Témoignage

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"RESSENTIS D'UNE STAGIAIRE AU SEIN DU CCIC"

RENCONTRE AVEC THERESA BARTINGER


Autrichienne, Theresa Bartinger étudie le latin et le français qu'elle enseigne déjà en parallèle, dans un lycée privé de Graz. Elle a fait le choix de mettre à profit l'été pour faire un stage au Centre culturel international de Cerisy. À quelques jours de son départ (et de sa double rentrée "scolaire"), elle a bien voulu témoigner de son expérience.

Fabienne Peyrou, Theresa Bartinger, Edith Heurgon


Si vous deviez vous présenter ?

Theresa Bartinger : J'étudie le latin et le français dans la perspective de devenir enseignante. En parallèle, j'enseigne déjà le latin dans un lycée de Graz. La rentrée y débute d'ailleurs dès le lendemain de mon départ de Cerisy, le 6 octobre prochain — je ferai entretemps une escale à Paris.

Nous faisons l'entretien à une semaine de ce départ, et donc un mois après votre arrivée. Comment l'idée vous-est-elle venue de faire un stage à Cerisy ?

Theresa Bartinger : Je dois à la vérité de dire que je ne connaissais pas Cerisy avant de postuler pour un stage. C'est mon professeur de littérature qui m'a incitée à le faire : il connaissait le lieu pour y être déjà allé, et il avait vu l'annonce que Cerisy avait diffusée dans ses réseaux. Naturellement, j'ai été intéressée et ai donc postulé. La suite vous la connaissez !

La première fois que je vous ai vue, c'était à l’occasion du colloque Ports et portes. Je pensais que vous étiez arrivée depuis déjà plusieurs semaines, tant vous paraissiez familière avec le lieu. En réalité, vous y étiez arrivée la veille… Comment expliquez-vous le fait de ne pas avoir semblé plus impressionnée que cela ?

Theresa Bartinger : Impressionnée, je l'étais — je n'ai pas eu souvent l'occasion de vivre dans un château ! Mais en arrivant la veille du jour de démarrage du colloque, j'ai eu le temps de le découvrir en me baladant autour, de visiter aussi chacune des pièces, chacune des chambres. Tant et si bien que, dès le lendemain, le jour de l'arrivée des colloquants, le lieu m'a paru déjà un peu familier.

Qu'avez-vous fait au cours de ce stage ?

Theresa Bartinger : J'ai travaillé directement avec l'équipe du secrétariat du CCIC. Une de mes premières missions consistait, comme je l'ai dit, à accueillir les participants des colloques — en plus de répondre à leurs questions, je gérais le planning des arrivées et des départs, m'occupais du règlement de leur séjour. J'ai été aussi en charge de la gestion des publications du CCIC (les actes de colloque, pour l'essentiel). À la suite des stagiaires précédentes et avec l'aide d'autres personnes, j'ai participé au réaménagement complet du lieu de stockage des publications en vente. Enfin, à l'occasion de chaque colloque, avec le concours d'Edith (Heurgon), j'organisais les désormais fameuses "bibliothèques éphémères" à l'occasion desquelles sont exposés les actes en rapport avec la thématique du colloque en cours. De temps à autres, j'ai assisté à des communications. Une chance ! De même le fait de pouvoir partager les repas avec les colloquants.

Au-delà de cela, quels souvenirs gardez-vous de ce stage ? Des moments vous ont-ils particulièrement marquée ?

Theresa Bartinger : Deux me reviennent spontanément à l'esprit. Le premier a à voir avec le premier colloque auquel j'ai assisté : Ports et portes. Un doctorant suisse y participait. Il se trouve que mon propre compagnon a grandi en Suisse et que son frère n'était autre qu'un très bon ami de ce doctorant suisse !

"Le monde est décidément petit !"

Theresa Bartinger : C'est ce que je me suis dit, mais en trouvant que c'était particulièrement le cas à Cerisy ! La suite devait me confirmer que c'est un lieu particulier où peuvent se rencontrer des gens qui ne se connaissent pas forcément, mais qui se découvrent des liens improbables !

Et le deuxième moment vous ayant marquée, quel est-il ?

Theresa Bartinger : C'est la soirée organisée dans les caves du château, à l'issue du colloque La performance comme méthode. Quand les arts vivants rencontrent les sciences sociales (rires). Les colloquants y dansaient ou jouaient au ping-pong. C'était comme la version in du colloque off, à l'image du Festival d'Avignon. Personnellement, j'ai eu l'impression de faire plus ample connaissance avec les colloquants à ce moment-là, mais sans avoir, cette fois, besoin de recourir à la parole !

Qu'en est-il de votre impression quant au rapport de Cerisy au monde, à son actualité. Parleriez-vous d'un temps de déconnexion ou, au contraire, d'un autre mode de connexion avec eux ? Personnellement, j'ai l'impression que son actualité continue à s'inviter, ne serait-ce qu'à travers les journaux, et les commentaires qu'en font les colloquants, lors de communications ou des échanges plus informels.

Theresa Bartinger : Oui, en effet, à Cerisy, je n'ai pas eu l'impression d'avoir été coupée du reste du monde. Et cela ajoute encore au caractère paradoxal de Cerisy, car il faut rappeler que le CCIC se trouve dans un village d'à peine un millier d'habitants. D'ailleurs, des proches se sont inquiétées de savoir si je ne craignais pas de me retrouver seule, enfermée dans un château, tributaire des autres pour me déplacer — je n'ai pas de voiture. En fait, je n'ai pas eu ce sentiment. C'est même tout le contraire ! Et je crois que ça tient à la magie de Cerisy : les colloques s'enchaînent avec, à chaque fois, des groupes de personnes différentes, qui arrivent avec leur vécu, leurs questionnements, leur regard sur l'actualité, le monde. Bref, ici, nous sommes dans un changement perpétuel, dans un lieu qui, lui, reste le même. Ce qui est plutôt rassurant.

Repartez-vous avec le sentiment d'être transformée ?

Theresa Bartinger : Transformée ? Non, je ne dirai pas cela. Je n'ai pas le sentiment d'être devenue une autre personne ! En revanche, je pense avoir évolué dans ma manière d'aborder les gens, de faire connaissance avec eux en commençant déjà par apprendre à retenir leurs noms et prénoms ! Mais aussi en cherchant à établir un lien. Mieux à en découvrir un, direct ou indirect — comme avec cet étudiant suisse.

Y-a-t-il un équivalent au CCIC en Autriche ?

Theresa Bartinger : Des colloquants m'ont posé la question. La réponse est non, autant que je sache. J'ignore donc si je pourrai revivre cette expérience dans mon propre pays. Mais j'en garde l'espoir.

C'est un lieu où on peut faire l'expérience unique, dans la durée d'un colloque de plusieurs jours, de se confronter à l'altérité au travers de ces colloquants qui viennent des quatre coins de France et même de l'étranger, de différentes disciplines ou professions, de différentes générations et qui pratiquent des langues différentes, qu'elles soient maternelles, professionnelles, disciplinaires… On apprend en conséquence à y avoir des "égards ajustés" (selon la formule du philosophe Baptiste Morizot). Ces propos font-il sens pour vous ?

Theresa Bartinger : Oui, je suis tout à fait d'accord et sensible à cette idée de prendre en considération toutes les langues : étrangères, mais aussi universitaires, professionnelles et autres.

Propos recueillis par Sylvain ALLEMAND
Secrétaire général de l'AAPC