efficace, leur extraordinaire "singularité".

Marina Seretti est maître de conférences en philosophie de l'art à l'université Bordeaux-Montaigne. Elle a dirigé en collaboration avec Raphaël Koenig, L'art brut, objet inclassable ? (Actes de colloque) paru aux Presses universitaires de Bordeaux en juin 2021.

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


ARTS ET ÉCRITS REBELLES

IMAGES DISSIDENTES ET RÉSISTANCES DE LA LANGUE


DU MERCREDI 11 MAI (19 H) AU DIMANCHE 15 MAI (14 H) 2022

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Idoli CASTRO, Sonia KERFA, Sophie LARGE, Evelyne LLOZE, Yolaine PARISOT


ARGUMENT :

Se rebeller, c'est repartir en guerre selon l'étymologie. Repartir implique un acte de réinvention des pratiques tant artistiques que littéraires, et il faut faire crédit à la rébellion et à la dissidence d'une capacité d'inventivité qui atteint l'ensemble des créations humaines, y compris les arts. Plus de soixante-dix ans après la célèbre définition de l'"artiste engagé" par Sartre, ce colloque propose d'analyser les reconfigurations actuelles de la résistance dans les arts et les écrits, et ainsi d'étudier en quoi l'émergence de nouvelles épistémologies ont pu profondément les modifier en faisant entrer dans le champ de la connaissance certaines pratiques. Les travaux s'intéresseront non pas à une aire culturelle mais à un réseau de relations : celles du monde dit occidental articulé aux mondes des "Suds" qui ont expérimenté des formes de rébellions et des révolutions multiples et diverses, mais aussi des manières de vivre la démocratie et de revendiquer des libertés individuelles qui ont été fécondes pour la création.

N.B. : Ce colloque ayant été initialement prévu en 2021, il vous est possible d'accéder à sa présentation 2021 : cliquer ici.


MOTS-CLÉS :

Arts visuels, Émancipation, Littérature, Rébellion, Réinvention


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 11 mai
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 12 mai
Matin
PERFORMANCES, UNE CORPOPOLITIQUE DES ARTS ?
Juan ALBARRÁN : Santiago Sierra et les sujets de la résistance
Béatrice JOSSE : Contre l'art des œuvres d'art
Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Transformisme et politique dans les Caraïbes hispanophones (Cuba et Porto Rico)

Après-midi
LES CONTRE-NARRATIVITÉS
Paula BARREIRO LÓPEZ : De retour à l'archive visuelle révolutionnaire : pratiques artistiques mondialisées et leurs spectres tricontinentaux
Michèle SORIANO : Corps, production, signatures : créations collectives dans le cinéma contre-hégémonique argentin
Pascale THIBAUDEAU : Contre la normativité du visible : les nouveaux paris cinématographiques d'Ainhoa Rodríguez

Soirée
Hommage à Anne-Laure BONVALOT (1983-2022) — Lecture de textes


Vendredi 13 mai
Matin
RÉSISTANCE DE LA LANGUE, À L'INTERSECTION DES VOIES/X REBELLES
Florian ALIX : Réécriture de l'Histoire coloniale au féminin : médiation et sensation chez Assia Djebar (La Femme sans sépulture), Anna Moï (Riz noir) et Léonora Miano (La Saison de l'ombre)
Sylvie SERVOISE : Les "romans à voix" de Lyonel Trouillot ou la polyphonie adressée
Patrick SAVIDAN : Résister avec Adorno : l'art et la manière

Après-midi
PRATIQUES ARTISTIQUES DU SUD GLOBAL, ENTRE DÉCOLONIALITÉ ET NORMALISATION
Julia RAMÍREZ-BLANCO : Vers une iconographie des contre-cultures anti-industrielles
Valérie MAGDELAINE-ANDRIANJAFITRIMO : Créer et éditer depuis l'océan Indien : pratiques rebelles ou normalisation de l'expression artistique ?
María RUIDO : Autour de Estado de malestar, film-essai sur la folie comme forme de résistance [visioconférence]

Soirée
Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Cabaret tropical [performance de Lola Von Miramar]


Samedi 14 mai
Matin
"ON SE LÈVE ET ON SE CASSE" (VIRGINIE DESPENTES)
Claire LAGUIAN : Les nouvelles Guérillères lesbiennes dans la poésie espagnole contemporaine
Meri TORRAS : Se rebeller pour écrire et pour aimer : La insumisa de Cristina Peri Rossi
Nathalie WATTEYNE : Femmes, colère et poésie au Québec : Carole David, Monique Deland et Natasha Kanapé Fontaine

Après-midi
DÉTENTE


Dimanche 15 mai
Matin
SUBJECTIVITÉS ET ESTHÉTIQUES REBELLES
Romuald FONKOUA : Léon-Gontran Damas, les voies rebelles de l'anthropologie et de la poésie
Nadia LOUAR : Les postures insolentes de Virginie Despentes
Inès HORCHANI (Ines ORCHANI) : Gazelle théorie, une expérience d'écriture rebelle [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Atelier de clôture du colloque, avec les doctorantes Cristina GARCIA MARTINEZ (S. Kerfa - UGA), Sihong LIN (E. Lloze - UJM) et Juliette STELLA & Murielle VAUTHIER (Y. Parisot - UPEC)

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Juan ALBARRÁN : Santiago Sierra et les sujets de la résistance
Les plus connus (et les plus polémiques) projets de l'artiste espagnol Santiago Sierra ont été construits à partir d'un recrutement de travailleurs rémunérés pour faire des tâches absurdes, improductives, voire humiliantes. De cette manière, Sierra se place dans la position d'un entrepreneur qui exploite ses employés pour produire de l'art. Face à ces œuvres qui veulent formuler une critique du capitalisme actuel, on se demande quel type de sujet-artiste incarne Sierra ? Quelle marge d'action reste aux travailleurs, ou performeurs délégués ? Comment peuvent-ils résister aux relations de travail conçues par l'artiste ? Et, finalement, quelle est la position du spectateur dans ce type de performances ? Cette contribution tentera de répondre à ces questions en prenant en considération certains des plus importants apports théoriques qui ont transformé le concept de sujet/subjectivité pendant les dernières décennies.

Juan Albarrán est professeur d'histoire de l'art à l'universidad Autónoma de Madrid. Il s'intéresse aux rapports entre art et politique depuis les années 70. Il est membre du projet international MoDe(s) et dirige le magazine Utopía. Revista de crítica cultural (Madrid-Ciudad de México).
Dernières publications
Disputas sobre lo contemporáneo, Exit, 2019.
Performance y arte contemporáneo, Cátedra, 2019.

Florian ALIX : Réécriture de l'Histoire coloniale au féminin : médiation et sensation chez Assia Djebar (La Femme sans sépulture), Anna Moï (Riz noir) et Léonora Miano (La Saison de l'ombre)
Dans cette communication, on se proposera de lire l'œuvre de trois romancières contemporaines à l'aune du concept postcolonial de writing back, conçu par Bill Ashcroft, Garreth Griffiths et Helen Tiffin, comme une réécriture critique d'un corpus européen depuis des espaces marqués par l'implantation coloniale. Dans le cas qui nous occupe, l'approche prendra une coloration intersectionnelle puisqu'à cette question politique s'ajoute dans les romans une réflexion sur le genre et, dans une certaine mesure, sur les groupes sociaux (sinon sur les classes). Le writing back doit alors être conçu dans toute sa complexité : les romancières ne mobilisent pas simplement une reconfiguration littéraire mais aussi d'autres arts ou médias. En même temps, ce travail passe aussi par une tentative de se détacher d'un cadre épistémique au profit de la mise en œuvre d'une écriture de la sensation, comme outil stratégique de déplacement de la pensée de l'Histoire. L'écriture romanesque des trois romancières se situe donc entre complexité de la médiatisation et usage de la sensation (apparemment) immédiate : c'est cet entre-deux que nous nous proposons d'explorer

Florian Alix est maître de conférences à la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université, rattaché au CIEF / CELLF. Il travaille en particulier sur les littératures africaines et caribéennes. Il est membre du collectif "Write back".
Publications
A co-dirigé Postcolonial Studies : modes d'emploi, P.U.L., 2013.
A co-dirigé, avec Evelyne Lloze et Romuald Fonkoua, Poésies des francophonies : état des lieux (1960-2020), Hermann, 2021.
L'Essai postcolonial, Karthala, 2022.

Paula BARREIRO LÓPEZ : De retour à l'archive visuelle révolutionnaire : pratiques artistiques mondialisées et leurs spectres tricontinentaux
Avec la première conférence tricontinentale à La Havane (1966), la configuration d'un mouvement transnational de résistance et de soutien aux luttes de libération dans le sud global (Amérique latine, Afrique et Asie) s'est formée. Ce mouvement a fourni une structure qui allait au-delà des tactiques politiques et militaires, s'étendant au-delà du champ de bataille paysan et urbain pour devenir une tactique utile dans le domaine de l'art et de la culture en Europe, aux États-Unis et en Amérique latine dans les années soixante et soixante-dix. Quarante années plus tard, l'archive tricontinentale et son arsenal d'images, longtemps oubliés, sont en train de renaître à travers des pratiques rebelles d'une multitude d'artistes visuels et réalisateurs afin de contrecarrer la colonialité du pouvoir et le capitalisme cognitif de notre monde actuel.

Paula Barreiro López est professeure d'histoire de l'art contemporain à l'université de Grenoble-Alpes (LARHRA UMR 5190). Elle dirige la plateforme internationale MoDe(s) et, dans ce cadre, le projet Résistance(s) Partisane(s).
Publications
Atlántico Frío. Historias transnacionales del arte y la política en los tiempos del telón de acero, 2019.
Avant-garde Art and Criticism in Francoist Spain, 2017.
Modernidad y vanguardia : rutas de intercambio entre España y Latinoamérica, 2015 (édité avec Fabiola Martínez).
Crítica(s) de arte : discrepancias e hibridaciones de la Guerra Fría a la globalización, 2014 (avec Julian Díaz).

Inès HORCHANI (Ines ORCHANI) : Gazelle théorie, une expérience d'écriture rebelle
En interrogeant l'espace vide entre "écrits" et "rebelles", Orchani propose un retour à l'expérience d'écriture rebelle. En tant que chercheuse, mais aussi en tant qu'écrivain, elle s'essaie ici à une phénoménologie de l'écriture rebelle. Elle se demande si l'on peut écrire et se rebeller en même temps, si l'on peut écrire au lieu de se rebeller, et s'il existe un âge de la rébellion. Ces questions liées à l'expérience rebelle conduisent Orchani à revenir aux formes de l'art rebelle. La rébellion, allant de l'antinomie à l'anomie, de l'anticonformisme à l'invention de formes nouvelles. Orchani montre qu'il n'y a peut-être pas d'écrits rebelles, mais seulement de l'écriture rebelle. Parce que l'écrit, dans sa forme recevable, définitive, est figé, assagi. En partant d'exemples francophones, arabophones et anglophones, et de l'expérience de Gazelle Théorie, Orchani conclut que la rébellion et l'amour sont deux exceptions à l'intentionnalité chère à la phénoménologie : l'amour serait une inconscience de (expérience du tout objet) et la rébellion serait une prise de conscience sans objet (expérience du tout sujet). Car le rebelle dit "je". Ce "je" n'est pas nécessairement un "ego". Il peut l'être, parce l'ego est l'expérience première du soi, mais lorsque le rebelle dit "je", puis lorsqu'il l'écrit, c'est de façon plus réflexive qu'égocentrée. Car ce "je" est un "soi" qui tend vers le "nous". Un "je" qui déborde, et qui dépasse l'indicible humiliation. Orchani parle ici d'ipse, d'un soi comme conscience commune, nourrie d'expériences singulières.

Inès Horchani enseigne la littérature à la Sorbonne Nouvelle depuis 2006 et a pour nom de plume Ines Orchani. Agrégée de langue arabe, Inès Horchani est la co-auteure de Marhaba Grand manuel d'arabe (Dunod, 2022, 592 pages). Elle a par ailleurs traduit une vingtaine d'auteurs/autrices arabophones. Ines Orchani a publié Gazelle Théorie, chez Fayard, dans la collection "Pauvert", dans le sillage de King Kong Théorie de Despentes. Sous le pseudonyme NES, aux éditions Les Centres du Monde, elle a fait paraître deux recueils de poésie trilingue arabe-français-anglais, intitulés Lâm et Sîn. Sa nouvelle "L'homme de lointaine tendresse et de silence" obtient le Prix spécial du jury du jeune écrivain francophone, son poème "La femme au miroir" figure dans l'Anthologie de la poésie mondiale (Éditions Caractères, 2021), et Gazelle Théorie est sélectionné pour le prix Livre et Droits humains. Ses recherches actuelles portent sur la sécularisation des textes sacrés, sur la fonction critique de la poésie et sur la place du poète dans l'espace public.

Béatrice JOSSE : Contre l'art des œuvres d'art
Évincées de l'histoire de l'art académique, la performance ainsi que les autres formes d'œuvres protocolaires ou collectives n'ont guère eu de place dans les collections muséales, focalisées exclusivement sur les aspects matériels des œuvres. Alors que la notion de patrimoine immatériel est officialisée par l'Unesco à la fin des années 90, j'intègre des œuvres performatives, souvent conjuguées au féminin, au Fonds régional d'art contemporain de Lorraine basé à Metz. Il constitue ainsi la première collection publique en France à entériner cette forme d'acquisitions de formes live à réactiver, à interpréter. Animée par une démarche profondément féministe qui permet de révéler plus largement les questions d'invisibilité, je poursuis au MAGASIN des horizons à Grenoble la sape d'un certain monde de l'art arc-bouté sur la valeur marchande.

Béatrice Josse s'est formée en droit et en histoire de l'art avant d'être nommée au 49 Nord 6 Est - Frac Lorraine en 1993 puis au MAGASIN à Grenoble en 2006, destiné à collectionner des œuvres d'art. Elle a réussi à infléchir considérablement le nombre d'artistes masculins tout en y infiltrant des pratiques immatérielles (performances, protocoles…). Outre des monographies d'artistes femmes historiques : Vera Molnar, Nil Yalter, Cécilia Vicuna, Tania Mouraud…, elle a aussi organisé de nombreuses expositions collectives en lien avec ses engagements féministes : "Territoire occupé", "2 ou 3 choses que j'ignore d'elles", "Les Immémoriales"… Dorénavant à la direction du Magasin des horizons à Grenoble, elle s'oriente vers une nouvelle définition du rôle de l'artiste dans la société en proposant des projets pluridisciplinaires, ainsi qu'une formation professionnelle ouverte aux questions art/société/climat…

Lawrence LA FOUNTAIN-STOKES : Transformisme et politique dans les Caraïbes hispanophones (Cuba et Porto Rico)
Quelle est la politique de la performance de drag dans les Caraïbes hispaniques ? Dans cette communication, nous nous concentrerons sur deux artistes : Mickey Negrón (Porto Rico) et Pedro Manuel González Reinoso, mieux connu sous le nom de Roxana Rojo (Cuba). Nous contextualiserons leur travail par rapport à une politique de résistance dissidente qui négocie selon des contextes spécifiques. Dans le cas de Mickey Negrón, nous parlerons de sa performance PonerMickeytarme : ritual de pluma y purificación (2015), qui a été réalisée comme une intervention et protestation contre une marche menée par les églises pentecôtistes et évangéliques qui s'opposent à l'éducation avec une perspective de genre à Porto Rico. Dans le cas de González Reinoso, nous discuterons de son livre Vidas de Roxy, ó el aplatanamiento de una rusa en Cuba (2010) et sa participation à deux documentaires du jeune cinéaste Lázaro González González, Máscaras (2014) et Villa Rosa (2016), dans lesquels l'artiste drag discute de son incarnation d'un personnage russe à Cuba. Travaillant avec l'idée que la performance remet en question le genre et que la culture peut servir dans le cadre d'un processus décolonial, nous examinerons comment ces artistes questionnent et défient les cadres hégémoniques et les relations de pouvoir en lien avec la sexualité et l'État.

Lawrence La Fountain-Stokes est professeur de culture américaine et de langues et littératures romanes à la University of Michigan, Ann Arbor (États Unis). Ses recherches portent sur la littérature, le théâtre et la performance queer des Caraïbes hispanophones et de la diaspora.
Publications
Queer Ricans : Cultures and Sexualities in the Diaspora (2009).
Uñas pintadas de azul/Blue Fingernails (2009).
Abolición del pato (2013).
A Brief and Transformative Account of Queer History (2016).
Keywords for Latina/o Studies (2017).
Escenas transcaribeñas : ensayos sobre teatro, performance y cultura (2018).

Claire LAGUIAN : Les nouvelles Guérillères lesbiennes dans la poésie espagnole contemporaine
La poésie espagnole contemporaine est marquée par l'avènement de nombreuses poètes qui explorent dans leurs vers les identités lesbiennes et queer. Ces dissidences langagières et vitales sont influencées par l'apparition de courants de pensée récents qui ont surgi bien après les féminismes européens des années 70. Nous pensons par exemple aux perspectives queer et aux études de genre qui inspirent ces poètes dont la radicalité s'aventure sur des terrains relativement neufs dans l'histoire des féminismes, tels que le postporn ou le pornoterrorisme. Néanmoins, nous verrons comment cette dissidence contemporaine s'inscrit également dans la continuité des générations théoriques et artistiques antérieures, en reconfigurant la figure fondamentale des Guérillères poétisée par Monique Wittig en 1969, et en conservant la viscéralité wittiguienne (Le corps lesbien) et sa déconstruction générique du langage.

Claire Laguian est docteure en littérature espagnole contemporaine et MCF à l'université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. Elle a entre autres travaillé sur les créations de nombreuses écrivaines espagnoles depuis la perspective des désirs lesbiens et de l’écriture des luttes féministes et queer. Par ailleurs, elle a dirigé des ateliers d'écriture créative et d'autotraduction autour des stéréotypes et représentations de genre en littérature.
Pour plus d'informations : https://etudes-romanes.univ-paris8.fr/?Claire-Laguian-MCF.

Nadia LOUAR : Les postures insolentes de Virginie Despentes
Dans le cadre de ce colloque axé sur la rébellion et la dissidence, je me propose d'interroger la fable concoctée par la critique d'une Virginie Despentes "assagie". Si Baise-moi a assuré à la jeune auteure punk un lectorat fidèle et a invité des perspectives critiques nouvelles, ce premier roman a dessiné du même coup un horizon d'attente à l'aune duquel on a parfois jugé durement son ascension littéraire. Il ne s'agira donc pas de retracer ici un remarquable parcours de la marge au centre mais d'analyser une entreprise littéraire qui a radicalement altéré le paysage culturel français et instauré un nouveau discours sur les femmes, les genres, et la sexualité.

Nadia Louar est professeure de français et co-directrice du Département de Langues et Littératures à l'université Wisconsin-Oshkosh. Ses recherches portent sur les littératures francophones et les études féminines et de genres.

Valérie MAGDELAINE-ANDRIANJAFITRIMO : Créer et éditer depuis l'océan Indien : pratiques rebelles ou normalisation de l'expression artistique ?
Des revues artistiques, culturelles et littéraires contemporaines des îles du sud-ouest de l'océan Indien comme Indigo, Fragments, Project'îles, Lettres de Lémurie, Kanyar ou Point barre, résolument plurielles et pluridisciplinaires, rendent compte des productions artistiques des îles en s'appuyant sur un postulat : l'idée d'une Relation indianocéane ou "lémure". Ces revues contribuent-elles à poser un acte politique fort, en proposant une recomposition des champs artistiques internationaux devant prendre en considération des espaces anciennement minorés, ou bien contribuent-elles à une certaine normalisation des pratiques littéraires et artistiques ? Ces nouveaux regards sur les arts offrent ainsi l'occasion de réfléchir à une redéfinition de ce que peuvent être la rébellion et la résistance d'un "Sud global".

Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo est Maître de conférences en littératures françaises et francophones à l'université de La Réunion. Rédactrice en chef de la revue NEF - Nouvelles Études Francophones de 2014 à début 2022, directrice des Presses universitaires Indianocéaniques. Francophoniste spécialisée dans les littératures de l'océan Indien. A codirigé ou dirigé plusieurs ouvrages ou numéros de revues, dont, avec G. Armand et Y. Parisot, TROPICS, n°4, Discours artistiques du contemporain au prisme de l'océan Indien : fictions, critique et politiques (2018).

Julia RAMÍREZ-BLANCO : Vers une iconographie des contre-cultures anti-industrielles
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, une multitude de groupes et d'individus dans différents pays se sont engagés dans la recherche d'une vie plus "naturelle", s'opposant à la transformation radicale de la vie induite par la première révolution industrielle. La lebensreform en Allemagne, en Suisse et en Autriche, le transcendantalisme aux États-Unis et le simple life movement au Royaume-Uni convergeaient dans nombre de leurs propositions. En France et en Belgique prolifèrent les "milieux libres", petites communautés anarchistes que l'on peut considérer comme les précurseurs de l'environnementalisme. Dans la péninsule ibérique, le naturisme, le végétarisme et la culture libre ont, pour leur part, emprunté des chemins idéologiques différents. À partir d'une approche transnationale centrée sur les pays du Sud, cet article traite des formes d'autoreprésentation de ces communautés à partir d'images photographiques fortement mises en scène, qui donnent souvent lieu également à la production de cartes postales. Ce corpus visuel fait dialoguer des groupes de différents endroits et génère une sorte d'iconographie de la contre-culture anti-industrielle qui perdure encore aujourd'hui.

Julia Ramírez-Blanco, professeur à l'université de Barcelone, travaille sur la relation entre art, utopie et activisme. Elle a été co-commissaire de l'exposition Grande Révolution Domestique-Guise, est membre du comité de la Society for Utopian Studies, du Centre for Artistic Activism et codirige le groupe de travail Aesthetics & Technics between Prefiguration and Revolution (Université américaine de Paris). Elle travaille actuellement sur les mouvements de retour à la terre de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
Publications
Artistic Utopias of Revolt, Palgrave, 2018.
"Non Textual Utopias" (ed.), Regac Journal, 2018.
Pequeño bestiario de monstruos políticos (ed.), Cendeac, 2020.
15M. El tiempo de las plazas, Alianza, 2021.
Amigos, disfraces y comunas (Cátedra, sous presse, 2022).

María RUIDO : Autour de Estado de malestar, film sur la folie comme forme de résistance
"Le capital rend le travailleur malade, puis les multinationales pharmaceutiques lui vendent des médicaments pour qu'il aille mieux. Les causalités sociales et politiques de la détresse mentale sont mises de côté en même temps que le mécontentement est individualisé et intériorisé." [Mark Fisher, Réalisme capitaliste]
Estado de malestar ["État de détresse"] (2019) prend comme point de départ une série de textes de Mark Fisher, Franco Berardi "Bifo" et Santiago López Petit, ainsi que des conversations avec des philosophes, des psychiatres et des patients ou des personnes diagnostiquées, notamment le collectif militant InsPiradas, à Madrid. Il se présente comme un essai visuel sur la symptomatologie et la souffrance psychique à l'ère du réalisme capitaliste, sur la douleur que notre mode de vie nous inflige et sur les lieux et modalités de résistance et/ou de changement que nous pouvons construire pour le combattre.
Estado de malestar - María Ruido - Video HD, super 8mm, 16 mm - 63 mn - 2019 - VO : espagnol - Sous-titres : anglais

Maria Ruido est réalisatrice, artiste, chercheure et enseignante. Elle vit à Madrid et à Barcelone, où elle enseigne au département d'Arts visuels depuis 2002, et où elle participe à plusieurs études sur les représentations et leurs contextes de production. Ses travaux des recherches portent sur les imaginaires du travail dans le capitalisme post-fordiste, sur les mécanismes qui construisent la mémoire et ses relations avec les différents récits historiques et, actuellement, sur l'imaginaire décolonial et ses possibilités d’émancipation.
Filmographie
2002 - La memoria interior (33 mn)
2003 - Tiempo real (43 mn)
2005 - Ficciones anfibias (33 mn)
2008 - Plan Rosebud 1 (114 mn) + Plan Rosebud 2 (120 mn)
2009 - Zona Franca (20 mn)
2010 - Le paradis (4 mn)
2010 - Lo que no puede ser visto debe ser mostrado (12 mn)
2011 - ElectroClass (53 mn)
2014 - Le rêve est fini / The dream is over (47 mn)
2015 - L'œil impératif / The imperative eye (63 mn)
2017 - Mater Amatísima (55 mn)
2019 - Estado de malestar (63 mn)

Pascale THIBAUDEAU : Contre la normativité du visible : les nouveaux paris cinématographiques d'Ainhoa Rodríguez
Dans le cinéma d'"auteur" espagnol actuel, plusieurs cinéastes s'attachent à filmer l'"Espagne vide" et les processus de désertification des zones rurales. Il s'agit de montrer, depuis un régime documentaire, fictionnel ou mixte, des personnes — le plus souvent âgées —, des lieux et des modes de vie en voie de disparition. Souvent de tonalité crépusculaire et mélancolique, ces films (depuis Le ciel tourne (2005) de Mercedes Álvarez, jusqu'à Face au vent (2018) Meritxell Colell, en passant par Elogio de la distancia (2009) de Julio Llamazares y Felipe Vega) rendent compte de l'attente d'une fin déjà à l'œuvre en adoptant un rythme le plus souvent contemplatif. Si le premier long métrage d'Ainhoa Rodríguez s'inscrit dans la liste des films qui prennent pour objet la mort annoncée d'un village, il le fait en réinvestissant certains codes des films cités (longs plans fixes, refus de la transparence narrative, effets soustractifs) mais en les faisant exploser par l'émergence de forces enfouies sous les apparences tranquilles d'une ruralité fantasmée : forces occultes, libido et violences patriarcales refont surface à la veille d'une catastrophe annoncée (ici la fin sera brutale et cosmique, non dilatée dans le temps ni mélancolique). Outre l'articulation peu commune entre les approches anthropologique, fantastique et expérimentale, la réalisatrice — qui a vécu un an dans le village — vient bousculer les habitudes spectatorielles contemporaines en exposant des visages, des nudités et des corps non normatifs, rarement montrés au cinéma. Cette intervention s'intéressera à la façon dont ce film déconstruit à la fois les regards normés par la photogénie dominante, les codes du cinéma mainstream autant que de certaines formes de cinéma plus exigeantes.

Pascale Thibaudeau est agrégée d'espagnol, professeure à l'université Paris 8 et spécialiste du cinéma hispanique. Ses recherches actuelles portent sur les rapports entre cinéma, histoire et mémoire, depuis une perspective spectrale. Elle a écrit plusieurs articles et coordonné deux numéros de revues sur ces questions : "Spectres de la guérilla dans les cinémas hispaniques", HispanismeS, n°7, 2016 ; "Fantasmas, justicia y reparación en Guatemala. La Llorona de Jayro Bustamante", Pandora, n°16, 2021. Elle dirige actuellement le Laboratoire d'Études Romanes de l'université Paris 8.

Meri TORRAS : Se rebeller pour écrire et pour aimer : La insumisa de Cristina Peri Rossi
Cristina Peri Rossi (Montevideo 1941) a récemment reçu les prestigieux prix José Donoso (2019) et Cervantes (2021). Entre les deux, La insumisa (2020) est apparue comme la première publication autobiographique de l'auteure uruguayenne. Le texte se concentre sur les années d'enfance à Montevideo et se termine par l'exil à Barcelone. Ainsi, on assiste au développement d'une enfance et jeunesse queer, où le sujet résiste à sacrifier son désir et son objectif de devenir écrivaine, parallèlement à son insoumission à la norme, sa résistance à obéir aveuglément aux commandements sexuels, ainsi qu'à une rébellion consciente et qui perdure jusqu'à maintenant, reconnaissable dans toute son œuvre. Si l'étymologie de rébellion nous conduit à la guerre, sans complètement abandonner ce champ sémantique, l'étymologie de insoumission imprime un geste de résistance et nous conduit à celui qui n'est pas soumis(e), qui ne fait pas preuve de soumission, de docilité, d'obéissance, qui ne se soumet pas à l'autorité et qui réaffirme son non, sans pour autant être moins combatif.

Nathalie WATTEYNE : Femmes, colère et poésie au Québec : Carole David, Monique Deland et Natasha Kanapé Fontaine
Une colère contre la violence faite aux femmes se fait entendre depuis la prise de parole collective "Moi aussi". Mais le phénomène ne date pas d'hier et on peut l'observer dans plusieurs écrits au Canada français depuis le XIXe siècle, comme l'a fait Lori Saint-Martin en 1989. Analysé comme "moteur textuel" dans la prose narrative des femmes au Québec par Ariane Gibeau (2018), un tel phénomène est-il bien différent en vers ? Nous aimerions cerner des modalités de la colère dans trois recueils contemporains, à partir des dynamiques propres à chacun, en faisant ressortir un décalage entre "tableau" et "cadre", pour reprendre la terminologie du linguiste Dominique Maingueneau. La prise en compte des deux plans langagiers permettra de dégager l'aspect novateur inhérent à la construction des recueils et, si possible, les éléments d'une convergence des trois paroles poétiques rebelles de Carole David, Monique Deland et Natasha Kanapé Fontaine.

Spécialiste de la poésie des femmes au Québec, Nathalie Watteyne est professeure de littérature et directrice du Centre Anne-Hébert à l'université de Sherbrooke. Après avoir dirigé les Œuvres complètes d'Anne Hébert en cinq tomes publiés aux Presses de l'université de Montréal (2013 à 2016), elle a fait paraître deux collectifs, dont, avec Amir Biglari, Scènes d'énonciation de la poésie lyrique moderne (Classiques Garnier, 2019). Son quatrième recueil de poèmes, Le sourire des fantômes, a paru aux éditions du Noroît en octobre 2021. Elle est codirectrice du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ).


BIBLIOGRAPHIE :

• BALASINSKI Justyne, "Art et constestation", in Olivier FILLEULE (éd.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, pp. 67-73.
• BALASINSKI Justyne & MATHIEU Lilian, "Introduction", in Justyne BALASINSKI & Lilian MATHIEU (éd .), Art et contestation, Rennes, PUR, 2010, pp. 9-27.
• BRETON André & RIVERA Diego, Pour un art révolutionnaire indépendant, Mexico, le 25 juillet 1938 [Manifeste de la Fédération internationale des Artistes révolutionnaires indépendants / rédigé avec la collaboration de Léon Trotsky], Service d'édition et de librairie du Parti communiste internationaliste (IVe Internationale), 1938, 4 p.
• DELEUZE Gilles, "Qu'est-ce que l'acte de création ?", Conférence donnée dans le cadre des mardis de la fondation Femis 17/05/1987 [Disponible sur https://www.webdeleuze.com/].
• DEWITTE Jacques, Le Pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit, essai sur la résistance au langage totalitaire, Michalon, 2007.
• SAID Edward, L'Orientalisme : L'Orient créé par l'Occident, Paris, Éditions du Seuil [1980], 2005.
• SARTRE Jean-Paul, "Qu'est-ce que la littérature ?", Les Temps modernes, 1947.
• SCOTT James C., La domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne, Paris, Éditions Amsterdam [1992], 2008.
• TARROW Sidney, "La mondialisation des conflits : encore un siècle de rébellion ?", Études internationales, n°24, vol. 3, 1993, p. 513–531.


SOUTIENS :

• Laboratoire de recherche "Lettres, idées, savoirs" (LIS, EA 4395) | Université Paris-Est Créteil (UPEC)
ANR-18-EURE-0015 FRAPP
• Unité de recherche "Études du Contemporain en Littératures, Langues, Arts (ECLLA) | Université Jean Monnet Saint-Étienne
• Laboratoire Passages XX-XXI | Université Lumière Lyon 2
• Unité de recherche interdisciplinaire "Interactions culturelles et discursives" (ICD, EA 6297) | Université de Tours
• Institut des langues et cultures d'Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie (ILCEA4) | Université Grenoble Alpes (UGA)
• Genre et Arts dans une perspective poét(h)ique et politique | GAPP
• Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA, UMR 5190) | Université Grenoble Alpes (UGA)

Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


ART ET ARGENT : IMAGER, RACONTER, CRÉER


DU MERCREDI 11 MAI (19 H) AU DIMANCHE 15 MAI (14 H) 2022

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Patrice BAUBEAU, Martial POIRSON


ARGUMENT :

La réflexion collective engagée avec Yann Thomas depuis plusieurs années à l'occasion de séminaires à la BNF, puis à l'INHA, portant sur les relations entre les arts et l'économie d'hier à aujourd'hui viendra à maturité lors de ce colloque de clôture de Cerisy, qui faite suite au colloque "Hors les murs" tenu en mai 2021 (voir le blog hypothèses "Art et Argent"). Le principe initiateur consiste dans l'idée que les formes de production, de représentation et de réception de l'art à travers les âges sont indissociables du système économique de leur temps, sans en être pour autant une simple transposition. De même, la mise en fiction de l'économie, sa réalité parfois portée à la critique, sublimée ou transformée par l'art, autorisent de subtiles stratégies d’infiltration, de détournement, de subversion de l'attribution de la valeur d'une part, des tropes de l'économie comme science et instance de légitimation d'autre part. D'où l'existence d'un rapport de fascination et de répulsion mutuelle entre art et argent. Ce dialogue complexe s'éclaire en interrogeant la position des œuvres, des artistes et des publics, mais aussi, de façon symétrique, les modalités de captation des gestes artistiques au sein de l'activité économique proprement dite. Le travail créateur s'insère ainsi dans la production de valeur marchande comme dans ses processus de créance, tout en interrogeant ses modalités d'évaluation, de distribution ou d'appropriation, sous leurs formes économiques, sociales, politiques, culturelles et symboliques.

À la suite du colloque interdisciplinaire tenu du 11 au 17 mai 2021 en Sorbonne et qui a apporté une riche moisson d'interventions, l'atelier-colloque organisé à Cerisy propose une forme originale de commun intellectuel, consistant dans la mise en forme, la mise en relation et l'intertextualité des différentes contributions. Ce format, réunissant artistes, universitaires et acteurs de l'économie, permettra de laisser une large place au débat, à la recherche-création et à l'expérimentation artistique des objets et mécanismes économiques. Il a pour objectif, non seulement de collationner et donner à voir textes canoniques ou œuvres moins connues, de toutes disciplines, mais encore de concevoir une publication commune autour des contributions de 2021 et des corpus, outils et méthodes d'investigation.


MOTS-CLÉS :

Argent, Arts, Créance, Crise, Économie, Fiction, Littérature, Monnaie, Théâtre


PARTICIPANTS :

Xavier GREFFE, Marius Warholm HAUGEN, Romain JOBEZ, Agnieszka KOMOROWSKA, Agnès LONTRADE, Marie-Laure MASSEI-CHAMAYOU, Éric MÉCHOULAN, Yann MOULIER-BOUTANG, Annika NICKENIG, Alexandre PÉRAUD, Claire PIGNOL, Béatrice SCHUCHARDT, Slaven WAELTI


COMPTE-RENDU :

Ce colloque a pris un format un peu inusuel mais c'est avéré particulièrement fécond. À la suite du report de la manifestation prévue en 2020 et en anticipation d'un nouveau report en 2021, il avait été décidé de tenir une partie scientifique du colloque en Sorbonne, en partenariat avec Cerisy, en mai 2021. Mais cette partie académique, qui s'est tenue avec succès et a donné lieu à de riches échanges, ne représentait qu'un aspect de ce qui avait été envisagé.

La décision a donc été prise, en concertation avec l'équipe de Cerisy, de monter une manifestation moins cadrée et davantage axée sur les échanges et l'élaboration des travaux écrits futurs. Ces débats ont été très réussis et fructueux, grâce au cadre convivial de Cerisy et à la présence constante des participants, grâce aussi à la variété des formats : conférences, tables rondes, et la projection d'un film méconnu de Jean Giono, Crésus

Les actes de 2021, enrichis, seront publiés sous l'égide des Colloques de Cerisy ; une publication supplémentaire, illustrée, viendra compléter la première. Enfin, une ressource bibliographique partagée sera déployée progressivement sur le blog hypothèses "Art et Argent", donnant naissance à la constitution d’une base de donnée ouverte sur les croisements entre économie et littérature.


BIBLIOGRAPHIE :

• Cinla Akdere and Christian Biet (ed.), Economics and Literature. A comparative and interdisciplinary Approach, London and New York, Routledge, 2018.
• Christine Baron (dir.), "Littérature et économie", Épistémocritique, n°12, Printemps 2013.
• Daniel Bell, Les contradictions culturelles du capitalisme [1976], Paris, PUF, 1979.
• Walter Benjamin, Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l'apogée du capitalisme [1923], Paris, Payot, 1982.
• Christian Biet, Stéphanie Loncle, Martial Poirson et Geneviève Sicotte (dir.), Fiction et économie : représentations de l'économie dans la littérature et les arts du spectacle, XIXe-XXIe siècles, Presses universitaires de Laval, 2013.
• Christian Biet, Yves Citton et Martial Poirson (dir.), Les Frontières littéraires de l'économie (XVIIe-XXe siècles), Paris, Desjonquères, 2008.
• Pierre Bras et Claire Pignol (dir.), Économie et littérature, L'Homme et la Société, n°200, 2016.
• Yves Citton, Portrait de l’économiste en physiocrate. Critique littéraire de l'économie politique, Paris, L'Harmattan, 2000.
• Pierre Force, Molière, ou le prix des choses. Morale, économie et comédie, Paris, Nathan, 1994.
• Pierre Force, Self-Interest before Adam Smith : A Genealogy of Economic Science, Cambridge University Press, 2003.
• Pierre Force (dir.), De la morale à l’économie politique : dialogue franco-américain sur les moralistes français, Revue Op. Cit., n°6, 1996.
• Frederic Jameson, Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif [1991], Beaux Arts de Paris éditions, 2011.
• D. N. McCloskey, "The Rhetoric of Economics", Journal of Economic Literature, vol. 31, 1983, p. 482-517.
• D. N. McCloskey, The Rhetoric of Economics, Madison, The University of Wisconsin Press, 1998.
• Éric Méchoulan, La crise du discours économique, Paris, Éditions Nota Bene, 2013.
• Martial Poirson, Art et argent au temps des Premiers Modernes, Oxford, SVEC, 2004:10, 2004.
• Martial Poirson, Politique de la représentation : littérature, arts du spectacle, discours de savoir, Paris, Champion, 2014.
• Martial Poirson, Spectacle et économie à l'âge classique, Paris, Classiques Garnier, 2011.
• Marc Shell, Money, Language and Thought : Literary and Philosophical Economies from the Medieval to the Modern Era, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1993.
• Marc Shell, Art and Money, Chicago-London, University of Chicago Press, 1995.
• Marc Shell, The Economy of Literature, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1996.
• Georg Simmel, Philosophie de l'argent [1900], Paris, PUF, 1987.
• Michael Watts, The Literary Book of Economics, ISI Books, 2003.