Témoignage

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"CERISY - GLISSANT, UNE HISTOIRE DE FAMILLE"

RENCONTRE AVEC MATHIEU GLISSANT


Du mardi 2 au jeudi 11 août 2022, se déroulait le colloque Édouard Glissant, la relation mondiale. En voici un premier écho à travers le témoignage de son fils, Mathieu, qui était déjà venu sept ans plus tôt à Cerisy pour le colloque Périples & parages : l’œuvre de Frédéric Jacques Temple.

Christian Uwe, Mathieu Glissant, Tiphaine Samoyault,
Sam Coombes, Sylvie Glissant, Ava Glissant, Camille Charvet


En 2015, vous assistiez à un colloque autour de Frédéric Jacques Temple avec de nombreux membres de votre famille…

Mathieu Glissant : Oui, un beau colloque au cours duquel une atmosphère particulièrement familiale avait régné : y avaient assisté plusieurs membres de ma famille élargie : outre mon épouse Camille, ses parents et notre enfant, Ava, qui n'avait alors que deux mois. C'est au cours de ce colloque que l'idée d'une rencontre "Édouard Glissant" a germé. Avancée par Edith, elle a été confortée en 2018 lors de la semaine Brassages planétaires par la venue de ma mère, Sylvie Glissant. Sept ans plus tard, je retrouve la même atmosphère, la même hospitalité aussi. Non que rien n'ait changé. Nous n'avons en réalité cessé d'être dans le mouvement, mais un mouvement qui, ici, va de pair avec une certaine permanence. Et c'est cela que j'aime à Cerisy. C'est un lieu qui, avec son château, ses rites, son histoire familiale, offre un cadre suffisamment stable, rassurant, pour qu'on puisse s'y risquer à penser autrement, à développer des idées novatrices.

À vous entendre, Cerisy serait une sorte de "Tout-Monde"…

Mathieu Glissant : (Rire) Cerisy est un lieu paradoxal, un lieu du renouvellement sur fond de permanence, un lieu propice pour penser le monde, faire émerger de nouvelles idées, de nouveaux rapports y compris sensibles au vivant. Ce colloque a été l'occasion d'approfondir les études glissantiennes, à travers le riche programme conçu par les trois directeurs (Sam Coombes, Tiphaine Samoyault, Christian Uwe) tout en les ouvrant à d'autres regards, grâce notamment à la présence d'un groupe de doctorants. Non seulement ceux-ci ont suivi les communications avec assiduité, mais encore ont-ils su pousser leurs aînés dans leurs retranchements, en tâchant de se faire leur propre idée de l'œuvre, de son utilité dans le monde actuel.

Des doctorants qui n'avaient pas rencontré Glissant de son vivant et qui s'autorisaient à creuser d'autres sillons, à voir en quoi cet auteur était utile pour penser leur monde à eux…

Mathieu Glissant : C'est le plus bel hommage qu'on puisse adresser à la pensée d'Édouard Glissant car c'est ainsi qu'on la maintient en mouvement, qu'on empêche quiconque de l'interpréter une fois pour toutes. La meilleure façon de la garder vivante, c'est de ne cesser de la questionner, d'être à l'écoute d'autres manières de l'aborder. Nos jeunes docteurs avaient donc bel et bien leur mot à dire. C'est à eux de nous dire en quoi cette pensée est encore en résonance avec le monde. Quelque chose que permet l'œuvre de Glissant, mais qui est aussi rendu par l'esprit des Colloques de Cerisy, propices à des rencontres avec des personnes d'horizons très divers, que ce soit du point de vue géographique ou disciplinaire. Et qui de ce fait empêchent un discours uniforme.

Sans compter la durée du colloque, qui permet de dissiper d'éventuels malentendus…

Mathieu Glissant : Presque une décade, une durée exceptionnelle qui permet aux participants de disposer du temps de se comprendre, d'expliciter les motifs de leurs éventuels désaccords. Au fur et à mesure qu'on avance, les dynamiques d'échanges, les relations entre les participants se reconfigurent. Ce qui est propice à des émergences, à la survenue de choses inattendues.

Vous êtes revenu avec votre épouse et votre fille, Ava. Que diriez-vous aux participants qui n'imaginent pas de venir à Cerisy avec leur enfant…

Mathieu Glissant : C'est la deuxième fois que je viens avec ma femme et notre fille. Aujourd'hui, Ava a sept ans et je crois pouvoir dire que nous ne l'avons jamais vue aussi heureuse qu'à Cerisy ! Et donc, à tous les intervenants, chercheurs et autres, qui hésiteraient à venir ici avec leurs enfants, sous prétexte qu'ils y viendraient eux-mêmes pour participer à un colloque, je n'ai qu’une chose à dire : venez avec eux ! Mais il faut tout de même, selon leurs âges prévoir un mode de garde adapté. Cerisy est un lieu que les enfants aiment au point d'avoir de la peine à l'idée de le quitter !

Propos recueillis par Sylvain ALLEMAND
Secrétaire général de l'AAPC