Programme 2023 : un des colloques

Programme complet


GASTON PARIS :

UNE ŒUVRE EN RÉSEAU, UN RÉSEAU EN ŒUVRE


DU MERCREDI 24 MAI (19 H) AU DIMANCHE 28 MAI (14 H) 2023

[ colloque de 4 jours ]



ARGUMENT :

Philologue en contact épistolaire avec des personnalités du monde entier — on compte environ 1750 correspondants et 27000 feuillets — Gaston Paris est au centre de différents réseaux de savoirs et de pratiques. Comprendre, par l'entremise du savant, comment s'articulent ces différents réseaux est une clé inestimable pour affiner nos connaissances non seulement de l'histoire des langues et littératures (médiévales) romanes, mais aussi de l'histoire intellectuelle, politique et sociale de l'époque.

Lors de la rencontre au château de Cerisy-la-Salle, lieu emblématique, faut-il le rappeler, des rencontres familiales, amicales et savantes de Gaston Paris, des spécialistes de la philologie romane venant de toute l'Europe vont travailler sur des correspondances du savant encore peu connues et contribuer ainsi à la reconstruction toujours plus précise du réseau européen, voire mondial, qui assurait le rayonnement et l'évolution de la philologie romane à l'époque.


MOTS-CLÉS :

Correspondances, Histoire des langues romanes, Histoire intellectuelle du XIXe siècle, Littérature du Moyen Âge, Paris (Gaston), Philologie romane


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mercredi 24 mai
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Jeudi 25 mai
Matin
Gabriel BERGOUNIOUX : La phonétique française au temps de Gaston Paris. Une étude des thèmes et des enjeux d'après les lettres de ses correspondances
Ursula BÄHLER : La correspondance entre Gaston Paris et Gabriel Monod
Sadurní MARTÍ : Les relations ibériques de Gaston Paris (I). Thématiques philologiques : accords et désaccords [communication établie avec Fabio ZINELLI]
Bernhard HURCH : Introduction au Hugo Schuchardt Archiv

Après-midi
Maria Ana RAMOS : Gaston Paris et José Leite de Vasconcellos. La chanson de Sainte Foi d'Agen
Yan GREUB : Gaston Paris et les études occitanes
Emma BELKACEMI-MOLINIER : Le réseau montpelliérain dans la correspondance d'Anatole Boucherie et Gaston Paris
Patrizia GASPARINI : Gaston Paris et l'italianisme en France


Vendredi 26 mai
Matin
Marco VENEZIALE : Entre Vienne et Paris : Adolfo Mussafia, Gaston Paris et Paul Meyer
Dumitru CHIHAI : La correspondance de Gaston Paris et l'origine de la langue roumaine
Miriam CABRÉ & Anna GUDAYOL : Les relations ibériques de Gaston Paris (II). Les érudits catalans et leur place au sein des réseaux philologiques
Patrick HENRIET : "Le fanatisme espagnol (…) sous son jour le plus hideux". Sept lettres de Reinhart Dozy à Gaston Paris (1864-1882)

Après-midi
DÉTENTE

Soirée
Les archives de Gaston Paris à Cerisy


Samedi 27 mai
Matin
Alain CORBELLARI : Gaston Paris et ses jeunes élèves français
Muriel JORGE : "Mon cher Maître" : Gaston Paris et ses élèves à travers sa correspondance
Kevin GARCIA, Xenia KONING & Marigo QORAJ : Le réseau féminin de Gaston Paris. Essai de typologie
Richard TRACHSLER : Hermann Suchier. L'exception allemande

Après-midi
Anne-Marguerite FRYBA-REBER : Les prémices de la philologie romane à Genève à la lumière de l'échange épistolaire entre Eugène Ritter et Gaston Paris
Bernhard HURCH : Modernité, philologie et linguistique. Gaston Paris et Hugo Schuchardt
Nicolas MOREL : "Dans le royaume des aveugles, vous le savez…" : Schuchardt, Paris et l'Europe des philologues [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
Daron BURROWS : Autour de la correspondance de Gaston Paris et Paul Meyer : la question de l'anglo-normand

Bilan, perspectives et discussion générale


Dimanche 28 mai
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Ursula BÄHLER : La correspondance entre Gaston Paris et Gabriel Monod
L'historien Gabriel Monod (1844-1912) fut l'élève de Gaston Paris aux cours publics libres de la rue Gerson en 1866/67. Très vite, les deux hommes se sont liés d'une profonde amitié. S'ils partageaient les mêmes idées scientifiques, ils n'étaient pas toujours d'accord sur les affaires de la cité. Nous avons conservé la plus grande partie de la correspondance entre les deux savants et amis, les missives de Monod dans l'original, celles de G. Paris dans une transcription faite par une main inconnue. À partir de ce lot important de lettres, nous nous proposons : 1) de rendre visible le réseau personnel qui s'y tisse, 2) d'étudier l'influence exercée par Monod sur la pensée politique de G. Paris, et 3) de réfléchir sur la valeur scientifique de cette correspondance.

Ursula Bähler est Professeure de littérature française à l'université de Zurich. Ses recherches portent sur l'histoire de la philologie, notamment dans son rapport avec la société (philologie et nation, éthique de la philologie), ainsi que sur la littérature française du XIXe au XXIe siècle. Publications : Gaston Paris et la philologie romane (2004) [Prix Bordin de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2005] ; de nombreuses éditions de correspondances philologiques (Gaston Paris, Joseph Bédier, Karl Bartsch, Maria Johanna Minckwitz, Paul Meyer) ; des travaux sur Émile Zola, Anatole France, Maurice Barrès, Georges Rodenbach, Marie NDiaye, Pascale Kramer ; co-éditrice d'ouvrages sur la place de la littérature dans la société [À quoi bon l'enseignement de la littérature ? (2016), À quoi bon la littérature ? (2019)] ; directrice, depuis 2021, du projet PHILINGK, avec le Prof. Bernhard Hurch (Université de Graz), financé par le FNS (lead agency) et le FWF.

Irina MATTI
Irina Matti a toujours été passionnée par les langues et leur fonction communicative entre les cultures et les êtres humains. C'est ainsi tout naturellement qu'elle s'est dirigée vers des études de littérature et linguistique françaises et allemandes, puis vers l'enseignement de ces matières. Sa fascination pour d'autres cultures l'a ensuite amenée à entreprendre un séjour professionnel au Japon pendant 3 ans, dont elle est revenue au début de l'année 2021. Depuis, son intérêt scientifique l'a poussé à retrouver l'étude des sciences humaines et, depuis juillet 2021, elle fait partie du projet PHILINGK à l'université de Zurich.

Nicolas MOREL : "Dans le royaume des aveugles, vous le savez…" : Schuchardt, Paris et l'Europe des philologues
La correspondance entre Gaston Paris et Hugo Schuchardt, dont la publication figure au centre du projet Philingk entre Zurich et Graz, offre un panorama à la fois inédit et imprenable sur le développement de la philologie dans toute l'Europe de la seconde moitié du XIXe siècle. Cette communication est l'occasion de se demander si — et si oui comment — derrière l'amitié épistolaire qui se noue entre ces deux personnalités d'exception, en dépit d'oppositions parfois farouches et au gré de l'actualité politique et scientifique de l'époque, se construit une même vision d'un idéal scientifique.

Docteur en littérature française et spécialiste d'histoire du livre et de la littérature, Nicolas Morel a rédigé une thèse sur l'édition Beuchot des œuvres de Voltaire au XIXe siècle (Georg, 2019). Il est également l'auteur d'un ouvrage consacré à la librairie Cramer à Genève, célèbre pour avoir imprimé et diffusé les ouvrages de Voltaire au XVIIIe siècle (Slatkine, 2020). Postdoctorant au sein du projet PHILINGK, il co-édite la correspondance entre Gaston Paris et Hugo Schuchardt avec Ursula Bähler (Universität Zürich) et Bernhard Hurch (Universität Graz).


Emma BELKACEMI-MOLINIER : Le réseau montpelliérain dans la correspondance d'Anatole Boucherie et Gaston Paris
La correspondance de Gaston Paris avec l'un des membres fondateurs de la Revue des langues romanes (en 1870, c'est-à-dire deux ans avant la naissance de la Romania), figure majeure de la philologie méridionale jusqu'à sa mort en 1883, constitue le canal sous-terrain par lequel se poursuit, amical et ancré dans la vie quotidienne, le dialogue public noué par les épistoliers dans les deux grandes revues de philologie par comptes rendus interposés. La controverse y laisse la place au détail d'une vie scientifique qui a son rythme propre, prise dans le mouvement continu des publications. Les lettres d'Anatole Boucherie accompagnent les envois, demandes, et remerciements qui forment la matière principale de ces échanges, mais pas uniquement : elles esquissent les contours de deux milieux scientifiques hétérogènes, celui des savants parisiens et celui de la Société des langues romanes, mis "en réseaux" par une correspondance qui se fait la chronique des temps forts de la Société montpelliéraine.

Emma Belkacemi-Molinier prépare une thèse de doctorat depuis 2021 (Sorbonne Université – EPHE) en philologie romane, consacrée au cycle romanesque du Lancelot-Graal. Attentive aux enjeux épistémologiques de la discipline, elle s'intéresse aux discours et aux pratiques philologiques françaises et italiennes. Elle a notamment réalisé en 2022 une communication intitulée "La philologie comme discipline scientifique. Retour sur les échanges entre Paul Meyer et la rédaction de la Revue des langues romanes (1872–1882)".

Gabriel BERGOUNIOUX : La phonétique française au temps de Gaston Paris. Une étude des thèmes et des enjeux d'après les lettres de ses correspondances
Gaston Paris, qui est resté dans la mémoire savante comme un philologue et un spécialiste de la littérature du Moyen Age, a aussi été un témoin et un acteur essentiel des études de phonétique historique. Depuis la thèse consacrée à l'accent latin jusqu'à l'échange épistolaire avec Saussure — qui avait entrepris de résumer à son intention le Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes —, il s'est impliqué dans les recherches sur le versant sonore des langues et sur leurs transformations diachroniques. Sa correspondance en atteste, qu'il s'agisse de l'interprétation des scripta de l'ancien français, des "lois aveugles de la phonétique" (la loi de Bartsch notamment), de la question de la réforme de l'orthographe ou de l'alphabet utilisé pour l'Atlas linguistique de la France. Cet aspect de l'œuvre sera examiné dans le contexte social et scientifique de l'époque.

Gabriel Bergounioux est professeur émérite de linguistique à l'université d'Orléans. Il a publié Aux origines de la linguistique française (Agora - Pocket, 1994) et, avec J.-Cl. Chevalier, "Gaston Paris et la mythologie comparée" dans Le Moyen Age de Gaston Paris (M. Zink ed.).

Daron BURROWS : Autour de la correspondance de Gaston Paris et Paul Meyer : la question de l'anglo-normand
Pendant une trentaine d'années, Gaston Paris et Paul Meyer, co-fondateurs de la Romania, entretinrent une correspondance fascinante qui, à travers leur discussion de la gestion de cette revue novatrice, met en lumière de nombreux aspects scientifiques et humains du développement de la discipline. Un élément intéressant de cet échange concerne les études anglo-normandes, la littérature composée dans le "mauvais français d'Angleterre" attirant la curiosité philologique de Paris et incitant l'anglophile Meyer à visiter les grandes bibliothèques de Grande-Bretagne à la recherche de textes inédits. Cette communication examinera les lettres de ces deux philologues éminents pour faire ressortir leurs attitudes respectives envers les pratiques et les personnalités actives dans ce petit recoin insulaire de la philologie française.

Daron Burrows est Professor of Medieval French à St Peter's College, Oxford, et Hon. Secretary et Treasurer de l'Anglo-Norman Text Society. Ses recherches se concentrent sur l'ancien français, surtout la langue et la littérature anglo-normandes, l'édition critique et l'étude des manuscrits.

Miriam CABRÉ & Anna GUDAYOL : Les relations ibériques de Gaston Paris (II). Les érudits catalans et leur place au sein des réseaux philologiques
En 1872, Gaston Paris et Paul Meyer fondent la revue Romania, dont le but scientifique, tel qu'il est indiqué dans l'article rédigé par Paris qui inaugure la revue, est le "rapprochement perpétuel entre les langues et littératures des diverses nations qui composent la Romania". Dans cette perspective, le philologue va tisser des liens avec les universitaires et érudits de différentes zones linguistiques romanes. On essaiera de reconstruire le réseau des relations ibériques de Gaston Paris à partir de sa correspondance, en essayant d'identifier ses partenaires non seulement à partir de ce qui est écrit, mais aussi de leur trajectoire intellectuelle et de leurs travaux. Quelques figures se profilent en avant : les catalans Manuel Milà i Fontanals (1818-1884), maître incontesté des études de lettres dans l'Espagne du XIXe siècle, les érudits Joaquim Rubió i Ors (1818-1899) et Antoni Rubió i Lluch (1856-1937), en étroit rapport avec Marcelino Menéndez Pelayo (1856-1912).

Miriam Cabré est Professeur titulaire de Philologie Romane à l'université de Gérone et vice-présidente de l'Association Internationale d'Études Occitanes (AIEO), elle a obtenu en 2021 la distinction ICREA-Academia. Sa recherche est consacrée principalement à l'étude de la présence des troubadours dans la Couronne d'Aragon et à la transmission manuscrite de leurs œuvres, ainsi qu'à la réception de cet héritage parmi les érudits du XIXe-XXe siècles. Elle est éditrice scientifique de la revue Mot So Razo, directrice du projet TrobEu, et co-directrice de la base de données Cançoners DB.

Anna Gudayol est Archiviste-paléographe (École des chartes, promotion 1992-1996), DEA en Philologie romane (1991) et maîtrise en bibliothéconomie par l'université de Barcelone (1986). Chef du Département des Manuscrits de la Bibliothèques de Catalogne (1999-), et professeur à la Faculté Antoni Gaudí (Université Catholique de Barcelona). Elle a publié une quarantaine de contributions sur l'études de l'histoire des manuscrits et des bibliothèques.

Dumitru CHIHAI : La correspondance de Gaston Paris et l'origine de la langue roumaine
La présente communication, axée principalement sur la correspondance entre Gaston Paris et les linguistes les plus représentatifs de son époque, permettra de rappeler les débats qui ont marqué et nourri la question bien épineuse et encore d'actualité autour de l'origine de la langue roumaine. Tout aussi passionnante et débattue demeure la question de l'évolution de la langue roumaine dans sa dimension linguistique et historique, y compris son alphabet, ce qui fait d'elle la langue la plus fidèle et en même temps la plus infidèle à l'égard du latin (Bartoli).

Dumitru Chihai est Lecteur de roumain au sein du Séminaire des langues romanes de l'université de Zurich. Ses travaux et recherches portent sur l'aspect paléographique et linguistique des premiers documents juridiques et administratifs rédigés en français et en francoprovençal (13-14 s.) mais également sur l'argot des Poilus, l'argot roumain et sur la langue des soldats roumains pendant la Première Guerre Mondiale.

Alain CORBELLARI : Gaston Paris et ses jeunes élèves français
Gaston Paris a été attentif à tous les aspects du développement des études médiévales. S'il a soigné ses contacts avec ses collègues étrangers, salué les grands noms de la médiévistique, animé la vite devenue prestigieuse Romania, il a aussi été particulièrement attentif à former en France une jeune garde destinée à répandre ses méthodes et à lui succéder. À côté du cas exemplaire de Joseph Bédier, de très nombreux jeunes chercheurs ont reçu de lui aide, encouragement et soutien, comme le montre exemplairement sa correspondance.

Professeur aux universités de Lausanne et de Neuchâtel, Alain Corbellari a soutenu en 1996, sur Joseph Bédier, la première thèse d'histoire des études médiévales en France. Il est spécialiste de la réception du Moyen Âge dans la Modernité et a travaillé sur la littérature comique médiévale et sur les chansons de geste. Il a également co-édité les Œuvres complètes de Charles-Albert Cingria et étudié la poétique musicale de Romain Rolland.

Anne-Marguerite FRYBA-REBER : Les prémices de la philologie romane à Genève à la lumière de l'échange épistolaire entre Eugène Ritter et Gaston Paris
Couvrant une vingtaine d'années (la première lettre conservée datant de 1880 et la dernière de 1901), la correspondance entre Eugène Ritter (1836-1928) et Gaston Paris (1839-1903) comprend sept lettres signées Ritter et douze Gaston Paris. Le dialogue entre les deux savants aborde des sujets divers (requêtes pour autrui, échanges de publications, questions institutionnelles) et offre des renseignements significatifs sur le milieu académique genevois de la fin du XIXe siècle, étroitement lié aux institutions parisiennes et en particulier à l'École des hautes études. En témoigne notamment la leçon d'ouverture au cours d'Histoire de la langue française (1876) de Ritter qui souligne l'importance des savants parisiens en tant que médiateurs de l'héritage de Friedrich Diez. Le recoupement des réseaux bien connus de Gaston Paris et de celui, plus confidentiel, d'Eugène Ritter permettra par ailleurs d'éclairer la conception qu'on se faisait de la philologie romane à Genève bien avant son institutionnalisation en 1891.

Anne-Marguerite Fryba-Reber est professeur émérite de linguistique française à l'université de Berne. Ses recherches l'ont amenée à s'intéresser à la linguistique saussurienne (Albert Sechehaye et la syntaxe imaginative, 1994), puis à l'exploration du milieu intellectuel et institutionnel en Suisse dans le dernier tiers du XIXe siècle (Philologie et linguistique romanes. Institutionnalisation des disciplines dans les universités suisses (1872-1945), 2013).

Kevin GARCIA, Xenia KONING & Marigo QORAJ : Le réseau féminin de Gaston Paris. Essai de typologie
Le dépouillement systématique de la correspondance passive de Gaston Paris nous a permis de repérer plus de 80 femmes qui, à un moment ou à un autre, ponctuellement ou sur une plus longue période, se sont adressées au philologue. Dans notre communication, nous présenterons une typologie de ces correspondantes — parmi lesquelles on compte plus d'une belle découverte — et des raisons qui les ont poussées à prendre la plume.

Patrizia GASPARINI : Gaston Paris et l'italianisme en France
La fondation à Paris en 1894 de la Société d'études italiennes joua un rôle déterminant dans l'évolution du statut de la langue italienne en France et dans l'institutionnalisation de son étude. Promoteur de sa constitution fut Charles Dejob, à l'époque professeur de rhétorique au collège Stanislas, qui allait être le premier maître de conférences de langue et littérature italiennes à la faculté des lettres de Paris (1900). Sa correspondance adressée à Gaston Paris fournira des pistes pour explorer des aspects moins parcourus de l'immense activité scientifique et académique du Maître de la philologie romane, à des moments particulièrement critiques des relations franco-italiennes (en conséquence de la tuerie d'Aigues-Mortes de 1893 ou du rapprochement de l'Italie à l'Allemagne et à l'Autriche à partir de 1882). Ce sera aussi l'occasion de s'interroger sur le rôle (et l'influence) exercé par les spécialistes de philologie romane dans le processus d'institutionnalisation des études italiennes. Il suffira de rappeler que parmi les membres du jury d'agrégation mixte italien et espagnol de 1900-1905, à côté de Ch. Dejob, H. Hauvette et E. Mérimée siégèrent A. Morel-Fatio et A. Thomas (voir J. Dubois, L'enseignement de l'italien en France, p. 434).

Bibliographie
Ch. Dejob, Histoire de la Société d'études italiennes, Paris, De Boccard, 1919.
J. Dubois, L'enseignement de l'italien en France (1880-1940). Une discipline au cœur des relations franco-italiennes, Grenoble, ELLUG, 2015.
P. Milza, Français et Italiens à la fin du XIXe siècle. Aux origines du rapprochement franco-italien de 1900-1902, 2 vol., Rome, École française de Rome, 1981.
Pio Rajna, Correspondance avec Gaston Paris, Paul Meyer et Joseph Bédier, Introduction, édition et notes de P. Gasparini, Florence, Edizioni del Galluzzo per la Fondazione Ezio Franceschini (à paraître).

Yan GREUB : Gaston Paris et les études occitanes
Dans la répartition des tâches entre Gaston Paris et Paul Meyer, les études occitanes étaient surtout de la responsabilité de Paul Meyer. Pour autant, Gaston Paris ne s'est pas tenu à l'écart de ce champ d'études ; il a aussi maintenu des rapports étroits avec les occitanistes. Sur la base de sa correspondance avec ceux-ci, nous entendons décrire ce qu'ont été ces rapports et quelle part a prise Gaston Paris dans les débats essentiels de l'occitanistique de son temps.

Yan Greub est chargé de recherche au CNRS et spécialiste de lexicologie, de philologie du français médiéval et de linguistique historique des langues galloromanes. Il dirige le Französisches Etymologisches Wörterbuch et le Glossaire des patois de la Suisse romande. Il est l'auteur de plusieurs contributions sur l'histoire de la philologie.

Patrick HENRIET : "Le fanatisme espagnol (…) sous son jour le plus hideux". Sept lettres de Reinhart Dozy à Gaston Paris (1864-1882)
Le fonds Gaston Paris de la Bibliothèque Nationale de France contient sept lettres adressées à Gaston Paris par Reinhart Dozy (1820-1883), l'un des plus grands orientalistes et hispanisants du XIXe siècle. Les deux hommes avaient un objet d'étude commun, la célèbre chronique dite du Pseudo Turpin, qui constitue le livre IV du Liber sancti Jacobi (début du XIIe siècle). Gaston Paris lui avait consacré sa thèse latine, soutenue le 29 décembre 1865 et publiée la même année. Dozy publia les résultats de sa propre enquête en 1881, et son correspondant en rendit compte dans la Romania. Les deux hommes échangent aimablement des informations. Dozy n'a pas une très bonne opinion des savants français mais il réserve ses critiques les plus vives aux espagnols.

Patrick Henriet est directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études. Il est spécialiste d'hagiographie médiévale et travaille régulièrement sur la péninsule Ibérique. Le Liber sancti Jacobi, dont il sera ici question, est au programme de son séminaire pour l'année 2023-2024. Outre de nombreux travaux d'histoire du Moyen Âge, il a dirigé le livre des 150 ans de l'EPHE (la "petite église" de Gaston Paris).

Bernhard HURCH : Modernité, philologie et linguistique. Gaston Paris et Hugo Schuchardt
Dès les années 1820 au plus tard, les effets médiatiques et techniques de l'industrialisation ont contribué à renouveler l'objet de la recherche linguistique en termes de méthodologie et d'objet au sens humboldtien et, pour reprendre une citation bien connue, à le remettre la tête en haut. Modernité s'utilise ici simplement pour désigner une simultanéité sans doute non accidentelle d'innovations. L'intervention traitera de la question de savoir dans quelle mesure les développements de cette période se retrouvent dans l'œuvre de Schuchardt et de Gaston Paris, ou dans quelle mesure ces deux érudits ont servi de moteurs pour le renouveau de la discipline de l'historicisme traditionnel, le poussant vers une science "moderne", qui s'appuie, entre autres, sur l'articulation interdisciplinaire avec d'autres sciences humaines ainsi qu'avec les sciences naturelles. Il s'agit, probablement, du moment charnière où la philologie et la linguistique entament systématiquement des voies différentes.

Muriel JORGE : "Mon cher Maître" : Gaston Paris et ses élèves à travers sa correspondance
La carrière de philologue de Gaston Paris se confond largement avec celle qu'il a menée en tant qu'enseignant. Ayant exercé au Collège de France et à l'EPHE durant trente-cinq ans, de 1868 à 1903, il a joué un rôle majeur dans la constitution de la philologie romane et de l'étude de la langue française, surtout médiévale, dans l'enseignement supérieur français. Les documents institutionnels afférents à son enseignement révèlent une grande diversité d'origines géographiques, institutionnelles et professionnelles parmi ces élèves : outre sa renommée, c'est l'enseignement même de Gaston Paris qui s'est diffusé au-delà du Quartier latin, de Paris et même de la France. Le réseau des élèves et celui des correspondants se recouvrant de manière significative, la communication présentera les résultats d'un premier travail exploratoire, fondé sur le recoupement des listes d'élèves de Gaston Paris à l'EPHE durant ses quinze premières années d'enseignement (1868-1883) et de sa correspondance.

Muriel Jorge est maîtresse de conférences en sciences du langage à Sorbonne Université et au sein du laboratoire Histoire des Théories Linguistiques (Université Paris Cité, UMR 7597). Ses recherches portent sur la disciplinarisation et la didactisation des savoirs linguistiques fin XIXe-début XXe siècle, qu'elle aborde d'un point de vue épistémologique et institutionnel. Elle a notamment travaillé sur les notes de cours de Gaston Paris, d'Arsène Darmesteter et de Ferdinand Brunot.

Sadurní MARTÍ : Les relations ibériques de Gaston Paris (I). Thématiques philologiques : accords et désaccords [communication établie avec Fabio ZINELLI]
L'étude du réseau des relations hispaniques établies par Gaston Paris à l'époque fondatrice de la Romania nous permet de bien suivre l'émergence d'abord et les moments forts, ensuite, des grands débats qui animèrent la philologie romane de la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. On y trouve ainsi des traces importantes des discussions autour de sujets d'intérêt général tels les origines de l'épopée, le rapport entre celle-ci et les sources historiques, ou sur la notion même de littérature "populaire". Comme il se doit, un espace de tout premier choix revient aux sujets centrés sur la Romania ibérique, tels la filiation historique complexe entre la langue catalane et la langue occitane, la découverte de la littérature catalane antique, le rapport entre la littérature française médiévale et les littératures hispaniques. Les lettres échangées entre Gaston Paris et Manuel Milà i Fontanals, Marcelino Menéndez Pelayo, Joaquim Rubió i Ors, Antoni Rubió i Lluch et Ramón Menéndez Pidal sont déterminantes à cet égard, ainsi que la correspondance avec son disciple favori, l'éminent hispaniste Alfred Morel-Fatio.

Sadurní Martí est Professeur titulaire de Littérature Catalane Médiévale à l'université de Gérone depuis 2001. Il a obtenu un doctorat en philologie romane (Université de Barcelone, 1999) avec une thèse sur la traduction catalane médiévale du Commentarium in septem psalmos poenitentiales d'Innocence III. Il est chercheur à l'Institut de Llengua i Cultura Catalanes (UdG), centre qu'il a dirigé de 2008 à 2016. Il a publié de nombreux ouvrages sur la littérature catalane de la fin du Moyen Âge, en particulier sur la tradition des chansonniers catalans (et son l'histoire de son étude), la transmission textuelle de Francesc Eiximenis et les problèmes et applications des humanités numériques. Il codirige la base de données Cançoners DB et dirige la base de données Eiximenis DB.

Maria Ana RAMOS : Gaston Paris et José Leite de Vasconcellos. La chanson de Sainte Foi d'Agen
La correspondance entre Gaston Paris et José Leite de Vasconcellos a dû commencer avant la première carte postale connue. À Paris, à la BnF, le premier message de Leite de Vasconcellos date du 26 septembre 1887, mais, à Lisbonne, au MNA, se conserve déjà une carte postale, envoyée par G. Paris, le 20 novembre 1882, ce qui laisse supposer qu'une partie des documents échangée est dispersée, ou n'a pas subsisté. Dans une rencontre consacrée au dialogue — œuvre en réseau — il est très fascinant d'examiner les interlocutions épistolographiques entre Gaston Paris (1839-1903) et l'illustre maître portugais José Leite de Vasconcellos (1858-1941). Même si la correspondance savante, échangée entre les deux, n'est pas constituée par de nombreux écrits, elle nous permet d'entrevoir les préludes méthodologiques de la philologie et de la linguistique au Portugal. Par ailleurs, c'est à travers ces messages, qu'on peut retracer le parcours de l'importante redécouverte en 1901 du manuscrit du poème provençal du XIe siècle, la Chanson de Sainte Foi (Leiden, Universiteitsbibliotheek, Vossiani Latini, oct. 60), et, sous la médiation de G. Paris, de sa publication dans un essai écrit en portugais dans la Romania (Vasconcellos, J. Leite de, "Canção de Sancta Fides de Agen, texto provençal", Romania, 31, 1902, pp. 177-200).

Maria Ana Ramos est Professeure Titulaire Émérite (Université de Zürich - Romanisches Seminar) et directrice de la Cátedra Carlos de Oliveira (2012-2019). Diplômée de l'université classique de Lisbonne (Licence ès Lettres et Doctorat), s'est spécialisée en Philologie romane à Rome, "La Sapienza", et a obtenu le titre de Privadozentin à l'université de Zürich. Ses domaines de recherche portent sur la lyrique galégo-portugaise et sur la diffusion du récit bref dans la péninsule Ibérique. Actuellement, en collaboration avec Yara Frateschi Vieira, elle prépare l'édition de l'éloquente correspondance entre deux importantes philologues, Carolina Michaëlis et J. Leite de Vasconcellos.

Richard TRACHSLER : Hermann Suchier. L'exception allemande
Hermann Suchier (1848-1914) était à son époque considéré comme un des plus compétents philologues romanistes. C'est à lui que Gröber demanda de rédiger le chapitre sur "Die französische und provenzalische Sprache und ihre Mundarten" pour son monumental Grundriss der romanischen Philologie et les éditions de texte de Suchier, établies selon les règles de la phonétique historique alors toute jeune, étaient citées comme des modèles dans leur genre. Même Paul Meyer parlait de Suchier avec une certaine estime. Toute sa vie scientifique, Suchier a été en rapport avec Gaston Paris, de même, d'ailleurs, qu'avec Joseph Bédier, et ses relations avec les deux professeurs parisiens ont toujours été amicales indépendamment des tensions politiques ou académiques qui pouvaient peser sur les rapports franco-allemands. Parmi la correspondance adressée à Gaston Paris se trouvent un peu plus de quatre-vingts lettres de Suchier, qui s'étendent de 1876 à 1902 (Paris, BnF, naf. 24458). La présente communication proposera un premier inventaire sommaire et quelques coups de sonde dans cette correspondance largement inexploitée.

Richard Trachsler a enseigné la littérature française du Moyen Âge à l'université de Paris-Sorbonne et à l'université de Göttingen. Il est actuellement professeur de Littérature française et occitane à l'université de Zurich. Ses recherches portent surtout sur la littérature narrative et les problèmes d'édition liés à ce type de texte, ainsi que sur l'histoire de la discipline, sur laquelle il a publié plusieurs études. Il prépare actuellement l'édition de la correspondance entre Joseph Bédier et Hermann Suchier.

Marco VENEZIALE : Entre Vienne et Paris : Adolfo Mussafia, Gaston Paris et Paul Meyer
Dans notre intervention nous allons nous plonger dans la correspondance que G. Paris et P. Meyer entretenaient avec A. Mussafia, professeur de Philologie Romane à Vienne. Si les lettres de Mussafia à ses collègues parisiens sont bien conservées et consultables à la Bibliothèque nationale de France, les archives de Mussafia se retrouvent à Florence, dans la Biblioteca Umanistica de l'université, et n'ont jamais été cataloguées, puisque tout le fonds Mussafia a subi l'inondation de 1966. Grâce à un travail d'archive, il nous a cependant été possible de récupérer un certain nombre de ces lettres, qui témoignent de l'importance des rapports entre Vienne et Paris, à la fois scientifiquement et politiquement, pour le développement de la philologie romane en Europe : Mussafia a en effet été l'un des premiers collègues étrangers avec qui les parisiens rentrèrent en contact, au début des années 1860.

Marco Veneziale est chercheur à l'université de Zurich et il s'occupe de littérature arthurienne, d'hagiographie, mais aussi de poésie lyrique à la cour de François Ier. Il s'intéresse à l'histoire de la philologie romane, domaine auquel il a dédié plusieurs interventions.


BIBLIOGRAPHIE :

• Bähler, Ursula, 1999, Gaston Paris dreyfusard. Le savant dans la cité, Préface de Michel Zink, 2e tirage 2002, Paris, Éditions du CNRS.
• Bähler, Ursula, 2004, Gaston Paris et la philologie romane, Avec une réimpression de la Bibliographie des travaux de Gaston Paris publiée par Joseph Bédier et Mario Roques (1904), Genève, Droz.
• Bähler, Ursula, Corbellari, Alain, 2009, Gaston Paris-Joseph Bédier, correspondance, Coll. L'Europe des philologues, Firenze, Edizioni del Galluzzo.
• Bähler, Ursula, 2015a, Karl Bartsch - Gaston Paris, correspondance, entièrement revue et complétée par Ursula Bähler à partir de l'édition de Mario Roques, Firenze, Edizioni del Galluzzo.
• Ridoux, Charles, 2020, Paul Meyer - Gaston Paris, correspondance, édition avec la collaboration d'Ursula Bähler et d'Alain Corbellari, Firenze, Galluzzo.


SOUTIEN :

• Équipe PHILINGK | Université de Zurich (UZH) & Fonds national suisse (FNS)