ARAGON VIVANT
DU VENDREDI 10 AOÛT (19 H) AU VENDREDI 17 AOÛT (14 H) 2018
[ colloque de 7 jours ]
DIRECTION :
Daniel BOUGNOUX, Luc VIGIER
ARGUMENT :
Quarante ans après le colloque Le mouvement - Aragon, dirigé à Cerisy par Daniel Bougnoux en 1978, l'œuvre et la figure de l'écrivain ont connu d'importants développements posthumes, notamment marqués par la publication de huit volumes (dont un album) dans la bibliothèque de la Pléiade, par l'édition régulière de quatre revues et la soutenance d'un nombre considérable de thèses. Aragon n'est pas une curiosité patrimoniale, ni tout à fait un "classique" qu'on saurait donc où classer, sa production follement prolifique déborde les rangements ordinaires et ne cesse de troubler, d'enchanter ou d'interroger.
Ce nouveau colloque explorera sans doute quelques aspects inédits ou des textes à découvrir ; mais on insistera surtout sur la relation personnelle que ses livres entretiennent, d'une part, avec les chercheurs et, d'autre part, avec les simples lecteurs, qui sont aussi les auditeurs de merveilleuses chansons tirées de ses poèmes. Qu'est-ce qu'Aragon a encore à nous dire d'urgent ou de singulier aujourd'hui ? Quels écrits, et quels cris, font de sa haute figure un "contemporain capital" ? Beaucoup lui contestent ce titre. Aragon divise, et son orageuse silhouette suscite toujours autant d'amour que de haine. Au-delà des circonstances historiques, auxquelles lui-même accordait tant d'attention et qui ont bien sûr changé, les pressions et les sommations venues des sentiments, des passions ou de la révolte peuvent trouver dans cette œuvre un miroir ou une caisse de résonance très actuels. Largement ouvert à celles et ceux qui aiment lire Aragon, cette rencontre posera à chacun la question suivante : et vous, quelles raisons de vivre, quelles ressources morales, esthétiques, politiques tirez-vous de cet homme, de cette œuvre ? En quoi vous touche-t-il à l'intime ?
CALENDRIER DÉFINITIF :
Vendredi 10 août
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Soirée
Présentation du Centre, des colloques et des participants
Samedi 11 août
Matin
Daniel BOUGNOUX : "Dans les ruines du temps démantelé" (Aragon) [enregistrement audio en ligne sur La forge numérique de la MRSH de l'université de Caen Normandie et sur le site Radio France, rubrique France Culture]
Luc VIGIER : Aragon ou l'écriture dessinée (1)
Après-midi
Elza ADAMOWICZ : Le collage ou la contradiction dans le réel
Johanne LE RAY : Aragon, au risque de la croyance
Soirée
Cabaret Aragon, par Liselotte HAMM & Jean-Marie HUMMEL (La Manivelle), avec Daniel BOUGNOUX [extrait vidéo sur la chaîne YouTube de Cerisy]
Dimanche 12 août
Matin
Georges SEBBAG : Aragon prend congé et revient saluer
Henri BÉHAR : Aragon, la machine au défi
Après-midi
Louise MAI : La loi, le moi et l'infini : pour une éthique du sujet aragonien
Emmanuelle ROIRON : Le rire d'Aragon [texte lu par Daniel BOUGNOUX]
Lundi 13 août
Matin
Jean-François RABAIN : Blanche, entre mémoire et oubli
Alice EL GHABA-ÉTIENNE : L'enchantement de la langue
Après-midi
Anne SZULMAJSTER-CELNIKIER : Aragon linguiste
Wolfgang ASHOLT : Aragon et l'Allemagne
Soirée
Cabaret franco-allemand, par Liselotte HAMM & Jean-Marie HUMMEL (La Manivelle)
Mardi 14 août
Matin
Maryse VASSEVIÈRE : Encore une fois Les Communistes ou la fin du grand récit
Aurélien D'AVOUT : L'immersion dans l'apocalypse. Lecture croisée des Communistes d'Aragon et du film Dunkerque de Christopher Nolan
Après-midi
DÉTENTE
Mercredi 15 août
Matin
Robert HORVILLE : Aragon/Ferré, deux conceptions croisées de la mise en musique des poèmes
Alice LEBRETON : Les collages dans le processus de création d'Aragon et dans la politique éditoriale des Lettres françaises (1965-1969)
Après-midi
Stéphane HIRSCHI : Aragon : le sans-père
Francisco FERREIRA : "Le biseau des baisers" : Aragon godardisé
Siân LUCCA : Aurélien, la question du genre
Soirée
Aragon dans ses lettres vives, lectures par Luc VIGIER
Dialogue avec le colloque en parallèle : Valère Novarina : les quatre sens de l'écriture
Jeudi 16 août
Matin
Edouard BÉGUIN : La vie de "l'homme écrit"
Claude ADELEN : La poésie d'Aragon
Après-midi
Velimir MLADENOVIĆ : Elsa Triolet et la Yougoslavie
Luc VIGIER : Aragon ou l'écriture dessinée (2)
Jean-Luc STEINMETZ : Entre Valère Novarina et Aragon
Vendredi 17 août
Matin
Daniel BOUGNOUX & Luc VIGIER : Conclusions générales
Après-midi
DÉPARTS
RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :
Elza ADAMOWICZ : Le collage ou la contradiction dans le réel
Roman, tragédie, drame ? Le discours d'Aragon sur le collage prend des allures de récit théâtral, avançant à coup d'oppositions (collage cubiste contre surréaliste, poétique contre politique) et de contradictions (collage assimilé au merveilleux ou mis au service du réel, considéré comme simple jeu sans conséquence ou "test significatif de ma propre aventure spirituelle"). Et pourtant à partir de ces contradictions, de ce disparate, Aragon cherche à fabriquer une continuité, un "roman" dont les protagonistes — Max Ernst, John Heartfield ou Jiri Kolar — marqueraient les étapes de son parcours esthétique et politique. Notre but est de démonter les mécanismes de ce roman, l'histoire du collage constamment réécrite, pour montrer comment le collage est instrumentalisé, subordonné à l'itinéraire idéologique d'Aragon.
Elza Adamowicz est professeure émérite à Queen Mary University of London. Elle a publié de nombreuses études sur l'avant-garde européenne, Dada, le Surréalisme, et le livre d'artiste.
Publications
Surrealist Collage in Text and Image : Dissecting the Exquisite Corpse (1998, 2004).
Ceci n'est pas un tableau : les textes surréalistes sur l'art (2004).
Dada and Beyond (Co-édition, 2 vol. 2011, 2012).
Dada Bodies : between battlefield and fairground (À paraître).
Recherches actuelles
Un ouvrage sur André Breton et les arts visuels (Reaktion Press).
Claude ADELEN : La poésie d'Aragon
L'intervention comprend trois parties autour d'un thème qui est, selon son titre ("Une chose de caractère intime"), celui du traumatisme de l'abandon, lequel plonge profondément dans l'inconscient d'Aragon. Au-delà du fameux "mentir vrai", sous l'exaltation de l'amour, l'utopie politique (l'avenir de l'homme) on peut entrevoir la partie immergée de l'iceberg. Sous le bel canto (le lyrisme du désastre), sous la métaphore du théâtre ("Théâtre de l'insomnie") et dans les grands livres de poésie des années soixante, se cache "un mal inguérissable", un profond désespoir, un secret inavouable. Tous les grands poèmes d'Aragon sont des poèmes "à crier dans les ruines".
Claude Adelen est professeur de Lettres Modernes en région parisienne, à la retraite, réside à Montpellier. Ses premiers poèmes ont été publiés dans Les Lettres françaises, en 1969, à l'initiative d'Elsa Triolet et d'Aragon. Il est membre du comité de rédaction de la revue Action poétique de 1971 à 2013, date à laquelle cette revue a cessé de paraître. En tant que critique de poésie, il collabore à La Quinzaine littéraire, la NRF, Europe. Ses chroniques de poésie publiées dans Action poétique depuis 1987, ont été rassemblées en 2004 dans l'Émotion concrète (Éditions Comp'Act). Il a été secrétaire général de la Maison des Écrivains à Paris de 2004 à 2008.
Publications (Poésie)
Légendaire, EFR., Coll. "Petite Sirène", 1977.
Intempéries, Ipomée, 1989.
Le nom propre de l'amour, Le cri et J. Darras, 1994.
Aller où rien ne parle, Farrago, Coll. "Biennale internationale des poètes", 2001.
Soleil en mémoire, Dumerchez, 2002, Prix Apollinaire.
D'où pas même la voix, Dumerchez, 2006, Prix Louise Labé.
Légendaire, Auto-anthologie, Flammarion, 2010, Prix Théophile Gautier de l'Académie Française.
Obligé d'être ici, Obsidiane, 2012.
L'Homme qui marche, Flammarion, 2015.
"Je déteste les dieux qui n'ont pas mal aux pieds", Variations Hugo (À paraître chez Obsidiane).
Wolfgang ASHOLT : Aragon et l'Allemagne
"La culture allemande [qui] constitua l'un des aspects de la formation intellectuelle d'Aragon" (Annick Jauer) ne sera pas envisagée dans son ensemble mais à partir de quatre situations-clés : la rencontre avec les réalités sociales et politiques allemandes en 1918/19 ainsi que lors du séjour berlinois en 1922 ; l'anti-fascisme d'avant 1940 et surtout la "Reconnaissance à l'Allemagne" en 1939 ; les conséquences de l'expérience de l'occupation dans L'Enseigne de Gersaint en 1945 et le sort du "héros tragique du réalisme" (Florian Gödel) avec la réception dans les deux Allemagnes jusqu'à la "redécouverte" de l'Aragon surréaliste dans les deux pays au cours des années 1970. Au-delà de la diachronie, l'importance de la relation avec la culture allemande trouvera sa conclusion avec la tragédie du "vent interminable de l'Histoire" dans le poème "Hölderlin" de 1967, dépassant largement les influences d'une culture nationale.
Edouard BÉGUIN : La vie de "l'homme écrit"
"Aragon vivant" : cet intitulé invite à envisager la survie de l'œuvre de l'écrivain dans l'intensité du vivre. Faire survivre cette œuvre, cette tâche qui incombe à la postérité des lecteurs, ne consisterait pas à la classer, à la fixer, à la faire résister à l'épreuve du temps mais à activer les ressources de vie qu'elle recèle, pour assurer sa transformation, son renouvellement, son maintien en devenir. En préalable à une telle entreprise, il semble utile de se demander comment celle-ci s'accorde avec l'œuvre elle-même. Dans cette perspective, on se propose d'examiner la façon dont Aragon a conçu l'articulation du vivre et de l'écrire. L'investigation, tout en parcourant la totalité de l'œuvre, se fera sous le signe du "concept" de "l'homme écrit" qu'Aragon a mis en circulation dans Théâtre/Roman, son "dernier roman", ce texte testamentaire où l'écrivain s'affronte à la question de sa survie.
Edouard Béguin, professeur agrégé honoraire de l'Éducation nationale, a été le premier président de l'Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur Louis Aragon et Elsa Triolet (ERITA). Il est l'auteur d'une thèse soutenue en 2002 à l'université Lyon 2 et intitulée Faire œuvre - Le problème de l'invention dans l'œuvre d'Aragon.
Henri BÉHAR : Aragon, la machine au défi
Oui, j'ai connu Aragon vivant, si c'est là le critère auquel il faut répondre pour s'exprimer au cours du présent colloque. Je figure même, par métaphore, dans l'un de ses romans, Blanche ou l'oubli. Mais son œuvre, je la connaissais bien davantage, d'une façon traditionnelle, dirais-je, jusqu'au jour où je l'ai abordée d'une manière toute différente grâce à la saisie numérique que mon frère opéra de l'ensemble intitulé L'Œuvre poétique d'Aragon, et aux diverses analyses, d'ordre mathématique, auxquelles je la soumis, dont je donnai quelque aperçu au colloque de Reims. Il est étrange que cet auteur, si curieux de la recherche qu'on pourrait entreprendre sur ses écrits, au point d'en léguer une partie, considérable, au CNRS, n'ait guère fait l'objet de ces travaux monumentaux auxquels se sont livrés divers chercheurs sur les œuvres de Flaubert, Proust ou Zola, en ayant recours à la machine. En l'attente d'une telle somme, mon propos sera triple : 1) déterminer la valeur exacte que l'auteur accordait aux deux concepts employés tour à tour par les organisateurs ; 2) me livrer à un examen critique des études assistées par ordinateur sur le corpus aragonien et, réciproquement, voir ce que des approches traditionnelles gagneraient à s'appuyer sur des analyses computationnelles ; 3) voir, enfin, comment l'œuvre d'Aragon, par certaines subtilités échappant à l'esprit de géométrie, met la machine au défi de l'interpréter totalement.
Daniel BOUGNOUX : "Dans les ruines du temps démantelé" (Aragon)
J'aurai au cours de ma vie beaucoup fréquenté Aragon, à travers l'édition de cinq volumes de ses romans dans la Pléiade notamment, qui ont fait de cet auteur ma véritable université. Je voudrais donc réfléchir à ce qu'il m'a vraiment appris, aux ressources d'énergie intellectuelle et morale, de courage, d'invention qu'il peut nous prodiguer si nous le lisons bien. Mais réfléchir aussi, dans les parages de François Jullien, au vers fameux "Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard" : que veut dire "apprendre à vivre", est-ce bien concevable ? Nous, qui faisons profession d'enseigner, qu'aurons-nous vraiment transmis aux jeunes gens qui nous ont écoutés pendant quarante ans disserter des œuvres ? Mais encore, question médiologique, comment un auteur se survit-il ? Pourquoi (par exemple) l'éclipse presque totale de noms qui furent grands de leur vivant (Anatole France, Romain Rolland) et l'essor posthume de quelques autres ? Dans le cas d'Aragon, plus lu aujourd'hui qu'Eluard, à quoi tient sa (relative) survie, aux romans, aux dizaines de poèmes mis en chanson ? De quelle alchimie se compose ce qu'on appelle une postérité, cette floraison des cimetières ?
Daniel Bougnoux, philosophe, ancien élève de l'ENS, est professeur émérite à l'université des Alpes de Grenoble. Auteur d'une vingtaine d'ouvrages consacrés à la littérature et aux théories de l'information-communication, il a accompagné Régis Debray dans l'aventure des Cahiers de médiologie, devenus revue Médium. Il a dirigé l'édition des Œuvres romanesques complètes d'Aragon (cinq volumes) dans la bibliothèque de la Pléiade, et présenté aussi Le Paysan de Paris dans les Œuvres poétiques complètes de la même collection. Auteur avec Cécile Narjoux de deux Foliothèques, sur Aurélien puis Le Roman inachevé, il tient régulièrement un blog, "Le Randonneur" hébergé par La Croix, où il est assez souvent question d'Aragon, et maintenant de ce colloque en préparation.
Aurélien D'AVOUT : L'immersion dans l'apocalypse. Lecture croisée des Communistes d'Aragon et du film Dunkerque de Christopher Nolan
La dernière partie des Communistes d'Aragon et le récent film de Christopher Nolan restituent l'expérience de "l'enfer de Dunkerque" vécu par des milliers de soldats français et britanniques fuyant les troupes allemandes en mai-juin 1940. Ces deux œuvres produisent chez le lecteur ou le spectateur l'expérience poignante d'une immersion dans l'apocalypse de la guerre. La convocation du film Dunkerque permet d'interpréter à nouveaux frais le dispositif narratif employé par Aragon, dont l'intégration de cartes topographiques au sein même du texte est l'un des traits saillants. Derrière la puissance immersive des deux œuvres prévaut toutefois deux points de vue nationaux bien distincts. Il conviendra en ce sens d'observer les écarts entre la perception française et anglaise de la guerre ainsi que leurs implications politiques. Cette communication a donc pour but d'interroger les rapports entre poétique et politique du témoignage.
Aurélien d'Avout, ancien élève de l'École normale supérieure (Ulm) et agrégé de Lettres modernes, est actuellement doctorant à l'université de Rouen. L'objet de sa thèse, menée sous la direction de Jean-Louis Jeannelle, porte sur les représentations du territoire français dans les récits de l'année 1940.
Alice EL GHABA-ÉTIENNE : L'enchantement de la langue
La langue est le matériau de travail de chaque écrivain, mais elle revêt une importance particulière chez Aragon, sur lequel sa propre langue, mais aussi les langues autres (langue des autres écrivains et langues étrangères), exercent une fascination particulière, notamment à travers des procédés de citation et traduction, d'appropriation progressive de l'altérité pour se dire. L'œuvre aragonienne est donc le fruit d'un métissage langagier, qui prend une tournure particulièrement significative dans Le Fou d'Elsa avec l'arabe à travers la réappropriation de la figure du Medjnoun pour dire la folie de l'amour d'Elsa. Ce métissage comme cet intérêt pour les langues et les civilisations orientales sont aussi mis en scène par Mathias Enard (qui cite Aragon comme l'un de ses poètes préférés) dans ses romans, qui font se confronter Orient et Occident, à travers une hypertextualité vertigineuse. Il s'agira donc, à partir de cet écho oriental, de questionner les liens entre ces deux auteurs, d'esquisser une poétique comparée de la fascination pour l'autre et, au-delà, de son exhibition comme source de l'écriture.
Alice El Ghaba-Étienne est agrégée de Lettres Modernes et auteure de deux mémoires de master sur l'intertexte anglais chez Aragon, elle enseigne actuellement en région parisienne. Elle a rédigé plusieurs notices du Dictionnaire Aragon à paraître chez Champion, sous la direction de Nathalie Piégay et Josette Pintueles.
Stéphane HIRSCHI : Aragon, le sans-père
De la figure de Boniface, présenté comme le "sans-père" dans Les Voyageurs de l'Impériale, jusqu'au fil, plus que suggéré par Aragon dans Henri Matisse roman, de la construction par ce livre d'une forme d'adoption implicite du romancier par le peintre — dont ce livre serait témoignage et manifestation, toute l'œuvre d'Aragon semble traversée par cette question existentielle qui le taraude d'abord en tant qu'homme : comment exister sans père ? Il traduit d'emblée ce manque en effaçant de ses couvertures le prénom Louis hérité du père biologique, Louis Andrieux. Aragon s'affiche ainsi comme "sans père", marqué par un patronyme sans ascendant. Dès lors, en s'appuyant sur la mise en œuvre du personnage de Boniface, celui qui va sauver Suzanne, la fille de Blanche, on s'attachera à mettre en lumière la dynamique d'auto-engendrement si caractéristique d'Aragon, éternel orphelin d'une écriture de l'infini, en particulier dans plusieurs de ses romans, du Monde réel jusqu'aux derniers livres.
Stéphane Hirschi est un ancien élève de l'École Normale Supérieure (Ulm), ancien Président des Presses universitaires de Valenciennes ; Doyen de la Faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines (FLLASH) ; Professeur de littérature française moderne à l'université de Valenciennes depuis 1999.
Douze livres publiés ou coordonnés, dont Sur Aragon – Les voyageurs de l’infini ; Aragon et le Nord ; Jacques Brel, Chant contre silence ; Chanson : l'art de fixer l'air du temps et La chanson française depuis 1980 ; plus de quatre-vingt dix articles parus en France et à l'étranger.
Robert HORVILLE : Aragon/Ferré, deux conceptions croisées de la mise en musique des poèmes
En 1961, paraît, chez Barclay, le disque Les Chansons d'Aragon chantées par Léo Ferré. Cette collaboration entre le poète et le musicien va leur donner l'occasion d'exprimer, l'un et l'autre, leur conception de la mise en musique des poèmes. Deux textes croisés, "Léo Ferré et la mise en chanson, pour Aragon", "La Mise en musique pour Léo Ferré", verront ainsi le jour, figurant sur la pochette du disque et publiés conjointement dans Les Lettres Françaises du 19 janvier 1961. Ce sont ces deux textes, parfaitement complémentaires, qui donneront matière à cette communication.
Robert Horville, professeur émérite à l'université de Lille, a pour champ principal de recherche le XVIIe siècle et le théâtre. Auteur de plus de 40 ouvrages et d'une centaine d'articles, il a dirigé plusieurs collections de livres scolaires, à créé, à l'université de Lille 3, le département d'études théâtrales, qu'il a dirigé pendant une vingtaine d'années, et a été professeur invité dans une quinzaine d'universités étrangères. Il a aussi écrit plusieurs articles sur Aragon et, proche de Léo Ferré, il a beaucoup travaillé sur son œuvre, auquel il a consacré de nombreuses interventions et de nombreux articles : il a, en particulier, organisé, en 2004, un colloque international, réunissant une trentaine d'intervenants, intitulé "L'Œuvre polymorphe de Léo Ferré et a été l'instigateur des Rencontres d'Aulnoye-Aymeries organisées autour de ce grand artiste.
Alice LEBRETON : Les collages dans le processus de création d'Aragon et dans la politique éditoriale des Lettres françaises (1965-1969)
L'esthétique des collages est intimement liée à la jeunesse d'Aragon et la grande période des rencontres entre Dada et le surréalisme. Pourtant, comme la jeunesse en tant que telle et le souvenir des grands visages qui ont accompagné celle d'Aragon, les collages apparaissent parmi les grands sujets d'actualité à part entière à la fin des années 1960 dans l'hebdomadaire Les Lettres françaises. La mise à mort ne constitue pas la seule œuvre d'Aragon symptomatique d'une nouvelle étape tant romanesque qu'éditoriale : ce n'est pas un hasard si la même année paraît l'essai d'Aragon Les collages, comme un autre signe du dialogue que permettent Les Lettres françaises entre le début des années 1920 et les années 1960. Au cœur de ce dialogue vont se jouer les grandes questions récurrentes soulevées par les articles des Lettres françaises et particulièrement depuis le basculement de la politique éditoriale que suscite La mise à mort : ainsi, les Collages, œuvre de 1965 de rassemblements de textes sur des artistes qu'Aragon aime à percevoir comme un "roman inachevé" jouent le rôle de passerelle pas uniquement entre deux époques, entre deux états de jeunesse, vers la définition du réalisme perpétuellement en réflexion : elle est aussi le pont entre la notion de "roman" et l'"actualité", les deux faces du visage des Lettres françaises.
Johanne LE RAY : Aragon, au risque de la croyance
Dans un passage bien connu de La Fin du Monde Réel, Aragon se présente comme "appartenant à une catégorie d'hommes qui ont cru désespérément à certaines choses", avant de compléter sa pensée en précisant que ces hommes ont "toujours cru plus fort qu'ils n'ont craint". Comment ne pas identifier dans ce courage de croire, ce corps à corps avec l'Histoire, cette façon de s'exposer, une ressource majeure et très actuelle ? Alors même que la croyance est souvent stigmatisée par le sceptique pour le confort et la facilité qu'elle offrirait, et assimilée s'agissant d'Aragon à une persévérance coupable dans l'erreur, cette communication s'attachera à montrer qu'elle fut avant tout dans son parcours d'homme, d'écrivain comme de militant, la manifestation d'une formidable prise de risque (personnel, politique, existentiel), ce qu'une calcification ultérieure certaine a encore trop souvent tendance à occulter. Pour stimulantes qu'elles soient, les analyses psychanalytiques faisant du Parti comme d'Elsa le corset orthopédique nécessaire à l'enfant illégitime pour "tenir debout", ne rendent pas compte de l'ampleur, de la force et de la richesse de ce qui se joue dans l'embrassement passionnel qui marque le mode relationnel de l'homme Aragon au monde. Défions-nous des caractérisations qui font de cet engagement, au sens large du terme, une pathologie. "L'esprit révolutionnaire doit-il être considéré comme une maladie ?" demandait Simone Weil. "S'il s'agit de se fuir soi-même, il est plus simple de jouer ou de boire. Et il est encore plus simple de mourir".
Johanne Le Ray, agrégée de Lettres modernes, PRAG à l'université Paris Nanterre, termine actuellement une thèse sur la croyance dans la poésie d'Aragon sous la direction de Nathalie Piégay (Paris-Diderot). Également traductrice, elle s'est par ailleurs intéressée à la pratique de traducteur d'Aragon et a publié des articles sur cette question.
Louise MAI : La loi, le moi et l'infini : pour une éthique du sujet aragonien
L'infini aragonien s'écrit dans les années 1920 avant tout contre la loi, qu'elle soit morale, rationnelle, psychologique, sociale ou politique, et contre le moi, considéré par le poète comme une objectivation réductrice du sujet qui bride sa complexité et son imprévisibilité créatrice. Est-il alors seulement possible de penser une éthique à partir d'un philosophème — l'infini — qui fait fi de la loi et du sujet auquel celle-ci devrait s'appliquer ? Si l'association de ces deux termes pourrait paraître contradictoire, tant on a souligné le caractère aporétique d'une existence en prise avec l'infini, vouant le sujet qui en prend la défense à un nomadisme sans repères et à un nihilisme furieux, nous essaierons de souligner l'exigence existentielle qui soutient la défense passionnée par Aragon d'une telle notion, en explorant à partir d'elle la possibilité d'une véritable éthique. Le sujet de l'infini, loin de se réduire à une provocation inefficiente voire irresponsable, est porteur d'une révolte qui se donne comme une arme morale et politique apte à saper les fondements et les pièges de l'idéologie et de ses cadres normatifs. Nous chercherons ainsi, à partir de cette insoumission du sujet aragonien à la loi et au moi, à penser la possibilité d'une éthique de l'infini qui, dans ses aspirations comme dans ses éventuelles impasses, fait encore aujourd'hui d'Aragon l'un de nos plus proches contemporains.
Louise Mai, élève à l'École Normale Supérieure de Paris, a réalisé deux mémoires sous la direction de Jean-François Louette, le premier portant sur le rapport entre érotisme et infini dans l'œuvre de Louis Aragon, le second sur l'écriture du désir féminin dans un corpus de textes français de la première moitié du XXe siècle (Louis Aragon, Marguerite Duras, Joyce Mansour et Jean-Paul Sartre).
Velimir MLADENOVIĆ : Elsa Triolet et la Yougoslavie
Les liens entre Elsa Triolet et les artistes yougoslaves datent de 1927 quand elle a rendu visite à Paris à un artiste yougoslave Ljubomir Micić. En 1947, Louis Aragon et Elsa Tiolet ont visité la Yougoslavie. Après cette visite, Elsa Triolet a publié deux textes sur la Yougoslavie et sur les surréalistes yougoslaves. Ces textes ont provoqué une polémique intellectuelle entre Marko Ristić, Elsa Triolet et André Breton. Dans cette communication, nous allons analyser les liens qu'entretenait Elsa Triolet avec les artistes yougoslaves, la visite du couple en Yougoslavie, la réception de cette visite dans la presse yougoslave, la correspondance avec des écrivains serbes, tous les articles de journaux yougoslaves sur Elsa Triolet, ainsi que la réception de son œuvre dans la culture yougoslave et serbe jusqu'à nos jours.
Velimir Mladenović, doctorant en littérature française à l'université de Poitiers (France) et à l'université de Novi Sad (Serbie). Il a réalisé un mémoire sur "Le thème de la guerre dans les nouvelles de Vercors, Aragon et Aymé". Le 3 février 2018 à l'ENS, il a organisé le séminaire (direction M. Luc Vigier) sur "La réception de Louis Aragon et Elsa Triolet en Serbie".
Jean-François RABAIN : Blanche, entre mémoire et oubli
On interrogera la féminité. Le célèbre incipit de Nadja : "Qui suis-je", résonne dans toute l'œuvre d’Aragon. "Je ne sais plus qui je suis, j'ai oublié qui je fus, je ne crois pas que je vais être", écrit Aragon dans L'anonyme (Théâtre/Roman). Nadja habitée de l'absence d'elle-même renvoie Breton au fantôme qui le hante. Son double ? Le féminin en lui ? Freud note que Macbeth et lady Macbeth apparaissent comme un seul caractère scindé en deux personnages, comme souvent chez Shakespeare. "Chacun paraît imparfaitement compréhensible aussi longtemps que l'on ne l'a pas réuni à l'autre pour reconstituer l'unité", écrit-il. "Ne dormez plus, Macbeth assassine le sommeil et donc Macbeth ne doit plus dormir", écrit Shakespeare, mais c'est la reine qui devient somnambule. "Ainsi se réalise en elle, ce que Macbeth avait redouté dans l'angoisse de sa conscience. Ils épuisent à eux deux les possibilités de réactions au crime", écrit Freud. Breton fasciné par Nadja voit en elle toutes les dissolutions de son moi. La griffe du lion de Léona Delcourt court sur le visage léonin d'André. "Il a fallu que je cessasse d'être pour être qui je suis", écrit Breton. On interrogera à travers les dissolutions de la mémoire d'Aragon, à partir de Blanche et l'oubli, cette figure du féminin qui n'a cessé de hanter l'écrivain dans son œuvre.
Jean-François Rabain, pédo-psychiatre, psychanalyste, est un ancien membre titulaire de la Société Psychanalytique de Paris. Enseignant à Paris VI (Pierre et Marie Curie) et Paris XIII (Bobigny).
Emmanuelle ROIRON : Le rire d'Aragon
"Un grand auteur, c'est quelqu'un qui rit beaucoup", pour reprendre le mot de Deleuze. En effet, Aragon n'est jamais plus universel, donc plus "vivant" pour nous que lorsque nous avons le sentiment de le rejoindre : lire ses textes de façon jubilatoire, en entendant les échos de son rire, en est l'un des moyens privilégiés. Cette dimension de l'œuvre a longtemps été ignorée, car elle contrarie l'image de rigidité et de dogmatisme associée à Aragon ; elle reste méconnue aujourd'hui encore, dans la mesure où ce sont plutôt les déchirements de l'homme et de l'écrivain qui intéressent. Or c'est justement là que résident la singularité et le paradoxe du rire d'Aragon — celui qui relève de la narration et de la voix poétique. Il ne s'agit pas seulement d'un rire de protection, contrepoint à la gravité et à la contrainte — "ce rire déconcertant qui contredisait soudain tout ce qu'on venait de penser", comme le dit Aragon du rire de Tzara. On entend en même temps plusieurs voix dans ce rire, y compris parfois la voix lyrique d'Aragon : loin d'annuler l'émotion, cette indistinction la renforce. Son rire est alors un moyen de rendre sa parole insaisissable, donc toujours vivante.
Ancienne élève de l'École Normale Supérieure de Lyon et agrégée de lettres modernes, Emmanuelle Roiron enseigne la littérature en classes préparatoires, à Lyon. Elle a soutenu sa thèse sur l'art de la dérive dans les romans d'Aragon, en 2015, à l'université Paris Diderot, et publié plusieurs articles sur cet auteur. Elle a rédigé récemment une dizaine de notices du Dictionnaire Aragon, à paraître aux Éditions Champion, sous la direction de Nathalie Piégay-Gros et de Josette Pintueles.
Georges SEBBAG : Aragon prend congé et revient saluer
En 1932, à l'issue d'une longue pièce à grand spectacle et à grande distribution, Aragon a pris congé d'André Breton et du groupe surréaliste. Quelque trente ans après, il est revenu pourtant saluer ses anciens amis et a rejoué la pièce. Un tel mouvement pendulaire paraît inhérent à l'existence et à l'écriture d'Aragon ; il est à l'œuvre dans l'instant comme sur une longue période ; il peut dicter sa loi à un poème bref comme à un roman interminable. Ce jeu théâtral aragonien, où l'on se quitte pour mieux se saluer, peut-il s'immiscer dans notre monde contemporain ? Cela est plus que probable car, dès le départ, Aragon qui a franchi le seuil des espaces littéraire et philosophique et a gravi les scènes artistique et médiatique, n'a pas manqué d'en repérer certaines issues.
Georges Sebbag est écrivain, docteur en philosophie. Dans Potence avec paratonnerre, Surréalisme et philosophie (Hermann, 2012), il montre que le duo Aragon-Breton élabore un projet philosophie ; le surréalisme connaît une suite avec Foucault Deleuze, Nouvelles Impressions du Surréalisme (Hermann, 2015).
Anne SZULMAJSTER-CELNIKIER : Aragon linguiste
La présente contribution se propose d'apporter un éclairage sur un versant moins exploré du texte aragonien. Elle tente de dévoiler comment une conscience linguistique aiguë — celle du poète qui nous réunit — alliée à une réflexion métalinguistique percutante, elle-même nourrie, de l'intérieur, par un questionnement sur toutes les certitudes, conventions, règles, lois, catégories, identités, et, de l'extérieur, par une érudition ciblée, rejoignent des préoccupations chères à la communauté des linguistes. Parmi celles-là figurent notamment les dichotomies fondamentales avec lesquelles ces derniers opèrent, dégageant certaines distinctions subtiles, l'appréhension de l'immense diversité linguistique et l'expérience des limites du dicible. On cherchera à mettre en valeur comment de telles qualités, loin de se cristalliser en traité, s'incorporent en littérature, prennent forme, se sculptent dans l'écriture spécifique d'Aragon qui en tire toute sa force. Si le roman phare de cette analyse est Blanche ou l'Oubli, avec son héros Gaiffier le linguiste, quelques références à d'autres œuvres romanesques peuvent survenir à titre comparatif.
1990. Ingénieur à la Chaire de Théorie Linguistique, Prof. Claude Hagège, Collège de France.
2014. Membre de l'EA 7347, INHA-EPHE Histara.
2018. Responsable éditoriale de la revue La Linguistique.
Publication
Le yiddish à travers la chanson populaire, Préface d'André Martinet, 1991, Louvain-la Neuve, Éd. Peeters, Coll. "BCILL", 276 p.
Articles
"À travers les langues ; L'ennui, féconde mélancolie", Didier Nordon (dir.), Paris, Éditions Autrement, n°175, Janv. 1998.
6 préfaces "Histoire de mots" dans L'attraction, La défense, La mémoire, La force, Le risque, L'évolution, L'exemple, Le vide, EDP Sciences, Coll. "Mot à mot", 2002-2003.
"Représentations et imaginaires parisiens : métaphores, réanalyses et figements analytiques", La Linguistique, 2010/1, Vol. 46.
"Expression interlinguistique des ruines et poétique", Karolina Kaderka (dir.), Les Ruines, Entre destruction et construction des de l'Antiquité à nos jours, Rome, Campisano Éd., 2013.
"La question de l'origine des langues : vaine quête du Graal ?", Béatrice Fracchiolla (dir.), Les origines du langage et des langues, Vol. 2, Paris, L'Harmattan, Coll. "Marges linguistiques", 2013.
"Composition et dérivation expressives en yidiche", Le langage de l'émotion: variations linguistiques et culturelles, Leuven-Paris-Bristol, Éd. Peeters, 2017.
Maryse VASSEVIÈRE : Encore une fois Les Communistes ou la fin du grand récit
Cette communication suit mon processus de lecture et mêle les analyses littéraires à des parenthèses sur ma propre lecture, qui pourraient toucher aussi à la question de l'actualité d'Aragon. En proposant "Encore une fois Les Communistes" comme titre, j'ai l'impression de boucler la boucle : faire ainsi que mon premier et mon dernier articles soient sur ce roman encore si souvent décrié surtout par la doxa universitaire, est une façon de réhabiliter ce roman "réaliste socialiste à la française" pour sa modernité justement… Encore une fois Les Communistes… je privilégierais la partie militaire du roman, c'est-à-dire le tome IV sur la campagne de Belgique et la campagne de France qui constitue une sorte de roman dans le roman. Et le choix de ce corpus lié aux aléas de la lecture m'a mise sur le chemin d'une relecture et d'une découverte capitale concernant la parole romanesque qui situe ce roman pourtant "inachevé" et déceptif pour son auteur dans une rupture décisive avec ce que Pierre Bergounioux appelle "le grand récit". J'ai découvert l'extraordinaire modernité d'un grand roman qui, bien qu'inachevé, se situe à l'avant-garde du Monde réel, comme une première ébauche de l'écriture romanesque : 1) pour la prédominance du discours sur le récit comme une parole dans la guerre ; 2) pour le métalangage de l'art ; 3) pour le travail du lecteur. Ce sont les trois grands axes développés dans cette communication, le dernier permettant d'aborder la question de "ce qui me parle" dans l'œuvre d’Aragon. Et même qui se situe dans une ligne de partage avec d'autres écritures plus contemporaines apportant ainsi ma contribution à ce qui fait l'objet de notre colloque : l'interrogation sur "Aragon vivant"…
Maryse Vassevière est une ancienne élève de l'ENS de Fontenay, agrégée de Lettres Modernes et Docteur de l'université Paris III-Sorbonne Nouvelle où elle a enseigné de 1998 à 2008. Elle a publié Aragon romancier intertextuel ou Les pas de l'étranger chez L'Harmattan (1998) et de nombreux articles sur Aragon dans diverses revues (Europe, Mélusine, Recherches croisées Elsa Triolet-Aragon). Elle participe aux travaux des deux groupes Aragon de l'ERITA et de l'ITEM (séminaires et colloques) et fait partie du comité de rédaction de Recherches croisées Aragon-Elsa Triolet. Elle a participé au Dictionnaire Breton et au Dictionnaire Aragon. Elle a organisé en 2007 une journée d'étude de Paris III à la Sorbonne sur l'"Actualité d'Aragon" dont les travaux ont été publiés dans Recherches croisées (n°12, 2009). Et elle a coordonné le n°305 de Revue des Sciences Humaines, "Aragon une écriture au carrefour" (Presses du Septentrion, 2012), où elle a publié "Aragon et le "plagiat par anticipation" ou la filiation à rebours".
Derniers articles
Recherches croisées Aragon-Elsa Triolet, n°13, Presses universitaires de Strasbourg, 2012 : "Aragon, Breton et la peinture soviétique" et traduction d'une interview d'Aragon à la revue communiste italienne Rinascita en février 1968.
"Aragon et la lumière de Colette", Cahiers Colette, n°32, Société des amis de Colette, 2011.
Revue Mélusine, n°XXXI, 2011, "Correspondance Baron-Aragon".
"Aragon et la construction d'une image romanesque de la France", in La France des écrivains. Éclats d'un mythe (1945-2005), Marie-Odile André, Marc Dambre, Michel. P. Schmitt (éds), Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2011.
"Aragon, métalangage et métalepse", in La Langue d'Aragon "Une constellation de mots", sous la direction de Cécile Narjoux, Éditions universitaires de Dijon, 2011.
Actes du colloque "Aragon et Les Lettres françaises", Recherches croisées Aragon Elsa-Triolet, n°14, 2013 : "Savoir aimer : une critique littéraire entre mémoire et avenir".
Recherches croisées Aragon-Elsa Triolet, n°15, Presses universitaires de Strasbourg, 2014 : "Les paradoxes d'Aragon".
Revue Mélusine, n°XXXV, 2015, "Aragon, Breton et les pompiers. Tout m'est sexe".
"Le manuscrit de Théâtre/Roman : jeux et chemins du sens", Théâtre/Roman d’Aragon Un singulier pluriel, sous la direction de Marie-Christine Mourier et Roselyne Waller, Presses universitaires de Valenciennes, 2015.
Revue d'histoire littéraire, Belgrade, 2017 : "Aragon, d'une avant-garde à l'autre".
Luc VIGIER : Aragon ou l'écriture dessinée
L'intérêt d'Aragon pour le dessin et les croisements entre l'écriture, la peinture et le tracé sont aussi anciens que ses premiers textes. La correspondance des années 1917-1930 a révélé un goût régulier pour le petit croquis rapide donné en guise d'illustration. Les années Dada sont de même peuplées de dessins issus des expériences les plus diverses : Aragon voit naître les dessins de Desnos, les cadavres exquis du groupe, les automatismes de Masson, plus tard ses illustrations du Con d'Irène, et l'on devine la fascination qu'exerceront plus tard les variations au fusain de Matisse sur son visage ou encore certains dessins de Cocteau. La question du dessin a également des implications politiques, avec ceux de Fougeron (1947) où Aragon verra le destin de l'art figuratif ainsi qu'un accès plus simple à l'art, moins indéchiffrable que la peinture, avant que le dessin de Picasso lors de la mort de Staline ne détruise l'amitié avec Fougeron. Ce n'est pas un cas isolé : le propos sera repris et approfondi dans la valorisation du dessin au sein des Lettres françaises (dirigées par Aragon de 1953 à 1972) mais aussi dans les textes d'Aragon sur André Masson, David D'Angers ou plus tard dans son approche des dessins de Giacommetti, avec l'ombre portée de la sculpture. Cet ensemble d'indices convervent vers la pensée, chez Aragon, d'un lien très étroit entre la pratique manuscrite de l'écriture et le dessin même, particulièrement identifiable dans Les Incipit (1969) et Henri Matisse, roman (1971), au moment où Aragon par ailleurs dessine à la place des photographies de l'album d'Elsa mais aussi sur les murs d'images de son appartement parisien, dans une sorte de surécriture palimpseste. On interrogera enfin l'érotisme des dessins du dernier chapitre de sa vie, qui jouent de la vibration des couleurs et des situations de désir.
SOUTIEN :
• Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM) - UMR 8132 | CNRS / ENS