Programme 2022 : un des colloques

Programme complet


LA PENSÉE DE MARC RICHIR : UNE PHÉNOMÉNOLOGIE DU RÉEL ?


DU DIMANCHE 24 JUILLET (19 H) AU SAMEDI 30 JUILLET (14 H) 2022

[ colloque de 6 jours ]


Gérard Bordé, Ronald Bruzina, Jean-Marc Mouillie,
Natalie Depraz, Marc Richir et Guy Van Kerckhoven
Colloque de Cerisy sur Eugen Fink (1994)


PRÉSENTATION VIDÉO :


ARGUMENT :

Cette rencontre interdisciplinaire se donne pour objectif d'approfondir la pensée du phénoménologue belge Marc Richir (1943-2015), en travaillant deux axes majeurs de son œuvre. D'une part, il est l'un des très rares phénoménologues à ne pas avoir rejeté définitivement l'apport structuraliste, tout en en limitant le champ où celui-ci peut légitimement être mobilisé. Il a ainsi conçu une "architectonique" organisée autour des deux pôles entre lesquels sa réflexion n'a cessé de se déployer : le symbolique et le phénoménologique. D'autre part, contre toute une tendance post-moderne et hyper-nominaliste de la pensée contemporaine, il n'a cessé de chercher à comprendre comment un langage peut dire un réel qui se tienne véritablement hors langage. C'est ainsi que László Tengelyi a pu dire au sujet de la phénoménologie richirienne qu'elle s'ancre dans le réel, sans jamais pour autant succomber à une conception naïve ou dogmatique qui se résumerait à un pur idéalisme ou à un pur réalisme.

C'est en réfléchissant à cette tension entre un "réalisme auquel aucun idéalisme […] ne s'oppose" (L. Tengelyi) et un idéalisme transcendantal compris comme "phénoménologie du réel" (A. Schnell) que peut se comprendre l'apport de Richir dans différents champs disciplinaires : phénoménologique, esthétique, épistémologique et politique.


MOTS-CLÉS :

Esthétique, Langage, Phénoménologie, Politique, Richir (Marc), Réel, Schnell (Alexander), Structuralisme, Symbolisme, Tengelyi (László), Transcendantal


CALENDRIER DÉFINITIF :

Dimanche 24 juillet
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Lundi 25 juillet
Matin
Sacha CARLSON, Patrick LANG, Joëlle MESNIL, Jean-François PERRIER & Alexander SCHNELL : Introduction
Sacha CARLSON : Richir et la musique

Après-midi
Alexander SCHNELL : La question de l'affectivité chez Marc Richir [enregistrement audio en ligne sur Canal U, chaîne La forge numérique | MRSH de l'université de Caen Normandie]
István FAZAKAS : De l'excès du vécu aux pulsations de l'affectivité. De l'infigurable dans l'apparaître


Mardi 26 juillet
Matin
ANIMALITÉS
Jean-Sébastien PHILIPPART : La phénoménologie richirienne à l'épreuve des animalités
Jean-François PERRIER : Marc Richir est-il un penseur de l'anthropocène ? Humanité et animalité du second degré

Après-midi
VARIA
Joëlle MESNIL : Marc Richir et Jean Laplanche, une convergence singulière
Patrick LANG : La relation mère-nourrisson selon Scheler, Sartre et Richir


Mercredi 27 juillet
Matin
ESTHÉTIQUE PHÉNOMÉNOLOGIQUE
Anna YAMPOLSKAYA : Lucian Freud et la phantasia richirienne
Ricardo SÁNCHEZ ORTIZ DE URBINA : Expérience réelle artistique et expérience réelle esthétique chez Marc Richir [texte lu par Sacha CARLSON]

Après-midi
DÉTENTE


Jeudi 28 juillet
Matin
ANTHROPOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
Paula ANGELOVA : Paysages affectifs : figures d'une anthropologie phénoménologique de Marc Richir
Florian FORESTIER : Comment trahir Richir ?

Après-midi
POÉSIE
Serge MEITINGER : L'énigme du monde à l'œuvre : Melville, Richir et quelques autres
Antonino MAZZÙ : "L'explication orphique de la Terre". Marc Richir interprète de Mallarmé


Vendredi 29 juillet
Matin
ÉPISTÉMOLOGIE
Carlos LOBO : Schématisme, modalités et institution de l'idéalité
Aurélien ALAVI : La décohérence quantique au regard du Malin Génie

Après-midi
ART ET SCIENCES
Guy VAN KERCKHOVEN : Au sein du "laboratoire phénoménologique". Recueillements et promesses

Marc Richir : à la croisée des sciences et des arts, table ronde animée par Sacha CARLSON


Samedi 30 juillet
Matin
Table ronde : Marc Richir et sa postérité

Discussion générale

Après-midi
DÉPARTS


RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Sacha CARLSON : Richir et la musique
Aux dires mêmes de Richir, la musique a toujours été un élément important dans ses propres réflexions, même s'il regrettait également de ne pas pouvoir y accéder de manière technique. On explorera ici le rapport de la pensée de M. Richir à la musique selon deux versants complémentaires : d'une part, en approfondissant les quelques ébauches de phénoménologie de la musique que l'on trouve dans les textes de Richir. D'autre part, en examinant la musicalité qui affleure dans la pensée même de Richir : ce qui nous conduira à formuler l'hypothèse d'une homologie entre l'architectonique richirienne et la "pensée" musicale.

Sacha Carlson est musicien et philosophe. Spécialiste de phénoménologie, d'esthétique et de philosophie classique allemande, il enseigne actuellement à l'université Côte d'Azur.
Publications
M. Richir, L'écart et le rien. Conversations avec Sacha Carlson, 2015.
Genèse et phénoménalisation. La question de la phénoménologie chez le jeune Richir, Mémoires des Annales de phénoménologie, 2020.
Signes, sons et sens. Essai de poétique phénoménologique, Mémoires des Annales de phénoménologie, 2022.

Patrick LANG : La relation mère-nourrisson selon Scheler, Sartre et Richir
La contribution se concentrera sur un sujet précis de l'anthropologie philosophique, à savoir le moment de l'humanisation du nourrisson par l'échange des regards avec la mère. Ce motif a été étudié selon des perspectives différentes, mais complémentaires, par Scheler dans Nature et formes de la sympathie, par Sartre dans le premier tome de L'Idiot de la famille, et par Marc Richir dans de nombreux écrits à partir de 2004. Il s'agira donc de confronter ces approches.

Patrick Lang est chercheur au Centre atlantique de philosophie (EA7463 CAPhi), maître de conférences, directeur du département de philosophie de l'université de Nantes (2018-2021), secrétaire de l'Association internationale de phénoménologie. Diplômé de la faculté d'économie politique (Diplom-Volkswirt) de la Ludwig-Maximilians-Universität de Munich (Allemagne), docteur de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, agrégé de philosophie, agrégé d'allemand.
Publications récentes
"Judaïsme et christianisme chez Max Scheler", in D.-E. Levinas & Ph. Capelle-Dumont (dir.), Judaïsme et christianisme dans la philosophie contemporaine, Paris, Éditions du Cerf, 2021, p. 83-93.
"Cultivating the Sense of Emotional Identity with the Living Universe", in C. Gutland, X. Yang & W. Zhang (dir.), Scheler und das asiatische Denken im Weltalter des Ausgleichs, Scheleriana vol. 6, Nordhausen, Bautz, 2019, p. 200-213.
"Réalité et réalisme dans la pensée de Max Scheler", Annales de Phénoménologie - Nouvelle série, n°17, 2018, p. 32-56.
Max Scheler, Trois essais sur l'esprit du capitalisme, Traduction et notes, précédé de P. Lang, Sauvés par le travail ? Max Scheler et la critique de la déraison économique (p. 7-127), Nantes, Cécile Defaut, 2016, 300 p.

Joëlle MESNIL : Marc Richir et Jean Laplanche, une convergence singulière
À première vue, rien ne laissait supposer que le psychanalyste Jean Laplanche qui a presque toujours opposé son approche de l'inconscient freudien à une compréhension phénoménologique puisse s'accorder avec la pensée de Marc Richir. Pourtant, une longue étude, dont j'exposerai ici l'essentiel, met clairement en évidence une convergence exceptionnelle entre la façon dont le psychanalyste et le phénoménologue mènent à bien leur lecture critique de Freud tout en déplaçant selon les mêmes lignes de partage les frontières conceptuelles les plus communément admises par le père de la psychanalyse lui-même.

Joëlle Mesnil est Pychologue clinicienne dans la fonction publique hospitalière, désormais retraitée. Membre de l'Association internationale de phénoménologie. Diplômée en philosophie de la faculté de Nanterre (1971). Docteur de l'université Paris 7 en psychopathologie (1988).
Publications récentes
2018, L'être sauvage et le signifiant. Marc Richir et la psychanalyse, MJW Fédition.
2017, "La notion d'existential symbolique chez Marc Richir : vers un nouveau réalisme phénoménologique en psychopathologie", in Annales de Phénoménologie - Nouvelle série, n°16, 2017 [en ligne].

Jean-François PERRIER : Marc Richir est-il un penseur de l'anthropocène ? Humanité et animalité du second degré
Dans L'écart et le rien, Richir défend l'idée que notre époque est celle de l'homogénéisation et de l'auto-domestication intégrale des êtres humains. Cet "enfer d'un monde sans dehors", intimement lié au développement du capitalisme planétaire, prend l'allure d'une "terrible utopie négative" où ni le sens ni le langage ne parviennent à se spatialiser et à se temporaliser. Aux yeux de Richir, il en va de la mort "de cette civilisation qui est née de [la] révolution néolithique", où la barbarie détruit tant les êtres humains que notre écosystème. Derrière l'apparente proximité de la pensée richirienne avec le récit de l'anthropocène se cachent néanmoins plusieurs différences fondamentales. Afin d'éclairer ces différences, il nous semble d'abord nécessaire de revenir sur la conception richirienne de l'animalité et de l'humanité : l'institution symbolique peut agir en l'humain comme une animalité de second degré. Nous défendrons ensuite l'idée selon laquelle le capitalisme procède selon Richir à une complète animalisation des êtres humains en ne laissant plus aucune place à la liberté humaine. Nous insisterons pour conclure sur le lien qu'entretient cette liberté avec la question du politique.

Jean-François Perrier est professeur de philosophie au Cégep François-Xavier Garneau et docteur en philosophie (dir. Sophie-Jan Arrien et Alexander Schnell). Ses domaines de recherche sont la phénoménologie, la philosophie politique et l'éthique animale. Après avoir consacré son mémoire de maîtrise à la pensée de Jacques Derrida, il a soutenu une thèse intitulée "Entre rencontre et malencontre. Esquisse d'une phénoménologie du politique chez Marc Richir". Il est rédacteur des comptes rendus en français pour la revue Symposium de la Société canadienne de philosophie continentale et membre de l'Association internationale de phénoménologie et du Laboratoire de philosophie continentale.
Publication récente
S.-J. Arrien, J.-S. Hardy & J.-F. Perrier (éds.), Aux marges de la phénoménologie. Lectures et percées dans l'œuvre de Marc Richir, Hermann, Paris, 2019.


Aurélien ALAVI
Aurélien Alavi est étudiant à Paris I Sorbonne. Détenteur d'un Master en philosophie contemporaine (portant sur Richir, l'affect et la réminiscence), il est membre de l'Association internationale de phénoménologie.
Publications récentes
"Institution philosophique et institution mythique ; quel régime de pensée pour l'aventure du sens ?", dans Annales de Phénoménologie, nº18, 2019, pp. 151-227.
"Le réalisme spéculatif et la phénoménologie : comment donner sens, avec Husserl et par-delà Husserl, à ce qui passe toute évidence représentationnelle ?", dans Eikasia, nº95, 2020, pp. 147-192.
""Cachez ce Zeit que je ne saurais voir !" Ce qu'il y a encore de présent sous le flux perceptif (Husserl, Levinas, Richir)", dans Annales de Phénoménologie, nº19, 2020, pp. 143-222.

Paula ANGELOVA : Paysages affectifs : figures d'une anthropologie phénoménologique de Marc Richir
Dans les divers axes de l'anthropologie phénoménologique élaborés par Sartre, Merleau-Ponty, Levinas et Blumenberg, la réflexion phénoménologique selon Richir touche bien à des "structures" de la facticité humaine et des "tréfonds" de l'humain débordant le champ de l'expérience effectuable. Partant des Fragments phénoménologiques sur le temps et l'espace et des autres textes de Richir, on explorera ici le terrain d'une géologie transcendantale de la spatialité existentiale concernant les questions de l'intériorité et de l'extériorité. En zigzag, on poursuivra le déploiement du paysage archaïque de l'espace interne enfoui dans les profondeurs de nos expériences jusqu'à la constitution d'un terrain historique de la vie commune comme une inscription quasi géographique de l'histoire dans un sol terrestre [Erdboden].

Paula Angelova est docteur en philosophie (dir. Dimitri Ginev) et co-éditrice de la revue internationale DIVINATIO. Entre 2018 et 2019, elle a activement pris part à la mise en place de l'Archive Marc Richir à Wuppertal. Elle est membre de l'Association internationale de phénoménologie, Institut für Transzendentalphilosophie und Phänomenologie, AUC Interpretationes.
Publication récente
P. Angelova, J. Andreev & E. Lensky (éds.), Das interpretative Universum, Verlag Königshausen & Neumann, Würzburg, 2017.

István FAZAKAS : De l'excès du vécu aux pulsations de l'affectivité. De l'infigurable dans l'apparaître
Depuis ses premières fondations par Husserl, la phénoménologie se donne la tâche d'analyser le vécu comme le lieu de l'apparaître. Or, comme on le sait — et ce fut précisément le coup d'envoi de la phénoménologie husserlienne — le vécu en question doit être pensé comme déjà dirigé vers son objet, l'apparaissant. Mais peut-on accéder au vécu avant qu'il soit travaillé par l'intentionnalité objectivante, voire par l'intentionnalité en général ? Comment décrire le lieu de l'apparaître avant même qu'il soit téléologiquement orienté vers tel ou tel (type d') apparaissant ? Et quel genre d'apparaître correspond-t-il à ce niveau ? La phénoménologie nova methodo de Marc Richir permet précisément de répondre à ces questions en libérant — par une épochè spécifique — l'affectivité pulsative en deçà de l'intentionnalité instituée et un clignotement phénoménologique de la phantasía habitée par ses pulsations.

István Fazakas, docteur en philosophie (co-tutelle entre la Bergische Universität Wuppertal et l'université Charles de Prague), est membre des Archives Marc Richir à l'université de Wuppertal, de l'Association internationale de phénoménologie et de l'Institut für Transzendentalphilosophie und Phänomenologie.
Publications récentes
Le clignotement du soi. Genèse et institution de l'ipséité, Association internationale de phénoménologie, coll. "Mémoires des Annales de phénoménologie", Wuppertal, 2020.
"Das archaische Selbst und seine Stiftungen", Phänomenologische Forschungen, 2021/1, pp. 47-70.
"En deçà de l'horizon – la part affective du monde", in Karel Novotný & Cathrin Nielsen (Hg./eds./éd.), Die Welt und das Reale/The World and the Real/Le monde et le réel, Nordhausen, Bautz, 2020, pp. 31-50.
"Le labyrinthe d'air. La structure des fantasmes dans l'anthropologie phénoménologique de Marc Richir", in Bodea C., Popa D. (eds.), Describing the Unconscious. Phenomenological Perspectives on the Subject of Psychoanalysis, Zeta Books, Bucharest, 2020, pp. 177-200.

Florian FORESTIER : Comment trahir Richir ?
Est-il possible de produire un discours phénoménologique dont le statut soit pleinement légitimé ? Le phénoménologue peut-il se prémunir de prendre l'accident pour l'essence, ou de manquer ce qu'il y a sans doute toujours d'accidentel dans l'essence, d'être le jouet de toutes formes de précompréhensions, que celle-ci soit symbolique, herméneutique, epochale ? Pour Heidegger, ou d'une autre façon Derrida, il s'agissait plutôt en effet de traverser la phénoménologie pour trouver en elle le secret de son impossibilité et finalement ne garder d'elle qu'un écho plus ou moins spectral. Avec le parti-pris d'une réduction hyperbolique et d'une stratégie d'élucidation en zigzag, appuyée sur la mise à jouer de registres architectoniques, Marc Richir entend poursuivre la phénoménologie à même son infondation. Mais pour ce faire, il met en œuvre un attirail conceptuel lourd qui menace toujours de recouvrir les concrétudes qu'il cherche à dégager. L'objet de cette intervention est d'interroger la possibilité de poursuivre le mouvement de pensée de Richir sans s'inscrire dans sa langue et sa conceptualité. Quelle langue la phénoménologique peut-elle mettre en œuvre pour capter quelque chose de cette épaisseur que je ne veux pas plus appeler fondement qu'infondation, mais par laquelle se réverbère malgré tout un écho de la fondation ? Quel discours peut "performer" le phénoménologique après la légitimation — mais pas tout à fait hors de — la légitimation ? Que serait une phénoménologie-fiction ?

Florian Forestier est conservateur à la Bibliothèque nationale et docteur en philosophie. Spécialiste de la phénoménologie contemporaine, il a consacré des travaux à la question de la singularité dans la philosophie française contemporaine (et aux fondements spéculatifs de la phénoménologie, et consacré plusieurs ouvrages à mesurer et discuter la portée de la refonte de la phénoménologie transcendantale proposée par Marc Richir (La phénoménologie génétique de Marc Richir, phaenomenologica, 2014, Le réel et le transcendantal, Jérôme Millon, 2015, Le grain du sens, Zetabooks, 2016). L'objet de ses travaux actuels est le statut et le type de discours philosophique susceptible de venir après la philosophie première. Il est également écrivain, auteur de recueils de nouvelles et de poèmes en prose (La boite, et Paysage, Éditions Hervé Roth, 2008, préfacé par Jean-Luc Nancy) et du roman Basculer (Belfond, 2021). Enfin, il a consacré un essai (Désubériser. Reprendre le contrôle, Éditions du Faubourg, 2020) aux effets de la transformation numérique sur le travail.

Carlos LOBO : Schématisme, modalités et institution de l'idéalité
Sous le titre de "phénoménologie de l'institution de l'idéalité", Marc Richir cherche à prolonger les tentatives husserliennes de fondation phénoménologique de la logique. L'analyse critique de la variation eidétique le conduit ainsi à distinguer deux registres de modalités, en particulier deux registres du possible : celui des purs possibles imaginaires garnissant l'extension eidétique, correspondant peu ou prou à une extension de concept selon la logique fregéenne, et celui de possibles relevant d'un niveau plus instable et plus fondamental. Nous nous engageons alors dans un feuilletage de modalités buissonnantes dont l'opérateur phénoménologique réside dans ce que Richir nomme "schématisme phénoménologique".

Carlos Lobo est ancien Directeur de programme au Collège international de philosophie, associé à plusieurs laboratoires, dont les Archives Husserl et le Centre Gilles-Gaston Granger. Il dirige la revue Intentio.
Publications
J. Bernard & C. Lobo (dir.), Weyl and the Problem of Space, Springer, 2019.
F. Jedrzejewski, C. Lobo & A. Soulez (dir.), Écrire comme composer, Le rôle des diagrammes en musique, Delatour, 2021.
L. Boi & C. Lobo (dir.), When Form becomes Substance. Power of Gestures, Diagrammatical Intuition and Phenomenology of Space, Springer, 2022.

Antonino MAZZÙ : "L'explication orphique de la Terre". Marc Richir interprète de Mallarmé
Les lecteurs de M. Richir savent que sa longue méditation philosophique a manifesté un intérêt constant pour ce qui était à ses yeux l'énigme de la langue poétique, un intérêt, voire une fascination telle qu'il lui arrivait de considérer que la langue qui serait la plus apte à exprimer la phénoménologie nova methodo serait précisément celle de la poésie. Dans ses derniers textes — en pensant ici à ses Propositions buissonnières (2016) —, la pensée d'une phénoménologie de la poésie recroisée avec celle d'une poétique de la phénoménologie cristallise dans l'interprétation de quelques textes brefs, eux-mêmes énigmatiques, célèbres cependant, dans lesquels Mallarmé livre ou, du moins laisse entrevoir, quelques éléments de sa poétique. Ces textes — tantôt issus de la Correspondance, tantôt de proses réflexives — ont fait l'objet de toutes les attentions depuis quelque cent-cinquante ans. Nous nous proposons de méditer à notre tour la pensée poétologique du dernier Richir considérée toutefois sur la toile de fond de quelques autres interprétations majeures de Mallarmé (R. Barthes, H. Friedrich, Y. Bonnefoy notamment). Nous entendons dégager certains des enjeux proprement philosophiques portés par l'écriture poétique.

Antonino Mazzù est professeur de philosophie à l'université libre de Bruxelles. Élève de M. Richir, sa thèse de doctorat portait sur l'œuvre de Husserl.
Publications récentes
Littéralité du pas. André du Bouchet, La Crypte, Hagetmau, 2020.
Traduction des premières œuvres poétiques de Franco Fortini, à paraître à Bruxelles en 2022 sous le titre de Feuille de route - Poésie et erreur.

Serge MEITINGER : L'énigme du monde à l'œuvre : Melville, Richir et quelques autres
Partant de quelques lectures d'œuvres littéraires faites par Richir et que je dirais "allégoriques", celles de Conrad, de Melville et de Dostoïevski (à travers Hannah Arendt pour ce dernier), qui interrogent à égalité le substrat de l'œuvre et celui du monde à l'œuvre, je suivrai la démarche têtue et persévérante du philosophe vers la mise en lumière du phénomène de langage (qui est aussi phénomène en langage) jusqu'à l'observation particulière du "cas Mallarmé" (dans les Propositions buissonnières) où le poète autant que le penseur (le poète en tant que penseur, le penseur mimant le poète) redécouvrent l'énigme du monde dans la souveraine tessiture du hasard, du sublime et du soi.

Serge Meitinger est Professeur des universités retraité (Université de la Réunion), il a travaillé sur la poésie française et francophone moderne et contemporaine et les rapports de la poésie avec la philosophie. Il a participé à une vingtaine de colloques de Cerisy entre 1985 et 2016, dont la décade Paul Ricœur (1988), Eugen Fink (1994, dirigé par Marc Richir) et Henri Maldiney (2014).

Jean-Sébastien PHILIPPART : La phénoménologie richirienne à l'épreuve des animalités
La question de l'animalité (ou plutôt des animalités) n'occupe pas, en termes de déploiement, une place importante dans l'œuvre de Marc Richir. L'étude la plus fouillée se retrouve dans Phénoménologie et institution symbolique, publiée en 1988. Mais la discrétion de l'énigme animale ne la réduit pas au négligeable. Au contraire, l'animalité, subissant des déplacements dans l'œuvre se faisant, finira, au cours de la maturité richirienne, par permettre de saisir le passage à l'humanisation, c'est-à-dire d'analyser le "moment" du sublime, dont on connaît toute la portée chez notre phénoménologue. Notre contribution se propose de mieux comprendre cette place discrète réservée aux animaux, mais également d'interroger cette proposition à laquelle le conduiront ses travaux, contrastant d'une certaine manière avec 1988, et que la suite des années 2000 sanctionnera : "pour l'essentiel, les comportements animaux sont quasi-machiniques" (L'écart et le rien, 2015). Aussi, nous verrons que cette perspective qui semble condamner, sur le sujet, la phénoménologie au silence, pose des problèmes qui en appellent à leur reprise. Or il se pourrait bien que cela soit le jeune Richir (1975) qui nous aide à approcher ce qui échappe au travail de la maturité: non pas la poussée vitale, mais l'instinct.

Jean-Sébastien Philippart est titulaire d'un DEA en philosophie et enseigne la philosophie à l'École Supérieure des Arts Saint-Luc de Bruxelles. Il a publié en 2013, dans la revue en ligne Implications Philosophiques, son premier travail sur l'animalité chez Marc Richir.

Ricardo SÁNCHEZ ORTIZ DE URBINA : Expérience réelle artistique et expérience réelle esthétique chez Marc Richir
La réflexion de Marc Richir sur l'esthétique et l'art se déploie à partir de son commentaire du célèbre texte de Husserl, Phénoménologie de la conscience esthétique, dans la "Revue d'esthétique" de J. M. Place, de 1999, et jusqu'à son dernier livre, Propositions buissonnières, où il parle de Mallarmé. Dans ses Fragments phénoménologiques sur le langage, de 2008, il traite du mythe et la poésie ; et dans Sur le sublime et le soi II, de 2011, on trouve une profonde analyse de l'infigurable en peinture. La conscience esthétique (et le plaisir esthétique qui en découle) est du non présent, et, par conséquent, il ne s'agît pas d'une "modification" de l'intentionnalité objective, mais du mode d'apparition dans la phantasia. Mais alors il n'y a plus de conscience parce que ce niveau originaire est le territoire de l'Inconscient Phénoménologique. Pour M. Richir, on commence par l'expérience du réel (esthétique), au niveau originaire inconscient de la formation des sens, et on descend, par transposition, jusqu'à l'expérience des phantaisies perceptives (expérience du réel artistique), car des telles phantaisies perceptives avec identité sont à la base de la construction d'une œuvre d'art. Il ne reste qu'une objection. Comment comprendre alors la des-objectivation de l'œuvre d'art, qui se déroule dans le parcours inverse du champ intentionnel (et non dans le parcours de haut en bas, comme le fait le langage), puisque l'art est une connaissance impropre ?

Ricardo Sánchez Ortiz De Urbina est Professeur Émérite de l'université de Valladolid (Espagne).
Publications
2009, Safo y sus discípulas, Madrid, Ediciones del Oriente y del Mediterráneo.
2011, L'obscurité de l'expérience esthétique, "Annales de phénoménologie".
2014, Estromatología : teoría de los niveles fenomenológicos, Madrid, Éd. Brumaria-Eikasía.
2021, Orden oculto : ensayo de una epistemología fenomenológica, Oviedo, Éd. Eikasía.

Alexander SCHNELL : La question de l'affectivité chez Marc Richir
L'objectif de cette intervention est de présenter — dans ses grandes lignes — la "phénoménologie de l'affectivité" de Marc Richir. Son idée de base est que nous vivons en permanence, dans les possibilités imprévisibles de notre existence, un "surplus affectif" qui renvoie à un "moment" du sublime. Ce "moment" peut être "négatif" ou "positif". Dans le "moment positivement sublime", il y a la possibilité de la "rencontre", dans le "moment négativement sublime", il y a "malencontre". En arrière-plan se trouve la conception kantienne selon laquelle l'entendement échoue à maîtriser ce surplus, tandis que la raison est capable d'y résister et de s'en édifier. La conception richirienne de l'affectivité sera d'abord reconstituée eu égard à ses différentes sources dans l'histoire de la phénoménologie avant que ne soit présenté son rôle dans tout sens se faisant (Sinnbildung).

Alexander Schnell est actuellement professeur de philosophie à l'université à Wuppertal après avoir été enseignant-chercheur en France pendant plus de 15 ans. Il est le fondateur et le directeur des Archives Marc Richir à Wuppertal. Il dirige (ou a dirigé) jusqu'à présent dix thèses de doctorat consacrées à l'œuvre et la pensée de Marc Richir. Ses travaux portent sur la phénoménologie transcendantale et la philosophie classique allemande.
Publications sélectionnées
Der frühe Derrida und die Phänomenologie, Frankfurt am Main, Klostermann, "Rote Reihe", 2021.
Le clignotement de l'être, Paris, Hermann, "Le Bel Aujourd'hui", 2021.
Die phänomenologische Metaphysik Marc Richirs, Frankfurt am Main, Klostermann, "Rote Reihe", 2020.
Phénoménalisation et transcendance. La métaphysique phénoménologique de Marc Richir, Mémoires des Annales de Phénoménologie (vol. XVI), Dixmont, Association Internationale de Phénoménologie, 2020.
Qu'est-ce que la phénoménologie transcendantale ? Fondements d'un idéalisme spéculatif phénoménologique, "Krisis", Grenoble, J. Millon, 2020.
Le sens se faisant. Marc Richir et la refondation de la phénoménologie transcendantale, avec une préface de Guy van Kerckhoven, Bruxelles, Ousia, 2011.

Guy VAN KERCKHOVEN : Au sein du "laboratoire phénoménologique". Recueillements et promesses
Habitant au Contadour, village côtoyant La Rochegiron, où M. Richir se réfugiait pendant les mois d'été, je suis devenu un témoin priviligié du "laboratoire phénoménologique", combien vivant, duquel a jailli son œuvre. Lors de nos promenades aux "Fraches", que M. Richir aimait tant, un dialogue phénoménologique très vif s'est noué. L'enjeu de nos échanges fut sans exception l'apport de la phénoménologie finkienne à une "refondation" de la phénoménologie, et notamment sa remise "en jeu" des présuppositions ontologiques "opératoires" au sein de l'héritage husserlien. Le but de cette communication est de renouer avec ce dialogue et de le prolonger en mettant à profit les travaux plus récents sur la Phänomenologische Werkstatt de Fink.

Guy van Kerckhoven est professeur émérite à l'université de Louvain. Ancien collaborateur des Archives-Husserl à Louvain et chercheur de la A. von Humboldt Stiftung (Bonn) à la Dilthey-Forschungsstelle de Bochum, il a édité la VI. Méditation cartésienne de E. Fink et de E. Husserl, les volumes sur Psychologie als Erfahrungswissenschaft de W. Dilthey, les volumes de Fink sur Epilegomena zu I. Kants Kritik der reinen Vernunft et Textentwürfe zur Phänomenologie 1930-32, ainsi que deux monographies portant sur "la vie et l'œuvre de W. Dilthey" et sur "le développement de la phénoménologie fribourgeoise" par Fink. Ces recherches et publications se situent au point d'intersection entre la phénoménologie husserlienne et le mouvement herméneutique, issu du "cercle de Göttingen" (G. Misch, H. Lipps). Plus récemment, il a publié une série de contributions à une "phénoménologie de la rencontre". Avec la collaboration de F. Alfieri et de J. Giubilato, il prépare la publication — imminente — des deux derniers volumes de la Phänomenologische Werkstatt de Fink.
Publications récentes
Epiphanie. Reine Erscheinung und Ethos ohne Kategorie, Transkript Verlag Bielefeld, 2009.
H. Lipps : Fragilität der Existenz. Phänomenologische Studien zur Natur des Menschen, Alber Verlag, Freiburg/München, 2011.
L'attachement au réel. Rencontres phénoménologiques avec W. Dilthey et le cercle de Göttingen (G. Misch, H. Lipps), Mémoires des Annales de phénoménologie, 2007 et Wuppertal, 2020.
De la rencontre. La face détournée, Hermann, Paris, 2012.
Le présent de la rencontre. Essais phénoménologiques, Hermann, Paris, 2014.
"Einander zu ereignen". Rilkes diskrete Phänomenologie der Begegnung, Alber Verlag, Freiburg/München, 2020.

Anna YAMPOLSKAYA : Lucian Freud et la phantasia richirienne
Comment la peinture peut prétendre "fonctionner comme la chair" ? N'y a-t-il pas de différence insurmontable entre la matière picturale et la chair vivante ? La phénoménologie richirienne de la phantasia perceptive nous offre l'instrument conceptuel qui permet d'approcher cette singulière prétention qui est celle du peintre Lucian Freud. Ces "naked portraits" me font entrer en contact avec la chair grâce à la phantasia infigurable, fugace et protéiforme du peintre affecté par l'altérité irréductible de cette chair. Cette phantasia ne peut être "perçue" que par une autre phantasia, éveillée par le tableau. Je me trouve impliqué dans la rencontre interfacticielle entre le peintre et son modèle. C'est grâce à cette rencontre triangulaire que je me ressens en tant que charnel, vivant et donc vulnérable et mortel.

Anna Yampolskaya est directrice de recherche au sein du Centre de la sociologie fondamentale à l'université nationale de recherche "École des hautes études en sciences économiques", Moscou, Russie. Parmi les autres sujets son dernier livre explore les liens entre l’esthétique phénoménologique et le formalisme russe. En collaboration avec Sacha Carson elle a traduit en russe la première Méditation de Richir.
Publication
Iskusstvo fenomenologii [L'art de la phénoménologie, en russe], Ripol-Klassik, Moscou, 2018.


BIBLIOGRAPHIE :

Livres de Marc Richir (sélection)

Phénomènes, temps et êtres. Ontologie et phénoménologie, J. Millon, coll. "Krisis", Grenoble, 1987.
Phénoménologie et institution symbolique. Phénomènes, temps et êtres II, J. Millon, coll. "Krisis", Grenoble, 1988.
La crise du sens et la phénoménologie. Autour de la Krisis de Husserl, suivi d'un "Commentaire de l'Origine de la géométrie", J. Millon, coll. "Krisis", Grenoble, 1990.
Phénoménologie en esquisses. Nouvelles fondations, J. Millon, coll. "Krisis", Grenoble, 2000.
Fragments phénoménologiques sur le temps et l'espace, J. Millon, coll. "Krisis", Grenoble, 2006.
Fragments phénoménologiques sur le langage, J. Millon, coll. "Krisis", Grenoble, 2008.
L'écart et le rien. Conversations avec Sacha Carlson, J. Millon, Grenoble, 2015.

Littérature secondaire sur Marc Richir

• A. Schnell, Le sens se faisant. Marc Richir et la refondation de la phénoménologie transcendantale, Ousia, Bruxelles, 2011.
• A. Schnell, Phénoménalisation et transcendance. La métaphysique phénoménologique de Marc Richir, Mémoires des Annales de Phénoménologie (vol. XVI), Dixmont, Association Internationale de Phénoménologie, 2020.
• R. Alexander, Phénoménologie de l'espace-temps chez Marc Richir, J. Millon, Grenoble, 2013.
• F. Forestier, La phénoménologie génétique de Marc Richir, Springer, coll. "Phaenomenologica", 2014.
• H.-D. Gondek & L. Tengelyi, Neue Phänomenologie in Frankreich, Suhrkamp, Frankfurt am Main, 2011.
• S. Carlson, Genèse et phénoménalisation. La question de la phénoménologie chez le jeune Richir, Mémoires des Annales de Phénoménologie (vol. XVI), Dixmont, Association Internationale de Phénoménologie, 2020.
• J. Mesnil, L'être sauvage et le signifiant. Marc Richir et la psychanalyse, MJW Fédition, Paris, 2018.
• S.-J. Arrien, J.-S. Hardy & J.-F. Perrier (éds.), Aux marges de la phénoménologie. Lectures et percées dans l'œuvre de Marc Richir, Hermann, Paris, 2019.
• István Fazakas, Le clignotement du soi. Genèse et institutions de l'ipséité, Mémoires des Annales de Phénoménologie (vol. XIII), Dixmont, Association Internationale de Phénoménologie, 2020.