Programme 2018 : un des colloques

Programme complet


LES SUPERHÉROS : UNE MYTHOLOGIE POUR AUJOURD'HUI


DU VENDREDI 13 JUILLET (19 H) AU VENDREDI 20 JUILLET (14 H) 2018

[ colloque de 7 jours ]



DIRECTION :

Christian CHELEBOURG, Lauric GUILLAUD


ARGUMENT :

Nés entre les deux Guerres Mondiales, au carrefour des principales littératures de l'imaginaire, superhéros et superhéroïnes apparaissent comme un concentré des rêveries occidentales sur l'héroïsme et la Force. Ils réactivent alors la veine mythologique pour mieux refléter les ambivalences de la culture américaine, déchirée entre sauvagerie primitive et modernité technologique. Leur succès depuis près d'un siècle doit désormais interroger sur le sens qu'a pris leur geste dans la culture de jeunesse.

S'il convient de revenir sur leur genèse, voire sur leur définition, il est surtout important d'étudier leur fortune intermédiatique et l'étonnante malléabilité qui a favorisé tout à la fois leur prolifération et les hybridations génériques auxquelles ils se prêtent. Il faut examiner l'abondante descendance qui est la leur dans tous les registres, jusqu'à la parodie, et la manière dont ils ont renouvelé les figures de Sauveurs. Les superhéros n'étant rien sans les supervilains qu'ils affrontent, la dialectique qui les oppose mérite aussi toute l'attention, de même que les chronotopes allégoriques dans lesquels ils évoluent. Enfin les modes de production et de diffusion de ces personnages interrogent le statut de l'auteur dans le contexte de l'industrie culturelle, tout comme ils mettent en avant la part grandissante des produits dérivés sur le marché de la fiction.

Les communications devront être accessibles à un public non spécialiste. Le public sera le bienvenu et les auditeurs pourront prendre part aux débats, éclairer les discussions de leurs propres connaissances et contribuer à la réflexion collective.


CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 13 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Samedi 14 juillet
Matin
Lauric GUILLAUD : Généalogie des superhéros : du régime de l'écrit au régime de l'image
Xavier FOURNIER : Superhéros, défenseurs secrets de l'hexagone

Après-midi
Kévin POEZEVARA : Superman ou l'invention de l'adolescence
Dennis TREDY : Adaptation, traumédialité et kitschification : la percée des superhéros de bandes dessinées lors des âges d'or de la radio et de la télévision américaines


Dimanche 15 juillet
Matin
Dominique MEYER-BOLZINGER : Enquêteurs et superhéros, même combat ?
Marie-Hélène BAUER : Fantômette, une superhéroïne franco-française ?

Après-midi
Victor-Arthur PIÉGAY : Naissance et renaissances des Watchmen, de Charlton Comics à DC Rebirth [enregistrement audio en ligne sur La forge numérique de la MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]
Guillaume LABRUDE : Batman : Arkham, caractérisation et contre-pouvoir des supervilains dans le domaine vidéoludique


Lundi 16 juillet
Matin
Clotilde THOURET : Normalité du superhéros, ou : de l'ordinaire dans le superhéroïsme
Maryse PETIT : L'Habit fait-il le superhéros ?

Après-midi
Anne-Marie PAQUET-DEYRIS : Jessica Jones : entre privée de Film noir et anti-Superwoman ?
Mélanie BOISSONNEAU & Camille ZIMMERMANN : Wonder Woman et Jessica Jones : les féminismes des superhéroïnes
Élodie CHAZALON : Mystique et mystification de la femme engagée à l'heure du "global feminism"


Mardi 17 juillet
Matin
Christian CHELEBOURG : La cape et le pantin : Disney et les superhéros avant Marvel (1965-2009)
Sébastien BERTRAND : Les Super sentai et le triomphe du soft power japonais

Après-midi
DÉTENTE


Mercredi 18 juillet
Matin
Isabelle LABROUILLERE : Le devenir mythique d'un héros ordinaire : du prototype à l'archétype dans Darkman de Sam Raimi
Gilles MENEGALDO : Intertextualité et variations plastiques dans Batman et Batman Returns de Tim Burton

Après-midi
Stella LOUIS : Les vampires du XXIe siècle : demi-dieux et superhéros, entre héritage et transgression
Chloé QUESNEL : Les résonances gothiques dans le monde des superhéros


Jeudi 19 juillet
Matin
Jean-Paul MEYER : The Phantom : ascendances et filiations d'un super-justicier
Yann CALVET : Les superhéros sont-ils des hommes ?

Après-midi
Christophe BECKER : marXist ! De la dissémination des théories "alt left" dans les comic books anglo-saxons
Danièle ANDRÉ : Quand la guerre tue les superhéros : de Serge Lehman à Marvel Civil War


Vendredi 20 juillet
Matin
Hélène VALMARY : Les bienfaits de la colère : à propos de Hulk (comics, séries télévisées, cinéma)
Cong Minh VU : Logan (2017) ou la finitude des superhéros

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Danièle ANDRÉ : Quand la guerre tue les superhéros : de Serge Lehman à Marvel Civil War
La deuxième guerre mondiale a vu la naissance des superhéros américains et la disparition des superhéros français. La guerre semble donc étroitement liée au sort de ces figures hors du commun. Avec Marvel Civil War (2006-2007), la guerre ne leur est plus extérieure, elle les divise et les décime. Étrangement, en France, à peu près à la même époque, les superhéros réapparaissent. Nés dans des périodes d'instabilité ou de guerre, dont ils sont victimes et/ou témoins, ils reviennent parler de leur origine, de la première moitié du XXe siècle, et des guerres subies. Ce faisant, ils nous rappellent, comme les personnages de Marvel, combien leur existence et leur disparition sont symptomatiques d'une société qui semble chercher qui elle est, ou qui a peut-être déjà perdu son identité en se dépouillant de certaines valeurs fondatrices. C'est ce que cette communication s'attachera à analyser à travers Marvel Civil War et les œuvres de Serge Lehman : La Brigade Chimérique (2009-2010), Masqué (2012-2013), L'Homme Truqué (2013) et L'Œil de la nuit (2015-2016).

Danièle André est maître de conférences en civilisation et cultures populaires états-uniennes dans le département LEA Amériques de l'université de La Rochelle. Ses recherches ont pour but d'analyser et de comprendre comment la culture populaire (surtout en Amérique du Nord) et, plus particulièrement, la science-fiction, le cinéma, les séries télévisées, les jeux de rôle et les romans graphiques, traitent de l'être humain dans son environnement social. Ses travaux ont pour but de souligner que les cultures populaires non seulement reflètent le fonctionnement des sociétés, mais qu'elles aident aussi à imaginer leur évolution et à façonner leur avenir.

Marie-Hélène BAUER : Fantômette, une superhéroïne franco-française ?
Dès le premier épisode de la série, Ficelle, sa camarade, la dessine avec des ailes de chauve-souris, l'affiliant de fait à son homologue américain Batman. Pourtant, Pierre Bannier note qu'il s’agit d'"une œuvre franco-française" dans son ouvrage Les Microsociétés pour la littérature pour la jeunesse. L'Exemple de Fantômette (L'Harmattan, 2000). Il s'agira alors d'étudier la particularité de Fantômette et du chronotope dans lequel elle évolue. Dans cette perspective, nous comparerons, entre autres, les livres originaux et la série animée du début des années 2000 destinée à un public international.

Christophe BECKER : marXist ! De la dissémination des théories "alt left" dans les comic books anglo-saxons
Longtemps considérés comme s'adressant à un public adolescent, les comic books ont subi une transformation profonde avec l'apparition de l'underground comix aux États-Unis à partir de 1968 et en Angleterre à partir de 1973, mais également de la "British Invasion" dans les années 1980. La bande dessinée n'est, dés lors, plus un divertissement simple ou naïf, mais le moyen de disséminer des théories marxistes passées par le prisme des Situationnistes français, de l'Anarchisme ou de mouvements politiques baptisés — souvent de façon péjorative — "alt left" ou "hard left". Nous étudierons les stratégies employées par les scénaristes de comic books pour développer, voire questionner, ces théories, mais également leur réception au sein des sociétés américaines et britanniques peu enclines au discours collectiviste ou anticapitaliste. Nous nous pencherons autant sur les comic books indépendants, comme V for Vendetta d'Alan Moore (Vertigo, 1988) ou The Invisibles de Grant Morrison (Vertigo, 1994), que sur des titres précurseurs qui, aujourd'hui encore, sont en tête des ventes dans le monde comme les X-Men créés par Stan Lee et Jack Kirby en 1963, ou Silver Surfer créé par Jack Kirby en 1966 pour Marvel Comics.

Enseignant l'anglais dans un collège de Villejuif, Christophe Becker est professeur certifié d'anglais et Docteur de l'université Paris 8 en Langues, littératures et civilisations des pays anglophones. Après avoir soutenu en décembre 2010 une thèse intitulée : "L'Influence de William S. Burroughs dans l'œuvre de William Gibson et de Genesis P-Orridge", ses recherches portent essentiellement sur l'héritage Burroughsien dans le domaine littéraire et musical, mais également sur le corps comme sujet d'expérience artistique et sur la culture populaire. En collaboration avec l'éditeur Aurélien Gleize (Questions Théoriques) et le Victoria & Albert Museum de Londres, il coordonne actuellement la traduction et la publication en ligne du poème "Agrippa" de William Gibson, 1992.

Sébastien BERTRAND : Les Super sentai et le triomphe du soft power japonais
Depuis 1979 au Japon, les séries franchisées Super sentai mettent en scène des groupes de héros doués de superpouvoirs en lutte contre les forces du Mal qui menacent la Terre. Tournées dans un pays qui atteint un pic de croissance et de prospérité économique dans les années 1980, plébiscitées par le public, elles sont ensuite renouvelées chaque année tout en gardant des codes stricts. Les Super sentai connaissent également un grand succès à l'exportation (notamment en France, où elles sont principalement diffusées dans l'émission Club Dorothée) et la consécration mondiale en 1993 à travers son adaptation américaine Power Rangers. L'intervention posera comme problématique le lien entre les Super sentai et la puissance économique et culturelle japonaise dans les années 1980 et 1990. Elle analysera les codes et principes qui régissent ces séries, les thèmes qui y sont développés et enfin, les raisons et modalités de leur succès international, à mesure que le phénomène de mondialisation s'accélère.

Sébastien Bertrand, professeur agrégé et docteur en histoire contemporaine, enseigne en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles aux Lycées Janson de Sailly (Paris XVIe) et Chaptal (Paris VIIIe). Ses travaux portent sur l'Asie orientale (Japon, Corée du Sud, monde chinois) et sur l'inscription des cultures de jeunesse dans l'histoire contemporaine. Il a participé à trois colloques de Cerisy : Walt Disney (2011), Littérature et culture de jeunesse : configuration des mœurs (2013) et Secrets, complots, conspirations (2016).
Dernière parution
"Adolescence et mythologie : Saint Seiya, manga et anime éducatifs", in C. Chelebourg & F. Marcoin (dir.), Civiliser la jeunesse, Colloque de Cerisy, Artois presses université, Les Cahiers Robinson, n°38, 2015.

Mélanie BOISSONNEAU & Camille ZIMMERMANN : Wonder Woman et Jessica Jones : les féminismes des superhéroïnes
Depuis quelques années, les films et séries mettant en scène des superhéros se multiplient (37 films depuis 2010, seulement pour les comics américains). Parmi ces adaptations, les quelques personnages féminins qui ont eu les honneurs du premier rôle interrogent de manière différente la notion du genre, et mettent en exergue une forme de déchirement au sein de la culture pop entre héroïsme et féminité, agentivité et hyper-sexualisation. Jessica Jones (adaptée par Melissa Rosenberg pour Netflix en 2015) et Wonder Woman (Patty Jenkins, 2017) sont deux exemples représentatifs de l'avenir possible pour les superhéroïnes. Cette communication à quatre mains permettra d'explorer, dans une perspective diachronique, ces nouvelles représentations féminines.

Mélanie Boissonneau, docteure en études cinématographiques et audiovisuelles et ATER à l'université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, est membre de l'IRCAV.
Publications
Les pin-up au cinéma, Co-écrit avec Laurent Jullier, Armand Colin, 2010.
(co-dirigé) Tim Burton, horreurs enfantines, L'Harmattan, 2016.
Articles
"Enjeux de la superhéroïne au cinéma", Revue Théorème, n°13, Numéro spécial : "Du héros au superhéros", Dirigé par Claude Forest, 2009.
""Je mettrai une robe quand on t'enterrera". Jessica Jones et le renouvellement de la figure de la super-héroïne", Avec Laurent Jullier, Ouvrage collectif : Le superhéros à l'écran. Mutations, transformations, évolutions, Dirigé par Elie Yazbek, Orizons, Coll. "Cinématographies", 2017.

Camille Zimmermann est doctorante contractuelle à l'université de Lorraine où elle poursuit depuis octobre 2016 sous la direction de Christian Chelebourg une thèse intitulée "Belles mais pas bêtes : la rénovation de l'identité féminine dans les fictions de jeunesse à l'heure du Girl Power".

Yann CALVET : Les superhéros sont-ils des hommes ?
Les personnages des comic strips présentent la version moderne des héros mythologiques ou folkloriques en même temps qu'ils sont une incarnation d'une forme d'idéal, voire des archétypes qui se manifestent sous forme d'histoires. Parmi cet ensemble apparemment homogène et optimiste du film de superhéros, se développent pourtant, dans le cinéma indépendant comme au sein des majors, des sous-ensembles qui cherchent à déconstruire ou bien à inverser les enjeux et les valeurs du modèle initial. Incassable (M. Night Shyamalan, 2000) déconstruit par exemple les mécanismes de la fascination du public pour le "superhéros". Avec Split (2017), Shyamalan récidive en construisant cette fois son récit autour de l'évolution traumatique d'un personnage aux pouvoirs inquiétants. De même les (anti)superhéros, irrévérencieux et sans idéaux, de Hancock (Peter Berg, 2008) à Deadpool (Tim Miller, 2016) se multiplient au cinéma et un film comme American Hero (Nick Love, 2016) transforme le film de superhéros en fable sociale tragi-comique. Que nous dit cette évolution de la figure du superhéros au cinéma sur la société américaine ?

Yann Calvet est MCF en études cinématographiques à l'université de Caen Normandie. Ses recherches portent sur les rapports entre le cinéma, l'imaginaire et les mythes. Il a publié un ouvrage intitulé Cinéma, imaginaire, ésotérisme : Murnau, Dreyer, Tourneur, Lewin (L'Harmattan, 2003). Fondateur et rédacteur en chef adjoint de la revue Eclipses, il a coordonné plusieurs numéros sur F.F. Coppola, Gus Van Sant, M. Cimino, H. Miyazaki, Tim Burton, les frères Coen, David Fincher, Michael Powell, John Boorman, Wim Wenders, Christopher Nolan, M. Night Shyamalan.

Élodie CHAZALON : Mystique et mystification de la femme engagée à l'heure du "global feminism"
Depuis la "troisième vague" féministe des années 80 et l'émergence d'Internet et des nouveaux médias, l'imaginaire autour de la femme engagée l'apparie de façon presque systématique à la figure de la superhéroïne. La mystique autour de la superhéroïne des All-Stars comics des années 40 sature la culture visuelle et se déploie aujourd'hui via un panel de films, séries télévisées, livres, musiques, arts visuels et produits dérivés. La terminologie, l'esthétique et la mythographie étasunienne que l'on trouve dans ces fictions populaires s'appliquent aux individus et groupes féminins dits engagés, soit une ritualisation frôlant la mystification et redéfinissant la notion même d'engagement et ses perceptions intergénérationnelles.

Élodie Chazalon est Maître de Conférences en Études Anglophones à l'université de La Rochelle. Ses recherches en civilisation américaine portent sur les représentations féminines dans la culture populaire américaine (presse, séries TV, culture visuelle) et sur les pratiques culturelles et la façon dont elles (dé)construisent les identités individuelles et collectives. Elle s'intéresse depuis peu à la notion d'"engagement au travers" (politique, culturel, artistique, "au féminin") et a récemment coordonné, aux côtés de Danièle André, l'ouvrage Popular Culture(s) on the Move in the United States : Miscellanies, aux Éditions Michel Houdiard.

Xavier FOURNIER : Superhéros, défenseurs secrets de l'hexagone
Et si le superhéros n'était pas 100% américain ? S'il avait plus de trois cents ancêtres ou/et cousins français produits depuis le dix-neuvième siècle ? Et s'ils repoussaient aussi les frontières des médias ? S'ils se cachaient aussi bien dans les romans populaires que dans la BD, le cinéma muet et même dans les faits divers ? Si certains d'entre eux s'étaient exportés aussi bien en Italie qu'au Mexique ou aux États-Unis ? Femmes ailées, robots combattants les nazis, aveugles clairvoyants, hommes-panthères, télépathes ou seigneurs du temps… Atomas, Fulguros, l'Oiselle, Fantax, Coraline, HeroCorp, le Nyctalope, les Chevaliers de l'Étoile, Ladybug (Miraculous)… Qui sont les superhéros français, qu'ont-ils inspirés et pourquoi, pour la plupart d'entre eux, les avons-nous rangés dans un grenier oublié ?

Lauric GUILLAUD : Généalogie des superhéros : du régime de l'écrit au régime de l'image
Comment est-on passé, dans la littérature de l'imaginaire anglo-saxonne (fantastique, aventure, science-fiction), de l'écrit à l'image, en moins de cent ans ? Comment la figure mythique du héros s'est-elle imposée à travers de nouveaux vecteurs de diffusion populaire (BD, cinéma) ? Loin d'être monolithiques, les héros américains subissent graduellement des métamorphoses, dues essentiellement au contexte idéologique de l'époque. Par l'éclatement générique et le glissement vers l'hybridation, ils révèlent le caractère fondamentalement schizoïde de l'inconscient américain. Pour retracer la genèse des superhéros, il faut revisiter les mythologies, la littérature populaire, les comics, sans oublier les héros du XIXe siècle (Leatherstocking, Tarzan, Allan Quatermain). Il faut retracer l'histoire américaine avec l'essor du cinéma et la découverte au XXe siècle d'une nouvelle culture de masse, le "pulp fiction magazine". Mais la genèse des "superhéros" américains passe aussi par l'Europe. D'abord par la France, où Fantomas lance le culte du vengeur masqué. Ensuite par la Grande-Bretagne où paraît, dès 1913, dans The Wonder, l'étrange personnage de "the Winged Man", personnage de l'entre-deux, qui se tient entre "Minuit et l'Aube". Cette double activité diurne et nocturne est au cœur de la problématique schizoïde des futurs "superhéros" américains, de Superman à Batman, en passant par The Shadow ou The Spirit. Cette hybridité typiquement anglo-saxonne d'archaïsme et de futurisme annonce non seulement Batman, mais Flash, Phantom, Doll Man et autre Bulletman. Dynamisée par le triomphe graduel du régime de l'image, la genèse du superhéros participe aussi du métissage généralisé des formes littéraire (le gothique) et graphique, l'une des caractéristiques fondamentales du phénomène des superhéros au XXIe siècle.

Guillaume LABRUDE : Batman : Arkham, caractérisation et contre-pouvoir des supervilains dans le domaine vidéoludique
La naissance d'un superhéros entraîne bien souvent celle de supervilains : ces ennemis hauts en couleur forment un contre-pouvoir de taille à la justice superhéroïque et à sa capacité discutable à être juge, juré et bourreau. Lorsqu'un joueur incarne un superhéros, comme c'est le cas dans la quadrilogie Batman : Arkham des studios Rocksteady, il se confronte aux antagonistes qui peuplent l'univers qu'il parcourt. Le medium vidéoludique va alors permettre vis-à-vis de ces supervilains deux processus : une caractérisation des personnages à travers le gameplay, la façon de les vaincre et leur environnement ; mais également la mise en lumière de leur fonction première de contre-pouvoir, induisant ainsi une question morale dans le jeu vidéo. Le joueur peut échouer et ainsi ne plus progresser au sein de l'intrigue, le phénomène accentuant l'antagonisme avec ces criminels de fiction et induisant chez celui ou celle qui incarne le héros une volonté de confrontation. Pourtant, depuis l'Âge de Bronze des comics, les ennemis du Chevalier Noir de Gotham City se trouvent davantage approfondis en terme de background, induisant une certaine empathie de la part du lecteur qui, des années plus tard, devra les affronter. Cette communication se propose d'analyser la construction des supervilains dans les jeux vidéo Batman : Arkham Asylum, Arkham City et Arkham Knight afin de mettre en lumière les techniques vidéoludiques de caractérisation des personnages.

Diplômé de l'Institut Européen de Cinéma et d'Audiovisuel (Nancy), Guillaume Labrude est doctorant au sein du laboratoire LIS (Littératures, imaginaire, sociétés) à l'université de Lorraine, sous la direction de Christian Chelebourg. Ses travaux de thèse ont pour thème les représentations de la famille dans la licence Batman et ses différentes adaptations depuis 1939. En 2016 et 2017, il communique lors des colloques de Cerisy, Secrets, complots, conspirations et Spectres de Poe dans la littérature et les arts, sur les sociétés secrètes vues par Christopher Nolan dans sa trilogie dédiée au Batman et à l'influence d'Edgar Allan Poe sur la licence initiée par Bob Kane et Bill Finger. Il contribue régulièrement à la revue The Conversation avec des articles traitant de cinéma et de télévision et a publié De Robin à Batman : le complexe du rouge-gorge à l'université de Caen Normandie.

Stella LOUIS : Les vampires du XXIe siècle : demi-dieux et superhéros, entre héritage et transgression
À l'aube des années 2000, un nouveau type de superhéros a émergé, coïncidant avec les nouvelles capacités du cinéma à l'ère du numérique : le vampire. Désormais détaché de toute monstruosité mortifère et démoniaque, il propose une nouvelle descendance hybride au superhéros, dont il hérite aussi une origine mythologique. La voie de ce changement est ouverte par Blade, comic Marvel adapté au cinéma par Stephen Norrington en 1998. S'adaptant à la modernité numérique, plusieurs autres vampires suivront (jusqu'au personnage même de Dracula), confrontant l'ordinaire (humain), l'archaïque (la tradition), au futur (la technologie), dans un contexte social et politique évident.

Stella Louis, qui termine une thèse en études cinématographiques sur la représentation contemporaine du vampire à l'ère numérique, enseigne le cinéma à l'université et participe à l'animation d'un ciné-club à Paris.

Dominique MEYER-BOLZINGER : Enquêteurs et superhéros, même combat ?
L'enquêteur et le superhéros sont deux personnages mythiques modernes, deux figurations de l'héroïsme dans des imaginaires qui semblent incompatibles. On peut donc s'interroger sur ce qui les sépare : est-ce leur histoire, leur mission, leur genre, leurs motivations ? Si certains détectives peuvent être rapprochés des superhéros par leur pouvoir extraordinaire d'observation et l'acuité de leur coup d'œil, s'il existe des superhéros qui se mettent à enquêter, on s'attardera plus particulièrement sur Daredevil, Watchmen et Thursday Next, pour montrer comment, d'un point de vue narratologique et méthodologique, ils enquêtent, ce qui revient à caractériser la manière dont s'élaborent leurs univers fictionnels et leur identité fictive, de même que leur figuration de l'héroïsme.

Dominique Meyer-Bolzinger est maître de Conférences en Littérature Française à l'université de Haute-Alsace (Mulhouse). Spécialiste de l'enquête, qu'elle étudie d'un point de vue épistémologique et poétique, elle s'intéresse tout particulièrement aux méthodes d'investigation fictive, à l'imaginaire de l'enquête et aux transferts du roman policier vers la littérature. Elle est l'auteur de plusieurs articles sur ces questions, en particulier sur les traces du roman policier dans l'œuvre de Patrick Modiano.
Publication
"L'imaginaire de l'autopsie", in H. Machinal, G. Ménégaldo, J.-P. Naugrette (dir.), Sherlock Holmes, un nouveau limier pour le XXIe siècle, Colloque de Cerisy, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 75-88.
"Sherlock Holmes est-il un héros pour la jeunesse ?", in P. Clermont, L. Bazin, D. Henky (dir.), Esthétiques de la distinction : gender et mauvais genres en littérature de jeunesse, Peter Lang, 2013, p. 239-250.
La méthode de Sherlock Holmes, de la clinique à la critique, Campagne Première, 2012.

Anne-Marie PAQUET-DEYRIS : Jessica Jones : entre privée de Film noir et anti-Superwoman ?
Dans l'univers des productions Marvel, le personnage de "superhéros" de Jessica Jones est l'un des plus récents à être apparus à l'écran en 2015. Dérogeant au mode superhéroïque systématique des protagonistes du studio, sa représentation d'être cynique brisé par un trauma ancien la rend paradoxalement attachante, non grâce à ses super-pouvoirs dont la dimension minimaliste est clairement affichée, mais parce que c'est avant tout une femme qui lutte contre ses démons et le monde tout entier. Paradoxalement toutefois, la distribution des rôles genrés reste très conventionnelle dans la série et ne remet jamais totalement en question cette répartition et la forme de violence qu'elle induit inéluctablement.

Anne-Marie Paquet-Deyris est professeur d'Études Filmiques et Sérielles Anglophones à l'université Paris Nanterre. Ses ouvrages et articles explorent les séries télévisées et le cinéma anglo-américains contemporains. Elle a co-organisé divers séminaires dans ces domaines, sur les séries télé en général et, plus particulièrement, sur celles du créateur David Simon.
Publications
The Wire. L'Amérique sur écoute, La Découverte, 2014.
"Treme, New Orleans and Music", Publication radiophonique (en ligne), 2016.
Dependence In / To TV Series. Dépendance aux/dans les séries télé, français anglais, Cambridge Scholars Publishing, 2018.
Histoire, légende, imaginaire : nouvelles études sur le western, Éditions Rue d'Ulm, 2018.

Maryse PETIT : L'Habit fait-il le superhéros ?
Étranges costumes colorés, carapaces de métaux inusités, éléments de parure distinctifs : il n'est pas de superhéros qui se montre — au moins aux yeux des lecteurs ou des spectateurs — sans son emblématique vêtement. Le plus souvent, d'ailleurs, revêtir le costume marque pour le personnage le passage à sa dimension surhumaine : le tissu marque la frontière entre les états de personnalités, le corps est sublimé par la tenue. Cependant, une fois endossé, telle la tunique de Nessus, le costume colle à la peau : il dure autant que le personnage : au gré des illustrateurs, des incarnations cinématographiques, les traits peuvent changer, les visages être sensiblement différents : du moment que les pièces d'habillement y sont, il est assuré que le superhéros est authentique et ne manquera pas à sa réputation. Pas de mode, donc, pour les Super Héros. Sauf celles qui ont prévalu lors de leur création : impératifs graphiques, connotations sociales, connotations idéologiques (les costumes, en général mettent en valeur les corps aux caractéristiques sociologiquement datées : muscles masculins, formes féminines), reprise d'éléments et d'emblèmes mythologiques inscrits dans les cultures qui les ont fait naître. Et bien entendu, leurs adversaires récurrents ne sont pas en reste.

Victor-Arthur PIÉGAY : Naissance et renaissances des Watchmen, de Charlton Comics à DC Rebirth
La présence des personnages de Watchmen au sein du récent relaunch de DC Comics, DC Universe Rebirth, peut apparaître comme une double provocation, pour ne pas dire profanation, orchestrée par le Chief Creative Officer et scénariste vedette de la firme, Geoff Johns. Ce dernier donne en effet une suite au roman graphique contre la volonté de son auteur, Alan Moore, farouche opposant à toute expansion transfictionnelle de son œuvre. Dans cette suite, intitulée Doomsday Clock, Johns s'appuie au surplus sur une manipulation cavalière des mondes fictionnels de l'univers DC en associant pour la première fois l'uchronie des Gardiens à la temporalité canonique de Batman, Superman ou Wonder Woman. La renaissance des Watchmen n'est cependant pas qu'une vulgaire manifestation d'opportunisme éditorial, mais témoigne aussi de la volonté de Geoff Johns d'orienter les comics estampillés DC vers la métafiction en mettant en question le sens du geste créateur au sein de l'industrie.

Agrégé et docteur en lettres modernes, Victor-Arthur Piégay est actuellement maître de conférences en études culturelles à l'université de Lorraine. Ses recherches portent principalement sur la culture de jeunesse et la culture de masse, particulièrement sur les problématiques relatives à la sérialité (séries télévisées, comics, mangas).
Dernière publication
"Transmédialité de Twin Peaks ou le puzzle sans fin de Mark Frost et David Lynch", in Sébastien Hubier, Emmanuel Le Vagueresse (dirs.), Séries télévisées : Hybridation, recyclage, croisements sémiotiques, Reims, Épure, 2018.

Kévin POEZEVARA : Superman ou l'invention de l'adolescence
Si le superhéros — et en premier lieu, Superman — est bien un des grands mythes de la modernité (ce qui a été affirmé dès 1962 par Umberto Eco(1)), qu'est ce que cette qualification implique d'un point de vue anthropologique et psychanalytique ? Au plus fort de ses accointances avec l'anthropologie structurale d'un Lévi-Strauss(2), la théorie psychanalytique (plus précisément lacanienne) a en effet pu soutenir "que les créations mythiques engendrent, plus qu'elles ne les reflètent, les créations psychologiques"(3). Ce qui implique que le superhéros comme mythe pourrait bien constituer, moins le miroir de la subjectivité contemporaine, qu'une de ses éminentes causes. Ainsi, c'est en renseignant et en documentant cette logique (qui sera nourrie de ma pratique de clinicien) que je me propose de discuter la thèse suivante : avec Superman, pendant l'été 1932 au 10622 Kimberly Avenue à Cleveland, c'est rien de moins que l'adolescence (telle qu'on la connaît) qui a été inventée.
(1) U. Eco, De Superman au Surhomme, Paris, Le livre de poche, 2005.
(2) M. Zafiropoulos (2003), Lacan et Lévi-Strauss – ou le retour à Freud (1951-1957), Paris, PUF, 2008.
(3) J. Lacan (1958), Le désir et son interprétation, Livre VI du Séminaire (1958-1959), Paris, Le champ freudien, 2013, p. 288.

Psychologue clinicien de formation et actuellement ATER au département d'études psychanalytiques de l'Institut Humanités, sciences et sociétés (Paris Diderot), Kévin Poezevara a soutenu en 2015 une thèse d'anthropologie psychanalytique intitulée "Études sur l'héroïsme", notamment consacrée à un commentaire du texte d'Umberto Eco : "Le mythe de superman". Il a publié plusieurs articles à propos de la figure du superhéros, qu'il considère comme un précieux exemple de la vitalité de l'activité mythopoïétique dans la modernité.
Publications
Avec Zafiropoulos M., Université Sorbonne Paris Cité, Université Paris Diderot - Paris 7, & École doctorale de recherches en Psychanalyse et Psychopathologie (2015), Étude sur l'héroïsme : Incidences culturelles et cliniques de la lutte contre l'inertie.
(2014) "De grands pouvoirs", Topique, n°125 (4), 53-67.
(2016) "Wonder-Woman ou la séduction des innocents", Sygne (revue de psychanalyse en ligne).
(2016) "Superman ou les conditions d'émergence d'un mythe dans la modernité", Sygne (revue de psychanalyse en ligne).

Chloé QUESNEL : Les résonances gothiques dans le monde des superhéros
Entre doubles identités, supervilains et avancées scientifiques spectaculaires, Dr Jekyll et Mr Hyde semblent avoir envoyé leur descendance dans le monde contemporain de nos superhéros. À travers des personnages et thèmes dignes de Poe et Stevenson, cette communication s'intéressera à la place et à l'importance de ces emblèmes de la littérature gothique dans ces Comics, un genre pourtant bien distinct. Ce sont les raisons de la pérennité de ces thèmes que nous interrogerons et que nous tenterons de rattacher au contexte culturel américain, berceau des maisons d'éditions Marvel et DC Comics.

Clotilde THOURET : Normalité du superhéros, ou : de l'ordinaire dans le superhéroïsme
La fragilité du superhéros, qu'elle soit physique ou psychologique, a déjà beaucoup retenu l'attention. Cette communication prendra comme objet la normalité du superhéros. Au-delà d'une normalité originaire ou dissimulatrice (comme celle de Superman), qui est finalement toujours problématique parce qu'elle entre en tension avec l'identité du superhéros, je m'intéresserai à la normalité acceptée ou revendiquée du superhéros, qui apparaît en particulier quand le super-pouvoir n'est pas mis en scène à travers une rhétorique de la force ou de l'exceptionnalité. L'analyse portera notamment sur les épisodes de Hawkeye par David Aja et Matt Fraction (Marvel, 2012-2015) et sur le film de Thomas Salvador, Vincent n'a pas d'écailles (2015), la figure superhéroïque ouvrant alors sur l'exploration de la relation amoureuse dans le monde moderne.

Clotilde Thouret est professeure de littérature comparée à l'université de Lorraine. Spécialiste du théâtre européen des XVIe et XVIIe siècles et de bande dessinée.
Publications
"Comment peut-on être (un super-héros) mutant ? Réflexions sur la mutation dans l'univers super-héroïque des comics américains", Critique, n°709-710, 2006.
"Traveling Possible Worlds in Graphic Narratives : the Example of Watchmen (Alan Morre et Dave Gibbons)", Neohelicon, Avril 2013.
"La destruction des images chez Edika : défiguration et déconstruction", dans La Destruction des images en bande dessinée, Henri Garric (dir.), À paraître.

Hélène VALMARY : Les bienfaits de la colère : à propos de Hulk (comics, séries télévisées, cinéma)
Le personnage de Hulk, deuxième personnage créé par la maison Marvel dans les années 60 après le groupe des Quatre fantastiques, marque la permanence du monstrueux dans l'univers super-héroïque. Alors que les premières aventures du héros, inspiré par Docteur Jekyll/Mr Hyde et la créature de Frankenstein, le voient se transformer à la nuit tombée, tel le loup-garou les nuits de pleine lune, cette transformation devient petit à petit l'expression d'une rage que le personnage ne peut contenir. À la fois brillant savant et monstre déchaîné, créature rejetée alors qu'elle veut être acceptée, personnage tiraillé entre ses désirs et leur répression, le personnage de Bruce Banner/Hulk fait le lien entre le fantastique du XIXe siècle et la crise d'identité masculine des années 60. Cette intervention interrogera ainsi les imaginaires drainés par le personnage de Hulk des origines aux adaptations cinématographiques Marvel contemporaines en passant par la série à succès L'incroyable Hulk (1977-1982, Kenneth Johnson, CBS/NBC).

Maître de conférences en études cinématographiques à l'université de Caen Normandie, Hélène Valmary est l'auteure d'une thèse sur les superhéros dans le cinéma américain (Origines et poétique d'un héroïsme intranquille) et de divers articles sur la question. Elle a donné en décembre 2017 au Forum des Images, dans le cadre du cycle "Les Incassables", un cours de cinéma intitulé "Le corps de l'angoisse" sur le rapport des superhéros au sentiment amoureux.
Articles
"De quelques usages du costume chez les superhéros", in Christian Viviani (dir.), Le costume au cinéma, Condé-sur-Noireau, Éditions Corlet-Télérama/Cerf, Collection "Cinémaction", 2012.
"Un surhomme dans la ville", in Claude Forest (dir.), Du héros au super héros, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, Collection "Théorème", 2009.
"Reflet dans un décor", Article pour le numéro hors-série sur les superhéros de la revue Tausend Augen, n°31, Berlin, 2006.

Cong Minh VU : Logan (2017) ou la finitude des superhéros
Superhéros emblématique des X-men, Logan (ou Wolverine) possède la capacité d'auto-guérison, autant dire qu'il est la métaphore vivante de l'immortalité des héros. Pourtant, dans cet émouvant épisode qui clôt (pour l'instant) le cycle des X-men, nous sommes témoins de la décrépitude, voire la sénilité de ces héros. Dans cette communication, nous voudrons explorer cette tension entre immortalité et finitude que met en scène le film, tension qui fait apparaître la véritable valeur du courage.

Cong Minh Vu, docteur en Arts du spectacle à l'université de Caen Normandie, est chargé de cours à l'université Catholique de Lille en Cinéma d'Animation et à l'université Lille 3 en Arts Plastiques. Sa thèse portait sur les superhéros américains dans sa dimension mythologique et eschatologique. Il prépare actuellement un ouvrage sur les animaux comme métaphores du désir dans le cinéma d'animation.


SOUTIENS :

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