Publication 2023 : un des ouvrages


USAGES CONTEMPORAINS DU RÊVE

TÉMOIGNAGES D'UNE EXPÉRIENCE CERISYENNE - SAISON 2


Sylvain ALLEMAND (dir.)


Cet ouvrage réunit des témoignages de personnes ayant vécu la deuxième édition du Foyer de création et d'échanges, qui s'est déroulée du 2 au 18 août 2021, au Centre culturel international de Cerisy autour des "Usages contemporains du rêve". Chacun à leur manière, ils éclairent sur la manière dont ce dispositif original, entre résidence d'artiste et de recherche, et colloque, concourt à l'avancement de projets personnels dans une démarche collective, à travers une programmation qui s'élabore au fil de l'eau.


Disponible auprès du CCIC

CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Sérendip'éditions

ISBN : 978-2-9570270-5-7

Nombre de pages : 120 p.

Prix public : 10,00 €

Année d'édition : 2023


Publication associée


Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


SEIGNEURS ET MAÎTRES : DOMINER EN NORMANDIE MÉDIÉVALE

(XIe-XVe SIÈCLES)


DU MERCREDI 2 OCTOBRE (19 H) AU DIMANCHE 6 OCTOBRE (14 H) 2024

[ colloque de 4 jours ]



ARGUMENT :

Qui domine la terre et les hommes en Normandie du XIe au XVe siècle ? Tout en rouvrant les dossiers classiques de l'historiographie normande, telle la question de la féodalité ou de l'absence du servage, cette rencontre souhaite faire émerger de nouvelles réflexions sur la notion de domination. Construits à hauteur d'homme, par une large gamme de relations qui s'entrecroisent dans tous les aspects de l'existence, les rapports de domination invitent à prendre en compte la complexité du jeu des acteurs dans la société normande du second Moyen Âge, à partir de dossiers précis et d'études de cas choisies. À travers la relecture de phénomènes politiques, économiques, sociaux et religieux, pris dans leur ensemble, ce colloque s'inscrit donc dans la continuité de travaux récents sur la fabrique du pouvoir dans les sociétés médiévales tout en souhaitant interroger les spécificités des structures sociales normandes, et ce du règne fondateur de Richard II (996-1026) au recouvrement de la Normandie par Charles VII en 1450.

Pour cela, le colloque réunira de nombreux spécialistes français et étrangers, en laissant une large place aux jeunes chercheurs. Il intéressera des auditeurs curieux d'histoire normande qui souhaitent questionner l'image d'un Moyen Âge de seigneurs et de maîtres.


MOTS-CLÉS :

Angleterre, Archéologie, Châteaux, Distinction, Domination, Guerre de Cent Ans, Normandie, Pratiques de l'écrit, Rouen, Seigneurie


CALENDRIER PROVISOIRE (12/07/2024) :

Mercredi 2 octobre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 3 octobre
Matin
Hugo FRESNEL & Bastien MICHEL : Introduction

LES MAÎTRES DU DUCHÉ : PRINCES, CHEVALIERS ET BOURGEOIS
Pierre BAUDUIN : "Fidèle ou vassal ?" : Richard II et Robert le Pieux
Bastien MICHEL : Guillaume de Tancarville (fl. vers 1140-1193). Réseaux et domination aristocratique dans le duché de Normandie
Lydwine SCORDIA : Michel Dumont, bourgeois de Rouen, et ses achats de fiefs nobles en Pays de Caux sous la monarchie lancastrienne

Après-midi
DOMINATIONS EN MARGES ?
Hugo FRESNEL : Dominer et intégrer les îles anglo-normandes (début XIe siècle-1206)
Grégory COMBALBERT : Une domination d'exception : les enclaves diocésaines en Normandie médiévale


Vendredi 4 octobre
Matin
BÂTIR LA DOMINATION : AUTOUR DE QUELQUES CHÂTEAUX
Aude PAINCHAULT : Châteaux ducaux, châteaux rebelles en Normandie sous Henri Ier Beauclerc, les marqueurs de la domination et de la contestation du pouvoir
Camille MARCY MARGUERITE : Le château de Gisors, une architecture marquée par les changements de pouvoir
Alban GOTTFROIS : Le château de Caen sous la domination anglaise (1417-1450)

Après-midi
DOMINER : CODES, MARQUEURS, SYMBOLES
Arnaud MONTREUIL : L'adoubement chevaleresque et la domination seigneuriale laïque en Normandie (v. 1175-v. 1300)
Benoît CLAVEL, Stéphanie DERVIN & Bénédicte GUILLOT : Gibiers, poissons et vins. Le repas comme lieu de pouvoir au XIIIe siècle au château de Caen
Caroline SIMONET : Mettre en scène la domination. La place des femmes dans le scellement d'actes en Normandie médiévale (nobles, religieuses, paysannes, bourgeoises)


Samedi 5 octobre
Matin
SERVIR LE SEIGNEUR, DOMINER LES HOMMES
Catherine LETOUZEY-RÉTY : "Dei gratia Sanctę Trinitatis de Cadomo abbatissa" : exercer sa domination sur la terre et les hommes à l'abbaye de la Trinité de Caen (XIe-XIIIe s.) [visioconférence]
Fabien PAQUET : Les intermédiaires de la domination temporelle des abbés normands au XIIIe siècle
Lény RETOUX : Faire valoir sa domination : Guillaume d'Estouteville face aux conflits de juridiction liés à la coutume de Dieppe (1453-1483)

Après-midi
"HORS LES MURS" — À REGNÉVILLE-SUR-MER
Visite de l'estuaire de la Sienne, du château et de l'église paroissiale

DES CARTES ET DES MOTS : PENSER LA DOMINATION
Leonie HICKS : Gestion de l'environnement ou domination ? Cartographie des ressources à partir des chartes ducales en Normandie
Daniel POWER : Les droits et pouvoirs seigneuriaux des du Hommet en Normandie et en Angleterre (XIe-XIIIe siècles)


Dimanche 6 octobre
Matin
VILLE ET CAPITALE : DOMINER ROUEN
Camille CILONA : Dominer de toute sa hauteur. Les enceintes urbaines, (en)jeu de domination dans la société urbaine médiévale. Le cas de la ville de Rouen au XVe siècle
Adrien CARBONNET & Anne KUCAB : Dominer Rouen en temps de guerre civile ? Le roi de France et la capitale de la Normandie pendant la Ligue du Bien Public et la Guerre folle

Conclusions, table ronde avec Luc BOURGEOIS, Antoine DESTEMBERG et Laure VERDON-LOPPACHER

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Hugo FRESNEL : Dominer et intégrer les îles anglo-normandes (début XIe siècle-1206)
La place des îles anglo-normandes dans le duché de Normandie n'a pas suscité beaucoup d'études portant sur les premiers siècles du duché de Normandie. Il faut dire que la documentation à disposition reste encore fortement lacunaire pour cette période. Cependant, de nombreux travaux récents, tels ceux de Mark Hagger et d'Éric van Thorhoudt, ont repris l'étude de l'intégration de l'ouest de la Normandie au duché. C'est dans ce sillage que cette communication se penchera sur ces îles et sur la domination que les Normands mirent en place pour les contrôler. Les possessions ducales y sont très importantes et plusieurs épisodes célèbres, telle la réclusion de l'archevêque de Rouen Mauger ou la déviation de la flotte de Robert le Magnifique, pose la question de la façon dont les ducs normands ont intégré l'île comme lieu d'exercice de leur pouvoir. En-dehors des ducs, les abbayes normandes mais également de nombreux lignages aristocratiques ont des possessions sur l'île. Les actes de la pratique rassemblés dans le Cartulaire de Jersey permettront d'essayer de dresser un tableau de la domination de ces îles par les ducs et l'aristocratie normande.

Hugo Fresnel est doctorant à l'université de Caen Normandie sous la direction de Pierre Bauduin. Sa thèse porte sur les conceptions et usages de la violence du prince dans les mondes normands médiévaux entre 911 et 1154.
Publications
"Refréner la violence de la conquête : le Pénitentiel d'Ermenfroi de Sion", dans P. Bauduin, S. Lebouteiller & A. Peters-Custot (éd.), Conquérir, soumettre, gouverner : théories et pratique de la "pacification" dans les mondes normands, Colloque de Cerisy, École Française de Rome [à paraître].
Avec Victor Barabino et Alban Gautier, "Guerriers du Nord", Médiévales, n°84, 2023.
"Petites guerres en famille : guerre et violences intrafamiliales dans le duché de Normandie", Médiévales, n°84, 2023.
"Repenser la relation avunculaire dans le duché de Normandie : diversité et multiplicité des points de vue documentaires (Xe-XIIIe siècle)", Annales de Normandie, n°72-1, 2022, p. 3-27.

Bastien MICHEL : Guillaume de Tancarville (fl. vers 1140-1193). Réseaux et domination aristocratique dans le duché de Normandie
Guillaume de Tancarville, dit le Jeune, est à bien des égards un personnage exceptionnel, dont la vie est largement documentée. C'est l'un des plus puissants barons normands de son temps : chambellan ducal, il dispose d’un patrimoine considérable en haute Normandie et dans le Pays d’Auge. Personnage central à la cour des princes normands, Gautier Map le surnomme le "père des chevaliers", tant la suite de guerriers qui l'entoure est importante. C'est auprès de lui que Guillaume le Maréchal fait d'ailleurs son apprentissage chevaleresque. Or la famille de Tancarville n'a pas fait l'objet d'études approfondies depuis la monographie que lui a consacrée Achille Deville en 1834. Cette communication est donc l'occasion de revenir sur la carrière de son représentant le plus éminent. Quels sont les ressorts du pouvoir de Guillaume de Tancarville ? Quelles stratégies permettent à un baron aussi puissant de tenir son rang ? Autrement dit, comment Guillaume de Tancarville domine-t-il la terre et les hommes dans la seconde moitié du XIIe siècle ?

Bastien Michel est doctorant à l'université de Caen Normandie, rattaché au CRAHAM (dir. Pierre Bauduin). Sa thèse porte sur les vassaux des évêques de Bayeux (XIe-XIIIe siècle), étudiés sous l'angle des réseaux et des mobilités. Il s'intéresse aux rapports entre vassalité, fief et écrit dans les mondes normands médiévaux ainsi qu'aux trajectoires de l'aristocratie normande dans le duché, le royaume de France et en Europe.
Publications
"Les hommes d'Odon de Bayeux : conquête, "pacification" et réseaux en Angleterre après 1066", dans P. Bauduin, A. Peters-Custot, S. Lebouteiller (dir.), Conquérir, soumettre, gouverner : théories et pratiques de la "pacification" dans les mondes normands, Colloque de Cerisy (5-9.10.2022), Rome, Publications de l'École française de Rome (à paraître).
"Servir saint Michel : les clientèles guerrières du Mont (XIIe-XIIIe siècles)", dans M. Labatut, C. Maneuvrier, F. Paquet (dir.), 1023-2023, Le Mont-Saint-Michel en Normandie et en Europe : nouvelles découvertes et nouvelles perspectives de recherche, Colloque de Cerisy (31.05-04.06.2023), Caen, Presses universitaires de Caen (à paraître).
"Pierre de Benais et ses vassaux : administrer la féodalité par l’écrit dans le diocèse médiéval de Bayeux (fin XIIIe siècle)", dans C. Barralis, G. Combalbert (dir.), Les évêques en leur monde : réseaux, communautés, influences (Xe-XIIIe siècles), Colloque ACTÉPI de Nancy (24-26.05.23), Caen, Presses universitaires de Caen (à paraître).


Pierre BAUDUIN : "Fidèle ou vassal ?" : Richard II et Robert le Pieux
La communication propose de poser la question de la domination au plus haut échelon de la société politique : celui des relations entre le duc de Normandie et le roi de France à la charnière des Xe-XIe siècles. Le titre renvoie à l'ouvrage bien connu de Ferdinand Lot (Fidèles ou vassaux ? Essai sur la nature juridique du lien qui unissait les grands à la royauté depuis le milieu du IXe jusqu'à la fin du XIIe siècle, Paris, Bouillon, 1904) qui entendait alors démontrer que "Du Xe au XIIIe siècle, le duc et marquis de Normandie est vassal du roi au même titre que le comte de Flandre ou celui de Chartres" (p. 176), ce qu'illustrait presque sans aucune ombre les relations entre Richard II et son suzerain (p. 193-196). Succédant à leur père au même moment (automne 996), les deux princes régnèrent simultanément jusqu'à la mort de Richard II (1026), quelques années avant celle de Robert (1031). Après un parcours historiographique sur chacun des protagonistes et la manière dont ont été envisagées les relations entre princes normands et rois de France, il s'agira d'explorer comment les nouveaux questionnements sur la domination permettent aujourd'hui d'envisager et de qualifier cette relation où s'articule hiérarchie, coopération, négociation, voire contestation, mais aussi les pratiques et conceptions du pouvoir, les stratégies d'imitation ou de distinction, les rapports aux territoires et aux communautés.

Pierre Bauduin est professeur d'histoire médiévale à l'université de Caen Normandie. Ses domaines de recherche concernent les mondes normands médiévaux, les vikings, le duché de Normandie les transferts culturels, les identités, la parenté, l'écrit et l'historiographie. Il est l'auteur, entre autres, de La première Normandie (Xe-XIe siècles). Sur les frontières de la haute Normandie : identité et construction d'une principauté, Caen, 2004 ; Le monde franc et les Vikings, VIIIe-Xe siècle, Paris, 2009 ; Histoire des vikings, des invasions à la diaspora, Paris, 2019 ; "Richard II : figure princière et transferts culturels, fin Xe-début XIe siècle", Anglo-Norman Studies, XXXVII (Proceedings of the Battle Conference, 2014), Woodbridge, 2015, p. 53-82 ; "Richard II, duc de Normandie (996-1026), en ses actes", Bibliothèque de L'École des chartes, 176, 2021 (publ. 2023), p. 389-464. Il a publié plusieurs colloques dont (avec D. Bates), 911-2011. Penser les mondes normands médiévaux, Actes du colloque international de Caen et Cerisy, 29 septembre-2 octobre 2011, Caen, Presses universitaires de Caen, 2016.

Adrien CARBONNET & Anne KUCAB : Dominer Rouen en temps de guerre civile ? Le roi de France et la capitale de la Normandie pendant la Ligue du Bien Public et la Guerre folle
Après le recouvrement de la Normandie par Charles VII, la domination de Rouen par le roi de France est loin d'être totale comme le montrent deux épisodes de remise en cause du pouvoir du souverain : la guerre du Bien Public (1465) et la Guerre folle (1484-1485). Rouen peut à la fois se présenter menaçante pour la domination royale et essentielle pour gouverner un territoire frontalier riche et doté d'une identité ancienne et forte. Il conviendra de s'interroger sur la notion de domination à travers l'étude du lien politique qui unit le pouvoir souverain et les Rouennais. La population de la ville sera prise en compte dans toute sa complexité, aussi bien les élites municipales que le reste des habitants dont on examinera la manière de percevoir et de vivre ces périodes de contestation du pouvoir royal. Il ne s'agira pas tant d'étudier des temps de rupture que des temps des construction de la domination au cours desquels le roi et la ville apprennent à coopérer.

Adrien Carbonnet est Maître de conférences à Sorbonne Université (Centre Roland Mousnier). Ses travaux portent sur les contestations du pouvoir souverain et sur le lien politique entre le roi de France et les villes au XVe siècle (Louis XI et les villes en révolte, Paris, Classiques Garnier, 2023). Ses recherches portent également sur les situations d'occupation militaire dans les villes frontalières à la fin du Moyen Âge (Artois, Cambrésis, Bourgognes, Roussillon).

Agrégée d'histoire-géographie et docteure en études médiévales, Anne Kucab s'est intéressée dans sa thèse aux questions économiques et sociales à Rouen pour le demi-siècle suivant la fin de la Guerre de Cent Ans. Il s'agissait notamment d'examiner les liens entre changements politiques et reprise économique. En tant que responsable d'opération archéologique dans l'Epte, elle a aussi interrogé la place de cette rivière en tant que frontière.

Benoît CLAVEL, Stéphanie DERVIN & Bénédicte GUILLOT : Gibiers, poissons et vins. Le repas comme lieu de pouvoir au XIIIe siècle au château de Caen
La communication portera sur l'étude de deux dépotoirs successifs fouillés au château de Caen, remarquable par la quantité et la variété des céramiques et des restes osseux mis au jour. Le mobilier céramique est représenté par près de 300 vases dont plus de la moitié par des pichets/cruches portant de nombreux décors alors que le matériel osseux est d'une très grande richesse, à la fois par le nombre et par la variété des espèces représentées. La détermination de plus de soixante espèces animales, avec une forte proportion de volaille, la présence conjointe des trois cervidés (daim, chevreuil et cerf), d'une bonne vingtaine d'espèces d'oiseaux sauvages et une première place tenue par les produits de la pêche (marine ou d'eau douce) amènent à nous tourner vers un régime au caractère exceptionnel. L'analyse ostéologique permet de préciser que ces rejets proviennent essentiellement, voire en totalité, de la préparation de repas et non de restes de table. Le mobilier céramique comprend lui une surreprésentation des récipients à liquides, dont une forte proportion de céramiques "très décorées" associées généralement à "la table" alors que les restes osseux sont issus d'une cuisine. La composition du lot semble donc au premier abord surprenante mais on se trouve manifestement dans le cadre d'un repas avec des personnages de haut rang, et fort probablement le roi de France, où tout est important, le lieu où se place le repas, le déroulé de ce dernier, les espèces consommées selon son rang et sa place au banquet, et la vaisselle utilisée même dans la préparation du festin.

Stéphanie Dervin est responsable de recherche archéologique spécialisée en céramologie médiévale à l'Inrap et membre permanent du Craham (Centre Michel de Boüard, UMR 6273). Son doctorat l'a portée à s'intéresser particulièrement aux céramiques des XIIIe et XIVe siècle retrouvés en Normandie occidentale et plus spécifiquement aux ensembles céramiques du château de Caen. Elle a notamment mené le réexamen des lots anciens ainsi que l'étude des nouvelles découvertes réalisées au château de Caen.

Bénédicte Guillot est responsable de recherches archéologiques à l'Inrap et membre permanent du Craham (Centre Michel de Boüard, UMR 6273). Un de ses sujets de recherches est le château de Caen et tout particulièrement les édifices de pouvoir et le domaine palatial. Elle a publié "Forge médiévale et écurie de la Renaissance au château de Caen" en 2015 (aux Presses Universitaires de Caen), a fouillé un second grand édifice construit au XIIe siècle et elle a repris les données des fouilles anciennes sur le donjon et le Vieux Palais. Elle dirige actuellement les fouilles en lien avec les travaux de restructuration de l'ensemble du château de Caen après avoir suivi pendant 2,5 ans les travaux du château de Villers-Cotterêts dans l'Aisne.

Grégory COMBALBERT : Une domination d'exception : les enclaves diocésaines en Normandie médiévale
À la fin du Moyen Âge, plusieurs des sept diocèses normands comprennent des "exemptions", c'est-à-dire des territoires enclavés à l'intérieur d'autres diocèses. L'objectif de cette communication est de proposer un examen méthodique des processus qui aboutissent à la constitution de ces "exemptions". Il s'agit de processus de domination de nature variée, qui posent la question de la capacité du titulaire d'une fonction épiscopale à être reconnu comme évêque d'un lieu déterminé, à une époque où le "droit épiscopal" et la juridiction associée sont encore inexistants ou en construction, et où les territoires diocésains ne sont pas fixés (du haut Moyen Âge au XIIIe siècle). Dans certains cas, la domination seigneuriale qu'exerce l'évêque est en cause, comme l'a suggéré ailleurs Florian Mazel. Dans d'autres, c'est l'exercice de fonctions ecclésiastiques non épiscopales par un évêque qui est à l'origine du processus. Toujours, cela finit par provoquer une confusion avec la domination spirituelle et juridictionnelle de l'évêque en qualité d'évêque. Dans plusieurs cas, on peut observer la construction consciente et choisie d'un contrôle aux multiples facettes qui permet, au-delà de la personne de l'évêque, de rattacher le lieu en question à un siège épiscopal qui n'aurait a priori pas dû être son siège de référence, jusqu'à finalement donner à la situation un habillage juridique, la confusion des dominations fondant alors une exception en droit.

Grégory Combalbert est maître de conférences d'histoire médiévale à l'université de Caen Normandie, rattaché au CRAHAM (UMR 6273). Il porte le projet ACTÉPI, soutenu par l'ANR. Ses travaux portent sur l'Église et sur les pratiques documentaires, en particulier les actes d'évêques, en Normandie médiévale entre le XIe et le XIIIe siècle. Il a publié "Sauf le droit épiscopal". Évêques, paroisses et société dans la province ecclésiastique de Rouen (XIe-milieu du XIIIe siècle), Caen, Presses universitaires de Caen, 2021.

Antoine DESTEMBERG
Antoine Destemberg est Maître de conférences en histoire médiévale à l'université d'Artois et Research Fellow (Classics and Medieval Studies) à la Maison française d'Oxford (CNRS – UAR 3129 / UMIFRE 11). Agrégé d'histoire et docteur de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sa thèse a été éditée en 2015 aux Presses universitaires de France sous le titre L'honneur des universitaires au Moyen Âge. Études d'imaginaire social (Prix Le Monde de la recherche universitaire ; Prix Lantier de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres). Ses recherches portent sur la construction et les ressorts de l'imaginaire social des élites intellectuelles, les formes d'acculturation savante et le rôle des universitaires dans l'élaboration d'une théologie sociale de gouvernement. Membre du comité éditorial de la Revue historique, il dirige au sein du Centre de Recherche et d'Études Histoire et Société (UR 4027) le programme "Dominatio. Formes et modalités de la gouvernementalité médiévale", ainsi que le programme de recherche ANR "SOCIOMA : Pour une sociologie médiévale / For a medieval sociology" (2024-2028).
Publications récentes
""A desire to see more clearly" : theological device and sociological innovation of scholars in the 13th-15th centuries", dans Innovation and Medieval Communities (1200-1500), Nils Bock et Élodie Lecuppre-Desjardin (dir.), Turnhout, Brepols, coll. "Studies in European Urban History", 2024.
"Création divine et naturalisation de l'ordre social aux XIIIe-XVe siècles : l'exégèse visuelle et textuelle de la Genèse dans les Bibles moralisées", dans Naturalisation and Legitimation of Power (1300-1600), Éloïse Adde et Jonathan Dumont (dir.), Florence, Sismel – Edizioni del Galluzo, coll. "Micrologus'Library", 2024.

Leonie HICKS : Gestion de l'environnement ou domination ? Cartographie des ressources à partir des chartes ducales en Normandie
Cet article cherche à réunir l'étude des chartes, l'histoire de l'environnement et les approches numériques pour étudier si les seigneurs étaient des agents actifs dans la consolidation et la maximisation des ressources naturelles, par exemple les forêts gérées, les droits de pêche et les ressources fluviales, la production de sel, etc. Dans l'affirmative, comment géraient-ils ces ressources et que peuvent nous apprendre les preuves sur les qualités de la terre ? En m'appuyant sur les chartes et les chroniques, j'ai l'intention d'utiliser le SIG pour cartographier ces ressources, ce qui pourrait nous éclairer sur la concurrence entre les seigneurs. Cette communication reflétera les aspects spatiaux des thèmes de la conférence.

Leonie Hicks est Professor of Medieval Studies at Canterbury Christ Church University. De septembre 2023 à août 2025, elle sera titulaire d'une bourse de recherche majeure Leverhulme pour achever son prochain livre Landscapes of the Normans : Ways of Seeing. Elle a déjà écrit A Short History of the Normans (I.B. Tauris, 2016) ainsi que des ouvrages sur l'histoire monastique normande, l'utilisation de l'espace et les paysages. Elle a édité un recueil d'essais sur le Rouen médiéval avec Elma Brenner et un autre sur les frontières et le monde normand avec Dan Armstrong, Áron Kecskés et Charles Rozier.

Catherine LETOUZEY-RÉTY : "Dei gratia Sanctę Trinitatis de Cadomo abbatissa" : exercer sa domination sur la terre et les hommes à l'abbaye de la Trinité de Caen (XIe-XIIIe s.)
Dès la fondation de l'abbaye de La Trinité de Caen par Guillaume et Mathilde, la première abbesse, Mathilde de Préaux, se trouva dotée d'une autorité considérable, exerçant une domination sur l'ensemble des terres et des hommes du vaste temporel constitué par le couple ducal. Dans le prolongement de la réflexion menée par V.G. Spear (Leadership in medieval English nunneries), on pourra s'interroger sur une quelconque spécificité féminine dans l'exercice de cette domination. À l'instar du cas de Fontevraud, et de celui de nombre de grands monastères de femmes de l'Ouest de la France et d'Angleterre, on soulignera que les femmes placées à la tête de La Trinité de Caen furent en mesure d'élaborer des stratégies de gestion spécifiques, de négocier, et d'imposer leur suprématie en matière économique — en bref, d'exercer les différentes facettes d'une domination tant symbolique que matérielle.

Catherine Letouzey-Réty est Professeur en CPGE, filière Chartes (histoire de l'art et histoire médiévale, lycée Pierre de Fermat, Toulouse). Elle a soutenu 2011 une thèse intitulée "Écrit et gestion du temporel dans une grande abbaye de femmes anglo-normande : la Sainte-Trinité de Caen (XIe-XIIIe siècle)" (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et I.H.R/université de Londres), menée sous la direction de Laurent Feller et de David Bates.

Camille MARCY MARGUERITE : Le château de Gisors, une architecture marquée par les changements de pouvoir
La communication s'attachera à mettre en lumière comment l'aménagement du château de Gisors, situé sur une frontière majeure aux XIIe et XIIIe siècles, traduit les changements de domination du Vexin normand. Nous verrons ainsi les programmes architecturaux initiés par Henri II Plantagenet, Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste, mais également comment les bâtiments ont pu être débutés par l'un puis finis par l'autre au gré des conquêtes et des accords. Nous évoquerons également comment la juxtaposition des éléments architecturaux marqueurs d'un pouvoir (enceintes, tours maitresses, lieu de justice, portes) s'impose alors comme manière de démontrer sa domination sur le territoire.

Arnaud MONTREUIL : L'adoubement chevaleresque et la domination seigneuriale laïque en Normandie (v. 1175-v. 1300)
Cette communication posera la question du rapport entre une pratique sociale distinctive de l'aristocratie laïque — l'adoubement chevaleresque — et ses effets sur l'actualisation, la reproduction et la transformation de la domination seigneuriale laïque en Normandie entre la fin du XIIe siècle au tout début du XIVe. Elle démontrera que la pratique de l'adoubement chevaleresque agissait à deux niveaux : à l'échelle du groupe dominant d'abord, car la tenue d'un adoubement chevaleresque avait pour fonction de réaménager les hiérarchies internes du groupe chevaleresque, et pour résultat de reproduire sa cohésion sociale ; au sein du rapport seigneurial ensuite, dans le cadre coutumier des aides aux trois cas, où elle constituait une forme de participation consentante (et distincte de la fiscalité) des communautés à la reproduction du pouvoir de leur seigneur.

Titulaire d'un doctorat de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Arnaud Montreuil est professeur régulier en histoire à l'université du Québec à Chicoutimi depuis 2023. Ses recherches portent notamment sur la sociologie historique des groupes dominants dans l'Europe médiévale. Sa thèse, soutenue en septembre 2022 et intitulée Écrire, décrire et saisir l'adoubement chevaleresque a été récompensée par le prix Boyle 2023 de la Société canadienne des médiévistes.

Aude PAINCHAULT : Châteaux ducaux, châteaux rebelles en Normandie sous Henri Ier Beauclerc, les marqueurs de la domination et de la contestation du pouvoir
Au cours de la période ducale, la domination des ducs sur le territoire de la Normandie est matérialisée entre autres par la construction d'un réseau de châteaux. L'autorité d'Henri 1er Beauclerc au XIIe siècle sur les terres normandes, s'appuie alors sur les constructions de ses prédécesseurs mais également sur ses propres créations ou améliorations avec notamment l'édification de donjons quadrangulaires comme à Arques-la-Bataille ou Falaise. Néanmoins, le caractère controversé de sa prise de pouvoir en Normandie, par l'emprisonnement de son frère Robert, puis l'absence d'héritier mâle après la mort de son fils Guillaume Ascelin, disparu lors du naufrage de la Blanche Nef, suscitent un certain nombre de contestations seigneuriales. Elles se traduisent par des tentatives de déstabilisation, qui ont pour centre de la rébellion, les châteaux seigneuriaux. À travers ces mouvements de contestation et la réponse du roi d'Angleterre et de ses fidèles, le réseau de châteaux ducal et seigneurial est mis en exergue et montre que le territoire fait l'objet d'un quadrillage presque complet, assurant ainsi un contrôle manifeste du roi sur celui-ci. La question sera abordée de manière interdisciplinaire à travers la documentation écrite laissée par les chroniqueurs et à travers les sources archéologiques. La révolte de 1118-1119 fomentée par Amaury de Montfort et les exemples du domaine de Breteuil-Tosny, de Gournay ou encore d'Alençon étayeront les différents points abordés au cours de ce propos.

Aude Painchault est Docteure en histoire et archéologie médiévales, spécialisée sur les châteaux normands de la période du XIIe siècle ; Ingénieure à la DRAC de Normandie, Chargée de cours en Archéologie Médiévale à l'université de Rouen, Membre associée au CRAHAM. Elle est responsable scientifique de la fouille du château médiéval de Maulévrier (76) et responsable scientifique d'une recherche thématique sur les archéomatériaux : "L'utilisation de la craie de Vallée de Seine dans le bâti médiéval en Normandie orientale (Xe-XIVe s.)".
Bibliographie
"La salle pavée du château de Maulévrier (76), XIIIe-XIVe siècle ?", Journées archéologiques de Normandie du 7 avril 2024, Alençon, à paraître.
"Quelques exemples sur les usages de la craie dans le bâti castral et religieux en Normandie orientale (Xe-XVe s.)", Châteaux et Églises, Château Gaillard 30, Études de castellologie médiévale, Actes du 30e colloque international tenu à Goldegg (Autriche) en septembre 2022, à paraître.
"La construction de maisons neuves dans la basse cour du château à Maulévrier-Sainte-Gertrude (76). Ouvriers, maçons tuiliers : ces occupants temporaires du château", Château Gaillard 29. Études de castellologie médiévale, Actes du 29e colloque international tenu à Château-Thierry (France) en août 2018, Publications du CRAHAM, PUC, Caen, 2020.
"L'empreinte castrale dans le paysage normand à Maulévrier-Sainte-Gertrude – 76", Château et paysage, Château Gaillard 28. Étude de castellologie médiévale, Actes du 28e colloque international à Roscommon (Irlande) en août 2016, Publications du CRAHAM, PUC, Caen, 2018.
"Les châteaux dans l'œuvre d'Orderic Vital et leurs traces archéologiques", A.-M. Flambard Héricher (dir.), Mémoire de Thèse de l'université de Rouen, Rouen, 2015.

Lény RETOUX : Faire valoir sa domination : Guillaume d'Estouteville face aux conflits de juridiction liés à la coutume de Dieppe (1453-1483)
Au XVe siècle, Dieppe, notamment grâce à l'importance de son port, constitue une source conséquente de revenus pour l'archevêque de Rouen qui en est le seigneur temporel. Il prélève dans cette ville des redevances sur le commerce et il y possède des prérogatives sur la mer mais aussi sur la pêche sur l'Arques. Certains de ces droits, plus communément appelés "coutumes", sont décrits dans un coutumier mis par écrit en 1396 et s'exercent sur un territoire centré sur Dieppe, mais dont il est difficile de définir précisément les limites. Par conséquent, le prélèvement des coutumes et la revendication de ces droits a pu parfois entrainer des conflits avec les seigneuries et juridictions voisines. C'est notamment le cas au début de l'archiépiscopat de Guillaume d'Estouteville (1453-1483) qui doit faire face aux représentants royaux tels que l'amiral de France et le vicomte d'Arques. Ainsi, cette communication se propose d'analyser ces conflits et leurs ressorts et la manière dont l'archevêque de Rouen justifie la possession des coutumes qui lui sont contestées sur certains territoires. D'autre part, il s'agit de voir comment ces conflits sont une occasion pour l'archevêque d'affirmer ses prétentions sur un espace et constituent un outil de territorialisation de son pouvoir. Le sujet est d'autant plus pertinent qu'il se place dans un contexte où la domination des archevêques de Rouen sur Dieppe a longtemps été remise en cause par une confiscation de leur pouvoir temporel sur cette seigneurie par le roi de France de 1435 à 1449 et lors de la régale qui a précédé l'élection de Guillaume d'Estouteville à l'archiépiscopat.

Lény Retoux est Doctorant allocataire en histoire médiévale depuis octobre 2022 à l'université de Caen Normandie sous la direction de Laurence Jean-Marie. Sa thèse a pour titre : "Coutumiers et perception des coutumes dans les seigneuries de l'archevêque de Rouen à la fin du Moyen Âge : pratiques scripturaires et comptables comme outils d'administration".

Lydwine SCORDIA : Michel Dumont, bourgeois de Rouen, et ses achats de fiefs nobles en Pays de Caux sous la monarchie lancastrienne
Les conquêtes d'Henry V ont provoqué de nombreux changements de propriété concernant les fiefs nobles de Normandie (confiscations, morts, "chevaliers absents"…). Ces mutations ont laissé des traces dans les lettres patentes des Norman Rolls d'Henry V (The Norman Rolls of Henry V - Home), les édits royaux de Charles VII, les minutes du tabellionage de Rouen (ADSM, série 2 1) et les arrêts de l'Échiquier de Normandie (ASDM, série 1 B). Le croisement de ces documents largement inédits permet de faire apparaître de nombreux acteurs allant des maîtres de la terre (anciens et nouveaux propriétaires), aux intermédiaires de toutes sortes (procureurs, "conseulx"…) et aux officiers royaux des juridictions gracieuses et contentieuses, qui ont acté les contrats et siégé aux différents étages des procédures judiciaires. Ce contexte offre la possibilité de faire une enquête judiciaire, financière et sociale, centrée sur les relations entre anciens et nouveaux maîtres de la terre en Pays de Caux sous la monarchie lancastrienne, à partir du cas de Michel Dumont, bourgeois de Rouen, lieutenant du vicomte de Rouen, qui a multiplié les achats de fiefs ou portions de fiefs nobles dans les années 1420-1430.

Lydwine Scordia est PR d'histoire médiévale à l'université de Rouen Normandie. Ses thèmes de recherches (XIIIe-XVIe siècle) se portent sur les relations gouvernants-gouvernés dans le royaume de France (registres argumentatifs, représentations réciproques…) ; la Normandie entre France et Angleterre (rivalités, réseaux de pouvoirs et adaptations…). Depuis 2021, elle s'occupe du montage d'un stage annuel d'initiation au tabellionage normand et un programme de recherche TabelNorm (IA et registres des tabellions).
Publications récentes
"La "duchié de Normandie", entre France et Angleterre dans la chronique du Rosier des guerres", Royauté, écriture et théâtre au Moyen Âge. Mélanges en l'honneur d'Élisabeth Lalou, Marie Bouhaïk-Gironès, Alexis Grélois et Xavier Hélary (dir.), Rouen-Le Havre, PURH, 2024, p. 107-120.
"Le Normand Pierre Choinet, médecin et astrologue de Louis XI", Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, 81, 2024, p. 143-157.
"Jeanne Dumont, bourgeoise de Rouen : patrimoines et dévotions d'une héritière au XVe siècle", Annales de Normandie, 73, 2023, p. 109-133.
2020- Richesses du tabellionage normand au Moyen Âge, Lydwine Scordia (dir.), Tabularia. Sources écrites des mondes normands médiévaux.

Caroline SIMONET : Mettre en scène la domination. La place des femmes dans le scellement d'actes en Normandie médiévale (nobles, religieuses, paysannes, bourgeoises)
Le scellement des actes se caractérise par une très large ouverture sociale en Normandie, la coutume favorisant l'usage des sceaux par les paysans et les jeunes héritières pas encore mariées. Ainsi le duché offre une situation originale en matière de sceaux féminins : les paysannes possédaient des sceaux au même titre que les aristocrates. Cependant la possession d'un tel objet, loin d'effacer les hiérarchies, soulignait au contraire les rapports de domination sociale, territoriale, économique et genrée. La légende des sceaux féminins définissait les sigillantes à l'aune de leur statut marital. Mais nombre de femmes mariées scellaient sans leur époux ou portait un nom qui leur était propre. Par ailleurs, revendiquer sa parenté avec le lignage d'un mari permettait d'asseoir son rang dans la société. Quant aux abbesses, certaines n'hésitaient pas à se dire abbesse dei gratia, comme le faisaient les rois ou les évêques. Si la domination sociale des élites féminines transparaissait dans l'emploi prestigieux du portrait sigillaire, la qualité et la dimension des matrices montraient également le pouvoir économique des aristocrates et de certaines abbesses, parfois des bourgeoises. À l'inverse, les sceaux de certaines bourgeoises, voire de dames de la petite noblesse ne les distinguaient guère des sceaux de paysannes : la domination sociale ne transparaît donc pas toujours sur l'objet, ou du moins l'objet met en lumière la diversité des situations économiques au sein d'un même groupe social. Enfin, la domination passait aussi par la diffusion territoriale des empreintes : les dames de la noblesse expédiaient au loin des actes scellés, en lien avec un patrimoine éparpillé au gré des origines et alliances, signe de l'importance de leur réseau familial, alors que les actes des paysannes demeuraient en Normandie.

Caroline Simonet est Docteur en histoire médiévale (Paris I), co-rédactrice en chef de la Revue française d'héraldique et de sigillographie, membre associé du CRAHAM (Université de Caen Normandie). Ses travaux sont consacrés à la sigillographie et à l'emblématique, autour de quatre axes : la question du pouvoir, avec des études centrées sur la circulation des emblèmes au sein des lignages aristocratiques (notamment anglo-normands) ; l'héritage antique sur les sceaux ; l'animal emblème ; les usages sigillaires du petit clergé, tant régulier que séculier.
Publications
"Objects of the law, holy images : religious iconography on medieval seals in France", Method and Theory in the Study of Religion. Journal of the North American Association for the Study of Religion, (dir.) Daniel Dubuisson, Brill, 2015, vol. 27, n°4-5, p. 361-383.
"The (Re-)Use of Ancient Gems and Coins : the Presence of Antiquity in Medieval Sigillography", A Companion to Seals in the Middle Ages, (éd.) Laura Whatley, Leyde-Boston, Brill, 2019, p. 355-396.
"Le scribe à Laon et à Soissons : au service de l'Église, du roi et de la ville. Esquisses de carrières (XIIIe-XVe siècles)", Le scribe d'archives dans l'Occident médiéval : formations, carrières, réseaux, (éd.) Xavier Hermand, Jean-François Nieus, Étienne Renard, Utrecht Studies in Medieval Litteracy, vol. 43, Turnhout, Brepols, 2019, p. 441-468.
"L'excommunication des Frères mineurs de Rouen (1285). Des chartes multi-scellées au service de la politique de l'archevêque", Écrire à l'ombre des cathédrales. Espace anglo-normand et France de l'Ouest, XIe-XIIIe siècle, Colloque de Cerisy, (dir.) Grégory Combalbert, Chantal Senséby, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2024, p. 195-224.

Laure VERDON-LOPPACHER
Laure Verdon-Loppacher est professeur d'histoire du Moyen Âge à l'université d'Aix-Marseille. Elle est membre de l'UMR 7303 TELEMMe AMU-CNRS et directrice de l'École doctorale 355 "Espaces, Cultures, Sociétés" d'Aix-Marseille université. Ses recherches portent sur les structures seigneuriales, la place des femmes et les interactions entre dominants et dominés. Son Habilitation à diriger les recherches avait pour thème : "L'enquête en Provence sous les premiers Angevins (1250-1309). Structures, rites et pratiques du pouvoir à travers les usages de la procédure inquisitoire". Son doctorat, quant à lui, portait sur : "La terre et les hommes en Roussillon aux XIIe et XIIIe siècles. Structures seigneuriales, rente et société d'après les sources templières".
Principales publications
"Communauté(s)", dans Nouvelle Histoire du Moyen Âge, sous la direction de Florian Mazel, Seuil, Paris, 2021.
"The Prince, his Officer and the Community : How Secular Inquisitorial Procedures Brought against Officers Contributed to Community-Building in the Thirtheenth-Century Comtat Venaissin", The Officer and the People. Accountability and Authority in Pre-Modern Europe, Maria Angeles Martin Romera and Hannes Ziegler (eds), Oxford University Press, Oxford, 2021, p. 77-97.
"S'émanciper par la délibération ? Autour du premier registre de délibérations communales de Trets (Provence, 1340)", Edad Media. Revista de Historia, n°21, 2020, p. 153-177.
"Refus de justice et identité nobilaire. L'afffaire Hugues de Baux contre Pelet de Mimet, Roquevaire (1298-1303)", dans M. Charageat, M. Soula (dir), Résister à la justice XIIe-XVIIIe siècles, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 59-74.
La voix des dominés. Communauté et seigneurie en Provence au bas Moyen Âge, Rennes, PUR, 2013.
L'enquête générale de Leopardo da Foligno en Provence centrale, introduction et transcription de l'enquête sur la baillie de Castellane, Paris, CTHS, 2011.
"La paix du prince. Droit savant et pratiques féodales dans la construction de l'État en Provence (1250-1309)", dans Revue Historique, n°654, 2010, p. 291-336.
"Territoires de domination et structuration des communautés au miroir de la fiscalité comtale. Forcalquier et Fontienne, 1345", Mélanges en l'honneur du Professeur Jean-Michel Matz, sous la direction de Isabelle Mathieu et Thierry Pécout, PUR, Rennes, 2024.
Sous Presse
"Les femmes et le pouvoir seigneurial en Provence. Autour de l'hommage des habitants de Régusse à Marguerite de Trian, 14 et 15 mai 1422", Mélanges Elisabeth Malamut, sous la direction de Jean-Baptiste Delzant et Guy Le Thiec, Dossiers Byzantins.
"Enjeux historiographiques de la seigneurie provençale médiévale", à paraître dans L'Atelier du CRH (EHESS).
"Fief, féodalité et seigneurie en Provence à travers l'œuvre de Camille Arnaud (deuxième moitié du XIXe siècle", Séminaire EHESS Paris, novembre-décembre 2023.
"La révolte de Taulignan (Drôme provençale) en août 1333 : la "fabrique" d'un scandale", Mélanges Aymat Catafau, sous la direction d'Olivier Passarrius et Nicolas Berjoan, Presses de Perpignan.


BIBLIOGRAPHIE :

• ANGERS Denise, Le terrier de la famille d'Orbec à Cideville (Haute-Normandie) : XIVe-XVIe siècles, Montréal, Presses de l'université de Montréal, 1993.
• BARTHELEMY Dominique, Les deux âges de la seigneurie banale : pouvoir et société dans la terre des sires de Coucy milieu XIe-milieu XIIIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1984.
• BAUDUIN Pierre, La première Normandie, Xe-XIe siècles : sur les frontières de la Haute-Normandie, identité et construction d'une principauté, Caen / Mont-Saint-Aignan, Pôle universitaire normand / Presses universitaires de Caen / Publications des universités de Rouen et du Havre, 2006.
• BOIS Guy, Crise du féodalisme : économie rurale et démographie en Normandie orientale du début du XIVe siècle au milieu du XVIe siècle, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1976.
• BOURIN Monique et Pascual MARTINEZ SOPENA (éd.), Pour une anthropologie du prélèvement seigneurial dans les campagnes médiévales : XIe-XIVe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, 2 vol.
• BOVE Boris, Dominer la ville : prévôts des marchands et échevins parisiens de 1260 à 1350, Éditions du CTHS, 2004.
• DELISLE Léopold, Études sur la condition de la classe agricole et l'état de l'agriculture en Normandie au Moyen Âge, Évreux, A. Hérissey, 1851.
• FOSSIER Robert, La terre et les hommes en Picardie jusqu'à la fin du XIIIe siècle, Amiens, Centre régional de documentation pédagogique, 1987.
• GUERREAU Alain, "Féodalité", dans Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt (éd.), Dictionnaire raisonné de l'Occident médiéval, Paris, Fayard, 1999, p. 387-406.
• JEAN-MARIE Laurence et Christophe MANEUVRIER (dir.), Distinction et supériorité sociale (Moyen Âge et époque moderne), Colloque de Cerisy (2007), Caen, Publications du CRAHM, 2010.
• MAZEL Florian, L'espace du diocèse : genèse d'un territoire dans l'Occident médiéval, Ve-XIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.
• MORSEL Joseph, La noblesse contre le prince : l'espace social des Thüngen à la fin du Moyen Âge, Franconie, v. 1250-1525, Stuttgart, JThorbecke, 2000.
• MUSSET Lucien, "Gouvernés et gouvernants, II, Gouvernés et gouvernants dans le monde scandinave et dans le monde normand (XIe-XIIe siècles)", dans Gouvernés et gouvernants, Bruxelles, Éditions de la Librairie encyclopédique, 1968, p. 439-468.
• SENELLART Michel, Les arts de gouverner : du "regimen" médiéval au concept de gouvernement, Paris, Éditions du Seuil, 1995.
• STRAYER Joseph R., On the medieval origins of the modern State, Princeton, Princeton University Press, 1970.


SOUTIENS :

• Université de Caen Normandie (UNICAEN)
• Centre Michel de Boüard - Craham (UMR 6273) | Université de Caen Normandie (UNICAEN)
• Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
• Direction régionale des Affaires culturelles Normandie (DRAC Normandie)
• École doctorale 558 — Normandie Humanités | Université de Caen Normandie (UNICAEN)
• Office universitaire d'études normandes (OUEN) | Université de Caen Normandie (UNICAEN)
• Maison de la recherche en sciences humaines de Caen (MRSH) | Université de Caen Normandie (UNICAEN)
• Institute of historical research (IHR)


BULLETIN D'INSCRIPTION


Les inscriptions à ce colloque sont maintenant ouvertes. Au regard de notre capacité d'accueil, celles-ci pourront être mises sur une liste d'attente.


Avant de remplir ce bulletin, consulter la page Inscription de notre site.

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[par exemple : grande taille (plus de 1,80 m), problèmes de mobilité, partage d'une chambre ou voisinage de chambres, inscription groupée, régime médicalement surveillé, ...]
Ces renseignements sont utiles à la répartition des chambres. Le logement est assuré au château de Cerisy et ses dépendances, en chambres doubles ou individuelles. En cas de grande affluence, les inscrits tardifs se logeront aux alentours.

Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


LA PERFORMANCE COMME MÉTHODE

QUAND LES ARTS VIVANTS RENCONTRENT LES SCIENCES SOCIALES


DU SAMEDI 21 SEPTEMBRE (19 H) AU VENDREDI 27 SEPTEMBRE (14 H) 2024

[ colloque de 6 jours ]



ARGUMENT :

Si les rencontres entre les arts et les sciences se multiplient selon des modalités diverses qui déplacent les limites entre domaines, ces rapprochements permettent de questionner les complémentarités qui opèrent entre les pratiques des artistes et des scientifiques. Ce colloque mettra en scène les rencontres qui existent déjà entre les arts vivants (théâtre, danse ou performance) et les sciences sociales, en portant l'accent sur les démarches de terrain. Et cela pour décloisonner les disciplines et langages en envisageant la circulation d'un champ à l'autre, mise en œuvre sous l'angle de la performance, afin de favoriser au cœur du colloque un travail expérimental.

Nous questionnerons ce qu'est un colloque de Cerisy, c'est-à-dire à la fois cette forme très normée (modalités et attendus) de manifestation scientifique, mais aussi le lieu qui l'accueille et qui lui confère à la fois sa spécificité et son ancrage dans une tradition intellectuelle. Les espaces du château deviendront des laboratoires d'expérimentation où étudier la spécificité d'un colloque : non plus un lieu où l'on parle entre soi, mais un lieu de création, un lieu d'hospitalité où la co-présence est essentielle à un dialogue en action. Le programme sera structuré autour d'ateliers de retours d'expérience ou d'échanges de pratiques, mais aussi de performances et de restitutions de travaux. La configuration du château, tout comme l'esprit qui y règne, invite à forger une petite communauté qui habite Cerisy pendant une semaine comme une ressource, un terrain ou un corpus commun. Plutôt que de débattre de savoirs déjà là, nous habiterons ce lieu pour douter, expérimenter, penser ensemble, faire laboratoire. Par ses espaces, son fonctionnement institutionnel, sa communauté intellectuelle, son histoire, ses matières de créer, le Centre culturel permettra d'accomplir des gestes au croisement entre arts du spectacle et sciences sociales (se situer, observer, collecter, arpenter, enquêter, documenter, intervenir, interpréter, traduire, raconter, restituer…). Un colloque en actes, avant la publication des Actes du colloque sous la forme d'un manifeste et d'un cahier d'activités.

Alors que se développent des démarches de recherche-création et du practical turn des humanités et des sciences sociales, l'on s'intéressera aux gestes artistiques comme processus de recherche, aux pratiques donnant forme à des recherches et savoirs propres à l'action ou à la performance. Nous expérimenterons ces productions de "savoirs situés" et dégagerons la spécificité des savoirs incarnés ainsi que les liens entre recherche artistique et recherche académique dans une approche dialogique (et donc hétérogène), interdisciplinaire et expérientielle.


MOTS-CLÉS :

Arts vivants, Enquête, Essai, Expérience, Hybridité, Matériaux, Méthode, Performance, Protocole, Recherche-création, Sciences sociales, Terrain, Théâtre


CALENDRIER PROVISOIRE (26/05/2024) :

Samedi 21 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants
Introduction : Book club de présentation


Dimanche 22 septembre
Matin
En parallèle
"Atelier", animé par Barbara MÉTAIS-CHASTANIER
"Adapter Thésée. Sa vie nouvelle" (1), atelier animé par Camille DE TOLEDO, Fabien JOUBERT, Michel LUSSAULT et Marion SUZANNE

Après-midi
En parallèle
"L'usage du terrain" (1), atelier animé par Rémy HÉRITIER
"De Cerisy à l'humanité - une croyance en l'universel (essai n°32)" (1), atelier animé par Caroline ARROUAS et Guillermo PISANI

Dispute, avec Mathieu POTTE-BONNEVILLE

Soirée
"Regimen Sanitatis Salernitanum, un apprentissage" (1), atelier animé par Ondine CLOEZ


Lundi 23 septembre
Matin
"Regimen Sanitatis Salernitanum, un apprentissage" (2), atelier animé par Ondine CLOEZ

Après-midi
En parallèle
"Une géoscénographie à l'épreuve de Cerisy", atelier animé par Carolina E. SANTO
"De Cerisy à l'humanité - une croyance en l'universel (essai n°32)" (2), atelier animé par Caroline ARROUAS et Guillermo PISANI

Bardane et moi, performance de Chloé DÉCHERY

Soirée
En parallèle
"L'usage du terrain" (2), atelier animé par Rémy HÉRITIER
"Atelier" (2), animé par Barbara MÉTAIS-CHASTANIER


Mardi 24 septembre
Matin
En parallèle
"L'usage du terrain" (3), atelier animé par Rémy HÉRITIER
"De Cerisy à l'humanité - une croyance en l'universel (essai n°32)" (3), atelier animé par Caroline ARROUAS et Guillermo PISANI

Après-midi
En parallèle
"Regimen Sanitatis Salernitanum, un apprentissage" (3), atelier animé par Ondine CLOEZ
"Atelier" (3), animé par Barbara MÉTAIS-CHASTANIER

Dispute, avec Frédérique AÏT-TOUATI

Soirée
"Adapter Thésée. Sa vie nouvelle" (2), atelier animé par Camille DE TOLEDO, Fabien JOUBERT, Michel LUSSAULT et Marion SUZANNE


Mercredi 25 septembre
Matin
"Enquête/création : penser l'enquête par les formes", atelier animé par Nicolas NOVA

Après-midi
En parallèle
"L'usage du terrain" (4), atelier animé par Rémy HÉRITIER
"De Cerisy à l'humanité - une croyance en l'universel (essai n°32)" (4), atelier animé par Caroline ARROUAS et Guillermo PISANI

Dispute, avec Carolina E. SANTO

Soirée
Ciné-club, avec Chloé GILBERT-LAINÉ et Chloé LAVALETTE


Jeudi 26 septembre
"HORS LES MURS" — LE PRÉAU | CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE NORMANDIE (VIRE)
Programme en cours d'élaboration


Vendredi 27 septembre
Matin
"Acter la recherche", atelier conclusif mené par Philippe ARTIÈRES

Après-midi
DÉPARTS


PRÉSENTATION DES ATELIERS :

"Adapter Thésée. Sa vie nouvelle", animé par Camille DE TOLEDO, Fabien JOUBERT, Michel LUSSAULT et Marion SUZANNE
Un atelier pour montrer les différentes étapes d'un processus d'adaptation et de mise en scène d'un texte comme Thésée. Il sera structuré autour des grands enjeux de l'adaptation, de la dramaturgie et de la scénographie, activités qui ont associé comédiens (Marion Suzanne, Fabien Joubert), Metteur en scène (Fabien Joubert), Géographe (Michel Lussault), en dialogue avec l'auteur (Camille de Toledo). L'atelier abordera donc 4 thématiques-clefs.
1. Que reste-t-il du XXe siècle ?
Alors que le récit moderne s'est magnifié durant les trente glorieuses jusqu'à vouloir faire oublier les traumatismes des guerres et des génocides, quelles sont les traces du XXe siècle dans notre actualité ? Comment celui-ci ressurgit-il au sein des grandes questions contemporaines que nous avons à affronter ?
2. Le corps et ses fantômes
Thésée s'effondre parce qu'il porte des fantômes, réduit au silence par l'oubli et les défauts de récits familiaux. Mais chaque individu n'est-il pas le siège de ces tensions mémorielles contrariées, nos corps et nos esprits ne se chargent-ils pas, toujours, des poids cumulés des deuils, des douleurs, des chagrins, ne sommes-nous pas toujours rattrapés par les mémoires transgénérationnelles qui peuvent nous blesser jusqu'à nous mettre à terre ou, au contraire, nous soutenir ?
3. Altération/réparation
Le fil conducteur de Thésée est celui de la tension entre altération et réparation. Ce couple a le mérite d'être pertinent pour tous les objets à toutes les échelles : de l'individu, de la famille, d'une activité économique, d'une société, de la planète-terre elle-même. Ne serait-ce pas une caractéristique de cette époque anthropocène dans laquelle nous entrons que de nous confronter à la généralisation de cette question de l'altération et des possibles voies réparatrices qui (ré)confortent.
4. L'Enquête comme mode d'existence
En sciences sociales, en littérature, au cinéma, dans les séries, au théâtre la méthode de l'enquête et la figure de l'enquêteur deviennent omniprésentes. Thésée. Sa vie nouvelle, se conçoit comme une restitution au plateau d'une enquête "généalogique". Comment comprendre cette fascination contemporaine, où il semble nécessaire de toujours enquêter — mais pour élucider quel crime, car le problème fondamental est bien celui de la question posée par l'enquête, comme le montre le leitmotiv de Thésée : qui commet le meurtre d'un homme qui se tue ?


"L'usage du terrain", animé par Rémy HÉRITIER
L'usage du terrain est une pièce de recherche-création qui a connu deux développements distincts, chaque fois dans l'espace public, à Pantin en 2018 et à Vitry en 2022.
Via nos pratiques artistiques et de recherche, il s'agissait à Pantin de procéder à "l'archéologie préventive par le chorégraphique" d'un lieu en transition avant la construction d'un conservatoire en lieu et place d'un terrain de sport délaissé des années 1930.
À Vitry neuf artistes du champ chorégraphique se sont relayés sept jours sur sept pendant six semaines sur un terrain "sans qualité" du centre ville. Chaque prise de relai était médiée par un habitant de Vitry à qui était confiée la tâche de transmettre formes, récits et contenus aux artistes suivants. À l'issue du processus de création ces passeuses et ce passeur sont désormais les dépositaires de l'œuvre, garants de sa réactivation.
À Cerisy, je voudrais transposer les processus d'enquête mis à jour à Vitry pour les éprouver non plus dans un espace public mais sur le site même du Centre culturel international : ses espaces extérieurs, intérieurs (cuisines, secrétariat, salles de réunions, salle à manger, etc). Je voudrais constituer un groupe d'une dizaine de personnes maximum, composé de chercheurs, d'artistes, d'auditeurs avec qui inventer des pratiques d'enquêtes permettant d'éclairer ce terrain depuis une autre perspective. Je souhaiterais également que deux ou trois membres du personnel (quelles que soient leur fonctions) nous rejoignent en qualité de passeur et qu'ils deviennent les dépositaires de nos pratiques, partitions pour pouvoir ensuite les réactiver lors de futurs colloques.
Aucune pratique spécifique de la danse n'est requise pour participer !


"De Cerisy à l'humanité - une croyance en l'universel (essai n°32)", animé par Caroline ARROUAS et Guillermo PISANI
L'existence même d'un lieu comme le Centre culturel international de Cerisy repose en partie sur cette croyance que ce à quoi nous réfléchissons et ce dont nous discutons dans les colloques a une importance bien au-delà de ces murs… une importance universelle. Le travail d'atelier, suivant l'une des démarches du laboratoire CROYANCES de la Compagnie LSDI, proposera d'explorer des procédés théâtraux nous permettant de déplacer / révéler certaines de nos croyances, que nous ne percevons pas aisément d'habitude. De quelle manière le colloque de Cerisy s'articule avec (ou contre) ces croyances ? À travers quels rituels ? L'activité de l'atelier sera de tenter de mettre en jeu ces croyances dans le contexte de Cerisy, à partir de procédés théâtraux, c'est-à-dire par l'écriture et par le jeu, plutôt que par une appréhension intellectuelle.


"Regimen Sanitatis Salernitanum, un apprentissage", animé par Ondine CLOEZ
Pendant ces trois ateliers Ondine Cloez, avec la complicité de Viviane Griveau-Genest, offre le jardin de Cerisy, éclairé par les sources anciennes (textes et images, Moyen Âge et Renaissance) objets de leurs recherches respectives, comme support d'exploration et d'expérimentation du vivant. En mélangeant pratique physique, lecture, pratiques vocales et apprentissage, elles invitent à considérer le vivant comme terrain de transmission, méthode d'investigation et clé heuristique en vue d'une réappropriation subjective.


"Une géoscénographie à l'épreuve de Cerisy", animé par Carolina E. SANTO
La géoscénographie surgit d'une volonté de sortir du bâtiment théâtral pour aller vers un théâtre du dehors. Le préfixe géo vient donner du sens à une discipline renouvelée par les lieux qu'elle investit et qui cherche à déceler dans les traces qu'elle repère, les énigmes de sa dramaturgie. Le plateau s'ouvre ainsi sur le monde qu'on observe, qu'on écoute et que l'on ressent pour pouvoir ensuite le révéler autrement. Par ce renversement, ce n'est pas tant la scénographie qui transforme le monde mais plutôt le monde qui la transforme. En devenant plus présent à nos yeux, nous devenons nous aussi plus présent au monde. Il y a comme une augmentation de présence. En reprenant le fil d'une pensée de Francesco Carreri lorsqu'il fait allusion à l'artiste qui marche, le projet de la géoscénographie entend inscrire dans le corps de l'artiste-chercheur une compréhension plus profonde du monde, lui permettant de mesurer à la fois l'espace et le temps et ainsi refléter la structure physique de la croûte terrestre. Si Carreri propose qu'en marchant l'artiste opère une transformation du territoire sans avoir à intervenir matériellement sur le lieu de son errance. La géoscénographie entend œuvrer à partir de cette expérience terrestre. Elle en fait le matériau principal de sa création artistique.
Ainsi la géoscénographie s'organise en trois temps. Il y a d'abord la scénarisation d'un processus créatif qui suppose l'écriture d'une dramaturgie à déployer dans un lieu choisi. Il y a ensuite sa mise en œuvre pratique — cette étape suppose une mise en relation avec un lieu par une action pragmatique comme la marche, la fouille, le traçage, le pistage, l'écurage ou autre. Il y a enfin la création d'une forme — plastique, narrative, fictionnelle, ou scientifique — à partir des éléments récoltés par l'action menée dans le lieu investi.
Pour Cerisy, nous mettrons à l'épreuve du public les deux derniers temps de la démarche géoscénographique. Ainsi, le lundi 23 septembre, nous activerons une expérience commune préalablement scénarisée dans un lieu choisi. Le canevas de cette expérience permettra de brouiller les catégories, délimitations, et autres frontières entre évènement pragmatique, recherche, processus et performance. Nous observerons à cette occasion, si la consigne donnée agit ou pas sur la qualité de notre présence à la fois individuelle et collective et si celle-ci est capable d'augmenter notre expérience spatiale et sensible du lieu. Le mercredi 25 septembre, nous restituerons une forme ou un projet de forme — plastique, narrative, fictionnelle, ou scientifique — à partir de l'expérience partagée des lieux du colloque. Cette présentation pourra faire intervenir les personnes ayant participé à l'expérience commune du 23 septembre.


"Enquête/création : penser l'enquête par les formes", animé par Nicolas NOVA
Le terme d'enquête-création désigne la démarche d'investigation combinant les approches d'observation des sciences humaines et sociales avec les manières de faire des pratiques artistiques. Celle-ci s'appuie sur l'élaboration d'un dispositif d'observation singulier et conduit à une restitution au format original. Cette intervention débutera par une introduction concernant les implications de cette notion, illustrée par deux projets (Bestiaire de l'Anthropocène, Chamonix-Sentinelles). Elle abordera plus particulièrement la place accordée à l'observation dans une telle approche, et notamment les motivations qui ont sous-tendu la rédaction du livre Exercices d'observation (Premier parallèle, 2023). Il s'agira dans un second temps d'expérimenter in situ et en petits groupes quelques-unes de ces activités de production de matériau d'enquête, pour penser leur restitution avec des formats divers. L'intention ne sera pas de réaliser un projet de grande ampleur, mais plutôt de saisir la logique et les modalités concrètes de ce genre d'investigations.


BIO-BILIOGRAPHIES :

Marion BOUDIER
Marion Boudier est dramaturge et Maîtresse de conférences en Arts du spectacle à l'université Picardie Jules Verne (Amiens), membre du CRAE et de l'Institut Universitaire de France. Ancienne élève de l'ENS de Lyon, agrégée de Lettres modernes, elle a construit son parcours au carrefour de la recherche et de la création. Ses travaux portent sur les écritures textuelles et scéniques contemporaines, la dramaturgie, les processus de création, le jeu d'acteur et sa portée heuristique (projet ADOC), les liens entre art, pédagogie et recherche. Co-directrice du programme "Performer Les Savoirs" avec Chloé Déchery depuis 2018, elle est également chercheuse associée au Laboratoire d'Histoire Permanente du Centre Pompidou où elle intervient sur les archives de/en création. Comme dramaturge, elle accompagne notamment l'auteur-metteur en scène Joël Pommerat et La Compagnie Louis Brouillard pour des projets au théâtre et à l'opéra.
Dernières publications
"L'éphémère est éternel : la programmation vivante au Centre Pompidou 1977-1987, un patrimoine de théâtre au musée d'art moderne" (2024), avec Linus Gratte, In situ-revue des patrimoines, à paraître 2024.
"La dramaturgie prospective : art, savoir et recherche-création" (2023), Actes du colloque "L'indiscipline dramaturgique- Territoires de la dramaturgie", coord. Olivier Neveux et Anne Pellois, à paraître.
Artistes-Chercheurs, Chercheur.es-Artistes, Performer Les Savoirs (2022), avec Chloé Déchery (co-dir), Dijon, Grande Collection ArTeC / Les presses du réel, 2022.
Documents-Matériaux (2022), avec Chloé Déchery (co-dir.), thaêtre, revue électronique en libre accès.
Avec Joël Pommerat (tome 2), L'écriture de Ça ira (1) fin de Louis (2019), Arles, Actes Sud - Papiers, coll. "Apprendre", 2019, Prix du Syndicat de la critique - Meilleur livre sur le théâtre.

Yann CALBÉRAC
Yann Calbérac est Maître de conférences en géographie à l'université de Reims Champagne-Ardenne, membre du CRIMEL et membre junior de l'Institut universitaire de France. Ancien élève de l'École normale supérieure de Lyon et agrégé de géographie, ses recherches portent à la fois en histoire et épistémologie des sciences sociales sur l'émergence et la diffusion du tournant spatial, et en géographie sur l'élaboration théorique des spatialités à partir des arts du spectacle qu'il analyse avec les outils et les démarches de la géographie.
Dernières publications
Annales de géographie (2021) : ""Tu crois que ça suffit d'être indigné pour investir l'espace des autres ?" Pour une géographie des spatialités théâtrales : Une lecture de la trilogie Des territoires de Baptiste Amann" | en ligne.
EspacesTemps.net (2022) : "La métaphore spatiale. Pour une lecture de Michel Foucault et Yves Lacoste" | en ligne.
Nouvelle revue d'esthétique (2023) : "Dispositif, récit et spatialité. Le motif du tokonoma dans l'œuvre du plasticien Alexandre-Takuya Katô" | en ligne.
EspacesTemps.net (2024) : "Spatialités scéniques, dramaturgie et scénographie : vers un récit spatial(isé) ? Espæce : quand Aurélien Bory adapte Espèces d'espaces de Georges Perec" | en ligne.

Chloé DÉCHERY
Chloé Déchery est Maîtresse de conférences en études du théâtre et de la performance de l'université de Paris 8, membre de l'EA Scènes du Monde. Ancienne élève de l'École Normale Supérieure-Lettres et Sciences Humaines à Lyon et agrégée de lettres modernes, Chloé Déchery est spécialiste de la performance contemporaine et des questions de recherche-création. Elle a enseigné la théorie et la pratique de la performance en France (École Normale Supérieure-Ulm, Université de Paris Nanterre, Institut des Sciences Politiques de Lille), en Grande-Bretagne (University of Surrey, Queen Mary University, Goldsmith University, Royal Central School of Speech and Drama) et en Australie (University of Wollongong). À partir de cette triple entrée ; artiste, théoricienne, pédagogue, Chloé Déchery s'intéresse aux logiques d'hybridation entre expérimentation pratique, innovation artistique et élaboration théorique. Chloé Déchery est co-directrice artistique, avec Marion Boudier, de Performer Les Savoirs, plateforme curatoriale et programme de recherche artistique créée en 2018.
Dernières publications
'A Duet Without You', Performing Collaboration in Solo Performance and Practice-as-Research (2023), Chloé Déchery (dir.), Bristol, Intellect Books.
"Sustainable Solutions for Living on Earth: Performing Alternative Habitats in The Theatre of Philippe Quesne" (2023), in Routledge Companion to French Theatre and Performance, Aneta Mancewicz et Ralf Remshardt (co-dir), Londres et New-York, Routledge, 2023.
"Penser la performance avec Christian Biet : de l'émergence des études de la performance en France" (2023), in Christophe Triau, Tiphaine Karsenti and Olivier Neveu (ed.), Éloge du désordre : penser le désordre avec Christian Biet, Paris, Garnier.
Artistes-Chercheurs, Chercheur.es-Artistes, Performer Les Savoirs (2022), Marion Boudier et Chloé Déchery (co-dir), Dijon, Grande Collection ArTeC / Les presses du réel, 2022.
Documents-Matériaux (2022), avec Chloé Déchery (co-dir.), thaêtre, revue électronique en libre accès.
Staging Atmospheres : Theatre and the Atmospheric Turn, Volumes 1 et 2 (2020 et 2021) ; Atmosphères en scène : le théâtre à l'ère du tournant atmosphérique, volumes 1 et 2, Chloé Déchery et Martin Welton (co-dir), ambiances, revue électronique en accès libre.
"Performer Les Savoirs ou comment en finir avec le congrès ?" (2020), Marion Boudier et Chloé Déchery (co-dir), in Quel congrès voulons-nous ?, Monique Martinez Thomas and Nina Jambrina (ed), L'Harmattan, Paris.

Michel LUSSAULT
Michel Lussault, né en 1960, est géographe, professeur à l'École Normale Supérieure de Lyon, membre du laboratoire de recherche "Environnement, villes, sociétés" (UMR 5600 CNRS/Université de Lyon) et du Labex IMU ("Laboratoire d'excellence Intelligence des mondes urbains") de l'université de Lyon. Dans son travail, il analyse les modalités de l'habitation humaine des espaces terrestres, à toutes les échelles et en se fondant sur l'idée que l'urbain mondialisé anthropocène constitue le nouvel habitat de référence pour chacun et pour tous. Il est très impliqué dans une réflexion sur "les nouvelles scénographies du savoir" et à ce titre a mené plusieurs expérimentations en lien avec des scénographes, chorégraphes, comédiens, metteurs en scène.
Dernières publications
"Spatiality first", in Timothy Tambassi & Marcello Tanca (eds), Philosophy and Geography, Springer Nature, 2021, p. 81-93.
"When a virus takes place : Some geographical reflections on the Sars-Cov-2 pandemic", GeoUSP, Espaço et Tempo, Universidad de Sao Paulo, V. 25, n°3-2021.
Valérie Disdier et Michel Lussault (dir.), Néolitihique-Anthropocène. Dialogue autour des 13000 dernières années, collection "À partir de l'Anthropocène", Lyon, Éditions 205, 2021.
Tim Ingold, Michel Lussault, Cristian Simonetti (dir.), Urban Liquefaction. Rethinking the Relationship Between Land and Sea, Goletta, Punctum, 2024.


BIBLIOGRAPHIE :

• Arlander A., Barton B., Dreyer-Lude M., Spatz B. (dir.), Performance as Research. Knowledge, Methods, Impact, Routledge, 2018.
• Bigé E., Mouvementements. Écopolitiques de la Danse, La Découverte, 2023.
• Boudier M. et Déchery C. (dir.), Artistes-chercheur·es, chercheur·es-artistes. Performer les savoirs, Les presses du réel / ArTec, 2022.
• Delacourt S., Schneller K., Théodoropoulou V. et Abonnenc M. K. (dir.), Le chercheur et ses doubles, Éditions B42, 2015.
• Grésillon B., Pour une hybridation entre arts et sciences sociales, CNRS Éditions, 2020.
• Jocqueviel-Bourjea M., Châtelet C., Pinel K., Morant A. de, et Groupierre K. (dir.), L'atelier en acte(s). Espaces de création, création d'espace, Hermann, 2023.
• Losco-Lena M., Faire théâtre sous le signe de la recherche, PUR, 2017.
• Manning, E. et Massumi, B., Pensée en acte. Vingt propositions pour la recherche-création, ArTeC / Les presses du réel, 2018.
• Nova, N., Exercices d'observation. Dans les pas des anthropologues, des écrivains, des designers et des naturalistes du quotidien, Premier Parallèle, 2022.
• Toledo C. de, Imhoff A. et Quiros, K., Les potentiels du temps. Art et politique, Manuella éditions, 2016.


SOUTIENS :

• Institut universitaire de France (IUF)
• Laboratoire "Environnement, Ville, Société" (EVS - UMR 5600) | ENS de Lyon
Performer les savoirs


BULLETIN D'INSCRIPTION


Les inscriptions à ce colloque sont maintenant ouvertes. Au regard de notre capacité d'accueil, celles-ci pourront être mises sur une liste d'attente.


Avant de remplir ce bulletin, consulter la page Inscription de notre site.

Tous les champs marqués d'un (*) doivent être renseignés.


Présentation personnelle


Adresse personnelle ou professionnelle
Ces renseignements figureront sur la liste des participants qui sera remise lors du colloque.


Sélectionner la mention adéquate (le statut de contributeur est défini au préalable, en accord avec le CCIC, par la direction du colloque).


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Précisions à nous communiquer pour l'agrément de votre séjour :
[par exemple : grande taille (plus de 1,80 m), problèmes de mobilité, partage d'une chambre ou voisinage de chambres, inscription groupée, régime médicalement surveillé, ...]
Ces renseignements sont utiles à la répartition des chambres. Le logement est assuré au château de Cerisy et ses dépendances, en chambres doubles ou individuelles. En cas de grande affluence, les inscrits tardifs se logeront aux alentours.

Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


L'ASSURANCE AU DÉFI DES RUPTURES


DU JEUDI 12 SEPTEMBRE (19 H) AU MERCREDI 18 SEPTEMBRE (14 H) 2024

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Jean-Louis BANCEL, Laurence BARRY, Pierre FRANÇOIS

Colloque organisé dans le cadre du Cercle des partenaires


ARGUMENT :

Depuis la fin du XVIIIe siècle, l'assurance s'est imposée comme un dispositif qui confère de la résilience aux activités humaines, en proposant une compensation lorsque se réalise le risque qui les pénalise. La place de cette activité s'est accrue, pour s'incarner, à la fin du XXe siècle, dans une "société du risque"(1). Elle est devenue un rouage essentiel de l'industrialisation et de l'extension d'un progrès qui se retourne, parfois, contre nous.

La notion de risque évolue et est associée à la finance dont l'assurance n'est devenue qu'une des composantes. La crise de 2008, l'accélération des risques naturels extrêmes (cyclones, sécheresses, etc…) et la pandémie de Covid ont bousculé les certitudes sur la capacité du couple assurance/finance à apporter des solutions pour faire face aux risques du monde de demain.

Le choc de plusieurs ruptures, technologiques (mobilisation des données massives), sociales et économiques (propension des parties prenantes, offreurs comme demandeurs, à faire en sorte que chacun "paie son propre risque"), invite à repenser les fondements de l'assurance, ses objectifs et les techniques mises en œuvre pour les atteindre.

Face à la montée de périls globaux (dépassement des capacités de la Terre, évolutions climatiques…) mais aussi de nouvelles opportunités (médecine personnalisée…) les ressorts traditionnels de l'assurance (aléa, mutualisation, solidarité) sont-ils encore pertinents et opératoires ?

Les participants au colloque s'interrogeront sur les limites et les perspectives d'évolution de l'assurance. Ils tenteront d'esquisser des pistes "d'atterrissage"(2) pour l'assurance.

Les échanges dans l'enceinte du château se combineront avec des visites, en Normandie, permettant d'appréhender des situations, de risques (montée des eaux marines ou confrontation entre des risques industriels et préservation de sites naturels), où l'Assurance/Finance est mise à l'épreuve.

(1) "La société du risque. Sur la voie d'une autre modernité", Ulrich Beck, Champs, n°822, Champs essais, 2008.
(2) Où atterrir ? Comment s'orienter en politique, Bruno Latour, La découverte, 2017.


MOTS-CLÉS :

Assurabilité, Catastrophes, Données massives, Financiarisation, Individualisation du risque, Intelligence artificielle, Réchauffement climatique, Solidarité


CALENDRIER PROVISOIRE (07/07/2024) :

Jeudi 12 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Vendredi 13 septembre
Matin
Ouverture du colloque, par Jean-Louis BANCEL, Laurence BARRY & Pierre FRANÇOIS

Le risque avant l'assurance. La naissance de l'assurance moderne, l'éclairage de l'histoire
Pierre FRANÇOIS : Ouverture
Alberto CEVOLINI : Gambling on Claim Frequency : Loss Expectation and the Spread of Risks in Pre-Modern Insurance
Julien CARANTON : La création du marché de l'assurance dans les années 60

Après-midi
L'assurance moderne : ses fondements et ses limites
Jean-Louis BANCEL : Ouverture
Comment, par la construction du marché unique européen, l'assurance s'est-elle encastrée dans la finance de marché, table ronde animée par Pierre FRANÇOIS, avec Jean-Louis BANCEL (La mutualité, de la solidarité à l'absorption dans l'assurance par la transposition des directives européennes d'assurance dans le code de la mutualité), Florence PICARD et Marc PORIN

Turo-Kimmo LEHTONEN

Soirée
L'assurance française, prisonnière de la finance ou en capacité à répondre aux défis de demain ?, table ronde animée par Jean-Louis BANCEL, avec Nicolas GOMART et Florence LUSTMAN


Samedi 14 septembre
LES RELATIONS ENTRE L'ASSURANCE ET L'ACTIVITÉ FINANCIÈRE DE MARCHÉ
Matin
Quart d'heure de la Fabrique de l'Assurance

Laurence BARRY : Introduction

Évolutions de la Finance contemporaine et interaction avec l'assurance
Paul LAGNEAU-YMONET

Ce que le contrôle par la solvabilité fait à l'assurance
Pierre FRANÇOIS
Hélène NDYAYE

Après-midi
Assurance et finance stop ou encore ?, table ronde animée par Sylvestre FREZAL, avec Hubert RODARIE et Pierre VAYSSE

Mutualisme et assurance, frère siamois ou frères ennemis ? L'avenir du mutualisme : assurance ou solidarité ?, table ronde animée par Laurence BARRY, avec Cyril BENOIT, Christian OYARBIDE et Séverine SALGADO

Soirée
La représentation de l'assureur au cinéma


Dimanche 15 septembre
Matin
Quart d'heure de la Fabrique de l'Assurance

Le traitement des données massives une nouvelle ère pour l'assurance ?
Laurence BARRY
Arthur CHARPENTIER

Big data et santé
Chloé BERUT

Après-midi
L'intelligence artificielle générative ouvre-t-elle une nouvelle ère pour l'assurance ?
Louis ABRAHAM
Nicolas BERKOUK

Soirée
Performance artistique


Lundi 16 septembre
Matin
Quart d'heure de la Fabrique de l'Assurance

Les risques "catastrophes" un renversement du monde ? Indemniser ou rétablir la nature ? Comment les assureurs peuvent-ils répondre au défi ?
Jean-Louis BANCEL : Introduction
Frédérique CHLOUS
Benoit GIRY : Catastrophe(s) - polysémie, problèmes de mesure

Quand la terre ne tourne plus rond, comment peut-on encore être assureur ?, table ronde animée par Laurence BARRY, avec Patrick DEGIOVANNI (Regard d'un assureur et d'un spécialiste de la prévention des risques) et Thierry COHIGNAC

Après-midi
"HORS LES MURS"
Visites de terrain : Surveiller, prévenir, traiter, réparer ou quelle articulation entre sciences et assurances ?
Visite du groupement de laboratoires départementaux (Manche, Orne, calvados) LABEO en charge de la sécurité alimentaire, animale, produits de la mer. Avec un axe sur épizooties, pollution et contagion dans les parcs à huitres


Mardi 17 septembre
MAINTENANT ET DEMAIN ?
Matin
Quart d'heure de la Fabrique de l'Assurance

L'État assureur en dernier ressort ou davantage ?, table ronde animée par Jean-Louis BANCEL, avec Daniel BENAMOUZIG (Quelles leçons tirer de la pandémie de la Covid ?), Cyril BENOIT et Mireille MARTINI (Le rôle de l'État dans la régulation macroprudentielle de l'assurance face aux risques climatiques)

L'assurance au défi du principe de réalité
Jean-Louis BANCEL : Introduction
Kevin LEVILLAIN : Les avaries communes, un nouveau paradigme dans un monde fini ?
Stéphane MULLER : Entre finance de marché et les contraintes de la réalité, quelle voie pour les assureurs ?

Après-midi
La prévention, comment les assureurs embarquent-ils cette activité aux externalités positives ?, table ronde animée par Roland NUSSBAUM, avec Nicolas BAUDUCEAU et Véronique LEHIDEUX

L'assurance vers de nouvelles visions du monde. Business model et enjeux éthiques, table ronde animée par Pierre FRANÇOIS, avec Martin LANDAIS et Sandrine LEMERY


Mercredi 18 septembre
Matin
Quart d'heure de la Fabrique de l'Assurance

Conclusions, animées par Jean-Louis BANCEL, Laurence BARRY & Pierre FRANÇOIS

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Jean-Louis BANCEL
HEC (78). ENA (82). DESS droit.
Ancien haut fonctionnaire à la Direction des Assurances. Dirigeant dans des entreprises mutualistes d'assurance de dommages et de personnes. Ancien dirigeant de banque. Fondateur du "think-tank" La Fabrique de l'Assurance.

Laurence BARRY
École Polytechnique (X87). ENSAE (92). PhD en philosophie politique. Ingénieure générale des mines.
Chercheur affiliée au CREST-ENSAE, mène de front des activités de recherche et de conseil en actuariat. Co-titulaire de la Chaire PARI (Sciences Po/ENSAE). Sa thèse, Foucault and Postmodern Conception of Reason, a été publiée en 2020.

Pierre FRANÇOIS
Diplômé Sciences Po Paris (94). ENS Cachan (97). Agrégation Sc. Sociales (96) Docteur en sociologie (EHESS 96).
A été professeur à l'École Polytechnique et directeur du département de sociologie de Sciences Po, il est depuis 2017 doyen de l'École de la recherche de Sciences Po. Co-directeur de la Chaire PARI de Sciences Po/ENSAE. Auteur, notamment, de Financiariser l'assurance et, avec Claire Lemercier, de Sociologie historique du capitalisme.


Patrick DEGIOVANNI : Regard d'un assureur et d'un spécialiste de la prévention des risques
Un assureur n'existe que parce qu'il y a du risque et donc une croissance du risque peut tout à fait apparaître comme une opportunité. Mais il y a plusieurs limites à cette vision : Capacité à quantifier un risque pour le tarifer ? Inassurabilité du risque certain ! Limites de la mutualisation et de la segmentation ? Besoin de fonds propres croissants et réassurance ! Acceptabilité des primes par le client potentiel ?

Patrick Degiovanni est statisticien économiste et actuaire de formation, assureur pendant 40 ans, spécialisé en assurance dommages et en dernier lieu directeur général adjoint de Pacifica, la compagnie d'assurance dommages du Crédit Agricole. Il est aujourd'hui président du CNPP (Protection et Prévention), du FGAO (Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires).

Mireille MARTINI : Le rôle de l'État dans la régulation macroprudentielle de l'assurance face aux risques climatiques
Face aux risques climatiques, les régulateurs macroprudentiels européens s'orientent vers une hiérarchie des solutions où l'État n'intervient qu'en tout dernier ressort. En s'appuyant sur des exemples de pays où ce type de choix a été fait, on s'interrogera sur son bilan socio-économique et sur une option alternative qui pourrait être "davantage d'État".

Diplômée de l'ESSEC en 1985, Mireille Martini a mené une carrière bancaire en financement de projets internationaux (Calyon à Moscou, BERD à Londres, Caisse des Dépôts à Paris). En 2015, elle s'est orientée vers la finance climat passant notamment par l'OCDE. Elle est l'auteur, avec l'économiste Alain Grandjean, de l'ouvrage Financer la transition énergétique (Éditions de l'Atelier, 2016) et de l'article "Watered down ? Investigating the materiality of water related risks in the financial system" (publications de l'OCDE).

Florence PICARD
Docteur en mathématique, diplômée de Sciences Cognitives et membre de l'institut des actuaires, Florence Picard a exercé sa carrière professionnelle en tant que directeur et directeur général dans la finance et l'assurance. Elle occupe maintenant des fonctions d'administrateur et de membre de comités scientifiques, notamment : administrateur de HSBC Assurance et présidente du comité d'audit et des risques, membre du Comité des Chaires et du conseil scientifique du CNAM, membre du comité de direction de l'ILB, membre du CA de la Société Française de Statistiques. Elle anime depuis 2013 des groupes de travail sur les sujets du numérique : machine Learning, intelligence artificielle, blockchain, et plus récemment sur le thème "Anticiper en Univers Incertain" et l'assurabilité des risques . Elle intervient également dans les instances de fondations et associations de solidarité : Institut du Cerveau, Ligue contre le Cancer, Partage avec les enfants du monde.


BULLETIN D'INSCRIPTION


Les inscriptions à ce colloque sont maintenant ouvertes. Au regard de notre capacité d'accueil, celles-ci pourront être mises sur une liste d'attente.


Avant de remplir ce bulletin, consulter la page Inscription de notre site.

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Présentation personnelle


Adresse personnelle ou professionnelle
Ces renseignements figureront sur la liste des participants qui sera remise lors du colloque.


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Versement à effectuer

Frais de séjour : *

Total à verser :

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[ Formats autorisés : jpg, jpeg, png, pdf, doc, docx, txt ]
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Précisions à nous communiquer pour l'agrément de votre séjour :
[par exemple : grande taille (plus de 1,80 m), problèmes de mobilité, partage d'une chambre ou voisinage de chambres, inscription groupée, régime médicalement surveillé, ...]
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Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


PORTS ET PORTES


DU MERCREDI 4 SEPTEMBRE (19 H) AU MARDI 10 SEPTEMBRE (journée au Havre) 2024

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ, Pauline DETAVERNIER, Perig PITROU, Arnaud SERRY

Colloque organisé dans le cadre du Cercle des partenaires


ARGUMENT :

Les portes matérialisent les passages, les seuils et les cultures. Les ports reflètent la complexité du monde qui se manifeste dans des échanges intentionnels, contrôlés, masqués ou accidentels, qui inscrit des limites construites, vivantes ou rêvées, parfois dissonantes dans nos territoires entre mer et terre. Ports & Portes interrogent les dialogues et métabolismes de ces deux milieux étroitement combinés qui, au-delà du rôle d'approvisionnement ou de relâche, renvoient à une philosophie du monde où s'entrelacent terres et mers. Entre le quai, lisière du mouvant, horizon du voyage, espace logistique, seuil d'un territoire et la ville portuaire, lieu de ce qui demeure durablement, se tissent des paysages, des usages et des destins croisés que nous allons explorer. Penser le port en coupe entre air, terre et mer, ainsi que dans la profondeur de son hinterland et que dans la coïncidence des échelles de ses réseaux locaux et mondiaux est d'autant plus urgent que planent des incertitudes concernant le fonctionnement et les contours de nos milieux de vie.

Les intervenants représentant plusieurs disciplines, cultures et champs d'action aborderont les ports dans une perspective historique et spatiale pour réfléchir à leurs développements futurs. Collectivement nous discuterons de potentiels d'action, de changement de modèles, d'utopies ou rêves abandonnés dans une perspective de co-construction de la ville et du port de demain.


MOTS-CLÉS :

Changement d'échelles et systèmes complexes, Énergies du futur, Équilibres territoriaux, Imaginaires et représentations, Liens vivant et société, Métabolismes, Métiers de la mer et logistique, Relations terre-mer, Seuils et limites, Villes portuaires


CALENDRIER PROVISOIRE (06/07/2024) :

Mercredi 4 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Jeudi 5 septembre
PERCEPTIONS, RÉCITS, IMAGINAIRES, HISTOIRE ET FUTURS DES PORTS
Matin
Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ, Pauline DETAVERNIER, Perig PITROU & Arnaud SERRY : Introduction
Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ : De quoi les ports sont-ils les portes ?
Carola HEIN : Ports de rêves, rêves de ports : exploration des imaginaires villes ports, passé, présent et futur

Après-midi
André TAVARES : La sardine et l'architecte. Comment les poissons construisent le paysage et les bâtiments transforment les écosystèmes marins
Yann ALIX : Ports et portes dans un monde maritime turbulent : leçons géopolitiques et pensées prospectives
Magnus MAARBJERG : Travailler avec l'eau pour créer des espaces innovants et durables (Port de Copenhague)

Présentation de l'exposition "Ports Vivants"

Soirée
Damien CHARDONNET-DARMAILLACQ : Variations littéraires, à propos des mondes maritimes et portuaires


Vendredi 6 septembre
TERRITOIRES ET DYNAMIQUES DES ESPACES PORTUAIRES
Matin
Jean LECROART : Les ports et la montée des eaux
Sylvain DOURNEL : Géohistoire des plaines de l'estuaire de la Seine : une diversité de relations entre les ports et leur hinterland (en collaboration avec Laurence LESTEL)

Après-midi
Michel SEGAIN : Les grands ports maritimes et les ports territoriaux, une chance pour la France
Adam PRZYBYLOWSKI : Port et ville intelligente – un mythe ou un enjeu ?

Soirée
Pauline DETAVERNIER & Catherine GONNARD : Présentation de documents de l'INA : métiers et représentations


Samedi 7 septembre
Matin
INTERFACES VILLE-PORT
Alberto CAPPATO : Quels bateaux et quels ports pour quelle relation terre-mer ?
Max YVETTOT (Agence d'urbanisme du Havre)
Jean-Denis SALESSE : Comment devenir une ville portuaire ?

Après-midi
Discussion : "Énergie et navire marchands : Navires rouliers industriels hybrides, quel impact sur la ville portuaire ?"

DES PORTS, DES HOMMES ET DES VILLES
Vincent GUIGUENO : Des hommes et des ports, l'accueil des marins
Stéphane RAISON : Le futur des métiers portuaires

Soirée
Jean-Marc ZEKRI : Les ports font leur cinéma


Dimanche 8 septembre
Matin
ÉCOSYSTÈMES PORTUAIRES ET MARINS ET LEURS SERVICES
Amelia CURD : Les ports, ces portes d'entrée d'espèces exotiques. Enjeux en écologie marine
Denis CORTHÉSY : Plongeurs portuaires, les yeux immergés de la vigie
Hervé BERNARD : Exposition "Ports Vivants"

Après-midi
TERRITOIRES ET ENVIRONNEMENTS
Nils LE BOT : Imaginaires portuaires dans une économie post-croissance, décarbonée et low-tech
Roman SOLÉ-POMIES : Aux ports du monstrueux. Infrastructures maritimes et multiplicité des rencontres inter-espèces dans les espaces de fiction
Mariantonia LO PRETE : Exposition "PorTraits". Images et récits des activités portuaires et maritime du littoral en France et en Afrique

Soirée
Projection de "Paris Port" d'André Sauvage (1928), avec une composition sonore originale de Giuseppe GAVAZZA


Lundi 9 septembre
REGARDS VERS LE FUTUR
Matin
Roberto CASATI : La philosophie des ports
Marie-Annick LAMY-GINER : Ports et Portes des petites îles du Sud-Ouest de l'océan Indien : enjeux d'accessibilité

Ateliers et cas d'études portuaires : La Réunion, Cherbourg, Dunkerque [sous réserve]

Après-midi
Philippe DEISS : Enjeux industriels et énergétiques des ports
Alberto CAPPATO & Olivier LECOINTE : Retour sur le colloque par deux grands témoins

Débats collectifs sur notre imaginaire des ports du futur
Bilan et rapport d'étonnement des étudiants et présentation de la maquette conceptuelle


Mardi 10 septembre
"HORS LES MURS" — AU HAVRE
Matin
Visite en bateau du port du Havre

Après-midi
Les ports du futur, avec Bruno DELSALLE (AIVP) et un représentant de HAROPA
Débat collectif
Conclusion des directeurs

DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Sabine CHARDONNET-DARMAILLACQ
Sabine Chardonnet-Darmaillacq est architecte et urbaniste, chercheur au Laboratoire Architecture Culture et Société de l'ENSA Paris-Malaquais / UMR AUSser du CNRS. Elle est membre de la Chaire Ville Métabolisme / Université PSL. Son travail porte sur les dynamiques de la mobilité soutenable, le talent urbain de la marche, les formes spatiales et sociales de l'espace public et leurs problématiques contemporaines, les stratégies des villes en transition. Elle a co-dirigé les colloques de Cerisy "Le génie de la marche. Poétique, savoirs et politique des corps mobiles", et "Villes et territoires résilients", dont les actes ont été publiés en 2016 et en 2020 aux éditions Hermann.

Pauline DETAVERNIER
Pauline Detavernier est architecte, docteure en architecture (Laboratoire Infrastructure, Architecture, Territoire [LIAT], ENSA Paris-Malaquais) et maîtresse de conférences à l'ENSA Paris-Val de Seine. Sa thèse, réalisée en contrat Cifre à l'agence AREP, portait sur la conception des cheminements piétons en gare, et plus largement sur la pratique de la marche dans les lieux de mobilité. Elle travaille aujourd'hui en tant que directrice de projet R&D chez PCA-Stream, où elle pilote notamment les actions et animations scientifiques de la Chaire Ville Métabolisme.

Perig PITROU
Perig Pitrou est anthropologue, directeur de recherche au CNRS à la Maison Française d'Oxford et au Laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France / Université PSL où il dirige l'équipe "Anthropologie de la vie". Un volet de ses recherches porte sur la diversité des manières de construire et d'habiter les villes. Auteur de l'ouvrage Les anthropologues et la vie (Mimésis, 2021), il a dirigé de nombreuses publications collectives sur les relations entre vie et technique, notamment Puissance du végétal et cinéma animiste. La vitalité révélée par la technique (Presses du réel, 2020) et un numéro de Techniques & culture sur les "Biomimétismes".


Yann ALIX : Ports et portes dans un monde maritime turbulent : leçons géopolitiques et pensées prospectives
Notre société contemporaine consumériste s'est construite sur une mondialisation des productions et une standardisation des consommations qui relèvent de trois révolutions. La première demeure la moins connue et pourtant la plus décisive : le conteneur maritime. Les deux suivantes s'imposent dans leur universalisme : l'internet et le smartphone. La démocratisation numérique des dernières décennies a généré un nomadisme marchand où les volumes et les valeurs ont crû de manière quasi exponentielle. Ce demi-siècle de croissance continue a montré sa première fragilité avec la crise pandémique qui a révélé au plus grand nombre notre hyper dépendance aux réseaux maritimes et aux interfaces portuaires. Les conflits militaires et les tensions géopolitiques ont mis en lumière les vulnérabilités énergétiques liées aux circulations des produits fossiles par les mers et les ports. Les déficits hydriques liés au changement climatique menacent l'efficience du Canal de Panama dans les équilibres des échanges maritimes et portuaires entre l'Atlantique et le Pacifique. Ce monde nouveau en permacrise impose des incertitudes qui exigent des anticipations géopolitiques dans l'objectif de minimiser les risques et les impacts sur des Nations (trop ?) dépendantes de leurs connectivités maritimes et portuaires. La présente contribution expose plusieurs pensées prospectives sur le réalisme des relocalisations industrialo-portuaires, l'hypothétique re-régionalisation économique et les enjeux de souveraineté vis-à-vis de territoires océaniques de plus en plus perçus comme des objets géopolitiques à défendre avec les ports comme portes géostratégiques.

Depuis 2011, Yann Alix occupe le poste de Délégué Général de la Fondation SEFACIL, laboratoire d'idées prospectives sur les stratégies maritime, portuaire et logistique. Il a fondé et dirige la collection "Les Océanides" et co-dirige la collection "Afrique Atlantique". Titulaire d'un PhD de Concordia University (1999) et d'un doctorat en géographie des transports de l'université de Caen Normandie en France, Yann Alix fut consultant chez Innovation Maritime à Rimouski au Canada (2000-2004) avant d'occuper un poste d'enseignant-chercheur à l'École de Management de Normandie au Havre où il devient en 2007 le Directeur de l'IPER (Institut Portuaire d'Enseignement et de Recherche). De 2011 à 2019, Dr. Yann Alix travaille chez SOGET au développement international du Cargo Community System avant de poursuivre entre 2019 et 2024 au sein du cabinet Abington Advisory en qualité de Senior Manager. Yann Alix travaille sur les nouveaux modèles d'affaires dans les chaînes de valeur mondiales et analyse la transformation d'une économie servicielle dans les secteurs du transport maritime et de la logistique portuaire. Il a publié et dirigé près d'une vingtaine d'ouvrages en français, anglais, espagnol et russe. Son dernier ouvrage publié en février 2024 s'intitule L'intelligence portuaire. Opération – Innovation – Projection aux Éditions EMS. En juin 2024, Yann Alix fonde et préside le cabinet de conseil en stratégie maritime et portuaire WlogU.

Roberto CASATI : La philosophie des ports
Quel est le statut philosophique de l'interface terre-mer ? Le littoral est un lieu d'échange, mais ceci est une conséquence automatique du fait qu'il y a de la terre et que la mer vient s'y frotter. Le port est certes un lieu d'échange, mais il a aussi une fonction d'échange. En cela, un port est un lieu humain, intrinsèquement et irréductiblement social. Le terme de "port naturel" est donc peut-être un oxymore, ou le résultat d'une coïncidence géomorphologique. Dans le port, l'interface terre/mer atteint une intensité extrême : des fragments de terre (les navires) se détachent de la terre et partent en mer. Pour cela, il faut que la mer entre dans les terres et devienne un fleuve ou presque un lac. Cet aspect humain a alors sa propre évolution et son histoire, qui est l'histoire des choses humaines. Si le port est considéré comme un lieu et une fonction, il faut bien reconnaître que sa nature n'est pas seulement spatiale, mais aussi temporelle, ou plutôt spatio-temporelle. Il n'est pas seulement un lieu mais un lieu-temps, une entité métaphysiquement hybride, voire chimérique.

Roberto Casati est un "philosophe-navigateur" italien. Spécialiste de la philosophie des sciences cognitives, il dirige l'Institut Jean Nicod à l'École polytechnique, directeur de recherches au CNRS et directeur d'études de l'EHESS. Il est notamment l'auteur de La Découverte de l'ombre (Albin Michel, 2002) et de Philosophie de l'océan (PUF, sciences de la cité, 2002).

Amelia CURD : Les ports, ces portes d'entrée d'espèces exotiques. Enjeux en écologie marine
Le transport maritime est un vecteur essentiel de la mondialisation. En plus des marchandises, par ce biais toute sorte d'espèces provenant du monde entier sont transportées, le plus souvent par inadvertance, à un rythme de plus en plus soutenu. Les ports forment des portes indispensables à l'acheminement des flux du commerce extérieur mais aussi à l'introduction d'espèces exotiques. Ces îlots urbanisés sont nouveaux pour les espèces marines avec des supports, des pollutions et un endiguement inédits. Sans le vouloir, les humains ont ainsi créé des écosystèmes nouveaux, relativement peu étudiés jusqu'à présent. L'écologie, de l'évolution et de l'invasion, est donc une préoccupation grandissante parmi les enjeux et opportunités en zone portuaire.

Amelia Curd est écologue en milieu marin, chercheur au Laboratoire d'Écologie Benthique Côtière de l'IFREMER. Au CIEM (Conseil International pour l'Exploration de la Mer), elle est la déléguée française de deux groupes de travail, portant sur l'introduction d'organismes marins d'une part, et sur les vecteurs d'introductions de ces organismes émanant du trafic maritime respectivement. Son travail se focalise sur le fonctionnement des écosystèmes marins des fonds rocheux côtiers. Elle est également membre du REST EEE – le Réseau d'Expertise Scientifique et Technique sur les Espèces Exotiques Envahissantes.

Marie-Annick LAMY-GINER : Ports et Portes des petites îles du Sud-Ouest de l'océan Indien : enjeux d'accessibilité
Pour les petits territoires insulaires du Sud-Ouest de l'océan Indien, l'accessibilité maritime s'avère vitale. Le port y joue le rôle de porte d'entrée ou de sortie des marchandises et plus secondairement de passagers. Ces ports, au nombre de sept, se localisent dans le canal du Mozambique (Moroni et Mutsamudu aux Comores, Longoni à Mayotte), dans l'archipel des Mascareignes (Port Est et Port Ouest, qui forment une même entité, à La Réunion, Port Louis et Port Mathurin à Maurice) et dans l'archipel des Seychelles (Port Victoria). Ils se caractérisent par le poids de leurs importations (+ de 75% de leur trafic total). Certains renferment de nombreux terminaux, d'autres sont plus rachitiques. À Moroni, les marchandises doivent être déchargées au large tandis qu'à Maurice, des porte-conteneurs de plus de 14000 evp font relâche. Comment ont évolué les ports insulaires régionaux en termes de physionomie, d'activités et de stratégies ? Ces portes sont-elles davantage concurrentes ou complémentaires ? En creux, comment se décline la hiérarchie portuaire régionale ? Cette communication se propose d'analyser le rôle et les fonctions des portes "océanes" du Sud-Ouest de l'océan Indien dont l'inscription dans les flux maritimes internationaux est, somme toute, inégale.

Nils LE BOT : Imaginaires portuaires dans une économie post-croissance, décarbonée et low-tech
Sur les 40 milliards de tonnes de CO2 que produisent les activités humaines sur terres, environ 3% sont directement issues du trafic des porte-containers, pétroliers et autres bateaux de marchandise à moteur thermique. Ce pourrait paraître peu, au regard des 97% restant, si ce trafic ne servait pas de clef de voute du libre échange et de toute une série de chaînes de valeurs mondialisées. Derrière le port de marchandise viennent se greffer le trafic routier, les zones commerciales, industrielles et logistiques, les autoroutes…, toute une typologie d'emprises urbaines carrossables et bitumées, non reliées à la ville, et fractionnant les écosystèmes paysagers. Des "propriétés de Lucifer", telles que les nommaient Paola Vigano et Bernardo Secchi dans leurs travaux du Grand Paris, qui stimulent le déménagement permanent du monde et décuplent l'aggravation du réchauffement climatique. Les imaginaires du port sont aujourd'hui enferrés dans des logiques organisationnelles, des rationalités, et des rythmes, qui ne laissent aucune place à de possibles bifurcations technico-économiques qui envisageraient ralentissement, sobriété ou décroissance des flux matériels qui les traversent. Cette recherche, basée sur les travaux réalisés dans le cadre projet de recherche financé par l'ADEME, se donne pour objectif de discuter, par l'analyse critique et une représentation argumentée, la pertinence d'une bifurcation low-tech, post-carbone et post-croissance du port de marchandise. Le devenir de ses spatialités, de leur programmation et de leur fonctionnement y est abordé par la transformation de ses marqueurs archétypaux (bâtiment, objet, organisation, matérialités…), accompagné d'une réflexion plus systémique sur la logistique.

Nils Le Bot est responsable de coordination de la recherche du groupe AREP, il est également chercheur associé à la TU Delft School of Architecture et enseignant associé à l'École d'Architecture de Paris Val-de-Seine. Architecte diplômé d'État et docteur en urbanisme, sa thèse portait sur l'hypermobilité dans les métropoles, et le devenir des grandes gares métropolitaines à l'horizon 2050. Ses recherches portent aujourd'hui sur les approches transverses et multiscalaires des mobilité métropolitaines, la cohabitation urbaine, ainsi que les démarches prospectives low-tech et l'urbanisme de discernement.

Jean-Denis SALESSE
Jean-Denis Salesse, Architecte DPLG diplômé de Paris La Villette, est fondateur de la société Ax'6 Architecture. Il a mis en œuvre des projets très divers, de la réalisation de PLU à celle de terminaux à conteneurs, ou bien des aménagements de places urbaines et de bâtiments publics. Il tient à définir le rôle d'architecte comme une profession de service qui permet d'être le facilitateur de l'acte de construire. Après 20 années d'entreprenariat et très inspiré par une conférence d'Antoine Grumbach sur son projet du Grand Paris, il décide de rejoindre le Grand Port Maritime du Havre en 2009. D'abord en charge des bâtiments, des routes et terres pleins, il prend ensuite la responsabilité des relations entre Villes et Port. À ce titre, il collabore à la réalisation de multiples projets, tels que "Réinventer la Seine et ses Canaux", "Réinventer Le Havre", l'aménagement du Quai de Southampton, la création du Port Center, le schéma directeur de la Citadelle ou bien encore "Un été au Havre" lancé lors du 500e anniversaire de la cité portuaire havraise. Fin 2023, Stéphane Raiosn, Président du Directoire de HAROPA PORT, lui confie à ses côtés, le rôle de Responsable de la planification de l'aménagement des espaces urbano-portuaires.

Roman SOLÉ-POMIES : Aux ports du monstrueux. Infrastructures maritimes et multiplicité des rencontres inter-espèces dans les espaces de fiction
Dans les fictions caractéristiques de l'ontologie moderne, l'océan fonctionne comme contrepoint extrême de la maison. Celle-ci donne le point de départ de toute aventure ; celui-là offre leur horizon aux grandes conquêtes civilisatrices. Les conceptions sous-jacentes de la distance entre nature et société dépendent de systèmes techniques. L'architecture des espaces domestiques travaille à écarter une multitude de créatures jugées sauvages ; mais comment la matérialité des aménagements maritimes que sont les infrastructures de la navigation organise-t-elle les rencontres entre espèces pour contribuer, elle aussi, à circonscrire le sauvage et le civilisé ? De l'épopée de Moby Dick à la fresque des Travailleurs de la mer, les romanciers occidentaux du dix-neuvième siècle ont construit des héros remarquables en les faisant affronter des animaux marins. Regardant la faune depuis les infrastructures, ports et navires, qui organisaient l'espace de leurs récits, ils ont façonné des monstres, pieuvres ou cachalots. Par contraste, certaines œuvres littéraires pour la jeunesse, également axées sur la navigation, font une place centrale à la diversité des rencontres corporelles entre créatures plus ou moins anthropomorphes. Dans ces formes narratives alternatives, les ports apparaissent comme des lieux de rencontre contrôlés entre différents mondes socio-biologiques : des portes dont l'ouverture a un coût, mais permet de passer d'une certaine expérience du normal et du monstrueux à une autre.

Roman Solé-Pomies est docteur de l'université Paris Sciences et Lettres (Mines Paris–PSL, 2023) en sociologie des sciences et des techniques. Dans le prolongement d'une thèse consacrée à la gestion patrimoniale des voiries dans les petites collectivités de France métropolitaine, ses recherches portent essentiellement sur la maintenance des infrastructures comme enjeu de politiques territoriales, et sur l'appréhension de l'environnement qui sous-tend et que perpétuent ces politiques.
Publications
Solé-Pomies, Roman (2023), Faire durer la chaussée. Le souci des voiries communales en France métropolitaine après la décentralisation, Thèse de doctorat en STS, École nationale supérieure des mines de Paris | en ligne.
Solé-Pomies, Roman (2024), "Re-Negotiating Infrastructural Boundaries in Urban Spaces: Road Maintenance as a Dualistic Mode of Infrastructuring", in Handbook of Infrastructures and Cities, édité par Olivier Coutard et Daniel Florentin, 417‑29, Londres : Edward Elgar.

André TAVARES : La sardine et l'architecte. Comment les poissons construisent le paysage et les bâtiments transforment les écosystèmes marins
Cette fable se situe parmi les conserveries éparpillées sur la côte de Bretagne de la deuxième moitié du XIXe siècle et raconte les aventures croisées de la construction des paysages de la pêche et de la destruction des écosystèmes marins. Le développement de certaines technologies de transformation alimentaire, telles que la conservation ou la congélation du poisson, fait muter les typologies architecturales et pressurise les écosystèmes marins. À chaque évènement architectural répondent des bouleversements en mer, dans un continuum.

André Tavares (Porto, 1976) est architecte et, depuis 2006, coordinateur de Dafne Editora, une maison d'édition indépendante basée à Porto. Entre autres livres publiés, il est l'auteur de The Anatomy of the Architectural Book (Lars Müller/Canadian Centre for Architecture, 2016), L'Étoile Filante Charles Siclis (B2, 2016) et Vitruvius Without Text (gta Verlag, 2022). Il est actuellement chercheur à l'université de Porto, où il conduit le projet de recherche Fishing Architecture (ERC, Fish-A, 101044244).


Projection de "Paris Port" d'André Sauvage (1928), avec une composition sonore originale de Giuseppe GAVAZZA
En 1928, André Sauvage filme cinq "Études sur Paris", dont la première des études s'intitule "Paris Port". Le réalisateur dresse un portrait de la capitale et de ses ambiances par les espaces de ses mobilités. En nous montrant des espaces connus et souvent familiers, mais — simultanément — terriblement exotiques, car très différents de ce qu'ils sont devenus aujourd'hui, le film agit presque comme un film de science-fiction montrant un Paris possible : il apparaît comme un puissant outil de mise à distance et d'étonnements. Pour le spectateur, particulièrement parisien, les espaces montrés par André Sauvage sont, en même temps, ce qu'ils ont été sur l'image et ce qu'ils sont aujourd'hui dans son esprit et sa vie. Et c'est ce décalage qui, non seulement donne à voir des situations disparues, mais révèle également toutes sortes de potentialités et questions.


PARTENARIAT :

• Institut national de l'audiovisuel (INA)


BULLETIN D'INSCRIPTION


Les inscriptions à ce colloque sont maintenant ouvertes. Au regard de notre capacité d'accueil, celles-ci pourront être mises sur une liste d'attente.


Avant de remplir ce bulletin, consulter la page Inscription de notre site.

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Présentation personnelle


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Ces renseignements figureront sur la liste des participants qui sera remise lors du colloque.


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Précisions à nous communiquer pour l'agrément de votre séjour :
[par exemple : grande taille (plus de 1,80 m), problèmes de mobilité, partage d'une chambre ou voisinage de chambres, inscription groupée, régime médicalement surveillé, ...]
Ces renseignements sont utiles à la répartition des chambres. Le logement est assuré au château de Cerisy et ses dépendances, en chambres doubles ou individuelles. En cas de grande affluence, les inscrits tardifs se logeront aux alentours.

Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


RACONTER ET MONTRER L'INVISIBLE À LA CROISÉE DE LA LITTÉRATURE,

DES ARTS DE LA SCÈNE ET DU CINÉMA (1850-1930)


DU LUNDI 19 AOÛT (19 H) AU DIMANCHE 25 AOÛT (14 H) 2024

[ colloque de 6 jours ]



ARGUMENT :

À partir de la fin des années 1850, s'installe dans la littérature et l'art un réalisme qui tend à répudier l'imagination, la fantaisie, au profit d'un modèle d'exactitude et d'enquête scientifique. Dans cette période durant laquelle s'imposent aussi toujours davantage le rationalisme, le positivisme et le scientisme, le besoin de merveilleux s'exprime pourtant avec urgence : "Alors que le matérialisme sévit, la magie se lève", déclare Huysmans en 1891.

Ce colloque se propose d'interroger comment, des années 1860 aux années 1930, la question de l'Invisible et de sa représentation a hanté à la fois la littérature, les arts de la scène et le cinéma, ce questionnement se nourrissant des interactions et des influences croisées entre ces différents arts. Plusieurs questionnements seront soulevés :
- Quelles traditions philosophiques, ésotériques, théosophiques et religieuses sont revendiquées par les écrivains, dramaturges et cinéastes durant cette période ? Quelles nouvelles influences et références utilisent-ils dans leur propre représentation de phénomènes surréels ?
- Comment ces artistes appréhendent-ils l'Invisible et quel discours ("en actes", dans les œuvres, ou théorique) produisent-ils au sujet de ce qu'ils cherchent à faire apparaître ? Comment conçoivent-ils et conceptualisent-ils dans cette optique les fonctions de l'Art et les propriétés de la représentation ?
- Par quels procédés le mystère est-il représenté ? Quels sont les mécanismes, les rouages ou "machines" capables de faire advenir l'Invisible ? Quelles écritures spécifiques s'inventent ?
- Quels sont les enjeux idéologiques, voire politiques de cette revalorisation du surréel ? Quelles idoles les images ou histoires d'Invisible peuvent-elles vouloir déboulonner, et au profit de quels idéaux ?

Ce colloque réunira des spécialistes français et étrangers de littérature, de théâtre et de cinéma, et s'ouvrira à la création contemporaine grâce à l'invitation d'artistes et écrivains d'aujourd'hui.


MOTS-CLÉS :

Cinéma, Imaginaire, Invisible, Littérature, Merveilleux, Occultisme, Spiritisme, Théâtre


CALENDRIER PROVISOIRE (21/06/2024) :

Lundi 19 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 20 août
PENSER L'INVISIBLE ENTRE 1850 ET 1930
Matin
Éric THOUVENEL : "Une lumière qui projette toujours quelque part des ombres" : science et cinéma, une idylle matérialiste à la Belle Époque
Julie ANSELMINI : Peindre l'Invisible : spiritualisme et matière dans la critique d'art du XIXe siècle

Après-midi
Pascale AURAIX-JONCHIÈRE : Barbey d'Aurevilly et la poétique de l'invisible
Yann CALVET : Le cinéma, voilement et dévoilement
Philippe ROGER : Les trois sources de l'invisible au cinéma selon Jean Grémillon


Mercredi 21 août
SACRÉ, SCIENCES ET SOCIÉTÉS
Matin
Audrey MILET : L'étrange fatalité des Histoires désobligeantes de Léon Bloy : pour une représentation nietzschéenne du sacré ?
Nicolas GAUTHIER : Marionnettes visibles, marionnettistes invisibles : limites scientifiques et fragilité sociale chez Rosny aîné et Maurice Renard

Après-midi
Pauline PICOT : Vie, mort, vie encore : le Grand-Guignol obsédé par la visibilité des seuils
Benjamin THOMAS : Éprouver l'invisible dont se tisse le monde. Réflexions sur les formes écologiques du film (1910-1930)
Jean-Louis VINCENDEAU : La photographie, un art de l'invisible, certains objets en suspens

Vernissage de l'exposition réalisée par Jean-Louis VINCENDEAU


Jeudi 22 août
D'UN ART L'AUTRE, D'UN ÉCRAN L'AUTRE : ESTHÉTIQUES DE L'INVISIBLE
Matin
Mathilde RÉGENT : Des atomes aux écrans : féerie, animation, incarnation chez Saint Pol-Roux et Maeterlinck
Vincent AMIEL : Un écran de fumée

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 23 août
L'INVISIBLE : MOI ET L'AUTRE
Matin
Samantha CARETTI : La permanence de l'invisible féminin dans l'œuvre de Théophile Gautier
Hélène FRAZIK : Hantise des doubles invisibles

Après-midi
Massimo OLIVERO : Tempêtes et passions : figures de l'invisible dans le cinéma scandinave muet
Jérémie ALLIET : "Je ne le verrai plus", une litote dix-neuviémiste ?
Dominique MASSONNAUD : Faire voir l'invisible. Créations dadas et surréalistes 1918-1930

Soirée
Galien SARDE : Narration et images du fantasme dans le roman contemporain : présentation de Trafic (2023) et Échec, et Mat (2022) parus aux Éditions Fables fertiles | Entretien / discussion


Samedi 24 août
MÉDIA ET VOIES/-X DE L'INVISIBLE
Matin
Philippe BAUDOUIN : Voir l'invisible. Le "corps-machine" des médiums : spiritisme, transes et expériences-limites autour de 1900
Frank KESSLER : Documenter l'invisible autour de 1900

Après-midi
José MOURE : Puissances de l'invisible dans les fictions pré-cinématographiques de la fin du XIXe siècle
Maxime SCHEINFEIGEL : L'invisible en images ?
Stéphane HIRSCHI : Proust Phonographe. Fixer des voix et leur évanescence à l'ère des enregistrements naissants

Soirée
RIEN À VOIR (#3), performance de Pauline PICOT


Dimanche 25 août
Matin
Synthèse et Bilan

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Julie ANSELMINI : Peindre l'Invisible : spiritualisme et matière dans la critique d'art du XIXe siècle
À partir des années 1850, le réalisme s'impose en peinture et de jeunes artistes suscitent autant de curiosité que de scandale : on songe à celui provoqué par l'Olympia de Manet, ou par L'Origine du monde de Courbet. La critique d'art est une arène privilégiée des débats qui font rage ; s'y orchestrent des réflexions et interrogations où s'opposent spiritualisme et matérialisme, et où se posent ces questions lancinantes : comment la matière, et la matière peinte particulièrement, peut-elle laisser transparaître et exprimer l'Invisible ? En ce XIXe siècle de plus en plus positiviste, où souffle encore l'Esprit ? Une botte de carottes, peinte avec génie, peut-elle en être le réceptacle ? Nous explorerons ces débats et questionnements chez quelques grands écrivains-critiques d'art de la période tels que Baudelaire et Gautier.

Julie Anselmini est professeure de littérature française du XIXe siècle à l'université de Caen Normandie. Elle est spécialiste de Dumas, à qui elle a consacré plusieurs ouvrages. Elle s'intéresse plus largement aux liens entre presse et littérature, aux relations entre littérature et critique ainsi qu'aux hiérarchies structurant l'univers culturel. Ses derniers ouvrages : J. Anselmini, L'Écrivain-critique au XIXe siècle. Dumas, Gautier, Barbey d'Aurevilly, Presses universitaires de Liège, 2022 ; J. Anselmini et Ch. Massol (dir.), Écritures et discours populaires. Nouveaux regards, Grenoble, UGA Éditions, 2023.

Yann CALVET : Le cinéma, voilement et dévoilement
Dans Vampyr (1932), un film sorti à l'aube du parlant, Carl Th. Dreyer et son opérateur Rudolf Maté, font une utilisation très particulière de la lumière et de l'image. Un faux jour s'étant glissé dans la caméra, à cause d'une erreur technique, au cours des premières prises de vue du film, les images, après tirage de la pellicule, étaient floues et grisâtres. Ce travail particulier sur l'image voilée crée un "lien" entre tous les points de l'espace et permet aussi d'exprimer, selon la parabole des Corinthiens (1 Co 13), dans la forme même du film, l'idée du miroir (l'écran de cinéma) dans lequel nous voyons de façon confuse. Au moment de son invention pourtant, ce qui fascine les premiers spectateurs devant la projection par exemple du Repas de bébé (Lumière, 1895), ce qui retient leur attention, ce n'est pas la scène principale à l'avant plan mais un détail insignifiant entraperçu à l'arrière-plan : "Les feuilles bougent !". Le cinématographe donne ainsi au premier spectateur un formidable sentiment de réalité, dévoilant le rapport secret entre les êtres et les choses, pour reprendre une formule de Jean Epstein. Voilement et dévoilement semblent donc être les modalités contradictoires et pourtant complémentaires du pouvoir de représentation du cinématographe. Cette communication s'interrogera, à partir des spéculations philosophiques et poétiques du XIXe sur le voile d'Isis, sur cette figure/image du voile qui permet de penser l'articulation du visible et de l'invisible dans l'herméneutique du symbole au cinéma.

Yann Calvet est MCF en études cinématographiques à l'université de Caen Normandie et directeur de l'UFR "Humanités et Sciences Sociales". Il a publié différents ouvrages : Les cinéastes du Diable (2024) ; Jean Grémillon et les quatre Éléments, Colloque de Cerisy, aux Presses universitaires du Septentrion en collaboration avec Philippe Roger (2019) ; Cinéma, imaginaire, ésotérisme : Murnau, Dreyer, Tourneur, Lewin chez L'Harmattan (2003)… Fondateur et rédacteur en chef adjoint de la revue Eclipses, il a coordonné plusieurs numéros sur F.F. Coppola, Gus Van Sant, M. Cimino, H. Miyazaki, Tim Burton, les frères Coen, David Fincher, Michael Powell, John Boorman, Wim Wenders, Christopher Nolan, M. Night Shyamalan, Abbas Kiarostami, Philippe Faucon, Bong Joon Ho, Paul-Thomas Anderson, Clint Eastwood… Il collabore aussi à de nombreuses publications (Double Jeu, CinémAction, Contrebande, Positif…) tout en continuant ses recherches sur les rapports entre le cinéma, l'imaginaire et les mythes.

José MOURE : Puissances de l'invisible dans les fictions pré-cinématographiques de la fin du XIXe siècle
À la fin XIXe siècle, avant l'avènement du Cinématographe des frères Lumière, plusieurs fictions pré-cinématographiques mettent en récit le rêve d'une extension du domaine du visible que semblent pouvoir réaliser les machines. Anticipant ou relayant les inventions en cours et les pouvoirs d'appareils capables de recréer la vie, d'abolir les distances, de vaincre l'absence, de voyager dans le temps et de conquérir l'ubiquité, elles inventent les scénarios d'un futur parfois très proche qui font de l'optique et de ses techniques l'instrument d'une littérature fantastique où se manifeste et s'affirme la toute puissance du voir. À travers l'étude de récits fantastiques ou d'anticipation mettant en scène des machines de vision, il s'agira de questionner l'imaginaire pré-cinématographiques d'un XIXe siècle finissant qui, entre messianisme scientifique et utopies fantasmagoriques, a vu se déplacer et se reconfigurer les frontières entre le visible et l'invisible.

José Moure est professeur en études cinématographiques à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est notamment, avec Daniel Banda, l'auteur des anthologies : Charlot : histoire d'un mythe (Flammarion, 2013) ; Avant le cinéma : l'œil et l'image (Armand Colin, 2012) ; Le cinéma : l'art d'une civilisation – 1920-1960 (Flammarion, 2011) ; Le cinéma, naissance d'un art – 1895-1920 (Flammarion, 2008). Il a récemment publié : Histoire vagabonde du cinéma (avec Vincent Amiel, Vendémiaires, 2020) et Aux commencements du cinéma (collection "Épures", Presses universitaires de Rennes, 2023).


Jérémie ALLIET : "Je ne le verrai plus", une litote dix-neuviémiste ?
Cette communication porte sur l'usage dans le discours romanesque du XIXe siècle, de l'expression "je ne le/la verrai plus" et ses dérivés. On remarque en effet un usage assez rare du verbe "voir" dans son sens affectif, qui permet de présenter un corpus d'occurrences remarquable. À l'étude de ce corpus (Balzac, Hugo, Stendhal, Zola, parmi d'autres), on observe que l'expression "je ne le verrai plus" s'impose comme une réelle litote au XIXe siècle, liée à l'impossibilité non seulement de la rencontre (due à la mort ou à la rupture), mais aussi de l'expression de la relation (relation incestueuse, homosexuelle, inconvenante). Ces expressions invitent à interroger la valeur de la métaphore de la vision (est-elle un stéréotype propre à une certaine représentation clichée de la relation au XIXe siècle ? une gelstalt expérientielle renvoyant à une réalité concrète ?) ; la sémantique de la forme verbale (comment le verbe voir s'impose-t-il comme moteur d'une vision intérieure, d'une étude introspective ?) ; l'opérativité de la formule dans la diégèse (que fait le "je ne le verrai plus" au personnage invisibilisé ? Le lecteur a-t-il encore le privilège de "voir" cet invisible ?).

Docteur en littérature française, Jérémie Alliet a soutenu une thèse sur l'intériorité du personnage balzacien (1842-1848) sous la direction d'Eric Bordas. Il travaille actuellement sur les rapports entre le personnage et la narration, l'expression de l'intimité en régime romanesque et l'ontologie fictionnelle.

Vincent AMIEL : Un écran de fumée
Dans un premier temps, en particulier lorsque le cinéma est encore "cinématographe", c'est la qualité photographique de celui-ci qui interroge la possible révélation à l'écran de réalités invisibles dans le monde. C'est l'enregistrement, nimbé d'une aura mystérieuse, qui pourrait permettre un accès à l'invisible. Mais dans les années 1920, les caractéristiques techniques ont en grande partie perdu leur dimension magique au profit d'une manipulation des formes qui implique un processus créatif plus conscient. Ainsi en est-il pour le montage. Forme objectivement discontinue, il construit pourtant des associations, des narrations, des continuités qui sollicitent des articulations invisibles. Nous nous appuierons sur l'exemple du film Ménilmontant, de Dimitri Kirsanoff (1925), pour tenter de cerner la part spécifique d'invisible portée par cette "écriture" naissante qu'est le montage.

Pascale AURAIX-JONCHIÈRE : Barbey d'Aurevilly et la poétique de l'invisible
Convaincu qu'une transcendance double le réel, Barbey est particulièrement sensible aux traces du surnaturel dans le quotidien. La présence de l'invisible — que l'on pourrait dès lors considérer comme une catégorie esthétique à part entière, est l'une des manifestations scripturales de ce principe. Procédant d'un constat de l'illisibilité des signes tangibles, notre objectif est de questionner formes et enjeux de cet invisible dans les fictions narratives, sous la double espèce de la spectralité et de l'innommable. Notre hypothèse est que trois romans : L'Ensorcelée, Un prêtre marié et Une histoire sans nom, correspondent à trois étapes d'une poétique dont les enjeux évoluent et se précisent.

Pascale Auraix-Jonchière a consacré sa thèse à "La mythologie de Barbey d'Aurevilly", publiée chez Nizet en 1997 sous le titre L'Unité impossible. Professeure à l'université Clermont Auvergne, elle a édité les poèmes de Barbey d'Aurevilly ("Un palais dans un labyrinthe", Champion, 2000) et publié Barbey d'Aurevilly et l'écriture, formes et signes aux Lettres Modernes Minard en 2011. Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages consacrés à George Sand, dont George Sand et la fabrique des contes (Garnier, 2017). Auteure de poésie (éd. Le Taillis Pré), Plein-champ. Poésie verte (2020), La Plume du peintre. Tombeau (2023).

Philippe BAUDOUIN : Voir l'invisible. Le "corps-machine" des médiums : spiritisme, transes et expériences-limites autour de 1900
À partir d'un corpus d'images rares voire inédites, il s'agira de donner à voir et comprendre les différents protocoles photographiques mis sur pied au tournant du XXe siècle par les représentants du spiritisme et de la communauté scientifique dans le cadre de séances avec des médiums. Immortalisés par l'appareil technique, ces moments singuliers d'états modifiés de conscience sont alors considérés comme de possibles vecteurs de communications avec l'au-delà. Situé aux marges de la connaissance scientifique, ce type d'expérience tend simultanément à redéfinir le statut du corps. En fonction des fins visées par les expérimentateurs — qu'il s'agisse d'amplifier, ou bien au contraire de contrôler les phénomènes escomptés — le corps médiumnique, tantôt ligoté, tantôt libéré, devient littéralement un "corps-machine", comme le fait remarquer très justement l'historienne Mireille Berton dans son étude. Décuplée par d'innombrables prothèses, l'hypersensibilité qui le caractérise lui permet — le temps de la séance — de capter et de mesurer, tel "corps-sismographe", les signaux et autres "messages" reçus. Sous certaines conditions, le corps médiumnique peut même, à son tour, donner forme d'autres corps, à l'instar des "apports", "ectoplasmes" et autres accouchements monstrueux que favorise l'état de transe.

Spécialiste de l'histoire des techniques et de l'archéologie des médias, Philippe Baudouin est maître de conférences associé à l'université Paris-Saclay et membre du Centre de recherche en Design à l'ENS-Paris-Saclay. Son ouvrage Walter Benjamin au micro a remporté le Prix Walter Benjamin 2022. Auteur de plusieurs ouvrages et articles consacrés à l'histoire de l'occultisme, il a notamment publié Surnaturelles. Une histoire visuelle des femmes médiums (Pyramyd, 2021).

Samantha CARETTI : La permanence de l'invisible féminin dans l'œuvre de Théophile Gautier
L'écrivain Théophile Gautier n'a jamais cessé d'être fasciné par les mondes de l'irréel au sein desquels se meuvent de "mystérieuse(s) et fantastique(s) créature(s)" (La Cafetière, 1831) féminines, fantasmes d'amour et de beauté des héros mélancoliques de ses récits, privilégiés par la disponibilité de leur esprit au surnaturel. Ces "apparition(s) insaisissable(s)" (Giselle ou les Wilis, 1841) envahissent sa production narrative, de ses romans et nouvelles jusqu'à ses livrets d'opéra. Le goût proprement romantique de l'auteur pour ces figures de sylphides réappropriées ne faiblit pas avec les années et cela, malgré le déclin d'intérêt pour le mouvement littéraire et artistique de sa jeunesse. S'agit-il d'une nostalgie désespérée de l'auteur ou bien d'un choix esthétique procédant d'une résistance, par le principe d’amplification de ses thèmes de prédilection, face à l'influence croissante du réalisme dans le champ littéraire et artistique depuis les années 1850 ? Cette fidélité de Théophile Gautier aux personnages de fantômes féminins nous permettra de mettre en lumière l'influence de son attrait soutenu pour les sciences occultes, d'interroger l'équivocité de son geste créateur dans la représentation du surnaturel et d'étudier sa capacité à donner accès, par l'art, à l'invisible.

Docteur en littérature française et membre associée de l'équipe de recherche du LASLAR, Samantha Caretti a consacré sa thèse à l'étude des stratégies publicitaires de promotion de la littérature romantique en France sous la Restauration et à l'analyse du régime de gloire auctoriale à l'époque romantique.

Hélène FRAZIK : Hantise des doubles invisibles
Très présents dans la littérature fantastique pour figurer les troubles psychologiques, les doubles invisibles se manifestent tôt dans le cinéma muet. Alors qu'ils s'intégraient dans une littérature où le surnaturel était davantage suggéré, ils apparaissent, deviennent visibles dès les premiers temps du cinéma grâce aux pouvoirs expressifs de l'image. Les surimpressions, technique privilégiée de figuration de la présence de ces doubles, se multiplient au point d'atténuer, voire de faire disparaitre, leur force d'invisibilité. Paradoxalement, c'est parce qu'ils sont doubles qu'ils ont encore à voir avec l'invisible. Qu'il soit visible ou suggéré (à travers le jeu des acteurs par exemple), le double renvoie à une forme d'impossibilité à représenter l'invisible qu'est par exemple le dérèglement de l'esprit humain hanté par des peurs qui vont jusqu'à le faire vaciller. En se référant aux textes de Clément Rosset et d'Alain Chareyre-Méjan, cette communication propose de revenir sur la manière dont la littérature (William Wilson d'Edgar Poe, Lui ?, Le Horla et Qui sait ? de Maupassant) et surtout le fantastique cinématographique muet (Fantômas de Louis Feuillade, Les Mains d'Orlac de Robert Wiene, Le Brasier ardent d'Ivan Mosjoukine et Feu Mathias Pascal de Marcel L'Herbier) ont pu rendre sensible ce paradoxe.

Hélène Frazik est maître de conférences en Cinéma et Littérature à l'université de Toulouse Jean Jaurès. Elle a soutenu en 2018 une thèse intitulée "Présences fantastiques dans le cinéma français de l'entre-deux-guerres". Ses recherches se concentrent sur le cinéma d'auteur, sur l'histoire et l'esthétique des formes filmiques et sur l'étude des motifs au cinéma. Elle a codirigé un ouvrage consacré à L'Apparition dans les œuvres d'art (PUC, 2020) et deux de ses textes font partie d'actes de colloques de Cerisy : "Le stratagème du rideau : de la photographie des phénomènes occultes au cinéma fantastique" (L'image, le secret, PUR, 2020) et "L'insolite dans le cinéma de Jean Grémillon" (Jean Grémillon et les quatre Éléments, Presses universitaires du Septentrion, 2019).

Nicolas GAUTHIER : Marionnettes visibles, marionnettistes invisibles : limites scientifiques et fragilité sociale chez Rosny aîné et Maurice Renard
À quelques mois d'intervalle, Maurice Renard, avec Le Péril bleu (1911), et Rosny aîné, avec La Force invisible (1913), mettent en fiction l'existence d'un monde invisible affectant "notre" monde. Rosny aîné avait déjà touché ce sujet avec Un autre monde (1895) et Renard y reviendra notamment avec L'Homme truqué (1921) et des nouvelles publiées à partir de 1929. La découverte de ces mondes invisibles entraîne un délitement collectif (et parfois individuel), alors que l'invisible révèle les limites des sens et de la science, laquelle ne permet qu'une compréhension partielle du phénomène et n'offre aucune protection. Nous examinerons comment la mise au jour de ces mondes invisibles, ainsi que les conséquences qui y sont associées concernant la fragilité de la civilisation et ce qui échappe au savoir, façonnent un propos qui résonne avec des préoccupations majeures en ces premières décennies du XXe siècle.

Professeur agrégé au département d'études françaises de l'université de Waterloo (Canada), Nicolas Gauthier a publié Lire la ville, dire le crime (PULIM, 2017) et a créé Le Rez-de-chaussée, un répertoire en ligne de romans-feuilletons français publiés entre 1836 et 1881. Il agit comme webmestre du site Littératures Populaires et Culture Médiatique. Il a publié dans diverses revues, dont Romantisme, Belphégor, Nineteenth-Century French Studies, Arborescences, Études littéraires, et ouvrages collectifs, dont Écritures et discours "populaires" (XIXe–XXe siècles) (2023), Le Roman des possibles (2019) et Les Téléséries : historicité des communautés imaginaires (2016).

Stéphane HIRSCHI : Proust Phonographe. Fixer des voix et leur évanescence à l'ère des enregistrements naissants
Lorsque Proust affuble le noble Palamède de Guermantes du titre de baron de Charlus, son humour se délecte sans doute d'offrir ainsi à sa créature le nom d'un chanteur contemporain, que sa frénésie d'enregistrer des chansons avait fait gratifier du sobriquet de "forçat du gramophone" (on lui prête plus de 10000 enregistrements entre 1895 et 1914!). Or l'intérêt de Proust, non seulement pour la musique et le chant, mais pour les voix dans leur matérialité évanescente et pourtant sensible, se manifeste sous de multiples formes dans La Recherche, qu'elle caractérise le timbre, le débit, le sel ou les tics d'un personnage, qu'elle permette de faire partager certains marqueurs stylistiques de la Berma ou de Rachel dans leur déclamation, ou même qu'elle éclaire de façon saisissante le passage du temps lors du Bal des têtes, lorsque le narrateur entend la voix d'un vieil ami comme émise artificiellement par un phonographe dans le corps d'un gros bonhomme grisonnant… On tentera ici, sans bien sûr viser l'exhaustivité, d'esquisser une possible typologie de ces captations d'invisible sonore à travers La Recherche du temps perdu.

Stéphane Hirschi est professeur de littérature française à l'université polytechnique Hauts-de-France (Valenciennes) depuis 1999, où il a été Doyen de la Faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines. Il a publié ou coordonné dix-sept livres, dont Jacques Brel, Chant contre silence ; Sur Aragon - Les voyageurs de l'infini ; Aragon et le Nord ; Chanson : l'art de fixer l'air du temps ; Nord et chansons ; Paris en chansons et La chanson française depuis 1980 ; et fait paraître près de 150 articles en France et à l'étranger, dans des revues prestigieuses : NRF, RSH, ArtPress2, Europe, etc., dont "Enregistrements fin de siècle : ce que fixent les cylindres Lioret", in Romantisme, 2023/2, n°200. Inventeur de la "cantologie", étude de la chanson considérée dans sa globalité (textes, musique et interprétation), il dirige la collection "Cantologie", aux Belles Lettres/PUV, qui compte 9 ouvrages.

Frank KESSLER : Documenter l'invisible autour de 1900
Avec l'invention de certains médias au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, quelques-uns des aspects du monde inaccessible aux organes des sens humains peuvent être traduits en signaux sonores ou images : les sons de l'"éther" captés par la radio, les os à l'intérieur du corps par les rayons Roentgen, mais aussi les êtres défunts par la photographie spirite. Ma communication se concentrera tout particulièrement sur le monde microscopique, "the unseen world", comme le dit le titre d'une série de films présentés à Londres par la firme de Charles Urban en 1903. Grâce à la microphotographie et la microcinématographie, il devient possible de montrer ce monde invisible à un public et de le transformer aussi bien en un objet de recherche qui, du coup, peut être étudié collectivement par des scientifiques, qu'en une forme de spectacle pour le grand public.

Frank Kessler est professeur en histoire des médias à l'université d'Utrecht. Il est l'un des fondateurs de KINtop. Jahrbuch zur Erforschung des frühen Films et de la collection KINtop – Studies in Early Cinema. Ses recherches portent notamment sur l'émergence du cinéma en tant que média protéiforme et pratique culturelle. Actuellement, il dirige un projet sur le rôle de la lanterne de projection en tant qu'instrument de communication des savoirs de la fin du XIXe jusqu'aux premières décennies du XXe siècle.

Dominique MASSONNAUD : Faire voir l'invisible. Créations dadas et surréalistes 1918-1930
Alors que la notion de "surréel", est définie par Aragon, dans "Une vague de rêves" en octobre 1924, comme ce qui advient au terme d'un processus où voisinent ce qui est et l'irréel, il affirme ensuite : "On sait peut-être qu'une certaine recherche, une certaine façon de faire prédominer le surréel a pris dans le langage courant le nom de surréalisme" (Aragon, La Révolution surréaliste, n°1, décembre 1924, p. 23). De fait, Apollinaire dans Les Mamelles de Tirésias (1917), sous-titré "Drame surréaliste", s'opposait au "naturalisme en trompe-l'œil" à "l'imitation" et au "vraisemblable", privilégiant le fait de "faire paraître des mondes nouveaux, […] élargissant les horizons" (Apollinaire, "Préface", Les Mamelles de Tirésias, SIC, 1918, p. 11-12 et p. 18). Les innovations textuelles et plastiques que proposent les créations dadas et surréalistes entre 1918 et 1930 permettent l'accès à la "surréalité", définie par Aragon comme "horizon commun des religions, des magies, de la poésie, du rêve, de la folie, des ivresses et de la chétive vie, ce chèvrefeuille tremblant que vous croyez suffire à nous peupler le ciel". L'écriture automatique, les récits et images de rêve ou les combinaisons syntaxiques inattendues permettent ainsi de raconter et de faire voir l'invisible de manière novatrice.

Dominique Massonnaud, professeur des universités en Littérature françaises XIXe-XXIe siècles, est spécialiste des productions narratives ainsi que des rapports entre texte et image. Elle a publié en particulier : Faire vrai. Balzac et l'invention de l'œuvre-monde, Genève, Droz, 2014 ; Aragon romancier, Genèse, Modèles, Réemplois, en collaboration avec J. Piat, Classiques Garnier, 2016 ; Genèse et Génétique éditoriale des textes imagés, en collaboration avec V. Obry, textimage, n°13, Lyon, IHRIM-CNRS, 2021. Elle collabore actuellement à l'édition des Essais littéraires d'Aragon, chez Gallimard pour la "Bibliothèque de La Pléiade".

Audrey MILET : L'étrange fatalité des Histoires désobligeantes de Léon Bloy : pour une représentation nietzschéenne du sacré ?
Les Histoires désobligeantes (1894) de Léon Bloy semblent offrir au lecteur l'image d'un monde absurde et perverti, où les personnages seraient la proie stupide d'un mauvais sort insondable. Tout principe transcendant et porteur de sens y paraît à première vue absent, chose curieuse pour un écrivain catholique qui n'a cessé de faire figurer dans son œuvre le pouvoir du divin sur les individus ; ces brèves et violentes Histoires pourraient cependant permettre à Bloy d'aménager une façon nouvelle de représenter un sacré au mieux insidieux, au pire révélateur dans son absence. Le recueil coïnciderait alors avec "la mort de Dieu", au sens où Nietzsche l'entendait véritablement : l'Invisible, remis en cause par la rupture épistémologique qui ouvrit le XIXe siècle, doit chercher une reviviscence que Bloy propose justement de sentir dans la représentation d'une fatalité aussi étrange que violente.

Audrey Milet, agrégée de Lettres et doctorante contractuelle à l'université de Caen Normandie, prépare une thèse intitulée "Le ré-enchantement du monde dans les romans du premier XIXe siècle : figurations du sacré d'Atala (1801) à L'Ensorcelée (1852)" sous la direction du Professeur Julie Anselmini. Ses travaux de recherche et de vulgarisation portent sur la prose du XIXe siècle et les représentations du sacré et du religieux.

Massimo OLIVERO : Tempêtes et passions : figures de l'invisible dans le cinéma scandinave muet
Dans cette intervention, il s'agira d'étudier les principales manifestations plastiques de l'invisible dans le cinéma scandinave du muet, notamment chez les cinéastes Sjöström, Stiller et Dreyer. Des motifs naturels du paysage, par la médiation du vent et de l'eau, jusqu'aux formes filmiques comme le gros plan et la surimpression, la finalité sera celle de définir les forces de l'invisible qui traversent le cinéma scandinave d'un point de vue figuratif et thématique, en se focalisant davantage sur la visualisation de l'invisible en tant que dimension transcendantale, à la fois pathétique et destructrice, vitaliste et mortifère.

Massimo Olivero est Maître de conférences en esthétique et théorie du cinéma à l'université Panthéon-Sorbonne Paris 1. Il a fait sa thèse sur le concept eisensteinien d'extase de la représentation filmique. Ses travaux se concentrent sur différentes périodes de l'histoire du cinéma, notamment sur les avant-gardes des années Vingt et le cinéma classique hollywoodien, mais aussi sur l'esthétique des formes filmiques (montage, gros plan). Il coordonne actuellement une politique scientifique au sein de l'Institut ACTE sur l'écriture de l'histoire et de la théorie du cinéma. Il est l'auteur du livre Figures de l'extase Eisenstein et l'esthétique du pathos au cinéma aux éditions Mimésis (2017).

Pauline PICOT : Vie, mort, vie encore : le Grand-Guignol obsédé par la visibilité des seuils
Cette communication se présente comme l'étude croisée de deux drames du Grand-Guignol : L'Horrible expérience (1909) d'Alfred Binet et André de Lorde et Vers l'au-delà (1922) de Charles Hellem et Pol d'Estoc. Structurées chacune autour d'une scène fondamentale qui représente, pour l'une, le passage de la mort à la vie et, pour l'autre, celui de la vie à la mort, ces deux œuvres peuvent fonctionner comme un diptyque des seuils invisibles, que le Grand-Guignol se propose de faire apparaître à l'aide de trucs concrets qui produisent des images frappantes. Ce faisant, ces deux drames réactivent également des fantasmes liés à d'autres invisibles obsédants du XIXe siècle : la survie de l'âme humaine, le mystère du courant électrique, l'intérieur du corps et les profondeurs de l'esprit. En bref, tout ce qui a trait à l'inquiétant et passionnant remuement du vivant.

Pauline Picot est docteure en Études Théâtrales. Soutenue en décembre 2021, sa thèse a été effectuée à l'université Lumière Lyon 2 sous la direction de Mireille Losco-Lena. Son champ de recherche porte sur l'imaginaire du fluide (magnétisme, électricité, spiritisme) dans le théâtre français du XIXe siècle. Il déploie des questionnements défrichés à l'occasion de son Master 2 effectué à l'ENS de Lyon, dont le mémoire investiguait les échos entre le théâtre et l'hypnose au XIXe siècle. Elle est intervenante à l'ENSATT Lyon en dramaturgie depuis 2018, et contributrice permanente à la revue Synapsis publiée par le département d'Humanités Médicales de l'université de Columbia (New York). Pauline Picot est également performeuse et autrice ; les éditions Quartett publient ses textes théâtraux depuis 2012. Sa dernière pièce, Votre âme sœur est peut-être dans cette forêt (2022), est mise en voix au Théâtre du Rond-Point en février 2023. En 2024, elle écrit Je pourrais compter tous mes os, qui bénéficie de l'accompagnement du dispositif Texte En Cours.
https://www.ardetpaulinepicot.com/
Publications
"Quand l'électricité s'invite dans le champ domestique : le fantasme du mobilier électrique au théâtre dans la deuxième moitié du XIXe siècle", in BAREL-MOISAN Claire et GLEIZES Delphine (dir.), Merveilles électriques : invention littéraire, vulgarisation et circulation médiatique, Champs sur Marne, LISAA Éditeur [disponible en ligne sur OpenEdition Books - novembre 2024].
"Faire connivence : l'invention électrique sur scène (1859-1908)", in BAZIN Laurent et BAREL-MOISAN Claire (dir.), Itinéraires 2024-2 : Le Merveilleux scientifique en spectacle (1850-1940) (disponible en ligne sur le site de la revue - mai 2024).
"Stunning and Stirring : A Theory on the Symbolic of Spirit Ectoplasm in the Early 20th century" ["Sidérer et troubler : sur la symbolique de l'ectoplasme spirite au tournant du XXe siècle], in Synapsis : A Health Humanities Journal, mis en ligne le 9 novembre 2022.
"Corps conducteurs : l'acteur et le magnétisme au XIXe siècle", in FEUILLEBOIS Victoire et PÉZARD Émilie (dir.), Le Réel invisible. Le magnétisme dans la littérature (1780-1914), Paris, Classiques Garnier, 2022.
"Galvanism in 19th Century Fench Theater : Bringing Dead Words Back to Life" ["Le galvanisme dans le théâtre du XIXe siècle en France : ressusciter les mo(r)ts"], in Synapsis : A Health Humanities Journal, mis en ligne le 16 octobre 2019.
"Sur la spectacularité de l'hypnotisme clinique", in FARAMOND Julie de et FILIPPI Florence (dir.), Théâtre et médecine : de l'exhibition spectaculaire de la médecine à l'analyse clinique du théâtre, Actes du colloque organisé les 27 et 28 mai 2010 à l'université Paris Descartes, Épistémocritique, mis en ligne le 13 mai 2016.

Mathilde RÉGENT : Des atomes aux écrans : féerie, animation, incarnation chez Saint Pol-Roux et Maeterlinck
Saint-Pol-Roux et Maeterlinck occupent au début du XXe siècle une position distincte mais comparable : à la croisée des pratiques littéraires associées au symbolisme, d'une réflexion sur les invisibles de la science (en particulier physique) de leur temps, et d'une réflexion, théorique ou pratique, sur le cinéma. Le "féerique" est dans leur œuvre à la fois une catégorie générique ou descriptive, et l'embrayeur d'une saisie nouvelle du réel, où visible et invisible, matière et esprit, vision et croyance se rejoignent. La féerie, théâtrale ou cinématographique n'est alors pas seulement un dispositif de matérialisation de l'invisible, mais aussi un modèle théorique pour penser différents types d'incarnation ou d'agentivité de la matière. L'objet de cette communication est d'étudier les transferts entre ces trois domaines (littérature, cinéma, sciences) chez ces deux auteurs, en s'appuyant sur les sources scientifiques de leur réflexion : les catégories descriptives de la matière physique elle-même y sont porteuses d'une part métaphorique et semblent renvoyer à une forme d'agentivité non-humaine que le cinéma ou la féerie peuvent justement mettre en lumière.

Docteure en littérature française, Mathilde Régent est l'auteure d'une thèse en cours de publication sur la poétique de la Nature dans l'œuvre de Maeterlinck. Ses travaux actuels portent sur l'écriture et la pensée du vivant et de l'animé au XIXe et au XXe siècle (essai, théâtre, poésie) ; sur les transferts entre discours scientifiques, philosophiques et littéraires ; sur les liens entre symbolisme et "traductions". En 2023-2024, elle enseignait au Département de Didactique du Français Langue Étrangère à la Sorbonne Nouvelle.

Philippe ROGER : Les trois sources de l'invisible au cinéma selon Jean Grémillon
La question de l'invisible et de sa représentation se trouve au cœur de la poétique du jeune cinéaste français qu'est Jean Grémillon dans les années vingt. À sa première pratique documentaire vient alors s'adjoindre celle des fictions, tandis que le parlant commence à faire son apparition ; c'est précisément au croisement du documentaire et de la fiction, ainsi que du muet et du parlant, que s'inscrit la réflexion originale du cinéaste sur l'invisible au cinéma. Trois axes majeurs se partagent sa pensée à cet égard. Pour Grémillon, l'invisible est d'abord ce qui échappe à la vue, ce qu'on ne sait pas voir ; c'est le concept de réalisme qui est ici interrogé. Sur ce point, il faut aller chercher dans les écrits du cinéaste les fondements de sa vision paradoxale du réalisme cinématographique. Deuxième aspect, connexe en profondeur, l'invisible est aussi ce qu'on ne peut pas voir, ce qui se dérobe au regard ; c'est le vaste domaine de l'ésotérisme, que Grémillon prend au sérieux. Dernier aspect, pas le moindre et sans doute le plus novateur en ce qui regarde le langage cinématographique, l'invisible est pour le cinéaste ce qu'on est amené à percevoir autrement, à voir par un autre sens que la vue : l'ouïe, avant tout. C'est à ce titre la réalité essentielle d'un invisible qui se révèlerait dans l'audible, un audible repensé qui s'apparenterait à un inouï, que Grémillon expérimente dès ses derniers films muets (Tour au large, 1927, Maldone, 1928, Gardiens de phare, 1929) et bien sûr dans son premier parlant (La Petite Lise, 1930).

Philippe Roger enseigne depuis une vingtaine d'années l'histoire et l'esthétique du cinéma, comme maître de conférences à l'université Lumière Lyon 2. Mélomane autant que cinéphile, il a toujours été attentif à la musicalité des films, comprise comme écriture de l'image autant que du son ; rien d'étonnant à ce qu'il se soit consacré à Max Ophuls et Jean Grémillon, ces deux cinéastes-musiciens dont l'œuvre vivante demeure une source inépuisable d'inspiration. D'autres auteurs sont devenus ses compagnons de route ; de Luis Bunuel à Jaime Rosales, en passant par Jean-Claude Guiguet et Todd Haynes, il cherche à décrypter des poétiques du sensible, au croisement de l'intime et de l'extime. S'il pratique avec passion la réalisation documentaire, l'animation de ciné-club et le journalisme radiophonique, c'est à l'écriture, d'articles et de livres, que vont ses préférences. Son ouvrage le plus récent est l'Attrait du piano aux éditions Yellow now (collection "Motifs"). Il a publié chez le même éditeur Lumière d'été de Jean Grémillon (collection "Côté films"). Il a dirigé avec Yann Calvet le volume des Actes du colloque de Cerisy Jean Grémillon et les quatre Éléments, paru aux Presses universitaires du Septentrion.

Galien SARDE : Narration et images du fantasme dans le roman contemporain : présentation de Trafic (2023) et Échec, et Mat (2022) parus aux Éditions Fables fertiles
Comment le récit et le style qui l'informe peuvent-ils donner à voir des fantasmes signifiants dans l'espace d’un roman ? Comment des agencements verbaux peuvent-il visualiser les fruits des désirs qui portent ce dernier ? C'est à ces deux questions que répondra l'intervention de Galien Sarde.

Né à Blois, agrégé de lettres modernes, Galien Sarde est un romancier français. Son premier roman s'intitule Échec, et Mat (2022) et son second, Trafic (2023). Publiés par les éditions Fables fertiles, tous deux sondent, entre autres, la fiction.

Maxime SCHEINFEIGEL : L'invisible en images ?
À partir de deux textes littéraires notoires, Le Horla (Maupassant, 1887) et La Métamorphose (Kafka, 1915), seront explorés les rapports du cinéma à l'invisible à travers cette question : pourquoi La Métamorphose n'a connu sa première adaptation qu'en 1977 alors que Le Horla l'a été dès 1914 ? La réflexion sera élargie à l'approche de deux autres films liés à la représentation d'un ailleurs improbable : La Glace à trois faces (Jean Epstein, 1927) et Freaks (Tod Browning, 1932). Sur la base d'un ouvrage du philosophe Clément Rousset, L'Invisible, l'analyse de ces quatre films sera fondue dans une double réflexion visant : le lien entre l'invisible et l'apparition (Le Horla, Freaks) et l'influence de la pensée religieuse et de la pensée scientifique sur l'histoire du cinéma et de son héritage pictural. Seront mises à l'étude les œuvres suivantes : d'une part, La Création d'Adam (Michel-Ange), Moïse recevant les Tables de la Loi (Raphaël et Chagall) et L'Homme de Vitruve (De Vinci) ; d'autre part, Le Horla, Freaks, Le Voyage dans la lune (Méliès, 1902).

Maxime Scheinfeigel est professeur émérite de l'université Paul Valéry-Montpellier 3, en Esthétique et histoire du cinéma. Elle a dirigé ou co-dirigé huit ouvrages collectifs, entre autres sur Jean Rouch, René Allio, le cinéma documentaire, des théories croisées entre musique, théâtre et cinéma, l'écoute et la vision au cinéma. Elle a publié sept ouvrages personnels dont Cinéma et magie (Armand Colin, 2008) et Rêves et cauchemars au cinéma (Armand Colin, 2012), plus une centaine d'articles. Elle a organisé des rencontres filmées avec André Labarthe, Luc Moullet, Raymond Bellour, Michel Marie, Luc Vancheri, Emmanuelle André (…).

Benjamin THOMAS : Éprouver l'invisible dont se tisse le monde. Réflexions sur les formes écologiques du film (1910-1930)
Gilbert Simondon, dans Du mode d'existence des objets techniques, postule que l'apparition de la pensée technique a clivé l'appréhension originelle du monde par l'humain, la "pensée magique", qui ne distinguait pas figure et fond. La pensée technique entérine l'idée d'une figure indépendante de tout fond : elle considère que des éléments, les objets techniques, sont mobilisables et manipulables en tout contexte, donc indépendants de tout lieu. En réponse, la pensée religieuse s'affirme en prenant en charge les puissances de fond : c'est une pensée de la totalité en laquelle, idéalement, toute singularité doit se résorber voire être niée. Or, la pensée esthétique, selon Simondon, naît au point de disjonction de ces deux modes de pensée. Elle cherche à réactiver l'interdépendance de la figure et du fond. Elle opère en l'humain avant même qu'il élabore des objets esthétiques. Mais la pensée esthétique, fondamentalement analogique, façonne ses produits comme autant de composés d'affects et de percepts de corrélation. Si l'on suit Simondon, il n'est pas étonnant que les images constituent un lieu privilégié pour donner à éprouver des réalités puissamment relationnelles. Parmi ces réalités intangibles, il y a bien évidemment ce fond connectif, ce milieu d'interdépendances qu'est la condition écologique, la condition d'existence même des formes du vivant. Or il semble que le cinéma tente en fait assez tôt de donner à éprouver cet invisible, qu'il y traite de questions explicitement environnementalistes ou non. On se proposera de vérifier cette hypothèse auprès de films aussi différents que La Fin du monde (Verdens Undergang, 1916, Auguste Blom) ou L'Heure suprême (Seventh Heaven, 1927, Frank Borzage), parmi bien d'autres.

Benjamin Thomas, professeur en études cinématographiques, est spécialiste d'esthétique du cinéma. Ses dernières publications sont Sujets sensibles. Une esthétique des personnages de cinéma (La Lettre Volée, 2022), De l'insistance du monde. Le paysage en cinéma (Passage[s], 2022) et un ouvrage collectif consacré à Bruno Dumont (Warm, 2021). Dans le prolongement de son essai Faire corps avec le monde. De l'espace cinématographique comme milieu (Circé, 2019), il s'intéresse aux puissances écologiques des formes filmiques.

Éric THOUVENEL : "Une lumière qui projette toujours quelque part des ombres" : science et cinéma, une idylle matérialiste à la Belle Époque
La fin du XIXe siècle et le début du suivant ont été le théâtre de bouleversements majeurs : dans le champ des sciences et techniques, de l'organisation des sociétés, de l'économie, de la philosophie, et bien sûr, de la création artistique. L'avènement du cinéma se fait en plein cœur de cette période d'intenses transformations de notre rapport au monde, de vacillement de nos certitudes, mais aussi de redéfinition des rapports entre forme et matière, visible et invisible. En découvrant et en précisant l'ampleur des relations que la matière entretient avec le mouvement, la lumière et l'énergie, les grandes avancées scientifiques de cette époque permettent de donner corps à un vieux rêve humain : celui de voir au-delà, au travers ou au plus profond de la matière, et par là-même, de redéfinir les rapports entre le visible et l'invisible. C'est ce dont témoigneront de nombreux films de la Belle Époque, non seulement dans le registre du cinéma scientifique (Lucien Bull, Jean Comandon, Jean Painlevé...) ; mais surtout et essentiellement dans celui de la création d'avant-garde, de fiction ou documentaire, en produisant des formes de sensibilité esthétique de la matérialité, aussi bien que des formes d'intelligibilité. Ainsi voit on se multiplier, particulièrement dans les années 1920, un attrait pour les poussières, les brouillards, les nuées, les éclats ; mais également une fascination vis-à-vis de la capacité du cinéma à révéler l'invisible tel qu'il gît au plus profond de la matière du monde (chez Dimitri Kirsanoff, Alberto Cavalcanti, Jean Epstein, Germaine Dulac, Marcel L'Herbier, Jean Grémillon, Ralph Steiner, et bien d'autres). Dans le même temps, ce sont des philosophes et des scientifiques intéressés par ces questions qui se pencheront eux aussi sur le dispositif cinématographique, conçu comme un puissant outil de manifestation de l'invisible à travers des formes ou des figures de visibilité, à l'instar d'Henri Bergson ou Gaston Bachelard. C'est cette rencontre heureuse entre cinéma et science dans le premier vingtième siècle que cette communication se propose d'aborder, sous l'angle des imaginaires de la matérialité.

Éric Thouvenel est professeur en études cinématographiques à l'université Paris Nanterre. Après une thèse consacrée aux "Images de l'eau dans le cinéma français des années 20", il a notamment travaillé sur les films et les écrits théoriques de Jean Epstein, sur le cinéma expérimental, et consacré un ouvrage à l'œuvre de Gaston Bachelard, dans sa relation au cinéma. Membre de l'équipe de recherche HAR (Nanterre) et membre associé de l'équipe APP (Rennes 2), il est également codirecteur de la collection "cinéma" aux Presses universitaires de Rennes.

Jean-Louis VINCENDEAU : La photographie, un art de l'invisible, certains objets en suspens | Présentation de son travail et exposition
Petits théâtres d'objets ou théâtres de petits objets, ces petites choses abandonnées, trouvées, retrouvent un sol autre, un site, elles se déploient alors ou irradient bien au-delà d'elles-mêmes. Pour qu'une brindille ressemble à un arbre il faut qu'elle soit bien disposée, installée au bon endroit sous une bonne lumière. Au détour d'une association d'idées, selon les affrontements de hasard et du hasard, un petit éclat d’abîme arraché au néant se découvre à la première personne du singulier et embarque le récit vers de nouvelles aventures. De petites scénographies nées de rencontres d'objets et d'images, curiosités naturelles et ressorts cachés, plus ou moins domestiqués, de la nature dans ses affleurements hermétiques. Un objectif est cependant poursuivi, à savoir faire se déplacer un objet dans le lieu décor préparé spécialement pour l'animer et l'enchanter. Sur un site donné il existe parfois un endroit que l'on ne voit pas et pourtant apparaît pour certain un lieu secret, invisible. Lieu qui à son tour interagit et interfère. Il s'agit à chaque fois d'organiser "l'ichnographie", l'architecture des justes places, s'il est bien placé l'objet vient combler la distance entre le site et le sol. La brindille ramassée au sol se régénère en arbre debout, campée sur "son" nouveau sol par la magie de "l'anaktisis" (de "ana", en remontant et "ktisis", création). Des objets abandonnés, invisibles pour tout un chacun, sont recueillis, rassurés, éclairés, adoptés dans un nouveau monde, ce monde où ils redeviennent visibles et retrouvent leur dignité. Ce seul objet devenu "digne de présence" peut faire advenir un lieu, l'objet placé constitue alors un point d'articulation entre le site et le sol. Interaction, hybridation et discrètes affordances, l'espace que l'on désire explorer et d'où peut surgir l'inattendu doit se mériter. Fenêtres ouvertes sur "l'impensé", de nouveaux objets viennent se glisser encore et encore dans un territoire qui s'invente au fur et à mesure, voilà l'idée traversière de cette aventure.

Jean-Louis Vincendeau, né en 1949 à Gétigné, en pays nantais, en retraite de l'enseignement supérieur, toujours curieux, fouilleur assurément, artiste peut-être ?. Il a réalisé plusieurs expositions, notamment à la Galerie Polaris, Paris.
Ouvrages publiés
Petit traité du jardin en ville, Desclée de Brouwer éd., Paris, 1993.
Parchemins, à propos du jardin Shakespeare, ENSBA éd, Paris, 2004.
Giuseppe Penone, la salle des épines, Les éditions éoliennes, Paris, 2007.


PERFORMANCE :

RIEN À VOIR (#3), performance de Pauline PICOT

Ce sera peut-être doux, peut-être inquiétant.
Ce sera peut-être de l'hypnose, et peut-être pas.
Ce sera une traversée ; une suspension.
Il n'y aura rien à voir.
Quelque chose à vivre.

RIEN À VOIR est une performance créée en décembre 2022 à la bibliothèque Diderot de l'ENS de Lyon, en écho à l'exposition conçue par Céline Frigau Manning autour de son ouvrage Ce que la musique fait à l'hypnose. Une relation spectaculaire au XIXe siècle (Les presses du réel, 2021). Cette forme est reprise — avec toutes les fluctuations et variations que suppose l'art de la performance — à l'occasion du festival lyonnais Pop'Sciences en mai 2023. Pour ce colloque, Pauline Picot propose une troisième version de RIEN À VOIR.

Pauline Picot est docteure en Études Théâtrales. Soutenue en décembre 2021, sa thèse a été effectuée à l'université Lumière Lyon 2 sous la direction de Mireille Losco-Lena. Son champ de recherche porte sur l'imaginaire du fluide (magnétisme, électricité, spiritisme) dans le théâtre français du XIXe siècle. Il déploie des questionnements défrichés à l'occasion de son Master 2 effectué à l'ENS de Lyon, dont le mémoire investiguait les échos entre le théâtre et l'hypnose au XIXe siècle. Elle est intervenante à l'ENSATT Lyon en dramaturgie depuis 2018, et contributrice permanente à la revue Synapsis publiée par le département d'Humanités Médicales de l'université de Columbia (New York). Pauline Picot est également performeuse et autrice ; les éditions Quartett publient ses textes théâtraux depuis 2012. Sa dernière pièce, Votre âme sœur est peut-être dans cette forêt (2022), est mise en voix au Théâtre du Rond-Point en février 2023. En 2024, elle écrit Je pourrais compter tous mes os, qui bénéficie de l'accompagnement du dispositif Texte En Cours.
https://www.ardetpaulinepicot.com/
Publications
"Quand l'électricité s'invite dans le champ domestique : le fantasme du mobilier électrique au théâtre dans la deuxième moitié du XIXe siècle", in BAREL-MOISAN Claire et GLEIZES Delphine (dir.), Merveilles électriques : invention littéraire, vulgarisation et circulation médiatique, Champs sur Marne, LISAA Éditeur [disponible en ligne sur OpenEdition Books - novembre 2024].
"Faire connivence : l'invention électrique sur scène (1859-1908)", in BAZIN Laurent et BAREL-MOISAN Claire (dir.), Itinéraires 2024-2 : Le Merveilleux scientifique en spectacle (1850-1940) (disponible en ligne sur le site de la revue - mai 2024).
"Stunning and Stirring : A Theory on the Symbolic of Spirit Ectoplasm in the Early 20th century" ["Sidérer et troubler : sur la symbolique de l'ectoplasme spirite au tournant du XXe siècle], in Synapsis : A Health Humanities Journal, mis en ligne le 9 novembre 2022.
"Corps conducteurs : l'acteur et le magnétisme au XIXe siècle", in FEUILLEBOIS Victoire et PÉZARD Émilie (dir.), Le Réel invisible. Le magnétisme dans la littérature (1780-1914), Paris, Classiques Garnier, 2022.
"Galvanism in 19th Century Fench Theater : Bringing Dead Words Back to Life" ["Le galvanisme dans le théâtre du XIXe siècle en France : ressusciter les mo(r)ts"], in Synapsis : A Health Humanities Journal, mis en ligne le 16 octobre 2019.
"Sur la spectacularité de l'hypnotisme clinique", in FARAMOND Julie de et FILIPPI Florence (dir.), Théâtre et médecine : de l'exhibition spectaculaire de la médecine à l'analyse clinique du théâtre, Actes du colloque organisé les 27 et 28 mai 2010 à l'université Paris Descartes, Épistémocritique, mis en ligne le 13 mai 2016.


BIBLIOGRAPHIE :

• AMIEL Vincent, Naissances d'images : L'image dans l'image, des enluminures à la société des écrans (Esthétique t. 92), Paris, Klincksieck, 2018.
• ANSELMINI Julie et BOBLET Marie-Hélène (dir.), De l'émerveillement dans les littératures narratives et poétiques du XIXe et XXe siècles, Grenoble, ELLUG, "Ateliers de l'imaginaire", 2017.
• AUMONT Jacques, Doublures du visible. Voir et ne pas voir en cinéma, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2021.
• BANDA Daniel & MOURE José, Avant le cinéma. L'œil et l'image, Paris, Armand Colin, collection "Cinéma / Arts Visuels", 2012.
• BANDA Daniel & MOURE José (textes choisi et présentés par), Le cinéma : naissance d'un art (1895-1920), Paris, Champs Flammarion, 2008.
• BAUDOUIN Philippe, Apparitions : les archives de la France hantée, Paris, Hoëbeke, 2021.
• BERNARD-GRIFFITHS Simone et BRICAULT Cécile (dir.), Magie et magies dans la littérature et les arts du XIXe siècle français, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2012.
• BERTON Mireille, Le Corps nerveux des spectateurs : cinéma et sciences du psychisme de 1900, Lausanne, L'âge d'homme, 2015.
• CALVET Yann, Cinéma, imaginaire, ésotérisme : Murnau, Dreyer, Tourneur, Lewin, Paris, Éditions L'Harmattan, Collection "Champs Visuels", 2003.
• FEUILLEBOIS Victoire et PÉZARD Émilie, Le Réel invisible : le magnétisme dans la littérature, 1780-1914, Minard, Lettres modernes, "Écritures XIX", 2022.
• GLAUDES Pierre et PAGANI Francesca (dir.), Cahiers de littérature française, n°17, "Littérature et magnétisme", 2018.
• HOPKINS-LOFÉRON Fleur, Voir l'invisible. Histoire visuelle du mouvement merveilleux-scientifique (1909-1930), Paris, Champ Vallon, 2023.
• LEUTRAT Jean-Louis, Vie des fantômes : le fantastique au cinéma, collection "Essais", Édition de l'Étoile / Cahiers du Cinéma, 1995.
• LEDDA Sylvain (dir.), Cahiers de l'Herne : Mondes invisibles, mars 2023.
• MANNONI Laurent et CAMPAGNONI Donata Pesenti, Lanterne magique et film peint, Paris, La Martinière / Cinémathèque française, 2009.
• MILNER Max, La Fantasmagorie, Paris, PUF, 1982.
• MOURE José, Aux commencements du cinéma, Rennes, collection "Épures", Presses universitaires de Rennes, 2023.
• OLIVERO Massimo, Figures de l'extase. Eisenstein et l'esthétique du pathos au cinéma, Sesto San Giovanni – Italie, Mimésis, 2017.
• PRIEUR Jérôme, Séance de lanterne magique, Paris, Gallimard, 1985.
• SCHEINFEIGEL Maxime, Cinéma et magie, Paris, Armand Colin, 2008.
• THOMAS Benjamin, Fantômas de Louis Feuillade, Paris, Vendémiaire, 2017.
• VERNET Marc, Figures de l'absence : de l'invisible au cinéma, Paris, collection "Essais des Cahiers du cinéma", Éditions de l'étoile, 1988.


SOUTIENS :

• UFR "Humanités et Sciences Sociales" (HSS) | Université de Caen Normandie
• Laboratoire "Lettres, Arts du Spectacle, Langues Romanes" (LASLAR - UR 4256) | Université de Caen Normandie
• Institut "Arts Créations Théories Esthétique" (ACTE - UR 7539) | Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Caen la mer Normandie


BULLETIN D'INSCRIPTION


Les inscriptions à ce colloque sont maintenant ouvertes. Au regard de notre capacité d'accueil, celles-ci pourront être mises sur une liste d'attente.


Avant de remplir ce bulletin, consulter la page Inscription de notre site.

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[par exemple : grande taille (plus de 1,80 m), problèmes de mobilité, partage d'une chambre ou voisinage de chambres, inscription groupée, régime médicalement surveillé, ...]
Ces renseignements sont utiles à la répartition des chambres. Le logement est assuré au château de Cerisy et ses dépendances, en chambres doubles ou individuelles. En cas de grande affluence, les inscrits tardifs se logeront aux alentours.

Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


LÀ OU SE DÉPLOIE LE MONDE…

DROIT ET LITTÉRATURE : FORMES ET SENS À MÊME L'HISTOIRE


DU LUNDI 19 AOÛT (19 H) AU DIMANCHE 25 AOÛT (14 H) 2024

[ colloque de 6 jours ]



ARGUMENT :

Là où se déploie le monde on trouve le droit, on trouve la littérature. Deux disciplines enracinées dans l'histoire et ayant pour tâche de rendre visible, de donner forme à un réel insaisissable et cependant résistant. La démarche Droit et littérature établit un dialogue entre ces "formes formantes" que sont ces langues constituantes et accompagnantes. Dialogue qui sera institué lors de ces journées à partir d'objets tantôt personnifiés tels l'auteur, le bâtard, la nature, tantôt notionnels telles la justice, la laïcité, le droit (I). Il le sera également à partir de l'étude des genres littéraires (II) que ceux-ci relèvent du roman, de la poésie ou d'une narratologie embrassant le témoignage, les essais, les récits.

Universitaires (qu'ils soient littéraires, historiens, juristes, philosophes), magistrats, écrivains (qui peuvent être universitaires, magistrats, historiens), avocats, historiens et philosophes, forts de cette pensée à la croisée de dynamiques trop souvent jugées étrangères l'une à l'autre, tenteront de répondre à "la créance de sens" d'un monde "qui va", d'un "monde qui ne va pas" comme à celle que leur pratique induit réflexivement (III). Ce n'est que superficiellement que la dimension critique semble dominer ce dialogue. La dimension créatrice de cette pratique qui permet de saisir un droit et une littérature en mouvement, émancipe valeurs, genres, normes de toute tentation de rigidification, nourrit la vie "en train de se faire".


MOTS-CLÉS :

L'Auteur, La Bâtardise, Comme si, Créance de sens, Désir de justice, Droit et littérature, Éléments naturels, Faits divers, Forme formante, Généalogie esthétique, Justice narrative, Laïcité, Matrice narrative, Mère, La norme et la valeur, Poésie et droit, Récit herméneutique, Sociologie juridique, Utopie constituante


CALENDRIER PROVISOIRE (29/06/2024) :

Lundi 19 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 20 août
POSSIBILITÉS D'UN DIALOGUE
Matin
Sandra TRAVERS DE FAULTRIER : Ouverture
Nicolas DISSAUX : L'amour du droit dans la littérature
Yves-Édouard LE BOS : La haine du droit dans la littérature

Après-midi
Jean-Paul HONORÉ : Un lieu de justice, Arléa, 2021
Gisèle BIENNE : Dans la nuit de l'écriture : aller de contre-vérités en vérités
Odile BARRAL : Être juge et vouloir écrire


Mercredi 21 août
LES PERSONNAGES DE LA PENSÉE
Matin
Marco Antônio SOUSA ALVES : L'auteur au croisement du droit et de la littérature
Anne-Elisabeth CRÉDEVILLE : La naissance illégitime ou bâtardise : de la disqualification juridique à l'injure

Après-midi
Judith SARFATI-LANTER : La figuration des éléments naturels dans le droit et dans la littérature contemporaine (France, Australie, États-Unis)
Véronique TAQUIN : Coupable ou non coupable ? Le sujet et son désir de justice. Problématisations littéraires du droit issues du XIXe siècle
Jacques Athanase GILBERT : Une généalogie de la justice


Jeudi 22 août
LES PERSONNAGES DE LA PENSÉE (SUITE)
Matin
Sophie DELBREL : Libérer le monde de l'emprise religieuse : Zola romancier de la laïcité
Marie-Hélène BOBLET : La langue du IIIe millénaire. Comment on parle ou la responsabilité en miettes

Après-midi
DÉTENTE


Vendredi 23 août
DES FORMES À L'ŒUVRE
Matin
Nicolas MATHEY : Roman sociologique et sociologie du droit. Contribution à une sociologie juridique dans la littérature
Nicolas BAREÏT : Scénographie de l'ennui : l'enquête du coroner dans le roman policier à énigme

Après-midi
Colette CAMELIN : Là où s'est démis le droit, règne la violence la plus brutale. Que peut alors de la poésie ?
Denis SALAS : Le concept de justice narrative
Myriam ROMAN : Pour une poésie du droit ? Jules Michelet et les Origines du droit français cherchées dans les symboles et formules du droit universel (1837)


Samedi 24 août
CRÉANCE DE SENS
Matin
Christine BARON : Le fait divers comme matrice narrative
Marion MAS : Le récit d'instruction judiciaire : une machine herméneutique ?

Après-midi
Daphné VIGNON : La généalogie esthétique et ontologique de la norme et de la valeur : de la Révolution au solipsisme
Laurent LOTY : Utopie constituante


Dimanche 25 août
CRÉANCE DE SENS (SUITE)
Matin
François OST : Quel(s) récit(s) - petits ou grands - pour un monde éclaté ?
Sandra TRAVERS DE FAULTRIER : Ouvrir les mots

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Nicolas DISSAUX : L'amour du droit dans la littérature
Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout ? Les rapports que la littérature entretient avec le monde du droit peuvent-ils être envisagés sous le prisme amoureux ? Disons que certaines œuvres littéraires manifestent une espèce de passion pour la chose juridique, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur ? C'est l'avènement, par exemple, de ce que l'on a pu appeler le genre législatif au XVIIIe siècle, le temps où quelques grands écrivains se piquaient d'écrire des constitutions et de proposer des lois. Le pire ? C'est, plus près de nous, l'instrumentalisation de la littérature à des fins justicières. Quels sont donc les tenants et les aboutissants de l'amour du droit dans la littérature ? Menée à travers les siècles, cette enquête a peut-être quelque chose à nous révéler et sur le droit et sur la littérature.

Nicolas Dissaux est Agrégé des Facultés de Droit ; Professeur à Le Mans Université ; Avocat au barreau de Paris et Rédacteur en chef de la revue Droit & Littérature.

Yves-Édouard LE BOS : La haine du droit dans la littérature
Naguère, un spécialiste de littérature, désormais professeur au Collège de France, s'était intéressé à La haine de la littérature (Les Éditions de Minuit, 2015). "On nomme antilittérature, écrivait William Marx, tout discours qui s'oppose à la littérature et la définit en s'y opposant. On nomme littérature tout discours auquel s'oppose l'antilittérature. Pas de littérature sans antilittérature". Y aurait-il un discours littéraire antijuridique qui s'opposerait au droit et se définirait en s'y opposant ? La haine du droit, voilà ce qu'inspirent à certains écrivains, ses mots, son style, ses personnages, ses normes, autant de cibles bénies pour ceux qui l'ont en horreur. Haine des études de droit (Gustave Flaubert), de la loi (Charles Péguy, Philippe Muray), haine des notaires (Honoré de Balzac, Joris-Karl Huysmans, et une grande partie de la littérature du XIXe), haine de l'Union européenne et de son droit (Houellebecq, Muray), haine du Code civil (L. Bloy) sont autant d'exemples intéressants d'aversion pour les phénomènes juridiques. L'inventaire raisonné de ces haines permettra de se demander si des courants littéraires sont plus spécifiquement destinés à cette haine, si des types d'écrivains (anti-modernes, réactionnaires, progressistes) ont tout particulièrement le Droit dans le viseur de la plume ? En soumettant certaines haines à l'analyse critique, on se demandera également s'il n'y a pas parfois une défaillance dans la représentation.

Yves-Édouard Le Bos est Maître de conférences en droit privé, Université Sorbonne Nouvelle, unité de recherche Intégration et Coopération dans l'Espace Européen (ICEE).

Sandra TRAVERS DE FAULTRIER : Ouvrir les mots
Confiée au droit comme à la littérature, la faim de référentialité du réel produit des figures dynamiques chargées d'habiter l'incertitude. Que l'on introduise la langue de la généalogie ou celle du "comme si", ces figures "circonscrites et fétichisées dans l'enclos sacré des études" (Jean-Christophe Cavallin, José Corti, 2021, p. 37) conduisent à la béance des fondements comme à la fécondité du "pourquoi pas". Pensée en mouvement la lecture Droit et Littérature répond provisoirement sous forme d'interrogations productives à "la créance de sens" que semblent lui tendre ses praticiens. Car loin de déconstruire (malgré son aspect critique ou didactique) elle ouvre à même son objet les mots pour le dire.

Sandra Travers de Faultrier est Docteure en droit, docteure es lettres ; Membre associée du centre de recherche sur la justice et le règlement des conflits (Paris 2 où elle assure le cours Justice et littérature) et Membre du comité de rédaction des Cahiers de la justice.


Nicolas BAREÏT : Scénographie de l'ennui : l'enquête du coroner dans le roman policier à énigme
En Angleterre, l'enquête du coroner est une figure imposée du roman policier à énigme, alors même qu'elle peut s'avérer ennuyeuse. Comment (d)écrire cette procédure sans provoquer les bâillements du lecteur ? Les stratégies narratives sont plurielles, mais toutes se rejoignent autour d'une même critique : l'enquête du coroner n'est pas un instrument de justice.

Nicolas Bareït est Maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles à l'université de Pau et des Pays de l'Adour. Depuis près de dix ans, il étudie les rapports entre le Droit et la Littérature et en particulier les représentations du Droit dans le roman policier à énigme (Agatha Christie. Le droit apprivoisé, Classiques Garnier, 2020).

Odile BARRAL : Être juge et vouloir écrire
Il s'agit de la confrontation entre l'écriture professionnelle, juridique et l'écriture littéraire, comme un idéal toujours à atteindre, toujours reporté. Le métier de magistrat absorbe non seulement le temps mais aussi l'énergie disponible dans une course effrénée pour tenter de remplir sa tâche, entraînant la nécessité d'écrire de multiples décisions. Il est aussi le lieu privilégié pour écouter des centaines d'histoires des plus diverses, tragiques ou ordinaires, si riches qu'on voudrait témoigner de cette humanité dans tous ses aspects, parfois haïssables, si souvent bouleversants. Ce travail qui engloutit une si grande part de notre temps de loisir engendre la nécessité impérieuse de reprendre pied dans ce maelstrom intérieur, de retrouver la singularité de chaque histoire tout en rejoignant notre humanité puisque selon le beau vers d'Octavio Paz "Un épi est tout le blé".

Odile Barral a été magistrat entre 1979 et 2022, ayant exercé essentiellement les fonctions de juge d'application des peines, juge des enfants et juge des tutelles. Auteur de Chroniques de l'enfance en danger, Éditions du Cherche Midi, 1997 ; Les passeurs de murailles, Éditions Erès, 2007 ; Les enfants otages dans les conflits d'adultes, Éditions Erès, 2013 ; et de différents articles dont "Émotion et jugement" et "Le juge et la vulnérabilité" dans les Cahiers de la justice.

Gisèle BIENNE : Dans la nuit de l'écriture : aller de contre-vérités en vérités
Comment en enquêtant sur des sujets brûlants une clarification de situations problématiques vécues dans l'ombre s'opère au quotidien ? Gisèle Bienne revisitera les moments forts où elle a écrit trois de ses derniers livres : La Malchimie (2019), qui interroge la nocivité des produits phytosanitaires ayant rendu son frère, ouvrier agricole, très malade ; L'homme-frère (2021), qui analyse les lois régissant la transmission des terres dans le milieu agricole et leurs répercussions sur les familles ; Les larmes de Chalamov (avril 2023), qui s'attache à l'auteur des Récits de la Kolyma — la Kolyma où Chalamov fut déporté pendant dix-sept années sous Staline — à l'homme intègre et l'écrivain censuré qu'il a été et qui est une référence pour les historiens (Livres parus aux éditions Actes Sud).

Marie-Hélène BOBLET : La langue du IIIe millénaire. Comment on parle ou la responsabilité en miettes
À partir de la sensibilité à et du travail sur la langue, je proposerai une lecture comparée de récits fictionnels ou non fictionnels du XXIe siècle : La Question humaine de François Emmanuel (2000), Entre chagrin et néant (2009) et Comment on expulse. Responsabilités en miettes (2011) de Marie Cosnay, Personne ne sort les fusils de Sandra Lucbert (2020). Chacun de ces textes enregistre et adresse, avec la distance et l'apostrophe propres à tout geste littéraire, les récents déplacements, appropriations ou accommodations linguistiques perceptibles dans la langue de l'entreprise ou dans celle du prétoire, et offre à / permet de "voir en prose" (Sandra Travers de Fautrier) les errements de la société néo-libérale.

Marie-Hélène Boblet est Professeure émérite des Universités en Langue et Littérature françaises, Université de Caen-Normandie. Elle est spécialiste des XXe et XXIe siècles et des écritures dialogales.
Bibliographie
"Histoire, témoignage, montage : quelques pratiques du récit dans Comètes et Perdrix de Marie Cosnay", in FIXXION, n°26, "Littérature du procès, Procès de la littérature", L. Demanze et M. Barraband (éds.), 2023.
"Des faillites et des failles : ce que juger veut dire", in Dire et lire les vulnérabilités contemporaines, études réunies et présentées par M.-H. Boblet et Anne Gourio, ELFe XX-XXI, n°9, 2020.
"Au nom des ressources humaines", Quand la littérature fait savoir. Mutations, institutions, interactions, Contemporary French & Francophone studies, Sites, A. Rousso, J.-M. Moura, D. Viart (éd.), Connecticut, 2016.
"D'une résurgence à l'autre : de Shoah à La Question humaine", French Forum, Special Issue : Résurgence/Oubli, vol. 41, n°1-2, 2016, University of Pennsylvania, Ph. Met (éd.), p. 39-50.

Colette CAMELIN : Là où s'est démis le droit, règne la violence la plus brutale. Que peut alors de la poésie ?
"Les hommes assoiffés de liberté sont morts
Mais leurs âmes mortes vivent en résistance."
"Enfant, mère, printemps. Pour le dix-neuvième anniversaire du 4 Juin"
LIU Xiaobo, Élégies du 4 juin (juin 1990 – juin 2009)

Liu Xiaobo (1955-2017) était professeur de littérature quand survinrent les grandes manifestations de Tienanmen, en mai 1989. Il joua un rôle essentiel dans l'organisation pacifique des étudiants, rejoints par de nombreux citoyens de Pékin. Deng Xiaoping, donna l'ordre de réprimer le soulèvement hors de tout cadre légal. L'Armée Populaire de Libération a tué des manifestants pacifiques avec des fusils d'assaut et des tanks. Des milliers d'arrestations et d'exécutions extrajudiciaires ont eu lieu dans les mois suivants. Liu a été emprisonné. Ces massacres n'ont cessé de le hanter : "Je suis survivant d'un désastre". "Je vois les âmes mortes". Il compose chaque année une élégie dédiée aux "âmes errantes" des "morts injustes". Liu Xiaobo affronte ainsi la "créance de sens" que lui ont laissée les vaincus de Tienanmen, la dette qu'il lui appartient d'acquitter — tâche impossible, mais chaque poème tente de traverser la violence brutale pour construire une résistance à la désintégration de l'humain. Les manifestants de Tiananmen réclamaient des droits qu'ils croyaient relever de l'idéal communiste : justice sociale, liberté de penser, de publier, de faire des propositions favorables au peuple. Liu a été arrêté en 2009 pour avoir participé à la rédaction de la Charte 08 proposant des réformes constitutionnelles qui aboutiraient à "un socialisme à visage humain" et pour avoir publié un article sur "Les enfants esclaves dans les briqueteries noires" organisées par des responsables politiques corrompus. Il fut condamné à onze ans de réclusion pour "subversion au pouvoir d'état". Il reçut le prix Nobel en 2010, mais sa chaise resta vide à Stockholm. Il mourut prisonnier le 13 juillet 2017. Ses textes politiques et juridiques La philosophie du porc et Vivre dans la vérité développent la pensée et les valeurs présentes dans les Élégies. Liu instaure un rituel, un mémorial qui fait revivre les vaincus dans leur chair et leur espérance. Les Élégies, si douloureuses soient-elles, mettent en mouvement la sensibilité et l'imaginaire du lecteur grâce à la force des images et du rythme, aux points de vue insolite, comme celui d'une planche. Les Élégies de Liu honorent, contre la destruction brutale, la beauté des jeunes vaincus.

Anne-Elisabeth CRÉDEVILLE : La naissance illégitime ou bâtardise : de la disqualification juridique à l'injure
La bâtardise est la conséquence de l'absence de légalité de la situation matrimoniale des parents qui rejaillit sur la naissance de l'enfant juridiquement illégitime, qu'il soit enfant naturel simple, enfant adultérin ou incestueux. L'illégitimité concerne la naissance, non l'état social. La stigmatisation et l'opprobre dus essentiellement aux religions empêchant l'enfant d'hériter et d'être citoyen, n'a pas empêché sa légitimation, son intégration et sa réhabilitation grâce à l'action et l'affirmation de sa liberté d'être ce qu'il est, telles que le démontre la littérature dans l'œuvre de Shakespeare, Gide, Sartre. À l'époque contemporaine, le terme bâtard est considéré comme une injure, succédané de la disparition de la bâtardise. Il peut qualifier une personne vivant sans l'un de ses parents, ou étant née dans des conditions socialement défavorables. Si le mot est actuellement une "insulte par ricochet", en cela qu'elle stigmatise le comportement d'un tiers, il est aussi une insulte de solidarité, ne visant pas la blessure mais la connivence, la référence au statut de la naissance semblant avoir plus ou moins disparu des usages.

Anne-Elisabeth Crédeville est conseillère doyenne honoraire à la Cour de cassation ; elle est actuellement vice-présidente du conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Elle a publié en septembre 2023 aux éditions Mare et Martin dans la collection "droit et littérature" : Shakespeare et l'honneur.

Sophie DELBREL : Libérer le monde de l'emprise religieuse : Zola romancier de la laïcité
Au lendemain de la défaite de Sedan, interroger le "monde qui ne va pas" pour Zola passe par la remise en cause de l'alliance traditionnelle de l'État et de l'Église ; avec Vérité, volume inspiré par l'affaire Dreyfus, cette préoccupation éclate au grand jour. Dans la dénonciation radicale de l'instrumentation religieuse que le créateur des Rougon-Macquart et de la famille Froment opère, le monde dévot est synonyme de faux-semblants, le monde clérical apparaissant comme un monde de ténèbres. En même temps, intacte est la fascination de l'auteur pour la foi sincèrement vécue, le croyant étant présenté comme une force individuelle, voire comme un modèle de comportement. La quête de l'authenticité qui anime Zola rejoint ainsi le thème de la laïcité, élément d'une philosophie par laquelle il répond à la "créance de sens".

Maître de conférences en Histoire du droit à l'université de Bordeaux, Sophie Delbrel est spécialiste d'histoire de la justice. Depuis plusieurs années elle explore l'univers littéraire de Zola et a publié Zola peintre de la justice et du droit (Dalloz, 2021). Ses derniers articles portent sur "Travailler pour le meilleur et pour le rire ? Les Repoussoirs, conte d'Émile Zola" et sur "1848 ou la Fraternité en héritage : Zola et l'imaginaire ouvrier" (Droit Social, 2023, n°1 et n°12).

Jacques Athanase GILBERT : Une généalogie de la justice
L'Orestie d'Eschyle, est un des plus anciens textes de théâtre européen et également la première présentation d'une scène de tribunal. Il raconte l'instauration d'un "État de droit" avec la création du tribunal d'Athènes et figure le moment "tragique", après l'enchaînement des vengeances "épiques", avec l'instauration d'une parole "rationnelle". Désormais, le jugement des hommes et non plus celui des dieux, commandera aux destinées humaines. "L'irruption du fictif", pour reprendre l'expression de Jean-Pierre Vernant, coïncide avec ce qu'on pourrait désigner comme l'irruption d'une justice issue de la parole et la délibération. Cette belle mythologie de l'État de droit n'est toutefois pas sans prix. La contrepartie est énoncée par Apollon lors de sa plaidoirie quand il défend Oreste : mieux vaut tuer sa mère que ne pas venger son père. La raison est généalogique. La mère n'est que le réceptacle de la semence du mari. L'argumentaire est ainsi fondé sur une asymétrie sexuelle absolue appuyé sur une biologie phallocentrée. On comprends alors que l'arrêt de l'enchainement des vengeances correspond aussi à celui de la circularité qui fait qu'un affront, de la même manière qu'un don, doit être rendu. Cette circularité fondait le modèle social. Quand le don de la vie des femmes n'est plus reconnu, se met en place un système d'inclusion et d'exclusion distributif qui prend la forme d'un classement catégoriel et permet in fine d'aboutir à un autre mode de décision.

Jacques Athanase Gilbert est professeur de littérature comparée à Nantes Université. Il est également historien des idées et philosophe. Son travail, largement consacré aux questions de l'imitation, la représentation et l'immersion, interroge également les relations entre théorie et récit. Il co-dirige la revue Études digitales.

Laurent LOTY : Utopie constituante
Pour améliorer une démocratie qui n'en est qu'à ses débuts, nous avons besoin d'imagination politique et juridique, ainsi que d'une éducation populaire à l'écriture de fictions utopiques et de projets législatifs. Un tel programme alterréaliste passe par la compréhension de ce qu'est une fiction utopique, et de ce que pourrait être une déprofessionnalisation de la politique, un processus collectif de Constituante, et la participation de chaque génération à une éventuelle réécriture du texte constitutionnel. Ce sont des précurseurs de l'ultralibéralisme qui ont inventé, en 1705-1710, le nom commun "utopie", avec le sens négatif de rêve impossible, acception ensuite propagée par des marxistes. Le premier texte de ce genre littéraire et politique, Utopia (1516) de More, était pourtant une stratégie littéraire qui invitait à critiquer la réalité et à délibérer sur des réformes, à partir de la présentation d'un monde meilleur, sciemment présenté comme fictif. La littérature utopique a été et pourrait être à nouveau le ferment d'une littérature juridique. Reste à choisir des formes d'écriture bénéfiques : croyance distanciée et méliorisme plutôt qu'espérance d'un Paradis, dialogisme plutôt qu'autoritarisme, et rédaction collective de textes constitutionnels.

Laurent Loty est historien des imaginaires et des idées scientifiques et politiques au CNRS, président d'honneur de la Société française pour l'histoire des sciences de l'homme. Publications sur droit et littérature : articles sur des utopies juridiques de Rétif ; "Condorcet contre l'optimisme", Condorcet mathématicien, économiste, philosophe, homme politique, 1989 ; "Vertu politique et vertu sémantique", préface à H. Drei, La Vertu politique : Machiavel et Montesquieu, 1998 ; "Pour l'indisciplinarité" [2000], The Interdisciplinary Century, 2005 ; Littérature et engagement pendant la Révolution française (codir., 2007) ; Individus et communautés, n° de Dix-huitième siècle, 41, codir., 2009 ; "L'optimisme contre l'utopie : une lutte idéologique et sémantique", Europe, 985, 2011 ; "Sérendipité et indisciplinarité", avec S. Catellin, Hermès, 67, 2013 ; "Écrire des fictions utopiques et juridiques : le programme international "Alterréalisme"", avec A.-R. Morel, dans Pratiques d'écriture littéraire à l'Université, 2013 ; "Que signifie l'entrée du bonheur dans la Constitution ?", La licorne, 115, 2015 ; Dictionnaire des anti-Lumières et des antiphilosophes, coord., 2017 ; "De la soumission aux mots de "gauche" et "droite" à une citoyenneté active", Le philosophoire, 58, 2022.

Marion MAS : Le récit d'instruction judiciaire : une machine herméneutique ?
Dans le vaste ensemble des "legal novels", il en est qui, depuis Le Colonel Chabert, se concentrent sur les étapes de l'instruction judiciaire. Cette forme, qui a une longue histoire au cinéma, a été (ré)investie de manière assez remarquable par le roman contemporain (Tanguy Viel, Karine Tuil, Marie Ndiaye, Antoine Bréa, Laure Heinich…). Nous supposons que ces récits obéissent à une structure et à des effets pragmatiques spécifiques, établissant une communication particulière avec le lecteur, qui les distinguent notamment des "récits de procédure" tels que les définit Richard Weisberg. Il s'agira donc de questionner les mécanismes précis suscitant l'activité interprétative du lecteur dans ces récits d'instruction et leurs enjeux, au regard des normes et des "horizons du droit" (Christine Baron) en vigueur lors de l'écriture et de la diégèse. L'étude portera sur un corpus de récits d'instruction parus entre 2017 et 2022.

Agrégée de lettres modernes, docteure en littérature française, Marion Mas est maîtresse de conférences à l'INSPE de Lyon (Université Lyon 1) et membre de l'IHRIM (UMR 5317). Autrice d'une thèse sur Balzac (parue chez Classiques Garnier en 2015 sous le titre Le Père Balzac. Représentations de la paternité dans La Comédie humaine), ses travaux actuels portent, d'une part, sur la didactique de la littérature, et d'autre part, sur les mises en fiction du droit dans le roman du XIXe et du XXIe siècles.
Publications
"L'interprétation en question dans La vengeance m'appartient de Marie NDiaye et La décision de Karine Tuil", Revue critique de fixxion française contemporaine, 26 | 2023, mis en ligne le 15 juin 2023.
"Écrire le droit. Un enjeu pour les études dix-neuviémistes", avec Myriam Roman, dans Marion Mas et Myriam Roman (dir.), Romantisme, n°199, 2023, p. 5-15.
"Questionner en classe le texte littéraire du point de vue du droit : une motivation pour la lecture littéraire ?", Varia, revue Repères, 2023 [en ligne].
"Article 353 du Code pénal, de Tanguy Viel : un vrai-faux roman de procédure ?", Revue Droit&Littérature, n°5, 2021, p. 285-292.
Le Code en toutes lettres. Écritures et réécritures du Code civil au XIXe siècle (sous la direction de Marion Mas et François Kerlouégan), Classiques Garnier, 2020.
"Raconter le Code civil aux femmes : le jeu du récit et de la norme dans Le Code des femmes, récits et entretiens sur leurs droits, privilèges, devoirs et obligations, d'Auguste-Charles Guichard", dans Marion Mas et François Kerlouégan (dir.), Le Code en toutes lettres. Écriture et réécritures du Code civil au XIXe siècle, Classiques Garnier, 2020, p. 131-147.
"Formes et enjeux de l'écriture du droit dans Le Cousin Pons", dans Pierre Glaudes et Eléonore Reverzy (dir.), Relire Le Cousin Pons, Classiques Garnier, 2018, p. 275-290.
"Entre la lettre et l'Esprit des Lois : discours et représentations du droit dans La Comédie humaine, dans Balzac et les disciplines du savoir, Colloque de Cerisy (2022), organisé par Éric Bordas, Andrea Del Lungo et Pierre Glaudes (à paraître).

François OST : Quel(s) récit(s) - petits ou grands - pour un monde éclaté ?
S'il est vrai que l'humain est un être qui se raconte des histoires et que les sociétés sont des "communautés narratives" partageant des "romans politiques", on peut se demander quel est (quels sont) le(s) récit(s) qui s'impose(nt) aujourd'hui à l'heure de la mondialisation (elle-même contestée) et de la diversité culturelle. La question prend une acuité particulière à l'heure de la "fin des grands récits" (J.-F. Lyotard) et des ravages du storytelling. Question subsidiaire : que devient le récit républicain à la base de l'État de droit ?

Myriam ROMAN : Pour une poésie du droit ? Jules Michelet et les Origines du droit français cherchées dans les symboles et formules du droit universel (1837)
Tout en posant l'Histoire comme un progrès et une avancée vers l'abstraction, l'historien Jules Michelet propose en 1837 un curieux ouvrage, érudit et poétique, qui recherche les formes juridiques symboliques de l'ancien droit. Pour Michelet, au commencement des sociétés humaines, déjà, était le droit, vécu, joué dans des gestes et des paroles formulaires. Nous définirons ce que l'historien entend par poésie du droit, et nous expliquerons l'intérêt qu'il lui porte, d'autant plus surprenant en plein XIXe siècle des codes.

Spécialiste de Victor Hugo et du romantisme, Myriam Roman est professeur de littérature française du XIXe siècle à l'université de Lille. Elle a publié récemment Le droit du Poète. La justice dans l'œuvre de Victor Hugo, Presses universitaires de Saint-Étienne, coll. "Le XIXe siècle en représentation(s)", 2023 et co-dirigé avec Marion Mas un numéro de Romantisme, Écrire le droit, n°199, 2023.

Marco Antônio SOUSA ALVES : L'auteur au croisement du droit et de la littérature
Selon Michel Foucault, l'auteur est une figure complexe et variable, qui émerge et assume des fonctions spécifiques en raison de certaines pratiques et discours, tant littéraires que juridiques. L'objectif de cette communication consiste à examiner les contours de l'expérience moderne, au carrefour du romantisme et du droit bourgeois, qui a donné naissance à la notion d'auteur propriétaire de son œuvre.

Marco Antônio Sousa Alves est Docteur en philosophie, Professeur à la Faculté de Droit de l'université Fédérale de Minas Gerais (UFMG), Belo Horizonte, Brésil. Il est Coordinateur adjoint du Programme d'études supérieures en droit (PPGD/UFMG).
Publication
Uma genealogia do autor, Éditions UFMG, 2021.

Véronique TAQUIN : Coupable ou non coupable ? Le sujet et son désir de justice. Problématisations littéraires du droit issues du XIXe siècle
À travers quelques grands textes, j'essaierai de cerner la problématisation spécifiquement littéraire du rapport de la psyché au droit au XIXe siècle, dans le contexte d'une double gestation déterminante pour le droit : celle de l'État moderne et celle d'une pensée de l'inconscient. Dans les cas qui m'intéressent, l'œuvre littéraire mène le lecteur face à l'indécidable sur une question de droit, sans cesser de viser le jugement mais en le mettant toujours en défaut, et cela parce que le traitement littéraire de cette question de droit découvre des profondeurs problématiques inaccessibles à des réconciliations dialectiques.

Véronique Taquin est ancienne élève de l'École normale supérieure et de l'IDHEC (FEMIS), professeure honoraire de chaire supérieure en classes préparatoires littéraires, réalisatrice et écrivain (lejeudetaquin.free.fr). Réalisation et publications sur Droit et littérature : Bartleby, ou les hommes au rebut, adaptation cinématographique de la nouvelle de Melville, 1993, diffusion Doriane Films ; Antigone de Jean Anouilh, 1998 ; "Entretien sur Bartleby, A story of Wall Street", avec Sandra Travers de Fautrier, Les cahiers de la justice, 2023 ; Essai en cours de rédaction sur la captation postmarxiste des droits de l'homme.


SOUTIENS :

• Association française pour l'histoire de la Justice (AFHJ)
• Centre de recherche sur la justice et le règlement des conflits (CRJ) | Université Paris-Panthéon-Assas
• Centre d'étude de la langue et des littératures françaises (CELLF) | UMR 8599, CNRS / Sorbonne Université
• Intégration et coopération dans l'espace européen (ICEE) | EA 2291, Université Sorbonne Nouvelle


BULLETIN D'INSCRIPTION


Les inscriptions à ce colloque sont maintenant ouvertes. Au regard de notre capacité d'accueil, celles-ci pourront être mises sur une liste d'attente.


Avant de remplir ce bulletin, consulter la page Inscription de notre site.

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Précisions à nous communiquer pour l'agrément de votre séjour :
[par exemple : grande taille (plus de 1,80 m), problèmes de mobilité, partage d'une chambre ou voisinage de chambres, inscription groupée, régime médicalement surveillé, ...]
Ces renseignements sont utiles à la répartition des chambres. Le logement est assuré au château de Cerisy et ses dépendances, en chambres doubles ou individuelles. En cas de grande affluence, les inscrits tardifs se logeront aux alentours.

Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


RÉGIS JAUFFRET, LES POUVOIRS DE LA FICTION


DU SAMEDI 10 AOÛT (19 H) AU VENDREDI 16 AOÛT (14 H) 2024

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Christelle REGGIANI, Christophe REIG

En présence de Régis JAUFFRET


ARGUMENT :

Écrivain du malaise et de la cruauté, mais aussi de l'humour noir et de la lucidité sur l'âme humaine, Régis Jauffret construit depuis une quarantaine d'années une œuvre aussi abondante qu'éclectique — à ce jour une trentaine de récits et de recueils de nouvelles, qui ont reçu de nombreux prix littéraires.

Cet ensemble qui télescope les genres, désormais reconnu et apprécié par un public élargi tant en France qu'à l'étranger, a été salué par la critique. Les récits de cet observateur féroce, à l'affût d'une humanité broyée par les "machines sociales", rencontrent parfois un rai de lumière poétique quand ils ne font pas feu de tout bois, s'appuyant sur des faits divers contemporains. Dans tous les cas, ils manifestent une remarquable et inlassable inventivité formelle et stylistique, encore très peu explorée. Cette prolixité, la foi en les pouvoirs de l'imagination, la maîtrise de l'écriture et des jeux possibles sur les conventions romanesques font indéniablement de Jauffret un maître de la fiction.

Ce colloque — le premier de cette ampleur à lui être consacré — permettra de reconsidérer l'ensemble de cet itinéraire réflexif d'écrivain, d'en explorer les détours, les inflexions et les virages.


MOTS-CLÉS :

Fiction, Jauffret (Régis), Langue littéraire, Littérature française contemporaine, Microfiction, Nouvelle, Poétique, Roman contemporain, Romanesque, Stylistique, Théorie littéraire


CALENDRIER PROVISOIRE (06/07/2024) :

Samedi 10 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants, ainsi que du Foyer de création et d'échanges


Dimanche 11 août
Matin
Gaspard TURIN : Microfiction et micropolitique
Frédéric MARTIN-ACHARD : Mutations de l'ironie chez Régis Jauffret

Après-midi
Sjef HOUPPERMANS : Microfictions 2022, "inventaire d'un monde terrible et fabuleux"
Ilias YOCARIS : "Il n'aurait jamais dû me demander où était la Bastille" : éloge et blâme paradoxal dans Microfictions

Soirée
Lectures de son œuvre, par Régis JAUFFRET


Lundi 12 août
Matin
Bérengère MORICHEAU-AIRAUD : La porosité énonciative dans l'écriture de Régis Jauffret
Marinko KOSCEC : La macrofiction de Régis Jauffret

Après-midi
Teresa Manuela LUSSONE : Grande histoire et microfictions. Réflexions autour de 1889

Soirée
Écoute de la série radiophonique Les Nouveaux Maîtres du mystère (écrite par Régis Jauffret), suivie d'un échange avec l'écrivain


Mardi 13 août
Matin
Marie-Albane WATINE : Surprise et déprogrammation du sens dans Microfictions 2022
Anne ROCHE : Rue Marius Jauffret, Marseille huitième

Après-midi
DÉTENTE


Mercredi 14 août
Matin
Anne GARRIC : Quatre relations incestueuses. Du vice discursif dans "Au bois des Anges", "Capuche", "Dans les bras d'un satyre" et "Inceste et hamburgers" de Régis Jauffret
Bahia DALENS & Alice LAUMIER : Régis Jauffret : une littérature du trouble

Après-midi
Stéphane CHAUDIER : La scène du crime dans les Microfictions [communication établie avec Grégoire TALLON]
Sylvie LOIGNON : Dans le ventre de Klara : gestation du monstre


Jeudi 15 août
Matin
Marinella TERMITE : Dans le réseau du non-humain : les pièges de Régis Jauffret
Mervi HELKKULA : Éléments du réel et traits fictionnels dans l'œuvre de Régis Jauffret

Après-midi
Christophe REIG : Régis Jauffret : l'ethos de l'écrivain

Soirée
Projection du film Loup-garou de Stéphane Lévy (où joue Régis Jauffret), suivie d'un échange avec l'écrivain


Vendredi 16 août
Matin
Conclusions, rapports d'étonnement des doctorants et jeunes chercheurs

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Bahia DALENS & Alice LAUMIER : Régis Jauffret : une littérature du trouble
Souvent associée à l'idée de malaise, à celles de dissonance, d'instabilité ou encore de confusion, l'œuvre de Régis Jauffret se place indéniablement du côté du trouble. Activant plusieurs des acceptions de ce terme à la riche polysémie, elle le fait jouer à différents niveaux en étroite interdépendance : thématique d'abord, avec son appétence pour le bizarre, voire le subversif ; narratif ensuite, par sa capacité à perturber ou détourner les codes et les conventions du récit ; générique, enfin, à travers la production de textes qui excèdent ou mettent à mal les repères usuels d'identification. L'étude de cette écriture du trouble est indissociable d'un questionnement sur les modes de lecture induits, autorisés ou appelés par le texte jauffrétien. C'est cette perspective que nous adopterons pour analyser les phénomènes narratifs et génériques au prisme de leurs effets dans la réception. Sans s'y restreindre, notre étude portera principalement sur les textes constituant la première période esthétique de Régis Jauffret, dont Promenade, Univers, univers, Asile de fous et les microfictions sont les représentants les plus évidents.

Alice Laumier est docteure en Littérature française et poursuit actuellement un postdoctorat à l'université de Toronto. Ses travaux portent principalement sur la littérature contemporaine française, les rapports entre littérature et sciences humaines et les trauma studies. Elle est l'auteure de L'Après-coup. Temporalité de l'événement et approches critiques du trauma (2024) et a co-dirigé l'ouvrage collectif Explorations anthropologiques de la littérature contemporaine (2021).

Anne GARRIC : Quatre relations incestueuses. Du vice discursif dans "Au bois des Anges", "Capuche", "Dans les bras d'un satyre" et "Inceste et hamburgers" de Régis Jauffret
"Au bois des Anges", "Capuche", "Dans les bras d'un satyre" et "Inceste et hamburgers" sont quatre des premières Microfictions, qui mettent en récit les violences incestueuses, à travers le discours des ascendants qui se livrent, et livrent leurs descendants, à cet ensemble de pratiques sexuelles prohibées. Unanimement condamné dans les sociétés humaines répertoriées, objet d'étude substantiel des sciences humaines qui en ont fait un tabou suprême — il a d'ailleurs connu une actualité brûlante en France ces derniers mois, faite de la révélation et, souhaitons-le, d'une prise de conscience de son omniprésence dans le tissu social : l'inceste révulse, il scandalise, et peut alimenter les discussions les plus vives quant aux questions éthiques et esthétiques associées à celle de la représentation littéraire. Nous proposons une étude de ces quatre relations incestueuses qui situera le conflit doxique qu'elles mettent en œuvre aux niveaux sémantiques, avec en particulier une forte activation de l'opération axiologique, dans la perspective analytique d'une "éthique des vertus discursives" selon les assises théoriques que Marie-Anne Paveau consacre à ce sujet (Langage et morale : une éthique des vertus discursives, Lambert-Lucas, 2013). Nous scruterons ensuite l'élaboration de ce vice discursif au prisme d'une analyse stylistique structurale, qui tentera de saisir les dynamiques combinatoires et contradictoires du discours figuré dans ces textes de Régis Jauffret.

Agrégée de lettres modernes, Anne Garric prépare actuellement une thèse de doctorat en langue française dont la perspective est stylistique, sous la direction de Christelle Reggiani (Sorbonne Université). Intitulée "Styles de la malséance", elle porte sur un corpus d'œuvres de prose narrative de Georges Bataille, Jean Genet et André Pieyre de Mandiargues.
Publications
""L'homme du parc Monceau" d’André Pieyre de Mandiargues. Dénaturation du référent humain, altération linguistique et dépravation discursive", Roman 20-50, vol. 66, n°3, 2018, p. 143-155.
"Itinéraires obscènes de Georges Bataille. Le scandale dans la langue", in Patrick Mathieu (dir.), Voyage et Scandale, Classiques Garnier, "Géographies du monde", n°34, 2022, p. 213-225.
"Par-delà le noble et l'ignoble : conflit doxique et "séduction hors-la-loi" dans les récits de Georges Bataille, Jean Genet et André Pieyre de Mandiargues" (référence à préciser).
Interventions à des colloques
"Détraquement textuel et "hachis de mots" : Le Musée noir de Mandiargues, un style de décadence", Colloque "Mandiargues : écrire entre les arts" (Cerisy, août 2021) dirigé par Alexandre CASTANT, Pierre TAMINIAUX et Iwona TOKARSKA-CASTANT. L'article recueilli dans les actes à paraître aux éditions des Presses universitaires de Rennes s'intitule "Détraquement textuel et "hachis de mots" : Mandiargues décadent".
"Linguistique du voleur : une heuristique de Jean Genet", Cinquième colloque de l'Association Internationale de Stylistique, intitulé "Styles et imaginaires de la langue", organisé par Mathieu BERMANN et Mathias VERGER à l'université de Paris 8 Vincennes - Saint-Denis (octobre 2022).
"Par-delà le noble et l'ignoble : conflit doxique et "séduction hors-la-loi" dans les récits de Georges Bataille, Jean Genet et André Pieyre de Mandiargues", Premier colloque international du Réseaux de départements de français de l'universtié d’Ain Shams (2 et 3 mai 2023).

Mervi HELKKULA : Éléments du réel et traits fictionnels dans l'œuvre de Régis Jauffret
Le romancier Régis Jauffret a été condamné, en 2016, pour diffamation à l'encontre de Dominique Strauss-Kahn dans son roman La Ballade de Rikers Island (2014). Le viol raconté dans le roman n'a pas pu être prouvé, ce qui rend, selon le tribunal américain, le contenu du roman non conforme à la réalité et, par conséquent, condamnable. Ce qui est cependant plus intriguant du point de vue de la "réalité augmentée", évoquée par l'auteur lui-même, est l'association d'un récit de faits réels à l'usage de modes de narration caractéristiques d'œuvres de fiction. Dans les romans de Jauffret, le narrateur imagine les réactions, les réflexions et les sentiments des personnages, dont les modèles sont dans plusieurs cas des personnes réelles. C'est cet usage "transgressif" des procédés narratifs et des formes du discours rapporté qui sera l'objet d'étude dans cette communication.

Mervi Helkkula est Professeure émérite de langue française à l'université de Helsinki. En plus de l'œuvre de Marcel Proust, elle a publié des études sur la littérature française contemporaine, entre autres Delerm, Echenoz, Kerangal et Jauffret.
Publication
"La famille infernale. Sur la violence langagière dans Asiles de fous de Régis Jauffret", Christophe Reig (éd.), Régis Jauffret. Éclats de la fiction, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2017, 43-54.

Sjef HOUPPERMANS : Microfictions 2022, "inventaire d'un monde terrible et fabuleux"
Cette conférence sera centrée sur une sélection des Microfictions 2022 ; "le monde est une fiction terrible et fabuleuse" comme le dit la quatrième de couverture, définition à scruter d'un regard (psych)analytique me semble-t-il. Le contenu de ces Microfictions, tout en appartenant globalement à la rubrique "faits divers", peint souvent des situations extrêmes et hyperboliques où l'exagération même n'empêche pas une bonne dose d'ironie mais touche également au fantastique coloré d'inquiétante étrangeté. Pour ce qui regarde la forme, le récit court connaît une riche tradition que Jauffret reprend tout en appliquant diverses variantes. La richesse stylistique n'est pas seulement ornementale mais appuie l'âpreté des épisodes.

Sjef Houppermans est professeur émérite en littérature française moderne et contemporaine à l'université de Leyde (Pays-Bas). Ses recherches se servent des théories psychanalytiques et stylistiques. Livres publiés entre autres sur Raymond Roussel, Marcel Proust, Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet, Claude Ollier.
Dernières publications
Marcel Proust déconstructiviste, Classiques Garnier, 2024.
Samuel Beckett Today/Aujourd'hui, numéro 35/2 "En attendant Godot et L'Innommable 70 ans après", Leiden, Brill, 2023.

Marinko KOSCEC : La macrofiction de Régis Jauffret
Plus que la mécanique fine des Microfictions, nous nous proposons d'étudier leurs substrats et liens avec le contexte, autrement dit les syndromes qu'elles reflètent : le désespoir et le désemparement généralisés qui se manifestent par des dérapages individuels, la rage sans objet déterminé, la haine omniprésente de l'autre, la violence ou le désir plus ou moins refoulés d'en finir avec tout ; l'homme dépossédé de son essence et déboussolé face à l'entropie au seuil d'un devenir transhumaniste. En nous appuyant sur quelques réflexions évolutionnistes (Anders, Ellul, Harari) nous abordons les Microfictions comme des figures fractales d'une civilisation post-humaniste, marquée par la disparition de la société, la dégénérescence de toute intersubjectivité, ainsi que le décalage croissant entre l'environnement que les humains produisent et leur capacité de l'habiter. Nous lisons les Microfictions comme une représentation épique de l'obsolescence de l'homme, qui persiste pourtant à vivre son apocalypse douce, atomisée.

Marinko Koscec est écrivain, auteur notamment de 8 romans, dont certains sont traduits en anglais et en néérlandais. Professeur associé de la littérature française à la Faculté de philosophie et lettres de Zagreb, il est spécialiste de la prose contemporaine en français, auteur de deux articles sur Régis Jauffret. En travaillant dans l'édition, il a dirigé la traduction croate de trois œuvres de Jauffret.

Teresa Manuela LUSSONE : Grande histoire et microfictions. Réflexions autour de 1889
"Elle portait en elle le XXe siècle", a affirmé Régis Jauffret à propos de son dernier livre, car "si Hitler n'avait pas existé, le XXe siècle n'aurait pas été pareil". Dans ce roman, paru en Italie en 2023 sous le titre 1889 (Edizioni Clichy), puis, dans une version remaniée, en France en janvier 2024 sous le titre Dans le ventre de Klara (Éditions Récamier), Jauffret reconstruit la grossesse de Klara Hitler à partir des quelques bribes de renseignements dont on dispose. À travers le récit à la première personne de cette femme victime de son mari, l'auteur représente le milieu abject dans lequel est né celui qui deviendra le Führer, et, derrière les micro-événements qui scandent la vie du couple Hitler, c'est la grande Histoire qui se fait jour. L'un des aspects qui sera examiné concerne justement la mise en scène de l'Histoire, qui occupe, par rapport à l'édition italienne, une place majeure dans l'édition française, où les références à la Shoah s'avèrent beaucoup plus explicites. Puis seront analysés les enjeux stylistiques et la fonction que revêt la représentation de l'Histoire.

Teresa Manuela Lussone est enseignante-chercheuse à l'université de Bari (Italie). Spécialiste des œuvres posthumes de Némirovsky, elle a notamment été en charge, avec Olivier Philipponnat, de la nouvelle édition de Suite française (Denoël, 2020) et des Feux de l'automne (Albin Michel, 2014). Avec L. Frausin Guarino elle a traduit Tempête en juin, première partie de Suite française, pour Adelphi (2022). Elle a également travaillé sur Sophie Cottin, sur Sartre, sur la littérature française contemporaine et sur la représentation de l'histoire en littérature.

Frédéric MARTIN-ACHARD : Mutations de l'ironie chez Régis Jauffret
L'œuvre de Régis Jauffret, et en particulier les trois volumes publiés à ce jour des Microfictions, est souvent associée à une forme d'ironie cruelle, voire de cynisme. Dans cette communication, on reviendra sur les formes prises par l'ironie chez Jauffret, mais on se demandera plus particulièrement si ce qualificatif d'ironique peut être appliqué à toute l'œuvre, si l'ironie n'a pas connu des mutations à partir de la publication des premières Microfictions en 2007, notamment dans les récits écrits à partir de faits divers retentissants (Sévère, Claustria, La Ballade de Rikers Island…). On situera ces évolutions dans le cadre plus large de la prose narrative des vingt dernières années.

Frédéric Martin-Achard est maître de conférences en stylistique et littérature française des XXe-XXIe siècles à l'université Jean Monnet de Saint-Étienne. Il a publié Voix intimes, voix sociales. Usages du monologue romanesque aujourd'hui (Classiques Garnier, 2017) ; co-dirigé avec Aude Laferrière, (In)actualité de l'ironie dans la prose d’expression française (2010-2020), Carnets (n°23, 2022) ; avec Nathalie Piégay et Dominique Rabaté, Statut du personnage dans la fiction contemporaine, Fixxion (n°23, 2021) et avec Anne Favier, Carole Nosella et Jean-François Puff, Retrait, effacement, disparition dans les arts et la littérature d'aujourd'hui (PUR, 2022).

Anne ROCHE : Rue Marius Jauffret, Marseille huitième
Peut-on parler d'un "Marseille de Régis Jauffret" comme on parle du Paris de Balzac ou du Berlin d'Alfred Döblin ? A priori rien de comparable, même si l'on trouve dans l'œuvre de Jauffret un certain nombre de notations qui se réfèrent à sa ville natale, et ce d'autant plus que la rue où il a passé son enfance et son adolescence porte le nom d'un aïeul. Le relevé de certaines de ces notations fait néanmoins apparaître tout autre chose qu'une géographie réaliste de la ville, dans la mesure où, à plusieurs reprises, elles plongent dans un passé qui excède les limites chronologiques de la vie de l'auteur, mais aussi dans un réel problématique, où se déploient des hypothèses plus ou moins improbables. Dès lors, la ville réelle se révèle rongée par la fiction.

Publication
"Prêter une voix", in Christophe Reig (dir.), Régis Jauffret. Éclats de la fiction, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2017, p.33-41.
Bibliographie complète : https://www.m-e-l.fr/anne-roche,ec,219

Marinella TERMITE : Dans le réseau du non-humain : les pièges de Régis Jauffret
L'imaginaire de Régis Jauffret interroge sans cesse les liaisons humaines pour explorer les ressources et les limites des détours du sujet. En jouant avec l'anonymat et la multiplication des identités, les nombreuses postures des personnages agissent en fonction de la distinction et de l'assimilation des fragilités romanesques dont les individus sont porteurs. Dans ce cadre, le recours aux règnes naturels apparaîtrait comme un filtre ultérieur pour saisir les effets insolites de l'humain. Comment le réseau du non-humain (animal et végétal) contribue-t-il à restituer la portée scripturale des anomalies relationnelles ? Cette étude vise ainsi à dévoiler les pièges d'un vivant compromis par la cruauté problématique de l'inattendu.

Marinella Termite est maître de conférences de littérature française à l'université de Bari, où elle fait partie du Groupe de Recherche sur l'Extrême Contemporain (GREC) et co-dirige la collection "Ultracontemporanea" (Quodlibet). Elle a, entre autres, publié, avec les préfaces de Marie Thérèse Jacquet, L'écriture à la deuxième personne. La voix ataraxique de J.-M. Laclavetine (Peter Lang, 2002), Vers la dernière ligne (B.A. Graphis, "Marges critiques/Margini critici", 2006), Le sentiment végétal. Feuillages d'extrême contemporain (Quodlibet, "Ultracontemporanea", 2014) et coordonné, pour "Ultracontemporanea", Mots de faune (2020) ainsi que Le prisme des anomalies (avec Laurent Demanze, 2023).
Sur Régis Jauffret :
"Variations Niobée : sources et ressources du "tu" chez Anne Godard et Régis Jauffret", in Revue Trans-, été 2009.
"Une affaire de sous-sol : l'écriture caméléon dans Claustria de Régis Jauffret", in Intercâmbio, 2e série, Vol. 11, 2018, p. 88-99.

Ilias YOCARIS : "Il n'aurait jamais dû me demander où était la Bastille" : éloge et blâme paradoxal dans Microfictions
Microfictions (2007) s'inscrit délibérément dans un genre discursif hérité de l'antiquité, qui connaît une vogue certaine dans la littérature française contemporaine depuis une trentaine d'années (cf. Reggiani 2021) : il s'agit de l'éloge (ou du blâme) paradoxal, procédé qui consiste à projeter sur un référent fictionnel donné un point de vue inversant la "on-vérité" (cf. Berrendonner 1981) qui prévaut à son sujet au sein d'une communauté socioculturelle donnée. Les nouvelles microscopiques qui composent l'ouvrage de Jauffret donnent ainsi à voir une myriade de narrateurs non fiables à la première personne qui émettent des jugements de valeur à contre-emploi, en faisant preuve (le plus souvent) d'une mauvaise foi ostentatoire. Dans une perspective pragma-stylistique, on se propose donc d'étudier : les procédés stylistiques liés à l'inversion des "on-vérités" ciblées dans Microfictions (enchaînements argumentatifs défectueux, schématisations discursives aberrantes, tropes implicitatifs, coups de force présuppositionnels, etc.) ; ainsi que les phénomènes de feuilletage énonciatif découlant de ces procédés (fluctuations du point de vue projeté par Jauffret-auteur impliqué sur les personnages qu'il met en scène, estompement des limites entre mensonge, ironie et mauvaise foi dans leur discours).

Références bibliographiques
Bakhtine, Mikhaïl (1978), Esthétique et théorie du roman, trad. du russe par Daria Olivier, Paris, Gallimard, coll. "Tel".
Berrendonner, Alain (1981), Éléments de pragmatique linguistique, Paris, Minuit, coll. "Propositions".
Dandrey, Patrick (1997), L'Éloge paradoxal : de Gorgias à Molière, Paris, PUF, coll. "Écriture".
Durand, Thierry (2009), "Essai sur Régis Jauffret : le monde comme désir et délire", Australian Journal of French Studies, 46, 1-2, p. 45-57.
Gefen, Alexandre, ""Je est tout le monde et n'importe qui". Les Microfictions de Régis Jauffret", Revue critique de fixxion française contemporaine, 1, p. 62-66.
Grize, Jean-Blaise (1996), Logique naturelle et communications, Paris, PUF, coll. "Psychologie sociale".
Grize, Jean-Blaise (1997), Logique et langage, Paris/Gap, Ophrys.
Hamon, Philippe (1996), L'Ironie littéraire. Essai sur les formes de l'écriture oblique, Paris, Hachette, coll. "Université / Recherches littéraires".
Kerbrat-Orecchioni, Catherine (1986), L'Implicite, Paris, Armand Colin, coll. "U".
Moricheau-Aireau, Bérengère & Narjoux, Cécile dirs (2023), La Langue de Régis Jauffret : "Pirate des mots, du langage", Dijon, E.U.D.
Reggiani, Christelle (2021), "L'éloge paradoxal dans la littérature française contemporaine", Recherches & Travaux, 99, Penser le retour de l’éloquence et de son enseignement.
Reig, Christophe (dir.) (2017), Régis Jauffret — éclats de la fiction, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle.
Rubino, Gianfranco (2010), "Un monde de folie ordinaire : Régis Jauffret", in Matteo Majorano (dir.), Écrire le fiel, Bari, B.A. Graphis, p. 59-72.


BIBLIOGRAPHIE :

• BROUSSEAU, Simon, "Régis Jauffret, "un bonhomme de livres" : Représentations de l'écrivain dans Microfictions", dans L'Écrivain, un objet culturel, David Martens et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), Dijon, E.U.D., 2012, p. 271-281.
• CHAUDIER, Stéphane, NEGREL Julian, "Le Stabat Mater de Régis Jauffret : quel tombeau pour quelle littérature ?", Fabula LHT, n°6, mai 2009, en ligne.
• DEMANZE, Laurent, "Immersions flaubertiennes. Flaubert au corps : démythologiser le grand écrivain selon Alexandre Postel et Régis Jauffret", Cahiers de littérature française, Biomythologies contemporaines d'auteur, Franca Bruera et Martine Boyer-Weinmann (dir.), Paris, Classiques Garnier, p. 69-81.
• DURAND, Thierry, "Essai sur Régis Jauffret : le monde comme désir et délire", Australian Journal of French Studies, vol. 46, n°1-2, 2009, p. 45-57.
• GEFEN, Alexandre, ""Je est tout le monde et n'importe qui". Les Microfictions de Régis Jauffret", Revue critique de fixxion française contemporaine, n°1, p. 62-66, en ligne.
• HUGLO, Marie-Pascale, "Le quotidien à distance : Fragments de la vie des gens de Régis Jauffret", dans Dominique Viart et Gianfranco Rubino (dir.), Écrire le présent, Paris, Armand Colin, 2013, p. 195-212.
• MORICHEAU-AIRAUD, Bérengère et NARJOUX, Cécile (dir.), La Langue de Régis Jauffret : "Pirate des mots, du langage", Dijon, E.U.D., 2023.
• REIG, Christophe (dir.), Régis Jauffret – éclats de la fiction, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2017.
• REIG, Christophe, "Viles Villes : les urbanités amputées de Régis Jauffret (Microfictions)", Formules, n°14 : "Formes urbaines de la création contemporaines", 2010, Paris, Noésis, p. 81-96.
• REIG, Christophe, "Écrire à l'ère du vide : Oster, Jauffret, Houellebecq", dans Littératures et arts du vide, Jérôme Duwa et Pierre Taminiaux (dir.), Colloque de Cerisy (2017), Paris, Hermann, 2018, p. 99-112.
• RUBINO, Gianfranco, "Un monde de folie ordinaire : Régis Jauffret", dans Écrire le fiel, Matteo Majorano (dir.), Bari, B.A. Graphis, 2010, p. 59-72.
• TERMITE, Marinella, "Variations Niobé : sources et ressources du "tu" chez Anne Godard et Régis Jauffret", Trans, n°8, 2009, en ligne.
• TURIN, Gaspard, ""Devenir escargot". L'hyperbole comme axiologie de la représentation familiale chez Marie NDiaye et Régis Jauffret", dans Le Roman contemporain de la famille, Sylviane Coyault, Christine Jérusalem & Gaspard Turin (dir.), Paris, Lettres Modernes Minard, 2015, p. 245-259.


SOUTIENS :

• Unité de recherche "Sens Texte Informatique Histoire" (STIH) | Sorbonne Université
• Centre de Recherches sur les Sociétés et Environnements en Méditerranées (CRESEM, UR 7397) | Université de Perpignan Via Domitia (UPVD)
THALIM (UMR 7172, CNRS) | Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
Université Paris Cité


BULLETIN D'INSCRIPTION


Les inscriptions à ce colloque sont maintenant ouvertes. Au regard de notre capacité d'accueil, celles-ci pourront être mises sur une liste d'attente.


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Ces renseignements sont utiles à la répartition des chambres. Le logement est assuré au château de Cerisy et ses dépendances, en chambres doubles ou individuelles. En cas de grande affluence, les inscrits tardifs se logeront aux alentours.

Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


HISTOIRE DE VIE,

RÉCITS ET SAVOIRS EXPÉRIENTIELS EN FORMATION ET SANTÉ


DU VENDREDI 2 AOÛT (19 H) AU JEUDI 8 AOÛT (14 H) 2024

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Hervé BRETON


ARGUMENT :

À l'occasion des 50 ans de ce qui constitue dorénavant un paradigme, celui des histoires de vie en formation, un travail d'historicisation et de caractérisation du réseau des concepts à partir des œuvres et ancrages disciplinaires mérite d'être réalisé. Il s'agit, selon une approche généalogique, de mettre au jour les théories constituées au sein de ce paradigme qui mobilisent le récit de soi, pour les interroger en tant que pratiques sociales : formation des adultes, formation expérientielle, reconnaissance et validation des savoirs expérientiels.

Au cours de ce colloque, les perspectives narratives et biographiques feront l'objet d'un examen approfondi en tant qu'elles participent de la mise au jour des savoirs expérientiels, dans le cours de la vie adulte, et tout spécialement dans les situations de vulnérabilité en santé. L'un des axes de cet examen concernera spécifiquement les potentielles codépendances entre les pratiques narratives et les modes d'existence des savoirs expérientiels. Il s'agit notamment d'interroger les puissances et effets du récit de soi au cours du passage de l'expérience au langage, de la formalisation des savoirs expérientiels, de la composition des récits permettant leur reconnaissance, voire leur validation.

Ce colloque examinera les récits biographiques sous plusieurs angles. L'on interrogera les modes d'existence des savoirs acquis par l'expérience à partir d'une perspective narrative, en accordant une attention particulière aux vécus de maladie. Tout en prenant en compte les enjeux théoriques, méthodologiques, politiques et éthiques associés à ce domaine de recherche interdisciplinaire, le débat sera ouvert aux auditeurs intéressés par le sujet.


MOTS-CLÉS :

Autopathographie, Démocratie en santé, Éducation des adultes, Épreuve autobiographique, Expérience patient, Formation expérientielle, Histoire de vie, Microphénoménologie, Narration du vécu, Récit de soi, Régimes narratifs, Savoirs expérientiels, Validation des savoirs expérientiels, Vulnérabilité en santé


CALENDRIER PROVISOIRE (27/06/2024) :

Vendredi 2 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants, ainsi que du Foyer de création et d'échanges


Samedi 3 août
HISTOIRE DE VIE, FORMATION ET SAVOIRS EXPÉRIENTIELS
Matin
Gaston PINEAU : Enjeux expérientiels vitaux des histoires de vie : mettre en cultures formatives et non en miettes les parcours vécus au cours des âges
Hervé PRÉVOST : Les histoires de vie en formation d'adultes : enjeux expérientiels

Après-midi
Masayoshi MORIOKA : What lies between living and life story telling ? : On the primary process in narrative

Atelier expérientiel (1)


Dimanche 4 août
THÉORIES DU RÉCIT ET RÉGIMES NARRATIFS : FORMATS, FAITS, CINÉTIQUES, REGISTRES
Matin
Jean-Michel BAUDOUIN : Épistémè du témoignage et récit de vie
Nathalie MULLER MIRZA : La quête de l'intersubjectivité dans la production et l'analyse de récits

Après-midi
Laura FORMENTI : Lire les histoires de vie dans les "convois de soins". Réflexions épistémologiques et méthodologiques
Natalie DEPRAZ : L'exploration d'un vécu schizophrénique : ressources d'une méthodologie croisée entre récit et microphénoménologie

Atelier expérientiel (2)


Lundi 5 août
RÉCITS ET RAPPORT AUX SAVOIRS : MODES D'EXISTENCE SITUÉS, MODES D'EXISTENCE NARRÉS
Matin
Table ronde, avec Carmen CAVACO (Récit de soi, rapport au savoir, formation et reconnaissance), Rodrigo MATOS-DE-SOUZA (Notes sur le savoir d'expérience post-eurocentrique) et Martine MORISSE (Mise en mots de l'expérience et construction des rapports aux savoirs)

Après-midi
DÉTENTE


Mardi 6 août
FORMES DE NARRATION EN SANTÉ : QUESTIONS ÉTHIQUES ET ÉPISTÉMOLOGIQUES
Matin
Hervé BRETON : Régimes narratifs et savoirs expérientiels en santé
Maria PASSEGGI : Agentivité et vulnérabilités : microrécits d'enfants hospitalisés

Après-midi
Atelier expérientiel (3)


Mercredi 7 août
RÉCITS ET RAPPORT AUX SAVOIRS : PERSPECTIVES POLITIQUES ET INTERDISCIPLINAIRES
Matin
Table ronde, avec Jean-François PELLETIER (Partager le récit de son rétablissement, l'outil de travail privilégié mais à double tranchant du pair aidant), Silvia ROSSI (Enjeux éthiques et épistémologiques de la recherche narrative en santé : une réflexion à partir des récits de vie numériques des personnes atteintes du cancer) et Catherine SCHMUTZ-BRUN (Le récit de la personne âgée en institution pour redonner sa place au sujet narratif)

Après-midi
Table ronde, avec Luigi FLORA (Se former à l'Art du Soin en partenariat par et grâce à la narration), Leticia RENAULT (De la Témoignage à la Fabulation : Redéfinir le Savoir en Santé Mentale) et Emmanuel RUSCH (La difficile intégration de la reconnaissance des savoirs expérientiels des patients au sein des politiques de santé en France)


Jeudi 8 août
RETOUR SUR LES TRAVAUX
Matin
Anne-Laurence FRANZINI-HALFORD & Jérôme LAFITTE : Retour expérientiel, synthèse thématique, structuration du réseau, poursuites scientifiques

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Hervé BRETON
Hervé Breton est professeur en sciences de l'éducation et de la formation, à l'université de Tours, en France. Il est membre senior de l'Institut Universitaire de France. Ses recherches portent sur les pratiques narratives (récits de soi, entretiens narratifs, narrations collectives, descriptions microphénoménologiques) en éducation et formation des adultes. Dans le cadre du projet IUF [2023/2028] : les recherches visent l'examen des effets résultant de la variation des régimes narratifs sur les modes d'existence, les logiques de formalisation et les pratiques de validation des savoirs expérientiels en santé. Le projet comporte une dimension éthique (parité entre les savoirs expérientiels et les savoirs formels), méthodologique (mode d'existence des savoirs incorporés dans les récits), et politique (examen des systèmes de validation de ces savoirs en France et à l'international (Brésil, Canada, Japon).


Jean-Michel BAUDOUIN
Jean-Michel Baudouin est chercheur en sciences de l'éducation. Titulaire d'un Master en sciences du langage (Paris X Nanterre, 1976), puis d'un Doctorat en sciences de l'éducation (Université de Genève, 2003), il a fait toute sa carrière dans le champ de la formation des formateurs d’adultes, principalement comme Conseiller en Formation Continue (Centre Académique de Formation Continue, Paris-Sorbonne, 1981-1989) puis comme Chargé d'Enseignement et Professeur Associé à l'université de Genève (1989-2019). Ses publications concernent essentiellement l'analyse de l'action (Théories de l'action et éducation, 2001, en collaboration avec J. Friedrich) et le champ des histoires de vie en formation des adultes (De l'épreuve autobiographique, 2010). Il s'est investi dans l'animation des activités éditoriales de l'université de Genève en sciences de l'éducation, où il a créé la série scientifique Raisons Éducatives, ainsi que la collection des Carnets en sciences de l’éducation.

Carmen CAVACO : Récit de soi, rapport au savoir, formation et reconnaissance
Le récit de vie implique l'individu dans un processus intentionnel de réflexion, de (re)élaboration et de socialisation de l'expérience, déclenchant l'attribution de sens et l'appropriation du vécu. L'énonciation, qu'elle soit orale et/ou écrite, permet la formalisation des connaissances, la (re)élaboration de l'histoire de vie et la compréhension du rapport au savoir. Les dimensions épistémique, identitaire et sociale marquent l'individu dans leur rapport au savoir, ce qui devient explicite dans le récit de soi. Dans ce dernier, l'individu se révèle dans sa complexité, sa singularité et sa transformation. Ce processus, mobilisateur de l'individu, présente des potentialités de formation et de reconnaissance. La réflexion exposée résulte de la synthèse d'activités de recherche et de recherche-formation dans le domaine de la formation des adultes, affiliées au courant des histoires de vie en formation et à la recherche biographique.

Carmen Cavaco est Docteur en sciences de l'éducation, spécialisé dans la formation des adultes et Professeure-chercheuse à l'Instituto de Educação, Universidade de Lisboa |UIDEF. Ses domaines de recherche sont : formation expérientielle, politiques publiques d'éducation et de formation des adultes, adultes non scolarisés et peu scolarisés, reconnaissance et validation des acquis expérientiels, recherche-formation biographique.

Luigi FLORA : Se former à l'Art du Soin en partenariat par et grâce à la narration
Spécialiste des savoirs expérientiels des patients et de la complémentarité de ces savoirs avec ceux des professionnels de la santé comme du médicosocial, patient chercheur selon une approche transréférentielle et docteur en sciences de l'éducation, je mobilise le récit, sous différentes formes, pour développer un esprit critique et de la réflexivité tant auprès des patients, des proches que des futurs professionnels de santé ou en exercice, tous citoyens. Que ce soit à titre de transformation existentielle, professionnelle ou de questionnement d'un Art du Soin, médical, paramédical et citoyen à travers l'écoute et l'apprentissage de la narration, les activités menées s'avèrent être un facteur déterminant de formation et un réel projet politique, c'est cette approche qui sera présentée lors de cette rencontre et entrera en discussion avec l'ensemble de ses participants.

PhD en sciences de l'éducation, Luigi Flora est un patient chercheur. Il est un des 1er spécialistes des savoirs expérientiels issus de la vie avec la maladie et de la complémentarité de ces savoirs entre patients avec eux des professionnels de santé. Il a participé au lancement de la 1ère université des patients dans une faculté de médecine en France, a été co-concepteur du modèle de Montréal à partir de la faculté de médecine de l'université de Montréal et depuis 2020, codirige le centre d'innovation du partenariat avec les patients et le public (CI3P) à la faculté de médecine de l'université Côte d'Azur.
Publications
Flora L., Grenier C., Ponsignon F. (dir.) (2023), L'expérience dans l'Innovation en santé : modes éphémères ou nouveau paradigme ? - Regards croisés dans l'écosystème de la santé, Londres, Iste.
Flora L., "Savoirs expérientiels en santé et expertises patients", in Ferrand-Bechmann D. (dir.) (2023), Troubles dans le monde du bénévolat, Paris, Chroniques sociales, pp. 60-67.
Flora L., "Une réponse citoyenne aux contextes et enjeux contemporains, le patient partenaire ?", in Schaad B. (dir.) (2023), Hospitalités hospitalières, conflits, médiation, réconciliation ?, Éditions médicales Suisse, pp. 53-66.
Flora L., "Quand l'épreuve singulière de la vie avec la maladie devient processus de transformation d'un système de santé", in Breton H. (dir.) (2019), Chemins de la formation, "Hors série, Vivre la maladie, entre épreuves, récits et histoire", pp. 116-129.
Flora L. (2015), Un référentiel de compétences de patient : pour quoi faire ? Du savoir expérientiel des malades à un référentiel de compétences intégré : l'exemple du modèle de Montréal, Presses Académiques Francophones, Sarrebruck, Allemagne.
Flora L. (2015), Le patient formateur : nouveau métier de la santé ? Comment les savoirs expérientiels de l'ensemble des acteurs de santé peuvent relever les défis de nos systèmes de santé, Presses Académiques Francophones, Sarrebruck, Allemagne.
Jouet E., Flora L. (coord.) (2009-2010), "Usagers-Experts : la part du savoir des malades dans le système de santé", Pratiques de formation : Analyses, n°58/59, Université Paris 8.

Rodrigo MATOS-DE-SOUZA : Notes sur le savoir d'expérience post-eurocentrique
Partant des mouvements de rejet de la centralité européenne dans la production de la connaissance scientifique et comprenant l'eurocentrisme comme un fondamentalisme qui ne tolère ni n'accepte l'existence d'autres épistémès, cet exposé propose de développer une provocation à cet horizon épistémologique en prenant comme objet de controverse une notion d'expérience qui nous provoque poétiquement à identifier ce qui nous touche comme un élément de transformation, mais qui en même temps opère un processus de déni d'autres manières d'être au monde, en disant ce qui ne peut pas être. À partir de ce premier mouvement, je présenterai des éléments qui interrogent le concept d'expérience en l'opposant aux modes de pensée post-eurocentriques. En conclusion, je discuterai de la manière dont les limites imposées par les appropriations conceptuelles d'horizons de réception très éloignés de nous ont un effet sur notre manière de penser et sur notre formation.

Rodrigo Matos-de-Souza est professeur à la faculté d'éducation de l'université de Brasília (UnB). Il a été président de l'Association brésilienne de recherche (auto)biographique (2020-2023). Il a été professeur et chercheur invité dans des universités en Argentine, en Colombie, en Espagne et en France. Il a publié des livres, des chapitres de livres et des articles dans différents pays et différentes langues.

Nathalie MULLER MIRZA : La quête de l'intersubjectivité dans la production et l'analyse de récits
De nombreux travaux en psychologie montrent que les activités humaines, analysées au grain fin, sont constituées de raisonnements, de prises de décisions, d'anticipations, de formes donc de savoirs, mais elles se trouvent tellement encapsulées dans le faire qu'elles s'avèrent difficiles à mettre en mot, à "formaliser", par les personnes-mêmes qui les mobilisent. Pourtant le passage de leur état de phénomène "agi" en un état conscientisé, est au cœur d'enjeux, que ce soit dans le domaine de la recherche sur l'apprentissage ou dans celui de la formation. Dans cet exposé, nous partirons de notre ancrage dans une approche socioculturelle en psychologie de l'apprentissage — qui conçoit le récit, l'interaction sociale et les processus de construction de sens comme constitutifs des phénomènes de pensée — pour interroger et examiner certaines conditions de ce passage. Nous prendrons pour ce faire deux types de corpus, l'un constitué d'entretiens dans le cadre d'une recherche portant sur les compétences de seniors engagés dans des activités de bénévolat, et l'autre de journaux personnels dans le cadre d'un projet portant sur l'expérience de crises sociétales et le développement du soi. Nous souhaitons analyser et discuter certains processus interactifs (identifiés dans l'interaction verbale entre chercheur et interviewé ou dans le dialogue avec soi-même et avec des personnes absentes) que l'on qualifie ici d'intersubjectifs — qui pourraient avoir cette valeur de conditions au passage.

Nathalie Muller Mirza est professeure à la Faculté de Psychologie et sciences de l'éducation de l'université de Genève, en formation des adultes (https://www.unige.ch/fapse/i-act/). Elle adopte une perspective socioculturelle et narrative pour étudier les dynamiques identitaires et les processus d'apprentissage tout au long de la vie, en particulier avec des personnes en situation de transition (en situation de migration, à l'entrée dans le monde professionnel, au passage à la retraite, etc.). Dans ses recherches, elle développe une compréhension des processus psychologiques qui intègre le rôle fondateur des instruments culturels, des relations avec autrui et de l'environnement, autant symbolique que matériel.

Maria PASSEGGI : Agentivité et vulnérabilités : microrécits d'enfants hospitalisés
Le pouvoir d'agir du sujet dans des situations de vulnérabilité (physique, psychique, émotionnelle, sociale…) est en général un impensé. Ce pouvoir devient d'autant plus improbable lorsqu'il s'agit d'enfants faisant l'expérience d'une maladie chronique. Après avoir situé la recherche dans le domaine des approches biographiques, nous focaliserons sur un format narratif : les microrécits d'enfants, recueillis dans des interactions ludiques en milieu hospitalier. L'enjeu de l'analyse est de saisir la puissance de la mise en mots du vécu, la manière dont les enfants interprètent leur pouvoir d'agir en mettant en avant des figures de soi, souffrant et agissant, dans la configuration des récits minimaux.

Maria Passeggi est professeure des universités en sciences de l'éducation au Brésil (Unicid, Ufrn). Doctorat en Linguistique (Monpellier 3). Chercheure au Conseil national de développement scientifique et technologique (CNPq-MCTI). Directrice du Laboratoire Grifars-Ufrn-Cnpq. Présidente de la BIOgraph (2012-2014). Ses recherches se focalisent sur la réflexivité narrative comme disposition humaine et s'interrogent sur le pouvoir d'agir du sujet dans des situations de vulnérabilités, en focalisant les rapports entre langage, pensée, éthique et praxis sociale. Transformations of figures of the self and the other in biographical mediation (Linhas Crí-ticas, 2023) ; Breton, H. ; Passeggi, M. (2021) Entre épreuves et enquête : recherche narratives à partir des micro-récits d´enfants. Avec Hervé Breton (Recherches Qualitatives, 2021) ; Reflexividad narrativa : "vida, experiencia vivida y ciencia (Márgenes Revista De Educación De La Universidad De Málaga, 2020).

Gaston PINEAU : Enjeux expérientiels vitaux des histoires de vie : mettre en cultures formatives et non en miettes les parcours vécus au cours des âges
Cet enjeu vital sera abordé à partir d'un modèle interactif dialogué des histoires de vie ouvrant le paradigme biographique classique. Cette ouverture s'est opérée avec d'autres chantiers de recherche-formation expérientielle qui ont nourri cette transition paradigmatique. Elle a permis de mettre en culture huit champs vitaux expérientiels et une triangulation narrative performative.

Gaston Pineau a été conseiller d'orientation d'adultes au Centre universitaire de coopération économique et sociale (CUCES) de Nancy en 1968-1969 ; Responsable de recherche à la Faculté de l'éducation permanente à l'université de Montréal de 1969 à 1985 ; Professeur-chercheur en sciences de l'Éducation et de la formation à l'université de Tours de 1985 à 2007 ; Chercheur émérite au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l'environnement et à l'écocitoyenneté (Centr'Ère) de l'université du Québec à Montréal depuis 2014.

Hervé PRÉVOST : Les histoires de vie en formation d'adultes : enjeux expérientiels
Pour entrer dans le paradigme de l'anthropo-formation, où l'occcasion peut être donnée à la personne d'articuler vie/expérience, histoire sociale/histoire individuelle, formation personnelle/existence tout au long de la vie, je propose de témoigner en tant que praticien-réflexif. Cette présentation retrace, à grands traits, une quarante d'années de recherches, d'intérêts pour la compréhension d'une autoformation expérientielle et le sens donné à son histoire de vie. En 1975, j'entre sur le marché du travail, arrête ma scolarité, et démarre ce qui sera une démarche permanente de formation dans le cours de la vie. La loi de 1971 qui organise et finance la formation professionnelle continue me donnera l'opportunité d'acquérir les compétences attendues dans le monde du travail. En 1984, je deviens formateur et suis rapidement en prise avec les questions d'individualisation des programmes de formation. Quelques années après, c'est la rencontre avec l'université de Tours qui me permettra de transformer ma pratique professionnelle en connaissances. Fort d'une expérience d'autoformation, je m'engage dans ce qui deviendra une démarche de formation-action-recherche pour mieux appréhender et comprendre les articulations entre histoire de vie et autoformation au cours de la vie. C'est donc à partir de cette histoire singulière, des années 80 à aujourd'hui, que je propose d'aborder ce cheminement avec les histoires de vie en formation d'adultes et en santé pour construire du sens à partir des parcours de vie. Pour nous, la démarche des histoires de vie en formation peut-être comprise comme une mise en forme et en sens du cours de l'existence. Pour cela un travail de compréhension de son autoformation expérientielle apparaît nécessaire. Et c'est la mise en histoire de sa vie qui permet de l'appréhender, d'en assumer le cours et d'engager l'existence dans un futur entrevu.

Hervé Prévost est docteur en sciences de l'éducation. Il a été responsable de formation des formateurs et consultant en ingénierie de formation. Depuis son entrée sur le marché du travail en 1975, il a été le bénéficiaire, le témoin et l'acteur de l'éducation et de la formation permanente en France. Le fil conducteur de ses travaux, dans une démarche de recherche-action-formation, vise à comprendre et agir pour le développement d'actions participant à l'émancipation de la personne. Son engagement avec l'ASIHVIF, comme avec l'université de Tours, contribue à la connaissance des histoires de vie en formation. Commencer à gagner sa vie sans la perdre ; Recherche sur le premier cours de la vie professionnelle, (L'Harmattan, 2000) ; Devenir sujet de sa formation ; Histoire de vie et processus de subjectivation, avec Christophe Niewiadomski (L'Harmattan, 2023).

Silvia ROSSI : Enjeux éthiques et épistémologiques de la recherche narrative en santé : une réflexion à partir des récits de vie numériques des personnes atteintes du cancer
L'approche narrative permet d'explorer la vie d'un individu, et est donc particulièrement adaptée pour générer des savoirs sur les expériences des personnes affectées par la maladie. Cependant, des questions se posent aux chercheurs qui mobilisent ce type d'approche dans le domaine de la santé. Qui sont les personnes qui acceptent de mettre en récit leur expérience de maladie ? Comment assurer l'hétérogénéité des participants afin de produire des savoirs utiles pour tous les usagers ? Quel statut donner aux savoirs issus de l'expérience de la maladie ? Comment articuler ces savoirs avec les savoirs scientifiques et professionnels ? En nous appuyant sur l'analyse des récits de vie numériques produits par des personnes concernées par le cancer dans la cadre du projet PARCA (financement Cancéropôle Est, Emergence, 2020 et INCa, RISP-21-008, 2020), nous mènerons une réflexion sur les enjeux éthiques et épistémologiques soulevés par la recherche narrative en santé.

Silvia Rossi est maîtresse de conférences en sciences de l'éducation à l'école de santé publique de Nancy, Université de Lorraine. Elle a réalisé une thèse en littérature italienne sur l'autopathographie et le cancer. Aujourd'hui, elle mobilise la narration dans des recherches collaboratives qui visent à améliorer le système de santé.

Emmanuel RUSCH : La difficile intégration de la reconnaissance des savoirs expérientiels des patients au sein des politiques de santé en France
En santé, la reconnaissance des savoirs expérientiels s'inscrit historiquement à la jonction de différentes dynamiques portées par différentes familles d'acteurs [Las Vergnas, O. (2009), "Construction du savoir expérientiel des malades, et rapport aux savoirs des adultes non scientifiques", Recherches en communication, (32), 13-33] : du côté des malades, les mouvements associatifs visant à l'entraide, "l'empowerment" ; du côté des soignants, le développement des stratégies d'éducation thérapeutique ; du côté des formateurs, les thématiques de l'autoformation et des formations par l'expérience. En France, sur un plan politique, la reconnaissance des savoirs issus de l'expérience d'une situation de vulnérabilité, ou de l'expérience de la maladie, a justifié dans un premier temps, la représentation des personnes concernées au sein du système de santé. Puis, à cette représentation s'est rapidement ajoutée la revendication d'une réelle participation. Les débats organisés en 2022 et 2023 par la Conférence nationale de santé à la demande du Ministre en charge de la santé ont fait émerger plusieurs recommandations en ce sens.

Emmanuel Rusch est médecin de santé publique, professeur à l'université François Rabelais et praticien hospitalier au Centre Hospitalier Universitaire, de TOURS. Ses travaux portent sur les conditions de "l'agir ensemble et du prendre soin", en particulier sous l'angle de la promotion de la santé. Ses travaux menés sur les parcours de santé analysent les politiques de santé et mobilisent les outils des sciences de l'éducation, de l'épidémiologie et de l'économie.

Catherine SCHMUTZ-BRUN : Le récit de la personne âgée en institution pour redonner sa place au sujet narratif
Le placement en institution de la personne âgée qui s'avère comme une solution protectrice implique néanmoins "un enfermement pas toujours consenti" entraînant une forme de repliement sur soi. C'est ici que le recueil de récits de vie permet de redonner la parole à la personne âgée pour raconter son vécu immédiat ou lointain, retrouver sa mémoire, ses lieux, recréer du lien et reprendre place dans un espace social. C'est, par ailleurs, postuler que la personne en dépit ou grâce à son âge détient des savoirs expérientiels qui sont au cœur d'un processus dynamique émancipateur en dépit d'une situation de vulnérabilité.

Après des études en lettres et linguistique à la Sorbonne Nouvelle, Catherine Schmutz-Brun a enseigné en Suisse au collège de Lausanne puis à la Haute école de gestion de Fribourg. Dans les années 90, elle s'est intéressée à la formation des adultes et a rejoint "l'école de Genève" et les pionniers des Histoires de vie. Dès 1991, elle a rejoint l'ASIHVIF (Association des Histoires de Vie en Formation et de Recherche biographique en éducation) dont elle a été présidente et dont elle reste membre. En 2005 elle a soutenu son doctorat en Histoires de vie et a travaillé aux universités de Genève puis de Fribourg. En 2011, elle est devenu présidente de l'association de recueilleurs et recueilleuses (ARRV). Ses nombreuses publications témoignent de ses intérêts pour toutes les questions touchant à l'importance du récit de soi, au sens de la vie et au rapport au vivant. Actuellement à la retraite, elle s'enorgueillit d'être grand-maman de 4 petits enfants à qui elle chante "la vie en rose" comme le lui chantait déjà sa grand-maman Olivia !


BIBLIOGRAPHIE :

• Baudouin Jean-Michel (2010), De l'épreuve autobiographique, Peter Lang.
• Breton Hervé (2022), L'enquête narrative en sciences humaines et sociales, Armand colin.
• Bruner Jérôme-Seymour (2010), Pourquoi nous racontons-nous des histoires, Retz.
• Certeau Michel de (1990), L'invention du quotidien. 1. Arts de faire, Gallimard.
• Charon Rita (2006), Médecine narrative. Rendre hommage aux histoires de maladies, New York : Sipayat.
• Delory-Momberger Christine (2010), La condition biographique. Essais sur le récit de soi dans la modernité, Téraèdre.
• Depraz Natalie, Varela Francisco et Vermersch Pierre (2011), À l'épreuve de l'expérience, Zénith.
• Depraz N., Janner-Raymondi M., Legrand P., Mauriac F. (2023), La chroniticité, Teraedre.
• Gross Olivia (2017), L'engagement des patients au service du système de santé, Doin.
• Honoré B. (2014), Le sens de l'expérience dans l'histoire de vie, L'Harmattan.
• Honoré B. (2003), Pour une philosophie de la formation et du soin, L'Harmattan.
• Jouet Emmanuel, Luigi Flora et Las Vergnas Olivier (2010), "Construction et reconnaissance des savoirs expérientiels des patients : Note de synthèse", Pratiques de Formation - Analyses, (58-59).
• Passeggi Maria, Rocha Simone et De Conti Luciane (2014), "Raconter pour vivre avec des maladies chroniques : l'expérience des enfants hospitalisés", Le sujet dans la cité, vol. 5, n°2, pp. 110-127.
• Pineau Gaston, Marie-Michèle (1983), Produire sa vie : autoformation et autobiographie, Éditions Saint-Martin.
• Pineau G. (2024), Apprendre un quotidien d'octogénaire. S'auto-écoformer avec les gestes matinaux, L'Harmattan, coll. "Collège international des Séniors".
• Pineau G., Breton H., dir. (2021), Vingt-cinq ans d'une collection. Quelle(s) histoire(s) en formation ?, L'Harmattan.
• Pineau G., Lani-Bayle M., Schmutz-Brun C., dir. (2011), Histoires de morts au cours de la vie, L'Harmattan.
• Prévost H, Bernard M. C., Lago D., dir. (2021), Histoires de vie et récits de formation. Pratiques sociales et démarches personnelles, Chroniques sociales.
• Rossi Silvia (2019), Écrire le cancer : de l'expérience de la maladie à l'autopathographie, Téraèdre.
• Schmutz-Brun C. (2021), Histoires de vie et rapport au végétal. Écobiographie en formation, L'Harnattan.
• Slowik A., Breton H., Pineau G., dir. (2019), Histoire de vie et recherches biographiques : Perspectives sociohistoriques, L'Harmattan.
• Varela Francisco et Shear Jonathan (1999), The view from within. First-person approaches to the study of consciousness, Imprit Academic.
• Vermersch Pierre (2000), L'entretien d'explicitation, ESF.


SOUTIENS :

• Institut Universitaire de France (IUF)
• Équipe de recherche Éducation Éthique Santé (EA 7505 - EES) | Université de Tours
• Association internationale des histoires de vie en formation (ASIHVIF)
• European Society for Research on the Education of Adults (ESREA)
• Associação Brasileira de Pesquisa (Auto)Biográfica (BIOgraph)


BULLETIN D'INSCRIPTION


Les inscriptions à ce colloque sont maintenant ouvertes. Au regard de notre capacité d'accueil, celles-ci pourront être mises sur une liste d'attente.


Avant de remplir ce bulletin, consulter la page Inscription de notre site.

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Précisions à nous communiquer pour l'agrément de votre séjour :
[par exemple : grande taille (plus de 1,80 m), problèmes de mobilité, partage d'une chambre ou voisinage de chambres, inscription groupée, régime médicalement surveillé, ...]
Ces renseignements sont utiles à la répartition des chambres. Le logement est assuré au château de Cerisy et ses dépendances, en chambres doubles ou individuelles. En cas de grande affluence, les inscrits tardifs se logeront aux alentours.

Programme 2024 : un des colloques

Programme complet


PENSER LA LECTURE

L'HERMÉNEUTIQUE LITTÉRAIRE DANS UN HORIZON ÉLARGI


DU MERCREDI 24 JUILLET (19 H) AU MARDI 30 JUILLET (14 H) 2024

[ colloque de 6 jours ]



DIRECTION :

Mandana COVINDASSAMY, Christoph KÖNIG, David E. WELLBERY


ARGUMENT :

La lecture est une des activités fondamentales de l'être humain en ce qu'elle a la capacité d'attribuer du sens aux œuvres littéraires. L'herméneutique littéraire se donne pour tâche de penser cette pratique. Telle sera la visée du colloque : examiner l'histoire, les processus et les questionnements constitutifs de la démarche interprétative. La réflexion ainsi proposée s'inscrit, à la suite des travaux de De Certeau, Ricœur, Bollack et tant d'autres, dans une tradition d'analyse, conduite à Cerisy, sur les problèmes de la lecture. Comment lire "juste" ? Comment penser la justesse de l'interprétation ? Quelle puissance d'imagination présuppose-t-elle ? Comment exercer, à tous les sens, la lecture ? Plutôt que des conférences, le colloque proposera des ateliers de lecture. Chaque contributeur expliquera les difficultés d'interprétation du texte qu'il propose à la discussion. Ce moment sera suivi d'une lecture à plusieurs voix par les participants. Elle permettra de saisir au plus près la pratique de la lecture et de répondre à cette question : "comment lit-on ?".

Ces questions feront l'objet de deux colloques conçus en dialogue. Le premier aura lieu à Cerisy, le second se tiendra à Paris en mars 2025 dans le tout nouveau "University of Chicago Center and Research Institute". Ces deux volets sont pensés en chiasme : le colloque de Cerisy part de la lecture concrète d'œuvres poétiques en français, allemand, espagnol, italien, sanskrit, persan et mandarin pour aboutir à une réflexion philosophique sur la lecture et à une théorie de la pratique philologique. Ouvert à toute personne intéressée par le sujet traité, il proposera des discussions sur des thématiques précisées dans le programme ci-dessous. Le colloque de Paris s'appuiera sur l'étude d'un certain nombre de philosophes afin d'examiner comment ils parviennent à des interprétations littéraires au sein de leur philosophie.


MOTS-CLÉS :

Aragon (Louis), Autoréflexion poétique, Borges (Jorge Luis), Breton (André), Celan (Paul), Dickinson (Emily), Goethe (Johann Wolfgang von), Herméneutique littéraire, Hölderlin (Friedrich), Lecture, Nietzsche (Friedrich), Pétrarque, Philologie critique, Poésie et interprétation, Rilke (Rainer Maria), Rûmî (Djalâl ad-Dîn), Shijing, Surréalisme, Valéry (Paul)


CALENDRIER PROVISOIRE (11/07/2024) :

Mercredi 24 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants, ainsi que du Foyer de création et d'échanges


Jeudi 25 juillet
Matin
AUTORÉFLEXION DES ŒUVRES
Efrain KRISTAL : Sur la poésie de Jorge Luis Borges et ses résonances philosophiques | Atelier de lecture 1
Félix CHRISTEN : Hölderlin : Texte, réflexion, révision | Atelier de lecture 2
Leili ANVAR : "Écoute le chant du ney !" : comment Rûmi enseigne à son lecteur l'art de lire son Masnavi | Atelier de lecture 3

Après-midi
TENSIONS : LINÉARITÉ ET COMPOSITION, FORME ET FOND DES ŒUVRES (I)
Daniel CARRANZA : Syntaxe et interprétation dans deux poèmes de Trakl | Atelier de lecture 4


Vendredi 26 juillet
Matin
TENSIONS : LINÉARITÉ ET COMPOSITION, FORME ET FOND DES ŒUVRES (II)
David E. WELLBERY : Le chef-d'œuvre de Hebel. Un exercice d'herméneutique morphologique | Atelier de lecture 5
Simon FRIEDLAND : À propos de l'herméneutique et de la phénoménologie de la rime à partir du poème Sehnsucht de Eichendorff | Atelier de lecture 6

Après-midi
TRADITIONS LITTÉRAIRES (I)
Michael WOLL : Le cycle Les Chimères de Gérard de Nerval dans les histoires de la réception de Goethe et Hölderlin | Atelier de lecture 7
Na SCHÄDLICH : Nietzsche sur la "pauvreté" de Hölderlin | Atelier de lecture 8

Soirée
Katia LÉGERET : Lectures savantes du poème avec le langage gestuel du bharata-natyam (théâtre dansé de l'Inde) : la dimension émotionnelle de l'expérience esthétique


Samedi 27 juillet
Matin
TRADITIONS LITTÉRAIRES (II)
Wolfgang ASHOLT : Existe-t-il un "effet retour" herméneutique de l'art sur la vie ? Les textes surréalistes d'Aragon et Breton | Atelier de lecture 9
Mandana COVINDASSAMY : Sur la réflexion herméneutique dans le Divan oriental d'occident de Goethe | Atelier de lecture 10

Après-midi
DÉTENTE


Dimanche 28 juillet
RESÉMANTISATION DES MOTS : SUR L'IDIOMATIQUE DES ŒUVRES
Matin
Christoph KÖNIG : À propos de la tradition de la resémantisation chez Nietzsche, Rilke et Celan | Atelier de lecture 11

Après-midi
Christoph KÖNIG & David E. WELLBERY : À propos de Also sprach Zarathustra de Friedrich Nietzsche | Atelier de lecture 12
Christian BENNE : "Alles, was ich habe, trage ich bei mir". Lire l'Atemschaukel de Herta Müller | Atelier de lecture 13

Soirée
Peter GEIMER : À propos de l'herméneutique de la peinture


Lundi 29 juillet
INTERPRÉTATION ET HISTOIRE DE LA SCIENCE (WISSENSCHAFTSGESCHICHTE)
Matin
Matilde MANARA : Conflits herméneutiques et de traduction autour du Cimetière Marin de Paul Valéry | Atelier de lecture 14
Eli FRIEDLANDER : Comment lire le secret d'un nom propre : Agesilaus Santander de Walter Benjamin | Atelier de lecture 15

Après-midi
Andreas KABLITZ : Pétrarque et la fin de la symbolique médiévale | Atelier de lecture 16
Benoît VERMANDER : Lectures du Livre des Odes (Shijing) à travers les âges : les usages changeants d'un classique chinois à un document d'histoire globale | Atelier de lecture 17


Mardi 30 juillet
SUR L'OBJECTIVABILITÉ ET LA VALIDITÉ DES LECTURES, ET CONCLUSION SUR LA THÉORIE DE LA PRATIQUE PHILOLOGIQUE
Matin
Table ronde finale, animée par Mandana COVINDASSAMY, Christoph KÖNIG et David E. WELLBERY

Après-midi
DÉPARTS


Joseph BRICHET : Commentaires à propos de l'œuvre de Johann Wolfgang von Goethe
Irina HRON : Commentaires à propos de l'œuvre de Rainer Maria Rilke
Benjamin KRUTZKY : Commentaires à propos de l'œuvre de Rainer Maria Rilke
Jonas NICKEL : Commentaires à propos de l'œuvre de Louis-Ferdinand Céline
Tim SCHÜNEMANN : Commentaires à propos de l'œuvre de Paul Celan
Jean TAIN : Commentaires à propos de l'œuvre de Walter Benjamin
Ginevra Martina VENIER : Commentaires à propos de l'héritage intellectuel de Jean Bollack


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Christoph KÖNIG
Christoph König est professeur de littérature allemande moderne et contemporaine à l'université d'Osnabrück (depuis 2005). Il a été membre du Wissenschaftskolleg zu Berlin (2008-2009), professeur invité à l'ENS (Paris) 2019 ; il est membre du PEN international.
Publications récentes
"O komm und geh". Skeptische Lektüren der "Sonette an Orpheus" von Rilke (2014)
L'intelligence du texte. Rilke – Celan – Wittgenstein (2016)
Zweite Autorschaft (2021)
Kreativität. Lektüren von Rilkes "Duineser Elegien" (2023).


Leili ANVAR : "Écoute le chant du ney !" : comment Rûmi enseigne à son lecteur l'art de lire son Masnavi
Mowlânâ Jalâloddin Balkhi, connu en Occident sous le nom de Rûmi (1207-1273) est l'auteur d'une œuvre magistrale entièrement vouée à l'enseignement spirituel. Dans son Masnavi en particulier, long poème composé d'une multitude d'histoires et d'anecdotes abondamment commentées, Rûmi déploie sa pensée axée sur la "religion de l'amour". Cette œuvre foisonnante a été et continue d'être commentée de génération en génération, comme si aucune lecture ne pouvait en épuiser le sens. Une lecture attentive du Masnavi révèle en effet, qu'il est composé de couches de significations qui se superposent et se font écho. Or, si les dimensions poétiques, mystiques et herméneutiques du Masnavi ont été amplement étudiées depuis la rédaction de l'ouvrage, il reste un niveau de lecture qui semble avoir été négligé, voire ignoré des commentateurs : celui qui livre les clés de lecture de l'œuvre elle-même. De manière directe ou indirecte, Rûmi ne cesse de nous mettre en garde contre toute lecture simpliste et unidimensionnelle de son poème, de tout texte et plus généralement de tout discours sur la vérité. Il nous invite ce faisant, à lire son œuvre comme le chiffre du monde, en plongeant dans son infinie complexité, plus même, en en épousant les multiples contours jusque dans les formes et les images elles-mêmes.

Leili Anvar est une spécialiste de la littérature persane. Elle est maîtresse de conférences à l'INALCO, chercheuse et traductrice. Elle anime un séminaire de Master à l'INALCO, consacré à une lecture suivie du Masnavi de Rûmi.
Publications
Leyli et Majnûn de Jâmi, illustré par les miniatures persanes, traduction en prose poétique, Éditions Diane de Selliers, 2021.
Contes des sages persan, Seuil, 2019.
Le Cantique des oiseaux de ‘Attâr, traduction en vers, Éditions Diane de Selliers, 2014, 2017.
Rûmi ou la religion de l'Amour, anthologie de textes, Seuil, 2010.
Rûmî, Entrelacs, 2004, essai sur le poète mystique persan Rûmi suivi d'une anthologie.

Wolfgang ASHOLT : Existe-t-il un "effet retour" herméneutique de l'art sur la vie ? Les textes surréalistes d'Aragon et Breton
Le texte "Barrières" que je propose à la discussion, fait partie des Champs magnétiques (1920) d'André Breton/Philippe Soupault, donc de ce (genre) que Breton appelle dans le Manifeste du Surréalisme "écriture de la pensée" ou "écriture automatique". Selon la définition connue, il s'agirait de la "Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle de la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale" (Manifeste). Cette conception, programmatique pour le Surréalisme, a été largement discutée dans les recherches surréalistes, entre autres de Jean Starobinski, Peter Bürger ou Marguerite Bonnet. Mais plus que sur la discussion, indiquée par un titre de Starobinski, "Freud, Breton, Myers", notre lecture sera centrée sur les possibilités de lectures d'un texte composé de séquences dialoguées entre les deux auteurs et où "les mots, les images ne s'offrent que comme tremplins à l'esprit de celui qui écoute" comme Breton caractérise "Barrières" dans son Manifeste. Si l'absence du contrôle de la raison et de préoccupations esthétiques ou morales veut dissoudre la frontière entre l'art et la vie, quelles réponses les lectures d'un tel texte donnent à la question : "comment lit-on ?" ? Est-ce que chaque lecture ne comporte pas (inévitablement) un effet de retour herméneutique, ce qui impliquerait aussi une appréciation du Surréalisme en général. Pour une introduction aux Champs magnétiques, je renvoie à la "notice" de Marguerite Bonnet, dans Breton : Œuvres complètes, vol.1, Gallimard-Pléiade 1988, p. 1121-1146.

Efrain KRISTAL : Sur la poésie de Jorge Luis Borges et ses résonances philosophiques [On the Poetry of Jorge Luis Borges and its Philosophical Resonances]
This lecture will begin with an account of Jorge Luis Borges' formative and enduring encounter with the philosophy of Arthur Schopenhauer as a High School student in Geneva during the First World War, when he also discovered the poetry of Walt Whitman, and translated German expressionistic poetry into Spanish. It will then show how Borges developed an approach to poetry in which philosophical perplexities and conundrums can be a source of literary possibilities tinged with emotional pathos, with the caveat that philosophical speculation can also be a subterfuge to avoid engaging with life. The lecture will analyze "Amanecer" (Break of Day), a key poem of his fist collection Fervor de Buenos Aires (1923), as well as three of his poetic masterpieces : "Límites" (Limits), "El poema conjectural" (The Conjectural Poem), and "La noche cíclica" (The Cyclical Night).

Efrain Kristal est professeur distingué de littérature comparée à la UCLA. Il a publié plus de cent articles, et plusieurs livres. Parmi ses écrits sur Jorge Luis Borges on peut citer : Invisible Work. Borges and Translation (2002), Querencias. Guerra, traducción y filosofía en Jorges Luis Borges (2022) et Poems of the Night (2010), une édition de la poésie de Borges publié par Penguin Classics.

Katia LÉGERET : Lectures savantes du poème avec le langage gestuel du bharata-natyam (théâtre dansé de l'Inde) : la dimension émotionnelle de l'expérience esthétique
En Inde, depuis le Ier siècle de notre ère, le théâtre dansé classique (nâtya) est considéré comme la forme la plus accomplie de la poésie savante (kâvya) en ce qu'il la rend visible et audible. L'essence du poème se savoure (rasa) dans son pouvoir illimité de suggestion (dhvani), intensifié par un langage gestuel codifié, qui interprète en chaque mot l'éclosion subtile d'une variation du sentiment amoureux, entre séparation et union. Comprendre le processus psychophysiologique complexe de cette saveur esthétique de la résonance permet d'accéder à une forme de sagesse (buddhi). Les phases d'apprentissage purement orales d'une telle construction de l'implicite par la codification de ces gestes dansés — qui incorporent le poème pour le recréer — sont très rarement étudiées. L'étude de cas proposée sera une strophe en sanscrit de Shankaracharya apprise et mise en scène à Mysore auprès de K. Muralidhar Rao, maître de théâtre dansé bharata-natyam.

Professeure de philosophie en esthétique des arts du spectacle vivant au département théâtre de l'université Paris 8, Katia Légeret a publié plusieurs ouvrages sur les théâtres dansés de l'Inde et mené une carrière internationale en tant qu'artiste professionnelle de bharata-natyam. Depuis 2012, elle s'intéresse en particulier à la médiation culturelle et artistique dans les musées, créée par la poésie dansée et mise en scène (creons-au-musee.com).

Matilde MANARA : Conflits herméneutiques et de traduction autour du Cimetière Marin de Paul Valéry
Dans son introduction aux Bucoliques, Paul Valéry fait la remarque suivante : "ce travail d'approximations, avec ses petits contentements, ses repentirs, ses conquêtes et ses résignations, m'inspira un sentiment intéressant […] : j'eus, devant mon Virgile, la sensation (que je connais bien) du poète en travail […]. Je me trouvai, par moments, tout en tripotant ma traduction, des envies de changer quelque chose dans le texte vénérable". Ces mots sont généralement lus à travers le prisme de ceux que William Marx appelle "les trois lieux communs" émergeant des critiques valéryennes : l'idée de poésie en tant que "valeur d'exercice", la décision "arbitraire" de mettre fin au texte et "la nature accidentelle de [s]a publication". L'œuvre traduite de Virgile serait pour Valéry axiologiquement supérieure à l'œuvre source en ceci qu'elle en dévoilerait à la fois l'incomplétude foncière et l'achèvement parfait (car infini et donc toujours différent). Rendu par la traduction à son état d'ébauche, le poème latin ne serait pas restitué en entier dans la langue d'arrivée, mais exhibé dans ce qu'il a de provisoire, voire de défaillant. On peut toutefois se demander si les réflexions menées par Valéry au sujet des Bucoliques ne relèveraient pas d'une vision de l'œuvre autre que celle prônée par les défenseurs du formalisme valéryen et plus proche de l'herméneutique critique. Si la méthode développée par Jean Bollack ne reconduit pas la polysémie du texte littéraire à la volonté de l'auteur d'abdiquer de son pouvoir pour le céder au lecteur — ni par conséquent au traducteur —, elle ne vise pas pour autant sa dissipation totale. Nous nous proposons avec cette intervention de réfléchir aux conflits herméneutiques émergeant de la rencontre entre les nombreuses traductions et interprétations du Cimetière marin qui témoignent souvent d'un effort de compréhension à la portée herméneutique telle que celles-ci parviennent à dialoguer avec, et parfois à concurrencer franchement, les commentaires philosophiques. Dans l'histoire de cette réception, une place particulière est occupée par Rainer Maria Rilke. Une fois découvert le poème en 1921, Rilke traduit le Cimetière marin en quelques jours "avec une équivalence" qu'il n'estimait "guère pouvoir atteindre entre les deux langues". Nous nous pencherons sur la nature de cette équivalence et sur les conséquences qu'elle entraîne à la fois dans la restitution du texte source et dans le développement de la poétique rilkéenne dans les années de composition des Duineser Elegien et des Sonnette an Orpheus. Nous accorderons une attention particulière aux réactions que les choix de traduction auront sur un autre traducteur allemand de Valéry pour qui le modèle incarné par Rilke (et en partie celui incarné par Valéry) est aussi incontournable que problématique : Paul Celan.

Matilde Manara est docteure en littérature comparée (INSPIRE-Marie Curie, 2021). Entre 2020 et 2022, elle a été ATER à l'université de Lille : lauréate d'un prix du Collège de France (Prix Anna Caroppo) pour l'année 2022-2023, elle a été ensuite post-doctorante à l'université de Strasbourg. Actuellement, elle dirige un projet access ERC auprès de l'ITEM, à l'École Normale Supérieure de Paris. Ses recherches convoquent la théorie des genres littéraires (la poésie lyrique et l'essai tout particulièrement), les études de genre et la génétique textuelle.
Publications
L'intelligence du poème. Lyrisme et pensée chez Valéry, Rilke, Stevens et Montale, Classiques Garnier, 2023.
Così anche noi in un'eco. Il carteggio Fortini-Enzensberger, Quodlibet, 2022.
Diplopie, sovrimpressioni. Andrea Zanzotto poeta e critico, Pacini, 2021.
Una minima ordalia. Il carteggio Fortini-Zanzotto, Quodlibet, à paraître.

Jonas NICKEL
Jonas Nickel est actuellement doctorant en cotutelle de thèse sous la direction de Judith Lyon-Caen (EHESS Paris) et Jörg Dünne (HU Berlin) ainsi que chercheur associé au Centre Marc Bloch de Berlin. Consacrées aux usages sociaux de la littérature, ses recherches s'inscrivent dans les travaux du Groupe de Recherches Interdisciplinaires sur l'Histoire du Littéraire (GRIHL/EHESS) et s'intéressent principalement aux coups de force idéologiques de la littérature.

Tim SCHÜNEMANN
Tim Schünemann a suivi des études de germanistique et de mathématiques à Osnabrück, diplôme en 2019 (M.A.). Depuis septembre 2019, il prépare une thèse de doctorat "Zur Kritik der Celan-Lektüren von Jean Bollack" sous la direction du Prof. Dr. Christoph König et du Dr. habil. Martin Steinrück dans le cadre d'une cotutelle de thèse aux universités d'Osnabrück et de Fribourg (Suisse), et jusqu'en avril 2023 dans le cadre du projet "Lectures de Jean Bollack", financé par le FNS (Fonds national suisse de la recherche scientifique). Depuis avril 2023, il est collaborateur scientifique à la chaire de littérature allemande moderne et contemporaine (Christoph König) à l'université d'Osnabrück. Il participe également au Peter-Szondi-Kolleg.
Publications
"Die "Verrätselung" – Zur Kritik der zentralen Gedankenfigur in Jean Bollacks Celan-Lektüren", in Lire Jean Bollack – Jean Bollack lesen, hg. von Stéphanie Cudré-Mauroux, Christoph König und Martin Steinrück, Basel : Schwabe, 2023, S. 305-324.
"Die Prinzipien der "Erläuterungen" in der historisch-kritischen Ausgabe der "Werke" Rilkes aus wissenschaftsgeschichtlicher Perspektive. Zur Kommentierung literarischer Texte in der Kritischen Hermeneutik", in Geschichte der Philologien 2023, Bd. 63/64, S. 48-70.

Jean TAIN
Jean Tain, agrégé et docteur en philosophie, a soutenu à l'École Normale Supérieure (Paris) en novembre 2023 sa thèse intitulée "La médiation des textes littéraires chez Walter Benjamin et Theodor W. Adorno". Il est attaché temporaire d'enseignement et de recherche (ATER) à l'École Normale Supérieure de Lyon, sur un profil d'histoire de la philosophie, d'esthétique et de philosophie allemande.

Benoît VERMANDER : Lectures du Livre des Odes (Shijing) à travers les âges : les usages changeants d'un classique chinois à un document d'histoire globale
Le Classique [ou encore : Canon] des Odes (Shijing) est l'un des "cinq classiques" qui ont formé le socle de la sensibilité, de l'enseignement et du système mandarinal chinois pendant deux millénaires. Leur lecture, leur mémorisation et leur exégèse intervenaient très tôt dans le parcours éducatif. Cette contribution évoquera d'abord la lecture qu'en faisait Confucius, le compilateur supposé du recueil puis l'interprétation qui a prédominé à l'époque classique. Elle contrastera ces exégèses avec celles qui ont vu dans les Odes un document ethnographique irremplaçable (Marcel Granet) ou la matrice de la rhétorique structurelle chinoise (Beta Tsang). Elle se conclura en méditant sur la lecture des Odes suggérée par un texte chinois du troisième siècle avant notre ère exhumé et publié il y a un peu plus de vingt ans.

Benoît Vermander est professeur d'anthropologie religieuse dans la faculté de philosophie de l'université Fudan (Shanghai). Il a notamment publié Comment lire les classiques chinois (Les Belles Lettres, 2022) et The Encounter of Chinese and Western Philosophies. A Critique (De Gruyter, 2023).

Michael WOLL : Le cycle Les Chimères de Gérard de Nerval dans les histoires de la réception de Goethe et Hölderlin
L'interprétation des poèmes de Gérard de Nerval a toujours été marquée par le regard des interprètes sur l'influence du romantisme allemand sur ces œuvres. D'après son premier éditeur dans la Pléiade, Albert Béguin, Nerval s'est avant tout intéressé à une poétique du "rêve", liée à un romantisme "sombre" et "fantastique" qu'il avait trouvé dans les poèmes des auteurs comme E.T.A. Hoffmann. Cette thèse devient importante pour l'historiographie de la littérature en général. Dans son livre L'âme romantique et le rêve (1939), Béguin développe l'idée que l'on trouve, dans la poésie moderne française, deux types du "rêve" : des auteurs pour lesquels le rêve est une "obsession" (Verlaine, Rimbaud), et des auteurs qui n'en font qu'un "jeu" littéraire (Mallarmé, Valéry). Si la notion du "symbolisme" oscille aujourd'hui entre une poésie "irrationnelle" et "mystique" d'un côté, et un travail très précis et presque "mathématique" sur le sens des mots de l'autre côté, la typologie de Béguin y a sans doute contribué. Mais si l'on regarde de près la genèse de cette pensée, on verra que la vue de Béguin est fortement influencée par des préférences personnelles. Par exemple, il ne valorise point la clarté de Goethe (qu'il juge être "froid"), à propos duquel il constate dans une lettre à Gustave Roud : "Mais je donnerais tout cela pour le Schwanenlied de Brentano ou le moindre quatrain de Hölderlin fou". Dans mon exposé, je vais proposer une lecture qui rallie les poèmes nervaliens plutôt à la tradition de Goethe et Heinrich Heine qu'à celle de Hölderlin. De cette manière, ses poèmes s'avèrent en même temps plus proche du travail sur la langue des poètes comme Mallarmé que les recherches nervaliennes lui concèdent habituellement.

Michael Woll est chargé de cours à l'université d'Osnabrück. Il a travaillé aux archives littéraires allemandes de Marbach (2018-20) et a été boursier "Feodor Lynen" de la fondation Alexander von Humboldt à l'ENS Paris (2021-23). En ce moment, il travaille sur un livre sur les cycles lyriques de Heinrich Heine. Ses sujets de recherche sont la poésie moderne allemande et française, l'histoire des sciences, la didactique de la littérature et les expositions littéraires.
Publications récentes
Monographie Hofmannsthals "Der Schwierige" und seine Interpreten (2019)
"Ce nécessaire incommensurable. Celan face à Hölderlin", in Cahiers de l’Herne : Paul Celan, 2020.
"Nerval lecteur – les lecteurs de Nerval. Le sonnet "Delfica" et Goethe dans le système de coordonnées de la poésie française", in Germanica 71, 2022.
"La défense d'un poète. Paul Celan traducteur et interprète des "Chimères" de Nerval", in Revue Nerval 8, 2024.


BIBLIOGRAPHIE :

• Berner, Christian et Denis Thouard (éds.), Sens et interprétation. Pour une introduction à l'herméneutique, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008 (Opuscules 23).
• Bollack, Jean, Sens contre sens. Comment lit-on ? Entretiens avec Patrick Llored, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2018 (Opuscules 36).
• Dällenbach, Lucien et Jean Ricardou (éds.), Problèmes actuels de la lecture, Colloque de Cerisy (1979), Paris, Hermann Éditeurs, 2012 (reprint du livre Problèmes actuels de la lecture, Éditions Clancier-Guénaud, 1982).
• Gadamer, Hans-Georg, Wahrheit und Methode. Grundzüge einer philosophischen Hermeneutik, Tübingen, J.C.B. Mohr, 1960.
• König, Christoph et Heinz Wismann (éds.), La lecture insistante. Autour de Jean Bollack, Colloque de Cerisy (2009), Paris, Albin Michel, 2011.
• König, Christoph, L'intelligence du texte. Rilke - Celan - Wittgenstein, Trad. par Isabelle Kalinowski, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2016 (Opuscules 33).
• Pollock, Sheldon, Benjamin A. Elman and Ku-ming Kevin Chang (eds.), World Philology, Cambridge, Mass. and London, Harvard University Press, 2015.
• Greisch, Jean et Richard Kearney (éds.), Paul Ricœur. Les Métamorphoses de la Raison herméneutique, Colloque de Cerisy (1988), Paris, Les éditions du Cerf, 1991.
• Schleiermacher, Friedrich, Vorlesungen zur Hermeneutik und Kritik, hg. von Wolfgang Virmond unter Mitwirkung von Hermann Patsch, Berlin, Boston: De Gruyter, 2012.
• Szondi, Peter, Hölderlin-Studien. Mit einem Traktat über philologische Erkenntnis, in ders., Schriften, mit einem Nachwort von Christoph König, hg. von Jean Bollack et al. Bd. 1., Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2011, S. 261–412.
• Thouard, Denis, Hérmeneutiques contemporaines, Paris, Hermann Éditeurs, 2020.
• Wellbery, David E., Seiltänzer des Paradoxalen : Aufsätze zur ästhetischen Wissenschaft, München, Wien, Hanser, 2006.


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