Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


L'ÉCRITURE DU MALAISE


DU VENDREDI 16 JUIN (19 H) AU JEUDI 22 JUIN (14 H) 2023

[ colloque de 6 jours ]



ARGUMENT :

Comment de nos jours rester freudiens dans notre réflexion sur les maux de la civilisation ? Seule aujourd'hui une écriture reliée à celle de Freud — mais sous quelle forme ? — nous permettrait-elle de questionner le système de pensées, étayé sur le langage de l'histoire, qui nous permet de penser ? Et d'interroger dans le même mouvement ce qui dans l'état actuel de la culture, et donc de la psychanalyse, nous empêche de penser ?

Mais alors qu'en est-il lorsque l'écriture prend le malaise pour motif ? Comment le malaise dans la culture est-il articulé au malaise dans la cure ? Et en quoi cela viendrait-il spécifier l'écriture de l'analyste, par rapport à celle de l'écrivain ?

Des analystes seront ainsi conviés à partager les questions de l'écriture quand celles-ci sont envisagées sous l'angle du travail de culture — comme possible transformation de la destructivité et de l'auto-destructivité — et de ses empêchements. Différentes figures du malaise contemporain seront ainsi abordées, notamment : dans l'identité (du sexe au genre), dans l'emprise du virtuel sur l'intime, la parole et les liens, dans la formation analytique, dans le transfert et son écriture…

Ce colloque constitue le prolongement d'un séminaire animé par Jean-François Chiantaretto (Quatrième Groupe) et Jean-Michel Hirt (Association Psychanalytique de France). Il s'adresse à tous les cliniciens pour lesquels l'état actuel de la société contemporaine vient questionner la psychanalyse, ainsi qu'à toute personne intéressée par le sujet traité.


MOTS-CLÉS :

Amour, (Auto-)destructivité, Civilisation, Dette, Douleur, Formation analytique, Interlocution interne, Intime, Langage, Pensée, Perte, Renoncement pulsionnel, Réalité spirituelle, Symptôme, Trace, Transfert, Transmission, Trauma, Travail de culture, Vérité, Virtuel


CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 16 juin
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Samedi 17 juin
Matin
Brigitte DOLLÉ-MONGLOND : La psychanalyse au temps du court-circuit de la pensée
Ellen CORIN : L'échappée du regard

Après-midi
Ghyslain LÉVY : Au-delà du Malaise, des liens sans sujet
Janine FILLOUX : Malaise dans l'offre et la demande de psychanalyse [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]

Table ronde avec Adam PRIGENT : Malaise d'un monde, malaise d'une illusion ?


Dimanche 18 juin
Matin
Sylvie SESÉ-LÉGER : Einfluss et l'écriture du transfert
Jean-Michel HIRT : Le mal du pays

Après-midi
Jean-François SOLAL : Écrire de soi à soi, une navette analytique
Catherine MATHA : Clinique du malaise

Soirée
Gilles BIBEAU : L'utopie, le meilleur ennemi de l'empire


Lundi 19 juin
Matin
Pierrette LAURENT : De la croyance à la pensée : de la nécessité d'un fond
Catherine HERBERT : Des naufragés au temps du malaise

Après-midi
DÉTENTE


Mardi 20 juin
Matin
Monique LAURET : Le malaise dans l'identité contemporaine : la question trans
Dominique GEAY : Des retrouvailles de la trace et des difficultés d'y dire oui

Après-midi
Ana de STAAL : "Je défierai les insultes du ciel" : Masud Khan, entre le mal et les mots
Martine MIKOLAJCZYK : Ceux qui restent, ce qu'il reste

Soirée
Cinéma


Mercredi 21 juin
Matin
Jean-François CHIANTARETTO : L'altération de l'intime, l'altérité dans l'intime
Olivia TODISCO : Écrire l'érotisme ?

Après-midi
Janine ALTOUNIAN : Le malaise des héritiers de survivants qui se sentent à la fois contraints et empêchés d'écrire
Houria ABDELOUAHED : Viol de femmes en temps de guerre

Table ronde avec Nicolas EVZONAS : Folie transférentielle ou la transfiguration par l'écriture : transition de genre, supervision et perlaboration


Jeudi 22 juin
Matin
Bilan et perspectives

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Houria ABDELOUAHED : Viol de femmes en temps de guerre
La guerre civile, vers laquelle a rapidement évolué le soulèvement en Syrie né dans le sillage du Printemps arabe, a contribué au développement et à l'ancrage de Daesh. Celui-ci restera dans l'histoire et la mémoire collective comme l'exemple d'une sauvagerie brute qui invite à réfléchir sur la pulsion d'agression et "les encombrants cadavres" de l'histoire humaine. Ayant reçu des patientes réfugiées victimes du viol (ou des viols collectifs), je réfléchirai, dans un premier temps, sur "cette constante non évolutive de la condition humaine, irrémédiable, inamovible : la dimension du mal" (N. Zaltzman) et, dans un second temps, sur le féminin et l'effraction traumatique avant d'engager une réflexion sur la dimension transférentielle dans cette clinique de l'extrême.
Bibliographie
Bessoles P., Viol et identité, MJW Féditiion, 2008.
Didi-Huberman G., L'œil de l'histoire. Quand les images prennent position, Les éditions de Minuit, 2009.
Ferenczi S., "Réflexions sur le traumatisme" (1934), Œuvres complètes, IV, Payot, 1982.
Freud S., "Le malaise dans la culture" (1930), Œuvres complètes, XVIII, PUF, 2015.

Houria Abdelouahed est Psychanalyste (APF), professeure des universités (Université Sorbonne Paris Nord) et traductrice. Ses recherches portent sur la clinique de l'extrême, l'écriture du trauma et ses traductions, le féminin et les assises pulsionnelles de la culture musulmane.
Derniers ouvrages
Face à la destruction. Psychanalyser en temps de guerre, Éditions des femmes - Antoinette Fouque, 2022.
Figures de l'exclusion (sous la direction de Houria Abdelouahed), MJWFédition, 2019.
Les femmes du prophète, Éditions du Seuil, 2016, ré-édité en 2019 (traduit en suédois).
Figures du féminin en islam, PUF, 2012 (Prix de l'Évolution psychiatrique 2012), 2ème édition en 2015, 3ème édition en 2016.

Jean-François CHIANTARETTO : L'altération de l'intime, l'altérité dans l'intime
Transformé de plus en plus en un objet (de communication, de consommation), l'intime devient une affaire privée. Privé des insistances de l'altérité (de soi-même, d'autrui, de l'autre), l'intime est menacé de se perdre en perdant sa dimension intermédiaire. C'est-à-dire de lieu témoignant de l'énigme de la composition relationnelle du Je, indissociablement sexuelle et culturelle ; et de lieu d'accueil intérieur des destins de l'infans sans-aide, faisant de tout humain un semblable, singulier.
Bibliographie
Anders G. (1956), L'obsolescence de l'homme, Ivrea, 2002.
Arendt H. (2002), Journal de pensée, Seuil, 2005.
Aulagnier P. (1975), La violence de l'interprétation, PUF.
Dollé-Monglond B. (dir.) (2018), Le sentiment de solitude. Approche psychanalytique, In Press.
Laplantine F. (2020), Penser l'intime, Éd. CNRS.
Rolland J.-C. (2021), Le verbe devant l'inconscient, Ithaque.
Valéry P. (1973), Ego scriptor, Gallimard, 1992.
Zaltzman N. (2007), L'esprit du mal, Éd. de l'Olivier.

Jean-François Chiantaretto est psychanalyste, membre du Quatrième Groupe, professeur des universités émérite (Université Sorbonne Paris Nord). Ses recherches portent sur les liens entre l'interlocution interne et le travail de culture, sur la clinique des limites et sur les écritures du psychanalyste.
Derniers ouvrages
Aux origines du Je. L'œuvre de Piera Aulagnier (avec A. Cohen de Lara, F. Houssier et C. Matha), Colloque de Cerisy, Éditions Ithaque, 2022.
La perte de soi, Campagne Première, 2020 (traduit en brésilien en 2023).
Psychanalyse et culture. L'œuvre de Nathalie Zaltzman (avec G. Gaillard), Colloque de Cerisy, Éditions Ithaque, 2020.

Jean-Michel HIRT : Le mal du pays
Comment l'usage du mot amour "au principe de nos discussions et de nos exposés" (Freud), engage le destin de toute écriture analytique ?

Jean-Michel Hirt est Psychanalyste (APF), professeur des universités (Université Sorbonne Paris Nord) et essayiste. Ses recherches portent sur les liens entre le psychique et le culturel, et notamment les religions monothéistes, ainsi que sur les destins du pulsionnel (refoulement/déchaînement, sublimation/renoncement).
Derniers ouvrages
Renoncer au naufrage, la pulsion au service du vivant, Éditions Ithaque, 2022.
Le socle d'argile, essai sur le père et la paternité, Éditions Ithaque, 2021 (Prix Œdipe en 2022).
Le témoin des écritures, Actes Sud, 2021 (Prix Écritures et Spiritualités en 2022).


Janine ALTOUNIAN : Le malaise des héritiers de survivants qui se sentent à la fois contraints et empêchés d'écrire
L'héritier de survivants aux violences de l'Histoire ne se ressent ni exclu, ni marginalisé, ni opprimé face à son environnement, mais "décalé", c'est-à-dire psychiquement, socialement, politiquement "inadéquat" au monde qui suit son cours, sourdement dénégateur du vécu de ses ascendants. La visée de son écriture sera donc de déplier ce "décalage" douloureux pour mettre au jour les données implicites qui déterminent son inadéquation aux intérêts du monde présent et situer en quel point ces derniers évitent la confrontation avec l'altérité de son histoire.

Janine Altounian, germaniste, essayiste, a été, de 1970 à 2012, co-traductrice et responsable de l'harmonisation des Œuvres complètes de Freud (PUF) sous la direction de Jean Laplanche. Née à Paris de parents arméniens rescapés du génocide de 1915, elle travaille sur la "traduction" de ce qui se transmet d'un trauma collectif aux héritiers de survivants.
Publications
Ouvrez-moi seulement les chemins d'Arménie, Les Belles Lettres, 1990.
La Survivance, Dunod, 2000.
L'écriture de Freud, PUF 2003.
L'intraduisible, Dunod, 2005.
Mémoires du génocide arménien, PUF, 2009.
De la cure à l'écriture, PUF, 2012.
L'effacement des lieux. Autobiographie d'une analysante, héritière de survivants et traductrice de Freud, PUF, 2019.

Ellen CORIN : L'échappée du regard
Si l'écriture est un système de signes et si l'idée même de malaise réfère à quelque chose qui fait signe sans se livrer, peut-on dire que ce malaise est lui-même une sorte d'écriture qu'il nous échoirait de déchiffrer ? Une écriture inscrite dans le social et la culture mais doublée d'aperceptions plus inquiétantes, intimes ? Comment dépasser le constat des formes actuelles, cruelles, d'une violence qui se déploie tous azimuts et chercher à en déchiffrer la trace en nous, en dire quelque chose qui ne soit pas de l'ordre d'un savoir nécessairement en porte à faux par rapport à ce qui fait trace ? Avons-nous ici une responsabilité particulière comme analystes ? Quel est le pouvoir de récits ouvrant sur l'occulté d'une histoire jamais passée et celui de formes d'écriture ouvrant quasi-sensoriellement sur ce qui anime les traces ? Un entrelacs de chemins qui marquent aussi notre travail clinique.

Ellen Corin est psychanalyste clinicienne, membre de la Société psychanalytique de Montréal. Elle est professeur émérite retraitée aux départements de psychiatrie et d'anthropologie de l'université McGill et chercheur émérite au Centre de recherche du Centre universitaire en santé mentale Douglas. Ses recherches ont porté sur l'articulation entre vie psychique et culture, au Congo, en Inde et au Québec, plus particulièrement dans le cadre de la possession, de la psychose et de l'ascétisme.

Brigitte DOLLÉ-MONGLOND : La psychanalyse au temps du court-circuit de la pensée
"Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde", Camus, 1944.
De notre place d'analystes renvoyant à la fois à un inconscient structurel, atemporel, et à l'héritage freudien de 1930 qui ne cesse de se réécrire, ne sommes-nous pas confrontés à la nécessité d'interroger la réflexivité de notre discipline, et donc nos positions contre-transférentielles, notre auto-théorisation ? Au sein de la révolution numérique et de la post-vérité, le malaise dans la culture est aussi un malaise dans la pensée, directement corrélé au délitement de la vie intérieure, à la menace sur la vie psychique, entraînant dans son sillage une forme de logique inconsciente dont nous mesurons les effets cliniques : désarroi moral, altération du lien à l'autre. Pour autant, nous avons à penser dans l'inflexion d'Eros, de l'investissement, et la psychanalyse, fondée sur "l'amour de la vérité", telle une figure d'antidote, trouve là sa place en ce qu'elle incarne, tant au niveau de l'expérience intérieure, de la recherche de sens, que de l'altérité.

Brigitte Dollé-Monglond est Docteure en lettres Modernes et psychologue clinicienne de formation. Elle est également psychanalyste, membre du Quatrième groupe et membre titulaire de la SFTF. Elle est auteure de nombreux articles, de contributions dans des recueils collectifs, dont Des psychanalystes en séance (ss dir. de L. Danon-Boileau et J.-Y. Tamet, Folio-Gallimard, 2016), et d'ouvrages dont Le sentiment de solitude, approche psychanalytique (In Press, 2018) et La thérapie familiale à l'heure de la singularité des couples et des familles (Nouvelle édition revue et augmentée, ESF, 2021).

Nicolas EVZONAS : Folie transférentielle ou la transfiguration par l'écriture : transition de genre, supervision et perlaboration
Dans cette présentation, l'analyste se propose de réfléchir sur les effets mutatifs de l'écriture clinique. Il relate à cet égard son expérience de cure supervisée d'un adolescent transgenre au cours de laquelle le transfert superviseur-supervisé a dégénéré en une relation sadomasochiste et une folie-à-deux. Une première lecture de cette expérience relève les préjugés théoriques vis-à-vis des sujets trans, qui ont aveuglé le superviseur. Une relecture de ce cas révèle les points aveugles propres à l'analyste : sa suridentification au patient et son besoin consécutif de le protéger de toute pathologisation. Dans cette perspective, la folie transférentielle à laquelle l'analyste a succombé avec son superviseur est comprise comme une répétition agie des scénarii sadomasochistes que le patient aurait partagé avec ses parents. Les multiples relectures de cette expérience mettent en exergue les vertus transformatrices de l'écriture à même de permettre au clinicien-écrivain d'accomplir sa propre transition.

Nicolas Evzonas est Docteur ès Lettres (Université de Paris Sorbonne), Docteur en psychopathologie et psychanalyse (Université de Paris Diderot), ATER à l'université de Paris Cité, analyste en formation (APF).
Références bibliographiques relatives à cette intervention
Evzonas, N., Devenirs trans de l'analyste, Paris, Puf, 2023 (à paraître).
Green, A., La Folie privée : Psychanalyse des cas-limites, Paris, Gallimard, 1990 (à propos de la notion de bi-triangulation).
Forrester, J., Thinking in Cases, Cambridge, Polity Press, 2016 (à propos de l'écriture).
Laplanche, J., Problématiques VI : L'Après-Coup, Paris, Puf, 2006.
Laplanche, J., Sexual : La Sexualité élargie au sens freudien, Paris, Puf, 2007.
Martín Cabré, L. J., "From introjection to intropression : Evolution of a theoretical concept and its consequences for psychoanalytic technique", The American Journal of Psychoanalysis, 2011, Vol. 71, n°4, pp. 321-328 (à propos de la "confusion de langues" en supervision).
Neyraut, M., Le Transfert : Étude psychanalytique, Paris, Puf, 1974 (à propos de la précession du contretransfert par rapport au transfert).
Roussillon, R., Agonie, Clivage, Symbolisation, Paris, Puf, 1999 (à propos du transfert par retournement).

Janine FILLOUX : Malaise dans l'offre et la demande de psychanalyse
Si devenir analysant c'est accepter l'hypothèse de l'inconscient et s'approprier les règles de l'analyse, comme condition de sa capacité à s'approprier son propre mode de fonctionnement, il est clair que, sur la scène analytique, ce devenir est tributaire tout autant de l'offre du psychanalyste que de la demande qui lui est faite. En quoi les évolutions actuelles — celle de la demande en fonction des mutations sociétales, celle de l'offre en fonction de critères d'analysabilité conduisant à des changements de paradigmes ou à une "psychanalyse en extension" —, peuvent-elles subvertir l'offre de psychanalyse liée à la culture humaniste universaliste ? Car, au delà de la visée thérapeutique qu'elle inclut, cette offre suppose, comme Freud le soutient dans L'analyse profane, la possibilité de transmettre et de s'approprier les connaissances acquises sur le fonctionnement psychique, constitutive du passage de la position de patient à celle d'analysant. En quoi, pour exemple, l'émergence actuelle de l'apologie de la diversité sur le plan culturel et sexuel pourrait-elle conduire à une mise en question du caractère nucléaire et structurant du complexe d'Œdipe, caractère fondateur sur lequel Freud n'a jamais cédé ?

Janine Filloux est psychanalyste, membre du Quatrième Groupe. Ses principaux travaux, publiés notamment dans Topique, Le Coq-Héron, Les actes du Quatrième Groupe, Confrontations psychiatriques, portent sur le féminin et sur la spécificité de la cure psychanalytique dans sa dimension clinique et éthique.

Dominique GEAY : Des retrouvailles de la trace et des difficultés d'y dire oui
Il arrive qu'en séance, l'analyste entende un discours qui ne ressemble pas à ceux qui lui sont habituellement adressés. Il ne s'agit plus d'écouter la plainte d'un besoin non satisfait, d'un pulsionnel défait dans sa satisfaction par une inlassable compulsion de répétition ou d'un narcissisme blessé. Il s'agit d'écouter un discours que rien n'apparente à celui du quotidien d'un analyste. Un discours qui subitement surgit après plusieurs années d'analyse, (qui n'est jamais le motif annoncé de l'engagement des patients dans une cure), un discours donc, qui fait la narration d'une rencontre amoureuse unique dans la vie de l'analysant. Rencontre, selon leurs mots, qui n'a aucune commune mesure avec leurs amours passionnelles et déçues qui font répétition dans leur vie. Ce que l'analyste entend, c'est qu'avec cette rencontre, c'est le retour de la trace d'un événement originaire du sujet, "un mystère plus lointain que l'inconscient" (A. Didier-Weill). Ils disent la rencontre d'un Autre leur donnant le savoir d'un désir toujours présent et qui offre lumière et joie. Dans Malaise dans la culture, Freud indique que le bonheur est le terme de toute recherche humaine. Le mot bonheur contient l'idée de bonne chance, de bonne rencontre. Pourtant, cette rencontre qui leur procure un bonheur d'où les voies de la convoitise et la demande de renforcement narcissique sont exclues, des sujets, dans leur culture, objectent que ce n'est pas pour eux. Ils y renoncent sans plainte mais non sans dire qu'ils savent qu'ils renoncent à leur désir pour retourner à ce qui leur est déjà connu. Pourquoi ? C'est ce que nous essaierons de comprendre avec des notions telles que la Chose et sa double face positive et négative, la perte d'étayage et le renoncement pulsionnel.

Dominique Geay est psychologue clinicien, psychanalyste et participant du IVe groupe.

Catherine HERBERT : Des naufragés au temps du malaise
Écrire pour que ces naufragés que sont les toxicomanes retrouvent un espace. Écrire pour eux que le monde met au ban mais qui cherchent à y vivre. Écrire pour ne pas les oublier, ne pas les abandonner, ne pas les laisser dans le silence, ne pas les enfermer plus qu'ils ne le sont déjà. Écrire pour qu'enfin soit perçu le lien vivace entre notre société addictogène et ces sujets naufragés. Écrire pour que ces patients que je reçois depuis 25 ans, ne soient plus considérés comme des êtres à part, transgressifs, marginaux, mais bien des sujets, certes singuliers, ni plus ni moins que nous tous, femmes et hommes normés. À partir de Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, de Nathalie Zaltzman, La Pulsion anarchiste, de Jean-Michel Hirt, La dignité humaine, de Jean-François Mattéi, La barbarie intérieure, et de récits cliniques, je tenterai de montrer l'articulation mortifère de l'individuel et du collectif au centre de la vie des toxicomanes.

Catherine Herbert est Psychanalyste, membre de l'Association Psychanalytique de France, médecin praticien hospitalier, SAPA-EPSM (Caen, France).

Pierrette LAURENT : De la croyance à la pensée : de la nécessité d'un fond
Pour Freud le devenir de l'individu est indissociable de la culture dans laquelle il est pris, et cette culture est elle-même dépendante des individus qui la compose. Le fondement de la psyché individuelle dans celle de l'autre et son environnement (Aulagnier, Bion, Winnicott) ont enrichi l'appareil psychique freudien et remanié ses modalités processuelles. Les apports de la pratique psychanalytique avec les groupes (famille, groupes, institutions) ont montré les articulations et les intrications profondes qui se créent entre les formations psychiques de chacun et les transformations qui en résultent. René Kaës a reconnu trois espaces de réalité psychique dans les groupes : l'espace intrapsychique, l'espace intersubjectif et l'espace transsubjectif (espace psychique groupal résultant des formations et des processus psychiques créés dans et par le groupe ; il contient les deux autres espaces). Cet espace transsubjectif, espace du sentiment océanique ou espace chaotique du sentiment d'effondrement, nous permettrait-il d'approcher les liens entre les bouleversements des processus identificatoires que sont, entre autres, le transhumanisme, le transsexualisme, le transgenre, et les bouleversements culturels engendrés par l'utilisation néolibérale des avancées technoscientifiques ?

Pierrette Laurent est psychanalyste, membre du Quatrième Groupe, psychiatre et pédopsychiatre, formatrice au CIRPPA.
Publications
Laurent P., 2019, Conduire un groupe de psychothérapie d'enfants, Toulouse, ères.
Laurent P., Lhotellier D. (sous la dir.), 2020, La sensorialité dans les groupes, Toulouse, érès.
Kaës R., Laurent P., (sous la dir.), 2009, Le processus thérapeutique dans les groupes, Toulouse, érès.
Bibliographie
Aulagnier P., 1979, Les destins du plaisir, Paris, PUF.
Castoriadis-Aulagnier P., 1974, La violence de l'interprétation. Du pictogramme à l'énoncé, Paris, PUF.
Kaës R., 2009, Les alliances inconscientes, Paris, Dunod.
Kaës R., 2015, L'extension de la psychanalyse. Pour une métapsychologie du troisième type, Paris, Dunod.
Winnicott D. W., 1988, La nature humaine, Paris, Gallimard, 1990.
Winnicott D.W., 1989, La crainte de l'effondrement et autres situations cliniques, Paris, Gallimard, 2000.

Monique LAURET : Le malaise dans l'identité contemporaine : la question trans
Le malaise dans la civilisation n'en finit pas de s'écrire. Le XXe siècle a eu son symptôme avec l'Hystérie et les "folles" de Charcot, le XXIe siècle annonce le sien, celui de la liberté de "décider" de son genre sexué suivant le "ressenti" individuel, dans une nouvelle mode transgenre. Une mode qui ne touche pas seulement les adultes consentants mais aussi les enfants et les adolescents engagés dans le processus de construction subjective de leur identité sexuée. Les expérimentations actuelles, pratiquées sans véritable évaluation scientifique, questionnent le respect de la dignité des droits humains. Ce travail propose une analyse des motifs inconscients au niveau de l'individuel et du collectif qui nous amènent à une dérive imaginaire et aux manipulations idéologiques d'une époque, dont la question de l'identité fait symptôme.

Monique Lauret est psychanalyste, psychiatre, membre de la Société de Psychanalyse Freudienne (SPF) et de la Fondation Européenne de la psychanalyse. Elle est présidente de Psycha 31. Pour une psychanalyse ouverte sur la Cité depuis 2010.
Publications
Lacan, Mencius. La route chinoise de la psychanalyse, Campagne Première, 2022.
La conscience de l'humain. Dialogue entre psychanalyse et pensée chinoise, Paris, L'Harmattan, 2021.
L'énigme de la pulsion de mort. Pour une éthique de la joie, Puf, 2014.
Sous sa direction
Éthique, inconscient et questions contemporaines, Paris, L'Harmattan, 2022.
Éthique psychanalytique et accidents du transfert, Paris, L'Harmattan, 2022.
Trauma, Temps, Histoire, Éditions Champ social, 2016.

Ghyslain LÉVY : Au-delà du Malaise, des liens sans sujet
De cette faillite du lien humain, on en connaît les effets à travers l'isolement croissant des individus, les expériences d'exclusion et de désolation déshumanisante. La seule question demeure aujourd'hui : comment regagner la réalité quand celle-ci ne représente plus qu'une référence vide de sens, virtuelle ? Se multiplient désormais des liens sans sujet, entre individus branchés, en ligne, en réseau, connectés compulsivement en charge et décharge… Comment penser aujourd'hui le Malaise freudien ?

Ghyslain Lévy est psychiatre et psychanalyste, membre du Quatrième Groupe. Il a publié de nombreux articles et livres dont pour les plus récents : Le don de l’ombre (2014), Survivre à l’indifférence (2019) et La vie partielle (2021), tous publiés chez Campagne Première. Ses contributions aux colloques de Cerisy ont été nombreuses, dont la direction du colloque "Algérie, traversées" en 2017 (publié par Hermann Éditeurs, 2018).

Catherine MATHA : Clinique du malaise
La "clinique du malaise" sera travaillée dans une double perspective. Celle relative à l'"incarnation" du malaise dans l'intime de la dynamique transférentielle de la cure d'adultes "en mal d'adolescence". Quand la promesse d'une réécriture solitaire de l'infantile fut et reste trop contrariée par le "deuil" non réalisé de l'enfant qu'ils n'ont pas été, celui qu'imaginairement ils attendaient d'être/de devenir, attachée à l'espoir trahi d'être/de devenir "quelqu'un de bien" — promesse adolescente s'il en est, relayée par les injonctions sociales. Mais aussi le malaise qui s'incarne dans l'écriture de l'analyste pour en rendre compte, posant avec force la question du dévoilement, de la trahison, notamment au sujet de patients en mal d'appropriation de leur histoire.
Bibliographie
Aulagnier P. (1989), "Se construire un passé", in Le narcissisme à l'adolescence, Journal de la psychanalyse de l'enfant 7, p. 191-220.
Leclaire S. (1975), On tue un enfant, Paris, Édition du Seuil.
Pontalis J.-B. (1997), Ce temps qui ne passe pas, Paris, Gallimard, "Tracés".
Rosenberg B. (1991), "Le travail de mélancolie", in Masochisme mortifère et masochisme gardien de la vie, Monographie de la Revue Française de Psychanalyse, Paris, PUF, p. 93-122.
Zaltzman N. (1998), De la guérison psychanalytique, Paris, PUF, p. 46.
Pozzi E. (1999), "Le paradigme du traître", in De la trahison, sous la dir. Scarfone D., pbp, Paris PUF, p. 1-33.

Catherine Matha est psychanalyste (APF) et Maître de conférences habilitée à diriger des recherches à l'université Sorbonne Paris Nord (USPN). Ses ouvrages et articles portent sur les fonctions et les destins du masochisme à l'adolescence et après, les problématiques de l'acte, de la dépression et de la mélancolie, la clinique de l'inscription corporelle (scarifications) et de l'écriture, la phobie de la pensée. Elle a également co-dirigé différents ouvrages dont les derniers : Aux origines du Je. L'œuvre de Piera Aulagnier (2022) avec J.-F. Chiantaretto, A. Cohen de Lara, F. Houssier ; Quelques motifs de la psychanalyse. À partir des travaux de Laurence Kahn (2020) avec O. Bombarde et F. Neau.

Martine MIKOLAJCZYK : Ceux qui restent, ce qu'il reste
Dans le cadre du malaise contemporain, entendu comme la tension entre l'individu de la découverte freudienne mis en lumière par la pratique psychanalytique et son écriture, et une civilisation où la conception scientifique du monde et ses promesses biomédicales ont supplanté son appréhension religieuse et narrative, comment envisager la blessure qu'infligent à notre exigence d'éternité le savoir de notre finitude et l'inévitable expérience de la mort de l'autre-proche ? De quoi le survivant est-il aujourd'hui l'obligé au regard de celui qui n'est plus mais aussi de ce que lui-même laissera, si tant est qu'il consente à envisager son propre mourir ? La partie d'échec engagée avec la mort, ou la danse, c'est selon, peut-elle ouvrir à une consistance plus vivante de soi et du monde ? Si écrire constitue un recours contre la perte, j'aimerais envisager l'exercice sous l'angle du "reste" et interroger son ambivalence qui le fait relique autant que rebut, indice de ce qui à la fois subsiste et disparaît. Je me réfèrerai, entre autres, aux travaux de Freud, Fédida, Pontalis, Hirt, Ariès et aux écrits de Joan Didion, Simone de Beauvoir, David Rieff, Nathalie Léger et Georges Perec, ainsi qu'à quelques œuvres visuelles.

Martine Mikolajczyk est psychanalyste à Paris, inscrite à l'institut de formation de l'APF.

Adam PRIGENT : Malaise d'un monde, malaise d'une illusion ?
Freud écrivait dans Malaise dans la culture que la culture "désigne toute la somme des réalisations et des institutions par lesquels notre vie s'écarte de celle de nos ancêtres animaux, et qui servent deux buts : protéger l'homme contre la nature et réguler ses rapports sociaux avec ses semblables". Peut-on encore réellement soutenir cela devant les crises que nous traversons aujourd'hui, la première et la plus importante, car universelle, étant celle du climat ? Peut-on encore soutenir que l'on se protège "contre" la nature, à un moment où l'Homme semble mettre une attention particulière à sa destruction et donc en dernière instance à sa propre autodestruction ? Quels jeux des pulsions ? L'homme supporte-t-il encore vraiment les frustrations essentielles pour un vivre ensemble ? Dans L'homme Moïse, un vent de pessimisme semble emporter Freud lorsqu'il déclare "nous vivons une bien étrange époque et constatons avec surprise que le progrès s'allie à la barbarie". Cinquante ans plus tôt, Nietzsche s'intéressait également à la culture, mais en s'opposant à l'idée darwinienne de l'autoconservation et lui opposait fermement l'idée de la volonté de puissance. Cette idée émane du constat que ce qui ne fait que se maintenir est condamné à périr. Ce qui vit en revanche, croît et se développe. Le dynamisme de la nature en est le témoin. Pour lui le "soi" de l'homme est éminemment expansif. Aujourd'hui, où l'homme est confronté aux conséquences de ses actes, l'ayant conduit à l'insécurité "ultime", par les changements massifs de son environnement, la question de l'autoconservation au travers de la culture se pose et mérite que l'on mette en dialogue ces deux auteurs.

Adam Prigent est psychologue clinicien, chargé de cours (Université Sorbonne Paris Nord) et doctorant (UTRPP UR 4403).
Bibliographie
Alfandary I., L'énigme Nietzsche.
Alfandary I., Lire depuis Malaise dans la culture.
Freud S., Malaise dans la culture.
Freud S., L'homme Moïse.
Nietzsche F., Humain trop humain.
Nietzsche F., Aurore.
Nietzsche F., Par-delà bien et mal.
Safranski R., Nietzsche biographie d'une pensée.

Sylvie SESÉ-LÉGER : Einfluss et l'écriture du transfert
Ce terme d'Einfluss est employé par Freud pour traduire l'influence qu'exerce le patient sur la sensibilité inconsciente du psychanalyste et qui déclenche le "contre-transfert". Dans cette perspective, comment se nouent les liens entre la scène transférentielle, l'écriture et le féminin ? Pour tenter de répondre à cette question, je me réfèrerai aux écrits cliniques de Freud en résonnance avec les récits de leur cure par ses patientes et ses patients. Je m'appuierai également sur l'écriture après-coup de ma trajectoire analytique, telle que je l'ai retracée dans Mémoire d'une passion (2012).

Sylvie Sesé-Léger est psychanalyste, membre associé de la Société de psychanalyse freudienne (SPF), ancienne Analyste de l'École freudienne de Paris (EFP). Ses recherches portent sur le féminin, le transfert et la formation du psychanalyste.
Publications
L'Autre féminin, Campagne Première, 2008.
Mémoire d'une passion (traduit en italien et en portugais du Brésil), Campagne Première, 2012.
Freud et le féminin. Dora, Sidonie, Hilda et les autres, Campagne Première, 2021.
Freud et le masculin. Au vif du transfert, Campagne Première, 2022.

Jean-François SOLAL : Écrire de soi à soi, une navette analytique
Emily Dickinson, poétesse du XIXe siècle, vit recluse, mais avec éclat. C'est son écriture secrète du malaise, dans une famille puritaine de la Nouvelle Angleterre. Freud se fait aussi poète lorsqu'il rend compte d'une psyché qui n'aurait rien perdu, rien détruit, de ce qui s'est produit. Il décrit une Rome antique rêvée où tous les monuments, seraient simultanément présents à nos yeux. Dans le Malaise, comme Emily, il rend compte du vivant au plus près de la mort. Au plus près de l'acte, certains événements, que j'ai qualifiés de juvéniles, vont et viennent entre partenaires de l'analyse. L'interlocution interne de l'analyste s'est exprimée ici dans deux rêves, exemplaires de l'écriture du malaise.

Jean-François Solal est ancien psychiatre des hôpitaux, pédopsychiatre et psychanalyste, membre associé à la Société de Psychanalyse Freudienne. Il développe une clinique et une recherche théorique concernant les adolescents et les sujets souffrant d'addiction.
Derniers livres parus
L'événement juvénile (avec T. Garcia-Fons), PUF, 2016.
Si la psychanalyse est une histoire vraie, Campagne-Première, 2018.
Dernier article paru
"S'incliner devant la jouissance", in Le présent de la psychanalyse, n°9, "La trace", APF, 2023.

Ana de STAAL : "Je défierai les insultes du ciel" : Masud Khan, entre le mal et les mots
Sensible, immature, sentimental, avide, cultivé, snob, inspiré, pervers, intègre, mythomane, antisémite, serviable, ivrogne, affectueux, voleur, génial, tricheur, généreux, usurpateur, aimant, arrogant, poète… ainsi a-t-on essayé de saisir la personnalité shakespearienne de Masud Khan, jusqu'à ce qu'André Green ne la résume d'une phrase : "Quand on a rencontré quelqu'un comme lui, on comprend que l'esprit humain n'est pas simple.". Masud Khan (1924-1989), psychanalyste pakistanais, analysant et éditeur de D. W. Winnicott, directeur de l'International Psychoanalytic Library, brillant membre du comité de rédaction de l'International Journal of Psychoanalysis et de la Nouvelle Revue de psychanalyse, a été parmi les figures les plus aimées et les plus détestées de la psychanalyse de l'après-Guerre. Enfant chéri d'Anna Freud, ami intime de Victor Smirnoff et de Robert Stoller, celui qui inspira le concept de faux self à Winnicott, a tout au long de sa vie essayé de s'écrire et de se décrire à la fois pour nourrir et exorciser son sentiment d'imposture : "J'ai été obligé de m'inventer un "Masud", et de vivre à travers lui.". Son journal intime, constitué de plusieurs milliers de pages manuscrites, nous est aujourd'hui accessible grâce à l'impressionnant travail de recherche de la psychologue américaine Linda Hopkins.

Ana de Staal est psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne (SPF), traductrice et éditrice. Ancienne chef d'édition de Chimères, revue fondée par Gilles Deleuze et Félix Guattari, elle dirige aujourd'hui les Éditions d'Ithaque, au sein de laquelle elle a publié certains des grands auteurs de la psychanalyse postfreudienne et contemporaine. Traductrice de plusieurs séminaires de W. R. Bion, des textes de Thomas Ogden, Christopher Bollas, Antonino Ferro et Franco De Masi, elle a également dirigé avec Howard Levine l'ouvrage collectif, Psychanalyse et vie covidienne (Ithaque, 2021). Elle est membre du conseil scientifique de la revue brésilienne de psychanalyse Percurso, avec laquelle elle a notamment co-organisé un numéro spécial en hommage à André Green en 2013. Elle vit et travaille à Paris.

Olivia TODISCO : Écrire l'érotisme ?
C'est à partir d'un extrait du Très Haut, de Maurice Blanchot, que Pierre Fédida dans Humain/déshumain pose la question de la possibilité ou de l'impossibilité de la représentation du sexuel dans l'écriture, voire de l'écriture même du sexuel. Il arrime sa réflexion sur l'irreprésentable des scènes sexuelles à L'Entretien infini de Blanchot mais aussi, comme une évidence, à la célèbre formule de Lacan : "il n'y a pas de rapport sexuel". Je partirai de ces questions favorisant l'informe et l'originaire de la sexualité, de la chair, ce que Pierre Fédida nomme "la terreur du sexuel" pour interroger les auteurs d'une littérature qui se veut scandaleuse, à hauteur du scandale de l'érotisme : entre autres Bataille, Genet, Sade, ou Hervé Guibert, dont l'essai Les Chiens, se réclame de la pornographie. Cette réflexion impliquera des questions d'ordre littéraire : le refus généralisé, à l'époque, du récit (Blanchot, Adorno, Manifeste du surréalisme…) et psychanalytique, telles les sources infantiles du désir d'écrire, en particulier (ou pas) l'érotisme.

Olivia Todisco a suivi des études de lettres puis de psychologie clinique, elle est membre titulaire de l'Association psychanalytique de France.
Publications
À paraître en 2023, Henri Maldiney, inspirateur de Pierre Fédida : co-naissance du langage et de la réalité native du monde.
Article en ligne, Présentation de Renoncer au naufrage de Jean-Michel Hirt, Œdipe le Salon et Éditions Ithaque, 2022.
"À propos de la création : le dialogue Lou Andréas Salomé/Rainer Maria Rilke", Nunc, n°44, Revue opérante, Éditions de Corlevour, Février 2018.
Contribution à Des psychanalystes en séance (entrées Pierre Fédida), sous la direction de Laurent Danon Boileau et Jean-Yves Tamet, Gallimard, Février 2016.
Note de lecture, "Avant d'être celui qui parle, de Jean-Claude Rolland", Psychiatrie française, Vol. XXXVIII, n° 4/07, "Théorie de la séduction : validation, réfutation", 2007.
"Entretien avec Bruno Dumont", Psychiatrie française, Vol. XXXVI, "Les Conférences de Lamoignon, Le langage 3", Décembre 2005.
"Le Visage dans la littérature érotique", Le visage et la voix, sous la direction d'Annie Gutmann et Pierre Sullivan, Colloque de Cerisy, Éditions In Press, 2004.
"Il est où le soi ?", Psychiatrie française, Volume 32, n°4, "Écritures", 2001.
"Y-a-t-il une utopie de l'érotisme ?", Psychiatrie française, Vol. 31, "Utopies", 2000.
"Aveuglement", Le fait de l'analyse, n°6, Éditions Autrement, 1999.


BIBLIOGRAPHIE :

• Houria Abdelouahed, Face à la destruction. Psychanalyse en temps de guerre (Éditions des femmes)
• Theodor W. Adorno, Le jargon de l'authenticité (Payot)
• Janine Altounian, L'effacement des lieux (PUF)
• Günter Anders, L'obsolescence de l'homme (Éd. de l'encyclopédie des nuisances/Ivrea)
• Günter Anders, La haine (Rivages et Payot)
• Lou Andreas-Salomé, L'amour du narcissisme (Gallimard)
• Hannah Arendt, La crise de la culture (Gallimard)
• Antonin Artaud, Le théâtre et son double (Gallimard)
• Piera Aulagnier, La violence de l'interprétation (PUF)
• Georges Bataille, La littérature et le mal (Gallimard)
• Jean Baudrillard, La société de consommation (Gallimard)
• Philippe Bessoles, Viol et identité (MJW Fédition)
• Maurice Blanchot, L'entretien infini (Gallimard)
• André Breton, Nadja (Gallimard)
• Michel de Certeau, L'écriture de l'histoire (Gallimard)
• Jean-François Chiantaretto, Le témoin interne (Aubier)
• Jean-François Chiantaretto, La perte de soi (Campagne Première)
• Jean-François Chiantaretto, Catherine Matha, Françoise Neau (dir.), L'écriture du psychanalyste, Colloque de Cerisy (Hermann)
• Jean-François Chiantaretto, Georges Gaillard (dir.), Psychanalyse et culture. L'œuvre de Nathalie Zaltzman, Colloque de Cerisy (Ithaque)
• Jean-François Chiantaretto, Aline Cohen de Lara, Florian Houssier, Catherine Matha (dir.), Aux origines du Je. L'œuvre de Piera Aulagnier, Colloque de Cerisy (Ithaque)
• Sándor Ferenczi, "L'enfant mal accueilli et sa pulsion de mort" (Payot)
• Sándor Ferenczi, "Confusion de langues entre les adultes et l'enfant" (Payot)
• Sigmund Freud, "Totem et tabou", Les Œuvres complètes de Freud / Psychanalyse (PUF)
• Sigmund Freud, "L'inquiétante étrangeté", Les Œuvres complètes de Freud / Psychanalyse (PUF)
• Sigmund Freud, "Malaise dans la culture", Les Œuvres complètes de Freud / Psychanalyse (PUF)
• Sigmund Freud, "L'homme Moïse et le monothéisme", Les Œuvres complètes de Freud / Psychanalyse (PUF)
• Sigmund Freud, "Pourquoi la guerre ?", Les Œuvres complètes de Freud / Psychanalyse (PUF)
• Wladimir Granoff, Lacan, Ferenczi et Freud (Gallimard)
• Wladimir Granoff, Le désir d'analyse (Flammarion)
• Jean-Michel Hirt, Le socle d'argile (Ithaque)
• Jean-Michel Hirt, Renoncer au naufrage (Ithaque)
• Imre Kertész, Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas (Actes Sud)
• Imre Kertész, L'holocauste comme culture (Actes Sud)
• Imre Kertész, Journal de galère (Actes Sud)
• Claude Lefort, La complication (Fayard)
• Bernard de Mandeville, La fable des abeilles (Agora/Pocket)
• Jean-Claude Milner, Constats (Gallimard)
• Marie Moscovici, Il est arrivé quelque chose (Payot)
• Nadia Murad, Pour que je sois la dernière (Fayard)
• Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal (Gallimard)
• Jean-Claude Rolland, Langue et psyché (Ithaque)
• Guy Rosolato, La relation d'inconnu (Gallimard)
• Marquis de Sade, La philosophie dans le boudoir (Gallimard)
• Donald Woods Winnicott, Jeu et réalité (Gallimard)
• Donald Woods Winnicott, La crainte de l'effondrement et autres textes (Gallimard)
• Nathalie Zaltzman, La guérison psychanalytique (PUF)
• Nathalie Zaltzman, L'esprit du mal (Éditions de L'Olivier)


SOUTIEN :

• Unité transversale de recherche psychogenèse et psychopathologie (UTRPP, UR 4403) | Université Sorbonne Paris Nord

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


L'ACTION COLLECTIVE PEUT-ELLE ÊTRE CRÉATRICE ?

( AUTOUR DES TRAVAUX D'ARMAND HATCHUEL )


DU MERCREDI 7 JUIN (19 H) AU MARDI 13 JUIN (14 H) 2023

[ colloque de 6 jours ]


Dedication Pollock, 1996 © Denis Kujundzic


DIRECTION :

Franck AGGERI, Sylvain LENFLE, Dinah LOUDA, Blanche SEGRESTIN

Avec la participation d'Armand HATCHUEL


CONSEIL D'ORIENTATION :

Vincent BONTEMS, Edith HEURGON


ARGUMENT :

Le monde contemporain est traversé de multiples crises écologiques, sanitaires ou humanitaires, qui remettent en cause nos institutions et les savoirs associés. De la pandémie au changement climatique, des phénomènes inédits bousculent les repères traditionnels de la rationalité et de la responsabilité, comme ceux de progrès et de la croissance économique, conduisant à une crise de la modernité, voire à la paralysie de l'action collective. Peut-on penser aujourd'hui de nouvelles formes de l'action collective pour faire face à ces défis ? Le colloque explorera la fécondité des travaux d'Armand Hatchuel sur l'action collective pour analyser les transformations contemporaines et concevoir des transitions désirables.

Dans ses recherches, Armand Hatchuel s'est intéressé à l'action collective, et plus spécifiquement aux formes et aux conditions d'une action collective créative. L'enjeu est de prêter attention aux actions qui génèrent des phénomènes nouveaux susceptibles de mettre en défaut les théories établies. Armand Hatchuel s'efforce de saisir la rationalité créative de telles actions dans l'inconnu mais aussi les principes de responsabilité qui leur sont propres. Cela l'a amené à revenir sur les sources de la modernité et sur l'émergence historique de formes organisationnelles, comme l'entreprise. Comment, aujourd'hui, peut-on mobiliser ces travaux pour penser de nouvelles formes d'action collective créatives et responsables ?

Le colloque réunira des chercheurs de disciplines variées mais aussi des acteurs économiques, sociaux et politiques, ainsi que des artistes et tous les auditeurs intéressés par ces questions. Il proposera une expérience cerisyenne, avec Armand Hatchuel, pour décrypter les crises contemporaines et imaginer de nouvelles formes de l'agir créatif.


MOTS-CLÉS :

Action collective, Créativité, Entreprise responsable, Justice écologique, Mission solidaire, Raison créatrice, Rationalité dans l'inconnu


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 7 juin
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 8 juin
REPÈRES ET OUVERTURES. L'ACTION COLLECTIVE COMME ÉNIGME
Matin
Introduction : L'action collective comme énigme, table ronde avec Frédéric GARCIAS (Le regard d'Armand), Jean-Michel SAUSSOIS (Parler frais) et Chipten VALIBHAY

Armand HATCHUEL : L'action collective comme énigme

Après-midi
Franck AGGERI : L'épistémologie de l'action collective : le lien qui relie Armand Hatchuel à Michel Foucault ?, avec Ken STARKEY (Foucault, enlightment and exit : reflections on my travels with Armand) [visioconférence]
Gilles GAREL : Innovation et déambulation : l'apprentissage par les objets au musée des arts et métiers

Soirée
Georges AMAR : L'ingénieur poète -- un paradigme de l'action


Vendredi 9 juin
FORMES DE L'ACTION COLLECTIVE MODERNE : LES RATIONALITÉS CRÉATIVES
Matin
Gabriel GALVEZ-BEHAR : L'histoire moderne des inventeurs
Patrick FRIDENSON : Invention, diversification et éthique : Kazuo Inamori et le renouvellement industriel au Japon
Ellen O'CONNOR : Penser les conditions d'une science de l'action collective créatrice

Après-midi
Pascal LE MASSON : Inventer de nouvelles formes d'action collective grâce à la théorie de la conception. Quelles puissances génératives pour les transitions ? [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Sylvain LENFLE & Christophe MIDLER : Inscrire l'innovation dans le temps et l'espace social : développement et métamorphose des formes de gestion de projet

Laurence ALBERTI-ORTHEAU & Dominique LAFON : Une classe de grande section d'école maternelle peut-elle se comporter comme un collectif créatif ? (avec exposition)

Soirée
Nabil AYOUCH : Présentation de son film Haut et Fort (2021) | Discutant : Jean-Philippe DENIS


Samedi 10 juin
FORMES DE L'ACTION COLLECTIVE MODERNE : TENSION ENTRE MANAGEMENT ET ÉCONOMIE
Matin
Jean-François CHANLAT : Action collective organisée et inter-culturalité : une perspective anthropologique
Fouad BENSEDDIK : Une perspective interculturelle sur l'action collective

Repenser le marché, table ronde avec Patrick COHENDET (La firme comme lieu de création collective) et Thomas STENGER

Après-midi
Armand HATCHUEL : Penser l'action collective avec les mathématiques, avec Anne-Françoise SCHMID [visioconférence]
Vincent BONTEMS : Simondon et le régime des techniques

Soirée
Carte blanche à Pascal DALOZ & Antoine FRÉROT, animée par Dinah LOUDA, avec la participation d'Armand HATCHUEL


Dimanche 11 juin
NOUVEAUX PARADIGMES : AGIR PROSPECTIF, AGIR CONCEPTIF
Matin
Albert DAVID : Musée du management, musée des techniques
Françoise THIBAULT : Université, l'action collective désorientée
Cynthia FLEURY : L'agir créatif dans le Care

Après-midi
DÉTENTE


Lundi 12 juin
REPENSER L'AGIR CRÉATIF : RESPONSABILITÉ ET INCONNU
Matin
Elsa BERTHET & Vincent BRETAGNOLLE : Fonder de nouvelles formes d'action collective sur l'écologie pour créer des socio-écosystèmes résilients
Judith ROCHFELD : Que peut l'action collective en matière de justice climatique ?
Stéphane VERNAC : Le droit et l'inconnu

Après-midi
Olivier JACQUIN : Justice climatique [visioconférence]
Tatiana SACHS : L'épreuve de l'emploi

"HORS LES MURS" — À CARENTAN-LES-MARAIS
16h30: Départ de Cerisy
17h30-18h15: Accueil par Rodrick CARRASCO (Directeur Général Associé de l'usine Laudescher), suivi d'une visite
18h15: Échanges avec les dirigeants de sociétés à mission autour d'un cocktail
19h: Retour vers Cerisy

Soirée
Les entreprises à mission, table ronde animée par Kevin LEVILLAIN, avec Hazem BEN AISSA [Quel modèle émergent de gouvernance des entreprises familiales tunisiennes ? Le cas du groupe Sotupa] et Alain SCHNAPPER ["Transformer l'entreprise pour transformer la société" : la Communauté des entreprises à mission au cœur d'un mouvement de transformation sociale]


Mardi 13 juin
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Matin
Les Bauhaus de demain, table ronde avec Cédric DENIS-RÉMIS et Benoît WEIL [visioconférence]

Jeunes chercheurs, avec Antoine GOUTALAND et Jérémy LÉVÈQUE | Retours et dialogue avec Armand HATCHUEL

Après-midi
DÉPARTS


TÉMOIGNAGES :

Cerisy vu de Tunisie. Rencontre avec Hazem BEN AISSA, Asma BACCOUCHE et Amina Nadia MNASRI, propos recueillis par Sylvain ALLEMAND.

Un colloque de Cerisy en guise de cadeau. Rencontre avec Isabelle ROUDIL, propos recueillis par Sylvain ALLEMAND.


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Franck AGGERI
Franck Aggeri est professeur de management à Mines Paris - PSL et chercheur au CGS-i3, UMR CNRS 9217. Il est co-responsable de la chaire "Mines urbaines", responsable de la formation doctorale en sciences de gestion à Mines Paris et codirecteur de l'école doctorale SDOSE. Ses recherches et ses enseignements portent sur l'instrumentation de gestion, l'innovation responsable, la transition bas carbone et l'économie circulaire. Il est membre du comité de rédaction de la Revue Française de Gestion. Il est l'auteur de plusieurs livres et articles dans différentes revues de référence. Il est également chroniqueur sur le management et l'entreprise pour Alternatives Économiques.
Publications récentes
L'innovation, mais pour quoi faire ? Essai un mythe économique social et managérial, Le Seuil, 2023.
L'économie circulaire (avec Beulque R. et Micheaux H), "Repères", La Découverte, 2023.

Sylvain LENFLE
Sylvain Lenfle est professeur des universités au Conservatoire des Arts et Métiers (CNAM, LIRSA), chercheur associé au Centre de Recherche en Gestion de l'École polytechnique et professeur associé à l'École des Mines de Paris. Ses recherches se situent à l'intersection du management de projet et du management de l'innovation. Elles portent sur le rôle, l'organisation et le fonctionnement des projets d'exploration pour lesquels ni l'objectif à atteindre, ni les moyens d'y parvenir ne peuvent être clairement définis au départ, ce qui les confrontent à l'inconnu. Pour ce faire, il s'appuie sur des recherches collaboratives avec des entreprises et des méthodes historiques, pour identifier et comprendre les principes de management, l'organisation et les outils de gestion adaptés à ce type de projets, ainsi que le rôle qu'ils peuvent jouer dans les transitions socio-techniques.
En savoir plus : sylvainlenfle.fr
Sélection de publications
Lenfle S., Petitgirard L., 2020, "L'invention du transistor aux Bell Labs ou la création d'une expertise sur un domaine inconnu", Entreprises et histoire, n°98, avril, p. 94–119.
Lenfle S., Söderlund J., 2022, "Project-oriented agency and regeneration in socio-technical transition : Insights from the case of numerical weather prediction (1978–2015)", Research Policy, 51 (3).

Dinah LOUDA
Dinah Louda est présidente de l'Institut Veolia depuis mai 2020, après en avoir été directrice exécutive depuis 2015. Elle est conseillère auprès d'Antoine Frérot pour les relations internationales, et membre du Comité d'éthique de Veolia. Elle travaille à perpétuer et enrichir le dialogue entre l'Institut Veolia, les pouvoirs publics, le monde académique et scientifique, et les ONG. Diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris et de Harvard, elle quitte le journalisme en 1991 pour se consacrer à la communication d'entreprise : directrice de la communication européenne (groupe d'assurance Victoire), directrice de la communication (Abeille Assurances jusqu'en mai 2002), directrice de la communication (Crédit Agricole Indosuez puis d'Areva T&D). En 2006, elle rejoint Veolia en tant que directrice de la communication de Veolia Eau et membre du Comex. Elle siège également au conseil d'administration de la French-American Foundation.

Blanche SEGRESTIN
Blanche Segrestin est professeur en sciences de gestion à MINES Paris, Université PSL. Ses recherches portent sur une théorie de l'entreprise fondée sur l'innovation et ses implications pour la gouvernance et pour le droit. Elle est titulaire, avec Kevin Levillain, de la chaire "Théorie de l'entreprise. Modèles de gouvernance & création collective", dont les travaux ont contribué à l'introduction de la société à mission dans le droit en 2019.
Sélection de publications
Segrestin B. & Levillain K. (éds.), La mission de l'entreprise responsable. Principes et normes de gestion, Paris, Presses des Mines, 2018.
Segrestin B., Roger B. & Vernac S. (dir.), L’entreprise. Point aveugle du savoir, Colloque de Cerisy, Sciences Humaines, 2014.
Segrestin B. & Hatchuel A., Refonder l'entreprise, Seuil, "La République des Idées", 2012.


Laurence ALBERTI-ORTHEAU & Dominique LAFON : Une classe de grande section d'école maternelle peut-elle se comporter comme un collectif créatif ?
Une classe de grande section d'école maternelle peut-elle se comporter comme un collectif créatif ? Des enfants de 5 ans qui ne savent pas encore lire ou écrire peuvent-ils se confronter aux défis du monde actuel ? Et cela dans le cadre des programmes définis par l'Éducation Nationale. C'est à partir de ces questions que nous présenterons trois années de travaux avec des classes de grande section d'École maternelle. Ces expérimentations d'ateliers de conception innovante consistent en la mise en application pratique de la théorie C-K. Elles se sont révélées très efficaces pour favoriser une créativité pilotée, explorer l'inconnu, raisonner autrement mais également ont renforcé la curiosité et l'appétence pour la connaissance et les savoirs ainsi que l'envie d'aller à l'école et de participer activement. Une exposition présentant la démarche des enfants et les résultats obtenus complètera notre propos.

Laurence Alberti-Ortheau est Directrice et enseignante à l'École maternelle des Blagis à Sceaux 92.
Dominique Lafon est le Président fondateur de CayaK Innov.

Hazem BEN AISSA : Quel modèle émergent de gouvernance des entreprises familiales tunisiennes ? Le cas du groupe Sotupa
L'étude de la gouvernance s'est historiquement située en Occident avec l'opposition de deux modèles principaux : le modèle actionnarial et celui des parties prenantes. En Tunisie, la gouvernance d'entreprise a épousé essentiellement le premier modèle. Cependant les aspirations démocratiques issues de la révolution (2011) ainsi que la nouvelle génération de dirigeants des entreprises familiales tunisiennes tendent à vouloir repenser les modèles de gouvernance. C'est le cas du Groupe Sotupa(1) qui, ayant une longue tradition de politique sociale positive, se voit aujourd'hui contraint, sous la pression de nouveaux investisseurs, de rationaliser son système de gouvernance. Le groupe familial Sotupa s'est donc engagé dans un projet collaboratif de recherche-intervention afin de repenser son modèle de gouvernance. L'objectif étant de se diriger vers un modèle plus libéré tout en restant en adéquation avec le contexte socio-culturel du pays ainsi que de son histoire économique et politique. Ce modèle aspire à être inclusif et inspiré d'initiatives éprouvées à l'étranger telles que la société à Mission en France et l'ensemble des travaux de recherche sur les parties prenantes. Les travaux sur l'entreprise à Mission permettent dans des contextes civilisationnels différents, de créer les conditions de nouvelles solidarités.
(1) Fleuron de l'industrie Tunisienne, le Groupe Sotupa produit et commercialise des produits d'hygiène bébé et féminine ainsi que papier. Le chiffre d'affaires consolidé du Groupe en 2020 est de 80 millions d'euros.

Hazem Ben Aissa est docteur en ingénierie et gestion et enseignant-chercheur en Management. Ses recherches portent sur la RSE et la gouvernance dans les pays émergents et notamment en Tunisie. Il coordonne plusieurs projets de recherche en lien avec la gouvernance de l'entreprise familiale.
Publications
Amel Bouderbala & Hazem Ben Aissa, "Mise en œuvre de la RSE en Tunisie : analyse des logiques d'actions dans un contexte post révolution", Finance Contrôle Stratégie, 25-1 | 2022.
Selmène Segond, Hazem Ben Aissa & Sihem Larif, The governance of Tunisian group Sotupa : emergence, evolution and learning dynamics, EURAM, Dublin, 2023.

Elsa BERTHET
Elsa Berthet est chargée de recherche en sciences de gestion à INRAE, au sein de l'équipe Résilience du Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC). Son parcours interdisciplinaire l'a conduite à étudier l'écologie, l'agronomie et les sciences de gestion. Ses recherches portent sur la conception de nouvelles formes d'action collective et de gouvernance des socio-écosystèmes agricoles, en vue d'en augmenter la résilience face aux changements globaux.

Jean-François CHANLAT : Action collective organisée et inter-culturalité : une perspective anthropologique
Dans le cadre de ce colloque qui cherche à répondre autour des travaux d'Armand Hatchuel à la question suivante : "Peut-on penser aujourd'hui de nouvelles formes de l'action collective pour faire face à ces défis ?", l'objet de notre communication portera sur les liens que l'on peut établir entre l'action collective et l'inter-culturalité. Pour ce faire, nous partirons de notre double culture en gestion et en sociologie qui nous a conduit à développer, au cours des quarante dernières années, une perspective anthropologique des organisations, dans laquelle la dimension interculturelle joue un rôle clé. Après avoir rappelé dans un premier temps les raisons pour lesquelles l'inter-culturalité est au cœur de toute action collective, notamment dans son double rapport anthropologique, à la société et à la Nature, nous reviendrons ensuite d'une part, sur le rapport au social et sur les sources internes et externes de la culture organisationnelle, et d'autre part, sur le rapport à la Nature, en faisant le lien avec l'Anthropocène. Le management étant au cœur de l'action collective organisée, nous aborderons alors dans un troisième temps, comment dans cette dynamique anthropologique, l'imagination créatrice et l'innovation peuvent surgir. Enfin, dans un dernier temps, nous reviendrons sur la fécondité des travaux d'Armand Hatchuel en management à l'aune de cette marginalité créatrice, devenue indispensable pour trouver des alternatives aux impasses actuelles.

Jean-François Chanlat est actuellement professeur émérite à l'université Paris-Dauphine PSL, professeur affilié à HEC-Montréal et professeur invité à l'Institut Mines-Telecom Business School. Spécialiste internationalement reconnu de l'anthropologie des organisations et du management interculturel, il a reçu en 2022 luIFSAM Award for Exceptional Service to the Management Field Worldwide.
Publications récentes
Homo Anthropologicus. La gestion à l'épreuve de la condition humaine, Caen, Édtions Management et Sociétés (EMS), 2023.
Management, sciences sociales et sociétés : plaidoyer pour une anthropologie élargie, Ste-Foy, Les Presses de l'université Laval, Paris, Hermann, 2022.
Avec M. Özbilgin, (dir.), Management et diversité. Tome II : approches thématiques, Ste-Foy, Les Presses de l'université Laval, Paris, Hermann, 2019.
Avec P. Pierre, Le management interculturel. Évolution, tendances et critiques, Éditions Management et Sociétés (EMS), 2018.
Avec M. Özbilgin (dir.), Management et diversité. Tome I : comparaison internationale, Ste-Foy, Les Presses de l'université Laval, Paris, Hermann, 2018.
Avec M. Özbilgin (eds), Management and Diversity : Perspectives from Different National Contexts, Londres, Emerald, 2017.
Avec M. Özbilgin (eds), Management and Diversity : Thematic Approaches, Londres, Emerald. 2017.
Avec J.-P. Dupuis et E. Davel (eds), Cross-Cultural management. Management Across The World, Londres, Routledge, 2013.
Avec J.-P. Dupuis et E. Davel (dir.), La gestion en contexte interculturel : Problématiques, approches pratiques, Ste-Foy, Les Presses de l'université Laval, et Télé-Université du Québec, 2008.

Patrick COHENDET : La firme comme lieu de création collective
Considérant l'entreprise comme un "processeur de connaissances" (Fransman, 1994), différentes approches de l'entreprise (vision fondée sur les ressources, vision fondée sur les compétences, théorie évolutionniste de l'entreprise) ont été développées avec succès depuis le milieu des années 90, représentant l'entreprise comme un lieu de mise en place, de construction, de sélection, d'utilisation et de développement. L'objectif de cette communication est de suggérer, de prolonger et d'enrichir ces approches en considérant l'entreprise comme un processeur d'idées. Nous pensons que le fait de mettre l'accent sur les idées plutôt que sur les connaissances ouvre la voie à une vision plus dynamique de l'entreprise en introduisant explicitement des objectifs et des intentions qui soulignent la capacité de l'entreprise à générer, nourrir, sélectionner et mettre en œuvre des idées, et de mieux comprendre ainsi la firme comme lieu de création collective. Une telle approche trouve parmi ses sources d'inspiration les travaux d'Armand Hatchuel qui privilégient une théorie managériale de l'entreprise comme lieu de création collective axée sur une mission.

Patrick Cohendet est professeur titulaire à HEC Montréal au service d'enseignement des affaires internationales. L'enseignement, la recherche et les publications de Patrick Cohendet portent sur l'économie et le management de l'innovation, de la connaissance et de la créativité. Il est l'auteur de plus de 150 articles publiés dans des revues à comité de lecture et de 30 ouvrages. Par ailleurs Patrick Cohendet est co-responsable avec Laurent Simon du pôle de recherche et de valorisation MOSAIC d'HEC Montréal sur le management de la créativité et de l'innovation. Il est membre élu de Société Royale du Canada.

Patrick FRIDENSON : Invention, diversification et éthique : Kazuo Inamori et le renouvellement industriel au Japon
La majorité des start-ups disparaissent ou sont absorbées. Kyocera, une start-up de la céramique née à Kyoto en 1959 et cofondée par l'inventeur salarié Kazuo Inamori, a au contraire survécu et grandi. Comment expliquer le renouveau régulier qui caractérise son histoire ? Pourquoi sa relation avec les banques a-t-elle été différente de celle de la plupart des grandes entreprises japonaises ? Pourquoi s'est-elle diversifiée dans le téléphone et a-t-elle organisé à cette fin la coopération de nombreuses firmes japonaises ? Comment a-t-elle bâti avec les Américains de Motorola le premier réseau mondial de satellites de télécommunications ? Comment Kazuo Inamori est-il parvenu à combiner au plan international comme national innovation, responsabilité et éthique (dans la comptabilité, les ressources humaines et les principes de gestion) ? Pourquoi est-il devenu un inspirateur pour des millions de lecteurs et de lectrices ?

Patrick Fridenson, historien des entreprises et du travail en Europe occidentale, aux États-Unis et au Japon, est directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales. Il a longtemps dirigé la revue d'histoire Le Mouvement Social et a cofondé en 1992 la revue Entreprises et Histoire.
Publications récentes
Reimagining Business History, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2013 (en collaboration avec Philip Scranton).
"Japon : ombres et lumières", in Pierre Veltz et Thierry Weil (dir.), L'industrie, notre avenir, Colloque de Cerisy, Paris, Eyrolles, 2015, p. 276-285.
"Un silence d'une grande archive d'entreprise : le nouveau siège social de Renault (1968-1975)", in Hubert Bonin et Laure Quennouëlle-Corre (dir.), Explorer les archives et écrire l'histoire. Autour de Roger Nougaret, Genève, Droz, 2022, p. 559-580.
Concurrence et marchés. Droit et institutions, Paris, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 31 mai 2023 (codirection avec François Monnier et Albert Rigaudière).

Gilles GAREL : Innovation et déambulation : l'apprentissage par les objets au musée des arts et métiers
Il est une pédagogie pertinente mais oubliée, dite "de la démonstration", développée lors de la création du Conservatoire des arts et métiers en France à la toute fin du XVIIIe siècle. L'idée centrale est de mettre en mouvement des objets innovants afin d'induire des enseignements plus généraux. "Ceux qui viendront au Conservatoire seront tous des ouvriers, dont les conceptions ne doivent pas être obscurcies par des discours abstraits ou scientifiques : il faut leur faire voir plus que leur parler. Le jeu d'une machine mise en mouvement sous leurs yeux en est souvent la meilleure démonstration. Leur instruction exige la science des faits bien plus que la science de la parole" (J.-M. Alquier, 1794). Les fondateurs du Conservatoire récupèrent des objets des collections royales et annexent l'ancien prieuré Saint-Martin-des-Champs (un grand espace au centre de Paris) pour les y installer. Le musée des arts et métiers est toujours installé dans ce lieu magnifique. Il présente aujourd'hui l'une des plus belles collections d'objets innovants au monde depuis la première révolution industrielle. Notre intention est de décrire la manière dont un professeur de management de l'innovation peut s'emparer des collections d'un musée à des fins pédagogiques. Non seulement les actions collectives du passé peuvent être restituées mais des dynamiques de groupe s'engendrent dans le lieu même du musée.

Gilles Garel est Professeur titulaire de la chaire de gestion de l'innovation du Conservatoire national des arts et métiers. Il réalise des recherches en management de l'innovation en relation directe avec des entreprises et des organisations innovantes dans des secteurs variés. Il est chercheur au Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Sciences de l'Action du Cnam (Lirsa) dont il a été le co-fondateur et le directeur. Il est l'auteur avec Elmar Mock, co-inventeur de la montre Swatch, de La Fabrique de l'innovation (Dunod, 2016). Il est notamment le co-concepteur du Mooc "Fabriquer l'innovation" (Fun).

Pascal LE MASSON : Inventer de nouvelles formes d'action collective grâce à la théorie de la conception. Quelles puissances génératives pour les transitions ?
L'invention des bureaux d'étude au milieu du XIXe siècle constitue un moment historique majeur pour les sciences de gestion. D'une part le bureau d'études, en tant que bureaucratie générative, couple fortement rationalité créative et organisation pour constituer une forme d'action collective dotée d'une puissance générative jusqu'ici inconnue. D'autre part, l'invention du bureau d'études repose sur une nouvelle théorie de la conception formulée par les professeurs des universités techniques allemandes, ce qui montre, de façon plus paradigmatique, que l'émergence de nouvelles formes d'action collective génératives peut dépendre de l'invention de nouvelles rationalités créatives. Nous reviendrons sur cette invention de la bureaucratie générative, qui invite à historiciser la rationalité créative et l'invention de formes d'action collective associées. Nous montrerons ensuite que cette invention conduit à explorer des théories de l'action collective capables d'endogénéiser non seulement la production de savoir et ses ressorts organisationnels mais même l'invention collective de rationalités créatives nouvelles. Dans un dernier temps nous examinerons comment l'invention contemporaine de rationalités créatives nouvelles ouvre la voie aujourd'hui à des formes de création préservatrice permettant d'affronter les inconnus des transitions contemporaines.

Pascal Le Masson est professeur à Mines Paris - PSL université, au Centre de gestion Scientifique - i3 (MR CNRS 9217). Avec ses collègues de la chaire de Théorie et Méthodes de la Conception Innovante (TMCI), il travaille sur les modèles de rationalité créative et les nouvelles formes d'action collective pour explorer l'inconnu, et notamment sur les formes de création préservatrice qu'appellent les transitions contemporaines. Avec Benoît Weil et Armand Hatchuel, il a publié Strategic Management of Innovation and Design (Cambridge University Press, 2010) et Design Theory (Springer, 2017) et de nombreux articles scientifiques. Avec Eswaran Subrahmanian (Carnegie Mellon Univ) il est responsable du Special Interest Group Design Theory de la Design Society. Il est membre de plusieurs conseils scientifiques. Il est membre de l'Académie des Technologies.

Christophe MIDLER
Christophe Midler, ancien élève de l'École polytechnique et docteur en gestion, est Directeur de recherche émérite CNRS au Centre de Recherche en Gestion –I3- Institut Polytechnique de Paris. Il mène des recherches dans le domaine des stratégies d'innovation, de l'organisation des projets, de la R&D et des coopérations inter-entreprises en conception. Il est professeur dans le Master Projet Innovation Conception qu'il a créé en 2002.
Publication récente
C. Midler, M. Alochet & C. de Charentenay, L'Odyssée de Spring ; histoire et leçons d'un projet impossible, Dunod, 2022.

Ellen O'CONNOR : Penser les conditions d'une science de l'action collective créatrice
Armand Hatchuel a posé des jalons novateurs pour fonder une science d'action collective créatrice : il en a développé les fondements théoriques, mis en évidence les formes historiques, et a contribué à changer le cadre de droit pour favoriser l'action collective créatrice et responsable. D'abord, je mobilise sa théorie pour expliquer pourquoi les institutions du savoir, le monde académique et l'université, ont du mal à développer une science de l'action collective créatrice. Ensuite, j'utilise sa recherche pour montrer la valeur historique de cette science. Enfin, en me référant aux initiatives politiques et stratégiques de Hatchuel, j'examine les possibilités pour engendrer cette science au long terme.

Ellen O'Connor étudie l'histoire de la pensée et de l'éducation managériales aux États-Unis. Chez Stanford University Press, elle a publié sa recherche : Creating New Knowledge in Management : Appropriating the Field's Lost Foundations. Sa spécialité est l'école classique, qui poursuit la floraison de l'individu et le collectif à travers une relation responsable avec soi-même, autrui et le monde.

Judith ROCHFELD : Que peut l'action collective en matière de justice climatique ?
Les procès climatiques se multiplient presque partout dans le monde. Ils représentent une action collective d'un type nouveau, à dimension mondiale et transgénérationnelle, quand bien même ils procèdent par "relocalisation" du global. Ils peuvent également être lus comme des modes de "conscientisation" et de défense des biens communs, voire comme une gouvernance marginale, par des organisations non gouvernementales et des citoyens, des grands communs mondiaux.

Judith Rochfeld est professeure de droit à l'École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. Elle est docteure en droit et agrégée des facultés de droit. Elle dirige des diplômes et un département de recherche au sein de l'Institut de recherche juridique de la Sorbonne. Elle a écrit de nombreux écrits, articles et contributions relatifs aux biens communs et aux communs, notamment en matière environnementale. Elle a fait paraître Justice pour le climat. Les nouvelles formes de mobilisations citoyennes, en 2019 aux éditions Odile Jacob et a co-dirigé, avec Fabienne Orsi et Marie Cornu, le Dictionnaire des biens communs, aux Puf, dans la collection "Quadrige", dont la 2e édition est parue en 2021.

Tatiana SACHS : L'épreuve de l'emploi
La justice climatique ne se joue pas uniquement dans les prétoires. La conception et la faisabilité de la transition écologique exigent de penser la manière dont les coûts de cette transition sont répartis entre les entreprises, les travailleurs ou la collectivité. Justice sociale et justice climatique doivent alors trouver une articulation que cette communication vise à analyser.

Tatiana Sachs est une enseignante-chercheuse à l'université Paris Nanterre à l'IRERP, spécialisée en droit du travail. Ses travaux portent sur le statut des arguments économiques en droit du travail, sur le droit des réorganisations d'entreprise et sur les dispositifs juridiques qui encadrent la gouvernance des activités productives. Ses derniers travaux portent sur le devoir de vigilance des grandes entreprises, et plus largement sur la manière qu'a le droit de l'entreprise d'intégrer les considérations sociales et environnementales.

Jean-Michel SAUSSOIS : Parler frais
Dans un numéro spécial "L'écho de la gestion" (novembre-décembre 1993), la Revue Française de Gestion renversera l'image de la gestion alors vue comme postée au carrefour des sciences humaines et prête à partir avec la première discipline venue. Armand Hatchuel portera le coup d'estocade final en affirmant la gestion comme discipline autonome. Forgeron créatif, il frappe sur son enclume en posant deux questions essentielles : s'agissant des valeurs, que veut dire une bonne gestion par rapport à une mauvaise ? S'agissant d'innover, en quoi et comment l'exploration de l'inconnu embarque une action collective ? Questions de sociologue : où et qui est "nous" dans l'action collective ?

Jean-Michel Saussois est Professeur Émérite à l'ESCP Business School, Docteur en sociologie, diplômé d'HEC Habilité à diriger des recherches (HDR) en sociologie. Après avoir été consultant dans un grand cabinet de conseil, il rejoint l'ESCP. Lors de la création en 1990 de l'Anvie (Agence Nationale pour la Valorisation Interdisciplinaire des sciences de l'homme et de la société auprès des Entreprises), il en sera le Délégué Général. Consultant à l'OCDE, il a codirigé un programme portant sur l'économie apprenante : "Société du savoir et gestion des connaissances" (OCDE, 2000). Il est l'auteur de nombreux articles et de livres dont Capitalisme sans répit (Éditions La Dispute, 2006), Théories des organisations (Collection "Repères", Éditions La Découverte, 2007, 2012, 2019), Les organisations, état des savoirs (sous la dir. de, Sciences Humaines Éditions, 2012, 2016) et La grande entreprise comme acteur politique. Conférences montréalaises (Presses de l'université Laval, Québec, 2022).

Alain SCHNAPPER : "Transformer l'entreprise pour transformer la société" : la Communauté des entreprises à mission au cœur d'un mouvement de transformation sociale
La loi Pacte en créant le cadre juridique de la société à mission, inspiré des travaux du programme des Bernardins, a permis aux entreprises de définir leur utilité sociale. La Communauté des entreprises à mission s'est constituée en réunissant des chercheurs et des dirigeants pour "partager leurs expériences et savoir-faire de l'Entreprise à Mission, enrichir collectivement ce modèle, et unir leurs efforts pour mobiliser, convaincre, et soutenir son déploiement en France et son rayonnement en Europe". Elle agit au sein d'un écosystème réunissant des acteurs aussi variés que des dirigeants, des chercheurs et des enseignants, des juristes, des greffiers du tribunal de commerce, des fonctionnaires de divers services de l'État et bien d'autres. La communication portera sur une description de cet objet complexe, en constante évolution, et qui joue notamment un rôle original de régulation entre les acteurs concernés, et tout particulièrement l'État et les entreprises.

Alain Schnapper, ingénieur de l'École des Mines de Paris, a travaillé pendant 30 ans dans le conseil, et comme dirigeant dans l'industrie et la distribution. Depuis 2018, il mêle des activités de conseil (fondateur du cabinet Gouvernance Responsable) et de chercheur comme praticien associé à la chaire "Théorie de l'entreprise - Modèles de gouvernance & Création collective" de MINES ParisTech PSL. Il fut membre du bureau de la Communauté des Entreprises à Mission jusqu'en 2023 avant d'en devenir le Directeur Général. Il a publié en 2020, avec Dominique Schnapper, Puissante et fragile, l'entreprise en démocratie, chez Odile Jacob.

Chipten VALIBHAY
Chipten Valibhay est chercheur post-doctorant au Centre de Gestion Scientifique, Mines Paris - PSL, associé à la Chaire Théorie et Méthodes de la Conception Innovante. Ses recherches portent sur les normes ou dispositifs qui stimulent et coordonnent les activités de création — notamment technique et scientifique. Diplômé ingénieur des Mines de Paris, il a effectué une thèse au sein de l'Institut National de la Propriété Industrielle portant sur les brevets en tant que norme de gestion de l'activité d'invention.


BIBLIOGRAPHIE :

Un certain nombre d'articles rédigés par Armand Hatchuel ont été mis en forme afin de constituer un recueil téléchargeable au format PDF : cliquer ici.


• Armand Hatchuel, L'action collective dans l'inconnu, Hermann, Coll. "Les traversées de Cerisy", 2022.

Raison créatrice et inconnu

• Armand Hatchuel & Benoit Weil, Pour une théorie unifiée de la conception, 2002, Colloque Herbert Simon, Lyon [en ligne].
• Pascal Le Masson, Armand Hatchuel & Benoit Weil, "Design theory at Bauhaus : teaching 'splitting' knowledge. Research in Engineering Design", 2016, 27, pp. 91-115, Design theory at Bauhaus : teaching 'splitting' knowledge [Archive ouverte HAL].
• Armand Hatchuel, "Dialogue avec Vincent Bontems, Pour une épistémologie de la raison créative", Bachelard et l'avenir de la culture, Presses des Mines, 2018, Dialogue pour une épistémologie [en ligne].

Épistémologie de l'action collective et des sciences de Gestion

• Armand Hatchuel, "Pour une épistémologie de l'action collective", Hatchuel, E. Pezet, K. Starkey, O. Lenay (dir. ), Gouvernement, organisation et Gestion. L'héritage de Michel Foucault, Les presses de l'université Laval, 2005.
• Cedric Poivret, Une histoire de la recherche en sciences de Gestion : des racines oubliées aux percées actuelles. Entretien avec le Professeur Armand Hatchuel.
• "Grand angle avec Armand Hatchuel", Entreprise & Société, 2022–1, n°11. Varia [en ligne].
• Armand Hatchuel, "Exit to the past and voice for the future. Sciences de gestion, sciences fondamentales de l'action collective", Revue française de gestion, 2019/8, n°285, p. 43-57 [en ligne].

Au-delà, de l'économicisme, théorie de l'entreprise responsable

• Armand Hatchuel, "Normes de gestion et action collective. De la societas romaine à l'entreprise de demain", La mission de l'entreprise responsable, B. Segrestin et al. (dir.), Presses des Mines, 2018 [en ligne].
• Armand Hatchuel & Blanche Segrestin, "De l'entreprise moderne à l'entreprise à mission : les métamorphoses de l'objet social", ENSO, n°5, 2019 [en ligne].
• Pascal le Masson, Armand Hatchuel & Benoît Weil, La destruction créatrice en débat | Societal [en ligne].


SOUTIENS :

Veolia
• Chaire Théorie et Méthode de la Conception Innovante (Chaire TMCI)
• Institut des Hautes Études pour l'Innovation et l'Entrepreneuriat (IHEIE) | Université PSL
• Chaire Théorie de l'Entreprise - Modèles de Gouvernance et Création Collective (Chaire TE)
• Conservatoire national des arts et métiers (Cnam)

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


1023-2023 : LE MONT SAINT-MICHEL EN NORMANDIE ET EN EUROPE

NOUVELLES DÉCOUVERTES ET NOUVELLES PERSPECTIVES DE RECHERCHE


DU MERCREDI 31 MAI (14 H) AU DIMANCHE 4 JUIN (14 H) 2023

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Mathilde LABATUT, Fabien PAQUET

Avec la collaboration de Christophe MANEUVRIER


ARGUMENT :

Prenant prétexte de l'anniversaire du lancement en 1023 de la reconstruction de l'abbatiale romane, ce colloque entend marquer un point d'étape sur les recherches sur le Mont Saint-Michel. Depuis le "millénaire monastique" de 1965-1966, aucune rencontre interdisciplinaire n'a proposé un état des lieux des travaux sur le Mont dans tous ses aspects (l'abbaye, la forteresse, le sanctuaire, le village…) et selon toutes les disciplines (histoire, archéologie, histoire de l'art, lettres…). En outre, si la rencontre s'inscrit dans le cycle de Cerisy sur la "Normandie médiévale" et accordera une large place au Moyen Âge, les périodes plus récentes seront aussi envisagées, notamment autour des questions de la prison (XIXe siècle) ou des restaurations contemporaines (XIXe-XXIe siècles). Elle posera aussi les questions de l'avenir du Mont Saint-Michel.

Dans cet esprit, largement ouvert aux auditeurs et soucieux de favoriser les échanges, ce colloque international accordera une large place à des tables rondes et à des interventions à plusieurs voix, dont celles de jeunes chercheurs. Il réunira à Cerisy, au Mont Saint-Michel et à Hambye tous les acteurs intéressés par les sujets traités, qu'ils soient impliqués dans la conservation du Mont, attachés à explorer ce domaine riche et polymorphe.


MOTS-CLÉS :

Architecture romane, Architecture gothique, Enfermement, Manuscrits, Monachisme, Mont Saint-Michel, Normandie médiévale, Pèlerinages


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 31 mai
"HORS LES MURS" — AU MONT SAINT-MICHEL
12h: ACCUEIL DES PARTICIPANTS AUTOUR D'UN DÉJEUNER
13h15: Mot d'accueil
13h30: SÉANCE PUBLIQUE (Salle Henri Voisin) : Gaël CARRÉ & Fabrice HENRION : L'archéologie au Mont Saint-Michel depuis le XIXe siècle : état des lieux et perspectives
14h45: Visite de l'exposition "La demeure de l'archange. Art, architecture et dévotion à l'abbatiale du Mont Saint-Michel", guidée par Brigitte GALBRUN & Mathilde LABATUT ; puis temps libre au Mont Saint-Michel
18h: Départ pour Cerisy
19h: ACCUEIL DES PARTICIPANTS À CERISY

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 1er juin
Matin
Ouverture du colloque, par Diane de RUGY

DE L'ABBATIALE ROMANE À LA PRISON (I) — Présidence : Cécile LAGANE
Véronique GAZEAU : Introduction
Camille CANTELOUP : Les collections de l'abbaye du Mont Saint-Michel : bilan de l'inventaire et perspectives
Éliane VERGNOLLE : Le chevet roman du Mont Saint-Michel. Une œuvre majeure du second quart du XIe siècle
Yves GALLET : La date du cloître du Mont Saint-Michel au regard de l'iconographie franciscaine et de son évolution au XIIIe siècle

Après-midi
DE L'ABBATIALE ROMANE À LA PRISON (II) — Présidence : Mathilde LABATUT
Décrypter la merveille, table ronde avec Katrin BROCKHAUS et Elen CADIOU (La Merveille : un édifice emblématique décrypté par l'archéologie)

Falk BRETSCHNEIDER & Élisabeth LUSSET : De l'abbaye à la prison : les transformations du Mont Saint-Michel à l'aune des autres abbayes-prisons au XIXe siècle [communication établie avec Isabelle HEULLANT-DONAT]
Bertrand MARCEAU : Prison et monastère : le Mont Saint-Michel d'après la visite de mars 1786

Soirée
Grand entretien, avec François JEANNEAU et Philippe ROCHAS, animé par Mathilde LABATUT


Vendredi 2 juin
Matin
LE VILLAGE, LA NORMANDIE, LA CHRÉTIENTÉ — Présidence : Pierre BAUDUIN
Hélène BILLAT : Le bourg fortifié du Mont Saint-Michel et ses maisons : typologie de l'habitat et morphologie urbaine
Bastien MICHEL : Servir saint Michel : les clientèles guerrières du Mont (XIIe-XIIIe siècles) [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Laurent MORELLE : L'exemption du Mont Saint-Michel : un cas d'étude à la lumière des travaux récents
Richard ALLEN : Le chartrier perdu du Mont Saint-Michel : réseaux, échanges et construction spatiale dans le diocèse d'Avranches (XIe-XIIIe s.)

Après-midi
Échanges autour d'une exposition, textes, œuvres plastiques et mises en voix réalisés par des élèves de 6e du Collège Anne Heurgon-Desjardins de Cerisy

ÉCRIRE AU MONT SAINT-MICHEL — Présidence : Laurence JEAN-MARIE
Lucie ARBERET, Stéphane LECOUTEUX, Anne MICHELIN & Laurianne ROBINET : L'évolution des pratiques des copistes et des artistes du scriptorium du Mont Saint-Michel au XIe siècle
Benjamin POHL : L'atelier de l'abbé-historien du Mont Saint-Michel : Robert de Torigni, où a-t-il écrit ?
Pierre BOUET & Denis BOUGAULT : Le crâne dit de saint Aubert : de la pratique chirurgicale à la pratique cultuelle

Soirée
L'œuvre de Pierre Bouet autour de l'archange. Du Mont Saint-Michel au Monte Gargano, animée par Marie-Agnès LUCAS-AVENEL et François NEVEUX (Pierre Bouet, de l'université aux colloques normands de Cerisy), avec la participation de Pierre BOUET, Edith HEURGON et Angela LAGHEZZA (Hommage à Giorgio Otranto)


Samedi 3 juin
Matin
HAGIOGRAPHIE ET LITURGIE — Présidence : Marie-Agnès LUCAS-AVENEL
Fabien PAQUET : Des abbés contre leur couvent ? Le gouvernement abbatial au Mont Saint-Michel à la fin du XIIe et au XIIIe siècle
Catherine JACQUEMARD : Hagiographies et reliques fondatrices du Mont Saint-Michel : hypothèses de datation et de lecture
Marie FREY REBEILLÉ-BORGELLA : Le Mont Saint-Michel dans l'histoire des Bibles latines : analyses sur le texte biblique des manuscrits Avranches BM 1 et Avranches BM 2-3
Louis CHEVALIER : Le culte liturgique de saint Aubert au Mont Saint-Michel (XIe-XVe siècles)

Après-midi
"HORS LES MURS" — À L'ABBAYE DE HAMBYE
IMAGES DU MONT — Présidence : Christophe MANEUVRIER
David FIASSON : De l'histoire au patrimoine. Le Mont Saint-Michel à la fin du Moyen Âge dans le roman, la bande dessinée et les séries télévisées francophones (XXe siècle)
Anne CURRY : Le Mont Saint-Michel dans la perception anglaise, du Moyen Âge à nos jours

Visite de l'abbaye de Hambye

Soirée
Chants par Anne CURRY, accompagnée au piano par François NEVEUX


Dimanche 4 juin
Matin
DE L'ITALIE À LA NORMANDIE — Présidence : Angela LAGHEZZA
Vincent JUHEL : Pèlerins et routes vers le Mont Saint-Michel, un point des recherches
Ada CAMPIONE : Le Chronicon sancti Michaelis monasterii in pago Virdunensi et la tradition michaélique européenne : texte, contextes, pèlerinages
Fabio LINGUANTI : Le monastère de Saint-Michel-Archange de Troina. Un "Mont Saint-Michel" dans la Sicile normande ?
Catherine VINCENT : Conclusions

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Mathilde LABATUT
Mathilde Labatut est conservatrice des Monuments Historiques à la DRAC de Normandie (site de Caen). Elle est plus particulièrement en charge du département du Calvados et de la Manche.

Christophe MANEUVRIER
Christophe Maneuvrier est maître de conférences en histoire du Moyen Âge à l'université de Caen Normandie où il est aussi directeur-adjoint de la Maison de la Recherche en Sciences Humaines. Ses travaux portent en particulier sur l'histoire économique et sociale de la Normandie. Il a déjà co-dirigé plusieurs colloques à Cerisy.

Fabien PAQUET : Des abbés contre leur couvent ? Le gouvernement abbatial au Mont Saint-Michel à la fin du XIIe et au XIIIe siècle
Cette communication se fondera d'abord sur une démarche prosopographique, afin de proposer des éléments sur les abbés du Mont Saint-Michel du XIIe siècle et du XIIIe siècle. Un court temps sera consacré à l'identification de leur profil général afin de le comparer aux autres supérieurs de la même époque et d'identifier de potentielles spécificités — à cet égard, les abbés du Mont apparaîtront relativement "banals". Ce sera également l'occasion de présenter en quelques mots un outil en cours de développement à l'université de Caen Normandie, E-Personae, qui permet de constituer, éditer, publier et exploiter des notices prosopographiques à l'aide du langage XML. La communication portera ensuite sur l'étude de la crise — car tel semble bien être le mot qu'il faut prononcer — du gouvernement abbatial au Mont dans les premières décennies du XIIIe siècle. Le couvent paraît en effet être alors le lieu de conflits entre les moines et leur abbé (et probablement entre les moines). Même s'il faut prendre garde à ne pas surinterpréter les choses — ce qui ressort des sources correspond toujours aux anomalies —, la situation semble alors explosive à plusieurs titres et ira jusqu'à l'accusation du meurtre de deux moines par leur abbé. Je rouvrirai le dossier en repartant du plus près des sources, et notamment du ms. 149 de la bibliothèque d'Avranches.

Fabien Paquet est maître de conférences en histoire médiévale à l'université de Caen Normandie, où il co-dirige également l'Office Universitaire d'Études Normandes (OUEN, MRSH). Ses recherches portent sur l'histoire religieuse des mondes normands médiévaux (en particulier le monde monastique) et sur l'écriture de l'histoire au Moyen Âge.
Publication
Maîtriser le temps & façonner l’histoire. Les historiens normands au Moyen Âge (dir.), Colloque de Cerisy, Presses universitaires de Caen, 2022.


Richard ALLEN : Le chartrier perdu du Mont Saint-Michel : réseaux, échanges et construction spatiale dans le diocèse d'Avranches (XIe-XIIIe s.)
Parmi les fonds d'archives détruits lors du bombardement allié de Saint-Lô le 6 juin 1944, les collections médiévales de l'abbaye du Mont Saint-Michel occupaient une place numériquement et qualitativement de premier rang. Presque 3000 articles et 1500 sceaux ont été en effet réduits en cendres, dont le contenu exact nous échappe faute non seulement d'un inventaire publié mais de toute autre description détaillée. Or, si les documents originaux qui composaient le chartrier médiéval du Mont Saint-Michel nous sont aujourd'hui perdus, les chartes de l'abbaye ont fait l'objet de copies d'érudits dès le XVIIe siècle et jusqu'au début du XXe siècle, alors qu'un inventaire médiéval de presque 1500 titres nous donne un aperçu de l'état des archives montois vers la fin du Moyen Âge. Cette communication a pour but d'approfondir la réflexion sur ces documents conservés aujourd'hui de manière éparpillée dans les fonds de plusieurs archives et bibliothèques, tant (inter)nationaux que locaux. Ce faisant, on ne vise pas à une "reconstitution" du chartrier montois, un desideratum qui dépasse largement le cadre de cette communication, mais à en utiliser certaines parties comme outil pour aborder plusieurs questions que propose d'examiner ce colloque, dont les réseaux dans lesquels les religieux montois s'inscrivaient, la façon dont ils ont géré au quotidien leurs domaines, et le rôle joué par l'abbaye dans la construction spatiale du diocèse frontière dans lequel elle se situait.

Richard Allen est chercheur et archiviste à Magdalen College, Oxford. Ses recherches portent sur l'histoire ecclésiastique du monde anglo-normand du XIe au XIIIe siècle. Ses travaux s'articulent principalement autour de l'édition critique de chartes et il prépare actuellement la publication des actes épiscopaux normands pour le projet Les actes épiscopaux français du Moyen Âge : édition multimodale et exploitation (ACTÉPI). Il s'intéresse aussi aux pratiques documentaires en Normandie et en Europe du Nord-Ouest, à la culture de l'écrit médiéval et à l'histoire des abbayes avranchaises du Mont Saint-Michel et de Savigny.

Lucie ARBERET, Stéphane LECOUTEUX, Anne MICHELIN & Laurianne ROBINET : L'évolution des pratiques des copistes et des artistes du scriptorium du Mont Saint-Michel au XIe siècle
Le projet d'Étude Matérielle des Manuscrits Anciens du Mont Saint-Michel (2018-2022) a permis d'analyser les matériaux — parchemins, encres et matières colorantes — entrant dans la composition d'une cinquantaine de manuscrits aujourd'hui conservés à la bibliothèque patrimoniale d'Avranches et produits par le scriptorium du Mont Saint-Michel entre 980 et 1100. Les pratiques des copistes et des artistes actifs durant cette période ont ainsi pu être caractérisées et leurs évolutions ont pu être suivies sur environ 120 ans. Plusieurs ruptures importantes sont apparues, tant dans l'usage des parchemins que dans le choix des matières colorantes (en particulier pour le rouge et le jaune). Elles offrent à l'historien de précieux critères d'identification et de datation, ce qui a permis de corriger plusieurs attributions erronées antérieures. L'objectif de cette communication à quatre voix, réunissant trois physico-chimistes et un historien, est de présenter de manière synthétique et contextualisée l'ensemble des résultats acquis par l'équipe du Centre de Recherche sur la Conservation au terme de cinq années de travail. Grâce à une approche comparative, ces résultats sont replacés dans une perspective plus large, notamment anglo-normande.

Lucie Arberet est doctorante en physico-chimie. Elle a été recrutée en 2018-2019 pour la coordination des campagnes d'analyse matérielle du projet "Étude matérielle des manuscrits anciens du Mont Saint-Michel" en tant qu'ingénieur d'étude du CNRS pour le Centre de Recherche sur la Conservation. Elle mène, depuis 2020, une thèse de doctorat visant à identifier et à caractériser les colorants d'un manuscrit produit en Amérique centrale au XVIe siècle (soutenance le 15 mars 2023).

Stéphane Lecouteux est ingénieur de recherche en analyse de sources anciennes à l'université de Caen Normandie au sein du "pôle Document numérique de la MRSH" et membre associé du CRAHAM. Depuis 2018, il co-dirige, avec Laurianne Robinet, le projet "Étude matérielle des manuscrits anciens du Mont Saint-Michel".

Anne Michelin est physico-chimiste, maître de conférences du Muséum national d'Histoire naturelle et rattachée au Centre de recherche sur la conservation. Dans ce laboratoire, elle est responsable du "pôle Couleur et effets visuels". Depuis 2022, elle coordonne l'archivage mutualisé et interopérable des données matérielles du patrimoine écrit au sein du projet Equipex Biblissima+ (cluster 2).

Laurianne Robinet est physico-chimiste, ingénieure de recherche du Ministère de la Culture au sein du Centre de Recherche sur la Conservation (CRC). Dans ce laboratoire, elle est responsable du "pôle Cuir et parchemin". Depuis 2018, elle co-dirige, avec Stéphane Lecouteux, le projet "Étude matérielle des manuscrits anciens du Mont Saint-Michel" (EMMA du MSM).

Hélène BILLAT : Le bourg fortifié du Mont Saint-Michel et ses maisons : typologie de l'habitat et morphologie urbaine
Édifié d'est en ouest sur un rocher escarpé, le village du Mont Saint-Michel tire sa singularité de son implantation topographique, de son histoire étroitement liée au destin de l'abbaye et de son enceinte fortifiée qui a conditionné sa forme urbaine. Intégralement protégé par le rempart au XIVe siècle, l'habitat s'est constitué en interaction avec son environnement monumental et naturel, se transformant au gré des usages et des évolutions des techniques de construction. Destructions, (re)constructions, restaurations, réhabilitations et reconversions ont notablement modifié la physionomie du village au cours des siècles, en particulier son identité architecturale mais aussi ses réseaux (de circulation et de distribution) et son parcellaire. De 1875 au 4e quart du XXe siècle, l'administration culturelle prend de nombreux arrêtés de protection alors que le village connaît une mutation de son habitat avec le retour des pèlerinages et l'avènement du tourisme. Cette période a remodelé le tissu urbain du bourg pour devenir ce qu'il est aujourd'hui.

Hélène Billat est chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel attachée au Service Patrimoine et Inventaire de la Région Normandie depuis 2013. Ses travaux, portant essentiellement sur des sites patrimoniaux et des territoires ruraux, ont fait l'objet de publications diverses notamment dans les collections de l'Inventaire général. Elle mène actuellement un inventaire topographique du village du Mont Saint-Michel faisant l'objet d'une convention de partenariat scientifique et technique avec l'État et les collectivités territoriales (2020-2023).

Falk BRETSCHNEIDER, Isabelle HEULLANT-DONAT & Élisabeth LUSSET : De l'abbaye à la prison : les transformations du Mont Saint-Michel à l'aune des autres abbayes-prisons au XIXe siècle
En 1791, le Code pénal français fait de l'enfermement la principale manière de punir. Nombre d'abbayes, devenues biens nationaux, sont transformées en prisons ou en maisons de détention : l'Abbaye-aux-Dames en Saintonge, La Sauve-Majeure en Gironde, Clairvaux ou encore le Mont Saint-Michel, prison pour les détenus politiques jusqu'en 1844 et de droit commun des deux sexes jusqu'en 1863. Prenant appui sur les dépouillements effectués aux Archives nationales à l'occasion de la production du webdocumentaire Le cloître et la prison. Les espaces de l'enfermement (2018) et plus largement dans le cadre du programme de recherche Enfermements (2009-2020), cette communication propose d'examiner les multiples transformations spatiales du Mont Saint-Michel (qui servait déjà de prison pour les moines de la congrégation de Saint-Maur depuis la fin du XVIIe siècle et de prison royale au XVIIIe siècle) pour s'adapter à sa nouvelle fonction carcérale. Appréhendés à partir des devis, rapports et plans produits par les architectes du département de la Manche ainsi que par l'administration pénitentiaire, les réaménagements constants de l'espace carcéral seront comparés à ceux effectués dans d'autres abbayes-prisons comme Fontevraud ou Clairvaux. Cette communication s'interrogera sur les continuités et les discontinuités dans les usages des espaces entre la période monastique et la période carcérale.

Falk Bretschneider est Historien moderniste, maître de conférences HDR à l'École des hautes études en sciences sociales (centre Georg Simmel, UMR 8131), il travaille sur l'histoire de l'enfermement dans l'espace germanique, en s'intéressant notamment aux aspects spatiaux des prisons modernes.

Isabelle Heullant-Donat est Historienne du Moyen Âge, professeur à l'université de Reims Champagne Ardenne (CERHiC-EA 2616), elle travaille sur l'histoire culturelle et religieuse entre XIIe et XVe siècle et sur l'histoire des enfermements monastiques et carcéraux.

Élisabeth Lusset est Historienne du Moyen Âge, chargée de recherche au CNRS (LAMOP, UMR 8589), elle travaille sur l'histoire des ordres religieux et des justices d'Église.

Bibliographie commune
I. Heullant-Donat, J. Claustre et É. Lusset (dir.), Enfermements. Le cloître et la prison (VIe-XVIIIe siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2011 [en ligne].
I. Heullant-Donat, J. Claustre, É. Lusset et F. Bretschneider (dir.), Enfermements II. Règles et dérèglements en milieux clos (IVe-XIXe siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015 [en ligne].
I. Heullant-Donat, J. Claustre, É. Lusset et F. Bretschneider (dir.), Enfermements III. Le genre enfermé. Hommes et femmes en milieux clos (XIIIe-XXe siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2017 [en ligne].
I. Heullant-Donat, J. Claustre, É. Lusset et F. Bretschneider, Le cloître et la prison. Les espaces de l'enfermement, 2018 [en ligne].

Katrin BROCKHAUS
Katrin Brockhaus a fait ses études d'histoire de l'art à Fribourg (Allemagne) et à Paris. Sa thèse de doctorat, soutenue en 2005, avait pour objet l'architecture de l'abbatiale de la Trinité de Fécamp. Depuis, elle continue ses recherches sur l'architecture normande du Moyen Âge, en particulier en Basse-Normandie.

Elen CADIOU
Elen Cadiou est responsable d'opération, spécialiste en archéologie du bâti, Inrap Bretagne (UMR 6566-CReAAH).
Publications
Cadiou-[Esnault] E., "Le cloître de l'abbaye du Mont Saint-Michel (Manche) : apports de l'étude du bâti et des sols", dans Journées archéologiques de Normandie. Rouen, 20 et 21 avril 2018, PURH, 2021, p. 105-118.
Cadiou E., Caligny Delahaye F., Carre G., "L'apport primordial de l'archéologie à l'histoire du Mont Saint-Michel et à sa valorisation", dans Archéopages, Hors-série, n°6, Paris : Inrap, Octobre 2022, p. 398-413.

Ada CAMPIONE : Le Chronicon sancti Michaelis monasterii in pago Virdunensi et la tradition michaélique européenne : texte, contextes, pèlerinages
En prenant comme référence le Chronicon sancti Michaelis monasterii in pago Virdunensi, l'objectif de ce travail est d'étudier les relations de Saint-Mihiel avec d'autres sanctuaires michaéliques en Italie et en Europe. La relation la plus évidente est avec le sanctuaire du Monte Gargano, auquel l'établissement de Saint-Mihiel, semble être lié dès sa fondation : le comte Wolfand s'y rendit en pèlerinage en 709 et prit quelques pignora pour fonder un sanctuaire dédié à l'Archange à son retour. Mais, en plus de cela, le Chronicon offre des aperçus d'enquête : pensez à la dynamique liée à la sacralisation de l'espace ; à la valeur de la recherche de nouvelles reliques pour effacer l'importance et la mémoire des "reliques" michaéliques ; à la rivalité avec le sanctuaire du Mont Saint-Michel — et peut-être avec d'autres sanctuaires français — surtout au XIe siècle ; aux relations avec des interlocuteurs religieux et aussi politiques.

Ada Campione, est Professeur Associé (Dipartimento di Ricerca e Innovazione Umanistica, Université de Bari Aldo Moro). Ses recherches portent sur l'origine et la diffusion du culte de saint Michel en Italie et Europe ; culte de saints et hagiographie du haut Moyen Âge en Italie du Sud ; sanctuaires chrétiens, espaces sacrés et pèlerinages ; christianisation et formation des diocèses en Occident ; épîtres papales et actes conciliaires par rapport au vécu des communautés chrétiennes.

Camille CANTELOUP : Les collections de l'abbaye du Mont Saint-Michel : bilan de l'inventaire et perspectives
Si le Mont Saint-Michel a été largement étudié dans ses aspects historiques, archéologiques ou environnementaux, il a plus rarement été envisagé du point de vue de l'histoire de l'art et de ses objets mobiliers. Malgré le peu d'œuvres présentées au public dans l'abbatiale, qui pourrait laisser croire à un monument vide de collections, l'architecte en chef Pierre-André Lablaude recensait pourtant déjà 617 biens culturels dans son inventaire de 1991. Partant de cette enquête fondamentale, qui elle-même se basait sur les inventaires anciens de Paul Gout (1913), de l'abbé Lechat (1971) et du catalogue du Millénaire de 1966, le Centre des monuments nationaux publiera en 2023 l'inventaire réglementaire des collections de l'abbaye, enrichi et actualisé selon le protocole en vigueur. Ce colloque sera ainsi l'occasion de dresser le bilan des différentes enquêtes in situ et de faire le point sur des collections encore méconnues. De la phase de recherche à la diffusion des données, ce travail permet de dresser un état précis du statut de propriété des biens, et offre une vision complète de l'intégralité des collections conservées dans ce monument. Éléments lapidaires déposés, objets de fouilles médiévaux, vestiges issus de l'époque carcérale, essais de restitutions pendant les restaurations du XIXe et XXe siècle, mobilier liturgique moderne… À l'image du Mont, les collections sont plurielles et croisent des approches historiques, sociales et religieuses. La clôture de l'inventaire, première étape vers de plus amples recherches, ouvre de nouvelles perspectives en terme de conservation, restauration et présentation au public.

Diplômée de l'École du Louvre et de l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, Camille Canteloup est Référente collections au Centre des monuments nationaux. Après avoir travaillé au service de l'Inventaire et du Récolement des collections, au sein duquel elle a réalisé l'inventaire des collections de l'abbaye du Mont Saint-Michel, elle est aujourd'hui en charge de la conservation et de la restauration des collections des monuments gérés par le Centre des monuments nationaux (Pôle Ouest).

Gaël CARRÉ & Fabrice HENRION : L'archéologie au Mont Saint-Michel depuis le XIXe siècle : état des lieux et perspectives
L'apport de l'archéologie à la connaissance de l'évolution de l'abbaye, du village et de ses fortifications, émerge au cours du XIXe siècle, à l'initiative des architectes des monuments historiques. Depuis ces vingt dernières années, le regard d'archéologues professionnels ou agissant dans le cadre de travaux de recherche est venu compléter et réinterroger des observations ou des hypothèses déjà anciennes. Dans le même temps, des lacunes dans la connaissance de plusieurs endroits ou parties de construction persistent également. Au regard de tels constats, cette communication propose de revenir rapidement sur quelques secteurs clefs des origines de l'abbaye, tels l'incontournable Notre-Dame-sous-Terre et autres vestiges gravitant dans son environnement et dont la compréhension archéologique reste à poursuivre, mais aussi de rappeler l'apport nouveau de l'archéologie pour la connaissance de l'évolution du village médiéval (traces d'occupation et inhumations récemment observées) et de ses fortifications. Dans le même esprit, une attention sera portée à d'autres composantes moins connues, en raison d'études archéologiques inachevées ou inédites (évocation, par exemple, de constructions participant à la délimitation du front sud de l'abbaye ou contribuant à sa fortification ou, encore, de rares maçonneries antérieures aux XVe-XVIe siècles et repérées très ponctuellement dans l'emprise actuelle du village). Quelques pistes de recherche ou secteurs restant à explorer, ou pouvant faire l'objet de compléments d'étude, pourront être signalés également.

Gaël Carré est ingénieur d'études au Service régional de l'Archéologie de la DRAC de Normandie (site de Caen) et membre associé du CRAHAM. Spécialiste d'archéologie du bâti, il assure au sein du SRA des missions de gestion administrative et scientifique du patrimoine archéologique dans les contextes attachés aux monuments historiques. Il intervient en particulier dans les départements de la Manche, du Calvados et de l'Orne.

Fabrice Henrion est conservateur régional adjoint de l'archéologie au service régional de l'archéologie de la DRAC de Normandie (site de Rouen), archéologue médiéviste et spécialiste d'archéologie du bâti.

Louis CHEVALIER : Le culte liturgique de saint Aubert au Mont Saint-Michel (XIe-XVe siècles)
Saint Aubert fut évêque d'Avranches et le fondateur du sanctuaire du Mont Saint-Michel (v. 708-709). Il occupe une place centrale dans le récit de la Revelatio, rédigé vers l'an mil, qui relate l'apparition de saint Michel sur le Mont Tombe. Cependant, l'examen des remaniements secondaires opérés sur le sacramentaire Rouen, Bibl. patr., ms mm 15 (suppl. CGM 116) laisse penser que le culte liturgique d'Aubert n'a pas été développé par les moines du Mont avant la seconde moitié du XIe siècle. Cette communication a pour but de décrire les sources liturgiques montoises dédiées à saint Aubert, et de reconstituer les différentes expressions du culte liturgique du saint par une analyse de l'office, de la messe, des suffrages et des litanies de l'abbaye. Elle sera également l'occasion d'éclairer l'usage cultuel des reliques d'Aubert, décrit par les ordinaires Avranches, Bibl. patr., ms 46 et ms 216 ; et de s'interroger sur le degré de parenté de l'ordo de la fête du 18 juin dans les liturgies du Mont et du diocèse d'Avranches.

Ingénieur de recherche (CRAHAM-Centre Michel de Boüard - Université de Caen Normandie), Louis Chevalier a soutenu en 2019 une thèse d'histoire consacrée à l'étude et à l'édition critique et numérique des deux ordinaires liturgiques du Mont Saint-Michel (XIVe-XVe s.).

Anne CURRY : Le Mont Saint-Michel dans la perception anglaise, du Moyen Âge à nos jours
Pour l'historien de la Guerre de Cent ans, le Mont Saint-Michel est fameux pour être le seul lieu du duché de Normandie que les Anglais ne sont jamais parvenus à conquérir au XVe siècle. Mais il y a bien d'autres raisons pour que le Mont occupe une place spéciale dans l'histoire des Anglais à travers l'histoire. Il a ainsi inspiré la création d'une imitation anglaise à St Michael's Mount, un lieu de pèlerinage possédé par les moines du Mont Saint-Michel jusqu'au règne d'Henri V. Ce roi l'a en effet confisqué pour le donner à sa nouvelle fondation de Syon, qui est le dernier monastère fondé en Angleterre avant la Réforme. Depuis le XVIIIe siècle, par ailleurs, le "vrai" Mont Saint-Michel est devenu un site de pèlerinage artistique et touristique pour les Anglais, et plus généralement pour le monde anglophone. Le but de cette communication sera de retracer cette construction et d'examiner les manifestations de cet intérêt dans la peinture et la littérature, mais aussi dans la culture populaire, par exemple visible dans les réseaux sociaux, où le Mont Saint-Michel apparaît comme "a real life Harry Potter town".

Anne Curry est professeure émérite d'histoire médiévale à l'université de Southampton. Elle est spécialiste de la guerre de Cent Ans, et en particulier de la Normandie lancastrienne et de la bataille d'Azincourt. Outre de nombreuses publications sur ces sujets et d'autres, elle vient de publier avec Rémy Ambülh : A Soldiers' Chronicle of the Hundred Years War. College of Arms manuscript M9, Cambridge, Brewer, 2022.

Véronique GAZEAU : Introduction
Cette intervention visera à faire un tableau des productions scientifiques depuis le colloque du Millénaire du Mont Saint-Michel en1966, publié sous la forme de six volumes entre 1967 et 2005.

Véronique Gazeau, professeur d'histoire médiévale à l'université de Caen Normandie, membre associée du CRAHAM, directrice des Annales de Normandie, est spécialiste de l'histoire de la Normandie ducale. Ses travaux portent sur les institutions religieuses, régulières et séculières, sur l'aristocratie, sur les modèles de sainteté et sur l'historiographie. Elle prépare une traduction de la Vita et des lettres de Lanfranc (1010-1089), moine du Bec, abbé de Saint-Étienne de Caen et archevêque de Cantorbéry.
Publications récentes
"911-1911. La Normandie dans l'histoire : trois historiens au début du XXe siècle. Charles Homer Haskins, Gabriel Monod, Henri Prentout", dans Les historiographies des mondes normands, XVIIe-XXIe siècle. Construction, influence, évolution. Actes du colloque d'Ariano Irpino (9-10 mai 2016), dir. Pierre Bauduin, Edoardo D'Angelo, Caen-Ariano Irpino, Presses universitaires de Caen-Centro Europeo di Studi Normanni (Coll. "Symposia"), 2022, p. 47-59.
"Réformateur ou stratège ? L'évêque Odon, patron des moines de Saint-Vigor et commanditaire de la Tapisserie de Bayeux", dans Évêques et communautés religieuses dans la France médiévale, dir. Noëlle Deflou-Leca et Anne Massoni, (Colloque introductif ANR Col&mon, Grenoble 10-12 mai 2017), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2022, p. 318-341.

Catherine JACQUEMARD : Hagiographies et reliques fondatrices du Mont Saint-Michel : hypothèses de datation et de lecture
La mémoire des origines du Mont Saint-Michel s'enracine dans deux hagiographies anonymes qui, aux confins du mythe et de l'histoire, ont doté le sanctuaire d'un passé compatible avec sa notoriété ultérieure : la Revelatio ecclesiae sancti Michaelis et le *De miraculis in Monte Sancti Michaelis patratis. Or les deux textes présentent des divergences notables sur la question des reliques de l'Archange et de l'évêque fondateur alors que leur réputation d'authenticité et d'efficacité représentait un enjeu considérable pour l'essor du sanctuaire. À partir de cette observation, j'ai été conduite à discuter la datation communément admise de la Revelatio et à vérifier la plausibilité d'une attribution de l'œuvre à la fin du Xe siècle. J'ai ensuite exploré la possibilité de lire la Revelatio comme narratio fabulosa projetant dans l'entente archétypale des héros fondateurs Aubert et Bain un accord contemporain entre l'évêque Norgod et l'abbé Mainard, visant à la (ré)introduction au Mont de chanoines sous la dépendance de l'évêque d'Avranches.

Catherine Jacquemard est professeur émérite de langue et littérature latines à l'université de Caen Normandie, membre associé du Centre Michel De Boüard (Craham, UMR 6273). Ses recherches sont axées sur les humanités numériques et les sources écrites du Mont Saint-Michel, en particulier dans le cadre des programmes Ex monasterio sancti Michaelis (avec participation à la mise en œuvre de la Bibliothèque virtuelle du Mont Saint-Michel) et des Equipex Biblissima et Bilblissima+.

Vincent JUHEL : Pèlerins et routes vers le Mont Saint-Michel, un point des recherches
Le Mont Saint-Michel acquit dès le IXe siècle une dimension internationale par le rayonnement de son sanctuaire de pèlerinage. La première mention d'un "chemin montais" date de 1025 et les occurrences sont plus nombreuses au bas Moyen Âge. Cependant les pèlerins et les autres voyageurs empruntaient les mêmes axes sans qu'il y ait de chemins spécifiques aux pèlerins. Cette communication fera le point des recherches sur les différents axes empruntés par les pèlerins, en commençant par la restitution de l'itinéraire suivi par les religieux envoyés au Monte Gargano par Aubert en 709 et connu par le Roman du Mont Saint-Michel. Seront aussi utilisées les données des différents voyages cités dans les Vitae ou fournies par des témoignages directs de pèlerins de la fin du Moyen Âge, notamment des Allemands.

Vincent Juhel est Historien et historien de l'art, administrateur général des Antiquaires de Normandie, chercheur et animateur de l'association des Chemins du Mont-Saint-Michel, qui depuis vingt-cinq ans restitue progressivement des chemins balisés vers le Mont pour les miquelots du XXIe siècle et anime la recherche scientifique sur l'histoire des pèlerinages au Mont et de tous les thèmes qui y sont associés (organisation de "Rencontres historiques" éditées à chaque fois, publication d'articles, organisation d'expositions…).

Fabio LINGUANTI : Le monastère de Saint-Michel-Archange de Troina. Un "Mont Saint-Michel" dans la Sicile normande ?
La construction du monastère de Saint-Michel-Arcangé de Troina (1090) a été ordonnée par le Grand Comte Roger d'Hauteville, qui l'a confiée à la communauté italo-grecque et a nommé abbé le bénédictin Robert, déjà évêque de Troina, ville choisie comme centre d'organisation de la conquête normande de la Sicile (1061-1091) et siège du premier évêché refondé sur l'île (1082). Sa position stratégique, sur une montagne juste à l'extérieur de la ville, garantissait au monastère le contrôle d'une partie considérable de la Sicile orientale. Cependant, malgré le rôle important qu'il a joué dans l'administration du pouvoir normand sur l'île, on sait peu de choses sur la forme du monument à l'époque de sa fondation, en raison des modifications qu'il a subies entre les XVIe et XVIIe siècles et de son abandon progressif. Des investigations récentes offrent cependant de nouvelles indications sur l'aspect originel du complexe monastique et en particulier de son église, située sur le point culminant du site, dont le plan semble découler directement de la tradition architecturale du duché de Normandie.

Bibliographie
J. BECKER, Documenti latini e greci del conte Ruggero I di Calabria e di Sicilia, Rome 2013, pp. 121-122 et doc. 7, 21, 25.
G. C. CANALE, Strutture architettoniche normanne in Sicilia, Palerme, 1959.
G. C. CANALE, Aspetti della cultura architettonica religiosa del sec. XI in Sicilia e in Calabria, en "Cronache di archeologia e Storia dell'Arte", 6, 1967, pp. 92-106.
F. LINGUANTI, La cattedrale di Troina, prima sperimentazione architettonica normanna in Sicilia, en "Hortus Artium Medievalium", 25, n°2, Zagreb-Motovun, 2019, pp. 440-451.
F. LINGUANTI, Le recenti acquisizioni sulla cattedrale di Troina e lo schema a navata unica nella Contea normanna di Sicilia : un modello per la conquista ?, en "ABside", 4, 2022, pp. 95-110.

Bastien MICHEL : Servir saint Michel : les clientèles guerrières du Mont (XIIe-XIIIe siècles)
À travers l'étude des listes de vassaux conservées pour le Mont Saint-Michel (1172 et 1264), il s'agit de mettre en évidence l'insertion de l'abbaye dans les réseaux aristocratiques de la Normandie ducale et royale. Plusieurs points seront traités : 1) L'étendue des réseaux aristocratiques du Mont dans les mondes normands et français médiévaux ainsi que leur ancrage territorial normand (à travers, par exemple, les domaines de Bretteville-sur-Odon et Verson) ; 2) La nature du service militaire auquel sont astreints les vassaux du Mont, en particulier le service de garde, dans le contexte d'un espace frontalier disputé ; 3) La recomposition du lien unissant l'abbaye à ses clientèles guerrières après l'intégration de la Normandie, et par extension du Mont, au domaine royal.

Bastien Michel est doctorant à l'université de Caen, rattaché au CRAHAM (dir. Pierre Bauduin). Sa thèse porte sur les vassaux des évêques de Bayeux (XIe-XIIIe siècle), étudiés sous l'angle des réseaux et des mobilités. Il s'intéresse aux rapports entre vassalité, fief et écrit dans les mondes normands médiévaux ainsi qu'aux trajectoires de l'aristocratie normande dans le duché, le royaume de France et en Europe.

Laurent MORELLE : L'exemption du Mont Saint-Michel : un cas d'étude à la lumière des travaux récents
L'historiographie de "l'exemption monastique", qu'on vise par cette locution le statut des communautés religieuses ou de leurs dépendances (par ex., les "paroisses exemptes"), doit beaucoup au terreau normand, comme l'atteste l'ouvrage majeur de Jean-François Lemarignier (1937), qui avait tracé la voie et solidement ancré l'étude dans des perspectives d'histoire institutionnelle et politique. Le thème de l'exemption a depuis connu flux et reflux, sans jamais cesser de retenir l'attention ; il semble même connaître un regain d'intérêt depuis quelques lustres, revisité dans le cadre de dossiers locaux ou dans des trajectoires plus longues et plus "surplombantes" qui englobent, de façon plus ou moins heureuse, les notions de recours à Rome et de protection apostolique. La question de la "territorialité" des pouvoirs (ecclésiastiques et seigneuriaux) tout comme la prise en compte d'acteurs laïques parfois minorés, au-delà de la triade Rome/évêque diocésain/communautés religieuses, ont déplacé les perspectives. Par ailleurs, des recherches majeures sur l'épiscopat et l'abbatiat normands comme sur les sources narratives ou diplomatiques du Mont Saint-Michel ont passablement rebattu la donne documentaire et herméneutique. Dans ce contexte, la communication se propose surtout de donner les lignes de faîte de ce renouveau historiographique et de rouvrir le dossier documentaire de "l'exemption" du Mont Saint-Michel, pour le XIe siècle essentiellement, à la lumière de ces travaux et en l'éclairant au besoin d'exemples extérieurs à la Normandie.

Laurent Morelle est directeur d'études à l'École pratique des hautes études (section des sciences historiques et philologiques) où son séminaire de recherche ("conférence") s'intitule "Pratiques médiévales de l'écrit documentaire". La plupart de ses travaux portent sur la diplomatique médiévale jusqu'au XIIe siècle, surtout en France septentrionale : production des actes (vrais et faux), leurs usages sociaux et leur réception dans les chartriers et l'historiographie. Il a codirigé avec Arnaud Baudin un volume sur Les pratiques de l'écrit dans les abbayes cisterciennes (2015) et, avec Chantal Senséby, un ouvrage sur les chirographes ou chartes parties : Une mémoire partagée : Recherches sur les chirographes en milieu ecclésiastique (France et Lotharingie, Xe-mi XIIIe s.) (2019). Il collabore à l'entreprise internationale de la Gallia Pontificia (les relations entre la France et la papauté jusqu'en 1198) et travaille sur les communautés monastiques du haut Moyen Âge et Moyen Âge central, notamment sur leurs relations avec la papauté et les évêques. C'est au carrefour de ces différents domaines de recherche qu'il a rencontré le cas du Mont Saint-Michel.

Benjamin POHL : L'atelier de l'abbé-historien du Mont Saint-Michel : Robert de Torigni, où a-t-il écrit ?
À un colloque consacré à l'abbaye de Mont Saint-Michel, le nom de Robert de Torigni nécessite peu d'introduction. Après une carrière à l'abbaye normande du Bec-Hellouin, Robert est devenu l'abbé du Mont Saint-Michel en 1154, et occupait cette fonction jusqu'à sa mort en 1186. Pendant les trente années de son abbatiat, Robert a écrit plusieurs œuvres d'histoire, y comprit avant tout sa Chronica, mais aussi sa rédaction des Gesta Normannorum ducum, auxquelles il a continué à apporter des ajouts et des révisions jusqu'aux années 1180. Robert a également joué un rôle instrumental dans l'expansion de la bibliothèque domestique de l'abbaye en commandant la production de livres en interne tout en utilisant son autorité et son influence abbatiales pour se procurer des volumes de plus loin. À cause de l'intérêt renouvelé des chercheurs pour Robert et ses œuvres au cours des dernières années, nous en savons maintenant plus que jamais sur les différentes étapes de sa carrière, ses méthodes de travail en tant qu'historien et sa direction monastique. En revanche, ce qui n'a pas été étudié en détail jusqu'à présent c'est l'environnement physique dans lequel Robert a fait son travail intellectuel et d'écriture. Autrement dit : où a-t-il lu, recherché et écrit l'histoire en tant qu'abbé du Mont Saint-Michel ? Utilisait-il les installations communes (bibliothèque et scriptorium des moines) ou avait-il son studio privé ? Où aurait été située un tel studio, et que peut-on savoir de ses outils ? À partir de témoignages écrits, architecturaux et codicologiques, cette communication sera le premier à nous donner une idée plus précise de "l'atelier historique" de Robert.

Benjamin Pohl est maître de conférences (Associate Professor/Reader) en histoire médiévale à l'université de Bristol au Royaume-Uni. Il étudie l'écriture de l'histoire, les études manuscrites (paléographie et codicologie), l'histoire du livre, le monachisme et les études de la mémoire culturelle. Il est membre du Comité scientifique du Mont Saint-Michel en Normandie et en Europe et du Comité de rédaction de Tabularia : Sources écrites des mondes normands médiévaux. Il est l'auteur de plus de quarante articles et de deux monographies sur l'Historia Normannorum de Dudo de Saint-Quentin (2015) et les fragments manuscrits du Bristol Merlin (2021). Il a édité des volumes sur la mémoire et la narratologie (2013), l'abbaye normande du Bec (2017), l'historiographie monastique médiévale (2020) et la prochaine publication, The Cambridge Companion to the Age of William the Conqueror (2022). Il rédige actuellement deux nouvelles monographies, l'une sur le rôle des abbés médiévaux dans l'écriture de l'histoire (Abbatial Authority and the Writing of History in the Middle Ages), et l'autre sur le monastère d'Engelberg au XIIe siècle (Publishing in a Medieval Monastery : The View from Twelfth-Century Engelberg).
Publications
Abbatial Authority and the Writing of History in the Middle Ages, Oxford, Oxford University Press, à venir 2023/24.
"Robert of Torigni's "pragmatic literacy": some theoretical considerations / Quelques réflexions théoriques sur l'"écriture pragmatique" de Robert de Torigni", Tabularia (2022).
"The memory of Robert of Torigni : from the twelfth century to the present day / La mémoire de Robert de Torigni : du XIIe siècle à nos jours", in S. Lecouteux & F. Paquet (eds.), Maîtriser le temps & façonner l’histoire. Les historiens normands au Moyen Âge (2022), Colloque de Cerisy, Presses universitaires de Caen, p. 111–34.
"Review of Thomas N. Bisson (ed.), The Chronography of Robert of Torigni", History 106 (2021), 293–98.
"What sort of man should the abbot be ? Three voices from the Norman abbey of Mont Saint-Michel", in S. Vanderputten (ed.), Abbots and Abbesses as a Human Resource in the Ninth- to Twelfth-Century West, Vita Regularis, Zurich, LIT, 2018, 101–24.
"Robert of Torigni and Le Bec : the man and the myth", in B. Pohl & L. Gathagan (eds.), A Companion to the Abbey of Le Bec in the Central Middle Ages (11th-13th Centuries), Brill's Companions to European History, Leiden, Brill, 2017, 94–124.
"The date and context of Robert of Torigni's Chronica in London, British Library, Cotton MS. Domitian A viii, fols. 71r–94v", EBLJ 2016.1 (2016), 1–18.
"The "Bec Liber Vitae" : Robert of Torigni's Sources for Writing the History of the Clare Family at Le Bec, c.1128-54", Revue Bénédictine 126.2 (2016), 324–72.
"When did Robert of Torigni first receive Henry of Huntingdon's Historia Anglorum, and why does it matter ?", Haskins Society Journal 26 (2015), 143–67.
"Abbas qui et scriptor ? The handwriting of Robert of Torigni and his scribal activity as Abbot of Mont Saint-Michel (1154–1186)", Traditio 69 (2014), 45–86.

Éliane VERGNOLLE : Le chevet roman du Mont Saint-Michel. Une œuvre majeure du second quart du XIe siècle
Restituer le chevet du Mont Saint-Michel mis en chantier en 1023 peut sembler une gageure, compte tenu de sa disparition, en 1421. Les importantes substructures qui subsistent sous le chevet flamboyant, les fouilles et autres prospections menées depuis les années 1960 permettent néanmoins de connaître son plan tandis que la célèbre enluminure des très riches Heures du duc de Berry fournit sur son élévation des renseignements qu'éclaire la comparaison avec d'autres monuments de la même génération. L'analyse du transept, conservé dans son intégralité, apporte d'autres éléments d'information. Au total apparaît un chevet qui, avec son déambulatoire surmonté d'une tribune, s'inscrit dans un groupe de grandes abbatiales de la même génération également disparues pour tout ou partie mais dont l'étude a été récemment renouvelée (Saint-Martial de Limoges, Beaulieu-lès-Loches, Saint-Denis de Nogent-le-Rotrou, Landévennec) avec, en arrière-plan, le fantôme de Saint-Martin de Tours.

Éliane Vergnolle est Professeur honoraire à l'université de Besançon, membre correspondant de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Principales publications relatives au sujet
"Les tribunes de chevet dans l'architecture romane du début du XIe siècle", in Saint-Martial de Limoges. Millénaire de l'abbatiale romane (1018-2028), Bulletin monumental, n° spécial, 2020, p. 103-120.
Saint-Benoît-sur-Loire. L'abbatiale romane, Paris, 2018.
"L'église Saint-Denis. Un chef d'œuvre roman méconnu", in Nogent-le-Rotrou roman et gothique, Paris, 2022, p. 87-166.

Catherine VINCENT
Ancienne élève de l'École Normale Supérieure (promotion 1976), Catherine Vincent est actuellement professeur émérite d'Histoire du Moyen Âge de l'université Paris Nanterre, après avoir été en fonction à l'université de Rouen et à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne ; de 2011 à 2016, elle a été membre senior de l'Institut universitaire de France. Depuis 2011, elle est présidente de la Société d'Histoire Religieuse de la France et depuis 2018 présidente de l'Associazione Internazionale per le Ricerche sui Santuari (AIRS), fondée le 8 juin 1998 à Turin ; elle est également membre du comité de lecture de la Revue d'Histoire de l'Église de France et, en Italie, de la revue Vetera Christianorum (Università di Bari). Ses premières recherches ont porté sur les confréries médiévales (Les confréries dans le royaume de France, XIIIe–XVe siècle, Paris, Albin Michel, 1994) ; puis elle a travaillé sur l'histoire des paroisses (Histoire des curés, N. Lemaitre (dir.), Paris, Fayard, 2002, partie médiévale) et des pratiques religieuses, dont les luminaires dans le culte chrétien (Fiat Lux : lumière et luminaires dans la vie religieuse du XIIIe au XVIe siècle, Paris, Le Cerf, 2004). Elle s'intéresse actuellement aux pèlerinages et au culte des saints en Occident durant la seconde moitié du Moyen Âge (coordination de deux volumes d'actes de colloques : Identités pèlerines, Actes du colloque de Rouen, 15-16 mai 2002, Rouen, PURH, 2004 et Cathédrale et pèlerinage, édition avec Jacques Pycke, Louvain, Bibliothèque de la Revue d'Histoire Ecclésiastique, Fascicule 92, 2010). Elle a aussi dirigé avec Daniel Le Blevec et Michelle Fournie, le 53e colloque de Fanjeaux, Corps saints et reliques dans le Midi, Toulouse, Privat, 2018, et avec Anne Bonzon, Isabelle Poutrin et Alain Tallon, Marc Venard, Historien, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, "Collection d'Histoire religieuse de la France, 48". Elle a co-dirigé, avec Armelle Sentilhes, Yves Lescroart et Jean-Pierre Chaline, le volume consacré à la cathédrale de Rouen dans la collection "La Grâce d'une cathédrale" fondée aux éditions de la Nuée Bleue par Monseigneur Joseph Dore (archevêque émérite de Strasbourg). Sur le culte de saint Michel, elle indiquera sa récente synthèse : "Le culte de saint Michel en France", dans Saint Michel, Giorgio Otranto et Sandro Chierici (dir.), Milan, Paris, Ultreya, Le Cerf, 2022, p. 154-165 (éditions en italien : San Paolo et en allemand : Schnell-Steiner). Pour les étudiants et un plus large public, elle a publié Introduction à l'histoire de l'Occident médiéval, Paris, Le Livre de Poche, 1995, collection "Références" (traduction en italien aux éditions Il Mulino), dirigée la partie médiévale de L'Histoire du christianisme, A. Corbin (dir.), Paris, Le Seuil, 2007, paru en livre de poche en 2013 (Points H475) et publié Église et société en Occident, XIIIe-XVe siècle, Paris, Armand Colin, 2009, "Collection U".


L'œuvre de Pierre Bouet autour de l'archange. Du Mont Saint-Michel au Monte Gargano, soirée animée par Marie-Agnès LUCAS-AVENEL et François NEVEUX
Pierre Bouet a été un grand enseignant de l'université de Caen, très apprécié des étudiants. Il était un pilier du département de latin. En matière de recherche, il a considérablement innové, puisqu'il s'est consacré aux auteurs latins du Moyen Âge, qui étaient alors délaissés par les universitaires français. De plus, il a initié et développé les recherches pluridisciplinaires sur la Normandie ducale en fondant l'OUEN (Office universitaire d'études normandes). Il a centré ses travaux sur les historiens des XIe et XIIe siècle : Dudon de Saint-Quentin, Guillaume de Jumièges, Guillaume de Poitiers et Orderic Vital. Concernant l'archange, il a publié en 2009 aux PUC (avec Olivier Desbordes) les Chroniques latines du Mont Saint-Michel (IXe-XIIe siècle). Pierre Bouet est aussi l'initiateur de nombreux échanges avec des collègues étrangers, aussi bien en Angleterre qu'en Italie (et notamment à Bari). À Cerisy, il a créé en 1992 le cycle de colloque sur La Normandie médiévale. Nombre des colloques de ce cycle ont eu saint Michel comme objet d'études, et en particulier le colloque de 2000 intitulé Culte et pèlerinages à saint Michel en Occident. Les trois monts dédiés à l'archange (École française de Rome, 2003).
Cette communication se fera à deux voix. François Neveux évoquera le collègue universitaire et ses travaux, alors que Marie-Agnès Lucas-Avenel donnera le point de vue de l'ancienne étudiante, qui a fait une thèse consacrée à la publication de l'œuvre d'un auteur d'Italie du Sud, Geoffroi Malaterra, Histoire du Grand Comte Roger et de son frère Robert Guiscard (publié aux PUC en 2016). Pierre Bouet a guidé et suivi très attentivement ce travail pendant des années.
Après leur intervention, les deux auteurs de la communication dirigeront une table ronde autour de l'œuvre multiforme de Pierre Bouet, qui sera présent en personne.

Marie-Agnès Lucas-Avenel est Professeur de langue et littérature latines de l'université de Caen Normandie.

François Neveux est Professeur émérite d'histoire du Moyen Âge de l'université de Caen Normandie.


BIBLIOGRAPHIE :

Sources

• BISSON M., "Où sont les archives du Mont Saint-Michel ?", in Sur les pas de Lanfranc, du Bec à Caen. Recueil d'études en hommage à Véronique Gazeau, Cahiers des Annales de Normandie, n°37, 2018, p. 453-464.
Cartulaire du Mont Saint-Michel. Fac-similé du manuscrit 210 de la bibliothèque municipale d'Avranches, BOUET P. et DESBORDES O. (éd.), Arcueil, Anthèse, 2005.
Chronique de Robert de Torigni, abbé du Mont Saint-Michel, suivie de divers opuscules historiques de cet auteur et de plusieurs religieux de cette même abbaye, DELISLE L. (éd.), Rouen, Le Brument, 1872-1873.
Chroniques latines du Mont Saint-Michel (IXe-XIIe siècles), BOUET P. et DESBORDES O. (éd.), Caen, Presses universitaires de Caen, 2009.
• DOSDAT M., L'enluminure romane au Mont Saint-Michel, Xe-XIIe siècles, Rennes, Ouest-France, 1991.
• Le Mont Saint-Michel : enluminures et textes fondateurs : traduction française des chroniques latines du Mont Saint-Michel (IXe-XIIe siècles), BOUET P. et DESBORDES O. (éd. et trad.), Rennes, Ouest-France, 2018.

Généralités

• FIASSON D., "Abbaye et forteresse : le Mont Saint-Michel au péril de la guerre (des débuts de la guerre de Cent Ans à l'avènement de Pierre Le Roy)", Les Amis du Mont-Saint-Michel, n°119, 2014, p. 129-159.
• GAZEAU V., Normannia monastica, Tome 1 - Princes normands et abbés bénédictins (Xe-XIIe siècles) et Tome 2 - Prosopographie des abbés bénédictins (Xe-XIIe siècles), Caen, Publications du CRAHM, 2007.
Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, Paris, Lethielleux, 1966-1993, 5 vol.
• Millénaire monastique du Mont Saint-Michel : 966-1966 (Catalogue de l'exposition de Paris et du Mont-Saint-Michel), Paris, Caisse nationale des monuments historiques, 1966.

Saint Michel et son culte

Culte et pèlerinages à saint Michel en Occident. Les trois monts dédiés à l'archange (Actes du colloque de Cerisy, 26-30 septembre 2000), BOUET P., OTRANTO G. et VAUCHEZ A. (dir.), Rome, École française de Rome, 2003.
Culto e santuari di san Michele nell'Europa medievale (Actes du colloque de Bari, 5-8 avril 2006), BOUET P., OTRANTO G. et VAUCHEZ A. (dir.), Bari, Edipuglia, 2007.
Pellegrinaggi et santuari di San Michele nell'Occidente medievale (Actes du colloque de Sacra di San Michele, 26-29 septembre 2007), CASIRAGHI G. et SERGI G. (dir.), Bari, Edipuglia, 2009.
Rappresentazioni del Monte e dell'Arcangelo san Michele nella litteratura e nelle arti (Actes du colloque de Cerisy, 29 septembre-3 octobre 2008), BOUET P., OTRANTO G. et VAUCHEZ A. (dir.), Bari, Edipuglia, 2011.

Le monument : histoire de l'art et archéologie

• DE BOÜARD M., "L'église Notre-Dame-sous-Terre au Mont Saint-Michel. Essai de datation", Journal des savants, n°1, 1961, p. 10-27.
• DELAHAYE F., "Construction et évolution des fortifications du Mont Saint-Michel (XIIIe-XVIIIe siècles)", Les Amis du Mont Saint-Michel, n°118, 2013, p. 37-60.
• FROIDEVAUX Y.-M., "L'église Notre-Dame-sous-Terre", Les monuments historiques de France, n°4, 1961, p. 145-166.
• GALLET Y., "Le chevet flamboyant du Mont Saint-Michel et ses modèles dans l'architecture gothique des XIIIe et XIVe siècles", Les Amis du Mont Saint-Michel, n°108, 2003, p. 43-55.
• MARGO F., "Les cryptes romanes du Mont Saint-Michel : ordonnancement des espaces", dans Espace ecclésial et liturgie au Moyen Âge (Actes du colloque de Nantua, novembre 2006), BAUD A. (dir.), Lyon, Maison de l'Orient et de la Méditerranée, 2010, p. 369-378.

Pour aller plus loin

• PAQUET F., "Histoire et archéologie du Mont Saint-Michel : bibliographie scientifique", Annales de Normandie, n°71-1, 2021, p. 147-180.


SOUTIENS :

• Direction régionale des affaires culturelles Normandie (DRAC)
• Établissement public national du Mont Saint-Michel (EPMSM)
Centre des monuments nationaux
Centre Michel de Bouärd · CRAHAM · UMR 6273 | Université de Caen Normandie / CNRS
• Office universitaire d'études normandes (OUEN) | Université de Caen Normandie
Caen la Mer
Conseil départemental de la Manche

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


GASTON PARIS :

UNE ŒUVRE EN RÉSEAU, UN RÉSEAU EN ŒUVRE


DU MERCREDI 24 MAI (19 H) AU DIMANCHE 28 MAI (14 H) 2023

[ colloque de 4 jours ]



ARGUMENT :

Philologue en contact épistolaire avec des personnalités du monde entier — on compte environ 1750 correspondants et 27000 feuillets — Gaston Paris est au centre de différents réseaux de savoirs et de pratiques. Comprendre, par l'entremise du savant, comment s'articulent ces différents réseaux est une clé inestimable pour affiner nos connaissances non seulement de l'histoire des langues et littératures (médiévales) romanes, mais aussi de l'histoire intellectuelle, politique et sociale de l'époque.

Lors de la rencontre au château de Cerisy-la-Salle, lieu emblématique, faut-il le rappeler, des rencontres familiales, amicales et savantes de Gaston Paris, des spécialistes de la philologie romane venant de toute l'Europe vont travailler sur des correspondances du savant encore peu connues et contribuer ainsi à la reconstruction toujours plus précise du réseau européen, voire mondial, qui assurait le rayonnement et l'évolution de la philologie romane à l'époque.


MOTS-CLÉS :

Correspondances, Histoire des langues romanes, Histoire intellectuelle du XIXe siècle, Littérature du Moyen Âge, Paris (Gaston), Philologie romane


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 24 mai
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 25 mai
Matin
Gabriel BERGOUNIOUX : La phonétique française au temps de Gaston Paris. Une étude des thèmes et des enjeux d'après les lettres de ses correspondances
Ursula BÄHLER : La correspondance entre Gaston Paris et Gabriel Monod
Sadurní MARTÍ : Les relations ibériques de Gaston Paris (I). Thématiques philologiques : accords et désaccords [communication établie avec Fabio ZINELLI]
Bernhard HURCH : Introduction au Hugo Schuchardt Archiv

Après-midi
Maria Ana RAMOS : Gaston Paris et José Leite de Vasconcellos. La chanson de Sainte Foi d'Agen
Yan GREUB : Gaston Paris et les études occitanes
Emma BELKACEMI-MOLINIER : Le réseau montpelliérain dans la correspondance d'Anatole Boucherie et Gaston Paris
Patrizia GASPARINI : Gaston Paris et l'italianisme en France


Vendredi 26 mai
Matin
Marco VENEZIALE : Entre Vienne et Paris : Adolfo Mussafia, Gaston Paris et Paul Meyer
Dumitru CHIHAI : La correspondance de Gaston Paris et l'origine de la langue roumaine
Miriam CABRÉ & Anna GUDAYOL : Les relations ibériques de Gaston Paris (II). Les érudits catalans et leur place au sein des réseaux philologiques
Patrick HENRIET : "Le fanatisme espagnol (…) sous son jour le plus hideux". Sept lettres de Reinhart Dozy à Gaston Paris (1864-1882)

Après-midi
DÉTENTE

Soirée
Les archives de Gaston Paris à Cerisy


Samedi 27 mai
Matin
Alain CORBELLARI : Gaston Paris et ses jeunes élèves français
Muriel JORGE : "Mon cher Maître" : Gaston Paris et ses élèves à travers sa correspondance
Kevin GARCIA, Xenia KONING & Marigo QORAJ : Le réseau féminin de Gaston Paris. Essai de typologie
Richard TRACHSLER : Hermann Suchier. L'exception allemande

Après-midi
Anne-Marguerite FRYBA-REBER : Les prémices de la philologie romane à Genève à la lumière de l'échange épistolaire entre Eugène Ritter et Gaston Paris
Bernhard HURCH : Modernité, philologie et linguistique. Gaston Paris et Hugo Schuchardt
Nicolas MOREL : "Dans le royaume des aveugles, vous le savez…" : Schuchardt, Paris et l'Europe des philologues [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Daron BURROWS : Autour de la correspondance de Gaston Paris et Paul Meyer : la question de l'anglo-normand

Bilan, perspectives et discussion générale


Dimanche 28 mai
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Ursula BÄHLER : La correspondance entre Gaston Paris et Gabriel Monod
L'historien Gabriel Monod (1844-1912) fut l'élève de Gaston Paris aux cours publics libres de la rue Gerson en 1866/67. Très vite, les deux hommes se sont liés d'une profonde amitié. S'ils partageaient les mêmes idées scientifiques, ils n'étaient pas toujours d'accord sur les affaires de la cité. Nous avons conservé la plus grande partie de la correspondance entre les deux savants et amis, les missives de Monod dans l'original, celles de G. Paris dans une transcription faite par une main inconnue. À partir de ce lot important de lettres, nous nous proposons : 1) de rendre visible le réseau personnel qui s'y tisse, 2) d'étudier l'influence exercée par Monod sur la pensée politique de G. Paris, et 3) de réfléchir sur la valeur scientifique de cette correspondance.

Ursula Bähler est Professeure de littérature française à l'université de Zurich. Ses recherches portent sur l'histoire de la philologie, notamment dans son rapport avec la société (philologie et nation, éthique de la philologie), ainsi que sur la littérature française du XIXe au XXIe siècle. Publications : Gaston Paris et la philologie romane (2004) [Prix Bordin de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2005] ; de nombreuses éditions de correspondances philologiques (Gaston Paris, Joseph Bédier, Karl Bartsch, Maria Johanna Minckwitz, Paul Meyer) ; des travaux sur Émile Zola, Anatole France, Maurice Barrès, Georges Rodenbach, Marie NDiaye, Pascale Kramer ; co-éditrice d'ouvrages sur la place de la littérature dans la société [À quoi bon l'enseignement de la littérature ? (2016), À quoi bon la littérature ? (2019)] ; directrice, depuis 2021, du projet PHILINGK, avec le Prof. Bernhard Hurch (Université de Graz), financé par le FNS (lead agency) et le FWF.
https://www.rose.uzh.ch/de/seminar/wersindwir/mitarbeitende/baehler.html

Irina MATTI
Irina Matti a toujours été passionnée par les langues et leur fonction communicative entre les cultures et les êtres humains. C'est ainsi tout naturellement qu'elle s'est dirigée vers des études de littérature et linguistique françaises et allemandes, puis vers l'enseignement de ces matières. Sa fascination pour d'autres cultures l'a ensuite amenée à entreprendre un séjour professionnel au Japon pendant 3 ans, dont elle est revenue au début de l'année 2021. Depuis, son intérêt scientifique l'a poussé à retrouver l'étude des sciences humaines et, depuis juillet 2021, elle fait partie du projet PHILINGK à l'université de Zurich.

Nicolas MOREL : "Dans le royaume des aveugles, vous le savez…" : Schuchardt, Paris et l'Europe des philologues
La correspondance entre Gaston Paris et Hugo Schuchardt, dont la publication figure au centre du projet Philingk entre Zurich et Graz, offre un panorama à la fois inédit et imprenable sur le développement de la philologie dans toute l'Europe de la seconde moitié du XIXe siècle. Cette communication est l'occasion de se demander si — et si oui comment — derrière l'amitié épistolaire qui se noue entre ces deux personnalités d'exception, en dépit d'oppositions parfois farouches et au gré de l'actualité politique et scientifique de l'époque, se construit une même vision d'un idéal scientifique.

Docteur en littérature française et spécialiste d'histoire du livre et de la littérature, Nicolas Morel a rédigé une thèse sur l'édition Beuchot des œuvres de Voltaire au XIXe siècle (Georg, 2019). Il est également l'auteur d'un ouvrage consacré à la librairie Cramer à Genève, célèbre pour avoir imprimé et diffusé les ouvrages de Voltaire au XVIIIe siècle (Slatkine, 2020). Postdoctorant au sein du projet PHILINGK, il co-édite la correspondance entre Gaston Paris et Hugo Schuchardt avec Ursula Bähler (Universität Zürich) et Bernhard Hurch (Universität Graz).


Emma BELKACEMI-MOLINIER : Le réseau montpelliérain dans la correspondance d'Anatole Boucherie et Gaston Paris
La correspondance de Gaston Paris avec l'un des membres fondateurs de la Revue des langues romanes (en 1870, c'est-à-dire deux ans avant la naissance de la Romania), figure majeure de la philologie méridionale jusqu'à sa mort en 1883, constitue le canal sous-terrain par lequel se poursuit, amical et ancré dans la vie quotidienne, le dialogue public noué par les épistoliers dans les deux grandes revues de philologie par comptes rendus interposés. La controverse y laisse la place au détail d'une vie scientifique qui a son rythme propre, prise dans le mouvement continu des publications. Les lettres d'Anatole Boucherie accompagnent les envois, demandes, et remerciements qui forment la matière principale de ces échanges, mais pas uniquement : elles esquissent les contours de deux milieux scientifiques hétérogènes, celui des savants parisiens et celui de la Société des langues romanes, mis "en réseaux" par une correspondance qui se fait la chronique des temps forts de la Société montpelliéraine.

Emma Belkacemi-Molinier prépare une thèse de doctorat depuis 2021 (Sorbonne Université – EPHE) en philologie romane, consacrée au cycle romanesque du Lancelot-Graal. Attentive aux enjeux épistémologiques de la discipline, elle s'intéresse aux discours et aux pratiques philologiques françaises et italiennes. Elle a notamment réalisé en 2022 une communication intitulée "La philologie comme discipline scientifique. Retour sur les échanges entre Paul Meyer et la rédaction de la Revue des langues romanes (1872–1882)".

Gabriel BERGOUNIOUX : La phonétique française au temps de Gaston Paris. Une étude des thèmes et des enjeux d'après les lettres de ses correspondances
Gaston Paris, qui est resté dans la mémoire savante comme un philologue et un spécialiste de la littérature du Moyen Age, a aussi été un témoin et un acteur essentiel des études de phonétique historique. Depuis la thèse consacrée à l'accent latin jusqu'à l'échange épistolaire avec Saussure — qui avait entrepris de résumer à son intention le Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes —, il s'est impliqué dans les recherches sur le versant sonore des langues et sur leurs transformations diachroniques. Sa correspondance en atteste, qu'il s'agisse de l'interprétation des scripta de l'ancien français, des "lois aveugles de la phonétique" (la loi de Bartsch notamment), de la question de la réforme de l'orthographe ou de l'alphabet utilisé pour l'Atlas linguistique de la France. Cet aspect de l'œuvre sera examiné dans le contexte social et scientifique de l'époque.

Gabriel Bergounioux est professeur émérite de linguistique à l'université d'Orléans. Il a publié Aux origines de la linguistique française (Agora - Pocket, 1994) et, avec J.-Cl. Chevalier, "Gaston Paris et la mythologie comparée" dans Le Moyen Age de Gaston Paris (M. Zink ed.).

Daron BURROWS : Autour de la correspondance de Gaston Paris et Paul Meyer : la question de l'anglo-normand
Pendant une trentaine d'années, Gaston Paris et Paul Meyer, co-fondateurs de la Romania, entretinrent une correspondance fascinante qui, à travers leur discussion de la gestion de cette revue novatrice, met en lumière de nombreux aspects scientifiques et humains du développement de la discipline. Un élément intéressant de cet échange concerne les études anglo-normandes, la littérature composée dans le "mauvais français d'Angleterre" attirant la curiosité philologique de Paris et incitant l'anglophile Meyer à visiter les grandes bibliothèques de Grande-Bretagne à la recherche de textes inédits. Cette communication examinera les lettres de ces deux philologues éminents pour faire ressortir leurs attitudes respectives envers les pratiques et les personnalités actives dans ce petit recoin insulaire de la philologie française.

Daron Burrows est Professor of Medieval French à St Peter's College, Oxford, et Hon. Secretary et Treasurer de l'Anglo-Norman Text Society. Ses recherches se concentrent sur l'ancien français, surtout la langue et la littérature anglo-normandes, l'édition critique et l'étude des manuscrits.

Miriam CABRÉ & Anna GUDAYOL : Les relations ibériques de Gaston Paris (II). Les érudits catalans et leur place au sein des réseaux philologiques
En 1872, Gaston Paris et Paul Meyer fondent la revue Romania, dont le but scientifique, tel qu'il est indiqué dans l'article rédigé par Paris qui inaugure la revue, est le "rapprochement perpétuel entre les langues et littératures des diverses nations qui composent la Romania". Dans cette perspective, le philologue va tisser des liens avec les universitaires et érudits de différentes zones linguistiques romanes. On essaiera de reconstruire le réseau des relations ibériques de Gaston Paris à partir de sa correspondance, en essayant d'identifier ses partenaires non seulement à partir de ce qui est écrit, mais aussi de leur trajectoire intellectuelle et de leurs travaux. Quelques figures se profilent en avant : les catalans Manuel Milà i Fontanals (1818-1884), maître incontesté des études de lettres dans l'Espagne du XIXe siècle, les érudits Joaquim Rubió i Ors (1818-1899) et Antoni Rubió i Lluch (1856-1937), en étroit rapport avec Marcelino Menéndez Pelayo (1856-1912).

Miriam Cabré est Professeur titulaire de Philologie Romane à l'université de Gérone et vice-présidente de l'Association Internationale d'Études Occitanes (AIEO), elle a obtenu en 2021 la distinction ICREA-Academia. Sa recherche est consacrée principalement à l'étude de la présence des troubadours dans la Couronne d'Aragon et à la transmission manuscrite de leurs œuvres, ainsi qu'à la réception de cet héritage parmi les érudits du XIXe-XXe siècles. Elle est éditrice scientifique de la revue Mot So Razo, directrice du projet TrobEu, et co-directrice de la base de données Cançoners DB.
narpan.net/membres/investigadors/miriamcabre.html

Anna Gudayol est Archiviste-paléographe (École des chartes, promotion 1992-1996), DEA en Philologie romane (1991) et maîtrise en bibliothéconomie par l'université de Barcelone (1986). Chef du Département des Manuscrits de la Bibliothèques de Catalogne (1999-), et professeur à la Faculté Antoni Gaudí (Université Catholique de Barcelona). Elle a publié une quarantaine de contributions sur l'études de l'histoire des manuscrits et des bibliothèques (bnc.academia.edu/gudayolanna).

Dumitru CHIHAI : La correspondance de Gaston Paris et l'origine de la langue roumaine
La présente communication, axée principalement sur la correspondance entre Gaston Paris et les linguistes les plus représentatifs de son époque, permettra de rappeler les débats qui ont marqué et nourri la question bien épineuse et encore d'actualité autour de l'origine de la langue roumaine. Tout aussi passionnante et débattue demeure la question de l'évolution de la langue roumaine dans sa dimension linguistique et historique, y compris son alphabet, ce qui fait d'elle la langue la plus fidèle et en même temps la plus infidèle à l'égard du latin (Bartoli).

Dumitru Chihai est Lecteur de roumain au sein du Séminaire des langues romanes de l'université de Zurich. Ses travaux et recherches portent sur l'aspect paléographique et linguistique des premiers documents juridiques et administratifs rédigés en français et en francoprovençal (13-14 s.) mais également sur l'argot des Poilus, l'argot roumain et sur la langue des soldats roumains pendant la Première Guerre Mondiale.

Alain CORBELLARI : Gaston Paris et ses jeunes élèves français
Gaston Paris a été attentif à tous les aspects du développement des études médiévales. S'il a soigné ses contacts avec ses collègues étrangers, salué les grands noms de la médiévistique, animé la vite devenue prestigieuse Romania, il a aussi été particulièrement attentif à former en France une jeune garde destinée à répandre ses méthodes et à lui succéder. À côté du cas exemplaire de Joseph Bédier, de très nombreux jeunes chercheurs ont reçu de lui aide, encouragement et soutien, comme le montre exemplairement sa correspondance.

Professeur aux universités de Lausanne et de Neuchâtel, Alain Corbellari a soutenu en 1996, sur Joseph Bédier, la première thèse d'histoire des études médiévales en France. Il est spécialiste de la réception du Moyen Âge dans la Modernité et a travaillé sur la littérature comique médiévale et sur les chansons de geste. Il a également co-édité les Œuvres complètes de Charles-Albert Cingria et étudié la poétique musicale de Romain Rolland.

Anne-Marguerite FRYBA-REBER : Les prémices de la philologie romane à Genève à la lumière de l'échange épistolaire entre Eugène Ritter et Gaston Paris
Couvrant une vingtaine d'années (la première lettre conservée datant de 1880 et la dernière de 1901), la correspondance entre Eugène Ritter (1836-1928) et Gaston Paris (1839-1903) comprend sept lettres signées Ritter et douze Gaston Paris. Le dialogue entre les deux savants aborde des sujets divers (requêtes pour autrui, échanges de publications, questions institutionnelles) et offre des renseignements significatifs sur le milieu académique genevois de la fin du XIXe siècle, étroitement lié aux institutions parisiennes et en particulier à l'École des hautes études. En témoigne notamment la leçon d'ouverture au cours d'Histoire de la langue française (1876) de Ritter qui souligne l'importance des savants parisiens en tant que médiateurs de l'héritage de Friedrich Diez. Le recoupement des réseaux bien connus de Gaston Paris et de celui, plus confidentiel, d'Eugène Ritter permettra par ailleurs d'éclairer la conception qu'on se faisait de la philologie romane à Genève bien avant son institutionnalisation en 1891.

Anne-Marguerite Fryba-Reber est professeur émérite de linguistique française à l'université de Berne. Ses recherches l'ont amenée à s'intéresser à la linguistique saussurienne (Albert Sechehaye et la syntaxe imaginative, 1994), puis à l'exploration du milieu intellectuel et institutionnel en Suisse dans le dernier tiers du XIXe siècle (Philologie et linguistique romanes. Institutionnalisation des disciplines dans les universités suisses (1872-1945), 2013).

Kevin GARCIA, Xenia KONING & Marigo QORAJ : Le réseau féminin de Gaston Paris. Essai de typologie
Le dépouillement systématique de la correspondance passive de Gaston Paris nous a permis de repérer plus de 80 femmes qui, à un moment ou à un autre, ponctuellement ou sur une plus longue période, se sont adressées au philologue. Dans notre communication, nous présenterons une typologie de ces correspondantes — parmi lesquelles on compte plus d'une belle découverte — et des raisons qui les ont poussées à prendre la plume.

Patrizia GASPARINI : Gaston Paris et l'italianisme en France
La fondation à Paris en 1894 de la Société d'études italiennes joua un rôle déterminant dans l'évolution du statut de la langue italienne en France et dans l'institutionnalisation de son étude. Promoteur de sa constitution fut Charles Dejob, à l'époque professeur de rhétorique au collège Stanislas, qui allait être le premier maître de conférences de langue et littérature italiennes à la faculté des lettres de Paris (1900). Sa correspondance adressée à Gaston Paris fournira des pistes pour explorer des aspects moins parcourus de l'immense activité scientifique et académique du Maître de la philologie romane, à des moments particulièrement critiques des relations franco-italiennes (en conséquence de la tuerie d'Aigues-Mortes de 1893 ou du rapprochement de l'Italie à l'Allemagne et à l'Autriche à partir de 1882). Ce sera aussi l'occasion de s'interroger sur le rôle (et l'influence) exercé par les spécialistes de philologie romane dans le processus d'institutionnalisation des études italiennes. Il suffira de rappeler que parmi les membres du jury d'agrégation mixte italien et espagnol de 1900-1905, à côté de Ch. Dejob, H. Hauvette et E. Mérimée siégèrent A. Morel-Fatio et A. Thomas (voir J. Dubois, L'enseignement de l'italien en France, p. 434).

Bibliographie
Ch. Dejob, Histoire de la Société d'études italiennes, Paris, De Boccard, 1919.
J. Dubois, L'enseignement de l'italien en France (1880-1940). Une discipline au cœur des relations franco-italiennes, Grenoble, ELLUG, 2015.
P. Milza, Français et Italiens à la fin du XIXe siècle. Aux origines du rapprochement franco-italien de 1900-1902, 2 vol., Rome, École française de Rome, 1981.
Pio Rajna, Correspondance avec Gaston Paris, Paul Meyer et Joseph Bédier, Introduction, édition et notes de P. Gasparini, Florence, Edizioni del Galluzzo per la Fondazione Ezio Franceschini (à paraître).

Yan GREUB : Gaston Paris et les études occitanes
Dans la répartition des tâches entre Gaston Paris et Paul Meyer, les études occitanes étaient surtout de la responsabilité de Paul Meyer. Pour autant, Gaston Paris ne s'est pas tenu à l'écart de ce champ d'études ; il a aussi maintenu des rapports étroits avec les occitanistes. Sur la base de sa correspondance avec ceux-ci, nous entendons décrire ce qu'ont été ces rapports et quelle part a prise Gaston Paris dans les débats essentiels de l'occitanistique de son temps.

Yan Greub est chargé de recherche au CNRS et spécialiste de lexicologie, de philologie du français médiéval et de linguistique historique des langues galloromanes. Il dirige le Französisches Etymologisches Wörterbuch et le Glossaire des patois de la Suisse romande. Il est l'auteur de plusieurs contributions sur l'histoire de la philologie.

Patrick HENRIET : "Le fanatisme espagnol (…) sous son jour le plus hideux". Sept lettres de Reinhart Dozy à Gaston Paris (1864-1882)
Le fonds Gaston Paris de la Bibliothèque Nationale de France contient sept lettres adressées à Gaston Paris par Reinhart Dozy (1820-1883), l'un des plus grands orientalistes et hispanisants du XIXe siècle. Les deux hommes avaient un objet d'étude commun, la célèbre chronique dite du Pseudo Turpin, qui constitue le livre IV du Liber sancti Jacobi (début du XIIe siècle). Gaston Paris lui avait consacré sa thèse latine, soutenue le 29 décembre 1865 et publiée la même année. Dozy publia les résultats de sa propre enquête en 1881, et son correspondant en rendit compte dans la Romania. Les deux hommes échangent aimablement des informations. Dozy n'a pas une très bonne opinion des savants français mais il réserve ses critiques les plus vives aux espagnols.

Patrick Henriet est directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études. Il est spécialiste d'hagiographie médiévale et travaille régulièrement sur la péninsule Ibérique. Le Liber sancti Jacobi, dont il sera ici question, est au programme de son séminaire pour l'année 2023-2024. Outre de nombreux travaux d'histoire du Moyen Âge, il a dirigé le livre des 150 ans de l'EPHE (la "petite église" de Gaston Paris).

Bernhard HURCH : Modernité, philologie et linguistique. Gaston Paris et Hugo Schuchardt
Dès les années 1820 au plus tard, les effets médiatiques et techniques de l'industrialisation ont contribué à renouveler l'objet de la recherche linguistique en termes de méthodologie et d'objet au sens humboldtien et, pour reprendre une citation bien connue, à le remettre la tête en haut. Modernité s'utilise ici simplement pour désigner une simultanéité sans doute non accidentelle d'innovations. L'intervention traitera de la question de savoir dans quelle mesure les développements de cette période se retrouvent dans l'œuvre de Schuchardt et de Gaston Paris, ou dans quelle mesure ces deux érudits ont servi de moteurs pour le renouveau de la discipline de l'historicisme traditionnel, le poussant vers une science "moderne", qui s'appuie, entre autres, sur l'articulation interdisciplinaire avec d'autres sciences humaines ainsi qu'avec les sciences naturelles. Il s'agit, probablement, du moment charnière où la philologie et la linguistique entament systématiquement des voies différentes.

Muriel JORGE : "Mon cher Maître" : Gaston Paris et ses élèves à travers sa correspondance
La carrière de philologue de Gaston Paris se confond largement avec celle qu'il a menée en tant qu'enseignant. Ayant exercé au Collège de France et à l'EPHE durant trente-cinq ans, de 1868 à 1903, il a joué un rôle majeur dans la constitution de la philologie romane et de l'étude de la langue française, surtout médiévale, dans l'enseignement supérieur français. Les documents institutionnels afférents à son enseignement révèlent une grande diversité d'origines géographiques, institutionnelles et professionnelles parmi ces élèves : outre sa renommée, c'est l'enseignement même de Gaston Paris qui s'est diffusé au-delà du Quartier latin, de Paris et même de la France. Le réseau des élèves et celui des correspondants se recouvrant de manière significative, la communication présentera les résultats d'un premier travail exploratoire, fondé sur le recoupement des listes d'élèves de Gaston Paris à l'EPHE durant ses quinze premières années d'enseignement (1868-1883) et de sa correspondance.

Muriel Jorge est maîtresse de conférences en sciences du langage à Sorbonne Université et au sein du laboratoire Histoire des Théories Linguistiques (Université Paris Cité, UMR 7597). Ses recherches portent sur la disciplinarisation et la didactisation des savoirs linguistiques fin XIXe-début XXe siècle, qu'elle aborde d'un point de vue épistémologique et institutionnel. Elle a notamment travaillé sur les notes de cours de Gaston Paris, d'Arsène Darmesteter et de Ferdinand Brunot.

Sadurní MARTÍ : Les relations ibériques de Gaston Paris (I). Thématiques philologiques : accords et désaccords [communication établie avec Fabio ZINELLI]
L'étude du réseau des relations hispaniques établies par Gaston Paris à l'époque fondatrice de la Romania nous permet de bien suivre l'émergence d'abord et les moments forts, ensuite, des grands débats qui animèrent la philologie romane de la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. On y trouve ainsi des traces importantes des discussions autour de sujets d'intérêt général tels les origines de l'épopée, le rapport entre celle-ci et les sources historiques, ou sur la notion même de littérature "populaire". Comme il se doit, un espace de tout premier choix revient aux sujets centrés sur la Romania ibérique, tels la filiation historique complexe entre la langue catalane et la langue occitane, la découverte de la littérature catalane antique, le rapport entre la littérature française médiévale et les littératures hispaniques. Les lettres échangées entre Gaston Paris et Manuel Milà i Fontanals, Marcelino Menéndez Pelayo, Joaquim Rubió i Ors, Antoni Rubió i Lluch et Ramón Menéndez Pidal sont déterminantes à cet égard, ainsi que la correspondance avec son disciple favori, l'éminent hispaniste Alfred Morel-Fatio.

Sadurní Martí est Professeur titulaire de Littérature Catalane Médiévale à l'université de Gérone depuis 2001. Il a obtenu un doctorat en philologie romane (Université de Barcelone, 1999) avec une thèse sur la traduction catalane médiévale du Commentarium in septem psalmos poenitentiales d'Innocence III. Il est chercheur à l'Institut de Llengua i Cultura Catalanes (UdG), centre qu'il a dirigé de 2008 à 2016. Il a publié de nombreux ouvrages sur la littérature catalane de la fin du Moyen Âge, en particulier sur la tradition des chansonniers catalans (et son l'histoire de son étude), la transmission textuelle de Francesc Eiximenis et les problèmes et applications des humanités numériques. Il codirige la base de données Cançoners DB et dirige la base de données Eiximenis DB.
narpan.net/membres/investigadors/sadurnimarti.html

Maria Ana RAMOS : Gaston Paris et José Leite de Vasconcellos. La chanson de Sainte Foi d'Agen
La correspondance entre Gaston Paris et José Leite de Vasconcellos a dû commencer avant la première carte postale connue. À Paris, à la BnF, le premier message de Leite de Vasconcellos date du 26 septembre 1887, mais, à Lisbonne, au MNA, se conserve déjà une carte postale, envoyée par G. Paris, le 20 novembre 1882, ce qui laisse supposer qu'une partie des documents échangée est dispersée, ou n'a pas subsisté. Dans une rencontre consacrée au dialogue — œuvre en réseau — il est très fascinant d'examiner les interlocutions épistolographiques entre Gaston Paris (1839-1903) et l'illustre maître portugais José Leite de Vasconcellos (1858-1941). Même si la correspondance savante, échangée entre les deux, n'est pas constituée par de nombreux écrits, elle nous permet d'entrevoir les préludes méthodologiques de la philologie et de la linguistique au Portugal. Par ailleurs, c'est à travers ces messages, qu'on peut retracer le parcours de l'importante redécouverte en 1901 du manuscrit du poème provençal du XIe siècle, la Chanson de Sainte Foi (Leiden, Universiteitsbibliotheek, Vossiani Latini, oct. 60), et, sous la médiation de G. Paris, de sa publication dans un essai écrit en portugais dans la Romania (Vasconcellos, J. Leite de, "Canção de Sancta Fides de Agen, texto provençal", Romania, 31, 1902, pp. 177-200).

Maria Ana Ramos est Professeure Titulaire Émérite (Université de Zürich - Romanisches Seminar) et directrice de la Cátedra Carlos de Oliveira (2012-2019). Diplômée de l'université classique de Lisbonne (Licence ès Lettres et Doctorat), s'est spécialisée en Philologie romane à Rome, "La Sapienza", et a obtenu le titre de Privadozentin à l'université de Zürich. Ses domaines de recherche portent sur la lyrique galégo-portugaise et sur la diffusion du récit bref dans la péninsule Ibérique. Actuellement, en collaboration avec Yara Frateschi Vieira, elle prépare l'édition de l'éloquente correspondance entre deux importantes philologues, Carolina Michaëlis et J. Leite de Vasconcellos.

Richard TRACHSLER : Hermann Suchier. L'exception allemande
Hermann Suchier (1848-1914) était à son époque considéré comme un des plus compétents philologues romanistes. C'est à lui que Gröber demanda de rédiger le chapitre sur "Die französische und provenzalische Sprache und ihre Mundarten" pour son monumental Grundriss der romanischen Philologie et les éditions de texte de Suchier, établies selon les règles de la phonétique historique alors toute jeune, étaient citées comme des modèles dans leur genre. Même Paul Meyer parlait de Suchier avec une certaine estime. Toute sa vie scientifique, Suchier a été en rapport avec Gaston Paris, de même, d'ailleurs, qu'avec Joseph Bédier, et ses relations avec les deux professeurs parisiens ont toujours été amicales indépendamment des tensions politiques ou académiques qui pouvaient peser sur les rapports franco-allemands. Parmi la correspondance adressée à Gaston Paris se trouvent un peu plus de quatre-vingts lettres de Suchier, qui s'étendent de 1876 à 1902 (Paris, BnF, naf. 24458). La présente communication proposera un premier inventaire sommaire et quelques coups de sonde dans cette correspondance largement inexploitée.

Richard Trachsler a enseigné la littérature française du Moyen Âge à l'université de Paris-Sorbonne et à l'université de Göttingen. Il est actuellement professeur de Littérature française et occitane à l'université de Zurich. Ses recherches portent surtout sur la littérature narrative et les problèmes d'édition liés à ce type de texte, ainsi que sur l'histoire de la discipline, sur laquelle il a publié plusieurs études. Il prépare actuellement l'édition de la correspondance entre Joseph Bédier et Hermann Suchier.

Marco VENEZIALE : Entre Vienne et Paris : Adolfo Mussafia, Gaston Paris et Paul Meyer
Dans notre intervention nous allons nous plonger dans la correspondance que G. Paris et P. Meyer entretenaient avec A. Mussafia, professeur de Philologie Romane à Vienne. Si les lettres de Mussafia à ses collègues parisiens sont bien conservées et consultables à la Bibliothèque nationale de France, les archives de Mussafia se retrouvent à Florence, dans la Biblioteca Umanistica de l'université, et n'ont jamais été cataloguées, puisque tout le fonds Mussafia a subi l'inondation de 1966. Grâce à un travail d'archive, il nous a cependant été possible de récupérer un certain nombre de ces lettres, qui témoignent de l'importance des rapports entre Vienne et Paris, à la fois scientifiquement et politiquement, pour le développement de la philologie romane en Europe : Mussafia a en effet été l'un des premiers collègues étrangers avec qui les parisiens rentrèrent en contact, au début des années 1860.

Marco Veneziale est chercheur à l'université de Zurich et il s'occupe de littérature arthurienne, d'hagiographie, mais aussi de poésie lyrique à la cour de François Ier. Il s'intéresse à l'histoire de la philologie romane, domaine auquel il a dédié plusieurs interventions.


BIBLIOGRAPHIE :

• Bähler, Ursula, 1999, Gaston Paris dreyfusard. Le savant dans la cité, Préface de Michel Zink, 2e tirage 2002, Paris, Éditions du CNRS.
• Bähler, Ursula, 2004, Gaston Paris et la philologie romane, Avec une réimpression de la Bibliographie des travaux de Gaston Paris publiée par Joseph Bédier et Mario Roques (1904), Genève, Droz.
• Bähler, Ursula, Corbellari, Alain, 2009, Gaston Paris-Joseph Bédier, correspondance, Coll. L'Europe des philologues, Firenze, Edizioni del Galluzzo.
• Bähler, Ursula, 2015a, Karl Bartsch - Gaston Paris, correspondance, entièrement revue et complétée par Ursula Bähler à partir de l'édition de Mario Roques, Firenze, Edizioni del Galluzzo.
• Ridoux, Charles, 2020, Paul Meyer - Gaston Paris, correspondance, édition avec la collaboration d'Ursula Bähler et d'Alain Corbellari, Firenze, Galluzzo.


SOUTIEN :

• Équipe PHILINGK | Université de Zurich (UZH) & Fonds national suisse (FNS)

Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


MIREILLE DELMAS-MARTY : LA BOUSSOLE DES POSSIBLES


DU MERCREDI 24 MAI (19 H) AU DIMANCHE 28 MAI (14 H) 2023

[ colloque de 4 jours ]



DIRECTION :

Émilie GAILLARD, Anne JACOD, Bin LI

Avec le concours de Licia AKKARI et d'Antoine PORTANGUEN


ARGUMENT :

"Dans un monde déboussolé, la boussole du Tout Monde sera conçue
comme un acte de résistance au désespoir et à la violence.
Elle aura l'ambition, à sa modeste mesure, de rendre manifestes les dynamiques à l'œuvre,
pour réconcilier des vents opposés comme sécurité/liberté,
compétition/coopération, exclusion/intégration, innovation/conservation".
Mireille Delmas-Marty

Face aux transformations qui bouleversent les équilibres sur lesquels nos sociétés se sont construites, et qui ont suscité de nombreux récits "fermés", limitant les possibles, tels que récits-catastrophe (l'effondrement) ou récits-programme (le Tout-Marché, le Tout-numérique, etc.), la juriste et universitaire Mireille Delmas-Marty s'est efforcée d'ouvrir des chemins humanistes pour les sociétés futures.

La Boussole des possibles, conçue comme un "objet-manifeste" par Mireille Delmas-Marty et l'artiste plasticien, sera au centre des travaux du colloque, au cours desquels les grands enjeux sociétaux (la mondialité, le changement climatique…) et les leviers d'action émergents seront confrontés, analysés, débattus. La Boussole sera ici l'Objet-référentiel sur lequel mesurer les effets des chemins qui se dessinent ; un miroir des liens et des interdépendances qui fondent nos systèmes et tissent les contraintes ou espaces de liberté du monde qui vient.

Souhaitant anticiper les conséquences à l'aune des couples de la Boussole, ce colloque, pluridisciplinaire, intergénérationnel et créatif, se propose, à partir des travaux de Mireille Delmas-Marty, et conformément à la feuille de route de la Chaire d'excellence Normandie pour la Paix, de creuser les tensions pour dégager les principaux enjeux des sociétés à venir : la mondialisation, la mondialité ou commun multiple, les modèles économiques, l'urgence des transitions.


MOTS-CLÉS :

Boussole des possibles, Commun, Compétition/Coopération, Delmas-Marty (Mireille), Exclusion/Intégration, Générations futures, Gouvernance, Humanisme, Imagination, Innovation/Conservation, Interdépendances, Mondialité, Résistance, Sécurité/Liberté, Transitions, Urgence


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 24 mai
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 25 mai | Vidéos des interventions de la journée en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie
Matin
TEMPS 1 — L'ANCRAGE DU COLLOQUE
Naviguer dans les vents contraires de la mondialisation : la nécessité d'une boussole des possibles

Antonio BENINCÀ & Jean-Michel GHINSBERG : Le Nord est en nous [Montage : Antoine PORTANGUEN]
Émilie GAILLARD : L'épistémologie juridique dynamique, une pensée en mouvement pour animer les possibles juridiques
Antonio BENINCÀ : Histoires de complexité
Delphine MISONNE : Suivre les fumées. Sens et contresens du droit de l'environnement

Après-midi
TEMPS 2 — PENSER UN COMMUN MULTIPLE : LA MONDIALITÉ PAR-DELÀ LA MONDIALISATION, COMMENT AGIR LE DROIT POUR PRÉSERVER NOTRE FUTUR COMMUN ? (COMPÉTITION VS COOPÉRATION)
L'interculturalité, richesse et diversité des représentations de ce qui compte

Jean-Paul VANDERLINDEN : Épisodes cosmologiques et risques existentiels : la boussole des possibles comme dispositif de création de sens
Christiane DERANI : La décolonisation des relations économiques et environnementales
Leslie CLOUD : Pour une approche transculturelle de l'humanisme juridique, l'apport des peuples autochtones

Table ronde avec les intervenants du jour : 1) lien entre les différentes contributions et la boussole et 2) outils pour l'action

Soirée
Projection du documentaire Mireille Delmas-Marty, au pays des nuages ordonnés (Production : Association IDÉtorial) réalisé par François STUCK


Vendredi 26 mai
TEMPS 3 — ANTICIPER L'IMPACT DE L'URGENCE : ÉTAT D'URGENCE (SÉCURITÉ VS LIBERTÉ) — URGENCE CLIMATIQUE (EXCLUSION VS INTÉGRATION)
Matin
Bruno TARDIEU : L'attachement de Mireille Delmas-Marty au "croisement des savoirs" entre savants et sachants d'ATD Quart Monde : ce que peuvent apporter les plus pauvres aux humains pour quitter la domination et changer notre place parmi les humains et non humains
Clément PECQUEUX : La Boussole au service de l'évaluation d'un dispositif de décision publique
Françoise THIBAULT : L'exercice de la science : interpellation, implication et engagement. Réflexion autour des travaux de Mireille Delmas-Marty

Après-midi
Atelier : construction d'outils pour l'action territoriale, animé par Anne JACOD, Licia AKKARI et Antoine PORTANGUEN

Fin d'après-midi & Soirée
Elsa CHASSAGNEUX BERIOLA & Isabelle FRULEUX : Lectures musicales : adaptation de "La cohée du Lamentin" d'Édouard Glissant et de "Au congrès des vents" de Mireille Delmas-Marty, suivie de "MÉDUSE", extrait de "Mais le monde est une mangrovité" de Dénétèm Touam Bona


Samedi 27 mai
TEMPS 4 — PENSER UN COMMUN MULTIPLE : CONCILIER DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE (INNOVATION VS CONSERVATION)
Matin
Éric VINDIMIAN : Inverser les valeurs : faire de la protection des biens communs que sont l'environnement et la santé des raisons impératives d'intérêt public majeur
Germain NTONO TSIMI : Penser les communs en droit. Innovation ou conservation
Alexandre RAMBAUD : L'épistémologie comptable : cadre pour une critique de l'insoutenabilité et pour une praxis de la soutenabilité
Jennifer BARDY : La comptabilité, boussole du système juridique

Table ronde avec les intervenants du jour : 1) lien entre les différentes contributions et la boussole et 2) outils pour l'action

Après-midi
Atelier débat / controverses / prospective : exploration des trajectoires préfigurées par les diverses interventions, avec le support de la Boussole des possibles, animé par Lolita COUCHÈNE et Morgane GEFFROY

Soirée
Elsa CHASSAGNEUX BERIOLA : L'Harmonica, de l'intime à l'universalisable — Documentaires CNP
Musadaq SULTAN : Documentaire vidéo : "La Boussole à Cerisy"


Dimanche 28 mai
L'ENCRAGE DU COLLOQUE
Matin
Bin LI : La responsabilité morale et légale dans la pensée chinoise
Delphine AGOGUET : "Un tribunal des possibles"

Atelier "colloque box" : Synthèse — avec quoi repart-on ? Valeurs guides, leviers pour le futur, approfondissement des interdépendances, récits, boîte à outil…

Elsa CHASSAGNEUX BERIOLA & Isabelle FRULEUX : Interlude musicale : extraits de "Frères migrants" de Patrick Chamoiseau

Après-midi
DÉPARTS


PRESSE / MÉDIAS :

Présentation du colloque. Entretien avec Edith HEURGON réalisé par Hadrien FRÉMONT (Fondation Clarens pour l'humanisme)

Retour sur le colloque. Entretiens avec Émilie GAILLARD et Anne JACOD réalisés par Hadrien FRÉMONT (Fondation Clarens pour l'humanisme)

La Boussole des possibles vue par un "compagnon de route" de Mireille Delmas-Marty. Entretien avec Jean-Michel GHINSBERG réalisé par Hadrien FRÉMONT (Fondation Clarens pour l'humanisme)

Compte-rendu du colloque, réalisé par Lolita COUCHENE & Morgane GEFFROY (Étudiantes Sciences Po Rennes)


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Émilie GAILLARD
Émilie Gaillard, MCF HDR Droit privé ScPo Rennes, a créé le premier Master "Générations futures et transitions juridiques" au campus des transitions à Caen. Elle est coordinatrice générale de la Chaire d'excellence de la Paix de Normandie consacrée à la Paix avec la Terre (CNRS/Région Normandie/MRSH). Ses recherches portent sur le(s) droit(s) des générations futures et différents domaines du droit (théorie générale, droits de l'homme, droit pénal, approches transgénérationnelle de la démocratie).
Publications
Générations futures et droit privé. Vers un droit des générations futures, 2010, Prix Dupin de l'ASMP.
Legal Actions for Future Generations, co-direction avec D. Forman, Peter Lang, 2021.
Déclaration Universelle des Droits et Devoirs de l'Humanité, sous la direction de C. Lepage, 2015.

Anne JACOD
Anne Jacod est ingénieure divisionnaire de l'agriculture et de l'environnement, chargée de projets de prospective et d'innovation au sein de la Gendarmerie nationale. Elle a assuré, pour le compte de l'État et de collectivités territoriales, des missions d'ingénierie publique, de gestion des risques naturels, de gestion de l'eau. Puis, titulaire d'un master de prospective du CNAM, elle s'est engagée dans cette approche systémique au sein du Commissariat général au développement durable, puis à la Gendarmerie nationale.

Bin LI
Bin Li est docteur en droit à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il a été résident chercheur à l'Institut des études avancées de Nantes (2011-2012), est actuellement professeur à la Faculté de droit de l'université Normale de Pékin (Chine) et enseigne principalement le droit international public et économique. Ses travaux de recherche concernent les responsabilités morale et juridique des acteurs économiques quant à la protection de l'environnement, des droits de l'homme, de la biodiversité.

Antoine PORTANGUEN
Après une formation de niveau master en relations internationales, changement climatique et droit de l'environnement, Antoine Portanguen recherche un doctorat sur la gouvernance mondiale de l'environnement. Cheminant avec la pensée de Mireille Delmas-Marty, il participe actuellement à la diffusion de sa pensée (traduction de son dernier ouvrage en anglais, organisation du présent colloque) et de la Boussole des possibles (œuvre hybride entre le droit et l'art sur la gouvernance mondiale). Il a rédigé un rapport de recherche sur le contentieux climatique pour le Ministère de l'environnement, aux côtés d'Anne Jacod avec laquelle il a écrit un article pour les Mélanges en l'honneur de Mireille Delmas-Marty intitulé : "La boussole des futurs possibles : réflexions sur l'éthique dans les politiques publiques. Une approche des procès climatiques par le système et la prospective".


Jennifer BARDY : La comptabilité, boussole du système juridique
Plus qu'un langage commun à toutes les entreprises, la comptabilité apparaît comme le support des organisations humaines et pénètre de sa logique le système juridique. En étant partagée (c'est-à-dire comprise et utilisée) par les diverses branches du droit, par-delà les spécificités de chacune d'elles, leur terminologie propre et la diversité des représentations qui en découle, la comptabilité se fait boussole du système juridique. La tendance contemporaine à réduire la question comptable à de la pure technique, parfois revêtue des habits de l'objectivité universelle, tout comme le constat simultané du décrochage croissant du droit et de la comptabilité font, à raison, craindre le scénario du pire : le désinvestissement des liens immémoriaux qui unissent le droit à la comptabilité peut s'avérer dangereux quand le modèle comptable propagé s'inscrit en porte-à-faux avec les défis écologiques actuels et les objectifs affichés par le droit en ce domaine. Ce phénomène de décrochage s'observe spécifiquement dans le processus de fabrication de la norme comptable sans pour autant supprimer l'influence que la comptabilité a sur le système juridique. Ce positionnement stratégique confère aussi et surtout à la comptabilité un potentiel extraordinaire, celui d'inverser la tendance actuelle en permettant d'écrire le scénario du meilleur : étant apte à irriguer de sa logique la diversité des représentations juridiques, la comptabilité pourrait devenir un solide allié du droit pour appréhender de manière systémique la question écologique.

Jennifer Bardy est maîtresse de conférences en droit privé à l'université Côte d'Azur et membre du GREDEG. Après une thèse de doctorat consacrée au passif environnemental de l'entreprise, les travaux de Jennifer Bardy entendent démontrer la nécessité de faire évoluer le droit comptable en le rendant apte à appréhender la dette écologique de l'entreprise. Plus généralement, ses recherches s'intéressent aux interactions entre la comptabilité socio-environnementale et le système juridique dans sa globalité.

Antonio BENINCÀ & Jean-Michel GHINSBERG : Le Nord est en nous
Issue de la coopération d'Antonio Benincà et de Mireille Delmas-Marty, ayant pour fonction de traduire de manière sensible la pensée de cette dernière, de faire comprendre la nécessité d'une approche globale des tensions qui opèrent dans le monde afin d'en dégager des lignes de force et de promouvoir ainsi une forme de gouvernance mondiale respectueuse des différentes civilisations, la Boussole des Possibles est un objet-manifeste ludique et profond, invitant à une réflexion multicentrique — ou décentrée, comme l'on voudra — prenant en compte la complexité. La présentation de sa maquette sera prétexte à une approche à deux voix entre son concepteur, Antonio Benincà, et Jean-Michel Ghinsberg, autour d'un cheminement à la recherche d'un Nord perdu.

Antonio Benincà, après des études aux Beaux-Arts, a expérimenté de nombreuses matières et techniques. Le métal et le béton sont devenus ses matériaux de prédilection. Il s'est intéressé à la "façon d'habiter" et, dès lors, suivant sa fibre de bâtisseur, il a découvert avec passion les possibilités offertes par les structures en double courbure (coques "maisons bulles"). Au fil des ans, il a également réalisé des objets du quotidien (luminaires, mobilier urbain), ainsi que des œuvres monumentales pour le privé et le public (fontaines, jardins, sculptures végétales…).

Avocat au Barreau de Lyon de 1972 à 2013 et aujourd'hui avocat honoraire, Jean-Michel Ghinsberg a été le Président de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats en 1985-1986. Il a participé à diverses commissions au Ministère de la Justice avant d'être élu au Conseil de l'Ordre en 1989. Civiliste, spécialisé en droit social et droit de la construction, il est à l'origine de plusieurs revirements de Cassation. Concepteur de l'épée d'académicienne de Mireille Delmas-Marty, il est proche du Centre Culturel de Rencontres de Goutelas. Il est le secrétaire de l'Institut Paul Bouchet et le trésorier du fonds de dotation Second Souffle créé à l'initiative de Mireille Delmas-Marty.

Elsa CHASSAGNEUX BERIOLA
Enseignante et pianiste, Elsa Chassagneux Beriola joue sur la déstructuration d'œuvres afin d'enrichir les mots d'une résonance musicale pour aller au-delà du texte. En 2018 c'est tout d’abord à l'harmonica, "Petit souffle" délaissé, qu'elle accompagne la voix d'Isabelle Fruleux sur le texte "Au congrès des vents" de Mireille Delmas-Marty. Aujourd'hui Elsa Chassagneux Beriola est doctorante à l'université de Strasbourg en musicologie et cherche à comprendre les particularités qui entourent l'harmonica, rendant cet instrument si touchant et avant tout, vecteur d'humanité.

Leslie CLOUD
Leslie Cloud est juriste, spécialisée en droit des peuples autochtones et du droit d'asile, membre du réseau JUSTIP (Justice and Indigenous Peoples Rights). Elle a vécu pendant onze ans en communauté mapuche au Chili. Ses recherches portent sur les modes de reconnaissance des droits des peuples autochtones, les conceptions autochtones du Droit, des droits fondamentaux et de la justice ainsi que sur l'interprétation interculturelle des droits de l'homme en justice, principalement en contexte chilien. Elle mène actuellement une étude avec l'Institut Francophone Justice et Démocratie (IFJD) sur les violences subies par le peuple pygmée ba'aka pendant la crise 2013-2014 en République de Centrafrique en vue d'intégrer les populations autochtones de Centrafrique au processus de reconstruction et de justice transitionnelle. Elle enseigne également le droit des peuples autochtones au sein du grade master GENFUT, générations futures et transitions juridiques de Sciences-Po à Caen. Elle est co-auteure avec Irène Bellier et Laurent Lacroix de l'ouvrage Les droits des peuples autochtones. Des Nations unies aux sociétés locales (Paris, L'Harmattan, 2017). Leslie Cloud est responsable de la ligne Peuples Autochtones de la Chaire Normandie pour la Paix.

Isabelle FRULEUX
De formation artistique pluridisciplinaire (art dramatique, chant, danse…), Isabelle Fruleux adapte à la scène et en musique des textes de nombreux auteurs, dont la poésie d'Édouard Glissant. Ses mises en scène sont programmées dans des lieux aussi divers que le Festival d'Avignon (In et Off), le Théâtre de la Ville, le Centre Pompidou, l'UNESCO ou la BNF. En 2018, Mireille Delmas-Marty lui propose de porter ses textes à la scène. C'est ainsi que nait sa mise en voix de "Au congrès des vents", avec Elsa Chassagneux Beriola à la conception musicale.
https://www.isabellefruleux.com/

Germain NTONO TSIMI
Germain Ntono Tsimi est professeur de droit pénal et de droit pénal international à l'université de Yaoundé II. Il est titulaire de la Chaire thématique Santé et globalisation, ancien ATER au Collège de France auprès de l'équipe accueillie, "Internormativité dans le champ pénal" sous la direction de Stéfano Manacorda et ancien juriste junior de la Cour pénale internationale dans la division des poursuites (affaires Jean-Pierre Bemba et Uhuru Kenyatta).

Alexandre RAMBAUD
Docteur en mathématiques et en sciences de gestion, Alexandre Rambaud est maître de conférences à AgroParisTech-CIRED et Academic Fellow de l'Institut Louis Bachelier. Il codirige la chaire "Comptabilité écologique" et le département "Économie & Société" du Collège des Bernardins. Sa recherche porte sur la théorie de la comptabilité financière ainsi que sur la comptabilité et l'économie écologiques ; il codéveloppe dans ce cadre le projet C.A.R.E. (Comprehensive Accounting in Respect of Ecology). Membre du Comité sur l'Information de Durabilité de l'Autorité des Normes Comptables et du CA de l'Association Francophone de Comptabilité, il est directeur scientifique/cofondateur du CERCES (Cercle des Comptables Environnementaux et Sociaux).

François STUCK
Le documentaire Mireille Delmas-Marty, au pays des nuages ordonnés est réalisé à partir d'un entretien filmé, avec Mme Delmas-Marty, que François Stuck a tourné le 21 avril 2021 dans le cadre de son film Êtres en transition, le vivant nous questionne. Les propos de Mme Delmas-Marty sont accompagnés par les témoignages de son amie Mme Geneviève Giudicelli-Delage et d'Antonio Benincà, l'artiste qui a créé l'objet-manifeste-forain "Une Boussole des Possibles". À ces paroles s'ajoutent des citations de personnalités de son entourage.
En savoir plus : https://idetorial.fr/mireille-delmas-marty/

François Stuck est auteur et réalisateur de documentaires qui interrogent notre relation à la paix, à l'autre et au vivant. Depuis quelques années, l'enjeu de ses films est d'investir le débat public sur le sujet de la transition vers un monde durable. Il a également conçu un média de proximité intitulé "Actualités Locales au Cinéma" dont la ligne rédactionnelle est "Que se fait-il de bien près de chez nous ?".

Bruno TARDIEU : L'attachement de Mireille Delmas-Marty au "croisement des savoirs" entre savants et sachants d'ATD Quart Monde : ce que peuvent apporter les plus pauvres aux humains pour quitter la domination et changer notre place parmi les humains et non humains
Dans la troisième partie(1) du cours de Mireille Delmas-Marty au Collège de France sur "la refondation des pouvoirs" elle mentionne l'aventure d'ATD Quart Monde et termine par "Au croisement des savoirs" avec sa trilogie Savoir/vouloir/pouvoir. Elle fait référence à la recherche menée par ATD Quart Monde pour "croiser les savoirs" entre personnes en situation de pauvreté, autres acteurs de l'action contre la pauvreté et universitaires(2), entre sachants et savants. Elle s'appuie sur Wresinski et Glissant pour appeler à apprendre des pauvres : "Qu'apprenons-nous des plus pauvres ? Peut-être une certaine manière de penser l'imprévisible, plus proche de l'adaptation que de la programmation ou de la prédiction… Durer serait l'objectif des plus nantis, assurés "tout risque" ; mais "grandir" serait l'apanage des plus pauvres (…). À la frilosité des sociétés de la peur, les plus pauvres opposent – et nous apprennent – le courage de vivre". Ce savoir est aujourd'hui vital à l'humanité.
(1) Les forces imaginantes du droit, Mireille Delmas-Marty, 4 tomes, Seuil, 2004-2011 : 1. Le relatif et l'universel, 2. Le pluralisme ordonné, 3. La refondation des pouvoirs, 4. Vers une communauté de valeurs.
(2) Groupe de Recherche Quart Monde-Université, Le Croisement des Savoirs. Quand le Quart Monde et l'Université pensent ensemble, 2008, Paris, Éd. de l'Atelier / Éd. Quart Monde.

Bruno Tardieu est volontaire-permanent d'ATD Quart Monde depuis 1981, il est aujourd'hui directeur du Centre international Joseph Wresinski de Mémoire et de Recherche, après avoir été Délégué National ATD Quart Monde France entre 2006 et 2014, et engagé dans des quartiers pauvres successivement Créteil et à New York, et Noisy le Grand. Il a publié Artisans de Démocratie. De l'impasse à la réciprocité comment forger l'alliance entre les plus démunis et la société ? (Éd. de l'Atelier, Université Press of America, 2000), En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté (Éd. de l'Atelier, 2013), Quand un peuple parle – ATD Quart Monde, un combat radical contre la misère (Éd. La Découverte, 2015). Il a co-dirigé, avec Jean Tonglet, la publication Ce que la misère nous donne à repenser, avec Joseph Wresinski (Hermann Éditeurs, 2018, Colloque de Cerisy).

Jean-Paul VANDERLINDEN : Épisodes cosmologiques et risques existentiels : la boussole des possibles comme dispositif de création de sens
Les représentations individuelles, et collectives, qui nous guident pour faire face aux évènements, qu'ils soient ordinaires ou non, reposent sur notre capacité à créer du sens à partir de nos observations. Cette capacité à créer du sens, quant à elle, repose sur les cosmologies (les sources d'ordres, moral, matériel, épistémique) que nous sommes en mesure d'invoquer. Dans une analyse fondatrice, Karl Weick (1985) montre qu'il existe des situations où les individus, et les collectifs, ne sont plus en mesure d'associer un sens à leurs observations. Ces épisodes de perte de sens, de chaos total pour l'observateur et qui appellent la création de nouvelles cosmologies, ont été nommés "épisodes cosmologiques". Nous montrerons, dans notre conférence, que les menaces existentielles, c'est à dire les menaces qui pèsent significativement sur le potentiel de l'humanité dans son ensemble, peuvent être avantageusement analysées au prisme de l'épisode cosmologique. Ce prisme donne un sens particulier à notre immobilisme face aux crises environnementales, un sens particulier aux réactions étonnantes observées lors de crises sanitaires, voire un sens particulier au succès relatif des films dits "catastrophe". Nous nous emparerons, pour cette conférence, de la Boussole des possibles (Delmas-Marty, 2020) afin de développer son potentiel en tant que dispositif de "création de sens" (Vanderlinden et al., 2020 ; Weick, 1993) dispositif nous permettant de préciser une nouvelle cosmologie, nouvelle cosmologie qui semble nécessaire à la lumières des crises que nous traversons aujourd'hui.

Jean-Paul Vanderlinden est professeur en économie écologique et études de l'environnement à l'université de Versailles Saint Quentin-en-Yvelines. Après 20 années consacrées à l'études des risques socio-techniques émergeants, il développe actuellement un nouveau thème de recherche : les risques terminaux locaux comme analogues des risques existentiels. Professeur à temps partiel en études des sciences et techniques, avec une focale arctique, à l'université de Bergen, il mène également des recherches sur les dimensions épistémiques du travail scientifique interdisciplinaire en situation d'interculturalité.

Éric VINDIMIAN : Inverser les valeurs : faire de la protection des biens communs que sont l'environnement et la santé des raisons impératives d'intérêt public majeur
Aujourd'hui les réglementations environnementales interdisent en principe des atteintes à l'environnement et à la santé humaine. La réalité est bien différente. De nombreux projets d'infrastructures routières, d'aéroports, de ports, de zone d'activités, de centrales électriques provoquent des atteintes à l'environnement ou à la santé sans que la compensation, fusse-t-elle possible, soit totale. Les dérogations accordées invoquent implicitement ou explicitement des raisons impératives d'intérêt public majeur. Les décideurs privés et publics continuent de penser qu'il est plus important de poursuivre la croissance économique que de protéger l'environnement. Certes on convient de limiter le plus possible les impacts mais, dès lors qu'il n'est pas possible de concilier le développement et l'environnement, c'est l'économie qui gagne. Cette victoire ne tient qu'à notre vision de court terme. La biodiversité, le climat, la santé publique sont des biens communs qui conditionnent notre survie. Il importe donc de remettre les priorités dans le bon ordre en déclarant que les biens communs environnementaux et sanitaires sont les vrais enjeux d'intérêt public majeur.

Éric Vindimian, né en 1956, est ingénieur général des ponts des eaux et des forêts honoraire. Après une carrière à l'interface entre la recherche et les politiques publiques, il s'intéresse aux questions de concertation dans le domaine de la santé. Il co-préside l'alliance science-société (Alliss) qui ambitionne de faire accéder les associations et les entreprises de l'ESS à la recherche. Il poursuit son appui à l'Autorité environnementale en tant que membre associé. Il apporte également son expertise à la fédération d'associations France nature environnement.


SOUTIENS :

Chaire Normandie pour la Paix | CNRS - Région Normandie - MRSH - Université de Caen Normandie
• Fonds de dotation Second Souffle

Programme 2023 : un séminaire

Programme complet


COMMENT SONNE LE MONDE
L'ART INFINI DE LA RADIO

HOW DOES THE WORLD SOUND
ART INFINITY RADIO

SÉMINAIRE SCIENTIFIQUE ET DE CRÉATION
SCIENTIFIC AND CREATIVE SEMINAR


DU LUNDI 15 MAI (19 H) AU SAMEDI 20 MAI (14 H) 2023

[ séminaire de 5 jours ]



DIRECTION :

Nicolas RÉMY (AAU_Cresson, Université de Thessalie), Nicolas TIXIER (AAU_Cresson, ENSA de Grenoble)


COORDINATRICE :

Audrey IZIER


ARGUMENT :

Ce projet rassemble des partenaires internationaux universitaires et issus des arts radiophoniques et des arts sonores. Il vise à explorer de nouveaux outils théoriques, méthodologiques et pratiques permettant de favoriser l'écoute autant que la création sonore. Nous questionnons par le prisme des ambiances nos espaces habités et nos espaces de vie en prise aux mutations environnementales et sociétales et nous nous intéressons en particulier aux publics dits vulnérables (très jeunes enfants, personnes en situation de handicap, personnes âgées et ou malades, etc.).

Ce séminaire, incluant des invités, se déroulera selon 4 modalités :

- des interventions théoriques ou des comptes-rendus d'expériences en matinée ;
- des temps de travail par petits groupes en après-midi (écriture, enregistrement de podcasts, marche, préparation d'installations sonores, etc.) ;
- des temps d'écoutes et de découverte d'installations sonores en fin de journée ou en soirée ;
- un workshop de création situé mettant au travail des étudiants d'écoles d'art (Annecy, Tours), du conservatoire de Cuneo, de l'école de la nature et des paysages de Blois.


This project brings together international partners from universities, radio and sound arts. It aims to explore new theoretical, methodological and practical tools to promote listening as well as sound creation. Through the prism of ambiances, we question our inhabited and living spaces in the face of environmental and societal changes, and we are particularly interested in so-called vulnerable audiences (very young children, people with disabilities, the elderly and the sick, etc.).

This seminar, including guests, will take place in 4 ways :

- theoretical presentations or reports of experiences in the morning ;
- small group work in the afternoon (writing, recording podcasts, walking, preparing sound installations, etc.) ;
- listening and discovery of sound installations at the end of the day or in the evening ;
- a creative workshop with students from art schools (Annecy, Tours), the conservatory of Cuneo, the school of nature and landscapes of Blois.


OBJECTIF :

Comment le monde sonne-t-il à nos oreilles ? Et comment pourrait-il sonner demain ?

Si la question est vaste, il s'agit là d'une approche qui reste singulière dans les disciplines, bien que transversales à elles, touchant à la compréhension et à la conception de nos espaces habités. Que nous raconte l'ambiance sonore d'un espace urbain, d'une place, d'un hôpital, d'une école, ou encore l'ambiance sonore d'un lac, d'une forêt, d'un glacier ? Que nous disent, quand on écoute vraiment, les habitants, mais aussi le monde du vivant avec qui nous sommes ? Quelle empathie au monde le sonore donne-t-il à entendre et comment le sonore affecte-t-il et configure-t-il nos pratiques ordinaires ? L'approche du monde par le sonore remet en question l'idée d'une distinction claire entre celui qui perçoit et ce qui est perçu, le sujet et l'objet, l'intérieur et l'extérieur, l'individu et le monde. Au lieu de s'appuyer sur un mode de pensée dualiste et substantialiste, cette approche ouvre une alternative à une ontologie des choses par une attention au médium et aux flux impliqués dans et par l'expérience sensorielle même. Ces perspectives permettent d'aborder le monde par le son en révélant certaines de ses principales caractéristiques : l'accent mis sur la perception plutôt que sur le sens ; le rôle crucial de la résonance et de la tonalité affective ; l'importance de la dynamique interne, des gestes quotidiens et des formes de vie sociale ; le phénomène de coalescence qui unifie les diverses composantes d'une situation ; l'articulation entre le spatial, le social et le physique. Approcher nos disciplines par le sonore, et donc par l'écoute, oblige à une relation autre aux matériaux de la recherche, mais plus encore à leur mise en partage et en débat, cela nous oblige à trouver un médium de communication et de création qui rendent compte tant de la part sensible du monde, que des débats qui animent nos recherches.

C'est à cette visée que s'est attelé modestement ce séminaire pluridisciplinaire par le partage de connaissances, l'expérimentation de situations et la création sonore.

The castle of crossed disciplines - Cerisy 2023 | Équipe CRESSON | Laboratoire AAU
The castle of crossed disciplines - Cerisy 2023 | Équipe CRESSON | Laboratoire AAU

PARTICIPANTS :

Direction

Nicolas Rémy est professeur associé titulaire au département d'architecture de l'École Polytechnique de l'Université de Thessalie. Il enseigne la physique du bâtiment et a développé plusieurs cours sur l'acoustique, les ambiances, la construction et la conception de l'architecture. Chercheur associé au CRESSON (laboratoire AAU, Grenoble, France) et chercheur au laboratoire Conception Durable de l'Environnement Bâti (SD+ΒE Lab), ses travaux portent sur la notion d'ambiance comme outil et comme méthode pour la pratique architecturale. Il a co-organisé en 2016 le 3e congrès International Ambiances et il est depuis 2018 le co-directeur du Réseau International Ambiances.

Nicolas Tixier est architecte, professeur à l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes) et professeur invité à l'École supérieure d'art Annecy Alpes. Il travaille comme chercheur au laboratoire Architectures, ambiances, urbanités (AAU) de Grenoble au sein de l'équipe CRESSON dont il est le directeur depuis 2018. Il mène parallèlement une activité de projet au sein du collectif BazarUrbain. Ses travaux actuels portent principalement sur le transect urbain, comme pratique de terrain, technique de représentation et posture de projet. Entre héritage et fiction, il interroge les territoires et leur fabrique par les ambiances. Il a co-dirigé deux colloques à Cerisy : L'usage des ambiances (2018), L'enchantement qui revient (2021) publiés aux éditions Hermann.

Intervenants / Participants

Paul Bai (AAU Cresson, Grenoble), Ona Bello (AAU Cresson, Grenoble), Emmanuelle Bouyer (ENSA Paris val de seine, Paris), Sébastien de Pertat (AAU Cresson, Grenoble), Petros Fampouris (University of Thessaly Volos), Olivier Gaudin (École de la nature et des paysages, Bois), Giuseppe Gavazza (AAU Cresson, Grenoble & Conservatoire Cunéo), Franck Ginisty (Les hommes fourmillent, Normandie), Laïs Janvion (PACTE, Grenoble), Helmi Järviluoma (University of Eastern Finland, Joensuu), juL Mc Oisans (AAU Cresson, Grenoble), Marc Higgin (AAU Cresson, Grenoble), Sandra Lorenzi (ESAAA, Annecy) Théo Marchal (AAU Cresson, Grenoble), Sunčica Milosavljević (Bazaart - Belgrade), Thierry Mouillé (TALM, Tours), Zerina Novalic (Bazaart, Belgrade), Lejla Odobasic Novo (International Burch University, Sarajevo), Dana Papachristou (TwixTlab, Athènes), Evangelia Paxinou (AAU Cresson, Volos), Cédric Pichat (AAU Cressson, Grenoble), Perrine Poupin (AAU Cresson, Grenoble), Sasa Rakef Perko (Radio Television Slovenia), Yorgos Samantas (TwixTlab, Athènes), Jelena Stojanović (Bazaart, Belgrade), Didier Tallagrand (ESAAA, Annecy), Heikki Uimonen (University of Eastern Finland, Tampere), Lolita Voisin (Ecole de la nature et des paysages, Blois).

Workshop étudiants

École supérieure Art Annecy Alpes : Noanne Adam, Golira Barbier, Camille Dégeorges-Ruffelaere, Manon Genet, Louise Grandcolas, Laurine Habert, Audrey Izier, Alice Jeannel, Lilou Moreau
École supérieure d’art et de design TALM : Baltazar Dagault, Clovis Ledoux, Marine Plourdeau, Adrien Randrianarivonintsoa
Conservatoire de Cuneo (Italie) : Letizia Ambrosetti, Domenico Bosio, Matteo Ricci, Marta Zigante


SOUTIENS :

• Équipe B.AIR : Radio television Slovenia, RTV SLO (SL), BAZAART (RS), AAU_Cresson / École d'Architecture de Grenoble (FR), Institut Jožef Stefan (SI), ITA-Suomen Yliopisto (FI), Javna medijska ustanova Radio – televizija Srbije (RS), Radioteatar Bajsic i prijatelji (HR), Twixtlab AMKE (EL), Visokoskolska ustanova internacionalni burc univerzitet-International Burch University (BA).

• Avec les contributions des enseignants et des étudiants de l'ENSA de Grenoble / Université Grenoble Alpes, de l'École Supérieure d'Art Annecy Alpes, de l'École Supérieure d'Art et de Design de Tours (TALM), du conservatoire de Musique de Cuneo (Italie) et de l'École de la Nature et des Paysages de Blois.

B.AIR : l'Art Infini de la Radio

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Publication 2022 : un des ouvrages


Psychanalyse et médecine, entre corps et langage

PSYCHANALYSE ET MÉDECINE, ENTRE CORPS ET LANGAGE


Houchang GUILYARDI (dir.)

Avec le concours de l'Association psychanalyse et médecine


Littérature, arts, politique, enseignement, journalisme, culture…, toutes les strates de la société sont infiltrées de psychanalyse, et l'ont profondément intégrée. Étrangement, le seul domaine dans lequel elle se trouve rejetée reste le monde de la santé et le système de soins.
La médecine, toujours plus technicienne, travaille à la disparition du symptôme considéré comme dysfonctionnement organique, alors que, pour la psychanalyse, "le corps ne ment pas, il énonce une vérité du sujet invisible à la conscience", ce que cet ouvrage s'attache à explorer par de multiples approches. De quelles complexités inconscientes les corps tentent-ils de s'extraire en multipliant symptômes, maladies et passages à l'acte ?
Psychanalystes et médecins affrontent les énigmes posées par les maladies somatiques et tentent d'améliorer les approches contemporaines de cette "clinique du fracas" : maladies graves, auto-immunes, lésions corporelles, douleurs… À partir d'exemples cliniques, les auteurs montrent la nécessité d'articuler corps et langage pour un système de soin à l'écoute du sujet.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (2021) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°661]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Éditions érès

Collection : Actualité de la psychanalyse

ISBN : 978-2-7492-7510-9

Nombre de pages : 416 p.

Prix public : 29,50 €

Année d'édition : 2022

Publication 2022 : un des ouvrages


Aux origines du Je. L'œuvre de Piera Aulagnier

AUX ORIGINES DU JE

L'ŒUVRE DE PIERA AULAGNIER


Jean-François CHIANTARETTO, Aline COHEN DE LARA, Florian HOUSSIER, Catherine MATHA (dir.)


Figure majeure de la psychanalyse contemporaine au plan international, Piera Aulagnier occupe une place centrale dans l'histoire du mouvement psychanalytique français. Élève de Lacan, elle rompra avec lui quand il introduit la procédure dite de la "passe" au sein de l'École freudienne de Paris. Cette rupture l'amènera à co-fonder le Quatrième Groupe, né du projet de repenser la formation psychanalytique.
Son œuvre renouvelle tout à la fois la clinique psychanalytique, la formation des analystes et la métapsychologie. Elle se situe au croisement des deux courants majeurs ayant animé la psychanalyse après Freud : entre le retour à Freud prôné par Lacan, mettant l'accent sur le langage, et l'héritage de Ferenczi, prolongé et renouvelé par Winnicott, mettant l'accent sur l'infans. Piera Aulagnier propose ainsi une conception inédite de la construction psychique, qui entend intégrer à la métapsychologie héritée de Freud une nouvelle instance — le Je — et un nouveau processus, précédant les processus primaire et secondaire : le processus originaire.
Cette approche des origines de la vie psychique et de l'articulation psyché/soma constitue une offre conceptuelle considérable : "contrat narcissique", "porte-parole", "pictogramme"… Une offre qui a contribué à remanier profondément la pratique clinique des psychanalystes, notamment dans l'approche des psychoses, mais aussi des addictions et plus largement des différents types d'attaques du corps et de la pensée.
L'ouvrage réunit non pas tant des spécialistes de Piera Aulagnier que des psychanalystes de différentes sociétés et de différentes orientations, qui viennent témoigner de l'importance de son œuvre dans leur propre pratique clinique et théorique.


Ouvrage issu d'un colloque de Cerisy (2021) [en savoir plus]
Disponible à Cerisy aux Amis de Pontigny-Cerisy [n°660]

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Les Éditions d'Ithaque

Collection : Hors collection

ISBN : 978-2-490350-31-5

Nombre de pages : 304 p.

Prix public : 26,00 €

Année d'édition : 2022

PRESSE / MÉDIAS

• Présentation de l'ouvrage à la librairie Compagnie, Paris, le 5 janvier 2023 :
- Partie 1, par Jean-François CHIANTARETTO [en ligne sur YouTube]
- Partie 2, par Aline COHEN DE LARA [en ligne sur YouTube]
- Partie 3, par Catherine MATHA [en ligne sur YouTube]

Témoignage

Tous les témoignages


"CERISY - VARELA, UNE RELATION PROPICE À L'AMITIÉ"

RENCONTRE AVEC AMY COHEN-VARELA


Du 13 au 19 août 2022, le Centre culturel international de Cerisy accueillait le colloque Francisco Varela, une pensée actuelle, organisé sous la direction de Natalie Depraz et Ivan Magrin-Chagnolleau. Psychologue clinicienne, Présidente de l'Institut Mind & Life Europe, et dernière compagne de ce penseur, Amy Cohen-Varela revient ici sur les particularités d'un colloque de Cerisy.

Natalie Depraz, Ivan Magrin-Chagnolleau,
Amy Cohen-Varela, Claude Plouviet


Au vu de l'actualité de la pensée varélienne, on se doute que de nombreux colloques, séminaires, conférences lui sont consacrés. D'ailleurs, à peine celui de Cerisy terminé, vous partez pour un autre colloque "immersif" de plusieurs jours. Mais en quoi un colloque de Cerisy a-t-il été spécifique ? Qu'est-ce qui nous/vous a appris de la pensée de Varela qu'un autre colloque ne serait pas parvenu à mettre au jour ?

Amy Cohen-Varela : Chaque colloque consacré à Varela est différent, singulier. Il n'y en a pas deux qui se ressemblent. Évidemment, la particularité d'un colloque de Cerisy comme celui que nous venons de vivre, réside d'abord dans le lieu même, le château, son parc, l'accueil que nous réserve l'équipe. À Cerisy, on a le sentiment de participer à une aventure culturelle et intellectuelle, mais aussi à une histoire, celle d'une famille incarnée par Edith (Heurgon), dont le hasard a voulu que le jour d'anniversaire des 80 ans ait été fêté au cours du colloque, ce qui n'a fait qu'ajouter au sentiment de vivre dans un lieu à part. Que dire de sa propre vie à elle, une vie exceptionnelle, qui impressionne d'autant plus qu'elle la poursuit avec une énergie folle ! Et puis, voir, dès le hall d'entrée, toutes ces photos de penseurs, d'écrivains, d'intellectuels plus illustres les uns que les autres, forcément, cela oblige à tâcher d'œuvrer à notre tour à la vie des idées, dans une attitude de révérence à l'égard de la pensée.

Un mot sur le cadre, le château avec son parc arboré, son potager…

Amy Cohen-Varela : Ce n'est pas la première fois que je vis un colloque au milieu de la nature, mais cette nature-ci avec ses arbres magnifiques m'a particulièrement touchée. Il faut dire que nous avons eu la chance de vivre notre colloque en parallèle au Foyer de création et d'échanges dont la thématique, "Ce que la littérature peut faire aux arbres ?", nous incitait à porter sur eux plus d'attention que nous l'aurions fait en temps normal. Je savais qu'un tel Foyer devait se tenir – Edith nous avait prévenus en nous proposant, aux codirecteurs et à moi-même, de prévoir des soirées communes. Une illustration de cette "clôture ouverte" dont il a été tant question au cours du colloque. Si je n'ai pu participer à d'autres rendez-vous du Foyer, je sais en revanche que des colloquants y sont intervenus d'une manière ou d'une autre et qu'en sens inverse, des résidents, dont vous-même, ont assisté à plusieurs de nos communications ou moments d'échanges. Ces rencontres entre spécialistes de Varela et des personnes qui ne connaissent pas sa pensée et ne font même que "passer voir", par curiosité, je les ai trouvées particulièrement fructueuses ; elles ont fait apparaître des surprises, des propriétés émergentes comme aurait dit Francisco.

Un mot sur les cloches ?

Amy Cohen-Varela : Oui, bien sûr ! La particularité du lieu tient aussi à cette manière dont elles rythment la vie du colloque. Tandis que l'une bat le rappel pour les repas, une autre annonce la reprise des communications. Cela m'a évoqué les écoles d'été de Mind & Life Europe, que nous avons, durant plusieurs années, organisées au sein d'un monastère. Sauf que, là, les cloches sonnaient tous les quarts d'heure ! Une particularité, qui pouvait avoir quelque chose de dérangeant, jusqu'à ce que nous nous soyons résignés à tenter de jouer avec en prenant le parti de nous arrêter de parler chaque fois qu'elles se mettaient à sonner ! Ces espaces de silence se sont révélés être bénéfiques : ils modifiaient le dialogue comme une ponctuation. Encore une occasion pour faire émerger du sens. Lors de l'exercice auquel nous venons de nous livrer avant le départ [une restitution par les doctorants, suivis d'échanges avec les autres participants qui le souhaitaient], quelqu'un a jugé que l'organisation était trop structurée, du fait des cloches justement, et regrettait que des discussions dussent se clore pour passer à table. Au contraire, outre le fait qu'elles sonnent moins souvent que dans le monastère, je trouve que la structuration qu'elle induise est nécessaire pour permettre à de l'imprévu d'émerger. J'ai même trouvé quelque chose de très "énactif" dans cette attention croissante et collective que nous avons tous fini par manifester à leur égard. Au début, on ne les entend pas forcément, avant d'en saisir le principe : nous rappeler qu'il est temps de nous diriger vers le réfectoire ou vers la salle de conférence. Ainsi, sans avoir besoin de nous concerter, nous amorcions un mouvement spontané, maritime si je puis dire, au sens où nous déplacions tel un banc de poissons !

Oh, quelle belle image dans laquelle je me retrouve ! Concernant la personne ayant regretté cette structuration par la cloche, je relève que c'est la même qui a dit le plaisir à se sentir engagée dans de véritables conversations, regrettant d'autant plus qu'elles pussent être interrompues, fût-ce provisoirement, le temps de s'installer à table. C'est au final bien la preuve que le colloque a été une réussite, au moins de ce point de vue — cette qualité des échanges auxquels il a donné lieu. À se demander d'ailleurs si, à Cerisy, on ne renouerait pas avec l'art de la conversation… Je le dis à dessein, car vous-même avez mis en avant ce mot de conversation dans votre intervention inaugurale.

Amy Cohen-Varela : En effet, j'ai abordé la question de savoir dans quel type de conversation il fallait s'engager pour changer l'esprit. Une réflexion que je poursuis au sein de Mind & Life Europe, et même depuis que je travaille dans le domaine de la psychanalyse — laquelle crée les conditions d'une forme de conversation fondée sur des règles très particulières, censées créer un cadre génératif. À chaque lieu où j'interviens, je réfléchis aux règles à instaurer ou avec lesquelles on pourra jouer. À quoi tiennent-elles ici ? Sont-elles redevables au lieu, ou à celui dont nous avons étudié l'œuvre, Francisco Varela ? Ou à l'alchimie entre les deux, à supposer qu'il fût bien avec nous. L'était-il ? C'est la question posée par Victoria Vasquez Gomez, à travers sa performance artistique (en projetant à la nuit tombée la question "Es-tu là ?" sur la façade du château). Personnellement, et sans vouloir verser dans quelque mysticisme, je pense que oui !

Une chose est sûre : Cerisy est un lieu qu'il aura fréquenté à trois reprises à l'occasion des colloques L'auto-organisation. De la physique au politique (1981, dirigé par Paul Dumouchel et Jean-Pierre Dupuy) ; Approches de la cognition (1987, dirigé par Jean-Pierre Dupuy et Francisco Varela) et Institution imaginaire, autonomie (autour de Cornélius Castoriadis) (1990, dirigé par Philippe Raynaud) …

Amy Cohen-Varela : Autant de colloques qui ont été des moments clés pour lui : ils lui ont permis de rencontrer des communautés de chercheurs très diverses. Rappelons qu'en 1981, il était un chercheur "vagabond", en exil (il avait quitté le Chili suite au coup d'État de 1973), ne sachant encore vraiment où s'établir. Les conversations qu'il a pu avoir ici, à Cerisy, avec des collègues de différentes disciplines, sont de celles qui peuvent agir sur l'esprit, ont une action sur lui. Elles créent aussi des liens d'amitié, non pas pour le simple plaisir de se dire amis, mais au sens où elles consistent en un accueil de la pensée de l'autre, dans un compagnonnage. Or, il est clair que ces trois colloques ont généré des communautés de pensée, qui se sont élargies au fil du temps. Il serait intéressant d'ailleurs de relever les intervenants qui se sont retrouvés d'un colloque à l'autre, témoignant ainsi de l'instauration de relations d'amitié durables, comme celles nouées avec Jean-Pierre Dupuy, Cornelius Castoriadis, …

Ce que vous dites ressort clairement du premier volet du film Monte Grande : What is Life, de Franz Reichle, projeté à l'occasion du colloque (film accessible sur le site du réalisateur : http//www.franzreichle.ch). On prend la mesure de l'insertion de Varela dans une communauté de pensée qui est allée en s'élargissant, et pas seulement dans le champ académique ; des liens d'amitié qu'il savait nouer, susciter avec des interlocuteurs de différents horizons disciplinaires…

Amy Cohen-Varela : Francisco aimait les échanges qui se poursuivaient dans une forme de familiarité respectueuse. Il pensait, et on touche là de nouveau au principe de l'énaction, que tout ce qu'on est en mesure de générer d'intéressant, ne vient pas de soi ni de l'autre, mais se noue dans le moment de l'échange, de la conversation. En ce sens-là, on peut donc dire que c'est davantage le lien, que les individus considérés isolement, qui est source de créativité, de générativité, et donc de surprises. Que c'est, autrement dit, dans "l'entre" que cela se passe. Et quel meilleur endroit que Cerisy pour créer de l'entre, cette manière de vivre ensemble comme un banc de poissons, si je puis user encore de cette métaphore. Un banc qui se meut, divague au son des cloches…

Ce que vous dites-là me fait penser aussitôt à la relation telle que la pensait Édouard Glissant, à la pensée duquel était consacré le colloque qui précédait le vôtre. Je ne résiste pas cependant à l'envie de revenir sur la thématique du Foyer et poser la question de savoir quel était le rapport de Francisco avec les arbres ? Pour ma part, je relève que dans le second extrait de film, on peut découvrir à quel point la maison de son enfance à Monte Grande était dans un environnement arboré, au point qu'on ne peut s'empêcher de se dire que dans la perspective d'une écobiographie, les arbres ont compté pour lui. Mais qu'en est-il exactement ? Que savez-vous de lui à ce propos ?

Amy Cohen-Varela : En réponse à votre question, je rappellerai pour commencer que l'un des tout premiers livres qu'il a publié, et coécrit avec Humberto Maturana, avait pour titre L'arbre de la connaissance (Éditions Addison Weslsey France, 1994) … Reconnaissons cependant que c'était en référence à la mythologie, l'arbre du bien et du mal. Francisco n'a pas plus théorisé que cela sur ce vivant non humain. J'essaie cependant de réfléchir à ce qu'a pu être son rapport à ce dernier dans la vraie vie… Ce n'est pas simple ! Il nous a quitté il y a déjà si longtemps… Si maintenant je me laissais aller à de l'association libre, je rappellerai encore que lorsqu'il a commencé à m'apprendre à méditer, à adopter la bonne position assise, le dos bien droit tout en restant aussi souple que possible, il me disait : "Imagine que tu es un arbre…".

Merci pour cette association libre ! Pour clore cet entretien, j'aimerais encore vous faire réagir à l'impression que vous nous avez faite, à savoir celle de n'être pas intervenue comme une simple porte-parole de la pensée de Varela, mais celle d'avoir eu envie de partager votre interprétation de celle-ci, au prisme de votre propre parcours, cheminement.

Amy Cohen-Varela : Absolument ! Francisco et moi avons des racines mêlées et c'est en cela que notre relation était merveilleuse.

Des racines mêlées, comme celles de deux arbres…

Amy Cohen-Varela : Oui, d'arbres, en effet (sourire). Il est évident que je ne peux pas prétendre être autre chose qu'une interprète de son œuvre, mais dans le bon sens du terme, musicale si je puis dire. D'autant que la partition que Francisco nous a laissée est extrêmement ouverte et non chargée d'indications à respecter à la lettre. C'est vrai aussi que notre vie commune, bien que plus courte que ce que nous aurions souhaité, a été une longue conversation. Non que nous discussions du moindre de ses écrits. Tous ceux qui ont travaillé avec lui peuvent en témoigner : Francisco travaillait beaucoup avec les autres, dans un échange continu. Il fonctionnait comme une éponge : il donnait beaucoup, mais il écoutait aussi finement. Il aimait développer sa pensée dans le dialogue. Voyez sa bibliographie : il a beaucoup coécrit (outre Humberto Maturana, Natalie Depraz, Evan Thompson et tant d'autres). C'était la marque de son style de pensée. Si la brillance de celle-ci pouvait parfois donner le sentiment de dérouler à la manière d'un rouleau compresseur, en compensation, il cultivait une ouverture d'esprit, propice à la discussion plutôt qu'au monologue, guettant l'émergence qui en résulterait. Francisco, c'était ces deux côtés, y compris dans ses échanges avec moi.

Je ne peux m'empêcher de repenser à cette citation : "Le chemin le plus court de soi à soi passe par autrui". Il me semble à vous entendre que c'était aussi la conviction de Francisco Varela…

Amy Cohen-Varela : Absolument ! Je ne connaissais pas cette citation. Si vous pouviez m'en dire la source, je vous en serais reconnaissante.

Vérification faite, nous la devons à Paul Ricœur.

Propos recueillis par Sylvain ALLEMAND
Secrétaire général de l'AAPC

Témoignage

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"CERISY : PREMIÈRE ÉTAPE D'UN VOYAGE DE NOCE !"

RENCONTRE AVEC GIUSEPPE SOFO & MARIAGRAZIA TOCCACELI


Suite de nos échos autour du colloque Édouard Glissant, la relation mondiale sous la direction de Sam Coombes, Thiphaine Samoyault et Christian Uwe, qui se déroulait du 2 au 11 août 2022 à travers, cette fois, le témoignage de ce couple d'Italiens, lui intervenant dans le cadre d'un atelier de traduction, elle l'accompagnant sur la route de leur voyage de noce dont Cerisy constituait une première étape….

Photo de groupe du colloque


Comment vous êtes-vous retrouvés à participer à ce colloque consacré à l'héritage d'Édouard Glissant ?

Giuseppe Sofo : J'ai été invité par les organisateurs qui avaient eu connaissance de ma traduction d'œuvres de Glissant en italien. Ils m'avaient écrit il y a un an, en plein mois août. Je me souviens combien j'avais été heureux à l'idée de participer à un tel colloque et de découvrir enfin, par la même occasion, Cerisy, dont j'avais entendu parler depuis des années, sans oser espérer avoir un jour l'opportunité de m'y rendre ! Aussi, dès l'invitation reçue, j'ai donné mon accord de principe en m'engageant à assister à l'ensemble du colloque.

Vous y êtes venu pour participer à un atelier de traduction aux côtés de traducteurs d'autres nationalités…

Giuseppe Sofo : Effectivement, les organisateurs ont souhaité revenir longuement sur les enjeux de la traduction des écrits de Glissant, parsemés d'"intraduisibles" [au sens de Barbara Cassin], à travers cet atelier et d'autres communications. Pour ma part, j'ai proposé une interprétation de la traduction comme quelque chose qui se passe aussi au-delà des langues. D'ailleurs, la plupart des personnes ayant participé à mon atelier ne parlaient pas l'italien.

C'était mon cas !

Giuseppe Sofo : J'ai donc proposé d'aborder la traduction comme une pratique qui se manifeste jusque dans la vie quotidienne, dès l'instant où nous essayons de communiquer, de reproduire quelque chose. À cet égard, il en va de la communication comme de la traduction : de même que celle-ci ne parvient jamais à être totalement fidèle au texte original, de même la communication ne parvient jamais à faire entendre exactement ce qu'on souhaite dire. Quand on parle avec quelqu'un, on en est toujours réduit à "se traduire", avec des limites comme on peut en rencontrer dans la traduction d'un texte. Dans un cas comme dans l'autre, on se heurte à des malentendus. Dès lors qu'on admet que la communication interpersonnelle, celle qu'on pratique au quotidien, est aussi affaire de traduction, on comprend mieux que cette communication peut donner lieu à des erreurs d'interprétation ou des approximations, par ce travail même de traduction qu'on effectue sans toujours s'en rendre compte…

À vous entendre, on comprend combien la communication exige de disposer de temps ne serait-ce que pour dissiper les éventuels malentendus. Or, c'est précisément ce que permet un colloque de Cerisy par sa durée même — neuf jours dans le cas de celui auquel vous venez de participer. En attendant, je précise que vous êtes venu avec votre épouse. Ce n'est pas la première fois que des intervenants viennent ainsi accompagnés. Sauf que là, vous venez juste de vous marier : le mariage a eu lieu l'avant-veille de votre venue à Cerisy !
[à Mariagrazia] : Vous auriez pu protester, en considérant que ce n'était pas le moment d'assister à un colloque. Et pourtant, vous êtes venue, en assistant à plusieurs communications, aux côtés de votre mari…

Rire de Giuseppe et Mariagrazia

Mariagrazia Toccaceli [traduite par Giuseppe Sofo] : Non, effectivement, je n'ai pas protesté. J'avais envie de découvrir ce lieu dont Giuseppe m'avait tant parlé. Nous avons eu beau nous être mariés deux jours avant de venir ici, Cerisy nous a paru être une première étape avant la véritable destination de notre voyage de noce, la Martinique.

Giuseppe Sofo : J'avais donné mon accord de principe aux organisateurs bien avant que Mariagrazia et moi ne prenions la décision de nous marier — c'était il y a six mois. Ce n'est qu'à l'approche de la double échéance — notre mariage et le colloque — que j'ai pris la mesure du fait que celui-ci démarrait le surlendemain… Plutôt que de différer notre arrivée (j'intervenais quelques jours plus tard), nous nous sommes dits que ce séjour à Cerisy pouvait nous donner une première opportunité de nous abstraire du monde quotidien, être aussi une escale avant la Martinique si chère à Édouard Glissant…

Nous voici arrivés au terme du colloque, quels enseignements en tirez-vous ?

Giuseppe Sofo : Ce colloque a d'abord été pour moi l'occasion d'échanger avec des personnes que je ne connaissais jusqu'à présent que par leurs écrits. Je pense notamment à Thiphaine Samoyault. De la voir enfin, là à Cerisy, de faire plus ample connaissance avec elle, en tant que chercheure, mais aussi en tant que personne, quel plaisir ! Quelle chance ! Même chose pour Beate Thill, la grande traductrice en langue allemande de l'œuvre de Glissant : je la connaissais jusqu'alors pour avoir en quelque sorte collaboré avec elle à distance et à son insu, dans le sens où j'avais lu ses essais, pris en compte ses considérations sur le travail du traducteur et son approche de l'œuvre de Glissant. Bref, ici, à Cerisy, j'ai eu la sensation de me retrouver au milieu d'une bibliothèque vivante, à pouvoir dialoguer avec des œuvres tout autant qu'avec leurs auteurs, en chair et en os, au cours d'un repas ou d'échanges informels. Ce colloque a été aussi l'occasion d'entendre le point de vue des nouvelles générations, de personnes qui n'ont pas connu Glissant de son vivant, mais qui trouvent dans son œuvre des clés de compréhension du monde actuel, et matière aussi à nourrir leurs engagements. J'ai pu percevoir à travers leurs interventions, les discussions plus informelles que nous avons eues lors des repas (ou dans la cave !), l'envie manifeste de passer d'une interprétation de la lecture glissantienne du monde, donnant à voir des relations invisibles entre des cultures, des pays, à sa "traduction" en actes, dans des pratiques de tous les jours, de façon à changer concrètement la vie des gens.

… dans des pratiques et, j'ajouterai, une sociabilité, une manière de vivre "avec ensemble" (pour reprendre la formule de Paul Desjardins)…

Giuseppe Sofo : Oui, c'est tout à fait cela !

Mariagrazia Toccaceli : Cette sociabilité, cette connivence que l'on a partagée du simple fait de vivre ensemble, plusieurs jours durant, dans le cadre de Cerisy, en passant notre temps à dialoguer, mais aussi à manger ensemble, aux mêmes heures, c'est la première chose que j'ai appréciée. Pour autant, je n'ai pas eu l'impression d'être enfermée dans une petite communauté, coupée du reste du monde. Des gens arrivaient en cours de route tandis que d'autres repartaient, donnant ainsi un sentiment de mouvement permanent, qui a ajouté au charme de cette expérience.

Vous-même avez assisté à des communications. Que retenez-vous de l'œuvre même de Glissant ?

Mariagrazia Toccaceli : Ce que j'en retiens, c'est le caractère tout à la fois simple et complexe de sa pensée. J'apprécie aussi sa compréhension de la traduction comme quelque chose de délicat mais aussi de risqué dans la mesure où, par une simple erreur, on peut transformer radicalement le sens d'un propos. Une petite faute et c'est tout le sens d'une pensée que vous changez !

D'où l'importance du temps (on y revient…). Il faut rester longtemps "avec ensemble" pour disposer de celui de dissiper d'éventuels malentendus…

Mariagrazia Toccaceli : Oui, parfaitement ! À ce propos, on ne peut pas ne pas rendre hommage à… la cloche ! Elle bat le rappel pour les repas ou la reprise des communications tout en procurant le sentiment d'un temps qui s'écoule à l'infini. Au début, cela surprend, forcément, mais on s'y habitue avec plaisir, au point que l'autre jour, alors que nous visitions, Giuseppe et moi, l'abbaye de Hambye, nous avons réagi à une cloche, qui s'est mise à sonner. "C'est l'heure du repas !" nous sommes-nous surpris à nous dire dans un réflexe pavlovien, au point de nous diriger vers la sortie pour rentrer au château !

Giuseppe Sofo : Je crois que la cloche fait partie de l'esprit du lieu : elle règle le temps comme elle le faisait au XIXe siècle. Elle renforce la sensation d'être ici comme dans une bulle, mais dont on peut sortir très vite. Il suffit pour cela de se rendre dans le village tout proche. Un village parmi d'autres. En faisant une halte dans le seul café qui s'y trouve, nous avons été ainsi aussitôt reconnectés à des problématiques comme celles auxquelles n'importe quel autre village peut être confronté aujourd'hui, en France comme en Italie. Même si, par d'autres aspects, nous avons eu aussi la sensation d'être projetés dans les années 1950, dans ce que le village a dû être au moment du démarrage de Cerisy…

Il se trouve que la cloche vient de sonner pour battre le rappel du dernier repas. Il nous faut obtempérer et suspendre l'entretien !

Éclats de rire de Mariagrazia et de Giuseppe…

Giuseppe Sofo : Pourtant, je ne résiste pas à l'envie d'ajouter que ce séjour aura été au final un voyage dans notre voyage. Mariagrazia et moi avons été très touchés par l'accueil si chaleureux que l'équipe de permanents réserve aux participants. Tout en ayant l'air d'être d'un autre temps, Cerisy est un lieu unique qui gagne à perdurer et où nous ne demandons qu'à revenir.

Propos recueillis par Sylvain ALLEMAND
Secrétaire général de l'AAPC