Programme 2025 : un des colloques

Programme complet


LA PROXIMITÉ COMME PROJET


DU MARDI 23 SEPTEMBRE (19 H) AU DIMANCHE 28 SEPTEMBRE (14 H) 2025

[ colloque de 5 jours ]


© Céline Gaille (Forum Vies Mobiles)


ARGUMENT :

Face à la mise en cause des récits qui portent la globalisation et la métropolisation, face aux crises écologiques, face à l'essoufflement de la démocratie représentative, on observe actuellement un regain des discours en faveur de la proximité et des pratiques qui s'en réclament. Ces journées à Cerisy discuteront des expériences actuelles promouvant diverses formes de relocalisation tant des échanges (circuits courts, réindustrialisation, agriculture urbaine, mobilités lentes…) que des espaces politiques (communautés locales, municipalisme, biorégionalisme…). Ces expériences sont porteuses de valeurs et d'idéaux divers, parfois contradictoires.

L'objectif de ce colloque sera d'identifier le sens et la portée transformatrice des initiatives fondées sur la proximité, en montrant leurs apports mais aussi leurs limites. Deux tensions feront l'objet d'une attention particulière : la première entre la relocalisation des espaces de vie et l'idéal classique d'émancipation ; et la seconde entre la fragmentation des initiatives locales et le caractère global des crises.


MOTS-CLÉS :

Agriculture urbaine, Biorégionalisme, Circuits courts, Communautés locales, Mobilités lentes, Municipalisme, Proximité, Relocalisation, Rural/Urbain, Villes/Campagnes


CALENDRIER DÉFINITIF :

Mardi 23 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mercredi 24 septembre
Matin
DISCUSSION INTRODUCTIVE
Questionnements du Forum vies mobiles, avec Tom DUBOIS et Sylvie LANDRIÈVE
La proximité en débats, avec Éric CHARMES et Max ROUSSEAU

Après-midi
ENJEUX ÉCOLOGIQUES
Métabolismes urbains et enjeux de la proximité, avec Sabine BARLES
Réhabiter en proximité dans des biorégions urbaines, avec Agnès SINAÏ | Présentation
La banlieue pavillonnaire comme utopie écologique ?, avec Éric CHARMES et Maxime MARIE | Présentation

Soirée
Autour de l'exposition "Taking the Country's Side / Prendre la clé des champs", avec Sébastien MAROT | Présentation


Jeudi 25 septembre
LE VILLAGE COMME SOLUTION ?
Matin
La distance comme projet ? Fuite des grandes villes et recompositions des attaches au monde, avec Anaïs COLLET, David FRATI et Colin GIRAUD | Présentation

Après-midi
"HORS LES MURS" — À SAINT-SAUVEUR-VILLAGES
• Déjeuner à l'écolieu TORTUGA, avec l'Association Les Fonds de terroirs et Florence THOMAS
• Visite de Saint-Sauveur-Villages, organisée par Thibault CHABROLLE, avec la participation de Daniel HÉLAINE (vice-président de la CMB, chargé des relations avec les communes, de la culture et du patrimoine) et Aurélie GIGAN (maire de Saint-Sauveur-Villages)


Vendredi 26 septembre
JUSQU'OÙ LE LOCALISME ?
Matin
Le local face à la catastrophe globale : retour d'enquêtes sur les expériences effondristes, avec Madeleine SALLUSTIO, Cyprien TASSET et le concours de Nathan GABORIT et Jérôme TOURNADRE (non présents) | Présentation

Après-midi
Mobilités domicile travail : inégalités et stratifications sociales, avec Aurore FLIPO, Maxime GUINEPAIN et Arnaud LE MARCHAND | Présentation

Voisinage et quartier comme ressources pour les classes populaires, avec Hélène BALAZARD, Benjamin DUBERTRAND [visioconférence] et Gaspard LION | Présentation


Samedi 27 septembre
LA POLITISATION DE LA PROXIMITÉ
Matin
Si loin, si près. La proximité des services et équipements publics contre le (sentiment de) délaissement ?, avec Maryame AMAROUCHE [visioconférence], Aurélie DELAGE et Nora NAFAA | Présentation

Après-midi
Le retour de la commune ? Proximité et démocratie, avec Éric CHARMES et Max ROUSSEAUPrésentation

Soirée
Autour d'un documentaire d'Hélène Desplanques sur les cahiers de doléance, avec Fabrice DALONGEVILLE


Dimanche 28 septembre
CLÔTURE
Matin
Nicolas LEBRUN : La proximité comme projet : tentative (laborieuse et illusoire) de regard synthétique

Synthèse, par Éric CHARMES, Tom DUBOIS, Sylvie LANDRIÈVE et Max ROUSSEAU

Après-midi
DÉPARTS


BIO-BIBLIOGRAPHIES :

Éric CHARMES
Éric Charmes est directeur de recherche à l'ENTPE (Vaulx-en-Velin) et membre de l'UMR EVS. Spécialisé dans les études urbaines, l'urbanisme et l'aménagement, il travaille sur les espaces à la fois ruraux et urbains en périphérie des villes et des métropoles. Il a notamment publié Métropoles et éloignement résidentiel (Autrement, 2021) ; La Revanche des villages (Seuil, 2019), Quitter Paris ? Les classes moyennes entre centres et périphéries (avec Stéphanie Vermeersch, Lydie Launay & Marie-Hélène Bacqué, Créaphis, 2019) ; The Middle Classes and the City. A Study of Paris and London (avec Marie-Hélène Bacqué, Gary Bridge & al., Palgrave, 2015) et La Ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbaine (Presses universitaires de France, 2011).

Tom DUBOIS
Tom Dubois est responsable de la valorisation des recherches, de la communication et des relations publiques du Forum Vies Mobiles. Il est diplômé d'un master en urbanisme et aménagement du territoire (Institut d'urbanisme de Paris / École des Ponts Paris Tech) et également titulaire d'un master spécialisé en communication (Sciences Po Paris).
Publication
Pour en finir avec la vitesse, L'Aube, 2021.

Sylvie LANDRIÈVE
Sylvie Landriève dirige le Forum Vies Mobiles. Auparavant, elle a monté et piloté des projets immobiliers et d'aménagement urbain privés et publics (BNP Real Estate, SNCF). Avec une formation en sciences humaines (Sorbonne et Sciences-Po Paris) et en recherche en management (Mines, Nanterre et ESCP), elle s'intéresse à l'évaluation des politiques publiques et à l'implication des citoyens dans leur élaboration.
Publications
L'Immobilier. Une passion française, Demopolis, 2016.
Pour en finir avec la vitesse, L'Aube, 2021.

Max ROUSSEAU
Max Rousseau est titulaire de la Chaire de professeur junior "L'urbain hors des métropoles" à l'école de l'aménagement durable des territoires (ENTPE). Ses travaux questionnent notamment les mutations des territoires délaissés (villes en déclin, campagnes en déprise, etc.) ainsi que les contradictions de l'urbanisation planétaire.
Derniers ouvrages parus
Plus vite que le cœur d'un mortel. Désurbanisation et résistances dans l'Amérique abandonnée, Grevis, 2021 (avec V. Béal).
Déclin urbain. La France dans une perspective internationale, Éditions du Croquant, 2021 (avec V. Béal et N. Cauchi-Duval, dir.).
Gentrifications. Views from Europe, Berghahn, Oxford et New-York, 2022 (avec M. Chabrol et al.).


Maryame AMAROUCHE
Maryame Amarouche est docteure en géographie et aménagement et maîtresse de conférences en aménagement du territoire et urbanisme à l'Université Jean Moulin Lyon 3. Ses recherches portent sur l'aménagement et les politiques urbaines dans les périphéries métropolitaines (espaces périurbains, ruraux, villes petites et moyennes). À partir d'une approche comparative entre Nords et Suds et pluridisciplinaire associant la géographie, l'urbanisme et les sciences politiques, elle interroge la fabrique de l'urbain sous l'angle des enjeux sociaux et spatiaux, de la métropolisation, de la production de logements, de la ségrégation et de l'accès aux services publics (notamment la santé et l'éducation).
Publication
Amarouche M., Nafaa N., Béal V., Rousseau M., (à paraitre) "Austérité sanitaire. Face à l'érosion de l'économie fondamentale dans les espaces délaissés", Justice Spatiale, Spatial justice.

Hélène BALAZARD
Hélène Balazard est chercheuse en Sciences Politiques au laboratoire EVS de l'Université de Lyon. Elle a étudié dans sa thèse le community organizing à Londres. Après un poste de chargée d'étude concertation citoyenne dans le domaine de l'aménagement du territoire au CEREMA et un post-doc au CNRS et à la Queen Mary University of London sur la lutte contre les discriminations, elle est actuellement chargée de recherche au sein de l'ENTPE. Elle développe des cours et des recherches en interaction avec des acteurs de terrain. Ses recherches portent sur la citoyenneté des personnes éloignées de la participation politique, les formes d’action collective, les processus de politisation et l’éducation à la citoyenneté.

Aurélie DELAGE
Aurélie Delage est maîtresse de conférences en aménagement et urbanisme à l'Université de Perpignan Via Domitia, membre de l'UMR Art-Dev. Ses travaux portent sur la fabrique publique-privée des territoires délaissés, que ce soit par le recours à des modalités orientées vers la croissance (projets urbains simili-métropolitains, étalement urbain) ou alternatives. Elle a récemment orienté une partie de ses travaux sur les questions éducatives à travers les écoles privées hors contrat à pédagogies alternatives dans ces territoires.
Publication
Géographie de l'Éducation. Concepts, enjeux et territoires, A. Colin, 2023 (avec D. Giband, K. Mary et N. Nafaa).

Benjamin DUBERTRAND
Benjamin Dubertrand est maître de conférences en anthropologie au sein de l'Université de Perpignan Via Domitia. Il a réalisé une thèse de doctorat soutenue en 2020 sur des expérimentations contemporaines de manières de vivre "alternatives" dans la moyenne montagne ariégeoise. Son travail actuel se structure autour de trois axes principaux : modes de vie dans les espaces ruraux, alternatives et utopies contemporaines (travail et environnement) et approches non-savantes de l'altérité.

Aurore FLIPO
Aurore Flipo est chercheuse en sociologie au laboratoire Environnement, Ville, Société (Université de Lyon / ENTPE). Ses recherches portent sur la recomposition des interactions entre inégalités sociales et spatiales et sur la transformation des modes d'habiter, en particulier dans le contexte de la transition énergétique et du changement climatique.

Nathan GABORIT
Nathan Gaborit est doctorant en sociologie politique à l'Université Catholique de Louvain (CESIR) dans le cadre d'un mandat Aspirant FNRS. Sa thèse porte sur la pluralité des trajectoires de préparation dites-survivalistes en Europe francophone (France, Belgique, Suisse). Il est également membre du collectif de chercheurs Quantité Critique.

Gaspard LION
Gaspard Lion est sociologue, maître de conférences à l'Université Sorbonne Paris Nord et membre du laboratoire EXPERICE. Ses recherches portent sur les dynamiques du logement en France et leur rôle dans la structuration des rapports sociaux. Après une thèse sur l'essor du camping résidentiel et les trajectoires de ses habitants issus des classes populaires, il a participé à des enquêtes collectives sur le travail domestique des femmes de ménage et sur les politiques de relogement de ménages précarisés d'Île-de-France. Ses travaux actuels portent à la fois sur la condition des locataires du parc privé et sur les marges du logement "ordinaire", à travers le cas de l'habitat fluvial.

Sébastien MAROT
Philosophe de formation, docteur en histoire et titulaire d'une hdr, Sébastien Marot est professeur d'histoire et de théorie de l'environnement à l'École d'architecture de la ville et des territoires de Paris-Est et professeur invité à l'École polytechnique fédérale de Lausanne. De 1987 à 2002, il a été délégué général de la Société Française des Architectes à Paris, où il a organisé de nombreuses séries de conférences publiques sur l'histoire et l'actualité de l'architecture, de l'urbanisme et du paysage, puis a fondé et dirigé une "revue de critique des situations construites", Le Visiteur, entre 1995 et 2002. Critique, éditeur et traducteur occasionnel (Thomas De Quincey, André Corboz, John Brinckerhoff Jackson, Charles Lamb, Rem Koolhaas & OM Ungers – Berlin, A Green Archipelago –, David Holmgren, …), ses écrits ont d'abord porté sur la généalogie des théories contemporaines de l'architecture, de l'urbanisme et en particulier du paysage ("L'Alternative du paysage", 1995, puis L'Art de la mémoire, le territoire et l'architecture, 1999). Membre fondateur de L'école d'architecture de la ville et des territoires en 1997, il a ensuite enseigné comme professeur invité dans plusieurs écoles d'architecture ou de paysage en Europe et en Amérique du Nord (Architectural Association à Londres, IAUG Genève, Harvard, Cornell, Upenn, ETH Zürich) où ses recherches se sont progressivement orientées vers l'histoire et la théorie de l'environnement, et vers une conception des disciplines de projet comme "arts de l'environnement". À son retour à l'Ensa Paris-Est, il y a fondé la revue Marnes : documents d'architecture, qu'il dirige depuis avec Éric Alonzo. En 2019, pour la Triennale d'Architecture de Lisbonne, il a été le commissaire d'une grosse exposition "Taking the Country's Side : Agriculture and Architecture" qui a voyagé depuis dans plusieurs autres villes d'Europe en s'enrichissant à mesure (Lausanne, Lyon, Bruxelles, Marseille, Grenoble, Nantes). La version française et enrichie du livre éponyme, Prendre la clef des champs : agriculture et architecture, a été publiée chez Wildproject en 2024. L'Académie d'architecture lui a successivement décerné, en 2004 la médaille de la critique d'architecture (pour l'aventure Le Visiteur), en 2010 le prix de la thèse en architecture (pour sa thèse "Palimpsestuous Ithaca : un manifeste relatif du sub-urbanisme"), et en 2020 la médaille de l'enseignement et de la recherche.

Nora NAFAA
Nora Nafaa est chargée de recherches au CNRS à Aix-Marseille Université, membre de l'UMR TELEMMe. Ses travaux portent sur les transformations contemporaines des politiques éducatives urbaines et leurs enjeux politiques, économiques, sociaux et spatiaux. Ses terrains de recherche se situent aux États-Unis, en France ainsi qu'en Afrique du Nord, au Maroc et en Tunisie. Une partie de ses travaux portent sur les politiques d'austérité dans les secteurs du Care, incluant l'éducation et la santé, dans les territoires centraux (notamment urbains), et plus marginaux (périphéries des grandes villes comme espaces ruraux de faible densité).
Publication
Geographies of Globalized Education Privatization, Springer, 2023 (avec K. Mary et D. Giband).

Madeleine SALLUSTIO
Madeleine Sallustio est docteure en sciences politiques et sociales, spécialisée en anthropologie. Elle étudie les formes collectives et autogestionnaires du phénomène du "retour à la terre" en Europe occidentale. Dans ce cadre, elle s'est intéressée aux imaginaires du passé et de l'avenir qui impulsent ces initiatives et a développé une analyse temporelle de leur organisation du travail et de la vie quotidienne. Son premier ouvrage, À la recherche de l'écologie temporelle a remporté le prix du livre d'écologie politique en 2023.

Agnès SINAÏ
Agnès Sinaï est directrice de l'Institut Momentum, laboratoire d'idées à l'origine du scénario Biorégion Île-de-France 2050 (2019). Elle a dirigé les ouvrages collectifs de l'Institut Momentum, soit les trois tomes des Politiques de l'Anthropocène réédités par les Presses de Sciences Po en 2021, et Écologie des Biorégions (Terre urbaine, mai 2025). Titulaire d'un doctorat en aménagement de l'espace et urbanisme (Université de Paris Est, sous la direction de Sébastien Marot et Thierry Paquot), elle développe une réflexion sur les biorégions comme lieux d'hospitalité terrestre, notamment dans l'ouvrage Réhabiter le monde. Pour une politique des biorégions (Seuil, coll. Anthropocène, 2023).

Cyprien TASSET
Cyprien Tasset est maître de conférences en sociologie à VetAgro Sup et membre de l'UMR Territoires, à Clermont-Ferrand. Il a travaillé sur le public des théories de l'effondrement et étudie actuellement les rapports à l'écologie en école d’agronomie ainsi que les tentatives d'ériger les campagnes en espaces de repli pour des urbains inquiets.

Jérôme TOURNADRE
Jérôme Tournadre est directeur de recherche CNRS à l'Institut des sciences sociales du politique. Il est notamment l'auteur de Politique du proche (2024) et, à paraître, de Les sentinelles de l'Anthropocène.


RÉSUMÉS :

Réhabiter en proximité dans des biorégions urbaines, avec Agnès SINAÏ
Vivre in situ (living-in-place) était le crédo des fondateurs du mouvement biorégionaliste des années 1970. Dans le contexte d'une Californie bouleversée par la métropolisation, ce mouvement prônait une manière éveillée de se relier à un lieu de vie. Dès les origines, cette conscience du lieu renvoie à une conception active de la proximité : réhabiter, c'est s'insérer dans une communauté biotique et cesser d'en être l'exploiteur. Une vingtaine d'années plus tard, la société des territorialistes, autour de la figure d'Alberto Magnaghi, propose un contre-exode urbain qui consiste en un retour à la localité sous la forme d'un double mouvement de restitution de son arrière-pays agricole à la ville et d'ouverture des campagnes à des néo-ruraux. C'est dans ce contexte que la biorégion émerge comme un territoire d'accueil pour le contre-exode. La biorégion urbaine se propose alors de reconstruire l'urbanité, à l'image du scénario Biorégion Île-de-France 2050.

La banlieue pavillonnaire comme utopie écologique ?, avec Éric CHARMES et Maxime MARIE
Dans les discours urbanistiques sur la proximité, la banlieue pavillonnaire est souvent présentée comme un problème, en raison de la dépendance automobile ainsi que du manque d'équipements et de commerces de proximité. L'habitat individuel est aussi considéré comme le principal vecteur d'une artificialisation déraisonnable. Pourtant, un ouvrage publié en 2018 par une des figures centrales de la permaculture, Retrosuburbia, fait de la banlieue pavillonnaire le lieu d'une nouvelle utopie écologique, centrée sur la production potagère et le bouclage de divers flux, notamment l'alimentation en eau. Dans cette session, après une présentation de Retrosuburbia, et de la place que les idées présentées dans ce livre occupent dans la permaculture, on discutera de la réalité des pratiques potagères et vivrières en France. On insistera en particulier sur le caractère populaire de ces pratiques (autoproduction, bricolage, "débrouille"). La permaculture, ce n'est pas nécessairement là on en parle, qu'elle est le plus mise en œuvre.

Autour de l'exposition "Taking the Country's Side / Prendre la clé des champs", avec Sébastien MAROT
On peut considérer que, depuis la "Renaissance", avec la montée en régime progressive de l'économie de marché, l'exode rural, boosté par les enclosures puis par les révolutions industrielles, a été la signature géographique de l'accumulation et de la concentration du capital, et que l'explosion, en densité comme en extension, des territoires urbains, a été la conséquence plus ou moins directe de l'extractivisme énergétique et matériel. Si c'est le cas, alors les grandes préoccupations et impasses environnementales contemporaines peuvent être lues comme les signes de plus en plus clairs qu'un renversement de perspective est aujourd'hui nécessaire, et qu'affronter la descente énergétique et matérielle suppose d'engager une sorte d'exode urbain ou de sécession d'avec les modèles de l'"urbanisme". Telle est l'hypothèse que nous avons proposée dans l'exposition "Prendre la clef des champs : agriculture et architecture", et que nous tenterons de mettre en discussion pour réfléchir à d'autres types de "proximité".

La distance comme projet ? Fuite des grandes villes et recompositions des attaches au monde, avec Anaïs COLLET, David FRATI et Colin GIRAUD
Cette présentation croisée analyse les recompositions des attaches au monde chez des individus ayant choisi de quitter les métropoles et les modes de vie qui y sont associés : des individus au bas de l'échelle sociale, en rupture professionnelle ou familiale, aux États-Unis ; des ménages de la petite-bourgeoisie culturelle parisienne ; ainsi que des homosexuels en France. Il s'agira de questionner le caractère émancipateur de cette mise à distance des grandes villes.
Dans un premier temps, nous examinerons les motivations de ces fuites des modes de vie urbains : violence du travail, état du marché immobilier, rapports sociaux normés (anonymat, relations marchandisées, hétéronormativité…). Le projet de fuite s'oriente vers des modes de vie associés à des espaces moins denses où les individus envisagent des rapports sociaux plus localisés et émancipateurs.
Dans un deuxième temps, la présentation illustrera comment le projet de mise à distance d'un monde perçu comme violent doit s'hybrider au contact de la réalité du nouvel espace de vie. Sur place, il s'agit de composer avec des groupes sociaux d'habitants déjà présents qui ne correspondent pas nécessairement à leur projet de nouvelle vie, et de se faire à des formes de sociabilité contraignantes. Le nouvel espace de vie permet néanmoins de recréer en partie sa vie dans une plus forte proximité avec la nature et avec un petit monde social local, même si le projet peut finalement aboutir à une multiplicité d'attaches et à de fortes mobilités.
Nous accorderons une place significative aux matériaux audio et visuels des enquêtes de terrain, dans le but de laisser s'exprimer une parole des enquêtés souvent trop réduite lors des communications.

Le local face à la catastrophe globale : retour d'enquêtes sur les expériences effondristes, avec Madeleine SALLUSTIO, Cyprien TASSET et le concours de Nathan GABORIT et Jérôme TOURNADRE (non présents)
Face à la crise climatique et environnementale, aux déceptions politiques et au constat de la détérioration des conditions de vie et de travail en France, la décennie 2010 a été marquée par la montée en puissance de la thématique de l'effondrement civilisationnel dans l'espace public. Ce scénario catastrophiste, amplement repris et commenté tant dans la sphère médiatico-politique que dans les espaces militants ou universitaires, s'est imposé comme un des narratifs dominants lorsqu'il est question de l'avenir et des mutations sociales qui l'accompagnent. "L'effondrement" recouvre toutefois une pluralité de manières d'être saisi par la catastrophe et d'y faire face. À partir d'enquêtes portant sur des expériences effondristes diverses en France, cette communication à plusieurs voix interroge la place du local chez celles et ceux qui sont mus par l'idée de l'effondrement planétaire ; comment celle-ci façonne des pratiques et redéfinit des imaginaires politiques, non sans frictions.

Mobilités domicile travail : inégalités et stratifications sociales, avec Aurore FLIPO, Maxime GUINEPAIN et Arnaud LE MARCHAND
Cette session s'intéresse aux articulations entre mobilités et proximités dans le contexte des trajets domicile-travail, avec un focus particulier sur la question des inégalités sociales et de genre. Dans une première partie, nous présentons un cadrage théorique permettant de saisir l'articulation entre mobilités et inégalités ; l'articulation entre mobilité et proximité ; et les distinctions entre proximité organisationnelle et proximité spatiale. Dans un second temps, nous montrons en quoi ces théories sont susceptibles d'être transposées à trois cas d'étude contrastés portant sur des pratiques de mobilité / proximité liées au travail, permettant d'en saisir différentes facettes : tout d'abord, une étude quantitative des mobilités domicile-travail à partir d'enquêtes au standard Cerema menées en France entre 2009 et 2019 ; puis, la reconstruction d'une proximité choisie dans le cadre des pratiques des télétravailleurs ; et enfin, la proximité temporaire ou intermittente dans le cas des travailleurs nomades.

Voisinage et quartier comme ressources pour les classes populaires, avec Hélène BALAZARD, Benjamin DUBERTRAND et Gaspard LION
Dans les marges urbaines et rurales — quartier populaire de l'Est londonien, camping résidentiel en Île-de-France, moyenne montagne ariégeoise — la proximité joue un rôle ambivalent pour les classes populaires. Elle peut être une ressource vitale, fondée sur l'entraide, les réseaux informels et la débrouille, particulièrement quand les ressources institutionnelles sont absentes ou inaccessibles. Mais cette proximité peut aussi assigner, notamment lorsque les individus ne s'identifient pas à leur voisinage ou subissent des formes de stigmatisation liées à leur territoire, leur origine ou leur mode de vie. Les formes de lien, de solidarité ou de repli varient selon les trajectoires sociales et les propriétés de l'espace local, révélant des usages différenciés de la proximité. Dans ces contextes, la proximité ne garantit pas l'émancipation : elle devient ressource sous conditions, et de manière bien moins assurée que pour les groupes socialement plus dotés. Cette ambivalence invite à penser la proximité non comme une évidence, mais comme un enjeu social et politique, particulièrement dans les espaces relégués.

Si loin, si près. La proximité des services et équipements publics contre le (sentiment de) délaissement ?, avec Maryame AMAROUCHE, Aurélie DELAGE et Nora NAFAA
Si accéder rapidement à un certain nombre de services publics en tous points du territoire était une expression spatialement visible de l'idéal républicain au tournant du XXe siècle, la proximité à ces derniers s'est largement dégradée dans bien des territoires pour des raisons économiques, sociales et politiques (notamment austéritaires). Cette communication interroge la notion de proximité à l'aune de l'accessibilité à l'éducation et à la santé, deux piliers d'une économie "fondamentale" essentiels au quotidien : dans quelle mesure la proximité (ou plutôt son absence) est-elle un marqueur des territoires délaissés ("left-behind") ? Répondre à cette question nécessite d'envisager la proximité en termes quantitatifs (répartition de l'offre, distance géographique, distance-temps) mais aussi qualitatifs (nature de l'offre, distance perçue, capacité physique, psychique et pécuniaire des usagers), pour débusquer certains de ses faux-semblants générateurs d’inégalités sociales et territoriales (déserts cachés, offre dégradée, austérité silencieuse…) nourrissant un sentiment d'abandon. Néanmoins, localement, de nouvelles modalités d'accès aux soins et à la santé, ainsi que des offres éducatives alternatives apparaissent, portées par divers acteurs locaux, publics, privés, citoyens. Contre le délaissement, la proximité peut faire figure de projet sinon politique, du moins territorial.

Le retour de la commune ? Proximité et démocratie, avec Éric CHARMES et Max ROUSSEAU
En 2014, la commune de Saillans (1200 habitants) a suscité l'intérêt avec l'élection d'une liste citoyenne. Située dans une région pionnière en matière de transition écologique (avec notamment la Biovallée), Saillans est devenue un cas emblématique du renouveau de la néo-ruralité et du néo-municipalisme. Si sa situation est spécifique, sa petite taille est partagée par de nombreuses communes rurales françaises. Pendant longtemps, le maillage communal français a été considéré comme un problème pour la démocratie. Il a été question de fragmentation, de démocratie du dortoir, d'un héritage désuet de la France des clochers, problèmes que les politiques publiques ont cherché à corriger avec l'intercommunalité. Dans une perspective exploratoire, on se demandera comment et pourquoi la petite taille des communes françaises peut redevenir un atout. On montrera comment cette évolution se nourrit des crises écologiques et du regain de la volonté d'agir ici et maintenant (ce qu'illustre l'audience croissante des idées de Murray Bookchin). On mettra également en regard les expériences municipalistes des petites communes rurales avec les tentatives de quelques grandes villes lors des élections municipales de 2020. Enfin, on interrogera la possibilité de transférer de telles expérimentations vers l'ensemble des territoires ruraux, notamment ceux en déclin, et ceux inclus dans les couronnes périurbaines.

Nicolas LEBRUN : La proximité comme projet : tentative (laborieuse et illusoire) de regard synthétique
Synthétiser un colloque aussi riche que le colloque "La proximité comme projet" n'est pas chose facile. Néanmoins, nous pouvons y voir une cohérence en trois points : rupture, reconfiguration, réinvestissement. Ainsi l'ensemble des réflexions sur la proximité engagée se fait en contexte de rupture : rupture économique, rupture systémique ou rupture de contrat territorial. De fait, cette situation initiale nous amène à reconfigurer nos proximités, non pas en adaptant l'existant, mais en repartant d'une tabula rasa, souvent centrée sur un nouveau lieu. Mais, ce nouveau départ ne résout généralement pas tout, apportant son lot de nouveaux problèmes, de nouvelles questions, générée par la mise à l'épreuve du terrain. Pour faire face à cela il faut un réinvestissement par le Politique, pour accompagner l'initiative de proximité, pour trouver les bons cadres territoriaux et échelles d'opérabilité.

Nicolas Lebrun est géographe, maître de conférences habilité à diriger des recherches à l'université d'Artois, membre de l'équipe Habiter le Monde (Université de Picardie Jules Verne). Il est spécialiste de l'urbain et du commerce. Il s'intéresse aux localisations et interactions fonctionnelles, notamment marchandes, et aux effets spatiaux de centralité et de proximité. Son HDR soutenue en 2023 à l'université Paris 8, porte sur le sujet "Réinterroger la centralité marchande. Pôles, territoires, discontinuités et réseaux au service de la centralité" (garante : Pr. Nathalie Lemarchand). Il est co-fondateur (2022) et directeur de la revue pluridisciplinaire à comité de lecture GéoProximitéS (GPS), consacrée aux proximités sous toutes leurs formes. Il est par ailleurs Secrétaire Général du Comité National Français de Géographie (CNFG) sur le mandat 2024-2028. À ce titre, il préside le jury du prix de thèse du CNFG.
Publication
Commerce et discontinuités, Artois Presses Université, 2013.


BIBLIOGRAPHIE :

• Balazard, H. (2015), Agir en démocratie, Éditions de l'Atelier.
• Barles, S. (2009), "Urban metabolism of Paris and its region", Journal of Industrial Ecology, 13(6).
• Béal, V., Maisetti, N., Pinson, G. & Rousseau, M. (2023), "When Bookchin faces Bourdieu : French 'weak' municipalism, legitimation crisis and zombie political parties", Urban Studies.
• Charmes, E. (2019), La revanche des villages, Seuil.
• Collet, A., Delage, A. & Rousseau, M. (2023), Mobilités résidentielles post-Covid. Dynamiques sociales et enjeux locaux dans cinq territoires ruraux (Rapport pour le PUCA et le Réseau Rural Français).
• Darly, S. (2018), "La terre pavillonnaire, un paysage fertile oublié", in J.-M. Léger & B. Mariolle (Eds.), Densifier/dédensifier. Penser les campagnes urbaines, Éditions Parenthèses.
• Dubois, T., Gay, C., Kaufmann, V. & Landriève, S. (2021), Pour en finir avec la vitesse : Plaidoyer pour la vie en proximité, L'Aube.
• Flipo, A., Ortar, N. & Sallustio, M. (2023), "Can the transition to sustainable mobility be fair in rural areas ? A stakeholder approach to mobility justice", Transport Policy, 139.
• Frati, D. (2024), Les réfractaires du désert : Rejet du travail et appropriation de l'espace dans le désert d'Arizona, Presses de l'Université de Nanterre.
• Gaborit, N. (2022), De l'effondrement aux ruptures de la normalité: Le continuum des préparations survivalistes en France, Sociétés Politiques Comparées.
• Giraud, C. (2016), La vie homosexuelle à l'écart de la visibilité urbaine : Ethnographie d'une minorité sexuelle masculine dans la Drôme, Tracés. Revue de sciences humaines, 30.
• Guinepain, M. (2024), Auto, boulot, marmots, dodo ? Une géographie sociale de l'organisation spatio-temporelle des journées de travail et des mobilités du quotidien (Thèse de doctorat, Université Paris-Cité).
• Jeanpierre, L. (2019), In Girum. Les leçons politiques des ronds-points, La Découverte.
• Le Marchand, A. (2022), "Temporary mobilities and neo-nomadism", in G. Devron & V. Kaufmann (Eds.), Mobility and Geographical Scales, ISTE Éditions.
• Lion, G. (2024), Vivre au camping. Un mal-logement des classes populaires, Éditions du Seuil.
• Marot, S. (2023), Prendre la clé des champs, WildProject.
• MacKinnon, D., Amarouche, M., Nafaa, N. & al. (2025), Policies 'for' and 'with' 'left behind places', Beyond Left Behind Places Project 04/25, Centre for Urban and Regional Development Studies (CURDS), Newcastle University, UK.
• Rousseau, M. & Béal, V. (2021), Plus vite que le cœur d'un mortel, Grevis.
• Sallustio, M. (2022), À la recherche de l'écologie temporelle. Vivre des temps libérés dans les collectifs néo-paysans autogérés, Presses Universitaires de Rennes.
• Sallustio, M. & Dubertrand, B. (2024), "Légitimer sa place en milieu rural : Dynamiques de pouvoir et identités dans les installations néo-rurales en Ariège et dans le Massif central", Ethnologie française, 54(2).
• Sinaï, A., Carton, H., Stevens, R. & Servigne, P. (2015), Petit traité de résilience locale, Charles Léopold Mayer.
• Sinaï, A. (2023), Réhabiter le monde. Pour une politique des biorégions, Seuil, coll. "Anthropocène".
• Tasset, C. (2022), "L'effondrement et ses usagers : Éclectisme et réception d'une vulgarisation hétérodoxe en écologie scientifique", Zilsel, 10.
• Tendance Floue, Nicolas Mathieu, Forum Vies Mobiles (2022), Les vies qu'on mène, Le Bec en l'air.
• Tournadre, J. (2025), "Refusal as a critique of the order of things : Bifurcations and utopian longings in contemporary rural France", European Societies.


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