L'ASSURANCE AU DÉFI DES RUPTURES
DU JEUDI 12 SEPTEMBRE (19 H) AU MERCREDI 18 SEPTEMBRE (14 H) 2024
[ colloque de 6 jours ]
DIRECTION :
Jean-Louis BANCEL, Laurence BARRY, Pierre FRANÇOIS
Colloque organisé dans le cadre du Cercle des partenaires
ARGUMENT :
Depuis la fin du XVIIIe siècle, l'assurance s'est imposée comme un dispositif qui confère de la résilience aux activités humaines, en proposant une compensation lorsque se réalise le risque qui les pénalise. La place de cette activité s'est accrue, pour s'incarner, à la fin du XXe siècle, dans une "société du risque"(1). Elle est devenue un rouage essentiel de l'industrialisation et de l'extension d'un progrès qui se retourne, parfois, contre nous.
La notion de risque évolue et est associée à la finance dont l'assurance n'est devenue qu'une des composantes. La crise de 2008, l'accélération des risques naturels extrêmes (cyclones, sécheresses, etc…) et la pandémie de Covid ont bousculé les certitudes sur la capacité du couple assurance/finance à apporter des solutions pour faire face aux risques du monde de demain.
Le choc de plusieurs ruptures, technologiques (mobilisation des données massives), sociales et économiques (propension des parties prenantes, offreurs comme demandeurs, à faire en sorte que chacun "paie son propre risque"), invite à repenser les fondements de l'assurance, ses objectifs et les techniques mises en œuvre pour les atteindre.
Face à la montée de périls globaux (dépassement des capacités de la Terre, évolutions climatiques…) mais aussi de nouvelles opportunités (médecine personnalisée…) les ressorts traditionnels de l'assurance (aléa, mutualisation, solidarité) sont-ils encore pertinents et opératoires ?
Les participants au colloque s'interrogeront sur les limites et les perspectives d'évolution de l'assurance. Ils tenteront d'esquisser des pistes "d'atterrissage"(2) pour l'assurance.
Les échanges dans l'enceinte du château se combineront avec des visites, en Normandie, permettant d'appréhender des situations, de risques (montée des eaux marines ou confrontation entre des risques industriels et préservation de sites naturels), où l'Assurance/Finance est mise à l'épreuve.
(1) "La société du risque. Sur la voie d'une autre modernité", Ulrich Beck, Champs, n°822, Champs essais, 2008.
(2) Où atterrir ? Comment s'orienter en politique, Bruno Latour, La découverte, 2017.
MOTS-CLÉS :
Assurabilité, Catastrophes, Données massives, Financiarisation, Individualisation du risque, Intelligence artificielle, Réchauffement climatique, Solidarité
CALENDRIER DÉFINITIF :
Jeudi 12 septembre
Après-midi
ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Soirée
Présentation du Centre, du colloque et des participants
Vendredi 13 septembre
Matin
Ouverture du colloque, par Jean-Louis BANCEL, Laurence BARRY & Pierre FRANÇOIS
Le risque avant l'Assurance. La naissance de l'Assurance moderne, l'éclairage de l'histoire
Animation : Pierre FRANÇOIS
Alberto CEVOLINI : Gambling on Claim Frequency : Loss Expectation and the Spread of Risks in the Making of Modern Insurance (Parier sur la fréquence des sinistres : anticipation des pertes et répartition des risques dans la création de l'assurance moderne)
Benoit GIRY : Catastrophe(s) – polysémie, problèmes de mesure
Après-midi
L'Assurance moderne, fondements et limites. Comment en sommes-nous arrivés là ? De l'émergence de l'idée moderne d'Assurance à son encastrement dans la Finance de marché
Animation : Jean-Louis BANCEL
Turo-Kimmo LEHTONEN : Notes on insurance solidarity, its variations and its future (Remarques sur la solidarité assurantielle, ses variantes et son avenir)
Comment l'Assurance s'est-elle encastrée dans la Finance de marché (présentation), table ronde animée par Pierre FRANÇOIS, avec Jean-Louis BANCEL (La Mutualité, de la solidarité à l'absorption pour l'Assurance lors de la transposition des directives européennes d'assurance dans le code de la Mutualité), Florence PICARD et Marc PORIN
Soirée
Jean-Louis BANCEL : La représentation de l'assureur au cinéma
Samedi 14 septembre
LES RELATIONS ENTRE L'ASSURANCE ET L'ACTIVITÉ FINANCIÈRE DE MARCHÉ
Matin
Quart d'heure de la Fabrique de l'Assurance
Évolutions de la Finance contemporaine et interaction avec l'Assurance
Animation : Laurence BARRY
Paul LAGNEAU-YMONET : L'assurance, acteur-clé de la finance ?
Ce que le contrôle par la solvabilité fait à l'Assurance
Animation : Laurence BARRY
Pierre FRANÇOIS : La longue marche de Solvabilité II
Sylvestre FREZAL : La mise en œuvre de Solvabilité II dans les entreprises
Après-midi
Assurance et finance stop ou encore ? (présentation), table ronde animée par Sylvestre FREZAL, avec Édouard VIEILLEFOND et Pierre VAYSSE
Mutualisme et assurance, frère siamois ou frères ennemis ? L'avenir du mutualisme : l'assurance ou la solidarité ? (présentation), table ronde animée par Laurence BARRY, avec Cyril BENOÎT, Christian OYARBIDE et Séverine SALGADO
Soirée
Ciné-club
Dimanche 15 septembre
Matin
Quart d'heure de la Fabrique de l'Assurance
Le traitement des données massives une nouvelle ère pour l'Assurance ?
Animation : Pierre FRANÇOIS
Laurence BARRY : Les données massives : quelles implications en assurance ?
Arthur CHARPENTIER : Certitudes collective et incertitudes individuelles, les données massives changent-elles la donne ?
Big data et santé
Animation : Jean-Louis BANCEL
Chloé BERUT : Les données de santé en France et dans l'UE : quelles perspectives d’accès pour les acteurs privés ?
Après-midi
L'intelligence artificielle générative ouvre-t-elle une nouvelle ère pour l'assurance ?
Animation : Laurence BARRY
Louis ABRAHAM : Les Modèles de Langage : Révolution ou Évolution dans l'Assurance ?
Nicolas BERKOUK : Régulation de l'Intelligence Artificielle : le point de vue d'une autorité de protection des données
Soirée
Ciné-club
Lundi 16 septembre
Matin
Quart d'heure de la Fabrique de l'Assurance
Les risques "catastrophes" un renversement du monde ? Indemniser ou rétablir la nature ? Comment les assureurs peuvent-ils répondre au défi ?
Animation : Jean-Louis BANCEL
Frédérique CHLOUS : Face à l’érosion de la biodiversité : Transformer – Restaurer
Quand la terre ne tourne plus rond, comment peut-on encore être assureur ?, table ronde animée par Laurence BARRY, avec Thierry COHIGNAC, Patrick DEGIOVANNI (Regard d'un assureur et d'un spécialiste de la prévention des risques) et Myriam MERAD
Après-midi
"HORS LES MURS"
Visites de terrain : Surveiller, prévenir, traiter, réparer ou quelle articulation entre sciences et assurances ?
Visite du groupement de laboratoires départementaux (Manche, Orne, Calvados) LABÉO en charge de la sécurité alimentaire, animale, produits de la mer. Avec un axe sur épizooties, pollution et contagion dans les parcs à huitres — Accueil par Stéphane LE GLATIN et Fabienne BENOIT
Soirée
Ciné-club
Mardi 17 septembre
MAINTENANT ET DEMAIN ?
Matin
Quart d'heure de la Fabrique de l'Assurance
L'État assureur en dernier ressort ou davantage ? (présentation), table ronde animée par Jean-Louis BANCEL, avec Daniel BENAMOUZIG (Quelles leçons tirer de la pandémie de la Covid ?), Cyril BENOÎT et Mireille MARTINI (Le rôle de l'État dans la régulation macroprudentielle de l'assurance face aux risques climatiques)
L'Assurance au défi du principe de réalité
Animation : Jean-Louis BANCEL
Kevin LEVILLAIN : Les avaries communes, un nouveau paradigme dans un monde fini ?
Stéphane MULLER : Entre finance de marché et les contraintes de la réalité, quelle voie pour les assureurs ?
Après-midi
La prévention, comment les assureurs embarquent-ils cette activité aux externalités positives ? (présentation), table ronde animée par Roland NUSSBAUM, avec Nicolas BAUDUCEAU et Véronique LEHIDEUX
Soirée
Ciné-club
Mercredi 18 septembre
Matin
Quart d'heure de la Fabrique de l'Assurance
L'assurance vers de nouvelles visions du monde. Business model et enjeux éthiques (présentation), table ronde animée par Pierre FRANÇOIS, avec notamment Sylvestre FREZAL et Sandrine LEMERY
Conclusions, animées par Jean-Louis BANCEL, Laurence BARRY & Pierre FRANÇOIS
Après-midi
DÉPARTS
RÉSUMÉS & BIO-BIBLIOGRAPHIES :
Jean-Louis BANCEL
HEC (78). ENA (82). DESS droit.
Ancien haut fonctionnaire à la Direction des Assurances. Dirigeant dans des entreprises mutualistes d'assurance de dommages et de personnes. Ancien dirigeant de banque. Fondateur du "think-tank" La Fabrique de l'Assurance.
Laurence BARRY : Les données massives : quelles implications en assurance ?
Nous examinerons dans cette présentation la rupture potentielle apportée par les données massives en assurance : est-ce que l'individualisation du risque, depuis longtemps annoncée, est finalement en train de prendre forme ? La réponse est fortement nuancée : d'un côté, un examen historique de l'usage des statistiques et de la quantification du risque montre que la segmentation comme technique assurancielle n'est pas récente. De l'autre, les données massives et les algorithmes qui les accompagnent effectuent un saut qualitatif dont nous essaierons de rendre compte, même si les implications en assurance semblent, pour l'heure, surtout conceptuelles et éthiques.
Ancienne élève de l'École polytechnique, statisticienne économiste de l'ENSAE, et titulaire d'un doctorat de sciences politiques, Laurence Barry est co-titulaire de la chaire PARI (Programme de recherche sur l'Appréhension des Risques et des Incertitudes) depuis 2018 et chercheuse associée au CREST-ENSAE. Elle mène de front des projets académiques et de conseil en actuariat. Ses recherches portent sur les transformations de la rationalité moderne et sa mutation algorithmique et, plus récemment, le gouvernement des catastrophes.
Pierre FRANÇOIS : La longue marche de Solvabilité II
La mise au point de Solvabilité II fut longue et chaotique. Les principales propriétés de la directive (la radicalité des outils dont elle appelle la mise en œuvre et sa complexité) s'expliquent par son processus de négociation, qui obéit à deux principaux mécanismes : une dépendance de sentier (à mesure que la négociation se déroule, il est impossible de revenir sur les options initiales) et une bataille de systèmes qui aboutit à des compromis, partiels et locaux, qui ajoutent à la complexité. Solvabilité II s'impose, au mitan des années 2010, comme un facteur déterminant d'imposition des logiques financières à des segments entiers du monde assurantiel qui pouvaient jusque-là les ignorer.
Diplômé Sciences Po Paris (94). ENS Cachan (97). Agrégation Sc. Sociales (96) Docteur en sociologie (EHESS 96).
A été professeur à l'École Polytechnique et directeur du département de sociologie de Sciences Po, il est depuis 2017 doyen de l'École de la recherche de Sciences Po. Co-directeur de la Chaire PARI de Sciences Po/ENSAE. Auteur, notamment, de Financiariser l'assurance et, avec Claire Lemercier, de Sociologie historique du capitalisme.
Louis ABRAHAM : Les Modèles de Langage : Révolution ou Évolution dans l'Assurance ?
Les modèles de langage (LLM) représentent une avancée technologique majeure en intelligence artificielle, capable de traiter et générer du texte avec une sophistication impressionnante. Leur potentiel de transformation dans divers secteurs, y compris l'assurance, soulève des questions cruciales. Constituent-ils une véritable rupture pour l'industrie de l'assurance, ou sont-ils simplement un outil d'amélioration incrémental ? Cette intervention explorera les caractéristiques des LLM, leurs applications potentielles et les défis qu'ils posent, notamment en termes de gestion des données, de sécurité et d'éthique.
Nicolas BERKOUK : Régulation de l'Intelligence Artificielle : le point de vue d'une autorité de protection des données
L'essor fulgurant des performances des techniques d'apprentissage profond dans les années 2010 a permis de développer des systèmes qui rendent possibles des usages qui hier semblaient inaccessibles. Si ChatGPT en est l'exemple le plus populaire, l'intelligence artificielle ne se limite, et ne se limitera pas à ceux-ci, et on observe dès à présent une profusion de nouveaux systèmes qui reposent sur cette technologie : caméra intelligentes, voitures autonomes, médecine personnalisée, industrie 4.0, etc…
L'Union Européenne s'est dotée cette année, avec le règlement IA, d'un premier cadre réglementaire visant à encadrer la mise sur le marché des systèmes d'IA. Pour autant, ce règlement s'applique sans préjudice des textes européens pré-existants, et en particulier du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). En effet, les données personnelles constituent le carburant par lequel les modèles d'IA sont nourris, et leur développement est incidemment soumis au RGPD.
Dans cette présentation, j'introduirai les grands enjeux de l'application des principes de la protection des données au développement et déploiement de systèmes d'IA, ainsi que certaines décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne fondées sur le RGPD qui pourraient avoir un impact jurisprudentiel sur le monde des assureurs.
Chloé BERUT : Les données de santé en France et dans l'UE : quelles perspectives d’accès pour les acteurs privés ?
Avec la numérisation croissante de nos activités et le développement de l'intelligence artificielle, la question de l'accès aux données est devenue centrale sur l'agenda politique. Cela est particulièrement vrai pour les données de santé, dont l'exploitation à grande échelle offre de nombreuses promesses, que ce soit en matière de recherche médicale ou d’amélioration du parcours de soins. Toutefois, en raison de leur caractère sensible, les données de santé sont soumises à de nombreuses régulations, tant au niveau national qu'européen. L'objectif de cette présentation est d'examiner les dynamiques sociales et politiques qui sous-tendent ces régulations sur le long terme. En effet, la situation actuelle ne peut être comprise qu'à la lumière des nombreuses évolutions qui ont structuré ce secteur, notamment celles initiées par le secteur assurantiel au début des années 2000. Nous reviendrons ainsi sur la création de l'Institut des Données de Santé en 2004, puis sur celle du Health Data Hub à la fin des années 2010, avant d'aborder les changements induits par la toute récente adoption de la régulation européenne concernant un "Espace européen des données de santé".
Sciences Po Grenoble (2015), Doctorat en sciences politiques (Université Grenoble Alpes, 2020). Chercheuse postdoctorante à l'université Ca' Foscari de Venise (bourse européenne Marie Skłodowska-Curie). Ses travaux ont été publiés dans plusieurs revues académiques françaises et internationales, telles que Gouvernement et Action publique, Politique européenne, Governance, et West European Politics.
Alberto CEVOLINI : Gambling on Claim Frequency : Loss Expectation and the Spread of Risks in the Making of Modern Insurance
There is historical evidence that the two main principles underlying modern insurance business, i.e., loss expectation and the spread of risks, were not unknown in late-medieval and early-modern insurance practice. The former was embedded into premium rates and explains why in late-medieval and ear¬ly-modern insurance contracts, premiums were expressed not as a bare sum but in the form of a rate. The latter was clearly formulated by Benedetto Cotrugli as he recommended to underwrite "continuously, & upon every ship, because the one offsets the other, & by pooling, [insurers] cannot but make a profit". In my talk I focus on the principle of loss expectation and argue that underlying this principle there was a kind of commodification of uncertainty that both propelled and was underpinned by the semantic distinction of risk and danger. I finally sketch out some of the reasons why the basic principles underlying insurance business could find full exploitation only in modern society. My argument is that if a statistical calculus of probability for insurance purposes was first carried out between the mid-17th century and the mid-18th century, it was not because of a deficit of ideas but because of a deficit of social structures. Compared to modern insurance business, late-medieval and early-modern insurance agreements were a form of gambling based on some estimate of claim frequency.
Alberto CEVOLINI : Parier sur la fréquence des sinistres : anticipation des pertes et répartition des risques dans la création de l'assurance moderne
Nous avons les preuves historiques que les deux grands principes qui sous-tendent le secteur de l'assurance moderne, à savoir l'espérance de perte et la répartition des risques, n'étaient pas inconnus dans la pratique de l'assurance de la fin du Moyen Âge et du début de l'époque moderne. Le risque était intégré aux taux de primes ce qui explique pourquoi dans les contrats d'assurance de la fin du Moyen Âge et du début de l'époque moderne, les primes n'étaient pas exprimées sous forme d'une simple somme mais sous la forme d'un taux. La répartition des risques a été clairement formulée par Benedetto Cotrugli qui recommandait de souscrire "en continu, et sur chaque navire, parce que l'un compense l'autre, et en se regroupant, [les assureurs] ne peuvent que faire du profit". Dans mon exposé, je me concentrerai sur le principe de l'espérance de perte et je soutiendrai que, sous ce principe, il y avait une forme de marchandisation de l'incertitude qui à la fois véhiculait et était sous-tendue par la distinction sémantique entre risque et du danger. Enfin, j'esquisserai quelques-unes des raisons pour lesquelles les principes fondamentaux qui sous-tendent le secteur de l'assurance ne peuvent trouver leur pleine exploitation que dans la société moderne. Mon argument est que si un calcul statistique de probabilité destiné à l'assurance n'a été réalisé pour la première fois qu'entre le milieu du XVIIe et le milieu du XVIIIe siècle, ce n'était pas à cause d'un manque d'idées mais à cause des insuffisances de structures sociales. Comparés aux activités modernes de l'assurance, les contrats d'assurance de la fin du Moyen Âge et du début de l'ère moderne étaient une forme de pari basé sur une certaine estimation de la fréquence des sinistres.
Alberto Cevolini est professeur associé de sociologie à l'université de Modène et Reggio Emilia. Il a été boursier de la Fondation Alexander von Humboldt à l'université de Constance (2010/12), boursier du Max-Weber Kolleg à l'université d'Erfurt (2022/23) et professeur invité à l'université de Bielefeld (2019/20). Ses articles sur la sociologie du risque et de l'assurance ont été publiés dans les revues Soziale Systeme, Valuation Studies, Big Data & Society, European Journal of Futures Research, Journal of Historical Sociology.
Arthur CHARPENTIER : Certitudes collective et incertitudes individuelles, les données massives changent-elles la donne ?
Dans cette intervention, nous commencerons par un détour historique et sociologique en revenant sur les travaux d'Émile Durkheim et Max Weber. Ces chercheurs ont montré que bien que les actions individuelles puissent être imprévisibles, les comportements collectifs suivent des schémas réguliers. En agrégeant les actions individuelles, nous observons des régularités au sein de groupes plus larges, une idée illustrée par la prédictibilité du suicide dans le contexte des données massives. Ensuite, nous aborderons les réflexions de Herbert Simon et sa théorie de la rationalité limitée, suggérant que malgré les limites cognitives des individus, les rendant individuellement imprévisibles, des modèles prévisibles émergent dans la prise de décision globale. Nous explorerons ensuite des questions épistémologiques en discutant l'interprétation fréquentiste des probabilités, laquelle requiert la répétition pour être quantifiée, et la difficulté d'associer une probabilité à un événement unique. La réponse bayésienne, qui interprète les probabilités comme des croyances ou des scores, complique la relation avec l'équité actuarielle. Nous questionnerons la calibration des modèles et l'interprétation des scores à travers des exemples simples, tels que "avoir 70% de chances qu'une opération militaire réussisse" ou "avoir 70% de chances de pluie entre 14 et 15 heures". Enfin, nous conclurons en prenant en compte le caractère temporel de la prévision : prévoir un accident 15 minutes avant qu'il ne survienne n'est pas équivalent à le prévoir un an à l'avance.
Frédérique CHLOUS : Face à l’érosion de la biodiversité : Transformer – Restaurer
Nos sociétés connaissent des changements environnementaux à une intensité et une vitesse jamais égalées. Ceux-ci sont notamment documentés par les rapports des plateformes intergouvernementales GIEC et IPBES qui synthétisent les nombreuses études scientifiques à ce sujet. Les pressions qui pèsent sur la biodiversité sont documentées et l'origine anthropique ne fait aucun doute. La question majeure n'est pas tant la question des ressources disponibles, mais de la capacité des écosystèmes à absorber les conséquences de nos activités et donc de l'habitabilité de la terre pour les humains et les autres vivants. Il est alors impératif d'agir et si l'assurance fonctionne majoritairement sur les deux principes que sont la prévention et la réparation, n'est-il pas envisageable de s'orienter vers la transformation et la restauration ?
Frédérique Chlous est , Professeure d'anthropologie, Directrice générale déléguée à la recherche, l'Expertise, la Valorisation et l'Enseignement, Muséum national d'Histoire naturelle, Paris. Dans le contexte d'effondrement de la biodiversité, ses recherches portent sur les relations entre humains et environnement, plus spécifiquement sur les milieux marins et côtiers, dans une perspective d'anthropologie sociale et culturelle. Les travaux menés concernent les savoirs, les savoir-faire, les représentations sociales de l'environnement et également les formes de gouvernance des espaces naturels incluant les parties prenantes. Les démarches participatives sont expérimentées et analysées, celles-ci permettent de prendre en compte la diversité des relations que les habitants tissent avec leur environnement, les processus de patrimonialisation et de discuter des formes de gestion.
Patrick DEGIOVANNI : Regard d'un assureur et d'un spécialiste de la prévention des risques
Un assureur n'existe que parce qu'il y a du risque et donc une croissance du risque peut tout à fait apparaître comme une opportunité. Mais il y a plusieurs limites à cette vision : Capacité à quantifier un risque pour le tarifer ? Inassurabilité du risque certain ! Limites de la mutualisation et de la segmentation ? Besoin de fonds propres croissants et réassurance ! Acceptabilité des primes par le client potentiel ?
Patrick Degiovanni est statisticien économiste et actuaire de formation, assureur pendant 40 ans, spécialisé en assurance dommages et en dernier lieu directeur général adjoint de Pacifica, la compagnie d'assurance dommages du Crédit Agricole. Il est aujourd'hui président du CNPP (Protection et Prévention), du FGAO (Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires).
Sylvestre FREZAL : La mise en œuvre de Solvabilité II dans les entreprises
Dans un premier temps, nous décrirons les différentes questions que l'implémentation opérationnelle de Solvabilité II dans les entreprises a soulevées, qui sont de natures diverses : méthodologiques, organisationnelles, impact business, outils. Dans un second temps, nous contrasterons les adaptations induites selon les profils des acteurs ayant été exposés à l'introduction de cette réglementation.
Sylvestre Frezal a une vingtaine d'années d'expérience dans l'assurance, où il a notamment été Directeur Général Délégué de Covéa (MAAF, MMA, GMF), administrateur de PartnerRe (10ème réassureur mondial), co-fondateur du courtier digital Appenin, et Directeur des Risques d'Assurance et Financiers de Generali France. Il a également été commissaire-contrôleur des assurances, et avait co-fondé la chaire PARI. X-ENSAE, actuaire, il a un doctorat en Sciences de gestion.
Benoit GIRY : Catastrophe(s) – polysémie, problèmes de mesure
Dans le monde social, de nombreux acteurs (médiatiques, politiques, économiques, etc.) concourent à qualifier les évènements afin de distinguer les "normaux" des "catastrophiques", ces derniers exigeant un effort collectif particulier de prise en charge. Ces différences d'appréciation et leurs déterminants ont fait l'objet d'une littérature importante. Face à la diversité des critères, ces travaux ont contribué à dissoudre l'intérêt analytique de la notion de catastrophe, de plus en plus considérée comme une concession au langage commun, de moins en moins comme un concept sociologique à même de rendre compte d'une classe distincte et relativement homogène de phénomènes. Dans cet exposé, nous proposerons de montrer qu'une définition sociologique relativement autonome de la catastrophe est possible et nous envisagerons des pistes concrètes afin de mesurer le phénomène qu'elle désigne.
Paul LAGNEAU-YMONET : L'assurance, acteur-clé de la finance ?
"Assurance et finance" : le syntagme invite à l'étude de l'une ou de l'autre des deux implications possibles de la relation entre une action économique spécifique — garantir, moyennant rémunération, contre certains risques — et le fonctionnement ordinaire de tout un secteur d'activité, qualifié de financier parce qu'il a trait aux (grandes) affaires d'argent. Quelles sont, d'une part, les contributions de l'assurance — ses techniques, ses métiers, ses organisations et les professionnels qui les animent — à la finance ? Quels sont, d'autre part, les effets sur l'assurance des évolutions du secteur financier ? Cette intervention n'abordera pas la seconde implication, à laquelle Pierre François, avec la participation de Sylvestre Frezal, a consacré un maître-ouvrage. Après avoir rappelé que les rapports entre assurance et finance ont un long passé, je chercherai plutôt à répondre à la question suivante : quels rôles les assureurs ont-ils joué dans le processus de financiarisation qui, depuis les années 1970, a affecté l'économie française ?
Paul Lagneau-Ymonet, maître de conférences en sociologie, Université Paris Dauphine – PSL, IRISSO ; senior visiting fellow à l'International Inequalities Institute de la London School of Economics and Political Science.
Turo-Kimmo LEHTONEN : Notes on insurance solidarity, its variations and its future
What makes insurance a particular social technology is the way in which it builds on mechanisms of pooling ; by definition, insurance is about sharing and distributing responsibility regarding future risks. The inbuilt sharing of risk makes the concept of 'solidarity' relevant for all insurance, as François Ewald emphasized already 40 years ago in his major work L'État providence. However, the reference is not to solidarity 'in general' but to particular forms of solidarity that are especially characteristic of insurance. This presentation will identify three of them : chance solidarity, risk solidarity and income solidarity. The main aim of the talk is to clarify how these forms of insurance solidarity differ from each other, while claiming that the (often implicit and unarticulated) necessity to choose which one of these forms of solidarity to emphasize makes insurance an inherently moral and political social technology. In addition, the paper addresses the question how the moral philosophical notions of 'solidarity' and 'fairness' relate to each other, and how the practical meanings of such concepts can vary. For example, it is noteworthy that insurance practices that rely on the conception of 'actuarial fairness' can in some social situations seem deeply 'unfair'. Empirically, the talk is based on examples given by three sources : the history of private insurance marketing in Finland, the more recent developments of digital self-tracking applied to personal insurance, and cyber insurance.
Comment l'Assurance s'est-elle encastrée dans la Finance de marché, table ronde animée par Pierre FRANÇOIS, avec Jean-Louis BANCEL (La Mutualité, de la solidarité à l'absorption pour l'Assurance lors de la transposition des directives européennes d'assurance dans le code de la Mutualité), Florence PICARD et Marc PORIN
Historiquement, l'assurance constitue l'un des segments des activités financières. Au cours des 30 dernières années, les principes de capillarité entre l'activité des assureurs et celles qui relèvent de la finance de marché se sont multipliés : les raisonnements issus des mathématiques financières innervent désormais les calculs des assureurs ; parce qu'ils sont en Europe les premiers investisseurs institutionnels, les assureurs jouent un rôle déterminant sur les marchés financiers ; la construction de groupes financiers mêlant gestion d'actif, activités bancaires et assurance peut introduire des passerelles entre des activités autrefois bien étanches. Comment en est-on arrivés là ? Seront évoquées, notamment, la distinction des logiques financières et assurantielles, le rôle des règles européennes et celui des concentrations à l'œuvre dans le monde financier en général et celui des assureurs en particulier, et les conséquences de la recomposition des liens entre finance et assurance pour le secteur mutualiste d'une part, le groupe des actuaires d'autre part.
Florence PICARD
Docteur en mathématique, diplômée de Sciences Cognitives et membre de l'institut des actuaires, Florence Picard a exercé sa carrière professionnelle en tant que directeur et directeur général dans la finance et l'assurance. Elle occupe maintenant des fonctions d'administrateur et de membre de comités scientifiques, notamment : administrateur de HSBC Assurance et présidente du comité d'audit et des risques, membre du Comité des Chaires et du conseil scientifique du CNAM, membre du comité de direction de l'ILB, membre du CA de la Société Française de Statistiques. Elle anime depuis 2013 des groupes de travail sur les sujets du numérique : machine Learning, intelligence artificielle, blockchain, et plus récemment sur le thème "Anticiper en Univers Incertain" et l'assurabilité des risques . Elle intervient également dans les instances de fondations et associations de solidarité : Institut du Cerveau, Ligue contre le Cancer, Partage avec les enfants du monde.
Assurance et finance stop ou encore ?, table ronde animée par Sylvestre FREZAL, avec Édouard VIEILLEFOND et Pierre VAYSSE
L'un des aspects de la financiarisation d'un secteur est le tropisme au démembrement de ses activités, horizontalement ou verticalement, en acteurs spécialisés sur un grain de marché ou sur un segment de la chaîne de valeur. Ces composantes au couple risque/rendement "pures" peuvent alors être incorporées à des portefeuilles d'investisseurs ou d'assembleurs. Nous nous interrogerons sur l'effectivité d'une telle tendance au sein du secteur assurantiel et sur son avancement différencié entre grandes catégories d'acteurs.
Sylvestre FREZAL
Sylvestre Frezal a une vingtaine d'années d'expérience dans l'assurance, où il a notamment été Directeur Général Délégué de Covéa (MAAF, MMA, GMF), administrateur de PartnerRe (10ème réassureur mondial), co-fondateur du courtier digital Appenin, et Directeur des Risques d'Assurance et Financiers de Generali France. Il a également été commissaire-contrôleur des assurances, et avait co-fondé la chaire PARI. X-ENSAE, actuaire, il a un doctorat en Sciences de gestion.
Édouard VIEILLEFOND
Édouard Vieillefond est ingénieur, ancien élève de l'École polytechnique, de l'École nationale supérieure de l'aéronautique et de l'espace (Sup'Aéro) et titulaire d'un DEA d'économie industrielle. Passé par plusieurs postes au sein de la Direction générale du Trésor au début de sa carrière, Édouard Vieillefond a été notamment, de 2006 à 2009, Directeur de Participations chargé des entreprises du secteur de l'énergie au sein de l'Agence des Participations de l'État (APE). Il est ensuite, de 2009 à 2013, Secrétaire général adjoint, Directeur de la régulation et des Affaires internationales à l'AMF. Il rejoint le Groupe Covéa en 2014, où il occupe plusieurs postes jusqu'à celui de Directeur général de GMF de 2018 à 2020. Depuis avril 2021, il était à la tête de sa structure de conseil, Praesential. Édouard Vieillefond a été nommé à compter du 1er juillet 2023, par le Président de la République, Directeur général de CCR, sur proposition du conseil d'administration (décret du 16 juin 2023). Il y occupait depuis neuf mois les fonctions de Directeur général délégué du groupe CCR.
Mutualisme et assurance, frère siamois ou frères ennemis ? L'avenir du mutualisme : l'assurance ou la solidarité ?, table ronde animée par Laurence BARRY, avec Cyril BENOÎT, Christian OYARBIDE et Séverine SALGADO
Pour François Ewald, les mécanismes assurantiels, qu'ils prennent la forme de l'État social, de mutuelles d'assurance ou celui de compagnies d'assurance à but lucratif, produisent toujours de la solidarité : a minima, ce sera une solidarité "aléatorique" telle que la définit Turo-Kimmo Lehtonen. L'objet de cette table ronde sera d'interroger cette affirmation, en mettant en avant les spécificités historiques et culturelles des sociétés mutuelles d'assurance dans la construction et la pratique de la solidarité. Mais cette spécificité tendrait-elle à disparaitre ? Dans un second temps, nous envisagerons certaines des ruptures auxquelles est confrontée l'assurance (au sens large) pour mettre en avant les défis propres aux mutuelles : comment faire face au vieillissement de la population dans un univers concurrentiel ? Comment se positionner, en tant que mutualiste, face aux mutations technologiques que constituent les données massives et les algorithmes prédictifs ?
Cyril BENOÎT
Cyril Benoît est chargé de recherche CNRS. Ses recherches s'inscrivent dans le périmètre de l'économie politique comparative. Combinant des méthodes quantitatives et qualitatives, elles portent plus particulièrement sur les politiques de régulation, l'influence des entreprises privées dans l'action publique, et la manière dont les institutions politiques (particulièrement législatives) façonnent les politiques économiques. Docteur en science politique (2016, IEP de Bordeaux), Cyril Benoît a notamment été chercheur invité à l'université de Sheffield, boursier de la Hoover Institution à l'université Stanford et Visiting Fellow de Nuffield College, Université d'Oxford. Il est membre du comité de rédaction de la revue Politique européenne.
Christian OYARBIDE
Christian Oyarbide est dirigeant mutualiste depuis plus de quinze ans après avoir exercé le même type de fonction dans d'autres environnements assurantiels. Il est co-fondateur du Cercle Vivienne, think tank réunissant des acteurs de la protection sociale complémentaire. Il a publié en 2023 aux éditions les petits matins Réinventer le mutualisme et co dirigé en 2024 un ouvrage collectif chez le même éditeur réunissant des dirigeants mutualistes : 20 propositions pour changer le mutualisme. Actuellement il co-conduit un projet de rassemblement de mutuelles pour le financement de thèses de recherches universitaires sur le mutualisme. Christian Oyarbide est Président de Mutlog.
Séverine SALGADO
Séverine Salgado est Directrice générale de la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) depuis le 1er juillet 2021, elle y était auparavant Directrice déléguée à la santé depuis 2017. D'abord inspectrice du Trésor Public à la Direction générale des finances publiques, elle a ensuite rejoint en 2008 la Direction de la Sécurité sociale où elle a successivement été chargée de mission auprès du directeur de la Sécurité sociale, cheffe du bureau relations avec les professionnels de santé et cheffe de la Division des affaires européennes et internationales. Elle a également été rapporteure à la troisième chambre de la Cour des comptes — secteur enseignement supérieur et recherche (2012-2014). Ancienne élève de l'École Nationale d'Administration, Séverine Salgado est titulaire d'un DESS "Banque et finances européennes" à l'université des Sciences Sociales de Toulouse et diplômée de l'IEP de Toulouse.
L'État assureur en dernier ressort ou davantage ?, table ronde animée par Jean-Louis BANCEL, avec Daniel BENAMOUZIG (Quelles leçons tirer de la pandémie de la Covid ?), Cyril BENOÎT et Mireille MARTINI (Le rôle de l'État dans la régulation macroprudentielle de l'assurance face aux risques climatiques)
Pendant longtemps l'assurance a été une activité considérée comme dangereuse pour la collectivité du fait de sa nature aléatoire donc spéculative puis du fait de la difficulté à pouvoir appliquer la "loi des grands nombres" dans certains risques trop étroits et volatils.
Ceci a conduit à assurer une mission de police sur l'activité d’assurance. En autorisant les opérateurs habilités à prendre des risques d'assurance, puis ensuite en fixant des règles sur le contrat d'assurance étant censées "équilibrer" les relations entre assureurs et assurés. C'est dans ce cadre que l'État régulateur a défini des règles générales d'exclusion du fait des occurrences de sinistres de masse (faits de guerre, épidémie, etc…). Là où l'assurance ne peut pas intervenir les textes prévoient l'intervention de la "collectivité nationale" intervienne via l'État au titre de la solidarité (cf constitution as des calamités publiques). Toutefois l'évolution des pratiques générées par la mise en place de l'État providence a conduit à une évolution des attentes vis-à-vis de l'État que ne saurait plus seulement être un policier mais un "assureur en dernier ressort" pour couvrir les risques jugés insupportables individuellement. Avec la place des assurances obligatoires et l'intervention de l'État via des régimes d'assurance hybrides les distinguos entre assurance et solidarité sont-ils encore pertinents ?
Au regard des défis qui nous attendent : défis climatiques se traduisant par des phénomènes naturels (inondations, sécheresse, etc,) allant croissant en nombre et en intensité jusqu’où l'État doit-il, peut-il aller pour que les assureurs fassent leur métier ? A défaut ne faudrait-il pas envisager de changer de paradigme ?
Cyril BENOÎT
Cyril Benoît est chargé de recherche CNRS. Ses recherches s'inscrivent dans le périmètre de l'économie politique comparative. Combinant des méthodes quantitatives et qualitatives, elles portent plus particulièrement sur les politiques de régulation, l'influence des entreprises privées dans l'action publique, et la manière dont les institutions politiques (particulièrement législatives) façonnent les politiques économiques. Docteur en science politique (2016, IEP de Bordeaux), Cyril Benoît a notamment été chercheur invité à l'université de Sheffield, boursier de la Hoover Institution à l'université Stanford et Visiting Fellow de Nuffield College, Université d'Oxford. Il est membre du comité de rédaction de la revue Politique européenne.
Mireille MARTINI : Le rôle de l'État dans la régulation macroprudentielle de l'assurance face aux risques climatiques
Face aux risques climatiques, les régulateurs macroprudentiels européens s'orientent vers une hiérarchie des solutions où l'État n'intervient qu'en tout dernier ressort. En s'appuyant sur des exemples de pays où ce type de choix a été fait, on s'interrogera sur son bilan socio-économique et sur une option alternative qui pourrait être "davantage d'État".
Diplômée de l'ESSEC en 1985, Mireille Martini a mené une carrière bancaire en financement de projets internationaux (Calyon à Moscou, BERD à Londres, Caisse des Dépôts à Paris). En 2015, elle s'est orientée vers la finance climat passant notamment par l'OCDE. Elle est l'auteur, avec l'économiste Alain Grandjean, de l'ouvrage Financer la transition énergétique (Éditions de l'Atelier, 2016) et de l'article "Watered down ? Investigating the materiality of water related risks in the financial system" (publications de l'OCDE).
La prévention, comment les assureurs embarquent-ils cette activité aux externalités positives ?, table ronde animée par Roland NUSSBAUM, avec Nicolas BAUDUCEAU et Véronique LEHIDEUX
La prévention, en tant qu'activité reconnue des parties prenantes à la gestion des risques naturels, s'étend bien au-delà des mesures individuelles, des grands ouvrages de protection ou de l'alerte précoce dispensée elle aussi par des organismes d'État. L'engagement des acteurs et même des bénéficiaires, est allé croissant avec leur acculturation au risque. Avec un État volontariste en France, le service et les entreprises d'assurance ont contribué à enclencher un processus de changement des mentalités. En cohabitation avec les nombreuses externalités positives en jeu, un secteur économique de la prévention des risques s'installe, que l'assurance tente de contribuer à viabiliser. Le diagnostic de prévention des risques tente de s'inscrire dans la trajectoire du diagnostic de performance énergétique…
Pour autant, le poids macroéconomique de la prévention dans une approche nationale du cout global annuel des grands postes constitutifs de la maitrise des "dangers naturels" (selon formulation suisse) demeure partout incertain. Selon une estimation ancienne de PLANAT, la plateforme nationale suisse, qui a été pionnière en la matière, mais a retiré cette publication officielle de son site, l'ordre de grandeur des ressources allouées à la prévention (amortissement des investissements + fonctionnement) serait de l'ordre de grandeur du cumul des indemnisations par l'assurance publique ou privée, loin devant bien sûr les dépenses de sécurité civile, elles-mêmes bien devant elles de "constitution des connaissances" (carto, vigilance, etc), c'est-à-dire l'action publique de terrain et la recherche appliquée pour le développement de connaissances et méthodes de prévention aux différentes échelles. Les informations en provenance d'autres pays, y compris la France, ne sont pas constituées, en dépit d'une collaboration internationale organisée en réduction des risques de catastrophes (cf. UNDRR). Un référentiel national très important en France est apporté par le monitoring les flux d'investissements du Fonds Barnier, dans les programmes PAPI notamment Ces derniers démontrent l'existence d'un flux de financement conséquent de l'assurance vers la prévention, de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros par an, ce qui peut être considéré comme une source de fierté nationale, eu égard aux difficultés posées par une politique de financement public de la prévention. Mais sans savoir ce qui se passe pour les autres aléas, et l'on se situerait donc bien en dessous des équilibres suisses, s'ils sont confirmés, pour ce qui est du montant cumulé des ressources annuelles allouées à la prévention, rapporté au montant des primes et/ou des indemnisations cumulées annuellement. On rappelle l'argument onusien qui soutient que un euro investi en prévention économise 7 euros de dommages !
Les interventions et débats entre nos trois panélistes vont s'attacher à expliquer, analyser et commenter "l'embarquement par les assureurs de cette activité de prévention, en apparence périphérique, aux externalités positives".
Nicolas BAUDUCEAU
Nicolas Bauduceauest directeur du Département Conseil en prévention et Fonds Publics - Direction des Réassurances, du Conseil et de la Modélisation à la CCR.
Véronique LEHIDEUX
Véronique Lehideux est cheffe du Service des Risques Naturels et Hydrauliques (SRNH) à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de la transition écologique.
Roland NUSSBAUM
Roland Nussbaum est Administrateur et membre du Bureau exécutif de l'Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT) ; Membre du Conseil scientifique de la Fondation MAIF pour la recherche en prévention ; Créateur et directeur pendant 20 ans de la Mission des sociétés d'assurances pour la connaissance et la prévention des Risques Naturels (MRN), association spécialisée entre les entreprises de France Assurances qui opèrent dans la branche d'assurance des catastrophes naturelles. Il est également Ancien président du "Natural Hazards Working Group" de Insurance Europe ; Ancien Expert National Détaché auprès des services de la Commission européenne (DG FISMA) ; Ingénieur civil des mines et Titulaire d'un HEC Executive MBA. Il est auteur de nombreux articles sur l'assurance et la prévention des catastrophes naturelles.
L'assurance vers de nouvelles visions du monde. Business model et enjeux éthiques, table ronde animée par Pierre FRANÇOIS, avec notamment Sylvestre FREZAL Sandrine LEMERY
Les enjeux discutés durant le colloque sont susceptibles de remettre en cause le modèle économique des assureurs tel qu'il s’est progressivement stabilisé au cours des deux derniers siècles : les chocs successifs de la financiarisation, de la mobilisation des données massives et des défis posés par la prise en compte du risque climatique sont susceptibles de profondément redessiner les contours de la mutualisation, voire de remettre en cause son principe même. Cette remise en cause emporterait avec elle des conséquences normatives considérables : si l'on admet, avec François Ewald, que la mutualisation assurantielle constituait bien plus qu'un dispositif technique mais qu'elle était au fondement du lien social tel qu'il s'est construit et déployé au sein des sociétés occidentales du XXe siècle — alors on voit que remettre en cause la couverture collective des risques est susceptible d’ébranler nos sociétés dans leur fondement même.
Sylvestre FREZAL
Sylvestre Frezal a une vingtaine d'années d'expérience dans l'assurance, où il a notamment été Directeur Général Délégué de Covéa (MAAF, MMA, GMF), administrateur de PartnerRe (10ème réassureur mondial), co-fondateur du courtier digital Appenin, et Directeur des Risques d'Assurance et Financiers de Generali France. Il a également été commissaire-contrôleur des assurances, et avait co-fondé la chaire PARI. X-ENSAE, actuaire, il a un doctorat en Sciences de gestion.
SOUTIENS :
• Matmut
• Mutuelle du logement MUTLOG
• La Fabrique d'Assurance
• La Fabrique de la Cité