Programme 2020 : un des colloques

Programme complet


LA TRADUCTION DANS UNE SOCIÉTÉ INTERCULTURELLE


DU VENDREDI 31 JUILLET (19 H) AU VENDREDI 7 AOÛT (14 H) 2020

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Niall BOND, Philiep BOSSIER, Dinah LOUDA


COMITÉ SCIENTIFIQUE :

Niall BOND, Philiep BOSSIER, Barbara CASSIN, Yves CITTON, Michèle GENDREAU-MASSALOUX, Xavier NORTH, Heinz WISMANN, François YVON


ARGUMENT :

Une des questions majeures de nos sociétés contemporaines est le maintien de la diversité linguistique. Or, à l'opposé des poncifs qui la font passer pour chère, lente, voire superflue, de nombreuses raisons conduisent à penser que la traduction constitue, pour le futur, un formidable atout quant à la préservation du trésor de la culture humaine. Loin d'être une banalité, la traduction est à la fois omniprésente et indispensable, mais elle est souvent "invisible". Il s'agira donc de réaffirmer cette faculté inouïe de l'homme pour en réhabiliter, dans un univers désormais hautement numérisé et mondialisé, le caractère interculturel de tout premier ordre.

Ce colloque, qui réunira un réseau d'interlocuteurs en résonance, se propose d'interroger la traduction aujourd'hui à partir d'un questionnement ambitieux, ouvert au monde qui bouge et où la promesse de nouvelles technologies laisse miroiter un "dépassement" de la traduction humaine. Ce questionnement comporte trois volets. Le premier concerne la traduction, l'interculturel et les savoirs : il portera un regard sur les idées qui traversent des frontières linguistiques ou passent d'une époque à une autre. Le deuxième concerne l'urgence d'une mise au point des formations pour les nouvelles générations de traducteurs-interprètes et explore les possibilités technologiques qui permettent de repenser constamment les méthodes de travail pour traduire et interpréter l'autre. Enfin le troisième volet, d'ordre éthique, aborde les différentes finalités de la traduction, et notamment son rôle capital face aux nouveaux défis sociétaux du temps présent et à venir.


MOTS-CLÉS :

Diversité linguistique, Éthique, Métiers et formation, Nuances sémantiques, Société interculturelle, Traduction automatique, Traduction professionnelle et littéraire


CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 31 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque, de l'atelier en parallèle et des participants


Samedi 1er août
Matin
OUVERTURE, ENJEUX ET PERSPECTIVES — Modérateur : Niall BOND
Philiep BOSSIER : La recherche en traductologie : bilan et perspectives
Fayza EL QASEM : Savoir-faire et savoir-être du traducteur à l'heure des bouleversements technologiques : faut-il repenser la formation ? [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]

Après-midi
PRATIQUES ACTUELLES DE L'INTERCULTURALITÉ — Modératrice : Dinah LOUDA [Présentation]
[visioconférences]
La communication entre les cultures : comment traduire la nuance ?, dialogue entre Amanda GALSWORTHY et Dinah LOUDA

La gestion des langues et de l'interculturalité dans des groupes internationaux, table ronde animée par Dinah LOUDA, avec Jean-Louis BANCEL, Pina GRODY et Emmanuel TONIUTTI

Soirée
Vidéos de Maurice Gourdault-Montagne


Dimanche 2 août
Matin
TRADUIRE LES SAVOIRS — Modérateur : Philiep BOSSIER
Françoise THIBAULT : Langues, sciences et politique
Claire SHIRES : Communication interculturelle dans le champ de risques naturels : questionnements traductologiques et sémiotiques

Après-midi
Gisèle SAPIRO : La traduction dans les sciences de l'homme
Nicolas TIXIER : De la table ronde à la table longue

Soirée
LE TRADUCTEUR COMME PASSEUR DU MONDE
Les liens traducteur/passeur, débat autour de Nurith AVIV à partir de son film Signer


Lundi 3 août
Matin
TRADUIRE LE SENSIBLE, TRADUIRE LES CONCEPTS, TRADUIRE COMMUNAUTÉ — Modérateur : Niall BOND
Niall BOND : Traduire communauté, interpréter entre les communautés
Anne LAGNY : Entre communauté et territoire : traduire le terme de Heimat [visioconférence]

Après-midi
CROYANCES, RELIGIONS ET SAVOIRS
Stéphane VALTER : Quels truchements pour la pensée égyptienne ? La pyramide de Maslow, ou les limites de la production du savoir
Tristan VIGLIANO : Mettre en ligne les premières traductions du Coran : perspectives historiques, enjeux contemporains
Philipp JONKE : Traduire la presse de mode allemande de la fin du XIXe siècle [vidéo]

Soirée
LE TRADUCTEUR COMME PASSEUR DU MONDE
Les liens traducteur/passeur, débat autour de Nurith AVIV à partir de son film Traduire


Mardi 4 août
Matin
LA TRADUCTION INTERCULTURELLE HUMAINE ET ANIMALIÈRE — Modérateur : Philiep BOSSIER
[visioconférence]
Table ronde, introduite et animée par Astrid GUILLAUME, Sémioticienne, MCF HDR Sorbonne Université, Présidente fondatrice de la Société française de Zoosémiotique, Co-fondatrice de l'Observatoire Européen du Plurilinguisme (Traduire les humains, traduire les animaux : défis interculturels, théoriques et terminologiques), avec des membres de la SfZ :
Christian TREMBLAY, Président et Co-fondateur de l'Observatoire Européen du Plurilinguisme (Traduction interculturelle et plurilinguisme)
Pierre FRATH, Linguiste, Professeur émérite de l'université de Reims (Protolangage : la transition du langage animal vers le langage humain)
Georges CHAPOUTHIER, Neurobiologiste et philosophe, Vice-président de la SfZ, Directeur de recherche émérite CNRS (Les cultures animales)
Laurent NAGLE, Éthologue spécialiste de la communication acoustique des oiseaux, Professeur à l'université de Paris Nanterre ("Qu'est-ce qu'il dit ?". Des animaux sauvages non captifs s'intéressent parfois à nous)

Après-midi
"HORS LES MURS" — AU NORMANDY VICTORY MUSEUM, CATZ (Carentan-Les-Marais) — Organisatrice : Léa LUCAS
Visite du musée et intervention d'Arnaud HÉDOUIN : Traduire en situation de guidage touristique : des gestes et des normes culturelles à concilier au-delà de la transmission d'informations

Soirée
Philippe AUBERT : Enjeux de la technologie pour les personnes en situation de handicap


Mercredi 5 août
Matin
LA TRADUCTION LITTÉRAIRE ET LA FORMATION DES FUTURS TRADUCTEURS — Modérateur : Philiep BOSSIER
Sjef HOUPPERMANS : Traduire les Nouvelles Impressions d'Afrique de Raymond Roussel : contraintes et création
Solange ARBER : Beckett du Vaucluse au Breisgau. La question de l'adaptation culturelle dans l'œuvre du traducteur Elmar Tophoven

Après-midi
Transfert culturel. Traduire et annoter Proust pour un lectorat contemporain néerlandophone, table ronde avec Philippe NOBLE, Désirée SCHYNS et Ieme VAN DER POEL [visioconférence]

Winibert SEGERS : L'évaluation de la créativité des traducteurs littéraires. Limites de la mesurabilité [communication établie avec Henri BLOEMEN & Gys-Walt VAN EGDOM] [visioconférence]

Soirée
Tamym ABDESSEMED : Quel rôle la traduction peut-elle jouer dans l'économie et la société interculturelle – plaidoyer pour la traduction comme discipline-socle vu par l'ISIT ! [vidéo]


Jeudi 6 août
Matin
TRADUCTION, ÉTHIQUE ET POLITIQUE — Modérateur : Niall BOND
Bente CHRISTENSEN : Droit d'auteur, droit de parole [texte lu par Philiep BOSSIER]
Daniel BELL & Wang PEI : La traduction de concepts politiques du chinois en anglais : trois propositions pour des améliorations [visioconférence]

Après-midi
Modératrice : Dinah LOUDA
Le langage des signes, entretien de Jérémie BOROY avec Jean-Louis BANCEL [visioconférence]

TRANSLATION as EMPOWERMENT — Modérateur : Sylvain ALLEMAND
Laurent BARUCQ : La traduction : une passion, limites du métier

La traduction comme passion et "trade-off", table ronde animée par Sylvain ALLEMAND, avec Laurent BARUCQ, Fayza EL QASEM et Marie-France IONESCO


Vendredi 7 août
Matin
Niall BOND, Philiep BOSSIER & Dinah LOUDA : Synthèse

Discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


THÉMATIQUES :

PRATIQUES ACTUELLES DE L'INTERCULTURALITÉ — Modératrice : Dinah LOUDA

Si l'intelligence interculturelle est une compétence spécifique des traducteurs et interprètes, dans quelle mesure est-elle une compétence reconnue et mise en œuvre en entreprise, y compris dans des entreprises internationales ? Quelle importance est accordée à la qualité des traductions des messages destinés aux publics internes ou externes, au sens de la nuance, surtout à l'heure des achats de prestations intellectuelles par des services focalisés sur les coûts, mais aussi des progrès de la traduction automatique et de l'intelligence artificielle ?

En réalité, la prise en compte de la diversité linguistique et culturelle en tant qu'élément de la stratégie d'entreprise ne va pas de soi. Elle nécessite une vigilance constante, requiert quelques "champions" crédibles et bien placés, suppose des choix entre approches centralisées et décentralisées, implique des discussions régulières tant avec les managers "émetteurs" de messages qu'avec les services achats ou les agences de communication, souvent moins interculturelles qu'elles ne le prétendent.

Amanda Galsworthy, interprète et fondatrice d'une agence de traduction/interprétariat, et Dinah Louda, directrice de la communication de plusieurs grands groupes, ont mené ces combats, séparément et ensemble. Elles présenteront les principaux défis auxquels doivent faire face les partisans d'une politique de traduction de qualité en entreprise. Amanda Galsworthy analysera également les nouveaux défis qui se posent aux agences de traduction et d'interprétariat, avec la montée en puissance du chinois d'une part, de l'intelligence artificielle et des plateformes digitales de l'autre.

Lors de la table ronde qui suivra, les intervenants, aux parcours divers, illustreront ces enjeux et les conditions de succès d’une compréhension interculturelle à travers plusieurs études de situations vécues.

Dinah Louda présentera deux études de cas : d'une part, la difficile prise en compte des différences linguistiques et culturelles franco-allemandes dans un groupe d'assurances français ayant institué l'anglais comme langue commune ; d'autre part, les modes de prise en compte de la qualité des traductions et de l'interculturalité au sein du groupe Veolia.

Jean-Louis Bancel décrira des épisodes de négociation interculturelle au sein de l'alliance coopérative internationale qu'il préside, lorsque les langues, les systèmes juridiques et les attentes culturelles diffèrent. Comment fabriquer un consensus dans ces conditions ? Comment s'accorder sur les mots et sur la compréhension identique d'une même décision ? Il s'appuiera sur un exemple actuel de prise de décision collective.

Gérald Streit, PDG d'une entreprise familiale d'équipements automobile installée depuis trois générations dans le département du Doubs, expliquera l'importance qu'il accorde aux valeurs humanistes et la manière dont il s'assure de la bonne traduction, de la compréhension et de la mise en œuvre de ces valeurs au sein des différents sites du groupe à travers le monde.

Enfin, Emmanuel Toniutti, conseil d'équipes dirigeantes, spécialisé dans l'analyse des comportements des leaders sous stress dans les environnements internationaux et multiculturels (Amérique du Nord, Asie, Europe, Maghreb), apportera son éclairage sur les conditions de succès et d'échec dans la prise en compte de la diversité culturelle et linguistique.


PRESSE / MÉDIAS :

• "Traduire dans une société interculturelle", entretien avec Victor COLLARD (étudiant ayant participé au colloque) réalisé par Sylvain ALLEMAND [en ligne sur le site L'EPA Paris-Saclay | 24 août 2020].


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Solange ARBER : Beckett du Vaucluse au Breisgau. La question de l'adaptation culturelle dans l'œuvre du traducteur Elmar Tophoven
Que vient faire le Godot allemand dans le Breisgau plutôt que dans le Vaucluse ? Pourquoi remplacer un croque-monsieur par des frites, et quelles conséquences en termes de mastication ? Comment faire comprendre à un lecteur allemand qu'une "fève" cachée dans un gâteau n'est pas une légumineuse mais une petite figurine de porcelaine ? Elmar Tophoven, le traducteur allemand de Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute, a été fréquemment confronté au problème de la traduction des realia et des culturèmes. Les choix qu'il a adoptés nous permettent de retracer l'évolution des normes de traduction dans la seconde moitié du XXe siècle : avec le développement des contacts interculturels, les stratégies d'adaptation reculent au profit de la préservation du référent d'origine. Le traducteur a ainsi de moins en moins l'occasion d'imprimer sa patte sur son texte en l'infusant de son propre vécu.

Solange Arber est doctorante en études germaniques à Sorbonne Université, en cotutelle avec l'université de Lausanne et ATER à l'université Lumière Lyon II. Son sujet de thèse porte sur le traducteur Elmar Tophoven et sa méthode de "traduction transparente". Elle a publié des articles sur la génétique des traductions, la métaphore de la transparence et la réception du Nouveau Roman en Allemagne.

Niall BOND : Traduire communauté, interpréter entre les communautés
Les études autour de la traduction et de l'interprétation se trouvent confrontées à un paradoxe : les traducteurs et les interprètes, qui sont par définition des passeurs entre des communautés, restent parfois cloisonnés dans des communautés. Incités par une certaine idéologie professionnelle, certains interprètes de conférence prennent leur distance par rapport à d'autres interprètes ou traducteurs en dépit de la similitude de métiers souvent exercés par les mêmes personnes. La réflexion sur la traduction et l'interprétation est également scindée en communautés distinctes qui ont peu d'occasions et, parfois, peu de désir de communiquer.
Ce colloque permet de réunir, entre autres, des communautés de traducteurs, avec de interprètes et des traductologues, comparatistes stylistiques qui étudient la traduction comme produit : l'école de Paris qui étudie les processus de déverbalisation et de reverbalisation ; les linguistes appliqués, absorbés par les structures grammaticales des suites de mots ; les sémiologues s'intéressant au jeu entre les signes linguistiques et d'autres codes ; les historiens des concepts et des idées qui constatent que les signes évoluent en fonction du contexte des relations humaines et du pouvoir ; les terminologues, parfois consternés par la fluidité des signes linguistiques ; les praticiens techniques de très haut niveau, focalisés sur la traduction comme faisabilité ; les philosophes, interpellés par la traduction de certaines notions comme impossibilité ; les personnes persuadées que la technologie représente une violation de l'intégrité d'une traduction ; les auteurs d'extraordinaires avancées dans la technologie de la traduction et de l'interprétation… Il a été dit de l'un des plus grands savants de la traduction e, George Steiner (qui vient de disparaître), qu'il appartenait à une seule communauté : celle de la République des Savants. En vérité, ce polyglotte pluridisciplinaire appartenait à un nombre incalculable de communautés, auxquelles il était capable d'étendre sa pensée. Convaincu de l'intérêt d'appartenir à chacune des communautés énumérées, réfléchissant entre les langues et les disciplines, cette communication se propose d'analyser les différents sens que peut revêtir le signe linguistique "communauté", notamment le signe "Gemeinschaft", pour ces différentes communautés, et de les problématiser sur un fond d'histoire sémantique, politique, économique et sociale — en sachant que, selon Nietzsche, tout mot est un préjugé, et que, selon le même auteur, ne peut être défini que ce qui n'a pas d'histoire.

Philiep BOSSIER : La recherche en traductologie : bilan et perspectives
Dans l'ensemble des sciences humaines, la "traductologie" est une discipline relativement récente. Elle a comme particularité de se situer à l'entrecroisement de deux pratiques majeures : d'une part elle déploie des savoirs académiques de très haut niveau et d'autre part elle présuppose une maîtrise professionnelle très pointue et spécialisée que seul un entraînement quotidien de la traduction est susceptible de garantir. De par cette définition complexe, elle est donc à la fois connaissance abstraite et métier concret. De par son statut binaire, elle a besoin de théories, de méthodes et de modèles, mais ceux-ci seront constamment mis à l'épreuve des choix effectifs à déterminer au moment même du transfert d'un texte à l'autre. À cette double nature de la discipline s'ajoutent encore bien d'autres particularités. En effet, la traductologie s’intéresse pareillement à la traduction, pratique écrite de la communication interculturelle qu'à l'interprétation, pratique de l'échange oral entre langues différentes. À l'opposé de ce que l'on croit trop souvent, elle n'est pas que affaire de langues, ni même simplement que de textes mais bien au contraire de connaissance approfondie des différentes cultures, où la valeur d'un mot, d'un concept et d'une pensée peuvent varier indéfiniment. De la même façon, elle est censée préparer les futurs traducteurs littéraires en leur offrant un diplôme de qualité professionnelle, là où souvent cette qualification est ressentie sur le marché comme relevant du seul métier, voire de l'artisanat. D'autres encore, voulant protéger le côté "artistique" de la traduction littéraire (tout comme de la littérature elle-même), n'y voient que l'expression d'un talent naturel à préserver coûte que coûte des "stérilités" dites scientifiques qui tueraient ce talent. Bref, la traduction reste un enjeu fascinant que l'évolution récente de notre société n'a fait que souligner : l'importance de la traduction automatique aujourd'hui, la performance de la technologie, l'éthique de la traduction, la multiplication des professions liées à la traduction sur la toile. On se rend compte que notre société interculturelle ne peut fonctionner sans le travail constant de traduire le sens.

Philiep Bossier s'occupe de l'histoire de la traduction, notamment de l'époque du Moyen Âge et de la renaissance. Il a récemment co-dirigé le Centre de traduction littéraire et développé un nouveau Master en traductologie à l'université d'Utrecht, après avoir travaillé deux ans à l'Institut de traducteurs et interprètes de l'université de Maastricht et dix ans à celui de l'université d'Anvers. Avant, il avait travaillé à l'université de Louvain, où s'est fondée une des toutes premières chairs de traductologie en Europe. Il a travaillé au sein de la CIUTI, Conférence internationale permanente des instituts universitaires de traducteurs et interprètes. Actuellement, il est actif comme conseiller des dossiers de traduction pour le Fonds néerlandais pour la littérature. Il est chercheur associé à l'université d'Utrecht où il a occupé la chaire de langue et culture italiennes. Il a été professeur titulaire de littérature et culture romanes à l'université de Groningen. Il a fait ses études à Louvain et à Urbino. Il a travaillé en Belgique, en Afrique du Sud et aux Pays-Bas. Il est l'auteur de nombreux articles dans des revues internationales dans le domaine de la culture, du théâtre, de la traduction et de la littérature en Europe. Il fait partie de la rédaction de Il castello di Elsinore. Semestrale di teatro (Turin), Incontri. Rivista europea di studi italiani (Amsterdam-Utrecht) et Interférences littéraires (Louvain-la-Neuve/Leuven). Depuis 2017, il est président de la Société internationale d'histoire comparée du théâtre, du ballet et d'opéra (Université Paris IV-Sorbonne). Au Centre culturel international de Cerisy, il est membre du Conseil d'administration et a participé aux colloques suivants : Renouveau des jardins : clés pour un monde durable ? (2012, avec publication), À qui appartiennent les entreprises ? (2013), Penser et agir pour l'interculturel (2013), Nourritures jardinières dans les sociétés urbanisées (2014), Les chevaux : de l'imaginaire universel aux enjeux prospectifs pour les territoires (2014, avec publication), Villes et territoires résilients (2017, avec publication), Brassages planétaires (2018), Territoires solidaires en commun : controverses à l'horizon du translocalisme (2019), Écrire pour inventer (à partir des travaux de Jean Ricardou) (2019) et Jean Baudrillard, l’intelligence du temps qui vient (2019).
Publications
Ambasciatore della risa. La commedia dell'arte nel secondo Cinquecento (1545-1590), Florence, Cesati, 2004.
Avec Rolien Scheffer, Soglie testuali, Funzioni del paratesto nel secondo Cinquecento e oltre, Manziana, Vecchiarelli, 2010.
Avec Kathryn Banks, Commonplace Culture in Western Europe in the Early Modern Period, t. II, Consolidation of God-Given Power, Louvain-Paris-Walpole, Peeters, 2011.
Avec Harald Hendrix et Paolo Procaccioli, Dynamic Translations in the European Renaissance, Manziana, Vecchiarelli, 2011.
Aavec Harald Hendrix et Claudio De Felice, The idea of Beauty in Italian Language and literature, Leiden, Brill, 2019.

Bente CHRISTENSEN : Droit d'auteur, droit de parole
La plupart des pays civilisés ont une loi qui protège les droits d'auteur — et le traducteur est regardé comme un ayant droit au même titre que l'écrivain. Le droit d'auteur a deux aspects : l'aspect matériel, qui veut dire que l'auteur doit être rémunéré d'une manière décente, et l'aspect immatériel, qui regarde la forme et le contenu du texte. Personne n'a le droit de changer le texte sans l'accord de l'auteur, ce qui rend par exemple la censure illégale. Pour sauvegarder ces deux aspects du droit d'auteur, les écrivains et les traducteurs ont fondé, entres autres, deux associations mondiales : le PEN International (1921) et la Fédération Internationale des Traducteurs (F.I.T., 1953). En tant qu'ancienne présidente du Comité des droits d'auteurs de la F.I.T., et ancienne membre du Comité de la Traduction et des Droits Linguistiques de PEN International, je vais présenter le travail fait par ces deux associations en ce domaine, et montrer qu'il excède de loin l'interprétation des paragraphes juridiques.

Bente Christensen est traductrice littéraire (français/norvégien), vit et travaille à Oslo. Elle est ancienne présidente de l'Association Norvégienne des Traducteurs Littéraires, et ancienne vice-présidente de la F.I.T. (Fédération Internationale des Traducteurs).

Fayza EL QASEM : Savoir-faire et savoir-être du traducteur à l'heure des bouleversements technologiques : faut-il repenser la formation ?
Dans les écoles et instituts de formation à la traduction ou à l'interprétation professionnelles, les cours sont assurés par des interprètes ou des traducteurs, si possible en exercice, qui transmettent leur savoir-faire et leur connaissance du terrain. Ce sont eux qui amèneront les étudiants à dépasser l'exercice de style pour se frotter aux exigences des discours et qui les recommanderont auprès des recruteurs. En effet, des enseignants crédibles rendent la formation crédible aux yeux du marché. Aujourd’hui, le champ de la traduction est en profonde mutation et même si l'intelligence humaine, les savoirs et les aptitudes restent des facteurs clés pour la fourniture de traductions de qualité, les évolutions technologiques ont une influence de plus en plus grande sur l'éventail croissant de services linguistiques que les traducteurs et les entreprises de traduction peuvent offrir. Dès lors, la planification curriculaire requiert un effort de clarté et d'unification des critères et doit tenir compte d'un renouvellement pédagogique (Kiraly, 2000 : 37). C'est là précisément l'objectif du modèle de compétences EMT qui permet aux instituts de formation de se doter d'une vision large du métier et qui est un outil, si l'on peut dire, au service de la qualification. Il incombe aux formations professionnelles de se tenir aux aguets des évolutions de la technique, sans pour autant oublier de former à la nature de la traduction, qui est d'être humaine et qui va générer des facteurs de diversité qui sont la subjectivité interprétative et scripturale d'une part et le parti pris des options d'autre part. Et quand bien même les métiers de traducteur et d'interprète deviennent plus exigeants et se diversifient, il importe de former les apprenants à l'intelligence interculturelle comme compétence spécifique des traducteurs et interprètes, "démarche de vigilance, d'une tentative de compréhension de l'autre dont la culture, les modes de pensée, les façons de fonctionner sont différentes des nôtres" (Michel Sauquet, Martin Vielajus : 16 : 2004).

Sjef HOUPPERMANS : Traduire les Nouvelles Impressions d'Afrique de Raymond Roussel : contraintes et création
Roussel a fondé son œuvre sur un certain nombre de contraintes formelles (avant tout l'exploitation de l'homonymie et un emploi radical des rimes) qui font que chez lui "l'imagination est tout". Comment faire la part de ces contraintes dans la traduction tout en conservant l'essentiel de sa portée sémantique ? Ici, on se concentrera sur les Nouvelles Impressions d'Afrique publiées en 1932, à la traduction en néerlandais desquels on a travaillé tout au long des années 1990. Une particularité de l'édition néerlandaise chez van Oorschot est l'usage des couleurs pour distinguer les différents niveaux du texte, suivant ainsi un souhait de Roussel. Notre traduction a voulu conserver les principes de la méthode Roussel. Ainsi l'alexandrin a été maintenu, de même que l'alternance des rimes. On comparera cette traduction avec d'autres traductions du même texte, notamment en anglais, en allemand et en portugais.

Sjef Houppermans est chercheur en lettres modernes attaché à l'université de Leyde. Il a publié des livres sur Roussel, Proust et Beckett entre autres.
Publications
"Autour des canevas", in Raymond Roussel. Perversion classique ou invention moderne ?, Colloque de Cerisy, PU de Rennes, 1993.
"Contraintes et couleurs", in Le goût de la forme en littérature, Colloque de Cerisy, Éditions Noesis, 2004.
Présence de Samuel Beckett, Colloque de Cerisy, Éditions Rodopi, 2006.
"Le temps et ses intermittences chez Yourcenar", in Les diagonales du temps. Marguerite Yourcenar à Cerisy, Colloque de Cerisy, PU de Rennes, 2007.
"Futurs hibernations. Renaud Camus en pleine forme", in Forme & Informe dans la création moderne et contemporaine, Colloque de Cerisy, Éditions Noésie, 2009.
"Prendre ses distances", in Victor Klemperer. Repenser le langage totalitaire, Colloque de Cerisy, CNRS Éditions, 2012.
"D'un monument élevé à la gloire de la langue et des lettres françaises", in Roussel : hier, aujourd'hui, Colloque de Cerisy, PU de Rennes, 2014.
Raymond Roussel et la psychanalyse, Éditions Classiques Garnier-Minard, 2019.

Philipp JONKE : Traduire la presse de mode allemande de la fin du XIXe siècle
La presse de mode de la fin du XIXe siècle a non seulement pour but d'informer ses lectrices des dernières nouveautés de la saison, mais aussi de les renseigner sur les tenues adaptées à chaque occasion et sur l'effet des modèles décrits. Ainsi, toute rubrique de mode s'écrit à destination d'un lectorat socialement identifié avec ses propres repères culturels. Traduire des passages de ces textes appelle donc à s'interroger sur ces repères et à les replacer dans le contexte de chaque pays : est-ce que "culture" / "Kultur", par exemple, signifie la même chose dans un texte allemand et français, dans un journal à destination des femmes les plus aisées et dans celui publié pour la couche moyenne ? L'étude de passages extraits de Der Bazar, de Die Modenwelt, de Die Praktische Berlinerin et de Die Dame et la comparaison avec des périodiques français rend compte de la difficulté de traduire les connotations culturelles et sociales des textes de mode.

Philipp Jonke est ATER à l'université Lumière Lyon 2 et prépare une thèse en études germaniques à l'École normale supérieure de Lyon sur le système de la mode berlinois autour de 1900. Ses travaux portent en premier lieu sur les implications économiques et sociales de la mode sérielle et de la grande distribution, ainsi que sur les pratiques urbaines.

Anne LAGNY : Entre communauté et territoire : traduire le terme de "Heimat"
Patria, domicilium (équivalents latins dans l'article "Heimat" du grand dictionnaire Grimm), maison, "chez soi", pays, pays natal, petite patrie, parfois patrie, territoire : l'éventail des traductions possibles est révélateur de la complexité, sinon de l'équivoque qui s'attache à ce terme. La question de la Heimat est revenue au cœur de l'actualité ces dernières années, avec la réactivation de son potentiel politique, de l'extrême-droite qui inscrit la "protection de la Heimat" dans son programme de mobilisation contre la mondialisation et la prétendue islamisation de l'Allemagne, au parti écologique qui ambitionne de "verdir" le terme instrumentalisé par les nazis, sans oublier le premier discours de Horst Seehofer, à la tête du ministère de l'Intérieur dont le périmètre, redéfini en Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat, intègre désormais les chantiers "de la Construction et du Territoire" (Building and Community). Dans le contexte des débats actuels, la notion de Heimat est mise en œuvre dans des formes littéraires, artistiques et culturelles qui contribuent à réhabiliter l'attachement à ce que l'on pourrait appeler une "patrie de proximité". On se proposera ici de reconstituer quelques-uns des contextes culturels et historiques dans lesquels apparaît le terme, en s'interrogeant sur les possibilités et les limites de la traduction de cet "intraduisible".

Anne Lagny est professeure d'études germaniques (histoire des idées et civilisation germanique) à l'École normale supérieure de Lyon. Publications sur les Lumières allemandes, le roman d'époque de la République de Weimar, sur l'autobiographie et sur le piétisme allemand.

Philippe NOBLE
"Les mystères des jeunes filles" : le texte de Proust est aujourd'hui entouré, en traduction mais aussi en langue originale, d'une forêt de commentaires et de paratextes. Ceux-ci nous éclairent sur un certain nombre de faits historiques, sociaux ou culturels, ou sur les traces laissées dans le texte par une genèse compliquée. Mais ces explications n'ont-elles pas leurs limites ? Pourquoi M. de Norpois n'était-il plus ambassadeur après le 16 mai 1877 ? Pourquoi le jeune narrateur entend-il, le soir de la Saint-Sylvestre, le "son du cor" s'élever au fond de ce que l'auteur appelle "un mastroquet" ? Pourquoi telle plaisanterie de Bloch ne nous fait-elle pas rire ? Comment visualiser certains tableaux d'Elstir ? Lecteurs, nous passons outre sans difficultés à certains passages dont le sens reste enveloppé de clair-obscur. Le traducteur est en principe tenu de prendre parti, en d'autres termes de choisir une interprétation. À moins d'opter pour l'attitude inverse, et d'accepter l'amère constatation qu'il est parfois plus facile de traduire que de comprendre. En commentant quelques passages précis d'À l'Ombre des jeunes filles en fleurs, j'essaierai de mieux cerner les termes de ce dilemme.

Philippe Noble, ancien élève de l'école normale supérieure, agrégé de lettres classiques, docteur en littérature néerlandaise, est traducteur littéraire et directeur de collection aux éditions Actes Sud. Il a traduit une soixantaine d'ouvrages — prose et poésie — d'auteurs flamands et néerlandais, et notamment une grande partie de l'œuvre de Cees Nooteboom. Avec Désirée Schyns, il a publié en 2018 une nouvelle traduction néerlandaise d'À l'Ombre des jeunes filles en fleurs.

Désirée SCHYNS
Le monde évoqué par Proust est surtout un monde littéraire et culturel, lié à une époque qui est déjà lointaine pour des lecteurs francophones (cf. les notes dans l'édition Tadié), a fortiori pour des néerlandophones. Je comparerai les traductions néerlandaises De kant van Swann (2009) de Marcel Proust, traduit par Thérèse Cornips et annotée par Ieme van der Poel et Ton Hoenselaars et Swanns kant op (2015) traduit par Martin de Haan et Rokus Hofstede. Convaincus que le lecteur pourra trouver des informations culturelles sur internet, les traducteurs de la retraduction de 2015 n'ont ajouté aucune note. J'ai pu constater qu'ils expliquent des références culturelles dans la traduction même, la rendant parfois plus explicite. Dans cette contribution, j'examinerai quelques références culturelles dans le texte source français et leur fonction pour étudier ensuite les explications fournies par le paratexte de Van der Poel et Hoenselaars : en quels sens les notes aident-elles les lecteurs néerlandophones à pénétrer dans l'univers proustien, à comprendre le sens du texte ? Ensuite, j'aimerais analyser dans quelle mesure les explications données par de Haan et Hofstede dans la traduction même, ou l'absence d'explications, ont une incidence sur la transmission du sens.

Désirée Schyns est maître de conférences HDR à la Faculté des lettres et de philosophie de l'université de Gand en Belgique. Elle a publié des traductions littéraires en néerlandais notamment de Proust (À l'ombre des jeunes filles en fleurs, avec Philippe Noble) et de Yoko Tawada (traduit de l'allemand avec Bettina Brandt). Elle a publié La mémoire littéraire de la guerre d'Algérie dans la fiction algérienne francophone et co-édité des recueils sur la traduction et l'exil, et sur la poésie de Cees Nooteboom en traduction. Actuellement ses recherches portent sur la traduction et le témoignage. Dans ce cadre elle prépare une traduction d'Auschwitz et après de Charlotte Delbo.

Winibert SEGERS : L'évaluation de la créativité des traductrices/traducteurs littéraires [communication établie avec Henri BLOEMEN]
Le sujet de cette communication est délicat et se heurte souvent à beaucoup de résistance de la part des traductrices/traducteurs littéraires. Tout d'abord, nous examinerons le modèle de compétence de l'ELV 2014 (Expertisecentrum Literair Vertalen/Centre d'expertise en traduction littéraire) et la place accordée à la créativité dans ce modèle. Nous étudierons ensuite dans quelle mesure les tests de créativité existants (Mednick, Wallach-Kogan, Guilford, Torrance) peuvent être utilisés pour évaluer la créativité des traductrices/traducteurs littéraires. Enfin, nous donnerons quelques exemples de tests qui pourraient être utilisés pour évaluer la créativité des traductrices/traducteurs littéraires. Les questions que nous posons portent sur la distinction entre créativité et compétence linguistique (en langue source et en langue cible) et sur les limites de la mesurabilité.

Winibert Segers anime des ateliers de traduction juridique et médicale (français -> néerlandais) et enseigne la théorie de la traduction à la KU Leuven (Belgique). La didactique, l'éthique, l'évaluation et la philosophie de la traduction sont ses domaines de recherche.

Claire SHIRES : Communication interculturelle dans le champ de risques naturels : questionnements traductologiques et sémiotiques
Les risques naturels sont présents pour l'humanité depuis qu'elle existe, et elle doit faire face aux aléas qu'ils entraînent partout sur la planète. Les personnes concernées par les risques et les catastrophes naturels utiliseront les expressions linguistiques et systèmes sémiotiques selon leur propre contexte culturel et socio-politique, relevant d'univers linguistiques et culturels parfois très différents. Dans le cadre de collaborations régionales et internationales en matière de gestion des risques, ces différences peuvent entraîner des difficultés de communication importantes et éventuellement dangereuses. La communication s'inscrira dans le cadre d'un projet de glossaire multilingue répondant au besoin croissant d'outils plurilingues dans la communication interculturelle des catastrophes et risques naturels. Son objet sera aussi de proposer une première analyse des problèmes traductologiques et interculturels pouvant se poser en situation de catastrophe naturelle, en donnant quelques exemples des variantes linguistiques et sémiotiques pour un même risque naturel en fonction des aires linguistiques.

Claire Shires est doctorante au Laboratoire de recherche sur le langage (LRL, EA 999) à l'université de Clermont Auvergne. Son sujet de thèse se situe dans le cadre de projet CLOUDBURST de glossaire sur les risques naturels et porte sur les questionnements traductologiques et sémiotiques dans la communication interlinguistique et interculturelle dans des situations de risques naturels.

Ieme VAN DER POEL
Depuis les années 80 du siècle dernier les études proustiennes se sont progressivement éloignées d'une approche critique axée sur les aspects formels du texte pour se consacrer au caractère encyclopédique de la Recherche. Cette évolution du discours critique universitaire se reflète aussi dans la présentation de l'œuvre, comme l'illustrent les éditions successives de la Pléiade. Tandis que dans la première (Clarac et Ferré, 1954), l'appareil critique concerne uniquement le collationnement du texte, dans la seconde (Tadié, 1987) celui-ci se trouve complété par un ensemble de références se rapportant au contexte historique et culturel du texte. Cette communication essayera de répondre aux questions suivantes qui seront illustrées par des exemples concrets : en quoi l'annotation destinée à lectorat non-français diffère-t-elle de celle destinée à un lectorat français ? À l'époque qui est la nôtre, le texte proustien — y compris l'humour et la prédilection de son auteur pour la petite histoire — serait-il encore compréhensible sans annotation ? Comment faire la distinction entre un éclaircissement nécessaire à la compréhension du texte et son interprétation ?

Ieme van der Poel est professeur de littérature française émérite à l'université d'Amsterdam, Pays-Bas. En collaboration avec Ton Hoenselaars, elle a annoté et préfacé les traductions en néerlandais de Du côté de chez Swann (2009, traduction : Thérèse Cornips) et À l'ombre des jeunes filles en fleurs (2018, traduction : Philippe Noble et Désirée Schyns). À paraître (Liverpool UP) : Republic of Cousins. The Literatures of the Moroccan Diaspora in a Comparative Perspective.

Tristan VIGLIANO : Mettre en ligne les premières traductions du Coran : perspectives historiques, enjeux contemporains
L'objet de cette communication sera de présenter les premières traductions du Coran, telles que mises en ligne sur le site Coran 12-21. Nous rapporterons les problèmes que pose cette mise en ligne, dans le contexte d'une société interculturelle, aux difficultés qu'ont pu rencontrer les premiers éditeurs de ces traductions, dans des sociétés qui, elles, n'étaient pas à proprement parler interculturelles. C'est donc le contrepoint qui nous intéressera ici.

Tristan Vigliano est maître de conférences (hdr) en littérature française de la Renaissance à l'université Lumière - Lyon 2. Après une thèse consacrée à la réception d'Aristote au XVIe siècle, il a traduit le De disciplinis, somme pédagogique de Juan Luis Vives, puis s'est intéressé aux représentations médiévales, renaissantes et modernes de l'islam. Il co-dirige, avec Mouhamadoul Khaly Wélé, le site Coran 12-21.


TABLE RONDE :

LA TRADUCTION INTERCULTURELLE HUMAINE ET ANIMALIÈRE — Modérateur : Jean-Louis BANCEL

Introduite et animée par Astrid GUILLAUME, Sémioticienne, MCF HDR Sorbonne Université, Présidente fondatrice de la Société française de Zoosémiotique, Co-fondatrice de l'Observatoire Européen du Plurilinguisme (Traduire les humains, traduire les animaux : défis interculturels, théoriques et terminologiques), avec des membres de la SfZ :
Christian TREMBLAY, Président et Co-fondateur de l'Observatoire Européen du Plurilinguisme (Traduction interculturelle et plurilinguisme)
Pierre FRATH, Linguiste, Professeur émérite de l'université de Reims (Protolangage : la transition du langage animal vers le langage humain)
Georges CHAPOUTHIER, Neurobiologiste et philosophe, Vice-président de la SfZ, Directeur de recherche émérite CNRS (Les cultures animales)
Laurent NAGLE, Éthologue spécialiste de la communication acoustique des oiseaux, Professeur à l'université de Paris Nanterre ("Qu'est-ce qu'il dit ?". Des animaux sauvages non captifs s'intéressent parfois à nous)

Astrid GUILLAUME : Traduire les humains, traduire les animaux : défis interculturels, théoriques et terminologiques
La traduction s'entend toujours comme étant le processus de transferts sémantiques d'humains à humains, partant d'une langue A vers une langue B, d'une culture A vers une culture B, d'un texte A vers un texte B. La question traductologique, quand elle multiplie les sphères d'émission et de réception, s'inscrit dans la sémiotraductologie. La sémiotraductologie s'intéresse aux transferts plurimédiatiques, intra- et interculturels humains mais aussi à la transférabilité et transferts sémantiques inter- et intraspécifiques. Les notions de culture, de transmissions sémantiques, de bilinguisme, de plurilinguisme n'étant pas propres à la sphère humaine, elles peuvent être considérées dans des contextes animaliers et être soumises aux théorisations sémiotraductologiques des sciences de la culture. Elles impliquent une terminologie innovante à (re)définir ou à inventer.
Cette conférence plénière et cette table ronde réunissant linguistes et scientifiques du vivant, présentées sous l'égide du Ministère de la Culture (DGLFLF), aborderont les théories de la traduction humaine et animalière, les contacts intra- et interspécifiques et la manière de traduire (comprendre) et d'interpréter (traduire) le sens animalier. Dans tous les cas, nous verrons que traduire l'humain ou l'animal présente bien des similitudes dans le processus traductologique et implique de convoquer une approche inter- et intraculturelle.

Astrid Guillaume, sémiotraductologue, est Maître de conférences habilitée à diriger les recherches à Sorbonne Université. Qualifiée en sciences du langage, elle s'intéresse aux transferts de sens inter- et intraspécifiques en diachronie et en synchronie. En ouvrant les problématiques traductologiques aux univers animaliers, elle a permis de croiser les savoirs et théories des scientifiques et des linguistes. La table ronde qu'elle dirige réunit donc des linguistes des sphères humaines et des scientifiques des sphères animalières pour montrer que le processus traductologique humain et animalier rejoint jusqu’à un certain point des approches semblables : scruter le sens, le comprendre, l'analyser et le transmettre le plus justement possible avec des mots existants ou à créer. Elle dirige une commission de terminologie sur les comportements animaliers et cultures animales pour la DGLFLF, Ministère de la Culture. Elle a co-fondé et vice-présidé l'Observatoire européen du Plurilinguisme durant de nombreuses années, elle est présidente fondatrice de la Société française de Zoosémiotique.
Site personnel
astrid-guillaume.fr
Publications
[2020] Faire sens, faire science, Astrid GUILLAUME et Lia KURTS-WÖSTE (dir), ISTE Éditions, London, 2020 (Collection interdisciplinarité, sciences et humanités).
[2020] Making Sense, Making Science, Astrid GUILLAUME et Lia KURTS-WÖSTE (dir), ISTE Éditions, London [sous presse] (Séries : Interdisciplinarity, Sciences et Humanities).
[2017] Traduction et implicites idéologiques, Astrid GUILLAUME (dir.), préface de Michaël OUSTINOFF, 1ère édition La Völva 2016, 2ème édition, Texto ! Textes et culture, 2017, 209 p. (Gratuit en ligne).
[2016] Idéologie et traductologie, Astrid GUILLAUME (dir.), préfaces de Marianne LEDERER et François RASTIER, L’Harmattan, Paris, 2016, 242 p. (Collection Traductologie).
[2016] Les Langues Modernes, n°1/2016, Approches théoriques de la traduction, Astrid GUILLAUME (dir.) (Association des Professeurs de Langues Vivantes – APLV).
[2016] Les Langues Modernes, n°2/2016, Approches pratiques de la traduction, Astrid GUILLAUME (dir.) (Association des Professeurs de Langues Vivantes – APLV).
[2014] L'interthéoricité : sémiotique de la transférogenèse. Plasticité, élasticité, hybridité des théories, Revue PLASTIR, Plasticités, Sciences et Arts, n°37, 12/2014, 37 pages (traduit en anglais en 2015).

Christian TREMBLAY : Traduction interculturelle et plurilinguisme
Le plurilinguisme nous oblige à repenser la problématique de l'universalité. Si nous nous en tenons à l'idée transmise par plusieurs générations de linguistes selon laquelle les langues sont des instruments de communication, le plurilinguisme peut se résumer à la capacité que peuvent avoir certains individus à s'exprimer en au moins deux langues. Si l'on considère les langues d'abord comme le moyen par lequel l'esprit accède à la connaissance et à une compréhension du monde, processus dans lequel la pensée et le langage sont indissociables l'un de l'autre, alors, comme l'a avancé Leibniz, la langue est un milieu qui conditionne la pensée. Si la langue est un milieu, c'est qu’elle existe elle-même en fonction d'un contexte spécifique et d'une expérience particulière de vie en société. Dans une idéologie d'un monde fini, on peut imaginer qu'une langue peut suffire à tout dire. Dans l'optique d'un monde infini et infiniment en extension, en même temps que la science est une quête vers une vérité inatteignable, les langues sont toujours des approches différenciées du monde et le plurilinguisme se développe sur ce terreau fertile. D'où la nécessité de repenser l'universel en fonction de cette diversité fondamentale. L'universel serait ainsi plus la somme de nos singularités que l'intersection de ce que nous avons de commun. Et la traduction, le plurilingue étant lui-même traducteur, est là pour opérer la nécessaire médiation entre toutes ces singularités.

Christian Tremblay, né en 1949, est diplômé de l'Institut d'Études Politiques de Paris. À côté d'une carrière administrative au Ministère des finances, puis, à la Mairie de Paris jusqu'en 2014, il a été de 1975 à 1985, collaborateur de Michel Jobert, ministre des affaires étrangères de Pompidou et ministre du commerce extérieur de Mitterrand. En 2002, il soutient une thèse de doctorat en sciences de l'information au carrefour de trois disciplines, linguistique, informatique et droit. Il fonde en 2005 avec plusieurs partenaires l'Observatoire européen du plurilinguisme et organise avec ces derniers les 1res Assises européennes du plurilinguisme à Paris en 2005. Suivront en 2009 les 2es Assises à Berlin, en 2012 les 3es Assises à Rome, à l'université La Sapienza, les 4es à Bruxelles en 2016 et enfin les 5es à Bucarest en 2019. Il dirige le site Internet et la Lettre d'information de l'OEP. Auteur de plusieurs ouvrages et de nombreux articles.

Pierre FRATH : Protolangage : la transition du langage animal vers le langage humain
La question de l'origine du langage humain à partir d'un état antérieur non-humain est l'objet de nombreuses hypothèses dont aucune ne peut être vérifiée en l'état actuel des connaissances. Cependant, il est intéressant de se poser la question parce qu'elle nous oblige à clarifier nos idées sur la différence entre les langages animaux et humains. Beaucoup peinent à comprendre comment les grammaires complexes des langues humaines ont pu apparaitre grâce à un processus évolutif et c'est pourquoi les linguistes ont tendance à recourir à un deus ex-machina génétique. On postulera ici une seule différence initiale, la capacité des êtres humains à utiliser des mots en l'absence de leurs référents. Cette référenciation in abstentia génère naturellement les notions de temps et d'espace, puis des usages anthropologiques tels que la demande, la condition, la conversation ou le récit. Les catégories et les fonctions grammaticales naissent alors des rapports de prédication entre les mots.

Pierre Frath est professeur émérite à l'université de Reims Champagne-Ardenne. Il a enseigné la linguistique, la didactique des langues, le traitement automatique des langues et la philosophie du langage. Il a créé et dirigé la Maison des Langues de l'université de Reims et a été le directeur du CIRLEP (Centre Interdisciplinaire de Recherches sur les Langues et la Pensée). Il est également membre du Centre de Linguistique en Sorbonne (CELISO) et du GEPE de Strasbourg (Groupe d'étude sur le plurilinguisme en Europe). Il s'intéresse maintenant aux langues africaines et à la linguistique préhistorique.
Quelques livres récemment publiés (chez Sapienta Hominis, Reims)
Cogito versus ubuntu (2019).
Anthropologie de l’anglicisation (2019).
Linguistique anthropologique et référentielle (2020).
Et près de 150 publications consultables sur www.res-per-nomen.org.

Georges CHAPOUTHIER : Les cultures animales
Une culture est un ensemble de traits de comportement qui peuvent se transmettre entre des individus, par imitation ou enseignement, sans passer par les bases génétiques. Longtemps on a pensé que, contrairement aux traits "naturels" que possèdent tous les animaux, les traits culturels étaient spécifiques aux êtres humains. Mais les récents travaux de l'éthologie montrent l'existence de nombreux traits culturels chez les animaux. Ils sont liés à la puissance du cerveau, mais aussi à la socialisation. Ils comportent notamment l'utilisation d'outils associée à des aptitudes de manipulation d'objets, l'existence de communications et de langages plus ou moins complexes, de règles morales qui structurent le groupe et même de préférences esthétiques pour des couleurs, des formes, des motifs de chant. Comme les êtres humains, certains animaux ont donc accès, non seulement au registre dit "naturel", mais aussi au registre dit "culturel".

De double formation biologiste et philosophe, Georges Chapouthier est Directeur de recherche émérite au CNRS, où il a effectué tout sa carrière. Comme biologiste, spécialisé en neurosciences, il a animé un groupe de recherche sur la pharmacologie de l'anxiété et de la mémoire chez la souris. Ces travaux ont notamment permis de montrer que les molécules anxiogènes (celles qui causent l'anxiété) améliorent, lorsqu'elles sont administrées à doses faibles, les aptitudes à mémoriser, ce qui suggère que l'état normal du cerveau est une anxiété légère. Comme philosophe, Georges Chapouthier a étudié la complexité des organismes vivants, pour laquelle il a montré l'utilité épistémologique du concept de mosaïque, ainsi que l'animalité, les rapports de l'humanité et de l'animalité, la notion de droits de l’animal ou les ressemblances et les différences entre l'animal et la machine. Dans ces domaines, il a écrit de nombreux ouvrages et articles. Il est vice-président de la Société française de Zoosémiotique (SfZ) depuis 2019.
Publications (extraits)
Chapouthier G., Qu'est-ce que l'animal ?, Collection "Les petites pommes du savoir", Éditions le Pommier, Paris, 2004.
Chapouthier G., Kant et le chimpanzé - Essai sur l'être humain, la morale et l'art, Éditions Belin, Paris, 2009, Prix "Achille Urbain" 2010 de l'Académie Vétérinaire de France.
Chapouthier G. et Tristani-Potteaux F., Le chercheur et la souris, CNRS Éditions, Paris, 2013.
Chapouthier G., Kaplan F., L'homme, l’animal et la machine : perpétuelles redéfinitions, CNRS Éditions, Paris, 2011, Édition de poche: CNRS Éditions, collection "Biblis", 2013.
Chapouthier G., The Mosaic Theory of Natural Complexity : A scientific and philosophical approach [online], La Plaine-Saint-Denis : Éditions des maisons des sciences de l'homme associées, 2018 (en ligne).

Laurent NAGLE : "Qu'est-ce qu'il dit ?". Des animaux sauvages non captifs s'intéressent parfois à nous
La communication est une fonction indispensable permettant à la grande majorité des animaux de vivre et de s'adapter à leur environnement. Elle intervient dans de très nombreux domaines de leur vie (accès et partage de nourriture, défense de territoire, protection contre les prédateurs, reproduction, vie sociale…) et permet des échanges entre individus appartenant à la même espèce. Cependant, une communication interspécifique existe également. Celle-ci a été relativement peu étudiée et documentée scientifiquement, en particulier les échanges existant entre l'humain et des animaux sauvages non captifs. Des recherches récentes sur les mammifères (cétacés, éléphants…) et les oiseaux apportent un éclairage nouveau sur cette communication très particulière et illustrent les capacités d’écoute des animaux à notre égard, pour nous éviter, coopérer ou nous utiliser !

En milieu naturel, Laurent Nagle réalise des observations sur le bruant jaune Emberiza citrinella. Ces recherches ont pour objectif d'étudier les différentes composantes du chant de ces oiseaux. Grâce à l'utilisation de logiciels dédiés (Avisoft, SAP), les chants sont analysés (structures, agencements et caractéristiques acoustiques des notes) et modifiés. Lors de la saison de reproduction des oiseaux, des chants modifiés sont diffusés sur le territoire de mâles et les réactions comportementales des bruants testés sont évaluées pour mesurer l'impact des modifications apportées. Parallèlement à ces recherches en milieu naturel, il s'intéresse aux rapports entretenus entre les humains et les animaux non-humains et à comment la question de ces relations a été traitée par la philosophie, de l'Antiquité jusqu'à nos jours. Il aborde également cette question en regardant la manière dont l'éthologie peut, en permettant une meilleure compréhension des animaux non humains, alimenter les débats philosophiques d'aujourd'hui (en particulier en regard avec l'émergence des théories anti-spécistes et du véganisme éthique).
Publications (extraits)
Huet des Aunay G., Slabbekoorn H., Nagle L., Passas F., Nicolas P. & Draganoiu T., 2014, "Urban noise undermines female sexual preferences for low-frequency songs in domestic canaries", Animal Behaviour, 87, 67-75.
Lerch A., Rat-Fischer L. & Nagle L., 2013, "Condition-dependent choosiness for attractive songs in females canaries", Ethology, 15(4), 639-645.
Leboucher G., Vallet E., Nagle L., Béguin N., Bovet D., Hallé F., Draganoiu T.I., Amy M. & Kreutzer M., 2012, "Studying Female Reproductive Activities in Relation to Male Song : The Domestic Canary as a Model", Advances in the study of Behavior, 44, 183-225.
Giret N., Albert A., Nagle L., Kreutzer M. & Bovet D., 2011, "Context-related vocalizations in African grey parrots (Psittacus erithacus)", Acta Ethologica, 15, 39-46.
Giret N., Nitsch A., Nagle L., 2011, "Phonological-dependent territorial responses in yellowhammers (Emberiza citrinella)", Behavioural Processes, 88, 67-71.
Lerch A., Rat-Fischer L., Gratier M. et Nagle L., 2011, "Diet quality affects male choice in domestic female canary Serinus canaria", Ethology, 117, 769-776.
Lerch A., Roy P., Pachet F. & Nagle L., 2011, "Closed-loop bird-computer interactions : a new method to study the role of bird callings", Animal Cognition, 14, 203-211.


SOUTIENS :

LabEx COMOD | Université de Lyon (UDL)
• Institut d'histoire des représentations et des idées dans les modernités (IHRIM, UMR 5317) | ENS de Lyon
Veolia
Université d'Utrecht
• Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) | Ministère de la Culture