"L'ÉCHAPPÉE DE DEUX SŒURS JUMELLES À CERISY,
AU CŒUR DU RÉEL ET HORS DU TEMPS"
PAR CÉLINE ET INÈS WALLART
Du 22 au 28 aoûtt 2025, s'est tenu à Cerisy le colloque Jocelyn Benoist : rendre justice au réel, sous la direction de Benoît Berthelier, Étienne Bimbenet, Pauline Nadrigny et David Zapero, en présence de Jocelyn Benoist. Voici le ressenti d'une "expérience hors du temps" selon Céline Wallart, étudiante en master de physique (ETH Zürich, Suisse) et Inès Wallart, étudiante en économie (Universität St.Gallen, Suisse).
En tant que bénéficiaire de la Fondation suisse d'études, j'ai eu le privilège de participer au colloque d'une semaine intitulée Jocelyn Benoist : rendre justice au réel, au château de Cerisy-La-Salle.
En effet, la Fondation suisse d'études invite ses bénéficiaires, étudiants en Suisse dans des disciplines très variées, à participer aux divers colloques organisés par Cerisy chaque année. C'est donc dans ce cadre que l'étudiante en master de physique que je suis se retrouva à rencontrer les plus brillants philosophes contemporains du nouveau réalisme.
Ce colloque, réparti entre conférences, débats, et activités récréatives, me fascina. Ayant toujours eu un grand intérêt pour la philosophie, je suivis avec une grande curiosité toutes les conférences et discussions. Les présentations tournèrent autour des pensées que Jocelyn Benoist, récompensé en 2025 par le Grand Prix de Philosophie de l'Académie française, aborda dans ses nombreuses œuvres. Sans Anesthésie, Éléments de Philosophie Réaliste, et nombre d'autres livres, essais et articles présentent une réflexion approfondie sur la nature du réel, l'intentionnalité et la place du sensible.
Une série de conférences en particulier m'inspira. Le sujet du mercredi porta sur l'interdisciplinarité : entre neurosciences et philosophie de la perception, introduction à la mécanique quantique, et coup d'œil en philosophie du droit public, cette journée fut riche en découvertes, impressions durables et débats. Cependant, la conférence que j'ai préférée porta sur la philosophie de l'environnement. Les questions soulevées alors, telles que la valeur intrinsèque des entités naturelles, et la place de l'homme parmi la nature, me marquèrent et me fascinèrent.
En dehors des conférences et discussions en plénière, j'éprouvai un grand plaisir à approfondir maints sujets abordés lors des repas et promenades, autour d'un chocolat chaud ou d'un café à la pause. Ces discussions furent parfaitement complétées par le visionnage du film d'animation japonais Le voyage de Chihiro et le concert de la pianiste Fériel Kaddour. Celles et ceux qui ont participé au colloque étaient très engagés. J'ai notamment appris à mieux les connaître lors des repas, autour d'une table de ping-pong, la raquette à la main, ou lors d'une partie de baby-foot.
Pour conclure, je rajouterai que j'ai beaucoup apprécié la convivialité, l'ouverture d'esprit, et les traditions qui entouraient Cerisy. En apprendre davantage sur le nouveau réalisme et faire toutes ces belles rencontres dans ce si beau château du XVIIe siècle fut un privilège. J'en garderai un excellent souvenir et le grand plaisir d'y avoir noué de nouvelles amitiés.
Céline Wallart
Grâce au programme d'encouragement de la Fondation suisse d'études, j'ai eu l'opportunité de participer à un colloque consacré à la philosophie du nouveau réalisme de Jocelyn Benoist, lauréat du grand prix de Philosophie de l'Académie française. Accueillie dans le cadre idyllique du château de Cerisy, cette rencontre intellectuelle, qui avait pour but de "rendre justice au réel", m'a permis de prendre conscience de la multitude de façons dont nous sommes amenés à interagir quotidiennement avec notre environnement : à travers l'écoute d'une fausse note dans un prélude de Debussy, la contemplation d'une œuvre d'art en trompe-l'œil, ou en fin de soirée lors d'un match de baby-foot endiablé dans les caves du château.
Le colloque s'est distingué par un rythme particulièrement soutenu, représentant pour moi un vrai défi intellectuel quant à la compréhension d'une philosophie dense et complexe, qui, bien que trouvant son origine dans la phénoménologie, s'est imposée aujourd'hui sur la scène philosophique avec un langage et des concepts qui lui sont propres. Pourtant, cela n'a en rien empêché les intervenants de faire habilement résonner ces idées à travers divers courants philosophiques contemporains, tel que l'existentialisme.
En ce qui me concerne, les séminaires interdisciplinaires ont été les plus enrichissants. En abordant leurs disciplines respectives sous le prisme du nouveau réalisme de Jocelyn Benoist, les intervenants m'ont invitée à réfléchir aux applications morales de la philosophie et à leurs implications pour la responsabilité individuelle, la question environnementale et la numérisation. Ainsi, la conférence du philosophe italien Maurizio Ferraris sur la "technosophie", qui constitue la réponse du nouveau réalisme à un monde numérique, a soulevé des questions éthiques concernant l'accès aux données et leur redistribution, qui m'ont particulièrement intéressée. Par ailleurs, étant étudiante en économie, j'ai été sensible à l'analyse de la valeur intrinsèque de la nature à travers la théorie de l'anthropocentrisme décentré ; ce thème a retenu mon attention, l'économie étant par essence une science anthropocentrique.
En un certain sens, participer à ce colloque m'a permis d'exercer pleinement mon esprit critique et m'a amenée à repenser mon rapport aux autres et au langage. Ce fut également une excellente opportunité de découvrir l'univers académique de la Sorbonne, représenté lors de ce colloque par plusieurs de ses professeurs et doctorants.
J'ai pu également constater avec plaisir que les conversations informelles lors des repas s'apparentaient aux débats et discussions qui animent habituellement les séminaires de la Fondation suisse d'études. Alors que la tartine du matin se dégustait autour d'une discussion sur l'animisme dans l'œuvre de Miyazaki, "Le Voyage de Chihiro" ayant été visionné la veille, le déjeuner se prêtait inopinément à une démonstration de physique quantique.
À mon arrivée au château, j'ai été particulièrement marquée lorsque Edith Heurgon, la directrice du centre culturel, a annoncé à l'assemblée réunie au grenier que l'on s'y sentait chez soi après trois colloques. Pour ma part, je peux affirmer que l'hospitalité d'Edith, la gentillesse du personnel et la sérénité des lieux d'emblée m'ont enchantée. J'y ai passé un séjour remarquable et noué des liens qui, je l'espère, perdureront.
Inès Wallart